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Guadeloupe
L'AVENTURE CAPR'ÎLES OU COMMENT RELANCER UNE FILIÈRE LAITIÈRE DURABLE
Éleveuse de chèvres passionnée, Nahuel Tournebize a pour projet de créer la première exploitation agricole de Guadeloupe spécialisée dans l’élevage du caprin créole et la transformation laitière. Amoureuse de son terroir, la jeune femme de 24 ans a à cœur de mener à bien cette mission en préservant la terre et les ressources naturelles.
INTERVIEW
NAHUEL TOURNEBIZE, INGÉNIEURE AGRONOME ET FONDATRICE DE LA FERME CAPR'ÎLES
• Pouvez-vous nous présenter votre parcours et la naissance de ce projet ?
- Tout a débuté en 2020, quand je suis partie faire mes études d’ingénieure agronome dans l’Hexagone. J’appréciais beaucoup mon cursus, mais j’aimais aussi avoir les mains dans la terre. Dans le cadre d’un cours, nous avons réalisé une sortie dans une chèvrerie, et ça a été un véritable coup de cœur ! Je me suis dit : « c’est ce métier que je veux faire ».
En Guadeloupe, il n’y a plus de production laitière depuis les années 80, alors, avant de me lancer dans cette création d’entreprise, j’ai voulu en apprendre plus sur le métier et visiter des exploitations dans des territoires où la culture du fromage de chèvre n’était pas ancrée. J’ai ainsi effectué une année de césure dans des chèvreries en Guyane et en Irlande pour comprendre le fonctionnement de ces exploitations et les stratégies commerciales et marketing mises en place. À l’issue de cette année, mon projet était affiné, mais j’avais de gros doutes quant à son acceptation en Guadeloupe. Sans compter que j’ai dû faire face à un certain nombre de préjugés étant jeune, femme et agricultrice… ce n’était pas gagné d’avance.
• Comment l’aventure Capr’îles a-t-elle ensuite vraiment démarré ?
- En 2023, j’ai créé l’entreprise Capr’îles et ai décidé d’éprouver mon projet en candidatant au concours de l’innovation agricole Agreen Startup. Je me suis alors rendu compte que les gens étaient intéressés par mon initiative et qu’elle répondait à une forte demande sur le territoire.
Le véritable tournant de l’aventure a été de remporter ce concours Agreen Startup, qui a médiatisé le projet et suscité un véritable engouement. Mon entreprise Capr’îles a également été lauréate du prix national « innovation » d’Agreen Startup, qui m’a été décerné au Salon de l’Agriculture en 2024 !

• Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet ?
- L’ambition est d’avoir une ferme de cinq hectares, avec une trentaine de chèvres, ouverte à tous et à toutes. Je souhaite développer à la ferme des actions d’éducation populaire comme l’accueil de scolaires mais aussi une ouverture au grand public, avec la présence de maisons d’hôtes adaptées aux séjours en immersion rurale.
Du point de vue agricole, l’idée est que la ferme soit la plus écologique possible : les chèvres seront mises quasi exclusivement au pâturage, les « déchets » issus de la filière laitière – « petit lait » – seront donnés aux cochons et aux poules, des chiens seront utilisés pour garder les troupeaux et éviter les engins lourds qui tassent les sols, et enfin les pâturages seront entourés de haies pour favoriser la biodiversité.
Tous les modules de la ferme – fromagerie, accueil… –seront hébergés dans des containers pour avoir une empreinte la plus minime qui soit sur les sols et les artificialiser le moins possible.
• Vous utilisez des chèvres guadeloupéennes ?
- C’est le cœur de Capr’îles ! J’ai pu étudier, au cours d’un stage à l’INRAE Guadeloupe, la génétique et la production laitière des cabris créoles et m’assurer de la viabilité de l’élevage avec cette race locale. De plus, cette espèce est menacée et cela compte pour moi de participer à sa sauvegarde. Et puis, c’est une race plus résiliente, adaptée à notre climat : je pourrai donc mettre les animaux dans les champs, minimiser la nourriture en granulés et les soins vétérinaires, ce qui sera un gage de qualité pour les consommateurs, en espérant obtenir à terme un label « bio ».
• Où en est le projet actuellement ?
- J’ai pu me procurer mes cinq premières chèvres et une partie du reste du troupeau m’attend ! Le prix « Agreen Start Up 2023 » m’a permis d’avoir l’accord de la Région Guadeloupe pour la mise à disposition d’un terrain. Le projet a malheureusement pris du retard, car le foncier n’est toujours pas disponible, ce qui empêche le déploiement de la ferme... Je croise les doigts pour que la situation se débloque au plus vite !