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IFRECOR

L’ÉTAT DES RÉCIFS CORALLIENS ET DES MANGROVES DE MAYOTTE APRÈS CHIDO ET DIKELEDI

En l’espace d’un mois, Mayotte a été frappée par le cyclone Chido puis par la forte tempête Dikeledi, faisant des dégâts humains considérables, et touchant durement les écosystèmes de l’île, dont les récifs et les mangroves. Bilan trois mois après ces événements extrêmes.

PREMIERS CONSTATS ET PERSPECTIVES POUR CES ÉCOSYSTÈMES FRAGILES

Globalement, les observations révèlent une assez forte hétérogénéité de l’état des écosystèmes de l’île, avec des sites dévastés et d’autres plus préservés, suivant leur exposition. Quant aux récifs coralliens et aux mangroves, il semble que les côtes est et nord de l’île aient été plus impactées, mais cela reste une tendance, comme pour les environnements terrestres.

Alors que les mangroves, dont les feuilles ont parfois été arrachées par des vents de plus de 220 km/h, commencent à reverdir avec les pluies, la question de la résilience des écosystèmes et de l’éventuelle restauration écologique se pose au sein du territoire. Les acteurs de l’environnement refusent de céder à la panique et adoptent un suivi accru des milieux, en privilégiant une restauration passive, c’est-à-dire en limitant au minimum l’intervention humaine pour laisser la nature reprendre ses droits.

Mangrove après le passage du cyclone tropical intense Chido, puis de la tempête tropicale Dikeledi.
© Créocéan

TÉMOIGNAGE

YOAN DOUCET, CHEF DE SERVICE INGÉNIERIE AU PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE - OFB

Yoan Doucet
Au Parc naturel marin de Mayotte, nous avons eu de nombreuses pertes matérielles et avons dû faire face à de grandes difficultés, notamment pour nous déplacer sur l’île et en mer. Nous avons donc décidé de mobiliser nos efforts sur le recueil des constats de l’ensemble des acteurs du territoire pour avoir un premier aperçu global des dégâts causés par Chido et Dikeledi sur les écosystèmes marins et côtiers.
Nous réalisons aujourd’hui nos suivis habituels, que nous avons adaptés à la situation, pour préciser l’état de santé des récifs et herbiers. En ce qui concerne les mangroves, nous attendons les résultats du suivi mené par Lisa Macera [voir l’encadré page suivante].
La priorité est d’évaluer les dégâts pour pouvoir adapter nos mesures de gestion et de surveillance afin de réduire les pressions sur les milieux, principaux freins à leur régénération.

INTERVIEW CROISÉE

GABRIEL BARATHIEU, PRÉSIDENT DE DEEP BLUE EXPLORATION, ET MANRIFA MOUSTOIFA ALI, CHARGÉ DE MISSION BIODIVERSITÉ OCÉAN INDIEN, AU COMITÉ FRANÇAIS DE L’UICN

Gabriel Barathieu
Manrifa Moustoifa Ali
• Comment évaluez-vous les dégâts après Chido et Dikeledi, respectivement sur les récifs coralliens et les mangroves de Mayotte ?

Gabriel Barathieu - Deep Blue Exploration, qui a reçu le prix coup de cœur de la Palme IFRECOR 2024, a une bonne connaissance du terrain. Nous avons ainsi pu réaliser une première évaluation dès fin décembre. Les tendances sont très variables, mais montrent sur certaines zones jusqu’à 50 % de casse, sachant que l’épisode de blanchissement d’avril 2024 avait déjà entraîné jusqu’à 80 % de mortalité par endroits.

Manrifa Moustoifa Ali - Le Pôle-Relais Zones Humides Tropicales, partenaire de l’IFRECOR, fait partie du « Comité des mangroves ». Après une analyse de terrain, nous avons à présent une idée générale de l’état des mangroves de Mayotte. Toutes ont été touchées par Chido et Dikeledi, de manière non homogène, mais ce sont a priori les arrière-mangroves, dotées de peuplements d’arbres très hauts, qui ont subi les impacts les plus considérables.

Récif corallien photographié après ces événements climatiques.
© Gabriel Barathieu / Deep Blue Exploration
• D’après vous, la résilience de ces écosystèmes suffira-t-elle à leur régénération ou faudra-t-il envisager des actions spécifiques ?

Gabriel Barathieu - À Mayotte, les récifs coralliens se portent relativement bien et ont déjà connu ce genre de phénomènes traumatiques par le passé. Chido a par ailleurs permis de broyer les colonies déjà mortes et de faire place nette pour de nouveaux coraux. Les récifs coralliens, si la pression anthropique reste limitée et maîtrisée, devraient par conséquent pouvoir se régénérer seuls s’ils en ont le temps, à savoir si aucun autre phénomène climatique comme un cyclone ou un épisode de blanchissement ne vient frapper Mayotte ces prochaines années.

Manrifa Moustoifa Ali - Nos mangroves sont très résilientes et en capacité de se reconstituer seules, mais les activités anthropiques comme la pression agricole pourraient nuire à cette régénération naturelle. Nous aurons donc besoin de matérialiser la limite entre zones naturelles et agricoles, et aussi d’initier des actions de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, qui vont profiter des espaces ouverts pour se développer.

Lisa Macera

ÉVALUER L’ÉTAT DE SANTÉ DES MANGROVES POST-CYCLONE

Nous avons développé, avec l’Université de Mayotte, et grâce au soutien de l’IFRECOR, une méthode d’évaluation rapide de l’état de santé des mangroves de Mayotte, post-Chido et Dikeledi. Ce protocole a été déployé en février et nous poursuivons les mesures avec les gestionnaires locaux. Les résultats seront disponibles en fin d’année

souligne Lisa Macera, experte des écosystèmes de mangroves, chercheuse postdoctorante à l’Université de Mayotte et à Créocéan océan Indien.

Les colonies déjà mortes depuis quelques mois ont été réduites à l’état de débris, et ce jusqu’à environ -10 mètres.
© Gabriel Barathieu / Deep Blue Exploration
À N’Gouja le 2 janvier 2025.
© Gabriel Barathieu / Deep Blue Exploration
Rédaction et interview : Lucie Labbouz
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