Quai des Dunes

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(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

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LE QUAIS DES DUNES [Sous-titre]

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Du même auteur Aux éditions Polymnie Antichambre de la Révolution Aventure de Noms Cave des Exclus Chagrin de la Lune Désespoir des Illusions Dialectique du Boudoir Disciple des Orphelins Erotisme d’un Bandit Eté des furies Exaltant chaos chez les Fous Festin des Crocodiles Harmonie des Idiots Loi des Sages Mécanique des Pèlerins Nuée des Hommes Nus Obscénité dans le Salon Œil de la Nuit Sacrifice des Etoiles Sanctuaire de l’Ennemi Science des Pyramides Solitude du nouveau monde Tristesse d’un Volcan Ventre du Loup

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Vices du Ciel Villes des Revenants

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MEL ESPELLE

LE QUAI DES DUNES

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Polymnie

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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

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[Dédicace]

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[PrĂŠface]

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Chapitre 1 Mardi 17. Jour J. J’étais dans les starting blocks et mon entrée fut très remarquée ; on me salua comme si j’étais dans la maison depuis des années et jamais je n’ai serré autant de mains de toute ma vie. Relax Mara ! Je me trouvais plutôt détendue dans le sillage de Ron. Je fus toutefois surprise de constater que je partageais le même espace de travail que celui de Chris et de Ron ; il s’agissait d’un open-space et de très peu d’intimité. Un gros fauteuil ergonomique derrière trois écrans et un poste téléphonique avec casque et micro-intégré. La NetCom m’ouvrait donc ses portes et je vis surgir de nulle part, une brune bien faite à la bouche en cul de poule. « Alors comme ça c’est toi la nouvelle ? —Laisses-nous travailler Vera, ce ne sont pas les vacances pour tout le monde, attaqua Ron sans lâcher son moniteur des yeux. (Et moi de la dévisager de la tête aux pieds. J’ai du souci à me faire avec cette plantureuse brune) —Oui c’est moi la nouvelle ! Mais il me semble qu’on se soit croisé au distributeur à café il y a une heure de cela ? Je pensais que nous n’aurions dès lors plus à nous dévisser et nous promettre une sincère collaboration ! » Ron se mit à glousser imité par Chris installé sur ma gauche. « Tu vois Meg, tu n’as plus le monopole des phrases qui font mouche ! Tu viens de trouver plus forte que toi. Ah, ah ! —Alors il faut sous-entendre que l’ambiance sur le plateau tiendra plus d’un ring de catch qu’un salon de thé ! Liev veut te voir Ron et d’après ce que je sais ce n’est surement pas pour te proposer un golf. Chris, tu

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manges avec nous ce midi ? Je vous ajoute tous deux dans la réservation ? —Non on croule sous les dossiers. On commandera pour manger sur place ! » Elle partit comme elle était venue et au dernier moment se retourna pour me mater. Echange de regard froid, voire glacial. Megan et moi ne serons jamais bonne copine et c’est tant mieux ! Cette Miss America est trop sûre d’elle et il suffit de la voir tortiller du cul pour s’en assurer. Ron partit, Chris se pencha vers moi. « Ron en a pour un petit moment avec ses comptesrendus alors si tu veux que je t’explique le fonctionnement en détail du logiciel, je suis ton homme. Qu’est-ce que tu as compris ou plutôt qu’estce que tu n’as pas saisi ? —Je suis opérationnelle Chris. Ron a eu le bon esprit de tout m’expliquer en amont. J’ai déjà des dossiers sous le coude. Mais si tu tiens à me rendre utile, briefe moi plutôt sur les collaborateurs du site. J’ai besoin de savoir sur qui je peux compter, cela me sera toutefois plus utile que cette bible inexploitable sur le who’s who. » Il roula vers moi et continua à voix basse. « Alors on va faire simple d’accord ? La pulpeuse brune que tu viens de vois passer c’est Megan. On l’appelle le Piranha ici et je te laisse deviner pourquoi. Avec elle c’est donnant-donnant, elle est très efficace et il faut s’attendre à aucune compassion de sa part parce que sans pitié et déterminer à faire régner l’ordre ici. —Oui j’aurai plutôt pensé au chaos. Ah, ah ! —On peut le dire aussi, d’où son surnom. Ensuite il y a Bart. Il est fiable mais ne lui confie rien de secret, il balance tout à Liev Hauser notre Executif Manager. Lui il ne faut pas le chercher. Il est comment dire…soupeau-lait. Il n’aime pas les faibles qu’il n’hésite pas à pousser à la porte. C’est un maniaque. Ceci dit on passe de bonnes soirées avec lui. Tu apprendras vite à le connaître. Ainsi il y a Hanks que tu as rencontré toute à l’heure. En lui, tu peux avoir confiance, il est

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réglo et tout le monde l’apprécie ici pour sa discrétion. » Sa main effleura ma hanche. Je fis celle qui ne remarqua rien. « D’accord, je tiens note. —Gale Spencer aussi c’est un bon. Il est loyal et ne te laissera pas tomber. On lui a proposé plusieurs fois un avancement mais il les a tous refuser. Lui ce qu’il veut s’est bosser et pas qu’on vienne le faire chier avec des responsabilités. Sa loyauté prend tout son sens quand il remarque une injustice. Les autres, tu peux les oublier. Ils triment comme des chiens, ne comptent pas leurs heures mais en dehors de cela on ne peut rien tirer d’eux. Surtout méfies-toi de Julia et Christy, de véritables commères tout comme Adam Curtis et William Hexley. Ils se tirent sans cesse dans les pattes et tous les jours se préparent un nouveau duel. —C’est cool. Merci pour ce bref topo. —Le plaisir fut pour moi. » Il recula sa chaise. Julia cette ravissante blonde aux lunettes très seventies me fixa avant de glisser un mot à Christy l’autre rouquine plus rougeoyante que son autre collaboratrice Lindsay. « Hey Chris, j’ai des places pour un match de baseball. Cela t’intéresse, questionna Gale en revenant à nous, frais comme un gardon. Tu y emmèneras ta belle, je sais qu’elle raffole des sports extrêmes ! —Si tu parles de ce qu’elle lui met au pieu, le sujet est clos, railla Ron en revenant dans le coin, les dossiers sous les bras. Tu sais toi la différence entre une autruche et une crêpe ? Non parce que Hauser vient de me la poser et je n’ai rien su lui répondre. —Qu’est-ce que tu peux être con parfois ! —Hey Chris ta condescendance me touche beaucoup. —Avec Liev il n’y a souvent pas de réponses à ses blagues ou alors elles sont connues de lui seul. Depuis le temps tu devrais le savoir ! A noter dans le palmarès des blagues sans queue ni tête de notre Executif manager préféré.

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—Et bien… la différence entre l’autruche et la crêpe c’est que l’autruche tu n’as pas besoin de la mettre sur le grill pour la sauter, répondis-je tout-de-go pour l’avoir déjà entendu de la bouche de mon crétin de frère. —Oh pas mal ! Bien trouvé ! Renchérit Ron. —Où est-ce que tu l’as sort Ron ? Demanda Gale à mon intention. —Et bien en général ce genre de blague se marie avec un bon gin ou un bon pétard. C’est ainsi qu’on les apprécie sur la côte ouest. Quoi d’autres ? Si tu as besoin Ron, je suis ton auxiliaire, répondis-je en souriant. Ce n’est pas comme si nous n’étions pas assez proches pour se confier l’un à l’autre. Ah, ah ! » Avant la pause-déjeuner je partis à la cafète. Elle est démente ici : minibar avec plein de café et de thé, canapés confortables collés contre la baie vitrée offrant une vue imparable sur le Financial district ; de grandes plantes vertes et des guéridons en aluminium avec leurs sièges hauts ; des revues posées sur les tables basses, des journaux économiques pour la plupart ; des distributeurs de friandises et des corbeilles de petits bonbons ; parquet flottant et tout ce qu’il faut pour ne plus avoir l’envie de partir. Il y a toujours du passage ici. Je pris un moka quand Christy fit son apparition. Elle est belle et immense, le genre grande plante que tous les gras rêveraient d’avoir chez soi. « Mara ? On s’est croisé ce matin et...euh. Je suis contente que tu ais intégrée l’équipe. Tu vas voir ici on forme une grande famille. On se connait tous depuis des lustres et tu vas vraiment te plaire ici, crois-moi ! Alors comme ça tu viens de Los Angeles ? —Oui je me tenais planquée là-bas. En fait j’ai pas mal baroudé avant de revenir ici. —Et tu connais Ron depuis combien de temps ? Comme c’est lui qui t’a fait entrer à la NetCom et comme tout le monde sait que les places sont très chères, je me demandais si toi et lui s’est sérieux. —Ecoutes Julia. Tu travailles pour la CIA ou le FBI, un truc dans le genre ? Non parce que, écoutes bien

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ce que je vais te dire : on est ici pour faire le même taf avec plus ou moins de succès et vois-tu ma vie privée ne concerne personne. Je pourrai t’envoyer chier ou m’abstenir de tout commentaire mais comme tu es une fille chouette qui réfléchit certainement très vite, je te mets en garde sur ce qu’on pourrait dire sur moi. —C’est un sujet délicat ? —Je te demande pardon ? Si je te disais qu’on avait dealé ensemble et braquer une banque. Tiens la National Bank par exemple ! Je tablerais que tu t’empresserais d’aller le crier sur les toits et c’est justement ce que je veux éviter parce que je cogne aussi très dur, tu saisis ? —Je ne sais pas pourquoi tu me prends de haut. Je veux juste parler avec toi. Tu es nouvelle et je veux que les choses se passent bien, mais si tu décides de prends tes collaborateurs de haut et bien tu risques de te trouver bien seule à la NetCom. Tu auras beau faire la fière, on risque vite de te trouver pathétique. —C’est peut-être mieux ainsi alors. On garde nos distances les unes avec les autres et on règle nos différends à l’extérieur. J’espère seulement que tu t’en remettras. » Chris a commandé du chinois à 0120 pour s’assurer que tout le monde aurait bien les crocs ; le local vidé de ses locataires, on pouvait dès lors manger sans avoir à communiquer avec le reste des offices. Qui plus est je venais de me mettre tous les filles du service sur le dos : Julia, Megan et Christie. Je savais comment traiter ce genre de concurrentes sorties des magazines de mode tel le prestigieux et mythique Vogue. « On fait quoi ce soir Chris ? C’est toi qui régale ? —Négatif, je vois Carrey ce soir. Mais demain je suis dispo. —Dispo hein ? Bientôt il va falloir prendre rendezvous. Je ne comprends pas pourquoi tu te marie aussi vite. Elle est en cloque ou bien ? Non parce que c’est si soudain. —Lâches-le avec ça Ron, déclara Gale. Tu comprendras quand tu seras amoureux et

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apparemment cela peut venir n’importe quand. C’est toi qu’il a choisi comme témoin et tu contestes ses choix. —Oui il faut bien que quelqu’un le raisonne. Et cette personne c’est moi. On se connait depuis l’université et je me dis que je pourrais tenter de l’en dissuader. Bon d’accord, il faut admettre que sa famille a de l’argent et le paternel est sénateur mais ensuite quoi ? Il quittera la firme pour aller rejoindre beau-papa et après avoir fait plein de petits bébés à cette Carrey il daignera reconsidérer mon objection. Ouais, j’ai di que je n’approuvais pas et je prépare actuellement le discours de noce. En fait on pourrait parler d’un requiem. » Apparut Liev, le sourire aux lèvres. « Il fait un temps magnifique et vous restez enfermés dans ce mausolée ? Un jour on vous enterrera vivant. Alors c’est quoi le débat les gars ? Vous avez tous un air suspect pour l’heure. Je ne suis pas censé me trouver là mais quand je vois ce que vous mangez (il plongea sa main dans la boite de poulet frit) J’aime bien quand vous faites rempart. Il y a un problème avec les comptes ? —Non Liev, on essaye seulement de raisonner Chris sur les sorties à venir, argua Ron les sourcils froncés. Assieds-toi et mange un morceau avec nous. » Il tira une chaise et s’installa près de moi ; il me dévisagea sans pudeur. « Est-ce que ça baigne pour toi Mara ? Tu sais si ces petits chieurs et fils-à-papa t’emmerdent tu as droit de venir te plaindre. Je récompense la délation au profit d’un bon climat social. Diviser pour mieux régner, c est mon crédo ça. D’ailleurs à ce sujet, lèves un peu le pied avec les filles. Elles n’apprécient guère la cruauté et j’en ai déjà assez avec leurs jérémiades. —D’accord, la délation. De toutes les choses à intégrer aujourd’hui j’avoue être en mesure de faire de mon mieux. J’espère ceci dit que vous récompensez les meilleurs délateurs du service parce qu’il vous en coutera un certain pourcentage sur salaire pour chaque nom communiqué.

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—Ok. J’organise un truc ce soir et je compte sur vous les gars et… Mara tu seras la bienvenue. Tu n’auras qu’à suivre Ron il connait l’adresse. » Une fois qu’il fut parti, Ron se mit à glousser. « Tu l’as bien mouché Milky, il ne va pas s’en remettre. Quand on aborde les questions de frics avec lui, il se met à se toucher. Là il va aller se branler en pensant au plaisir que tu lui as communiqué. Ben quoi je n’ai pas raison Gale ? Il bandait là. —Pourquoi es-tu toujours aussi cru ? —Pourquoi ? Milky me demande pourquoi ? Parce que tu lui fais son petit effet. Il n’arrête pas de te relooker depuis toute à l’heure et il faut vraiment avoir de la merde dans les yeux pour ne pas le remarquer. Il vient de te promouvoir au poste de la chieuse n°1 de l’office et Megan n’a pas été invitée chez lui avant la fin de sa période d’essai. Elisabeth actuellement en congé, cette autre fouteuse de merde a du faire ses classes. J’ignore s’ils ont couché ensemble mais elle occupe un bon poste non loin de son bureau. Lui il récompense non pas la délation qu’il exècre plus que tout au monde, mais l’ambition personnelle. —Si j’ai bien compris je n’aurais pas à coucher avec lui ? Rassures-moi. —Non mais il te faudra coucher avec moi. C’est comme ça que cela se passe ici. Je suis le mâle Alpha et si tu me donnes satisfaction cela se saura et tu seras promue. » Quel imbécile ! A côté de moi Chris s’agita avant de lui envoyer sa gomme au visage. « Contentes-toi déjà de t’enfiler Megan et ensuite on en reparlera. —Megan ? —Oui elle en pince grave pour notre Apollon, ajouta Gale en piquant dans ma box. Elle lui fait des yeux doux et quand l’occasion lui est donnée, elle vient se frotter à son entrejambe. Il y a une cagnotte en ce moment pour savoir si Ron passera à l’acte. Si tu te joins aux paris, la mise de départ est de vingt dollars. —Oui et bien je préfère attendre. Il me faudra plus de preuves que de simples attouchements. Je ne sais

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pas disons…un baiser volé ou une culbute aux WC. Plus de sensationnel. Ron nous a habitués à bien plus, n’est-ce pas Chris ? —On va dire qu’il a un peu perdu la main ces derniers temps. Avec l’âge il devient un tantinet trop cérébral. Il croit au grand amour, une belle romance écrite noire sur blanc avec de belles lettres calligraphiées. Notre serial-lover, j’ai le regret de te le dire s’est rangé. Jamais plus d’une à la fois et jusqu’à maintenant il tient la route. —Ah, ah ! Qui l’eut cru ? Ricanai-je tandis qu’il m’étudiait le rictus au coin des lèvres. Il me lança la gomme de Chris, ce qui me fit redoubler de plus bel. Non, mais je te félicite Ron ! Il n’y a pas si longtemps que cela tu ne croyais pas à tout cela. La romance tenait du mythe et l’amour sentimental a une légende urbaine. Ah, ah ! » Les autres revinrent par grappes. J’en profitai pour aller me servir un thé rejoignit par Chris. Quelqu’un avait mis un aria sur la station iphone et je m’installai sur l’un des guéridons. Immédiatement l’Aria fut changé par une musique de Pharrel Williams. « Tu comptes te rendre chez Hauser ce soir ? —Je pense que cela serait mal vu de refuser. Cela signifierait mon dédain pour les convenances. Tu ne crois pas ? » Il avait vraiment de beaux yeux. Nous avons couché ensemble à plusieurs reprises. Ron l’ignore mais on s’est envoyé en l’air. En fait si ! Il le sait puisque la première fois on le fit dans le même lit, un king size partagé à trois. J’ai joui, étouffant mes gémissements dans sa bouche. Une autre fois, on fit un truc à trois. On était sous l’emprise de substances illicites…Nous n’avons rien eu à envier aux acteurs porno. « Alors je vais tâcher de passer. —Ah oui ! Et que vais-tu de ta Carrey ? Moi je crois que ce n’est pas une bonne idée. C’est toi qui a choisi Chris. » Le ton prit était hargneux. On ne s’est jamais rien promis mais quand il me regarde comme il le fait actuellement ce n’était pas bon signe. Je ne la connais

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pas cette Carrey mais je tends à penser comme Ron : Chris se précipite à corps perdu dans ce mariage que l’on sait perdu d’avance. « Je suis content que tu sois là. —Mais je ne suis pas revenue pour toi, murmurai-je froidement. On n’est des collègues de travail et… » Je m’interrompis ; Megan venait d’entrer au milieu de Bart, de Curtis, de Hanks, d’Hexley et Julia et de Christy ; ils parlaient fort et chahutaient comme des ados après une bonne bière partagée dans un tripot ou autre endroit sordide interdits aux mineurs. Megan me lança un regard noir. Je souris d’une oreille à l’autre. « On a croisé Arthur et il a demandé après toi. Je lui ai dit que tu t’étais faite une nouvelle amie à la NetCom et il a été très surpris. As-tu bien mangé ? On peut dire que cela empeste la bouffe chinoise dans l’open-space. Qui a choisi le menu ? C’est juste pas possible et la clim ne suffira pas à faire partir l’odeur. —Tu pourras toutefois travailler dehors si l’odeur t’opportune. —Euh…tu as fini ton rapport sur la Nordenstein ? Je le veux sur mon bureau le plus rapidement possible ! D’accord ? » Cette dernière me dévisagea de la tête aux pieds. Si elle avait un gobelet rempli de café chaud elle me l’aurait jeté au visage ; elle tenta un sourire et leva le menton pour ne plus se concentrer uniquement sur Chris. « Tu sais bien que je fais tous dans les délais Chris. J’ai fini Nordenstein avant ma pause, tu n’auras qu’à le prendre. » Liev Hauser vivait un somptueux loft non loin de notre appartement. Si vous l’aviez vu vous seriez tombé de haut. Un beau loft de ce standing chiffrait à plusieurs millions de dollars. « Son père a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique, tu n’as pas à t’emballer excepté peut-être parce qu’il a fait Yale. Il n’a jamais manqué de rien et surtout pas de petites amies ! » Crut bon me dire Ron en me tenant le bras. A l’intérieur

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musique à fond et jolies mannequins déjà ivres dansant sur les tables devant un parterre de spectateurs indifférents à leurs charmes. « A vous voilà ! J’ai eu Chris au téléphone, il ne devrait pas tarder. Tu connais la maison Ron, alors fais comme chez toi ! » Après un verre de Gin je me sentis déjà bien et en pleine discussion avec un homme d’affaires, je surpris le regard de Hauser posé sur moi. Il ne fut pas long à nous rejoindre. « Est-ce que tout va bien Mara ? Où cette charmante personne travaille avec moi, toute fraîche débarquée de sa Californie natale après une expérience très réussie à Tokyo. —Oh Tokyo ? Vous parlez donc japonais ? —Oui. » Et l’autre me testa. C’est toujours pareil quand je dis parler Japonais ; les petits rigolos se sentent obligés de faire la conversation en nippon. « Comment s’est donc passé votre séjour sur la terre du Soleil levant ? —Plutôt réussi. Les Japonais sont plutôt chaleureux mais ne me demandez pas de jouer les geishas parce que je n’ai pas la tenue pour vous servir du thé et danser avec des éventails. Je manque d’agilité. Tout juste bonne à casser des verres» Et lui partit dans un éclat de rire bien sonore. « Ah, ah ! Elle est vraiment délicieuse, Liev ! Tenez ma carte pour le cas où votre salaire ne vous conviendrait plus à la NetCom. —Merci, mais pour le moment je suis bien où je suis ! —Ah, ah ! Vraiment délicieuse, mes félicitations ! Et bien je vous laisse, j’ai laissé mes amis du côté du bar. » Chris était là depuis un quart d’heure et il passa d’un groupe à un autre pour saluer. Quant à Ron il roucoulait à l’oreille d’une femme et vu la façon à laquelle il la regardait je pouvais me douter qu’il ne passerait pas sa soirée seul. J’étais heureuse pour lui, il avait besoin de faire retomber la pression. « Je te laisse, tu ne m’en veux pas ? Je vais aller fumer une clope ? » Et une fois dehors je me joignis à

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un groupe de fumeurs postés sur le perron. Ils parlaient de choses et d’autres. Difficile de se joindre à leur conversation. « Tu m’offres une cigarette ? —Je croyais que tu ne fumais pas ? —Il faut bien un début à tout. Tu n’as pas froid ? » Il me frictionna le dos et sa main s’arrêta sur ma nuque. Je comprenais pour quelles raisons Ron tenait tant à ce que j’ai le poste à la NetCom ; il voulait que je fasse capoter ce mariage parce qu’il savait la nature des sentiments de Chris à mon égard. J’aurai pu me sentir flattée mais l’eau avait coulé sous les ponts. Des nuits entières j’avais pleuré parce qu’il m’avait faite souffrir sans le savoir. Ses parents ne voulaient pas de moi ; la fortune de mes parents ne dépassait pas le million et puis ma mère était juive. Raison supplémentaire soulignée par son père pour ne pas m’épouser. Froidement je me dérobais à son étreinte. « Comment est cette Carrey ? Te rend-elle heureuse au moins ? Que fait-elle dans la vie ? —Elle tient une galerie d’art. —Je savais que tu trouverais une intellectuelle avec qui finir tes vieux jours. Une galerie d’art. Quand aura lieu le mariage ? —Est-on obligé de parler de cela ? —Cela te concerne directement et je suis ton amie. De toute façon je suppose que tes parents ne voudront pas que j’y assiste. Je suppose qu’ils ignorent que je suis à New York et toi tu ne tiens pas à le leur dire. Ah, ah ! Mais qu’ils se rassurent ! Il n’y a jamais rien eu de sérieux entre toi et moi, n’est-ce pas ? Chris je veux te l’entendre dire : on est bon pote et ce qui a peu se passer entre nous a un moment donné est révolu. —Tout à fait ! On est pote et je tiens à ce qu’on le reste. —Et bien voilà, ce n’était pas compliqué ! Alors ? Quand aura lieu ce mariage ? » Au boulot derrière mon écran je lorgnais du côté de Megan. Depuis une semaine elle se montrait prévenante car en plus d’avoir Ron, Chris et Gale dans ma poche, il faut ajouter Liev ; cela l’agace que je lui

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tienne tête, il ne sait pas trop quoi penser de moi : je suis cynique juste ce qu’il faut, autoritaire et féroce. Il a dit vouloir être honnête avec moi et pourquoi ne le serait-il pas ? il sort souvent de son bureau pour venir souligner un détail ou d’autre (comme s’il ne pouvait pas le faire par mails) et là, cherche à accrocher mon regard. « Hey Milky, tu dors ou quoi ? Questionna Ron en tapotant férocement sur son clavier. On doit finir avant d’aller déjeuner. Megan ! Viens là trois secondes…c’est quoi ça ? Moi je vais péter un câble ici. Je me vois entrain de reprendre ton dossier Maryland Gold et si tu n’es pas fichue de rentrer des données correctement, rentres chez toi parce que c’est su sabotage ! —Qu’est-ce qui t’arrive Ron ? Tu m’expliques ? Ce dossier d’abord ce n’est pas moi qui le traite. Liev l’a filé à Mara. Alors si tu as un truc à dire tu le lui transmets, elle est juste en face de toi ! » Elle recula sa chaise pour revenir près de Curtis. « Oui peut-être mais tu es la première à l’avoir eu en main. Tu vois là, c’est daté au 12 et c’est bien le numéro de ton poste qui apparait sur cet imprimé ! Je veux bien que tu passes la main aux nouvelles que je forme mais essayes de le faire proprement, on gagnerait en clarté et en efficacité ! » Il glissa sur ma droite, saisit mon crayon et entoura des chiffres ; soit une dizaine en tout. Il est beau quand il est contrarié ; son expression lui confère un air martial. Et puis j’adore quand il porte la barbe. Elle met en valeur ses belles lèvres ourlées. « Pousses toi un peu Mara, je vais t’expliquer deux ou trois trucs. On fait un boulot chiant et prenant. On voit défiler des chiffres toute la journée et notre objectif est celui de traiter les données le mieux possible. Tu es avec moi ou quoi ? —Oui je te reçois sept sur sept ! Mais fais vite, j’ai la tête sur le point d’exploser. » Il respirait fort. Souvent il pique des gueulantes et personne n’y échappait, pas même Gale pourtant si appliqué ; de quoi faire perdre la bonne humeur de nos

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collaborateurs. Je savais que les filles nous mataient sournoisement et Christy allait jusqu’à se déplacer pour s’approcher au plus près de notre table. Elle espionnait pour le compte de Megan ; celle-ci nourrissait un réseau d’espions oeuvrant pour la survie de la reine de la ruche, notre bimbo Miss America ! « C’est bon Ron j’ai saisi ! » Je quittai mon siège pour me rendre dans le bureau d’Liev. « Je té dérange pas ? Je peux rentrer ? —Oui Mara, je suis à toi dans une petite seconde… Assieds-toi s’il te plait ! Voilà, je t’écoute. Alors ? —Depuis ce matin je traite des dossiers erronés. Je veux bien me taper le travail des autres mais faites passer le mot pour que ces dossiers soient exploitables ! Je ne suis pas là pour servir de tampons et encore moins de souffre-douleur. Là six chiffres dont il m’est impossible de trouver l’origine…ici carrément dix chiffres ! Encore là…inexploitable ! L’ordinateur ne peut même pas résoudre ces algorithmes. Je suis obligée de les saisir manuellement avec mon pauvre petit cerveau. Au bout d’un moment il bloque. Trop d’infos tue l’info et je perds à chaque fois entre dix à vingt minutes pour refaire les calculs. —Si je t’ai donné ce travail c’est parce que je sais que tu en es capable. A Tokyo et à Berkeley tu as travaillé sur bien plus complexe, je ne vois pas conséquent où est le problème ! Il n’y a pas de problèmes n’est-ce pas ? Si tu te sens impuissante, tu passes la main à Welling, mais cela ne sera pas sans conséquences. Je te rappelle que tu es toujours en période d’essai. Tu sais combien il y a de gugusses qui postulent à la NetCom par jour ? Tous ont fait Harvard, Yale, Princeton, Berkeley alors je ne vois pas pourquoi je te garderais toi en dépit de leurs compétences et expériences multiples et variés ! —A toi de me le dire ! Je serais peut-être mieux payée à nettoyer les chiottes de la NetCom. Bien que cela ne soit pas dans mes attributs je pourrais relever le défi et m’en sortir haut la main.

