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Ministère de la transition écologique

EN MATIÈRE DE GESTION DE L’EAU À MAYOTTE, IL EST URGENT D’AGIR !

Depuis 2023, Mayotte connaît une crise de l’eau inédite, en partie due à la sécheresse et à un manque d’infrastructures locales adaptées. Après plusieurs années de concertation, le Département de Mayotte s’est récemment doté d’un Office de l’Eau (ODE).

DES BESOINS EXPONENTIELS

En février, le Comité de suivi de la ressource en eau élargi alertait sur le fait que le taux de remplissage en eau des deux retenues collinaires de Mayotte, situées à Combani et Dzoumogné, était inférieur à 50 %, en comparaison de 100 % l’année dernière. Cette saison des pluies 2024-2025 n’ayant pas suffi à les alimenter.

Aujourd’hui, la production d’eau potable à Mayotte, qui est de 38 000 m3/jour – sans compter les pertes dues aux fuites d’eau, évaluées à 11 000 m3/jour – ne couvre pas les besoins du territoire mahorais, estimés quant à eux à 45 000 m3/jour. Qui plus est, face à la forte croissance démographique qui caractérise l’île, la demande en eau ne va cesser d’augmenter, avec un besoin supplémentaire estimé, pour chaque nouvelle année à venir, à 2 500 m3/jour.

Le 15 avril, signature de la convention de partenariat entre les ODE Mayotte et Réunion, en présence de la ministre Agnès Pannier-Runacher. « Le tout jeune Office de l’Eau Mayotte permet d’avoir une vision du territoire au service du territoire ! », déclare Mohamed Issouf.

DES PROJETS SOUS-DIMENSIONNÉS

Pour remédier au déficit structurel d’eau potable sur l’île, le projet de construction d’une troisième retenue collinaire à l’Ourovéni, sur une surface de 65 hectares et dotée d’une capacité de stockage de trois millions de mètres cubes d’eau, devrait sortir de terre à l’horizon 2030. Le barrage de l’Ourovéni constituerait ainsi la principale réserve d’eau brute de l’île, complétant de manière indispensable les volumes stockés dans les retenues de Combani et Dzoumogné. Par ailleurs, la perspective de bâtir une seconde usine de dessalement pour Mayotte à Ironi Bé devrait permettre de générer une capacité de production supplémentaire de 10 000 m3/jour.

Mais en attendant la concrétisation de ces projets, le territoire reste toujours limité en termes de réponse à fournir à la population. Il devient donc urgent d’agir !

INTERVIEW

MOHAMED ISSOUF, DIRECTEUR DE L’OFFICE DE L’EAU DE MAYOTTE

Mohamed Issouf
• Comment est né l’Office de l’Eau de Mayotte ?

- À la fin de l’année 2000, près de 35 ans après l’instauration des Agences de l’Eau en métropole, la loi d’orientation pour l’outre-mer créait, dans les DOM, les Offices de l’Eau, établissements publics rattachés aux départements. À Mayotte, il aura fallu attendre octobre 2024, pour que l’Office de l’Eau soit créé. Sur l’île, la crise de l’eau de 2023 a en effet montré qu’il manquait un opérateur local pour atteindre les objectifs fixés par le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), et qu’il n’existait pas d’acteur dédié au grand cycle de l’eau.

• Quelles sont vos missions ?

- Ce sont celles, classiques, d’un Office de l’Eau : formation, information, accompagnement des collectivités locales, programme pluriannuel d’investissement sur l’eau et coopération internationale. Nous allons travailler sur le grand cycle de l’eau, le petit cycle de l’eau étant du ressort du syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (LEMA). On distingue en effet le grand cycle de l’eau, qui a cours depuis que la Terre existe, et le petit cycle, qui inclut captage, traitement, distribution et assainissement. Nous allons ainsi nous concentrer sur des missions d’entretien, de restauration, de reconquête des cours d’eau et de la biodiversité aquatique, sur le renforcement des berges, la mobilisation des eaux non conventionnelles, comme les eaux de pluie. Nous allons faire en sorte que les foyers aient la capacité financière d’investir dans des systèmes de récupération d’eau de pluie pour un usage non alimentaire, afin de diminuer la pression sur le réseau.

• Un partenariat a été noué avec l’AFD ?

- Oui, et ce partenariat financier va nous permettre de lancer une étude pour évaluer l’impact de la perte de végétation liée au déboisement et au cyclone Chido. Nous pourrons alors modéliser ce qu’il va se passer dans les prochaines années. Une seconde étude, elle aussi financée par l’AFD, montrera comment mobiliser les eaux usées traitées, les eaux atmosphériques, ou encore les eaux de toiture, le gisement que cela représente, les moyens techniques et financiers nécessaires... Car ces eaux non conventionnelles pourraient avoir un usage, non alimentaire, industriel et agricole

Par ailleurs, un autre partenariat est également en cours de construction, grâce aux discussions ouvertes le 3 avril entre Nadjayedine Sidi, président délégué de l’Office de l’Eau Mayotte et Jean-Luc Chailan, vice-président de Nîmes Métropole.

• L’Office de l’Eau Mayotte va fonctionner avec une redevance en eau payée par les usagers ?

- Aucune redevance ne sera appliquée pour les trois premières années. Charge à nous de trouver des sources de financement. Le Conseil départemental de Mayotte nous apporte son soutien financier sur le fonctionnement de l’établissement. Au bout de trois ans, la situation nous permettra de mettre en place une redevance pour soutenir notre plan d’actions.

• Des projets avec l’ODE Réunion ?

- L’Office de l’Eau Réunion est un partenaire clé avec lequel nous travaillons depuis la préfiguration de notre structure. Le 15 avril, nous avons signé une convention de partenariat officialisant notre collaboration en présence de la ministre de la Transition écologique et énergétique, lors de sa visite à Mayotte. Nous allons nous appuyer sur l’expertise réunionnaise et profiter de retours d’expériences, pour être opérationnels le plus rapidement possible.

• Expliquer à la population la valeur de la ressource en eau, c’est aussi votre vocation ?

- La gestion de la ressource en eau ne concerne pas uniquement les acteurs institutionnels. Pour relever ce grand défi de l’eau, nous devons absolument réussir à embarquer la population mahoraise dans les actions qui seront mises en œuvre !

Rédaction et interview : Sandrine Chopot
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