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Polynésie française
L’ÎLE DE TAHITI VEUT PRÉSERVER SA « TERRE SAUVAGE »
Sauvage elle est, sauvage elle entend bien rester… La Presqu’île de Taiarapu ou Tahiti Iti, littéralement le « Petit Tahiti », est rattachée au reste de Tahiti par l’isthme de Taravao. On y trouve le Fenua ‘Aihere, « terre de brousse » et ultime espace encore sauvage de l’île.
La Presqu’île est partagée entre les communes de Taiarapu-Est et Taiarapu-Ouest et couvre environ 25 000 hectares. Les célèbres falaises du Te Pari, qui nécessitent d’anticiper le flux et reflux des vagues pour les franchir, constituent la frontière entre les deux sections de commune. Géologiquement, avec seulement 800 000 ans, la Presqu’île est le cône volcanique le plus récent de Tahiti, le premier affichant 1,8 million d’année. Sa partie est, au-delà de Teahupo’o et Tautira, s’appelle le Fenua ‘Aihere, refuge de la biodiversité, uniquement accessible en bateau. C’est la « terre aimée des dieux », ou fenua here hia te atua, comme l’appellent les anciens en tahitien. C’est aussi, dans le langage moderne, « the end of the road »…

La Presqu’île abrite des terres domaniales mais aussi beaucoup de propriétés privées, occupées ou pas, détenues par de grandes familles de Tahiti. « Plusieurs fois, il y a eu des projets pour prolonger la route, mais nous nous y sommes toujours opposés » relate Annick Paofai, gérante d’une pension de famille très réputée auprès des surfeurs et présidente de l’association de défense du Fenua ‘Aihere. « La dernière fois, nous avons porté l’affaire devant le tribunal administratif de Papeete qui nous a donné raison ».
NI ROUTES, NI PYLÔNES
La dernière polémique a concerné le projet d’installation de pylônes par l’Office des postes dans cette zone sauvage, mais à nouveau les propriétaires ont refusé l’installation de ces antennes-relais pour la téléphonie mobile.

« L’association a écrit aux autorités, aux opérateurs. J’ai moi-même proposé que l’on installe l’antenne sur une butte de 85 mètres de haut près de la pension Bonjouir, ce qui en plus aurait coûté beaucoup moins cher. Jamais de réponse… », regrette Annick Paofai. Elle semble toutefois plutôt rassurée puisque les politiques semblent aussi vouloir préserver cette zone sauvage. Édouard Fritch, l’ancien président du Pays pendant deux mandats, et Moetai Brotherson, le nouveau président indépendantiste, se déclarent opposés à l’édification de grands pylônes au Fenua ‘Aihere.
Annick Paofai milite pour que le Fenua ‘Aihere soit classé parc naturel et protégé comme tel. « Le fenua ‘Aihere est un lieu très puissant où l’on ressent le mana, ce pouvoir, cette force de la nature, dans la roche, les marae [anciennes plateformes cérémonielles], la végétation, la pluie, les arcs-en-ciel », témoigne Annick Paofai. Selon elle, les surfeurs venus de l’étranger pour chevaucher la vague de Teahupo’o sont tous « très impressionnés » par cette force qui se dégage des vallées, qui hébergent d’ailleurs une importante flore endémique. « Je préside l’association de défense du Fenua ‘Aihere depuis longtemps et je n’y vais pas par quatre chemins, les gens le savent ! », s’amuse Annick Paofai. « Mais au final, tout le monde me félicite quand je fais le gendarme… »

LES COMMUNES DE L’EST DE TAHITI FAVORABLES AU PARC NATUREL
La Communauté de communes Terehēamanu réunit cinq communes rurales et périurbaines de l’est de l’île de Tahiti : Papara, Teva I Uta, Taiarapu-Ouest, Taiarapu-Est et de Hitia’a O Te Ra, composées ellesmêmes de 13 communes associées. Avec plus de 53 000 habitants, cette intercommunalité représente 24,5 % de la population de Tahiti et occupe plus de 70 % de son territoire.


« La biodiversité et sa préservation sont des sujets que les membres de la Communauté de communes veulent inscrire dans le développement du territoire, grâce à une faune et une flore terrestre et marine encore exceptionnelles », explique Jean-Yves Meyer, biologiste et expert en conservation, restauration et invasions biologiques dans les îles. Grâce au r ā hui, c’est-à-dire à l’interruption temporaire de pêche, la nature a pu reprendre ses droits au Fenua ‘Aihere, à Teva I Uta, Papara et à Tautira. Le Schéma directeur d’assainissement des eaux usées intégrera les zones sensibles qui incluent les plages et les rivières de Tereheamanu.
La création d’un parc naturel sur Tahiti Iti, prévue au titre du Schéma d’aménagement général de la Polynésie française (SAGE) est une opération que soutient la Communauté de communes et à laquelle elle souhaite être associée.