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—Alors tu n’as plus qu’à poser ta démission ! —C’est envisageable oui, rétorquai-je avec insolence. Je veux bien encore continuer un jour ou deux sur ce problème de fonds mais je veux qu’ensuite Ron me forme sur la monétique. —Ah, ah ! Et tu penses en être capable ? —A Tokyo j’ai fait mieux/ J’avais pensé l’équivalent ici mais c’était me tromper. Je sais que c’est un travail harassant j’en ai conscience et je ne fais pas cela pour dénigrer le travail des autres cependant Ron et moi on travaille plutôt bien ensemble. Il te le confirmerait. La monétique ou bien…je me fais agent de nettoyage. A toi de voir ! » Un sourire apparut sur ses lèvres. « D’accord, je te donne deux jours pour finir ce que tu as à faire. Si tu ne m’as pas convaincu, tu prends la porte. » Je répondis à mon tours par un sourire et repartis. Deux jours. Je travaillais d’arrache-pied sans me laisser distraire par les autres. Tous les calculs firent traités avec soin. Pas question de sortir déjeuner ! « Tu devrais sortir prendre l’air avec les autres, s’inquiéta Chris. —Monétique. —Quoi monétique ? —Ron aura besoin d’aide en monétique. —Pourquoi fais-tu tout ça ? —Parce que justement je ne sais faire que cela. Je ne veux pas être à la traîne et devoir batailler ferme pour avoir de l’avancement. Si je me contente du strict minimum je perdrais en crédibilité. J’ai commandé japonais, tu manges avec moi ? —Non, je déjeune avec Liev. A plus tard et essayes de lever le pied quand même. » Il posa sa main sur mon épaule. Je ne sais que penser quand il me touche. J’ai mangé à 0230 et Ron à son retour me sauta dessus afin de me faire sursauter. « Comment dit-on en japonais : Rome ne s’est pas faite en un jour ? —Ne commence pas avec ça Ron ! Si tu avais tenu à le savoir tu aurais du prendre Japonais à l’université ! Il ne suffit pas de le baragouiner vite fait pour obtenir le numéro d’une séduisante asiatique, Ron ! C’est plus

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compliqué que cela sans parler de la calligraphie. Une chance que cela se rapproche de l’hébraïque dans sa complexité. —Si tu en parle, c’est toi l’experte ici. Nous on a pas ton talent, force de constater ! Tu as reçu mon sms ? Toi quand tu bosses, tu ne fais pas semblant ! (Il se rapprocha de moi pour n’être entendu que de moi seule) Ce soir je dine avec les Welling et la belle famille. —Et pourquoi tu m’en parles ? Tu es vraiment un fouteur de merde Ron ! Tout ça pour que je n’y suis pas invitée et que je vais passer ma soirée seule devant ces putains de chiffre à essayer de donner un sens à mon emploi ici. —Tu es contrariée ? —Je ne connais pas cette Carrey et je ne la connaîtrais peut-être jamais. Tout ce que je dois savoir d’elle je le tiens de toi et j’en reste là. De toute façon je n’ai pas mon mot à dire ! —Viens, on va aller prendre un café ! » Je le suivis à la cafète et debout derrière le guéridon je mâchouillais ma cuillère sans lâcher Ron des yeux. Curtis nous prit la jambe puis voyant que Ron n’était pas réceptif à son humeur partit avec le reste de la bande. « Tu es contrariée ou quoi ? —Est-ce utile pour toi de le savoir ? —Ben ouais, tu es ma meilleure pote. Je vois bien que tu es contrariée et moi cela me chiffonne. Il a encore des sentiments pour toi et tu vas sûrement pensé que je suis machiavélique mais Carrey ne le mérite pas. Elle est chiante à mourir, c’est une vraie garce. Le mariage c’est son idée pas la sienne. Welling est plein aux as et elle ne voit que cela : sa fortune personnelle et elle le tient par les couilles parce qu’elle a flairé en lui l’homme fragile, déboussolé et déçu par la vie. Si tu estimes Chris comme je l’estime tu devrais aller le voir et lui dire de ne pas le faire. » Je soufflais profondément. En Californie je n’avais pas toutes ces histoires à gérer. Seulement une mère un peu rasante, égocentrique et arriviste ; ma mère

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était tout sauf reposante bien qu’adepte du yoga et de la sophrologie. Toujours est-il qu’elle s’était trouvée là pour me consoler et m’encourager à passer à autre chose. J’ai profité de ses relations au Japon pour me tirer le plus loin possible de Chris et voilà que Ron ressortait mes vieux démons. « Il va commettre la plus grosse erreur de sa vie avec cette sorcière. —Tu ne crois pas que tu exagères un peu ? Ce n’est pas un môme et il a fait le choix de se fiancer et… » Le voilà qui apparut en compagnie de Paula. Oh, non il ne manquait plus qu’elle pour parfaire ce tableau manichéen : les forces du mal contre les forces du bien ! Notre médiateur en tailleur noir et peau hâlée venait encore peser le bien et le contre. Je savais qu’elle connaissait Carrey H. Williamson. « Une bonne amie de la mante religieuse » d’après Ron. « Coucou vous deux ! On dirait toujours que vous complotez. Vous avez beau être les meilleurs amis du monde il devient difficile voire impossible de rentrer dans votre étroit cercle. Cela ne te dérange pas que je t’emprunte Ron ? On doit vraiment s’entretenir avant le briefing. —Oui je te suis. La pause avec moi ne dure jamais longtemps. » Seule avec Chris, je fixais mon gobelet. « Liev dit que tu as l’intention de démissionner ! —C’est du chantage. Un travail psychologique et tu en connais les raisons. Tu devrais savoir que nous autres juifs avons le sens du commerce et de la négociation. —On se retrouve ce soir au Waldorf Astoria. Une petite réception et tu y seras la bienvenue ! » Nouveau soupir. Je passais la main dans mes cheveux avant de soutenir ma tête de ma main. « J’en ai parlé à Carrey et elle est tout à fait pour l’idée de te rencontrer. —Pffff ! Je n’ai rien à faire au Waldorf ! C’est pompeux et j’imagine qu’on me laissera à la porte quand on saura qui je suis. Ecoutes, Chris. J’apprécie tous les efforts que tu fais pour me faire accepter

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dans ton Club de riches milliardaires mais ma réponse est non ! Mille fois non et je te demande de ne pas insisté au nom de notre amitié ! » Le lendemain à 0914 précises j’allais porter mes rapports à Liev et vidée tant par le travail que par le fait de la petite soirée au Waldorf je partis me réfugier à la cafète à 1015. Je savais à quoi ressemblait Carrey. Ron crut important de me montrer les clichés de la soirée et je ne sais pourquoi mais…voir son visage fut un électrochoc. C’est une jolie blonde, un peu froide mais diablement jolie avec des grands yeux de chat et sur les photos, elle dévorait Chris des yeux. Elle rayonnait ; on la sentait heureuse et en grande complicité avec le photographe du moment : leur témoin à venir. Ils allaient se marier dans à peine quatre mois… Liev entra dans ce lieu de détente, prit son café pour me rejoindre. « J’ai jeté un œil sur tes rapports et si c’est vraiment ce que tu veux, j’en parerai à Ron pour te former. En contrepartie de quoi je veux que tu te montres discrète sur cette nouvelle attribution. Pas utile de le crier sur le toit, j’en ai assez des jérémiades des autres pintades du plateau. Briefing dans moins de dix minutes ! » Après le briefing nous rejoignîmes nos respectives places quand Megan rua dans les brancards. « wOUAH ! Félicitations Mara te voilà promu à la monétique et cela à une semaine de ton entrée ici ! C’est quoi ton secret ? Non parce qu’apparemment il ne suffit plus de faire les yeux doux à Hauser pour vouloir se montrer indispensable. —Si je t’en parlais cela ne serait plus un secret de réussite. —Oh, va donc t’assoir Meg ! Tonna Ron. Ce n’est pas une cour de récré ici ! Toute peine mérite salaire et si tu avais forcé un peu tu serais passée à la monétique toi aussi. Il faut seulement le vouloir, tu ne crois pas ? » Julia leva le nez de son PC imitée par Christy. Toutes deux, la bouche grande ouverte attendaient la

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réaction de Megan, reine du podium détrônée par une nouvelle rivale plus inflexible. « Je vois, soupira cette dernière, sois mignon de ne pas remettre mes compétences en question Ron, déclara cette dernière en lui caressant l’épaule. Mara est encore en période d’essai et n’importe quoi peut arriver. A nous de veiller à ce qu’elle reste, la boite ne pourrait plus tourner sans elle ! —Megan ! C’est plus fort que toi hein ? Poursuivit Chris. Tu ne peux pas concevoir qu’on te vole la vedette mais admet seulement avoir fait une erreur de diagnostic. La NetCom embauche des caïds et des tueuses pas des râleuses incapables de se remettre en question ! Par conséquent remets-toi au travail et remets tes revendications salariales pour les prochaines réunions du CEO ! » Je me mordis les lèvres afin de ne pas éclater de rire. Nous avions atteint le paroxysme de l’humiliation dans toute son horreur ! Plus tard Julia vint me trouver un dossier à la main. « Je peux t’interrompre Mara ? Je planche sur un dossier tortueux en ce moment et j’aurais besoin de tes lumières. —C’est cinquante dollars payables d’avance et non négociables ! —A ce tarif-là tes journées vont être fructueuses. —C’est bien l’idée. Je compte m’offrir des vacances à Bora-Bora tous frais payées par la boite ! » Gale éclata de rire imité par Adam Curtis debout derrière ce dernier. « Prends une chaise Julia ! Que je t’explique en détails comment procéder pour gagner du temps et de gagner un maximum de bénéfices… » Ron bombarda Chris de boulettes de papier. C’était quoi le délire ? « Tu planes ou quoi mec ? Je t’avais pourtant dit de ne pas boire autant hier soir, mais tu ne m’écoutes jamais ! » Il ne releva pas les piques et sortit de ses rêveries pour revenir à ses moniteurs. Julia avait de beaux yeux ; si j’avais été un homme je l’aurai demandé de m’épouser. « Pourquoi tu rigoles toi ? —Rien.

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—Quoi ? Je n’aime pas ton sarcasme de killer. Tu devrais sortir plus souvent et te taper autre chose que les petites queues raccourcies du Lower East side ! Tu chercherais moins à négocier ton prix à la hausse ! —Ta bouche se rapproche trop de ton trou de balle. On te l’a déjà ou pas ? Si ce n’est pas le cas alors va chier un grand coup ! —Tu commences à me sortir par les trous de nez. » Il me lança des éclairs capables de foudroyer n’importe quel interlocuteur peu habitué à lui tenir tête, de le rembarrer. Julia se caressa les lobes de ses oreilles, la tête baisée pour éviter les tirs de roquettes. Il n’avait pas digéré le fait que je n’ai pas tenté de raisonner Chris ; rien de plus. Je l’avais laissé tomber et il n’aimait pas à avoir à perdre son temps. Il allait me le faire payer d’une façon ou d’une autre. Je le connaissais trop pour savoir qu’il n’en resterait pas là. Megan profita de cette faille pour s’y engouffrer. Elle devina la tension entre nous et sans en connaitre les raisons, elle en profita pour contre-attaquer. Le lendemain comme j’arrivais avec un peu de retard je la trouvais sur mon siège et penchée vers Ron, la bouche en cul-de-poule, les cils de biche battant langoureusement à l’intention de Ron. En me voyant arriver dans ma veste trois-quarts, elle afficha un sourire espiègle. « Attends, ne t’inquiète pas, je vais donner cela à Mara. Elle est là pour ça après tout, non ? » Elle jeta le dossier sur mon desk. Ron n’avait pas tiré son coup depuis deux semaines à en croire son état d’excitation et tout serait bon à prendre, à commencer par Megan, plus déterminée que jamais à s’envoyer en l’air avec le très séduisant Ron. Il avait besoin de baiser en conséquence de toi il allait être ingérable. « Oui merci Meg… » Il suivait son cul. Il le relooker sans la moindre pudeur. J’allais probablement me joindre à la cagnotte. Je sortis trente dollars de mon

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portefeuille pour les remettre à Gale et lui comprit, cela l’amusa plus que moi. « On va finir par clore les paris. Il était temps que tu mises. Tu mises pour ? —Pour évidemment ! —Putain, vous jouez à quoi vous deux ? Et Gale t’es sérieux là ? Ne conclus jamais d’affaires avec Mara, le fait est qu’elle se moque de ton contrat spirituel et tacite pour son seul intérêt. Prends mes conseils au sérieux et elle ne t’enculera pas. —Je n’ai jamais dit que je le ferais. —C’est tout toi ça ! Tu prends ton putain de pied et au moment de jouir tu te rétractes. C’est grandiose. Poses tes affaires et suis-moi on va discuter un peu en privé. » Il me conduisit jusqu’à la porte de secours et dans l’escalier désert du 37ème étage et là me plaqua contre le mur. Là coincés entre ce béton personne ne pouvait nous entendre, ni même nous voir. « Tu me fais chier Mara, vraiment ! Je t’ai fait venir pour que tu me soutiennes dans mes épreuves et toi tout ce que tu trouves à faire c’est te mettre tout le monde à dos avec ton zèle et ta grande gueule. —Tu pourrais commencer par te calmer, déjà ? —La ferme ! La ferme ! —Ne me demande pas de me la fermer Ron, sans quoi je me casse sans préavis ! On va voir qui de nous deux sera le plus perdant ! Tu m’instrumentalise et tu crois que je suis assez sotte pour m’opposer à ton projet ? Je ne suis pas aussi perverse que toi et moi si je le voulais je n’arriverais pas à ta cheville. —Ah, ah ! Tu es douée, vraiment très douée ! Pauvre petite Milky abandonnée par Chris et qui ensuite vient pleurer dans mes bras. J’en déduis que tout cela c’était du cinéma. Tu n’as jamais eu le moindre sentiment pour lui, tout cela c’est bidon ! Et tu sais quoi ? Je t’ai cru. J’ai cru en ta sincérité sans penser que tu jouer la perversion à fond. Si tu avais eu un tant soit peu quelques sentiments pour lui tu l’empêcherais de se fourvoyer de la sorte.

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—Tu me fais rire Ron ! Que sais-tu de///mes sentiments quand toi-même te dit être insensible aux émotions? Sur quoi dois-je appuyer ton crédit ? —On a baisé ensemble et c’était bon. —Ah, ah ! Tu as baisé toutes les femmes de 20 à 40 ans que tu as croisé sur ton chemin ! Je ne suis qu’une parmi tant d’autres. Tu n’as jamais été capable d’aimer, alors ne me baratines pas avec tes beaux discours ! —Ok. Je t’aime. » Je l’interrogeais du regard. Il le disait d’un ton froid manquant cruellement de sincérité. Venant de sa bouche cela sonnait vraiment faux. « Et ? —Et quoi ? Tu veux des preuves tangibles ? —Pas nécessaire non. Tu es vraiment en manque. Alors trouves-toi vite quelqu’un avant de perdre complètement les pédales. —Quelqu’un comme toi par exemple ? —C'est-à-dire ? Où est-ce que tu as vu que j’avais envie ? » Son regard se fit plus intense. Il me dévisagea perdu dans ses pensées lubriques et s’arrêta sur mes lèvres. « Embrasses-moi… » Il posa son front contre le mien et son souffle chaud humidifia mon visage de par ses infimes particules. Il m’embrassa doucement, prenant le temps de faire monter le désir en moi. Nos lèvres allaient se rejoindre. J’ai détourné la tête au dernier moment. « D’accord ! Je vais aller lui parler. Cela t’épargneras toute cette mise en scène et…trouves toi une fille, tu fais vraiment pitié ! » On déjeuna ensemble Chris et moi. Je lui avais envoyé un message lui disant qu’il fallait qu’on cause. On a prit une commande à emporter et comme il faisait assez chaud en cette période de septembre, on trouva un banc non loin du City Hall Park. « Attends ! C’est ton assiette ça ! Tu sais bien que je ne manque pas de frit ! Que du végétal, cuit à la vapeur et non traité par les OGM. —Oui, je ne l’ai pas oublié. Lait de soja. Comment fais-tu pour boire ça ? C’est immonde !

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—Et toi comment fais-tu pour manger de la viande sanglante et remplie de nerfs ? Tu vois on est vraiment pas compatible. Rien ne me fera avaler de la viande ! L’odeur suffit à m’en dissuader. —Tu n’y a jamais goûté, comment peux-tu savoir que ce n’est pas bon ? Pour ma part j’ai déjà goûté à ton lait de soja, ton tofu et ts graines de soja. Je ne suis pas encore adepte de la cuisine sous-protéinée. —Et tu n’es pas le seul. Ron pète à câble sitôt qu’il ouvre le réfrigérateur. Il en a assez de froid tous ces légumes secs s’empiler dans les placards mais je ne suis pas carencée pour autant ! A part ça, je meure de faim. —Je suis désolé. —Pourquoi ? Pour me voir manger cela ? C’est là mon régime depuis la gestation. —Désolé de t’avoir causé tant de peine. —Oh si c’est ça (les larmes me montèrent aux yeux) Tu n’as pas à t’en faire. C’est du passé et puis je ne suis pas rancunière, la preuve ! Je suis ici à New York à manger sur un banc au milieu des pigeons et en ta compagnie. Le cadre idéal pour ne pas se taper dessus. Ah, ah ! Tout ce qui m’importe c’est que tu sois heureux. —Je t’ai appelé…j’ai tenté de te revoir. Ta mère ne voulait plus me parler. C’était important que je te revoie. —Oui elle était très remontée contre toi. Mais depuis elle a enterré la hache de guerre, rassures-toi. —Quand j’ai fini par savoir que tu étais parti à Tokyo, je suis parti te chercher. Je sais que c’était absurde mais je ne pouvais plus me regarder en face. Je me faisais horreur. » Mon cœur battait fort dans mes tempes et le souffle court je suspendis mon geste. « Oui c’était nul. Tu ne m’aurais jamais retrouvé, déclarai-je en ravalant mes larmes. Ma logeuse ne t’aurait pas laissé entrer. Elle avait des consignes : Aucun américain ! J’ai beaucoup aimé le Japon. De tous les pays qu’on a faits, j’avoue volontiers y retourner. —Alors on y retournera ensemble.

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—Ron prévoit de partir vers le cercle polaire nord. Il dit que cela nous tiendra chaud. Plus sérieusement il pense à l’Autriche. Il rêve de partir à Vienne, va savoir pourquoi. Et vous ? Dans quel pays projetez-vous de partir pour votre lune de miel ? — Euh…on n’a pas encore arrêté notre choix. —Cela ne m’étonne guère. Ton père a un Falcom à Newark et les Williamson ont un pied à terre dans à peu près tous les endroits paradisiaques de notre planète. Ton père a bien un jet, vrai ? —J’aimerai que tu la rencontre. Juste une fois. —Oh Chris… —S’il te plait Milky. C’est la femme que je vais épouser et j’aurai l’impression de te trahir si je ne le fais pas. » Ron et moi sortirent de la NetCom en même temps ; ce qui est plutôt raire. Ron terminait toujours le plus tard. Or Megan finissait de plus en plus tard ces derniers temps. On prit le métro, tous deux très silencieux. Ron ne semblait pas même me remarquer, les mains dans les poches et les sourcils froncés. Si j’étais resté sur le quai, il ne l’aurait pas même remarqué. Je le regardais en souriant. « Quoi ? J’ai un poireau à la place du nez ? Quoi ? » Il fit courir ses yeux sur mon visage, des plus interrogatifs. Tout contre lui, je sentis qu’il se détendait ; j’avais, en ce moment plus que les autres fois, le désir de m’envoyer en l’air avec lui. Il allait être difficile d’y résister et plus encore quand il me regardait ainsi. Il me fixait et contre lui, je me sentais toute puissante. J’écoutais Sanvean de Lisa Gerrard sur mon smarthphone, le nez dans mes dossiers. Il devait être pas loin de 1000 PM et je ne cessais de souvenir des propos de Chris : il était venu me chercher jusqu’à Tokyo. Pourquoi ? Pour se faire pardonner ses erreurs ? A présent il était trop tard. Ron lui s’était montré plus persuasif. Notre regard se croisa. Les pieds repliés sous mes fesses, je l’étudiais plus en détail. Notre séparation l’avait le plus affecté et sous ses airs

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de gros durs, il craignait de nous perdre tous les deux. Il me fallait le rassurer. Il n’avait besoin que de cela. « Chris veut que je rencontre sa fiancée. —Je le sais. Tu es suffisamment grande pour savoir ce que tu fais. Carrey est une femme charmante tu verras et il est possible que vous deveniez les meilleures amies du monde. En tous les cas, je te le souhaite. » Ainsi il avait renoncé. Je quittais mon canapé pour venir sur ses genoux et l’obliger à le regarder. « Tu es le meilleur ami que j’ai Ron. Tu as toujours été là pour moi dans les bons moments comme dans les pires et…tu te souviens au début tu ne pouvais pas me voir, poursuivis-je en souriant. Tu disais des horreurs sur moi afin de m’éloigner de vous deux. Vous étiez des Dieux pour moi, peut-être parce que vous aviez une belle gueule, parce que vous saviez surfer comme personne et parce que vous étiez plein aux as. —Pourquoi me dis-tu tout ça ? —En fait sans la présence de mon frère Doug vous ne m’auriez pas regardée, trop concentrés sur vos victoires à venir ; et je ne parle pas uniquement des conquêtes sentimentales mais de tout le reste car vos diplômes en poche je savais que vous seriez inabordables. Alors j’ai fait comme n’importe qui l’aurait fait, j’ai saisi ma chance. J’ai attrapé la balle en plein bond. J’ai su en profiter de longues années durant mais aujourd’hui il me faille accepter que le code change. Tu comprends ? Questionnai-je en lui caressant le visage. Je ne pourrais pas revenir en arrière, même si tu es assez fou pour y croire. » Il détourna la tête, des plus contrariés ; je venais de planter une dague dans son cœur « Regardes-moi…regardes-moi Ron. Tu m’as accompagné à l’aéroport et j’ai lu dans ton regard de la peur. Tu ne pensais pas que j’en serais capable et pourtant je l’ai fait. Tu disais que je ne pourrais pas me passer de Chris. Non, regardes-moi ! Je l’ai enterré…il ne me voyait pas comme tu me voyais.

