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Cirad
LES CLÉS D’UNE MEILLEURE AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE EN MARTINIQUE
Comment renforcer l’autonomie alimentaire en Martinique ? Une question qui en cache bien d’autres, et dont les réponses mobilisent le concept de systèmes alimentaires. Explications et exemples d’application en Martinique.
De la fourniture d’intrants à la consommation, en passant par la production, la collecte, la transformation et la distribution, un système alimentaire englobe toutes les étapes composant des chaînes de valeur.
Les systèmes alimentaires sont, d’une part, conditionnés par des moteurs interférant avec une variété d’acteurs et de flux de denrées : l’environnement biophysique et environnemental, les dynamiques territoriales, les infrastructures et technologies, les politiques publiques et la gouvernance, la démographie et d’autres facteurs socioéconomiques. D’autre part, ces systèmes produisent des impacts, à la fois sur l’environnement, l’équilibre territorial et l’équité, la santé, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et ont également des conséquences socioéconomiques.
UN CONCEPT À L’INTERFACE DE NOMBREUSES DISCIPLINES
L’analyse des systèmes alimentaires d’un territoire nécessite de cerner les freins, les leviers à la production et les comportements des consommateurs.
Elle sollicite des compétences multiples : en agronomie, en écologie, en sciences des aliments ou en hydrologie pour connaître le système productif du territoire ; en économie pour caractériser les relations d’échanges entre les différents acteurs ; en nutrition pour aborder la consommation ; en sociologie et en anthropologie pour analyser les comportements des acteurs.
L’étude de ces systèmes repose sur des données qualitatives et quantitatives collectées sur le terrain via des enquêtes, entretiens et analyses statistiques.
Le rôle de chercheurs tels que Sandrine Fréguin-Gresh est essentiel pour décoder ces dynamiques complexes et ainsi mieux cerner les leviers d’action pour renforcer l’autonomie du territoire

Les recherches sur les systèmes alimentaires menées au Cirad jouent un rôle déterminant, en lien avec les différents acteurs. Accompagner l’innovation organisationnelle des acteurs du territoire par la conception de scénarios prospectifs ou engager des discussions avec l’État et les élus locaux pour mieux répondre aux attentes des professionnels et aux besoins du territoire sont autant de missions assumées par le Cirad, qui œuvre en partenariat avec les collectivités locales, les instituts techniques, les financeurs, ainsi que les consommateurs,
les producteurs, les distributeurs et les transformateurs. L’objectif étant d’élaborer des solutions adaptées aux contextes spécifiques des outre mer.
INTERVIEW
SANDRINE FRÉGUIN-GRESH, ÉCONOMISTE AGRICOLE ET GÉOGRAPHE RURALE AU CIRAD, À L’UNITÉ MIXTE DE RECHERCHE ART-DEV EN MARTINIQUE

• Comment vos travaux de recherche aident-ils à mieux saisir la question de l’autosuffisance alimentaire en Martinique ?
- Dans le cadre de l’objectif d’autonomie alimentaire au sein des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) à l’horizon 2030 annoncé par Emmanuel Macron, le ministère des Outre-mer et l’AFD ont confié au Cirad une étude transversale et par territoire, pour mieux comprendre les freins et les leviers à l’autosuffisance alimentaire dans les DROM.
Publié en 2021, ce rapport basé sur l’expertise de nombreux contributeurs, dont le Cirad, a été poursuivi en Martinique par des recherches sur l’approvisionnement en denrées agricoles locales dans la restauration collective. Ces résultats seront utiles à la Collectivité territoriale de Martinique pour surmonter les divers obstacles identifiés.

• Quels sont les leviers à actionner pour renforcer la production alimentaire locale ?
- Cet état des lieux sur les systèmes alimentaires ultramarins réalisé en 2021 nous a permis de dégager sept leviers essentiels, dont certains doivent répondre à des enjeux majeurs comme l’étalement urbain, qui réduit les surfaces cultivables, dans un contexte de pollution diffuse des sols limitant la possibilité de produire local et sain en Martinique.
Le levier de l’alimentation est aussi central, au regard des problématiques de santé publique affectant les populations antillaises : surpoids, obésité, diabète, cholestérol, hypertension, etc.
Par ailleurs, le soutien équitable entre les différentes filières agricoles reste un grand défi, qui nécessite des politiques publiques adaptées pour promouvoir un développement durable et résilient.
• Vos travaux actuels portent sur les comportements alimentaires liés à la transition protéique des jeunes adultes. De quoi s’agit-il ?
- Nous avons lancé en 2024 un nouveau projet financé par l’ADEME et l’ARS, appelé « Maracudja », basé sur l’économie expérimentale, pour mieux comprendre l’environnement alimentaire et les facteurs de choix en faveur de la consommation de protéines végétales chez les jeunes.
Les résultats permettront de proposer des recommandations aux acteurs publics pour accompagner cette transition alimentaire, dans un contexte de surconsommation des produits d’origine animale qui affectent à la fois la santé, mais aussi l’environnement.