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Guyane

SOLICAZ TENTE DE RELEVER LE DÉDI ENVIRONNEMENTAL DE L'APRÈS-MINE

La relance minière française, dans un contexte d’effondrement de la biodiversité, pose la question de notre capacité à restaurer les sites miniers. En Guyane, territoire identifié comme stratégique au niveau national, l’entreprise Solicaz travaille le sujet depuis plus de 15 ans, avec des résultats prometteurs.

Alors que la France et l’Union européenne accélèrent leur relance minière, considérée comme indispensable pour des questions de souveraineté, notamment en matière de transition énergétique, la Guyane pourrait bien devenir un territoire des plus stratégiques.

Le département français d’Amérique du Sud et son sous-sol, vieux à certains endroits de plus de deux milliards d’années, est le seul territoire ultramarin à avoir été ciblé par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans le cadre de l’actualisation de son inventaire minier, lancé le 20 février et qui doit durer cinq ans.

UNE ANCIENNE START-UP GUYANAISE

Le potentiel non aurifère du département reste mal connu, mais des gisements en colombo-tantalite, où l’on trouve du tantale et du niobium nécessaires aux superalliages, ont déjà été identifiés et même partiellement exploités après la Seconde Guerre mondiale.

Des indices forts existent aussi pour le lithium, essentiel à la confection des batteries, tandis que le BRGM a déjà relevé une série d’anomalies susceptibles de révéler des gisements en manganèse, en cuivre, en nickel ou encore en platine. Si l’exploitation à grande échelle est encore une perspective très lointaine, l’effondrement rapide et généralisé de la biodiversité pose déjà la question des conséquences environnementales d’une telle activité sur un écosystème forestier, considéré comme parmi les plus riches et les mieux préservés du bassin amazonien.

Or justement, en matière de restauration écologique, la Guyane ne manque pas, non plus, de potentiel.

« Les procédés ne sont pas encore à leur optimum et il existe toujours des scénarios où la restauration ne fonctionne pas. Mais ces dernières années, il est vrai que nous avons accumulé de nombreuses connaissances permettant de réduire l’impact des mines sur le milieu, à condition que toutes les parties s’impliquent très sérieusement, notamment au cours de la phase d’extraction », résume Élodie Brunstein, directrice générale de Solicaz. Cette entreprise, née comme start-up en Guyane en 2010, émane de l’Unité mixte de recherche (UMR) Ecofog, à Kourou et s’est spécialisée dans la restauration écologique. Elle travaille désormais avec des entreprises minières du monde entier.

Site minier trois ans après la revégétalisation (pois doux, palétuvier, carapa, tamarin de l’Inde...) mise en œuvre par Solicaz. L’ingénierie agroécologique a été au cœur de ce travail qui a consisté à restaurer la dynamique des écosystèmes en imitant les processus naturels, afin de rétablir les services écologiques. En effet, la forêt amazonienne joue un rôle planétaire de régulation des gaz à effet de serre via le stockage de carbone. De plus, elle est un immense réservoir de biodiversité et de production de ressources (bois, plantes médicinales…).
© Solicaz

RECRÉER UNE VIE MICROBIENNE

Concrètement, la société s’occupe de reforester les sites dégradés en privilégiant des espèces pionnières, et de réensemencer leurs sols à l’aide de microorganismes comme des bactéries ou des champignons, essentiels à la vie biologique du sol. Le tout en s’adaptant à la spécificité des écosystèmes locaux.

« Après une activité minière, les sols ont été complètement lavés, au point d’être presque morts. Notre objectif n’est pas de recréer à l’identique le milieu tel qu’il était avant d’avoir été perturbé, mais d’arriver à réenclencher durablement le cycle forestier », nous explique Élodie Brunstein.

L’entreprise constate alors des résultats souvent très rapides en s’appuyant sur plusieurs bio-indicateurs comme le retour de la faune – via des pièges photos – ou la diversité microbienne. « Nous sommes par exemple très attentifs au retour des communautés de fourmis adaptées aux milieux forestiers, par opposition à celles qui évoluent dans les milieux ouverts. Quand on voit certaines espèces revenir sur un site, cela veut dire que le cycle est en train de se réenclencher », poursuit cette ancienne conseillère technique agricole.

REDORER L’IMAGE DE LA MINE

Sur leur première expérimentation lancée en 2012 sur un ancien site d’or alluvionnaire près de Saint-Élie, les résultats ont été visibles au bout de six à huit ans, date à laquelle, déjà, des arbres de 20 mètres de haut recouvraient le sol autrefois excavé. Si l’activité minière, a fortiori industrielle, entraînera toujours une perturbation durable de l’environnement et si le risque de pollution, notamment aux métaux lourds, n’est jamais nul quelles que soient les précautions prises, ces nouvelles capacités de restauration écologique ayant fait leurs preuves d’un point de vue scientifique, apparaissent prometteuses. Pour les artisans miniers guyanais, la restauration des sites est une obligation légale, mais aussi une opportunité de redorer l’image d’un secteur écorné par les affaires de pollution environnementale. La dernière d’entre elles, Gold’Or, dont les faits remontent à 2018, vient d’être renvoyée devant la cour d’appel de Fort-de-France, suite à la décision du 1er avril 2025 de la cour de cassation, cassant la condamnation en appel de l’entreprise.

Pourtant, alors que la Guyane semble en passe de renouer avec sa longue histoire minière, Solicaz se développe pour l’instant essentiellement à l’international et déclare travailler seulement avec une poignée de miniers locaux.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset
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