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—Ne joue pas avec moi ! » Il attrapa mes poignets pour serrer fort. Je fus surprise par sa réaction. Il serrait fort. —Je suis revenue pour toi Ron. Parce que tu me l’as demandé ! Je te le jure sur ce que j’ai de plus sacré. Tu ne m’as jamais laissé tomber et mon erreur fut celle de te sous-estimer. —Ferme-la ! Je sais que tu es revenue pour Chris et affirmer le contraire serait l’un des pires mensonges que l’on ne pourrait tolérer venant de toi ! » D’un bon il me leva hors du sol et me reposa loin de lui. « Je peux tout supporter tout de toi mais pas le mensonge ! Tu joues encore une fois avec moi et je te fiche dehors ! Tonna-t-il l’index dirigé vers moi. Tu es là à te trémousser devant lui et il continue à te dévorer des yeux comme au premier jour et tu voudrais me faire croire qu’il n’y a rien entre vous ? —Mais oui ! Et d’ailleurs qu’est-ce que cela peut-il te faire ? —Qu’est-ce que… ? Alors tu as vraiment la mémoire courte Mara ! Dois-je te rappeler dans quel état je t’ai trouvée quand Chris a préféré écouter l’avis de ses parents ? Tu as eu du mal à accuser le coup et ta mère m’a appelé tous les jours pour me faire part de ton rétablissement. Je n’ai pas envie que tu revives cela. » Je me perdis dans mes pensées. « Tu n’est pas clair Ron, vraiment pas clair ! Pourquoi…avoir peur que je joue avec tes sentiments quand tu m’as vu exprimer les miens avec l’homme que tu estime le plus au monde ? Penses-tu que je manque de sincérité ? —Je ne veux pas…que tu te paie ma tête. —C’est vrai que j’’ai souvent eu à te trahir ! —Je t’ai demandé d’aller parler à Chris et toi…tu songes à sympathiser avec Williamson ! Tu as fait le choix de pactiser avec l’ennemi alors ne me demande plus de te faire confiance ! —Tu me saoule avec cette histoire ! Ecoutes…il est préférable qu’on s’éloigne l’un de l’autre quelques jours. Le temps pour toi de concrétiser avec Megan et

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pour moi de revoir mes amies, sortir et me vider la tête. » Lynne c’est ma bonne amie. Je la connais depuis toujours ; elle est déjantée un peu bobo et complètement lucide sur le monde qui l’entoure ; elle milite pour Greenpeace, pour le sort des femmes au Moyen-Orient, pour l’avortement et la dépénalisation de la drogue. Elle est marrante parce qu’elle n’a peur de rien et surtout pas des hommes. Elle est crue et déchire. On fit les boutiques Hype de Broadway, on a écumé les endroits branchés jusqu’au dimanche après-midi ; comme on devait revoir les autres pour un brunch, je décidais de rentrer chez Ron pour y récupérer des affaires. En ouvrant la porte je tombai sur Megan dans les chaussons de Ron. « Salut ! —Euh…Ron n’est pas là ? Je viens récupérer du linge. —Ben fais comme chez toi ! » Qu’elle est gonflée celle-là ! Lynne s’engouffra derrière moi, le sac en bandoulière et les tennis aux pieds. Megan la dévisagea de la tête aux pieds voyant bien qu’elle n’avait plus aucune crainte à avoir concernant ma personne. Et l’horreur fut à son paroxysme quand je vis sortir de la terrasse Liev Hauser. « Mara, comment vas-tu ? —Je ne veux rien troubler. Surtout vous ne m’avez pas vue ? » Ron apparut, les lèvres serrées et l’expression déçue. Il ne s’attendait pas à me voir débarquer ici à l’improviste. « Salut Ron ! On ne fait que passer…Milky doit se désaper et je l’accompagne parce qu’après on doit partir à un brunch avec les autres ! Mara, je meure de faim, tu me laisses fouiller dans ton frigo ? Non, parce que tu sais bien que j’ai la dalle après les retours de soirée ! —Tu fais chier Lynne ! On a fait deux snacks avant de venir ici ! Et puis tu sais bien que je continue à m’alimenter avec mes algues et mes graines de soja ! Alors tu veux quoi ? Questionnai-je en fouillant dans le réfrigérateur aux portes en plexiglas. On n’a pas

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grand-chose ici ! Tu es certaine de vouloir manger un morceau ? —Ben ouais ! Fais-moi du riz complet pendant que je nous roule un pétard ! Et c’est qui la bimbo qu’il a dégoté Ron ? Et attends, regarde ! J’en ai un tout fait ! » Elle mit du ragga sur son Iphone et on dansa de façon très subjective. Elle mourrait de faim après chaque pétard, après chaque verre avalé ou poudre reniflée ; un vrai estomac ambulant. Après cette danse elle demanderait à boire et irait vider le bar de Ron. Je grimpai sur la chaise pour accéder à la table et vite rejointe par Lynne on rit comme des diablesses. « Milby, putain ! Baisse un peu ta musique ! —Oh que tu es rabat-joie Ron ! Tu aurais du sortir avec nous hier, tu aurais été moins tendu ! Nous, on continue à danser. Ah, ah ! » J’étais morte de rire, le sourire d’une oreille à l’autre. Dépité Ron quitta la cuisine. «J’ai trop soif Milky ! Donnes-moi à boire, je m’assèche ! » Mon téléphone sonna et j’intimai à Lynne de baiser le son de la station d’accueil de son Smartphone. C’était Aubrey qui demandait si nous comptions redescendre un jour. « Lynne a faim ! Je crois qu’on en a pour un moment ! Surtout qu’elle vient de trouver une bouteille de Bourbon. Ah, ah ! —On monte ! Parce qu’on sait que vous allez en avoir pour un moment ! » Ils montèrent tous : Cornélia, Aubrey, Sugar, Decon, Phil, Claudia, Julie, Carmen ; Jeffrey, Oliver, Gedeon, Brian, Wallace, Marcus, Sharon, Kathleen. Un ras de marée, un flot humain se précipitant à l’intérieur de l’appartement. Aucun de la troupe ne semblait être frais et les deux ex de Ron défigurèrent Megan postée là, le dossier sur les genoux. « Ron ! Ne faits pas semblant de travailler, joins-toi à nous mon frère ! Déclara Marcus en le serrant par les épaules. Puis ce dernier me souleva par derrière, ce qui naturellement me fit hurler de peur. Je partis dans un fou rire. Lynne m’imita avec son rire de sorcière.

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—Elles sont complètement barrées, fit remarquer Aubrey cette splendide métisse afro-américaine aux yeux de miel et aux cheveux châtains clairs. Je croyais que tu devais te changer Milky ? —Ouais c’était l’idée mais…Lynne avait encore faim. Ah, ah ! Qui a faim d’ailleurs ? Par tant que j’y suis, je peux cuisiner pour plusieurs ! Lia ? Où est Cornelia ? CORNELIIIAAA ! » Je la trouvais en grande discussion avec Ron. « Ma chérie, est-ce que tu as faim ? Je vais en cuisine, alors commandes ce que tu veux ! —Fais-moi ce que tu veux. » Alors j’enserrai son visage entre mes mains pour lui rouler une galoche. Marcus e eu envie de me prendre plusieurs fois dans la soirée ; il compte parmi les vieux potes de Chris et de Ron. Il est blanc, grand avec une fossette d’ange à la Ben Affleck. Il a essayé toutes les ex de Ron comme celles de Chris. Il compte bien me serrer un jour. « Dis-moi c’est qui le beau gosse qui parle avec Sugar ? —C’est mon boss. Il accompagne Miss America. Je crois qu’il lui sert de garde du corps ! Ne me dis pas que tu as des vues sur lui ? Il est spécial. —Spécial comment ? » Je vis Aubrey s’impatienter, presque à lui sauter dessus à son tour ; Liev ne les laissaient pas insensible, Ron devait alors se faire du souci. « A toi de le découvrir ! Oh Meg ! Tu t’en vas déjà ? —Oui j’ai passé toute la soirée ici et à vrai dire je suis repue de fatigue. Je ne sais pas si Liev va me raccompagner chez moi. Il avait dans l’idée de faire un peu de bateau sur l’Hudson. Ron et moi devions l’accompagner mais je crois que ce projet a pris l’eau. Ron ! Je vais y aller ! Tu m’accompagnes dehors ? » Une fois qu’ils furent partis, je me sentis contrariée. Pourquoi c’est ce que je voulais : le voir coucher avec Megan mais une partie de moi désapprouvait cette partie de jambes en l’air. « Je vais faire une virée sur l’Hudson. Tu te joins à moi ?

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—Non. Tu l’aurais déjà proposé à Megan. Je ne suis pas un second choix ! Et puis je vais rester avec mes amis. Peut-être une prochaine fois ! —Je me suis mal exprimé Mara. Apprécierais-tu qu’on sorte ensemble toi et moi ? —Comment ça ? —Et bien disons quelques virées pour commencer, puis des sorties au cinéma, au restaurant et si cela colle entre nous pourquoi ne pas envisager une relation sur du long terme ? » Là je rêvais complètement ou étais-je vraiment trop défoncée pour réaliser qu’il voulait me courtiser à l’ancienne. Or j’avais l’habitude qu’on me baise avant : Chris, Ron ou bien les deux en même temps pour ne pas avoir à se prendre la tête sur les convenances. « Je ne crois pas que cela soit possible. En ce moment j’ai d’autres préoccupations en ce moment. Ma grand-mère veut que je me marie ; il faut comprendre que chez nous les Juifs, c’est la tradition qui prime et le mois prochain je m’envole pour Jérusalem pour y rencontrer mon élu, celui de mon cœur. Mais j’admire ton audace. Tu n’es pas vexé au moins ? —Non, je respecte tes choix. » Le lundi Megan me prit de haut. Elle se sentait victorieuse : elle avait Ron. Loin de me montrer affectée voire jalouse, je continuais à saisir mes rapports, à travailler plus que de coutumes voyant que les filles du plateau se détachaient peu à peu de moi pour regagner les faveurs de Megan, si injustement délaissée ces dernières semaines. Chris tenta d’engager la conversation mais se heurta à un mur inflexible ; Ron non plus n’insista pas et les sourcils froncés se concentrait sur ses écrans. « Mara, il y aurait-il moyen de te demander de remplir les fiches 76, 543, 6734 et 43432. A moins que tu as trop fait la fête ce week end pour assurer correctement sur ton temps de travail ? Si tu ne sais pas comment y parvenir, demandes-moi ! —Elle ne le fera pas, elle est trop fière, lança Ron.

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—Alors cela sera une perte de temps pour nous tous ! Un fâcheux contretemps à quelques heures du briefing ! On est d’accord sur le fait que des mesures urgentes doivent être prises pour palier à ce genre de contretemps. » Elle jubilait. Tout le monde attendait à ce que je rapplique quelques choses mais le mépris est la meilleure des armes ; je restais silencieuse, saisissant sur mon clavier à la vitesse de la lumière. A côté de moi Chris inspira profondément, les jambes croisées et le stylo sous le nez. Il m’envoya un mail à 1132 pour savoir si je déjeunais avec Ron et lui. J’allais répondre négativement quand surgit de nulle part arriva Liev. « Chris on avance le briefing pour 0330 et je veux tous tes rapports sur mon bureau pour dans une heure ! Gale tu lambines un peu de matin. Je vois la progression de ton travail sur mes mails et mets les bouchées doubles au risque de voir Curtis bailler aux corneilles ! On en est où avec le dossier Newman Mara ? » Mon cœur bondit hors de sa poitrine. Il allait m’afficher devant tout le monde ; Ron me le ferait payer, soulignant que j’avais eu le week end pour le potasser en amont. « Euh…dans cinq minutes. —Cinq minutes ? » Toutes les respirations furent en suspend. « Je te l’ai déjà dit Mara, si tu as le moindre doute tu viens me voir et j’aimerai qu’on déjeune ensemble afin de revoir deux ou trois détails ensemble ! » Une fois partie, Ron lança un : « J’ai besoin d’un café et Mara également ! N’est-ce pas ? » Dans la cafète il parut lointain et absent ; il me prit un décaféiné oubliant que je n’en prenais jamais. « Alors on récapitule : tu t’ais fait haïr de tout l’office en bouleversant l’équilibre durement acquis de nos collaborateurs et pour te récompenser, Liev t’invite à déjeuner avec lui ! Les bras m’en tombent. Qu’est-ce qui se passe entre vous deux ? On dirait que l’alchimie a opéré. Surtout ne plus parle pas de boulot pendant

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sa pause-déjeuner, il a horreur de cela. Restes pro en répondant à ses questions mais ne fais pas trop de zèle, cela pourrait te nuire et puis…ne cherche pas à le flatter, il ne supporte pas la flagornerie. —Alors finalement tu me demande de rester moimême en somme ? Tu sais que je ne prends pas de déca Ron ! Tu n’es vraiment pas dans ton assiette en ce moment. J’ai quelques blagues bien potaches en stock. De quoi le combler un petit moment. Oh Livia ! Justement je pensais à toi ! —Et moi aussi Mara ! Je viens te voir à la demande de Liev, répondit l’assistante du CEO de la NetCom. Tu sais j’adore les nouvelles recrues celles qui sont capables de faire comprendre aux autres que leur travail ici n’est pas indispensable. Liev aime bien maintenir un climat de compétition avec les membres de son équipe et depuis ton arrivée, tes collaborateurs s’enhardissent. Tu es d’accord avec moi Ron ? —Assurément ! C’est exactement ce que je lui disais : le travail d’équipe passe principalement par une constante remise en question. —Donc si je comprends bien tu as mis sur pied un nouveau programme visant à recouper les données les unes des autres afin d’avoir des résultats viables par un algorithme que les étudiants de la MIT s’arracheront après leur licence ! Liev m’envoie te demander de prendre en main un pôle de contrôle sous mon supervision et puisqu’on doit déjeuner ensemble ce midi, je t’ai joint des dossiers sur ton mail. Rien de bien compliqué. Tu le lis dans ses grandes lignes, tu l’approuves et on en parle ce midi de façon à le rendre le plus rapidement possible viable, donc exploitable ; tu penses en être capable ? » Ils avaient réservé une table dans le District Financial, dans une espèce de Club dans lequel il fallait montrer patte blanche pour y rentrer ; au milieu des autres cols blancs je ne savais vraiment où le placer. Quand Liev revint au milieu de ses collaborateurs des plus hardis, il me présenta personnellement aux figures imminentes de la firme et je finis par me détendre en voyant arriver Ron, plus souriant que

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jamais, suivi par Livia qui joua les chaperonnes en me présentant comme sa Nouvelle Amie ; traduire par son éventuelle souffre-douleur. « J’ai failli décliner cette invitation mais en apprenant que tu serais des nôtres, j’ai ajouté mon nom à cette liste… —Chris ! Vieux frère, coupa Liev en le prenant par le cou. Hans et Matt, les petits génies de la NetCom ont revu leur plan d’action ; il serait important que tu donnes ton avis sur cette impossible stratégie commerciale. Qui mieux que toi s’est démêler le faux du vrai ? Quant à toi Mara, laisses-moi t’offrir un verre ! » Je crois bien qu’il n’avait pas digéré mon refus quant à sortir avec lui. « Si je t’offre un verre, ta grand-mère de Jérusalem risquerait de voir jaune, hein ? Tu pratiques ? —Comment ? Si je pratique ? Disons que la religion et moi, c’est un peu tendu. Ne pourrait-on pas juste boire un verre et s’en tenir au protocole ? Le reste, je préfère le garder pour moi. Pour moi un Porto s’il te plait…Tu sais la différence entre un coléoptère et le bruit de l’eau sur un parapluie ? » Il fronça les sourcils et me tendit le Porto. « Je l’ignore. Eclaire ma lanterne. —Les deux font autant de bruit, mais le coléoptère a la particularité de ne point prévenir quand il attaque. Je pensais que tu le savais. Merci pour le verre ! » J’allais partir quand il me retint par le bras. « Pas si vite, ma belle ! Parles-moi un peu de toi. As-tu des passions ? Des plaisirs inavoués ? —La discussion risque d’être coquine. Tu pourrais venir à le regretter si je me mets à parler de mes plaisirs inavoués. Tu pourrais commencer par relire mon CV et y annoter quelques suggestions qui pourraient te faire voir que je suis tout à fait dévouée à mon travail. Rien de plus à ajouter. Et puis je suis très simple avec des simples besoins : manger, boire, copuler…manger, boire. Tu l’as bien saisi puisque tu m’offres un verre dans un endroit si chi, si cher que je m’offusque n’être-là qu’en simple invitée.

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—Liev, la table est prête ! Tu te ramènes ? Questionna Randall d’un signe convenu de la tête. Le repas fut long et morne ; on parla de golf, de yachting, de pépées et de la bourse. Voyant l’heure tourner, je pris congé de ces messieurs, prétextant avoir une montagne de boulot à réaliser avant de filer vers mes quartiers. Ce qui mit Livia mal à l’aise ; elle m’enjoignait le pas, faisant penser que cette idée était la sienne. Elle disait être mandatée pour accomplir LA chose dont elle se dévouerait corps et âme. En rentrant sur la plate-forme, tous les autres tapotaient sur leur clavier sans rien échanger. Ce fut à peine si Ron me fit entrer et m’installer. Seule Megan me fixait du coin de l’œil. « Ron ? Crois-tu qu’on puisse ajouter le N5678 avec le K765 ? —J’en sais rien Meg ! Demande-le à Mara, c’est elle qui supervise les anomalies du programme ! A ce sujet Mara, viens par ici, veux-tu ? J’ai recoupé les résultats de tes dossiers annexes P27 et le P67 et peux-tu m’expliquer comment tu parviens à cette somme ? » Je me penchai vers son écran pour lui expliquer le processus de calculs ; cela nous prit dix bonnes minutes et dix de plus pour l’expliquer à Gale soucieux de se tenir informer de tout changement. « Je compare cette analyse à une bombe à désamorcer. Une mauvaise section tranchée et tout explose ; mieux vaut opérer avec soin et… —Mara, tu veux venir ? Demanda Livia à la porte vitrée de la salle. Je la suivis dans son bureau à la déco minimaliste, ton gris sur gris pour un harassant travail d’une heure pour en tirer de faibles conclusions. Livia ne supportait pas qu’on puisse lui voler la vedette (je parle de ce déjeuner pendant lequel elle manœuvra habilement pour ne pas perdre la face devant un parterre de mâles célibataires et pour la plupart millionnaires, multimillionnaires et milliardaires) ; étant devenue une rivale potentielle, Livia accusait difficilement le coup, à en juger par ses bilieux commentaires sur : le rôle à jouer de chacun à la NetCom.

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« Je ne dis pas cela pour minimiser son travail au sein de cette firme, Goldberg mais il faut voir notre collaboration comme vertical. On ne pourra malheureusement te porter au pinacle tant que Welling supervise ton travail. De lui dépend de la course du vent et si tu ne dois pas te formaliser sur la nature de la tâche que l’on te demande garde à l’esprit que ton investissement peut-être remis en question par Pitt, qui comme tout le monde le sait est un bouledogue ! » Quand Liev rentra dans le bureau de Livia, cette dernière redevint la pimbêche qu’elle était : « Le programme risque d’être plus complexe qu’on ne le croit… » Ah bon ? Songeais-le alors que j’avais fait mon possible pour le rendre fiable d’accès pour un gosse de sept ans. «…oui il faut savoir que je me donne du mal à rassembler les données… » Dieu, qu’elle m’exaspérait ! Les données furent notées noires sur blanc sur son écran transposé au mien ; alors comment pouvait-elle dire ne pas s’y retrouver ? « …je pourrais en venir à bout avec l’aide de Welling car il s’agit de states et qui mieux que notre Welling peut déchiffrer de telles données ? » La bougresse ! J’inspirai un grand coup avant de fixer mon attention sur les buildings dressés dans la rue de Broadway. « Donnes-moi un peu de temps pour venir à bout de ce projet… » D’un élan olympique je me trouvais être dans le couloir, folle de rage et consciente de l’appauvrissement de nos rapports. Mieux ne valait pour moi, ne pas tendre le dos pour se faire battre : j’avouais ne pas être dans la même cour que ces derniers nantis du couloir-est. Derrière mon bureau, je consultais mes écrans. Une vingtaine de mails m’attendait : des tas de dossiers à traiter. « Ça va Milky, glissa Chris penché vers mon desk, tu devrais lever le pied. Rome ne s’est pas fait en un jour, alors reste concentrée sur tes objectifs personnels. Okay ? Tu en es où en ce moment ? —Laisse-la digérer son festin de chez Barney’s, railla Ron le nez dans ses dossiers papier, ensuite on parlera de protocoles. Cela te dit quoi sur ton monitor principal ? Echec de la procédure ? Nos

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collaborateurs de l’informatique voient d’un mauvais œil ce changement dans la programmation. Ces fanatiques du système binaire pensent que tu sabotes leur système. —Alors tu as oublié pour quelles raisons tu m’as cooptée Ron ? Des lors tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Il allait être 0726 PM et tous avaient déjà mis les voiles, excepté Ron, Gale, Chris et moi. On ne cessait vraiment jamais, à vrai dire, excepté pour aller pisser. « Elle revient quand Betty Boop ? —Quoi elle te manque Gale, répondit froidement Ron. Elle est bien où elle est et qu’elle y reste ! Et puis on a maintenant Milky pour marcher sur nos pieds de bande. Je ne savais pas qu’elle te manquerait à ce point. Est-ce la vision de son petit cul bandant ou bien son 95 double E. je crois que tu aimes souffrir pour une cause qui nous échappe complètement. —C’est à peu près cela oui. Livia m’a envoyé deux mails. A croire qu’elle n’arrive pas à se détendre quand la boss n’est pas là. Tu peux y jeter un œil Mara ? » Dans le métro qui nous ramenait à la maison, Ron fut coi pianotant fougueusement sur mon ordinateur portable. Je l’étudiais par-dessus mon Smartphone, mon pendentif entre mes dents. Cela m’excitait de le voir ainsi ; fébrile et terriblement sexy dans son costume Armani. Plus tard il me rejoignit sur le canapé, un rapport publié de 324 pages à la main ; en jogging et t-shirt moulant ses abdo et pectoraux il passait presque pour un new yorkais lambda, célibataire et amoureux des salles de fitness, mangeant bio et adepte du yoga. En tailleur sur le canapé, je finissais de taper un compte-rendu pour le travail de Gale quand il me lança un regard noir, du genre : arrêtes de faire du zèle, tu oublies peut-être que tu n’es pas infaillible ! Je cessais de taper pour le regarder en retour. « Quoi ? J’ai un bouton sur le nez ? Si tu as un problème avec moi, parles sans t’émouvoir. Tu sais ce qu’il faut faire pour survivre dans ce monde de

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requins ? Je ne suis pas meilleure qu’une autre, ni plus ambitieuse seulement j’accepte de me remettre en question. On apprend beaucoup de nos erreurs et chez les Japonais j’ai appris à éviter l’Arakiri. Le burnout est tellement fréquent là-bas qu’on peut parler de problème de santé publique. Il reste encore un peu de glace ? Peux-tu aller m’en chercher ? » Il soupira avant de revenir avec un pot de Ben&Jerry, rien que pour moi. Alors que je me délectais à caque coup de cuillère, lui continuait à travailler, lisant ce rapport des plus concentrés. Ensuite nous irons dormir, l’un contre l’autre dans la chambre de Ron ; je n’aimais pas dormir seule d’où mon besoin de rester en colocation le plus souvent possible. Je choisissais bien entendu les draps et le coin du lit, hors de question pour moi de n’avoir pas le choix ; je devais m’y sentir bien et désirée dans ce que j’appelais mon nouveau foyer. Pour Ron il fut difficile de ne pas être tenté et il se couchait frustré et amer. Il tenait Liev Hauser responsable de tout cela ; selon lui notre exécutif manager cherchait à me mettre dans son lit. On s’endormit tous deux à 0115 du matin. Il déposa un long baiser sur mon front pour me souhaiter une bonne nuit et je ne suis pas longue à rêver de chiffres, de combinaisons et de données ; algorithmes et phases transitoires de calculs. L’agitation fut à son comble ce matin à 1145, soit un quart d’heure avant l’arrivée en scène de nos CEO. De gros bonnets devaient passer et Livia à pied d’œuvre ne nous lâchait pas, passant d’un poste à un autre pour s’assurer que tout rendrait dans les cordes. Elle ne ferait jamais un bon manager, elle transpirait la suffisance et s’enfermait dans son rôle de bon chef d’équipe, rien de plus. Elle aimait particulièrement Ron avec ce dernier, elle avait la garantie que tout serait fait en temps et en heure et elle se félicitait qu’il fut si productif quand les autres hésitaient à prendre des décisions. Force de constater que Megan traînait encore dans ses pattes et jouait la carte de la bonne collaboratrice en anticipant tous les désirs de l’assistante de Hauser. Les voir échanger ensemble

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me fit glousser. Elles ne pouvaient pas se sentir et voilà qu’elles agissaient de conserve pour mieux m’anéantir. Et celle qu’on appelait Betty Poop entra. Blonde froide du genre Hitchcockienne avec poitrine refaite à neuf, tout comme ses lèvres et ses injections prématurés de collagène ; son entrée fit l’effet d’une tornade tropicale ; à croire que toutes les vitres allaient implosées, le plafond tomber sur notre tête et le décor partir avec cette violente tempête venue d’un autre tropique. Branle-bas-de-combat ! Pas un : Bonjour, comment vas-tu ? C’est toi la nouvelle. Entre nous tu fais de l’excellent travail, accompagné d’un clin d’œil. Juste un : « Le dossier N4322 c’est toi Welling ? Passes me voir d’accord ! » Elle aurait pu envoyer un mail ; les autres le faisaient alors pourquoi pas elle ? Gale la suivit du regard, expira profondément et hocha la tête. « Elle sait pourtant que le dossier N4322 est l’œuvre de Livia. A chaque fois qu’elle revient de Saint bart elle est exécrable. A croire que le mojito et les rapas n’étaient pas assez convaincants. —Chiut ! » Entonna Ron voyant arriver Liev et quatre autres types dont Betty Boop suivant derrière, un dossier glisser sous le bras. Il y eut des échanges de poingées de mains, des accolades et Livia surgit de nulle part se greffa à l’ensemble des membres de la direction. Une fois de plus elle cherchait à se mettre en avant. Sans cesser de pianoter sur mon clavier, j’interceptai le regard de Ron posé sur moi. Avec quelle intensité me fixait-il ? Je cessais ma saisie pour me concentrer sur son regard des plus hypnotiques. J’avais envie d’une clope. Il vint me rejoindre en bas. Ceux de la NetCom avaient leur coin à l’angle du building. Il m’alluma en silence. « Tu veux te le faire ? » Abasourdie je l’étudiais de la tête aux pieds. « Oui j’avais dans l’idée, oui. Il est juif et plein aux as. Tu as vu le regard qu’il m’a décoché quand il est rentré dans l’office ? Il a besoin que je sorte ma cravache et ma tenue SM ; à moins qu’il

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attende autre chose de moi. Il a dit quoi à mon sujet ? Je sais que vous parlez tous les deux et plutôt bien, comme de vieux frères. Tu adores parler de moi. Quoi ? N’ai-je pas raison ? Pourquoi tu ne t’es pas fait Sugar l’autre jour. Elle en avait envie elle. Tu es bien moins libertin que je n’e l’aurais cru. —Vraiment tu me saoules Milky. —Ah, ah, ah ! Alors tu es le seul à pouvoir avoir un langage de merde sur le plateau, sans parler de tes innombrables silences entrecoupés de regards injectés de colère et de reproches ! Quand cesserastu de me faire la tronche ? Allô ? Bon d’accord, je vois. Il faudrait que je m’écrase et que je ne me laisse surtout pas dominer par mes émotions ! Il devient de plus en plus difficile d’avoir une discussion censée avec toi et je ne mets pas cela sur la faute de tes objectifs ; Tu es dans les temps et à moins d’un rapport falsifié je ne vois pas ce qui t’empêcherait de sourire. » En remontant Paula, cette pingre de Paula me toisa du regard debout à la porte de l’office, un dossier collé contre sa poitrine ; je sus qu’elle faisait le gué pour Megan debout devant mon bureau, hissée sur ses escarpins. En me voyant revenir sans Cameron, cette tigresse attaqua tout-de-go : « Le rapport 123NB c’est toi ! Elizabeth me l’a refilé parce qu’elle dit qu’on ne peut confier à une jeune recrue un tel dossier ! C’est une heureuse stratégique et Livia de l’approuver. On m’a alors chargé de reprendre les dossiers de cette suite ! Fanfaronna cette dernière, assez fort pour que tous puissent entendre. Tu comprendras que le travail ici doit être certifié par des agents compétents qui ont déjà fait leur preuve dans la nomenclature et dommage pour toi qu’on t’ait donné de faux espoirs, mais cette décision n’est pas la mienne mais celle d’Elizabeth. » Ok ! Elle voulait jouer à cela ! Ni une ni deux, je récupérais un dossier-papier —une sorte de fourretout, ma Bible des données informatiques sur lequel j’inscrivais tous mouvements depuis le début de mon travail ; autant dire un important chantier qui à ce jour

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comptait soixante pages—, folle de rage j’allais frapper dans le bureau : meeting room, où se tenait un rendez-vous privé entre Welling, Bettu Bop, Livia et Liev. Personne ne m’avait vu venir, pas même ces commères de collaboratrices à l’affut du moindre haussement de sourcils de la hiérarchie. « Veuillez m’excuser ! Je peux rentrer ? » Force de constater que Ron les avait rejoint avec Andrew Nicols et Brian Foster attachés à la programmation et croisés plusieurs fois dans notre Open space sans qu’ils aient trouvé la politesse de venir me saluer ces diplômés de Yale. « Nous sommes en pleine réunion, cela peut attendre ? Lança Elizabeth, la reine des pimbêches et Miss USA par excellence ayant acheté son titre pour ne pas avoir à se mêler à la pègre du genre Miss America, dite Megan et ses dauphines. —Non je ne crois pas ! Déclarai-je en me dirigeant droit vers le paper-board pour y inscrire des données. « On peut savoir ce que tu fais ? —Cela ne se voit pas ? (J’entourai en gros et en rouge un chiffre) voilà ! Maintenant vous savez pourquoi on m’a embauché. A moins d’un expert sur le terrain que vous n’avez pas faites de moyens financiers je présume….je me formaliserai pas sur vos dossiers 123NB, 126FG et les autres dont le résultat conduit à cette même conclusion, vous avez tout intérêt à ne pas me mettre des bâtons dans les roues ! Merci pour votre écoute. » J’allais repartir quand Liev prit la parole. « Nicols, est-ce que les chiffres se tiennent ? —Euh…oui. Mais on a sollicité Cowper pour une estimation exacte dont nous attendons à ce jour la réponse. Comme là noté Mara, les chiffres…la courbe est exponentielle mais cela n’envisage aucun problème de délais. On a toujours disposé d’une marge d’erreur qui combinée avec nos précédents résultats devraient aboutir à ce résultat. —Et pourquoi passer par Cowper quand nous avons ici Welling ?

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—Ce que nous suivons la procédure, Liev, lança Foster avec son look de play boy. Elisabeth n’étant pas là pour valider nos résultats nous avons du faire ça et nous en tenir en référentiel. Je suppose que Mara spécule, parce que pour obtenir un tel résultat il y a un fort pourcentage de probabilité, sans remettre en question ton question Mara, mais on doit des comptes à Washington et nous avons une épée de Damoclès sur la tête. On ne peut crier au loup sans que…. —Sans avoir à effrayer les petits gars de Washington on pouvait passer outre pour viser un autre ordre de données, souligna Welling qui alors se rendit au paper board pour y inscrire des chiffres. On veut atteindre cet objectif et à effectif réduit avec ce que l’on tient pour acquis on ne devrait pas avoir à minauder comme on le fait en ce moment. Il est fort probable qu’on est perdu de l’argent à sous-évaluer notre travail. —Et que préconise-t-on ? Questionna Liev des plus attentifs. —Accéder à la demande plus facilement. Mara semble avoir le profil de l’emploi. On pourrait lui laisser gérer un certain nombre de portefeuilles et pousser nos actionnaires à surinvestir. On l’a déjà fait et on sait que c’est possible. Il faut juste changer notre façon de penser et catapulter deux ou trois éléments dans la matrice ; éléments les plus répercutant, une sorte de cheval de Troie. » Liev se perdit dans ses pensées. Elisabeth dans son coin enrageait, voyant en moi une réelle menace pour son poste et Livia se savait perdue. « D’accord. On redistribue les cartes. Mara avec Chris et Ron, c’est une bonne combinaison pour moi. On voit ce que cela donne sur deux mois….disons trois et ensuite on arrose le marché. Andrew vous appuiera là-dessus et vous passerez directement par moi dorénavant. Mara…on ne vous retient pas. Mara ? » Je me retournais une dernière fois le cœur battant à vivre allure. Qu’allait-il ajouter à mon triomphe ? « Merci. Tu fais de l’excellent travail. Continue comme ça. »

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Folle de joie je l’étais. Autant dire que je n’avais pas ressenti pareille bonheur depuis l’élection de Barak Obama. Et dans l’office, Megan ne cessait de me fixer ; dans sa tête des tas d’insultes à mon intention. Une fois de plus je l’humiliais et cela me plaisait indiscutablement. J’allais les pousser à bout, tôt ou tard on me mangera dans la main et déjà on me sollicitait pour tout et n’importe quoi. Bien vite il me faudrait les cadrer pour éviter qu’il sape mon moral avec leurs questions des plus niaises pour lesquelles il me fallait répondre le plus naturellement possible. J’eus cependant envie de crier : Laissez moi travailler bande de ploucs ! Je l’aurai fait si Chris n’était pas là à les trouver admirables car sérieux et dociles à souhait. Ma mère dirait : Fonce ma fille, tout ce que tu peux prendre est bon à prendre ! On ne vit qu’une fois ! Mon regard croisa celui de Ron. On l’eut dit vidé de toute énergie positive ; il n’arrêtait pas de faire tournoyer son crayon entre ses doigts, quand il n’était pas là à me fixer, ce même crayon collé sous son nez. « Meg, peux-tu me mailer le dossier 4465HF ? meg, tu me reçois ? —Et bien demande-le à Mara ! C’est avec elle que tu travailles maintenant. Je me passerai bien de te le répéter si tu vois ce que je veux dire ? —hey ! Ce n’est pas une cour de récré Megan ! Que je ne t’ai pas à te le redire ! Si tu n’as pas été capable de changer de bureau c’est toi que cela regarde. Tu as eu l’opportunité de saisir ta chance toi aussi mais tu ne l’as pas fait ! Envoya-t-il froidement. Alors quelque soit tes problèmes d’égo tu passes directement par moi plutôt que de geindre sur notre office. Et que cela soit valable pour vous tous ! Vous entendez ? Tous les litiges passeront par moi et si je juge nécessaire de trancher vos querelles de petites filles gâtées, je vous indiquerai moi-même la porte ! Maintenant que tout le monde se mettre au travail ! » D’un bond Megan se leva et au passage renversa volontairement mon café sur mon bureau. Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines. « Oh, la garce !

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—Mara ce n’est qu’un accident, nota Welling. Tu parles d’un accident ? Je la suivis dans le couloir, talonné par Chris et je l’attrapai par le bras. « « Ne me touches pas ! —Je n’avais pas l’intention, tu n’es vraiment pas mon genre ! Seulement que je te prévienne, je ne te ferais pas l’honneur de jouer à ton jeu de ce qui n’est pas pris est à prendre ! S’il te devient trop difficile de jouer sur ma même cour que moi, alors poses ta démission et trouves-toi quelques nouveaux collaborateurs à emmerder, mais sache que j’ai maté des plus coriaces ! —Ah, ah ! Tu es qui pour me parler comme ça ? Je devrais te trouver plein de charisme parce que coopter par Ron mais moi aussi je vais te donner un bon conseil : tu ignores ce dont je suis capable et quand tu le comprendras il sera déjà trop tard. —Tes menaces pourraient nous conduire tout droit dans une salle d’audience et pas certaine que tu en sortes triomphante. Maintenant tu peux aller verser quelques larmes auprès de Livia et revenir d’assoir près de nous pour méditer sur la bonne marche à suivre ! » Je revins sur mes pas pour tomber dans les bras de Welling. « Etait-ce nécessaire ? Il fallait vous entendre toutes deux, vous êtes ridicules, vraiment ! On ne t’a pas embauché pour que tu fasses preuve d’autoritarisme avec ceux de notre plate forme et je ne veux plus voir ça Mara, est-ce clair ? »

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CHAPITRE 2 Il fallait se mettre à l’évidence que Ron avait un putain de problème avec moi. On a maté un DVD assez humoristique pour ne pas craindre l’ennui mais Ron gâcha 1h25 de visionnage en sortant des commentaires par adapté au visionnage ; c’était agaçant au plus grand possible —faires des commentaires, j’adorais en faire au cinéma entres les potes de préférence qu’en le navet s’y prête—, mais là, alors que j’étais des plus hilares il sortait des réflexions du genre ; « Quand tu auras fini de t’esclaffer comme une baleine, fa-s-le moi savoir…. » C’est comme un me qui brutalement se met à faire des commentaires insultants en plein coït, cela ôte tout orgasme. Les filles devaient passer dans moins de trente minutes pour une partie de shopping dans Broadway et il me restait à me saper pour notre Marathon. « Dis, tu fais quoi ce soir ? Tu comptes t’envoyer en l’air avec la belle naïade croisée au Rendez-vous ? Elle s’appelle comment déjà ? Daisy ? Berkeley ? Beverly ? Oui c’est ça ! Beverly ! Je crois que tu devrais une bonne fois pour toute astiquer ton poireau parce que ça craint, Ron ! —C’est un problème pour toi ou pour moi ? On croirait que tu en fais une affaire d’état ma vieille ! Cela t’affecte que je ne m’envoie pas en l’air avec toutes les célibataires de New York ? —Carrément oui ! Tu es un Don Juan ! Et un Don Juan qui se respecte tu te devrais de forniquer avec toutes ces jolies pépées que tu croises ici et là. Peu importe…je vais sous la douche. » En sortant de la salle de bain, Ron me tomba dessus, les bras croisés sur la poitrine. Une serviette autour de la poitrine, je l’interrogeai du regard. « Bon Ok, très bien. Je n’ai pas été très franc avec toi ces derniers temps et tu veux savoir pourquoi ? Tu es encore raide dingue de Chris et cela me rend dingue ! Dingue que tu puisses être en bon terme avec

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lui. Tu es une véritable lionne a boulot, tu fais un putain de carnage et moi ça me fait bander ! Tu es là et tu déchires tout. Mais pour le reste, tu es une vraie merde, excuses-moi de te le dire mais c’est la vérité. —Oh non pitié ! On ne va pas revenir dessus ! —Trois semaines. —Quoi ? Trois semaines ? —Nous avons trois semaines à poser. On pourrait se taper quelques vacances surfing à Hawaï qu’est-ce que tu en dis ? —Je viens d’être embauchée et hors de question de partir trois semaines, soit des congés sans solde pour aller sur une planche de surf et siffler des mojitos toute la journée ! Très peu pour moi. Tu m’excuseras, mais je dois aller me saper…. —Attends, attends ! Qu’est-ce que tu penses si je te les offrais ? Trois semaines au soleil et tu n’aurais rien à débourser. —Tu as un sérieux problème Ron et tu dois vraiment te faire soigner ! Chris a décidé de vivre sa vie avec Carrey, alors il faut que tu l’acceptes et grandir un peu. Chris ne me reviendra pas comme il ne te reviendra pas ! Je me sens mal pour toi et quand à moi j’ai tiré un trait sur ce passé, sur le Chris qu’il était avant ! Hors de question de ruiner ses efforts en agissant avec perfidie. Il ne pourra jamais nous le pardonner s’il l’apprend et je crains perdre son amitié. —Tu ne perdras rien Mara, crois-moi ! Cela te parait insensé, stupide et cinglant mais sache que Chris t’aime toujours. Il est raide dingue de toi ! » J’enfilai un string trouvé dans ma boite spéciale string et l’enfila sans pudeur devant Ron. Son regard se posa sur ma poitrine ronde et il ne s’y délogea pas ; nous n’avions rien à nous gâcher ; il me connaissait pour être délurée, un brin naturaliste et fervente admiratrice de la nature et de ses bienfaits. Apparaître nu s’était comme faire révélation de son état primaire et j’aimais cela. « Je ne te crois pas. Carrey est plus importante que moi, sur le plan financier j’entends parla et ce mariage est un consensus passé entre deux familles de nantis.

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C’est un investissement à long terme car le mariage chez eux reste un commerce. Je ne peux rien contre leurs principes vieux de l’époque du may Flower et des premiers pèlerins persécutés ayant trouvé refuge en Virginie, déclarai-je en enfilant un top bleu roy sans chercher à entraver mes mouvements d’un soutien gorge. Tu sais si j’avais voulu, Chris et moi aurions déjà été fiancés. La suite logique de nos ébats des plus endiablés. Euh ;..Tu as une érection ? Ron, tu as une putain d’érection ! —Il faut croire que tu m’excites. On fait quoi pour nous Mara ? On continue à s’ignorer ou bien on passe à l’acte maintenant. Tu envoies un message à tes potes pour dire que tu auras un peu de retard. Je te lime et ensuite chacun retourne à ses occupations. Je sais que cela te plairait. Si ne crois pas avoir le temps alors tu n’auras qu’à me prendre dans ta bouche. » Et je bouffais de rire. Je l’avais déjà fait, on y avait pris beaucoup de plaisir. Mais ce temps était révolu. Je considérai Ron comme mon meilleur ami. Il enserra mon visage entre ses mains et me colla contre le mur et avant de comprendre ce qu’il retourne il baisait mon cou et mon épaule. « On va aller au soleil, hein. C’est ce que tu veux. Tu l’as toujours voulu au plus profond de toi. On va se trouver un bon hôtel avec les pieds dans l’eau et on va siroter de bons rhums on refaisant le monde. —Et pourquoi Hawaï ? —Cela te rappellera le bon vieux temps. Mais tu pourrais choisir une autre destination. On pourrait… ;se rendre en Amazonie, ou en Tanzanie. De tous les pays que nous avons visités il y a bien une destination que tu rêverais de redécouvrir. Dis-le moi et je vais faire en sorte de rendre ce long séjour inoubliable. » Des plus nerveuses j’éclatai de rire quand on sonna à l’interphone. L’heure de la délivrance avait sonné ! Les virées shopping avec Aubrey, l’ex de Cameron, une superbe Afro-Américaine aux yeux verts tournait toujours à des achats compulsifs ; cette dernière dépensait sans compter et après deux heures trente

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de frénésie, on se posa Kirsten, également ex de Chris, une jolie brunette, un peu rock’n’roll ; Claudia fut également de la partie ainsi que Cornelia et Lynne. Une fois que les deux poules Aubrey et Kirsten partit, Cornelia se pencha à mon oreille. « Et que va-t-il se passer pour toi si tu acceptes ? Questionna Cornelia. Tu as envisagé la suite ? Tu risques de perdre l’estime de Chris et l’amitié de Ron ! —Je suis d’accord avec toi Lia ! Renchérit Lynne relisant le SMS que le leur avais fait part en plein shopping. On sait toutes que Ron en pince pour toi, c’est une façon pour lui de te tester ! —Ouais les hommes sont lâches c’est bien connu ! Argua Claudia ma Cubaine favorite. Sitôt que tu auras avoué tes sentiments à Chris, tout ce bel équilibre sera rompu. Le charme n’opérera plus ! Ron t’apprécie vraiment. Il se conduit en gentleman à présent que tu es là et le message est on ne peut plus clair. Il t’installe chez lui après t’avoir dégote un bon job à la NetCom. Parfois je trouve que tu manque de lucidité ma chérie ! —Je sais, je sais tout ça ! Je n’ai jamais prétendu le contraire. Chris va se marier et je ne tiens pas à avoir le mauvais rôle dans l’histoire. Mais Ron ne le conçoit pas ainsi. Il encaisse mal le changement et je sais que tout cela est absurde mais en même temps j’ai du mal à concevoir que Chris ai jeté son dévolu sur cette psychorigide Carrey ! Elle est aux antipodes de ce qu’il recherche vraiment ! —mais ça c’est toi qui le pense ! Tacla Claudia des plus agitées. Tu n’as jamais pu la sentir avant même savoir qu’ils sortent ensemble ! —Là n’est pas le problème Claudia, nota Lynne voyant que Claudia s’emballait un peu trop. Si elle avait la nana cool sans histoires, Milky aurait trouvé à redire parce que visiblement elle n’est pas prête à laisser filer son Welling. Poses toi la question de savoir si tu tiens toujours à lui Milky : c’est là LA véritable question ! —Oui Lynne a raison, renchérit Cornelia. Tu débarque à New York et tu le vois tous les jours. Hors

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de question pour toi de le laisser à une autre ! Tu n’as jamais pu lui résister et Ron le sait bien. Il sait que toi seule peut le faire changer d’avis. Ton passé vous hante tous deux et….couches une dernière fois avec lui pour qu’il se rende compte à côté de quoi il passe ! —Cornelia ! Tu n’es vraiment pas constante dans tes propos ! S’agaça Claudia. Tu as dit toi-même qu’elle risquerait de perdre l’estime de Chris et de Ron par la même occasion, tu ne peux l’encourager à se taper Welling maintenant, c’est contre-productif ! Moi je pense que tu devrais accepter le voyage. Après tout, c’est le seul moyen qu’ait trouvé Ron pour te faire voir la vérité en face. —Mais ça c’est contre-productif ! Enchaina Lynne. Il aura envie de s’amuser un peu avant le mariage d’accord ? Et on connait la suite : il se mettra à douter et on entendra son cœur battre jusqu’ici ! —Cela ne l’engagera en rien, c’est vrai, il peut également ne pas vouloir Milky, fidèle à ses principes ! Elle va se prendre un vent, je l’espère sincèrement et elle comprendra que cela est sans suite. Pour faire court : Tu n’y gagneras rien, rabroua Caudia. —un camp de survie. —Quoi un camp de survie ? Tu ne peux pas être plus explicite Lynne ? —J’ai lu quelque part que de participer à un camp de survie faisait augmenter l’estime de soi et par là même développe son sens relationnel. Tu pourrais leur soumettre cette idée et advienne que pourra ! » Un camp de survie. L’idée fut canon. Le soir même je consultai le Web pour savoir de quoi il en retournait. L’idée était des plus savoureuses. On vous lâche en pleine nature et débrouillez-vous ! Pas de GPS, pas de téléphone et encore moins de réseaux sociaux. Le nirvana quoi ! la solution a tous nos problèmes, juste la dose nécessaire de dopamine pour se remettre à niveau. Le site se trouvait dans les Appalaches et il fallait débourser 1400$ par tête de pipe pour se payer le luxe de jouer les Robinson Crusoe. Des plus excitées je composais le numéro de l’agence pour tomber sur un mec extra-cool au bout de la ligne. Un passionné

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calé à Hawaï profitant de son succès pour se dorer la pilule sur les plages très ensoleillées du Pacifique. « Un camp de survie, hein ? Questionna Ron en décapsulant une canette d’Energy Drink. Et qui en a eu l’idée ? je ne peux pas croire que cette idée émane d’un cerveau si limité qu’est le tien ! Rien à faire pour te convaincre de t’envoyer en l’air dans une destination paradisiaque où tu pourrais exhiber ton ravissant bronzage. On veut passe du bon temps pas risquer de s’étriper pour une vulgaire histoire de comment chier en pleine nature sans PQ ni lingettes rafraichissantes pour éponger l’excédent de menstrues ! —Oh tu es un monstres Ron ! Il faut voir cela comment une brillante opportunité de conjuguer nos ressources ! N’as-tu jamais rêvé d’être autre chose qu’un Geek ? Pendant deux semaines nous pourrions apprendre à nous connaître ? Ron ! Avoue que cette idée est brillante ! » Expression désabusée sur son visage. Il posa la canette sur son PC refermé sur la table de verre et hocha la tête perdu dans ses réflexions. « Ok ! Alors fais-moi une belle proposition sur format électronique. Une sorte de devis avec la liste de personnes à contacter pour le cas où cela foirerait. Tu sais je te trouve très bandante quand tu as des idées de grandeur ! C’est vrai quoi ! Aïe ! Pourquoi tu me frappes ? Envoie-moi un mail si toutefois tu n’as pas mis ta fonction professionnelle en reset. Penses à faire une sauvegarde de ton unité centrale car on risque la surchauffe et le plantage du siècle. » Alors à la NetCom entre deux rapports de dossiers je lui envoyai le mail avec en pièce-jointe les différents sites offrant leur stage. Pas de réponse de sa part et à onze heures, Liev vint serrer quelques poignées de main avant de me demander de venir dans son bureau. « Ron m’a fait part de votre projet et j’admets que je suis tenté de vous accorder vos jours de congé ! Un stage de survie, hein ? Exactement ce qu’il faut pour cultiver notre esprit d’équipe. Une idée de génie ! Alors tu te charges de les contacter l’agence la plus

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alléchante et je te laisse le champ libre pour tout gérer. J’avais pensé à quelques collaborateurs parmi les plus sensibles de notre unité. On pourrait les encourager à mettre leur nom sur la liste avec en prime la certitude qu’ils obtiendront le respect d’autrui s’ils parvenaient à se surpasser dans un cadre différent de ce dont ils sont habitués. Qu’est-ce que tu en penses ? —Euh…. » Il me prenait de cours. Il ne devait n’y avoir que Chris et Ron avec moi et pas toute cette clique de col blanc cupides et à l’égo surdimensionné. Comment lui dire poliment d’aller se faire foutre ? Je m’empressai d’aller fumer ma clope sur la terrasse, immédiatement rejoint par Chris et deux autres bifurquant vers le banc posé contre le grillage ; il resta un moment sans dire fixant New York et toute son agitation qu’on ne peinait pas à deviner sous nos pas. « Que penses-tu de Ron comme témoin ? —Je te demande pardon ? Ron ? Oui je….c’est ton meilleur pote après tout ! Qui mieux que lui pourrait accomplir cette noble tâche ? Cependant si j’étais toi j’attendrais un peu avant de lui exposer tes doléances. Tu sais il est un peu soupe-au-lait en ce moment et je doute qu’il comprenne réellement ce que tu attends de lui. Il n’est pas très sacerdoce alors il est possible qu’il trouve à s’évanouir à cette requête aussi noble soit-elle. Les Eglises l’ont toujours impressionnée. Et puis….c’est pour quand ce mariage déjà ? —Et bien tu pourrais être son chaperon ! Toi et lui œuvrant pour la même cause. Plus sérieusement Milky, il n’y a rien de compromettant à être le témoin d’un futur marié, à moins que je me sois trompé sur ce que l’on attend d’un bon auxiliaire. Tu m’offres une cigarette ? Merci. Carrey et moi on organise un diner entre potes et tu es naturellement la bienvenue. Demain soir cela te convient ? L’occasion pour Carrey et moi d’annoncer notre choix de façon officielle. Qu’est-ce que tu en penses ? —Ah, ah ! Il faudra que j’en parle à mon adorable colocataire. Il aime étudier toutes sortes de

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paramètres comme les relations comment dire….charnelles. Or si tu lui promets qu’il y aura des filles bandantes et un tas de distractions pour le dessert. Entre nous j’ai du mal à croire qu’il se soit rangé. Depuis que je suis arrivée à New York je ne lui connais aucune aventure digne d’un Don Juan tel que lui ! —Et cela t’étonne ? —Yep ! Les jolies pépées ce ne sont pas ce qui manque ici. il y en a à foison et sur tous les étages. Il y a du lourd et du moins lourd et je doute qu’il les ait toutes sautées. Je refuse de penser que Ron est un amateur. —Tu as un problème avec ça Milky ? Ron est en pleine désintox, c’est cool que tu l’ais remarqué. Cela se présente comme une nouvelle vie qu’on pourrait dire, plus spirituelle. Cela te torture l’esprit de penser qu’il ne puisse de mêler à ses combines relationnelles ; Ron est quelque peu métamorphosé, il est passé du stade Don Juan à je suis célibataire est je le revendique haut et fort ! Mais je pense dire que Carrey a quelques amies célibataires partageant sa même ligne de conduite. Tu pourras le constater par toimême si tu te joignais à nous et ne sois pas embarrassée si tu n’occupes pas la première place du podium. —Oh ! Détrompes-toi je suis relax ! Ah, ah ! Je ne tiens pas à voler la vedette à ta charmante fiancée. Comme il convient de dire, je serais là pour pousser Ron à la consommation et l’abandon de soi par des actes patriotiques que l’on ne peut trouver que sur le campus de certaines universités pour ne pas parler de ce que l’on trouve dans les confréries. Tu sais je pourrais lancer un cri de guerre : NetCom ! NetCom en marche ! Ou bien : Combattons ensemble contre l’abstinence ! Ce qui se voudrait plus agressif. Bon, je dois y retourner ! » De retour derrière mes PC je vis Livia penchée audessus de Megan super-sexy affichant sa poitrine comme une sorte de provocation. Et une autre de plus ! Livia ne me causait pas directement, passant

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par Ron pour échanger sur mes dossiers. Il lui était insupportable de faire autrement ; je pouvais le concevoir car depuis qu’Liev m’avait offert l’opportunité de me distinguer j’étais devenue une sorte de cible vivante pour les autres conspirateurs de notre département. Livia avec ses lunettes très fifties chuchotaient plus qu’elle ne parlait, cela avait pour effet de me crisper. Chris revint près de moi et posé un café devant mon clavier, sans rien que je lui demande, comme ça par pure amitié. Autant ne pas noter ce geste des plus amicaux, une sorte de pied en avant pour ne pas me faire oublier que demain il comptait nommer Ron comme témoin à son mariage avec cette pouffe de Carrey. Et je lui lançai l’un de ces regards voulant dire : tu n’es pas obligé de faire autant de zèle pour ta putain de réception sur la 5 ème avenue ! J’y serais de toute façon rien que pour voir Carrey se démener comme une malade face à les deux zigotos de la NetCom ! Le sourire aux lèvres, je levais la tasse dans sa direction et poursuivit mes travaux. Ces chuchotements m’agacèrent ponctués par quelques rires, ceux de Megan forcément, concentrant son attention sur Ron placé sur sa droite et indifférent à son regard de biche XXL. Lui lorgnait de mon côté le plus discrètement possible comme si d’une seconde à l’autre il allait me bombarder de questions, émettre un odieux commentaires ou bien m’allumer devant tout le monde pour maintenir sa position de leader et jouer les seconds quand Chris quittait l’open-space pour les briefings avec Liev ou un autre. Les autres partis déjeuner, je fouillais dans mon sac à main à la recherche de mon portable pour voir qu’une dizaine de SMS m’attendaient. Le premier de Kirsten disait : Files-moi le nouveau number de Ron s’il te plait ! Kirsten après s’être tapée Chris convoitait Ron. Et c’était toujours ainsi. Les plus jolies femmes de New York et d’ailleurs passaient d’un pote à l’autre et Ron bien qu’il adorait chasser sur des terres inconnues et vierges ne disait jamais à quelques extras bandantes et riches héritières d’un empire ou d’un autre. Le

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second message était celui de Kathleen la meilleure bloggeuse de toute l’Amérique qui glissait des liens intranet derrière son : plus de nouvelles de toi petite coquine ! Balances des actus, j’ai trop la dalle ! Et moi de sourire en voyant son lien facebook. Des photos de cette naïade blonde à la Barbade avec deux autres potes de L.A. troisième message, celui de Ron disant : Arrêtes d’allumer ton voisin de gauche, ça se remarque trop. Qu’il aille se faire mettre ! Un autre message de lui : Femelle chaude en vue. Tu ovules ou quoi en ce moment ? Aucune réponse à apporter à ce message qui se voulait provocant au possible. Le cinquième message de ma mère : tu reviens quand à L.A ? Envoie-moi ton adresse postale, j’ai des colis à te faire suivre. Ma mère s’occupait de mon courrier, la seule chose qu’elle sache gérer en dehors de toutes sortes d’obligations professionnelles dans son cabinet d’avocat. Message de Ron : Désolé pour Liev, il a tenu à en faire partit. Je t’aime aussi. Qu’il aille se faire foutre ! Comme s’il avait lu dans mes pensées, il posa ses mains sur mes épaules en gloussant. Il portait du Dior et à l’approche de son odeur j’aurai du me tenir sur mes gardes. Il prenait sa pause en même temps que moi et Gale mon nouveau meilleur pote. On passait pour des marginaux puisque nous commandions toujours sur place et quand on sortait c’était seulement pour fumer ou descendre au Coffee’s store pour les donuts et leurs allongés qui vous foudroyaient littéralement. « Alors ma belle, qu’est-ce que tout fout sous la table ? Des saloperies ? —Ah, ah ! Je n’ai pas les mêmes centres d’intérêt que toi (en agitant pour portable sous ses yeux) et j’avais l’intention de te répondre mais comme tu es là….vas te faire foutre ! Où est-ce que tu as vu que j’étais en chasse ? Il y a ici plus de testostérones que de n’importe quelle hormone. Et entre nous ce n’est pas moi qui mouille ma petite culotte en apercevant tes couilles pleines dans ton futal. An, ah !

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—Arrêtes de rire un peu, déclara-t-il à la place de Chris et il attrapa mes jambes pour me tourner vers lui. J’espère que tu as une bonne assurance-vie car si mes couilles venaient à exploser il va s’en dire que la NetCom viendrait à partir en fumée. —C’est trop génial ! Je ne peux pas croire que tu en sois réduit à mater des paires de nichons sans vouloir consommer ! Pour ta santé mentale il te serait nécessaire de passer à la pratique. Gale ! On commande quoi aujourd’hui ? —On pourrait commander chez Dino ? Il nous reste 30$ d’avoir, cela pourrait nous servir. On ne commande jamais pour 30$ ! Répondit-il toujours en pleine saisie informatique. On peut commander la même chose que l’autre fois avec un supplément de pepperoni al-dente ! Est-ce que Ron est pour ? » Il acquiesça de la main sans me lâcher des yeux. Gale se leva pour appeler quand Ron crut bon modifier deux-trois détails de la commande. C’était tout lui ça, il ne pouvait pas s’en tenir au menu ! Le message suivant était de ma Lynne-chérie : Je peux passer ce soir ? J’ai un problème d’intendance à régler. Disons trois fois rien mais il faut qu’il soit régler dans le plus bref délai ! « A propos de ce que tu sais, je ne suis pas responsable. Tu m’écoutes là ? Liev a une putain de gaule en te voyant, c’est grandiose quand on sait le mal qu’il a à débusquer une chatte juive qui ne soit pas là à causer de nouveau sac Gucci, de séjour à Dubaï et de dollars à injecter sous forme de botox. C’est une triste réalité, les petites chattes rasées de l’East Side n’ont qu’une seule idée en tête : épouser des types comme Liev Hauser. Le gros pactole. Tu m’écoutes toujours ? —Allons, je ne peux pas faire autrement, tu me cries littéralement dans l’oreille gauche. C’est quoi ton souci avec lui ? Tu es son mac ou quoi ? Je profite du fait que l’on soit seul pour te dire qu’on est attendu demain chez Chris. L’occasion pour toi de compléter ton carnet d’adresse ! Après les petits fours au caviar, le

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digestif à 200$ la bouteille, tu n’envisages pas de sucer des glaçons toute la soirée, hein ? » Il me dévisagea avec minutie pour s’arrêter sur mes lèvres. Oui il était grave en manque. La jambe repliée sur l’autre, il m’étudiait la bouche entrouverte ; Ron lui aussi gobait les poissons et j’’aimerai ne pas être dans sa tête à ce moment précis de la journée. Il avait faim dans tous les sens du terme. Gale revint à la table pour nous annoncer que la commande serait livrée dans moins de vingt minutes. Aucun de nous ne répondit et comme je retournai sur mon téléphone il inspira profondément. « Gale, cela ne te dit rien si on bouge chez ton pote du New Jersey demain soir? Comment il s’appelle déjà Josh ? On pourrait mater le match de baseball sur son écran géant ? C’est soir de match demain Milky, argua ce dernier en se levant et posa sa main sur mon épaule qu’il broya au passage. Et qui dit match dit jolies supportrices assez rock’n’roll pour vous faire croire en Dieu ! J’ai envie d’entre chose ces temps-ci ! Tu ne m’en voudras pas Milky ? » L’enflure ! Je n’étais pas certaine de comprendre ; ou plutôt à demi-mot : Vas te faire foutre toi Milky avec ta condescendance et tes airs de diva ! Vexée je l’étais et plus encore quand il joua le fier-à-bras pour Megan qui je dois dire au passage, était plus que sexuellement convaincante avec ses lolos bien mis en valeur, ses lèvres pulpeuses et son regard allumeur bordé de longs cils noirs. Et ça discutait match de baseball entre deux salves de données informatiques. Elle était de la braise chaude et lui devait suffoquer dans sa chemise. Et Chris revint s’assoir près de moi, le sourire aux lèvres. Il souriait toujours comme si la vie toute entière n’était que champ de fleurs roses et petites filles à couettes du style Laura Ingalls. « J’adhère complètement à ce projet de boot camp version entreprise, murmura ce dernier à mon oreille, c’est complètement dément et….ils vont tous vouloir en être. On parle déjà de loterie, une sorte de concours avec des places à gagner ! Il faut bien une carotte pour donner plus d’attrait à cet événement qui

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restera dans les anales de la NetCom si l’un ou l’autre revient avec une jambe cassée. —Yep, répondis-je faisant tourner le stylo à vive allure entre mon pouce et l’index. Je vais potasser làdessus. Ce soir probablement. Je vais aux toilettes, on en reparlera près ! » Livia me croisa dans le couloir. Pas un mot. Paula courra derrière elle, cette petite lèche-cul toujours à quémander un su-sucre. Un comportement abominable, le summum de l’horreur pour qui a un minimum d’orgueil. Plus loin Julia et Christy échangeaient les derniers potins de l’étage reluquant le cul des mecs sortant de l’ascenseur. Au bout du couloir Liev et ses sbires échangeaient des poignées de main et des congratulations. Je pressais le pas mais Liev quand Liev me héla. « Mara ? Tu peux venir s’il te plait ? Vous allez voir elle est sensationnelle ! Dean Wyatt, Gill Dermont et Stanley Miller ! Tu en as déjà entendu parler n’est-ce pas ? » Il me présenta tour-à-tour à un afro-américain au crâne rasé, à un grand brun au regard pervers et à un chauve qui aurait pu être mon grand-père ; tous trois associés et actionnaires majoritaires de la NetCom ; de grosses pointures à en juger par leurs investissements immobiliers et leur fortune s’élevaient à plusieurs millions. « Mara Golberg est notre nouvelle recrue et en charge des programmations avec Welling et Pitt. On estime à 87% notre taux de réussite en tapant directement auprès de nos actionnaires par un nouveau calcul très savant mis au point par Mara justement§ on peut parler d’heureuse providence. —Très intéressant ! Lança Stanley Miller, un rictus à la commissure des lèvres. Alors c’est notre trio gagnant ! On peut se féliciter de t’avoir parmi nous Mara. On a été durement touché par la crise mais j’aime votre aptitude visionnaire. Probablement votre expérience parmi les Japonais ? Oui j’aime à étudier le parcours de mes collaborateurs. Sans quoi je passerais pour un borgne. Ah, ah ! »

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La vessie me brûlait. Une minute de plus et je me faisais dessus. « Coopter par Cameron Pitt, renchérit Dean Wyatt. Celui-ci a du flair. Il fait un excellent chasseur de tête. Il devrait t’assister Liev pour la prochaine embauche. Liev a du vous en parler mais nous comptons élargir le département. Deux nouvelles embauches sont prévues pour pallier à l’avancement de nos piliers majeurs. » Liev parut gêné. Grillé ! « Si vous parlez de secret d’alcôve, nous n’en sommes pas encore là, répliquai-je en serrant les fesses, à deux doigts de me faire dessus. Cela m’apprendra à attendre jusqu’au dernier moment. Veuillez m’excuser…. » Oh merde ! Je me pissais dessus avant même d’avoir pu baisser mon pantalon. Il me fallut éponger ma jambe recouverte de pisse. En sortant de mon lieu d’aisance je tombai sur Julia se refaisant une beauté. La grande perche au chignon bien sage avec ses petites lunettes en titane me relooka avant de sourire d’une oreille à l’autre. « J’adore ton chemisier ! C’est un Versace ? La NetCom offre de grandes perspectives d’avenir à qui sait les saisir. Au début je te prenais pour une Californienne arrogante, une sorte de m’as-tu vu comme on en trouve sur la côte ouest. Mais il s’avère que tu es une putain de carriériste à la mode Manhattan ; exactement ce qu’il faille pour nous propulser au firmament de notre département. Les retombées seront multiples et Livia a tort de te voir comme une rivale. Après tout on est dans la même équipe ! Cela te dit qu’on fasse un after work ensemble ? On pourrait apprendre à se connaître ! —Diplômée de Princeton c’est ça ? Un bon cursus que le tien Julia et je m’étonne que tu sois réduite à un poste subalterne quand tu as de sacrés atouts pour réussir. C’est cruel mais c’est comme ça Julia, on n’est pas tous à vouloir les mêmes choses. On pourrait être de bonnes copines à échanger de bons plans sur les dernières collections versace, mais cela ne collera jamais entre nous si tu t’obstines à servir le café à

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Megan et à lui cirer les pompes sitôt qu’elle ouvre la bouche pour débiter une connerie aussi grosse que l’Etat du Texas. Si tu tiens à te distinguer et ne pas seulement donner l’impression de t’en foutre, alors….j’accepterai volontiers de partager un after work avec toi. » Allongé sur le sofa, je fixai le plafond, la musique tournant dans la pièce à la baie ouverte. Refugié sur la terrasse, Ron fumait en maillot de corps laissant dévoiler ses pectoraux et ses biceps. Il me rejoignit sur le divan. On avait passé la soirée à se chamailler au sujet d’un sujet puis d’un autre. Soirée tendue. Je n’avais pas appréciée son comportement de la journée. Il fallait qu’il le sache. Et lui de garder son sang froid, au-dessus de tout ça. Nous étions un couple sans sexe, tout notre équilibre reposait sur notre dévotion pour le travail. A présent il minaudait en se frottant à moi comme un chat en quête de caresse après quoi il se barrerait pour mieux s’admirer dans la glace. Je suis un sacré beau gosse et je compte bien rester un Alpha. Adieu toute concurrence ! Dans le métro il gonflait les pectoraux et relookais toujours dans ma direction comme pour obtenir mon approbation ; dans la rue il me tenait le bras signifiant aux autres piétions new-yorkais qu’il pouvait lever une belle donzelle en un tour de main. J’étais sa nana dans certaines circonstances que je jugeais peu flatteuses car la concurrence restait rude du côté du Financial District. Tout ce qui pouvait flatter son égo il l’utilisait, c’était facile pour lui et tellement jouissif. Il s’assit près de moi et lorgna du côté de mes cuisses, remontant vers mon shorty pour s’arrêter sur mes seins. Il baissa le son de mon téléphone posé sur le socle. A croire que ma musique électro ne lui plaisait pas. Oublier ses petites manies pour jouir de la vie après une bonne journée de travail. A L.A j’avais l’habitude des salles de fitnesse avec ou sans ma mère ; là à New York les choses étaient différentes. Pas le temps d’avoir une vie saine. « C’est ultra conventionnel.

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—Quoi donc ? » Je me redressai sur mon séant pour l’interroger du regard. Lui fixer mes nichons. Il ne répondit pas, se contentant de poser la main sur ma cuisse qu’il serra fermement. « Tu sais que c’est dur de discuter avec toi sans passer pour un taré. Ton existence toute entière semble régit par des conventions. Une sorte de Table de la loi : tu ne convoiteras pas l’homme de ta voisine ou bien Tu ne sauteras point sauf si tu sens dominée par tes émotions. Je sais que tu ne piges pas trop, pour toi c’est vital comme le besoin de manger ou de pisser. —Ron. On ne va pas remettre ça ! Nous avons passé la première partie de la soirée à nous recentrer sur nos principales attentes et toi tu….je ne suis plus certaine de vouloir tout entendre, cela pourrait s’apparenter à un viol. En fait cela me fait plaisir qu’on discute toi et moi mais je veux essayer d’être drôle et pas cette autre Mara Golberg à cheval sur mes conventions comme tu dis et incapable de se remettre en question sur le plan émotionnel. —Ouais j’aime comme tu te lâches. Les nanas qui se prennent trop au sérieux me font à coup sûr débander. Alors admettons que l’on sorte ensemble toi et moi…. —Oui je crois en l’amour véritable. —Je suis sérieux Milky. Admettons que je veuille une relation sérieuse avec toi, comment devrais-je m’y prendre ? —Tu es vraiment sérieux Ron ? Le questionnais-je en souriant. Tu sens qu’il pourrait y avoir quelque chose entre nous, autre qu’une vulgaire histoire de fesses ? C’est gentil de penser à moi quand tu n’as rien à te mettre sous la dent. Ah, ah ! EN dehors du fait que tu me trouves bandante, qu’est-ce que tu trouves d’excitant en moi, à part ma belle paire de seins. Raconte ! —Je sais que tu es un bon coup, cela suffit amplement pour envisager la suite de façon convenable. Pas question que tu te transforme en bobonne ! Rien ne m’horripile plus qu’une femme qui repasse ses sous-vêtements, le nez dans un livre de

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cuisine avec tout plein de notes rédigées de sa main. Cela m’angoisse. Pas de femme non plus qu’i se mette à dépenser sans compter l’argent du couple. —Oh merde ! Je comptais tellement sur toi pour m’offrir une voiture coupée sport ! Ah, bah….je tombe de haut. Alors on peut dire que tu n’es pas exigeant. D’autres ont des listes plus conséquentes de ce qu’ils attendent de l’autre. C’est d’ailleurs pour cela que les couples se brisent bien avant d’avoir emménagé ensemble. Il y a eu une étude là-dessus dans le très sérieux New York Post. Tu me crois capable de te régaler uniquement de mes jeux érotiques ? Le temps où je baisai à tout-va est révolu. Je me suis rangée maintenant pour uniquement me concentrer sur ma carrière. N’est-ce pas d’ailleurs pour cela que tu m’as faite venir ? Pour me donner une chance de m’accomplir dans mon travail ? Il se passe quoi en ce moment dans ta tête ? —Tu n’as jamais eu l’intention de coucher avec moi ? —Tu es sérieux là ? On l’a déjà fait Ron et se fut assez concluant pour en rester là. » Oups ! Il n’allait pas l’encaisser. Je venais de mettre son égo au plus bas. Son regard se perdit dans les tréfonds de son esprit, derrière cette petite porte avec un écriteau : Tirer le cordon d’alarme en cas de subie contrariété. Il se caressa la nuque d’un geste qui se voulait désappointé. D’un bond il se leva. Il était de ces hommes qui ne supportent pas la critique. « D’accord Milky. Je pense sérieusement que tu devrais te trouver une piaule à toi. Nos relations sont des plus conflictuelles et je ne suis pas certain de vouloir les mêmes choses que toi. Tu comprends n’estce pas ? J’ai besoin de me retrouver. J’ai besoin d’une femme avec qui passer du bon temps et non pas une fausse-chaude, aguicheuse à souhait qui exhibe ses atouts sous mon nez sans que je puisse en savourer l’essence. Si c’est une histoire de fric….je peux t’aider à trouver quelque chose de potable dans ce quartier ou ailleurs, mais je ne tiens plus à t’avoir près de moi. C’est contre-nature.

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—OK ! Je serais peut-être mieux chez mes amies de toujours. Au moins avec elle je ne risque pas des déconvenues du genre : tirer son coup pour faire valoir de cuissage sur la location de la chambre . C’est très classe de ta part ! Je vais de ce pas à l’hôtel et tu pourras ainsi aller lever une nana ou deux pour satisfaire tes exigences de mâle en rut ! » A la NetCom l’ambiance fut glaciale. Il ne m’adressait plus la parole, cela valait mieux car de toute façon nous n’aurions rien trouvé à nous dire. La journée fut longue et difficile ; m’envoyer des rapports en pleine tronche sans un mot, manger seule à la cafète et fumer seule sa clope avait quelque chose de si pathétique. Il ricanait avec Megan qui alors m’envoyait des regards jubilatoires dans ma direction. Il s’assit près d’elle à maintes reprises et comme j’ignorais ce qu’ils se disaient je n’avais que cette option de jouer les indifférentes. Et pour couronner le tout, Chris ne pointa que deux fois le bout de son nez sur la plate- forme et toujours pour nous parler de bilan, d’évolution de courbes, de calculs qui en plus de nous prendre la tête nous maintenaient dans un climat de compétition. Chris était nerveux. Jamais je ne l’avais vu ainsi, non pas qu’il courrait dans tous les sens mais bien parce qu’il éprouvait des difficultés à se poser près de moi. C’était bien ce soir que tout se jouait. Je lui envoyais un message : Pas trop nerveux toi ? Et j’attendis sa réponse. Il consulta son téléphone mais ne répondit pas, se contentant de laisser poindre un sourire qui se voulait rassurant. Après cette épreuve il aurait besoin de bonnes vacances. Normal quoi ! Et puis je savais maintenant que deux postes allaient se libérer dans les mois à venir ; peut-être le sien et celui de Ron ? Il m’invita à prendre un café en sa compagnie. « Fais les choses simplement Welling et tout se passera pour le mieux ! Ron comme moi n’avons pas à être impressionnés. Oui ! Il a dit qu’il passerait….J’ai du le travailler au corps ; façon de parler naturellement ! Il parlait d’aller saluer un pote de Gale

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dans le New Jersey, rapport au match de baseball. Il n’a pas été facile de le convaincre de se joindre à mon expédition dans les beaux quartiers du East side. Tu le connais non ? —C’est marrant parce qu’il m’a dit la même chose de toi. Au dernier moment tu ne savais pas si tu viendrais….une soirée de dernière minute avec Lynne et les autres ? Tu sais je ne te mets pas en compétition avec Carrey. —Je le sais, répondis-je froidement, Carrey est ta fiancée ! Je ne vois pas pourquoi tu m’en parles ? Je te demande seulement de ne pas mettre mon nom dans la liste présumé de demoiselle d’honneur. L’idée de parader au milieu de toute cette faune d’arrivistes me donne mal à la tête ; je parle de ton mariage à venir, pour le reste je ne me fais pas d’illusions, tu as semble-t-il une longueur d’avance sur nous. Une belle famille pour ne pas parler uniquement du beau-père très engagé dans ton ascension à venir. Quelque chose me dit que tu ne resteras pas longtemps à la NetCom ! Sitôt le mariage consommé tu t’installeras dans un beau building portant le nom de ton beau-père, calé dans un magnifique fauteuil en cuir tu fumeras le cigare en te disant que certains sacrifices en valaient bien la peine. —On ne peut rien te cacher, j’ai eu des tas de propositions ici et là. Mais la NetCom m’offre bien plus que n’importe quelle firme de la Big Apple ! Je me lève le matin en ayant la garantie que certains sacrifices en valent la peine. Et comment cela se passe avec Liev ? J’ai eu des très cons échos de toi auprès de Miller et Dermont. De quoi avoir la grosse tête mas tu fais preuve de retenue. Pourquoi ? Je peux t’affirmer que notre Liev a le béguin pour toi. —Arrête avec ça ! J’ai l’impression d’entendre Ron, murmurai-je. Et toi donc ? Où que tu ailles il y un essaim d’abeilles virevoltant en tout sens. Elles sont toutes grotesques et pathétiques et succombent un peu trop facilement à ta belle gueule Welling. Je peux te demander ce qu’il y aura au menu ce soir ? »

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Il ne m’écoutait plus à en juger par ce sourire niais. Arrivèrent Ron et Megan. Mon sourire s’effaça aussitôt. Naturellement ils avaient choisi ce moment pour s’offrir une pause-café ! Des plus lasses je jouais avec mon gobelet vide quand l’odeur de Ron me chatouilla le nez. Après la scène puérile qu’il m’avait faite la veille au soir, mon comportement était tout à fait rationnel. Envoie-le bouler ! Les conseils éclairés de Lynne. Cela ne te réussit pas de jouer les bonnes copines. Les hommes aiment qu’on flatte leur virilité. Un conseil : tiens-toi à distance ! L’intuition s’avérait exacte. On n’obtenait pas le respect sans mal. Dusséje y laisser des plumes. « Milky, tu es sur le dossier N675 non ? On voudrait avoir les résultats le plus tôt possible, alors tu laisses tomber le reste pour te concentrer uniquement sur celui-ci, s’il te plait ! On a un briefing dans deux heures, alors je voudrais que tout soit bouclé. —Oh parce que selon toi je tricote en ce moment ? que crois-tu que je fasse depuis que j’ai posé mon cul derrière mon bureau ? —En fait, on constate que tu as pris du retard ! Railla Megan retrouvant son statut de première de la classe. Il serait apprécié que tu mettes les bouchées doubles. On a du mal à patienter quand tu as le gros des dossiers sur ton desk. —Qui me parle là ? J’entends des voix mais je ne suis pas certaine de…. —Ok, je m’en occupe ! Lança Chris. Si c’est une question de calculs, je peux m’y atteler. Cela ne vaut pas la peine de crier au loup et puis Mara croule suffisamment sous les dossiers de seconde nature pour que nous puissions la taxer d’opportuniste. Cela te va Ron ? Tu n’auras pas à souffrir d’un quelconque retard. » On travailla de conserve ; Chris ne cessait de me poser des questions comme s’il n’avait jamais appris à travailler seul. De nous savoir tous deux en parfaite harmonie spirituelle, Ron fulminait derrière ses moniteurs et de temps en temps glissait son regard du côté de mon siège pour y déceler des signes avant-

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coureurs de sensibilité amicale. Je n’avais pas l’intention de séduire Welling et pourtant tous ici, de la standardiste du rez-de-chaussée à notre CEO, pensaient que j’avais dans l’esprit de tirer la couverture vers moi. Jambe contre jambe nous étions, je l’avoue, un peu trop près l’un de l’autre ; près au point de mélanger haleine, parfum et sécrétions de tout genre. Par inadvertance ou par calcul sa main se posa sur la mienne. n’avait-il pas déclaré qu’il ne me mettait pas en compétition avec sa pétasse de Carrey ? Mensonges ! Les hommes ne tenaient pas longtemps sur la distance. Que devais-je alors penser par compétition ? Et son regard parlait à la place de son pénis. Si tu veux qu’on baise de nouveau, je suis disponible ! Je récupérai ma main in-extremis ; Ron venait de faire son apparition sur sa chaise mobile. S’il y avait eu un moteur diesel sur son siège j’aurais compris qu’il puisse ainsi se déplacer à la vitesse de la lumière. Il voulait son putain de rapport et avoir la certitude que Chris et moi ce n’étais que professionnel. Coincée là entre les deux potes je suffoquais. Un peu d’air merde ! Ron se rapprocha de moi au point de ne plus vouloir me laisser libre de tout mouvement. « Super ! Tu sais bien compter Chris mais la prochaine fois que je demande quelque chose à Milky soit aimable de te tenir en retrait. Je doute que la NetCom la paie pour te la couler douce. C’est quoi ce sourire Milky ? Tu dois certainement te demander à quoi correspond le chèque que l’on t’a remis le mois dernier ? Allez ! Je dois tout soumettre à Liev en ne négligeant pas le fait que Chris à cette fois-ci contribué à son succès. Je m’en retourne à mon travail si vous voulez bien. » Plus tard Liev me coinça dans le couloir, suivi par Betty Bop, au regard de braise. Elle ne me salua même pas, c’était comme un faire-valoir. La petite intrigante qui bosse sous mon aile doit rester à sa place, et j’y veillerais personnellement ! Décolleté plongeant et ouvert sur ses nichons ; belle plante un peu toxique certes, mais belle plante quand même avec sa

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chevelure d’or et ses yeux de félins. Dans ce monde de machos, elle avait du batailler ferme pour obtenir cet avancement. Il y eu un avant et un après Elizabeth et comme j’arrivais bien après son avènement, elle devait se dire que je ne valais pas les encouragements d’Liev Hauser quand ses pouliches : ces Miss America, Miss Delaware et cie ; autant de Megan, de Livia que je coiffais au poteau. « J’ai lu ton rapport Mara et c’est de l’excellent travail ! ce dossier m’avait donné du fil à retordre mais je dois dire que Chris et toi avaient permis de mettre un terme à mes insomnies. Tu seras chez Chris ce soir ? On m’y attend pour l’apéro, alors je me suis dis qu’on pourrait y aller ensemble. tu en dis quoi ? Vingt heures, cela te dis ? —Euh….je ne serais jamais prête pour vingt heures ! —Ah, ah ! Tu n’auras qu’à sous-traiter ton travail. Tu peux faire confiance à Gale. Je l’aime bien Gale. » A vingt heures pétantes il arriva ; Ron avait du lui dire qu’il ne viendrait que plus tard chez Carrey. L’occasion, Liev l’avait saisie. Après les dernières recommandations données à Gale je le suivis jusqu’à la limousine noire attendant en bas du building. Le chauffeur m’ouvrit la porte en me souhaitant : Bonne soirée Miss Golberg ! Des plus nerveuses j’étais là à tout observer autour de moi : ce cuir noir et luisant ; ce plateau-apéritif, ces baffes et le volume de ce véhicule où une équipe de baseballers pouvait se tenir. Il passa un dernier coup de fil, tout en me faisant signe de me mettre à l’aise. Une flûte de champagne ? Ou bien un digestif pour complètement te saouler ? L’idée était peut-être que je finisse complètement paffe avant même être descendue de sa limousine. Incorrigibles sont les hommes ! Sans plus attendre je nous servis du champagne ; on trinqua. Ne pouvait-il pas mettre un terme à son appel ? Le second appel fut Livia. Que voulait-elle à cette heure-ci ? Avait-il tous les numéros de ses collaboratrices au décolleté plongeant ? Cette garce devait savoir qu’il sortait ce soir et elle devait se trouver amusante à le contacter pour des histoires de matrices ; n’y avait-il pas Betty

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Bop quelque part pour répondre à ces questions du genre : je veux être bonne élève et je multiplie mes chances de briller auprès de Hauser ! L’envie de faire stopper le véhicule ne fut pas loin. Autant continuer par mes propres moyens.. Mais à peine eut-il raccroché qu’on l’appela de nouveau. Cette fois-ci ce fut trop ! Ma journée n’avait pas été de tout repos ; alors ce genre de déballage téléphonique me fit penser à un standard aux heures de grand rush. Etais-je obligée d’assister à tout cela ? Le chauffeur me renseignerait quant à la borne de taxi la plus proche, ou bien une station de métro. « Mara ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Attends ! Qu’estce que tu me fais là ? —Ton numéro de charme garde le pour toi d’accord ! J’ai bu mon verre de ce délicieux champagne mais je ne peux abuser de ta générosité quand tu es très occupé ailleurs. On se revoit chez Chris d’accord ? Qui plus est, ça n’avance pas et cela m’ennuie sérieusement d’arriver en retard dans la bonne société. —Remonte dans la voiture Mara, ne fais pas l’enfant. Tu mettras plus de temps à rallier la Cinquième si tu t’obstine à prendre les transports ! » Les véhicules klaxonnèrent autour de nous ; je fermai la porte sur Liev pour filer vers la station la plus proche ; je fis quelques pas avant d’être rattrapée par mon boss des plus acharnés. « Tu es une putain de fouteuse de merde Mara, il faut que tu le sache ! —J’ai eu une journée assez chiante aujourd’hui et je pensais sérieusement qu’en quittant la NetCom je verrai autre chose, mais il n’en ai rien ! Je ne veux absolument pas te mettre la pression en quoique se soit Liev, seulement j’ai l’habitude de décompresser après les journées de travail ! Alors t’entendre parler de boulot cela me colle la nausée. » Il m’attrapa le bras. Devions-nous continuer ensemble ? On sonna à la porte de la luxueuse résidence avec gardien en livrée ; de quoi tomber sur le cul : toute cette surenchère de luxe. Cela frisait

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l’insolence. Du sol au plafond, tout semblait rutilant neuf ; le marbre jouxtait à la faïence et à peine si on ose poser ses mains sur les poignées dorées des portes. Une vingtaine de personnes se trouvaient être à l’intérieur et derrière l’épaule de Carrey s’observait cette masse compacte se tenant fièrement dans l’immense salon donnant sur Central Park. Enfin je voyais Carrey. Grande, blonde à la façon d’une chanteuse Pop d’origine Suédoise pour ne pas citer ABBA ; mince et diaphane dans cette robe Versace couleur champagne. Elle me dévisagea froidement : fort à parier qu’elle me connaissait déjà de réputation. Ce qui la choqua fut mon entrée en compagnie d’Liev. Nous n’étions pas si mal assortis mais à ces yeux d’expertes nous n’avions rien à faire ensemble ! Une domestique latino vint prendre nos effets personnels pour nous guider parmi les autres convives. Chris se précipita vers moi escorté par deux types à la langue pendante. « C’est cool que tu sois venue. On a commencé les festivités sans toi. Je tiens à te présenter Hayden et Clive, des amis de Carrey…. » Les présentations faites, je me ruais sur les petits fours sans vouloir me mélanger aux autres, trop imbus de leur personne pour venir tailler la bavette en ma compagnie et cette Carrey de ne faire aucun effort pour me présenter au reste de la noce. Quel était le mieux pour moi ? Filer ventre à terre ou assumer avoir couché avec Chris ? Un Boris vint me faire un brin de causette suivit par une Alyson qui disait avoir apprécié son séjour à L.A. Qu’est-ce qu’on se faisait chier ici ! Liev causait avec Carrey et cette dernière un peu crispée s’essayait à des sourires de circonstances. Si cette salope de Mara s’approche de mon homme, je lui crève les yeux ! Cela manquait sérieusement de pétard, de musique à fond les baffes et d’extravagantes relations susceptibles de vous distraire le temps d’une soirée. Plus tard on sonna à la porte. Le comble de l’horreur pour moi car si la présence de Ron aurait pu me réconforter celle de Megan m’horripila. Qu’est-ce que cette Miss America faisait là ? Carrey l’accueillit

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telle une diva. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais ! Megan quoi ! Tout un cercle se forma autour des nouveaux arrivants, cercle constitué de Chris et d’Liev ; ces derniers échangèrent des blagues potaches à l’intention du couple et dans mon coin j’avalais mon Chardonnet cul-sec. Quitte à se mettre minable autant le faire avec une bonne bouteille. Discrètement je filais sur la terrasse rejoindre un trio formé par des fumeurs de cigares qui boudèrent ma compagnie en me voyant arriver nu-pieds, mes escarpins à la main. « Tout va bien, je me pose une importante question philosophique ! Que sommes-nous privés de tous nos accessoires dits superflus ? Salut ! Ravie de vous avoir rencontrés ! Oh, non ! (en voyant débarquer Ron) Qu’est-ce que tu fais là ? Sérieusement c’est mon espace Ron ! Trouve-toi un autre espace de détente s’il te plait ! —Alors comme ça tu as fini par trouver l’adresse ? —Hum….Liev m’a pris en otage. Il a le sens du partage celui-la. Tout comme toi avec Megan apparemment ? C’était si dur pour toi de venir seul ? TU sais j’ai déjà l’envie de gerber. Dis-moi seulement ce que je fous là Ron, je ne peux pas croire m’être faite mettre de la sorte ! —Il faudra pourtant que tu t’habitue. Megan est ma petite amie et si cela te pose problème alors libre à toi d’aller gerber. Sinon c’était comment cette virée avec Liev ? Il t’a fait visiter cette partie de New York connu de lui-même ? Tu dois maintenant savoir qu’il est circoncis. —Oh merde ! Ecoutes, on va en rester là. J’ai une mauvaise intuition concernant cette soirée alors…je préfère mettre les voiles ! » Il me suivit jusqu’à l’ascenseur ; c’était plus fort que lui ! Il lui fallait toujours avoir le dernier mot. Il n’a rien dit jusqu’à l’arrivée de la cabine ; il y rentra avec moi et s’adossa contre la paroi de verre sans me lâcher des yeux. Les bras croisés sur la poitrine je restais silencieuse, fixant un détail de la cabine sans vouloir le regarder.

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« Chris et moi on a posé notre démission. On compte l’annoncer ce soir en petit comité avant de la rendre publique, ce qui explique la présence du boss avec nous. Il connait bien Carrey et cela n’a pas été difficile de la convaincre de l’inviter. J’ai accepté d’être son témoin de mariage à la condition que tu fasses partie de l’aventure. Sauf que Liev ne veut pas te lâcher, il veut que tu prennes ma place pour commencer et il te demandera de former ton équipe si toutefois tu décidais de rester à la NetCom. Ton contrat sera revu à la hausse comme tu peux t’en douter et….si tu décidais à nous suivre, Megan se verrait offrir mon poste. Je suis censé la former sur les deux mois qui viennent et crois-moi ce n’est pas une partie de plaisir. Elle supporte très mal le fait d’être un second choix. —Alors forme-la bien ! Je ne comprends toujours pas pourquoi tu m’as faite venir à new York si ce n’est pour m’annoncer que tous deux vous vous tireriez après que ma période d’essai soit accomplie ? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond avec toi Ron et quand tu auras mis de l’ordre dans ta tête, j’aimerai quelques éclaircissements de rigueur. —D’accord ! On s’était donné deux à trois ans mais le mariage de Chris bouleverse nos plans. Carrey lui met une pression dingue et….Chris ne prend jamais de décisions précipitées. Il lui faut du temps pour réfléchir. Quant à moi, je….j’ai conscience d’avoir merdé avec toi. J’aurai du te le dire depuis longtemps mais j’ai craint que tu prennes la fuite en l’apprenant. Si tu veux qu’on marche un peu avant de remonter… Milky ? Ok, alors je vais te le dire autrement : je souhaiterai vraiment que tu abandonne la NetCom pour te joindre à notre projet. Un mot de toi et on signe tous deux notre démission in-petto ! Si nous n’étions pas certain de notre business Plan on ne te ferait pas courir ce risque, bien que toi tu n’aies rien à débourser. L’argent provient uniquement des réserves financières de l’empire Welling. —C’est vraiment incroyable ce que tu arrives à me faire endurer !

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—C’est parce que je t’aime bien-sûr, sourit-il en m’envoyant une accolade. Sur ce coup-là on a vraiment besoin de toi. C’est en quelque sorte une nécessité. Tu sais on a étudié beaucoup de candidatures en parallèle et il s’avère que tu es un morceau de choix. Tu veux sortir ou bien remonter ? —Carrey se doute de quelque chose n’est-ce pas ? —Je lui ai dit que tu avais eu une aventure avec son prétendant. Non, je te taquine ! Je lui ai dit que notre pragmatique Liev voulait injecter du sang neuf à la NetCom et que comme tu nous avais sucé tous les deux il était plus facile de le convaincre. —Ah, ah ! Cela ne m’étonne pas de toi. Tu as pourtant dit lui dire que je n’étais pas facile à mettre dans un pieu ? —Oui mais cela l’excite davantage. Plus tu lui résistes et plus il se met à bander et je t’assure qu’il veut vraiment sortir le grand jeu avec toi. —Et cela te rend jaloux ? »Aucune réponse de sa part ; je devais en déduire que : oui. Il me dévisagea avant de s’arrêter sur mes lèvres. Il se pencha vers moi et arrivèrent des pensées lubriques. Il était bel homme ; certaines de s’entretuer pour l’avoir dans son lit. Pas du genre à le laisser dormir dans la baignoire. « Je ne suis pas du genre envieux surtout quand je sais mon succès certain en ce domaine. Tu me crois si je te dis que je me tape réellement Megan ? Oui et cela t’enrage que je puisse trouver du bon temps avec elle. Là tu as envie de m’insulter. Alors fais-le ! Moi je t’attaquerais ensuite sur Liev bien que je sache que tu n’as jamais eu l’idée de baiser avec lui puisque tu m’aimes. —Ah bon ? Je t’aime ? Présomptueux en plus de tout le reste. —OK ! Assez causé ! On remonte si tu veux bien ? Je crève la dalle. Tu te ramènes ? » Le repas fut des plus appréciables. On dine toujours bien dans ce coin de New York. Après trois heures je fus soulagée de quitter la table. Les filles étaient à la Casa Nova et me donnaient rendez-vous là-bas.

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Ramènes-toi Milky ! Tu nous manques ! écrivait Cornelia. Les autres prévoyaient de rester sur place et de refaire le monde financier autour d’une bonne bouteille ; toujours maîtresse d’elle Carrey ne cessait de lorgner dans ma direction ; qu’elle pouvait se montrer soulagée ; je n’avais pas fait de l’œil à son fiancé ! Avachis dans le canapé Ron discutait avec un dénommé Calvert et Megan assise près de lui me lança des éclairs de menace. A quoi bon le déranger ? Je remis mes escarpins et partis à la recherche de mon sac. « Je peux te déposer quelque part? Questionna Liev les mains enfoncées dans les poches de son costume. Tu me laisses saluer nos hôtes et je te dépose où tu veux ! Ah, Chris ! Justement nous allions prendre congé de toi. J’ignore où est Carrey mais je ne veux pas le déranger. Tu la salueras de notre part ? —Je n’y manquerais pas. J’apprécie que tu sois venu Liev. On se voit toujours demain ? Si tu veux te joindre à nous Milky tu seras la bienvenue ! Et si Ron n’est pas trop épuisé par sa soirée avec Meg, on doit pouvoir le compter parmi nous. Tu vas rejoindre les filles à la Casa Nova ? Oui Kathleen a mis à jour sa page facebook. Belle fin de soirée en perspective. » Il crevait d’envie d’y aller ; moi je crevais d’envie d’aller me réfugier sous ma couette. Tant pis pour la soirée à la Casa Nova ! A 04h20 du matin on sonna comme un forcené à la porte. Ron s’y tenait des plus éméchés. Une fois de plus j’avais laissé mes clefs dans la serrure. Normal alors qu’il soit là à s’exciter. Impossible pour moi d’aller me recoucher et surfant sur le web, je finis par trouver le site adéquat pour notre boot Camp. A 10h00, je partis réveiller Ron. « Tu vas être en retard pour ton excursion sur l’Hudson ! Allô ! Réveilles-toi Ronny ! Et saches que j’ai trouvé notre site pour notre camp de survie, poursuivis-je en m’installant près de lui en tailleur. Tu vas kiffer. C’est en Europe dans les Carpates. Dépaysement total garantie et en prime, le village le plus proche se trouve être à vingt kilomètres du site choisi. Qu’est-ce que tu en penses ?

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—Hum… » Il n’avait pas entendu un traitre mot de ce que j’avais dit. A quoi bon insister ? Le mieux pour moi serait de l’attendre à la sortie de sa douche. Sa main glissa sur mon dos ; ce contact me fit sursauter. J’ai juste envie de mettre ma main là mais pas question pour moi de passer à l’acte ! il bassa pourtant sa main vers mes reins et resta là un moment. Il inspira profondément tout en approchant sa tête vers mon bassin. Sa nuit avec Megan ne devait pas l’avoir suffi car voilà qu’il entreprit de ma baiser la peau. « Bon ? Alors ? Qu’en est-il de ce projet ? As-tu des suggestions ? Et ne me dis pas que tu n’en as aucune, parce que je ne croirais pas ! Tu ne cesse d’inonder ma boite mails de messages tous plus étranges les uns des autres et j’insiste pour que tu me secondes sur ce projet. —Ne te prends pas la tête avec ça. De toute façon on a plus de budget. Acceptes-tu d’être ma femme ? Non, je connais ta réponse, gémit-il en enfouissant son visage sous son oreiller. Tu vas encore me parler de Chris et ma réponse sera la suivante : Qu’il aille se faire foutre ! Je pensais seulement que tu pouvais avoir changé d’avis suite à notre petite conversation de la veille. —Ne te fiche pas de moi s’il te plait ! Je suis la seule à me creuser les méninges et….d’accord ! On oublie ce projet, déclarai-je fermant précipitamment mon PC. Je ne te parlerai plus de cela ! Promis ! De toute façon, tu as d’autres préoccupations en ce moment pour ne pas saluer le génie de cette Megan ! Tu sais qu’on nous confond au boulot ? —J’adore ce genre de réveil, Milky….J’étais à bander mais toi et ta magie….PFFFF ! Mon érection s’est envolée. Qu’est-ce que tu veux que je te dise de tout cela ? Argua ce dernier qui se leva avec peine pour récupérer son maillot à terre, l’enfiler à la vavite et jeter un rapide coup d’œil à sa Rolex. Tu n’as pas l’intention de rester là toute la journée à répondre à tes mails aussi barrés qu’inutiles ! —Oui je compte sortir !

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—Ah, ah, ah ! Fais-moi rire Milky ! Il faut que tu admettes le fait que tu ne peux plus te passer de moi car à peine aurais-je fermé la porte de mon appartement, tu vas te mettre à m’appeler tous les dix minutes, prétextant un problème de mathématiques ou de je ne sais quel problème tu auras inventé pour me faire réagir ! Oh, ron ! Je ne sais pas où tu es mais j’ai AB-SO-LU-MENT besoin de toi ! Et ce qui est drôle c’est que tu nieras l’avoir fait. Tu n’aime ne rien devoir à personne, c’est ça ton problème ! » Il était remonté comme une pendule. La faute à ce réveil sans femme tressautant sur sa monstrueuse bite. Comme une tarée que je suis, je le suivais dans la cuisine admirant sa plastique pour mieux lui donner de l’importance. Il ouvrit le grand frigo pour en extraire mon jus de goyave qu’il but directement au goulot. Il savait que je détestais ça et il prenait un plaisir certain à le faire. « Il faut vraiment que tu ailles tirer ton coup Ron, tu devient vraiment trop grossier. —Pauvre petite ! » Il quitta la pièce en me laissant encaisser le coup. Il venait de me traiter de sale conne, non ? Je me mordis la lèvre sans le courser dans l’appartement et lui faire entendre raison. C’était bien ce qu’il voulait après tout, non ? Pas question pour moi de céder à ses exigences de sociopathe. Il avait laissé la bouteille sur la table, là, en évidence. J’avais envie d’une clope. Assis dans le canapé du salon, il fit celui qui ne me voyait pas et en lit main libre téléphonait à je ne sais qui au sujet d’un dossier de la NetCom à en juger par l’étude de son PC ouvert devant lui. Et je partis m’isoler sur la terrasse. New York au matin c’est vivifiant. Je suis folle de penser ça. Ah, ah ! Il me faudrait refaire ma pédicure. La porte s’ouvrit sur Ron plus décidé à me pourrir que jamais. « Tu vas te le faire ? —Qui ? Questionnais-je froidement. Il n’allait pas remettre ça sur le tapis. « Vous êtes rentrés ensemble hier soir, alors je me pose la question de

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savoir si vous avez couché ensemble ou s’il t’a mentionné le fait qu’il voulait copuler avec toi ? —Ron, tu es incroyable de penser ça ! Alors tout tournerait autour de ça, hein ? Savoir si je couche avec Liev ! Tu sais je crois que je devrais trouver un appartement à moi, cela t’évitera à coup sûr de fantasmer sur moi et confondre amitié avec relation charnelle. Et puis ce n’est pas bon pour le travail. —Tu déconnes là ? Dis-moi que tu déconnes en disant ça ? J’avoue que parfois j’en fais des tonnes mais c’est dans le seul but de mieux te faire comprendre certaines choses. On devrait passer plus de temps ensemble. —Non, parce que je viens de t’annoncer que l’on devait mettre plus de distance entre nous ! —OK ! Je t’offre ton prochain voyage ! Qu’est-ce que tu penses du Chili ? Non, attends ! On pourrait choisir l’Argentine ou Cuba, tient ! On se fait une semaine à Cuba, La Havane ! Seulement toi et moi ! Attends ! Attends ! Où est-ce que tu vas ? —Je vais prendre ma douche, répondis-je en l’évitant de justesse. Les sourcils froncés, il était malade à l’idée de penser que tout pouvait s’arrêter demain. Son talon d’Achille m’apparut comme une évidence : il souffrait le martyr privé de l’amour de Chris et maintenant je menaçais de le quitter. Impossible pour lui de se priver de notre compagnie. En sortant de la douche, force de constater que Chris se trouvait être là, vautré sur le canapé et prestement il se redressa en me voyant débarquer ainsi peu vêtue et son regard se posa sur ma poitrine engoncée dans mon soutien-gorge Dim, effet push-up vanté par la pub/ inutile de tergiverser pendant des heures : il se tenait là pour mieux savourer sa vie de célibataire. Je n’ai plus une minute à perdre ; dans quelques mois je serais prisonnier de cette vie tant désirée par Carrey ! Après avoir joué les fausses ingénues, je glissai dans une robe fifties particulièrement bien taillée, ma préférée de ma garde-robe si l’on en croit l’amour porté à ce morceau d’étoffe. L’effrontée qui me provoque en agitant sa

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croupe devant Chris ne mérite certainement pas mon estime ! Et Ron me lança un de ses regards noirs, chargés de reproches. Au moment de quitter l’appartement, Chris interrogea Ron du regard, assez explicite entre nous pour que je devine ses intentions. « Euh… Milky ! Pourquoi ne te joindrais-tu pas à nous ? On va sur l’Hudson comme tu le sais et ensuite on va chez Becket ! » Becket ? Mes yeux s’illuminèrent. « Oui il est ici et il serait content de te voir. Alors, tu es de la partie ? » Tant pis pour mon vieil ami de toujours Becket mais je ne voulais pas passer pour la fille sans ami qui se coltine celle des autres pour tuer le temps. Et puis New York un dimanche matin c’est presque surréaliste. Je veux en faire partie, moi et les filles uniquement, sans présence masculine pour diriger nos pas et commenter nos actions de célibataires. Le Chili. Et pourquoi pas l’Alaska tant qu’on y est, pensais-je devant la rame de métro. Des usagers y descendirent quand d’autres attendirent pour y monter dont moi, serrant mon sac Gicci rouge contre mon flanc. Il m’était étrange de prendre cette ligne sans Ron ; la même ligne empruntée le matin et le soir pour se rendre à Central parc. Grosse excitation de mon côté en constatant qu’il n’avait pas cherché à me retenir. Une de perdue, dix de retrouver ! Vite, où est Megan, qu’elle vienne me consoler de ce malheur ! Cette pensée me fit sourire : jamais encore je ne me serais imaginée aussi possessive, aussi jalouse et aussi puérile dans mon comportement. La faute à cette relation que nous entretenions propre à celles des amants ou jeunes couples impossibles de se désolidarisés. Ah, ah ! Les écouteurs dans les oreilles j’écoutais un air d’Aerosmith assez envoutant pour me faire oublier le fiasco du diner de la veille. Plus jamais il ne me viendra à l’esprit de me donner en spectacle de cette sorte. Si j’avais eu mon heure de gloire avec Chris et ron, ce temps était bel et bien révolu. D’une façon ou d’une autre je devais avancer sans plus me retourner

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et pour cela je devais me détacher de ron et de sa peur de l’abandon ; A la NetCom, les discussions allèrent bon train. Apparemment tout le monde avait reçu une bonne dose de dopamine dans son café du matin. . Il y régnait une telle excitation qu’on se serait cru lors de la fin de la WW2 en 1945 ! Liesse générale et délire commun. Dans tout l’office on ne parlait que de cela : la NetCom avait son nouvel Executif Manager en la personne de Duane Connor, un anglais tout droit débauché de la City pour venir travailler à Manhattan. Les filles gloussaient à qui mieux-mieux. Derrière mes écrans de PC je tentais de ne pas prêter attention à tout ce remue-ménage. En fait, j’étais vexée, terriblement vexée que ron n’ait pas trouvé à m’en parler hier soir en dehors de ces préoccupations personnelles. A 1030, le type en question arriva. Bel homme il faut l’admettre : grand, distingué avec un sourire carnassier. « Un sourire de beau gosse » comme dirait Lindsay la rouquine en parlant de ce bel Apollon de Londres. Il prit le temps de saluer chacun de nous, très à l’aise il faut le reconnaitre, un peu comme le vieux pote d’université retrouvé après quelques trimestres de séparation. Il me tendit une chaleureuse poignée de main et Liev glissa cette sentence : « Notre Mara Goldberg ! C’est elle qui te formera sur les ficelles du métier. Ton binôme pour les semaines à venir. N’est-ce pas Mara ? » Ah, bon ! De mieux en mieux ! Ron quitta sa chaise et volontairement me percuta sans même s’excuser. Megan le remarqua, sourit d’une oreille à l’autre et s’empressa de le suivre. Allez, ni vu, ni connu je t’embrouille Milky ! A défaut de Chris j’ai Ron moi ! Lasse de cette attitude je me contentais de prendre une attitude faussement détaché sans même prendre le temps de répondre au ravageur sourire de Connor. Personne autour de moi n’avait jugé utile de me prévenir, on me mettait devant le fait accompli. A 1112 je partis prendre un café, quand Liev me rejoignit, bien loin de ses quartiers.

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« Comment tu le trouves le nouveau ? C’est la nouvelle recrue de Welling et il tient à ce qu’on le bichonne. C’est quoi le problème Mara ? S’il y a un problème je veux que tu m’en parle plutôt que de te voir déverser ta bile sur tes autres collaborateurs comme Ron par exemple. Tout va bien n’est-ce pas ? —Cela te terrifie que je ne puisse pas coller à l’image que tu te fais de moi ? Entre nous je ne pense pas être taillée pour jouer les baby-sitters et ton Connor tu peux te le foutre ou je pense ! Je n’ai ni le temps, ni la patience de faire plus que ce que l’on me demande actuellement. —C’est là ta réponse Mara ? Vraiment tu me déçois, argua ce dernier en secouant la tête, lèvres serrées. J’en prends note. On mange ensemble ce midi, Chris et son nouvel adjoint. Alors je compte sur toi et je n’accepterai pas que tu nous fasses faux bond ! » De retour à ma place, Ron lorgnait de mon côté du coin de l’œil. A savoir s’il avait copulé avec Megan dans les WC c’était une autre affaire. Se sentant en position de force, cette dernière me remit cinq dossier sans rien déclarer d’autres et alors que mes doigts parcouraient fiévreusement le clavier de mon PC, Chris revint suivit par son double arborant son sourire de vainqueur. Rhum and Coca-cola ! Me vint en tête cette chanson très amusante, teintée de nostalgie. Livia vint jouer les maquerelles, hissée sur ses escarpins, les lunettes carrées sur on nez en trompette et brushing soigné. Elle ne m’a pas salué. Cette garce salua tout le monde mais en me sachant là préféra m’ignorer. « Tu vas t’y faire bien vite ! Tu vas voir Connor, l’équipe est ingénieuse ! Il n’y a pas de mauvais principes, seulement des jouvenceaux un peu désaxés ne vouant leur passion qu’à la NetCom. C’est un peu notre sanctuaire à tous et honnêtement on ne changerait rien à nos respectives désordres quant il s’agit de modifier la structure de notre monde, déclara cette garce en déplaçant mon mug sur le côté. (Cela la caractérisait si bien) Mara, trouves lui une chaise !

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—Pardon ? Tu n’es pas assez désaxée pour lui en trouver une toi-même ? —C’est quoi le problème avec toi ? » Déjà il y eut du remue-ménage autour de nous ; l’autre Miss America prit un air indigné en gloussant, Chris se hâta de tirer une chaise vers lui, cette même chaise remise par ce fayot de Bart. « On reparlera de cela, plus tard Mara, je ne t’oublie pas ! Si tu as la moindre question, tu sais où me trouver. Des questions d’ordre on ne peut plus complexes comme la bonne marche à suivre pour étouffer le poison dans l’œuf ! » Elle se fichait ouvertement de moi, cherchant une faille où s’engouffrer ; cette garce aurait pu en impressionner plus d’une avec sa grosse voix virile et ses poils pubiens à faire pâlir d’envie un homme préhistorique ! Mara j’en fais une histoire personnelle , avait-elle du dire à Betty Bop sachant que du côté de notre Liev elle n’aurait obtenu aucun écho à ses lamentations. Toujours est-il qu’elle partit avec sa cour de flagorneurs toujours prêt à lui lécher les bottes, courant derrière elle pour lui tendre un rapport, un compte-rendu, etc. Franchement j’en eux assez et quand vint l’heure du déjeuner, personne ne se souciait de ma personne ; j’étais à mon travail et m’y employais avec ferveur. J’y consacrais énormément d’énergie, brûlant des milliers de calories en réflexion pour soulager tout ce petit monde et quelqu’un, un jour, prendra-t-il conscience des efforts qu’une employée modèle a su prendre pour améliorer leur quotidien ? J’en doute. « Mara, déjeuner ! » Glissa Liev dans l’encorbellement de la porte et tous les regards convergèrent dans ma direction. Et voilà qu’elle convoite le patron maintenant ! Dans l’ascenseur je n’osai regarder Liev en grande discussion avec Dermont et Wyatt ; il m’invita à le suivre avec courtoisie craignant probablement que je me dérobe à sa compagnie. L’envie me taraudait de ficher le camp au plus vite, Chris prit le relais à l’intérieur de ce

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restaurant dans lequel ils avaient l’habitude de se retrouver le midi. La table était pas mal, il faut le reconnaître : très cossu et dans l’esprit de New York des années 30, très Art déco. Focalisant sur la déco, je ne vis pas arriver Ron. « Qu’est-ce que tu fais là toi ? —Liev m’a ordonné de passer alors je suis là, répondis-je en suçant l’olive de mon Martini. Ce dernier s’assit près de moi sans me lâcher des yeux. Mais si cela te pose un problème, fais-le savoir à Liev, cela m’arrangerait si je pouvais rentrer maintenant ! J’ai eu une matinée assez dure alors tout ce que je veux c’est avaler un steak et me remettre bien vite au travail. Pas question pour moi de finir après dix heures ! —Hum….je m’excuse pour hier. —A quel sujet ? » J’avalais une gorgée et il fixa ma lèvres avec concupiscence. Il me fallait mettre un terme à tout cela et le plus rapidement possible. « Ron, on est très souvent en désaccord ces derniers temps et tu fous tout en l’air avec tes à-priori de mégalo. Tu pourrais te trouver une fille qui soit gentille avec toi et qui ne soit pas sans arrêt à marcher sur tes pieds de bande. Ce qui est logique pour toi ne l’est peut-être pas pour moi. —Quand est-ce qu’on a commencé à ne plus s’entendre toi et moi ? On a toujours été très sincère toi et moi et franchement je pensais finir mes vieux jours avec toi. Il n’y a aucune femme qui sache m’accepter comme tu sais le faire. Je suis odieux, j’ai un sale caractère et avec Chris, tu es la seule personne qui me tolère. C’est vrai ou pas ? —Je….oui, je suppose….Je ne me suis jamais vraiment posé la question ; mais tout ce que je sais c’est que….tu es chamboulé par tout ça et…. —Oh, Mara, Pitié ! Il ne s’agit pas de cela. C’est toi qui souffre comme une damnée et tu continue à vivre dans le déni. On se prend quelques jours et on file à Cuba ! » A onze heures Megan ressortit laissant place à un autre candidat. A midi, toujours rien du côté de

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Hauser. Deux fois je passais devant la meeting-room pour jeter un œil à travers la vitre. Les trois compères se tenaient derrière la table de verre, un café et des papiers devant eux. J’attendais de voir à quelle sauce j’allais être mangée mais on ne m’appela pas. Super ambiance, ici ! Et Ron arriva vers moi, la bouche en fleur. Allait-il encore me narguer indéfiniment ? Pourtant je le trouvais nerveux, se déplaçant lentement et lorgnant sournoisement dans ma direction. Ce qui me rendait folle, c’était notre miss America gloussant près de Livia. A croire que toutes deux cherchaient à ce que je leur rentre dedans et ce n’est pas l’envie qui m’en manquait. Honnêtement, Megan ne servait à rien. A 0200 PM Chris arriva suivit de ce type assez beau gosse, selon mes critères cela va s’en dire : sourire carnassier et large front. Il fit le tour de la salle en tendant une franche poignée de main. Arrivé à mon niveau, Ron se décala légèrement pour ne rien rater de cette salutation. « Et voici Mara Goldberg, dite Milky ! Elle est programmatrice et c’est avec elle que tu bosseras la majeure partie de ton temps ! » C’était quoi ce bordel ! Une fois le calme revenu, je pris Chris en aparté dans la cafète. « Sans me prévenir Chris ? C’est trop pour moi ! Je peux travailler toute seule, crois moi et ce type va me ralentir, je ne dis pas cela pour nuire à tes objectifs mais pour moi c’est non ! Et puis….tout le monde a été contacté ce matin, sauf moi. Qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne suis au courant de rien. Vous vous arrangez Ron et toi pour me mettre en dehors de tout jusqu’à décider pour moi de la façon à laquelle je dois bosser. —On est une équipe et on reste solidaire, il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. On fait notre travail ici et il n’est pas acceptable de transformer la NetCom en grand bazar ! Franchement je dois pouvoir compter sur toi, quelque soit les décisions de la direction et aujourd’hui il y a Connor notre nouveau et il n’est pas question de le laisser planter là à attendre que tu

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acceptes de lui prêter main-forte. Liev demande à ce qu’on le bichonne, alors on va le bichonner comme il se doit. —Et c’est qui au juste ? —On le bichonne. Un point c’est tout. Il nous a couté assez cher et….en toute franchise, on ne l’attendait que la semaine prochaine. Les Anglais restent les rois de l’intrigue. C’est une grosse pointure dans son genre, alors je pense que cela pourra coller entre vous deux. Surtout ne le déstabilise pas avec les chiffres catastrophiques du diagramme de Livia. » En retournant dans l’open-space, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir Megan assise à ma place en grand discussion avec Duane Connor, le nouveau golden boy du service. Bien souvent j’ai des envies de meurtres que je peux très facilement vous expliquer. Me voyant arriver, Livia me siffla à la porte de la salle. « Mara, tu peux venir une seconde ! » La bonne blague ! Non seulement on m’avait désigné nounou mais pis encore, Livia sans ménagement me demandait de la suivre jusque dans le bureau d’Liev Hauser. Ce dernier était au téléphone, fort concentré par cet appel et sans le lâcher des yeux, j’’inspirai profondément. Jamais, à ce rythme-là je n’aurais atteint mes objectifs ! Puis il raccrocha promptement après un banal commentaire sur la santé financière de la NetCom. « Oui, Mara ! Tu sais pourquoi tu es ici ? Cas de force majeure. On a un nouveau directeur de pôle, je suppose que Welling t’en a parlé ? —Très brièvement oui, et ce n’est pas nécessaire d’en dire plus. De quoi d’autres voulais-tu parler ? » Il me fixa avec intensité ; à croire qu’il allait me passer un savon, réciter mes prérogatives et m’encourager à garder un comportement exemplaires à la NetCom. Ses beaux yeux bleus se posèrent sur mes lèvres et il croisa la jambe sur l’autre, toujours perdu dans ses pensées. « Qu’est-ce qui cloche avec toi ? Tu es une sacrée nana, Mara, mais il y a un truc qui cloche avec toi. Je ne sais pas quoi, mais je vais finir par mettre la main

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dessus. Tu viens pourtant d’une bonne famille de la côte ouest. Ton père est avocat et ta mère, procureur de la république. Alors, on n’est pas si différent toi et moi. On aspire aux mêmes idéaux. —Si tu le dis oui. Je ne vois pas où tu veux en venir. Est-ce que ça un rapport avec le travail ? » De nouveau il resta là à me fixer. A force, cela devenait gênant. Il allait probablement commencer à me baratiner, du genre : Ecoute Mara, je sais que ça peut marcher toi et moi, alors pourquoi ne pas tenter l’aventure ? Il quitta son fauteuil en cuir pour venir poser ses fesses sur le rebord de la table. « Je disais donc qu’il y a le petit nouveau ici. Grâce à Ron on a pu le débaucher après un long combat de plusieurs mois. Il a failli nous filer entre les pattes plusieurs fois alors on a sorti l’artillerie lourde et on lui a vendu la NetCom comme quelque chose de paradisiaque : de jolies pépés pour le stimuler, un job pas trop mal payé et toi. Ron croit que tu es capable de rendre cette expérience unique. Tout comme toi, il est accroc aux sports extrêmes. Vois ce que tu peux en faire. —Ah, je vois. Et cela doit faire de nous des frères d’armes ? Liev, je fais mon travail du mieux que je peux et mes journées sont un véritable Marathon. J’ai très peu de temps pour manger, pisser et je me fais attaquer de toute part dans le service. Quand quelque chose ne va pas, c’est aussitôt moi qu’on montre du doigt et je joue le jeu parce que je me dis que cela en vaut la chandelle, mais il serait plus opportun de le confier à Ron, avec tout le respect que je te dois. S’il passe une journée avec moi, je ne suis pas certaine qu’il veuille revenir. » Il hocha la tête, les bras croisés sur sa poitrine. « Négatif. Je ne t’ai pas dit à quel point tu fais de l’excellent travail ici alors s’il te plait rends-moi ce service et le moment venu, tu seras récompensée à ta juste valeur. » Furieuse je retournais derrière mes écrans, sans oser le regarder ; il finira par camper près de Chris et

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alors je pourrais vaquer à mes occupations sans le moindre état d’âme ; mais le british arriva « Mara, c’est ça ? Tu m’expliques un peu comment tu travailles ? » Il venait de faire le tour de l’open space, fort aimable de sa part, je dois dire. Livia comme à son habitude lui avait tenu la jambe en lui parlant de ses devoirs de bon assistant de la direction et lui sans déroger à la règle de nouveaux postulants avait posé des tas de questions. Il était malin et captait très vite, ce que certains avaient mis toute une journée à comprendre. Megan le dévorait des yeux et lui non sensible aux charmes de Miss America, lui répondait par un timide sourire mais non dépourvu de charme. Et voilà qu’il s’assit près de moi, à la place de Chris restée vacante. « Et bien pour faire simple, je relie cette colonne ci à cette colonne-là et je vois si ça biche. Mais ça c’est pour faire très simple. Ce qui reste complexe c’est d’aller chercher l’erreur dans ces fichiers-ci et trouver un algorithme pour redéfinir tel ou tel autre programme. —C’est cool. Donc c’est toi qui vérifie l’ensemble des données numériques ? Expliques-moi un peu d’où vient le 435 par exemple. Quitte l’interface s’il te plait et va dans le fichier « nouvelles données ». Relaxe d’accord, murmura-t-il, le nez sur mon écran de gauche, je veux juste voir comment on fait pour traquer cette bête noire. » Après cinq minutes d’explications, il comprit exactement à quoi consistait mon travail ; il était bluffant. Normal alors que notre Liev veuille le bichonner. Après les blagues potaches de Ron, Duane allait remonter le niveau et après m’avoir remercié pour ces éclaircissements, lui et ses beaux yeux allèrent lorgner du côté de Gale auprès de qui il resta jusqu’à quinze heures. Le reste de la journée il la passa avec Chris et son absence commençait sérieusement à se faire remarquer du côté de Megan qui plus que jamais jouée les ingénues, butinant les infos d’une table à l’autre.

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A dix-sept heures je partis en pause, imité par Pitt de retour de son expédition auprès des sous-fifres de notre département. « Alors tu le trouves comment ? —Qui ? A lui ! Et bien, je dirais qu’il est brillant et qu’l sait exactement comment obtenir le meilleur de nous même. Tu as eu raison de le piquer à ces british. Oh, non regarde qui arrive ! Miss Donneuse de leçon et son chevaler servant Il n’arrête pas de me coller en ce moment, débarrasse-le moi s’il te plait. » Wallace arriva en compagnie de Paula, très mise en valeur dans son tailleur-pantalon Yves Saint Laurent. Un brin pète-sec mais Chris ne jure que par elle, tout comme les autres lèches-cul du service qui la préféraient de loin à cette mesquine Livia. « Salut, vous deux ! C’est précisément vous que je voulais voir. Oui c’est au sujet de Chris. Les choses avancent à grands pas pour Carrey et lui, bientôt on sera tous réunis pour le grand jour. Pour des raisons personnelles je n’ai pas pu assister à leur soirée mais je compte réparer ça ; Comme tu seras son témoin Ron, je pense que tu pourrais lui organiser quelque chose sur le thème : retrouvailles d’amis. —Ouais pourquoi pas. il faudra qu’on se mette d’accord sur la date, de façon à ce que tu puisses être là pour me seconder puisque c’est toi le témoin non ? —Oh, pitié ! Ne m’en parle pas. Carrey est très exigeante, un véritable tyran. Elle a trouvé à virer trois wedding-planner parmi les meilleurs de New York et elle me charge de veiller sur un tas de trucs invraisemblables comme si cela ne suffisait pas à calmer ma nervosité. Envoie-moi tes suggestions par mail, tu serais un amour. Bon, je vous laisse ! J’ai une nouvelle wedding-planner à trouver ! » Une fois qu’elle fut partie, on éclata tous deux de rire ; à croire que c’était nerveux. « Le jour J approche à grands pas. Qui n’est pas nerveux ici ? Je trouve ça incroyable qu’elle vienne me relancer sur mon lieu de travail ! Je me demande encore pourquoi j’ai accepté d’être le témoin du marié. Ouais, Wallace tu veux quoi ?

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—M’entretenir avec Mara, au sujet d’un dossier que m’a remis Livia. Tu as une seconde Mara ? —Laisses-moi dix minutes d’accord ? Il n’arrête pas de me suivre Ron, où que j’aille il s’y rend et il commence sérieusement à ma faire flipper. Arrête un peu de rire, veux-tu ! Je suis sérieuse. Et tu me connais non, quand il y a un truc qui ne va pas, alors je fonce droit sus l’ennemi, mais là je crois vraiment qu’il est un masochiste. —Il est seul dans sa vie. Il ne faut pas lui en vouloir. Il croit possible de pouvoir tirer son coup avec toi entre deux dossiers. Rien d’alarmant en somme, c’est un homme bourré de testostérone. Plus tu le repousse et plus il se persuade qu’il a une touche avec toi. —Ah, non ! Beurk ! Ok ! Changement de stratégie. Je vais lui faire croire qu’il a toutes ses chances et quand cet idiot aura mordu à l’hameçon, la chute va être très dure, crois-moi. —Hum. Ce n’est pas une bonne idée ça. Il revient de loin. Une liaison difficile soldée par un divorce très compliqué. La salope lui a tout pris. Maintenant il est ici à tenter de sortir la tête de l’eau. Alors vas-y mollo, il reste un frère que l’on respecte ici. » J’avalai mon café cul-sec. James Wallace m’attendait dans le couloir, le dossier en question et son netbook sous le bras. Ron mentait en disant que James était un frère. Tous deux ne pouvaient pas se piffrer et quand ils pouvaient s’en mettre plein la tronche, ils le faisaient sans demi-mesure. Le salaud me plaça la main dans le dos et m’invita à entrer dans l’open space avec cérémonie. Cette petite affection me tapait sur le système ; tous quand ils le pouvaient jouaient au charmant collaborateur. On insistait pour m’apporter un café, le journal du jour, de la bouffe, etc. La présence de Duane Connor le contrariait. Un nouveau mâle lancé dans la place, qui plus est, bel homme de surcroit. Il me savait célibataire et Wallace voulait y mettre le paquet et assis près de moi, il roulait des mécaniques engoncé dans son tailleur Gucci. Pour plaire à ce parterre de femelles en fleur,

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ce mâle à la crinière blonde cuivrée et à la barbe taillée chez le barbier arborait une cravate or et au poignet, un montre Baume & Chaumet. Rien ne serait assez cher pour nous en mettre plein la vue, séduire et conclure par une soirée arrisée avant une nuit passée à froisser les draps. Mais je ne mange pas de ce pain, surtout avec mes collaborateurs aussi beaux soient-ils. Wallace resta à ma table un bon quart d’heur avant que je décide à lui démontrer ma sympathie. « La prochaine fois Wall, arrange-toi pour aller emmerder Ron ou Chris, tu sais, je suis fatiguée à l’idée de devoir tout revoir avec toi ce qui devrait déjà être acquis. Tu es un adulte responsable, alors cesse de me voir comme une institutrice qui n’aurait que cela à faire de ses journées. Tu piges ? —Pas vraiment non. On te paie pour ça, alors ne me snobe pas, cela pourrait jouer en ta défaveur. » Il se tira après avoir posé sa grosse paluche sur mon épaule. Trop de contact physique avec lui, cela signifiait clairement ses intentions. Un jour, tu finiras dans mon pieu Mara alors sois mignonne et ne me repousse pas comme une gosse puérile qui chauffe à fond sans rien vouloir donner ! Il continuait à me fixer du regard et en face Gale souriait d’une oreille à l’autre. « Il se passe quoi Gale, tu veux ma photo ? —Il a ses raisons de se montrer proche de toi. Si tu es promue à un autre poste en fin d’année, ou peutêtre même avant, il se dit qu’il a ses chances de venir travailler ici, sous la coupole de Chris et cette idée l’éclate. Laisse-le fantasmer, il ne sera ni le premier, ni le dernier à le faire. » Et je restais à la NetCom jusqu’à tard le soir. Mon portable affichait : 0915 et les lieux étaient pour le moins désert ; les autres étaient partis au comptegoutte et les écouteurs sur les oreilles, je continuais dans ma lancée. Je voulais encore travailler une demiheure pour avoir la conscience tranquille quand Liev me surprit dans mes derniers efforts. « Désolé de t’avoir fait peur mais tu en es où là ?

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—Je termine, je n’en ai pas pour longtemps. » A la porte de la salle se tenaient Chris, Duane et Livia et leur regard convergeait dans ma direction. « On va prendre un verre, tu viens avec nous ? » Devant le regard interrogatif de Chris j’acceptais, emportant avec moi de quoi potasser dans le métro et chez Ron. Le pub était bondé, je n’avais pas l’esprit à festoyer au milieu de ces New yorkais en chemise blanche, pour ainsi dire des traders, des courtiers et des agents de placements réunis là pour se tenir informer du succès des autres à Wall Street. Livia parlait plus que de raison, assommante Livia ! Sous la table, le pied d’Liev heurta mon escarpin : acte délibéré, cela va s’en dire puisqu’aussitôt il étendit son bras sur la banquette, derrière mon dos ; je sirotais mon cocktail à la paille perdue dans les données chiffrées de Livia. Mon regard croisa celui de Chris. Il me sourit. Comment pouvais-je rester insensible à ses charmes ? A longueur de journée, il m’envoyait des signaux, tout un langage connu de moi. Il voulait qu’on passe un petit moment seuls. La jambe de Liev poussa la mienne et prise en sandwich entre ces deux hommes je ne savais vers qui concentrer mon regard. Liev voulait me baiser pour la forme et Chris pour se convaincre qu’il avait encore et toujours de l’emprise sur moi. Après une heure, je déclarai devoir rentrer et Liev se précipita à ma suite. « Je vais la ramener. On se voit demain, lança-t-il à toute volée sans plus se préoccuper de ses auxiliaires. En forme demain Duane, on compte sur toi, hein ! » Sur le trottoir alors que nous attendions sa limousine, il ne fut pas long à me montrer des signes d’affection ; ce fut d’abord au nouveau du col de mon manteau, puis ensuite il s’attaqua à une mèche de mes cheveux et voyant que je frissonnais un peu, il me frictionna le dos, s’attardant sur ma chute de reins. « Chouette soirée, non ? Tu veux venir chez moi, une heure ou deux. On bossera un peu et… je te ramènerai

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chez Ron après. Tu en dis quoi ? Tu travailles sur quel dossier en ce moment ? —Un tas de dossiers. Répondis-je sans le lâcher des yeux. J’eus envie de passer la soirée en sa compagnie pour m’envoyer en l’air, pourtant je répondis ceci : J’ai pas mal de dossiers à traiter. Mais je préfère travailler seule. Alors on se soit demain. —Hum. Laisses-moi te déposer chez toi. C’est sur ma route ! Allez, viens avant que tu ne te transforme en glaçon ! » Il me déposa à la porte de l’appartement de Ron et sans plus attendre, j’y rentrais quand Ron me tomba dessus en short et maillot de l’équipe de baseball de Chicago. « Tu rentres tôt dis-moi. Où est donc ton prince charmant ? Il n’est pas encore minuit et tu rentres seule alors je m’en étonne. Liev ne t’aurait pas trouvé assez bandante pour te proposer de terminer la nuit en sa compagnie ? —Non, c’est un gentleman figures-tu mentis-je tout en ôtant mes escarpins. Livia, ta grande copine de toujours était là et n’a pu s’empêcher de nous donner des conseils à la mords-moi-le-nœud et crois-moi j’ai eu raison de me tirer. Chris n’a pas desserrer les lèvres et mon Prince charmant de Hauser m’a payé mon conso. Et puis ce Duane a une longueur d’avance sur Wallace. En plus d’être beau gosse il en a dans la caboche. Chris semble plutôt bien l’apprécier. —Tu oublies que c’est lui qui l’a recruté. Tu me fais l’effet d’une pauvre recrue condamnée à se donner deux fois plus pour conserver sa place. —J’ai trop à faire pour te répondre, Ron. Bonne nuit ! » Il me tira du lit à sept heures du matin. Il venait de faire du café et s’assit sur le rebord de mon lit. « Que veux-tu pour ton petit-déjeuner ? Jus de papaye ou jus de goyave ? Milky, ne fais pas semblant de dormir. N’oublies pas que tu dois présenter ton rapport à Liev et ses sbires, alors si tu veux qu’on répète un peu. Je dis ça mais si tu penses être au

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point, oublie ce que je viens de dire. Cependant on pense que tu manque de clarté. —Qui « on ? Questionnai-je redressée sur mes coudes. C’est plus fort que toi Ron, il n’est pas neuf heures que tu me sors manu militari de mon lot pour me rabâcher les oreilles avec mon pseudo-rapport ! Je vais mettre les bouchées doubles. —Où est-ce que tu vas ? —Je vais prendre une douche, si tu veux ce que je veux dire ! » Il sabota mon rapport. Je sus à peu près sûr qu’il a profité de mon absence pour saboter mes notes et nuire à ma crédibilité. Devant ce parterre de consultants venus là pour me tailler en pièces je n’étais pas à mon aise. Livia s’en donna à cœur joie pour espérer me voir choir de mon piédestal. Comment ne pas perdre pied devant toutes ces oppressantes remarques, ces incessantes questions et Duane fut de la partie, tout comme Chris. Ils ne voulaient rien laisser passer. L’entrevue dura une heure trente durant laquelle on ne me laissa rien passer. Or deux jours auparavant j’avais reçu un mémo de Hauser me disant de présenter mon travail aux principaux concernés avant d’homologuer à travers un nouveau programme informatique. Après cette aventure des plus éprouvantes je me ruais vers la machine à cafés pour me servir un espresso quand arriva celui que je n’attendais pas, à savoir Cameron Pitt. « Tu sais comment cela s’appelle ce que tu viens de me faire ? Du sabotage ! De quel droit t’aies-tu permis de consulter mon notebook pour trafiquer mes données et me discréditer aux yeux de tout ce beau monde ? —Mais on va dire que tu t’en es bien sortie. A vrai dire, je ne pensais pas que tu irais jusqu’au bout. Comme un chat jeté du haut d’un immeuble, tu retombes toujours sur tes pieds. —Je ne peux pas croire que… » Duane arriva escorté par Livia, toujours pince-sans-rire dans son

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costume noir. »Très bon travail Mara, continues comme ça ! —Merci Duane. En voilà un qui reconnait mon travail à sa juste mesure, murmurai-je à l’intention de Ron. Je croyais que nous étions amis tous deux ? Mais les occasions sont trop grandes pour toi, tu ne peux résister à l’occasion de m’humilier. —Ne sombre pas non plus dans la paranoïa non plus. Vois ça comme un coup de pouce. Sans moi tu serais encore à te demander vers quoi te tourner. Je sais que tus adore la difficulté, te mettre en danger c’est ton truc. Que dis-tu si on prenait des vacances toi et moi ? On pourrait se faire Cancun, qu’est-ce que tu en penses ? —Arrêtes ça Ron ! Il n’en ait pas question ! Tu oublies que Chris compte sur toi pour son mariage, tu es son témoin ne l’oublie pas et je suppose qu’il est encore à chercher un wedding-planner ? Pourquoi ce regard ? » Il me déshabilla du regard, les sourcils froncés. Il m’arrivait de le trouver irrésistible. Accoudé au meuble, il me lorgnait sans pudeur et mon regard dans le sien. Voyant que je ne pouvais rien en tirer, j’allais lui tourner le dos mais je me repris bien vite en voyant arriver l’autre parasite de Wallace accompagné de Megan. Dans le genre couple improbable on ne pouvait faire mieux. Pas un sourire pour moi, son regard en disait long sur l’opinion qu’elle se faisait de moi. A vrai dire je m’en moquais ayant suffisamment d’arguments pour passer à travers son jugement. « Salut, Ron ! On mange toujours ensemble ce midi ? Il faut qu’on parle de tout ça à tête reposée. J’ai tant à dire et Wallace partage mon point de vue sur le sujet que tu sais… » Et Wallace partage mon avis sur le sujet que tu sais ! Non, mais pour qui se prenait-elle en la jouant cachotière ? Miss America me sortait par les trous de nez. De retour à mon poste ma concentration se porta sur Chris revenu de son Mont Olympe pour dispenser ses précieux conseils à son équipe. Notre regard se

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croisa. Je pus y lire : Tu décides enfin de te joindre à nous, ou bien tu fais semblant ? Et sans plus attendre je me mis derrière mes moniteurs. Vers midi, Chris revint vers moi et posa ses mains à plat sur mon dossier. « Ti as une seconde Mara ? Tu peux venir me voir dans mon bureau ? » Maintenant il avait un bureau pour lui seul, un bureau dans lequel toutes les filles s’empressaient de s’y rendre, plein de dossiers sous les bras prétextant de fausses excuses pour lui parler en toute intimité. Il ferma la porte derrière moi et m’invita à m’assoir derrière sa table. Un bureau à l’image de sa personne, grand et lumineux. « Tu devrais savoir que Lynne m’a appelé. —A quel sujet ? Non, je l’ignore complètement mais c’est bien de m’en parler, je comptais justement l’appeler ce soir. Et que te voulait-elle ? —Elle m’a parlé de mon mariage et de toi. —Cela ne m’étonne pas d’elle. Elle adore se mettre au faits et gestes de ses de ses amis. Kathleen entretient son blog et Lynne lui fournit de la matière. En ce moment on est à choisir ma robe pour ton mariage en espérant que je sois toujours invitée. Pour toi ça se concrétise et pour moi c’est une épreuve, à savoir quelle tenue. C’est un peu comme partir à l’aventure. Il ne faudrait pas que j’en fasse trop. —Il semblerait que Lynne et Claudia ne savent pas trop ce qui cloche entre nous. —Et bien rien, répondis-je froidement —Ce n’est pas l’impression que tu leur donne. Lynne pense que tu dissimule la vérité et j’aimerai savoir ce qu’il en est. Es-tu…amoureuse de moi ? » Cette question me dérouta. Il sonda mon esprit, les fesses posées sur le rebord de la table, les bras croisés sur ma poitrine. Possible que Lynne et Claudia passent un très sale quart d’heure après cet entretien. Possible que je leur en veuille pendant les siècles à venir. « Tu sais qu’on peut tout se dire et…. —Sois sans crainte. Claudia exagère toujours. —Et pas Lynne selon toi ?

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—Lynne c’est une autre paire de manches. Elle est toujours dans l’optique de nous rabibocher toi et moi quand bien-même elle sait que tout cela est bel et bien terminé. La preuve est que tu te marie prochainement. Est-ce là tout ce que tu avais à me dire ? —Oui et j’avais besoin de réponses claires. » Les filles et moi on se retrouva à l’église et toutes trois nous chantâmes « I will Follow Him » en chœur. On se retrouvait là tous les dimanches à la demande de Claudia notre très pieuse Cubaine. Chanter à l’unisson nous coller des frissons et les bras autour de leur taille je m’en donnais avec joie. Souvent Ron nous accompagnait et bien souvent il restait en retrait de notre trio. Bien qu’étant née d’une mère juive, je me revendiquais une appartenance à l’Eglise protestante. A la fin de la cérémonie, j’embrassais les filles sur les joues avant de se diriger vers la porte extérieure de la nef. Et là se tenait Chris, les mains enfoncés dans les poches de sa veste troisquarts. La surprise devait se lire sur mon visage. Que faisait-il donc devant ce petit temple de quartier ? « Comment vas-tu Chris? On peut se rejoindre au Baggel si tu veux…ou bien plus tard. On a toute la journée après tout ! Lança Lynne, très pressée de nous laisser tous deux. J’allais les retenir par le bras, mais Claudia se défit bien vite de mon étreinte. « Amusez-vous bien ! On se voit plus tard… » Oh, les garces ! Je ne pouvais croire en ce qu’elles m’avaient fait. Après m’avoir gâché deux jours entiers au boulot on ne pouvait dire qu’elles n’étaient pas déterminées à ce que Chris et moi terminent notre relation sur cette note-là. « On va prendre un café ? —D’accord, je te suis ! Mais dis-moi on est dimanche, n’es-tu pas censé être prêt de ta dulcinée ? —Je voulais passer un peu de temps avec toi. Il y a ce mariage qui approche et j’ai la tête dans un étau au point de ne plus vouloir rester à proximité de Carrey. Elle m’en fait voir de toutes les couleurs. Elle craint vraiment que rien n’aille comme elle veut et c’est plus compliqué que je ne le croyais. —Ce n’est qu’un mauvais cap à passer.

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—Tu crois vraiment ? Je n’en suis pas si sûr. Et puis il y a Ron. Il devient difficile de lui parler sans qu’il ne s’insurge contre ce mariage. A croire que sa vie en dépend. —Tu es son meilleur ami alors il parait évident qu’il ait son mot à dire, tu ne crois pas ? —C’est un bon pote oui. Il se fait du souci pour toi plus que pour moi. C’est l’un des nombreux paradoxes de notre Ron. Il ne peut pas dire les choses mais ce qu’il ressent est particulièrement intense. On peut parler de lui comme d’un hyper-sensible. —Une chance que tu ne sois pas comme ça toi. —Pourquoi dis-tu cela ? Cela te gênerait que je le sois ? Ainsi tu trouverais la raison pour ne plus m’aborder. —Non, oublie ce que je viens de dire. Je parlais sans réfléchir. Je m’entends bien avec Ron et je ne veux pas que tu penses le contraire. Seulement on n’arrive pas toujours à se mettre d’accord. Tu sois savoir de quoi je parle avec ce mariage à venir et Carrey à contenter ; Tout ce que je veux, ou ce que je ne veux pas, c’est que Ron se prive e certaines choses sous prétexte que je sois là, à jouer les gardes-chiourme. —c’est un grand garçon, tu n’as pas à penser à toute cela. —Il m’en veut de ne pas vous avoir suivi à New York plus tôt. Il vit cette expérience comme une trahison. —Attends, tu n’as pas à t’en vouloir pour ça. Tu l’as dit toi-même, tu n’étais pas prête à tout abandonner pour nous suivre sur la côte est mais aujourd’hui tu es là. On sait très bien que tu as du prendre sur toi et… le jour où tu décides de venir, je me fiance. —Mais tu l’aimes. Ce n’est pas comme si tu vivais une relation à distance avec une parfaite inconnue. Tu l’as choisie et je suppose qu’elle est quelqu’un de bien., loyale et pragmatique. » On se posa sur un banc pour regarder les new yorkais courir sur leur piste de running au milieu des rollers et des autres sportifs du dimanche. Devant nous, une femme s’adonnait au stretching indifférent

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aux autres aficionados. Les avant-bras posés sur le dossier du banc, Chris m’étudiait sans pudeur ; « Le sport te manque ? —Un peu ouais. Ici on se doit d’évacuer le stress dont nous sommes les pauvres victimes. Je cours une heure chaque matin et je me suis inscrite à des cours de yoga le samedi matin. Le dimanche après-midi je soulève de la fonte à la salle du quartier. Je ne veux pas perdre la main tu comprends. Une fois à L.A je ne voudrais pas qu’on dise que je suis devenue indolence. —Tu as toujours aimé vivre à cent à l’heure. Une vie sans adrénaline ce n’est pas une vie pour toi. —J’en sais rien. C’est peut-être la somme de toutes mes peurs que je cherche à évacuer. C’est le discours d’un thérapeute. Certains diraient que la dopamine conditionne notre esprit. Et toi ? le sport extrême te manque ? —Un peu ouais. Je cours tous les matins et le weekend j’essaye de rester actif. Par moment j’ai envie de sauter d’un avion, mon parachute sur le dos, rien que pour pouvoir décompresser. Ron et moi on a été à un simulateur de chute libre parce que ça nous manquait. On pourrait également fédérer à un groupe de base jump mais connaissant Carrey, cela risque e ne jamais voir le jour. Et cela te conviendrait à toi aussi. Quand je te vois travailler, tu es si concentrée, si studieuse… —C’est ainsi que je dois justifier mon salaire. » Il sourit avant de se rapprocher de moi et passer son bras autour de mon épaule. Dans cette position on pouvait nous prendre pour des amants. Joue contre joue on s’accordait un court moment de tendresse. Et ses lèvres se posèrent sur ma joue. Mes doigts partirent à la recherche de sensations tactiles et plus que jamais j’eus envie de lui. On se trouva une chambre d’hôtel pour baiser. Nous en avions tous deux très envie. Ni l’un ni l’autre ne manquait d’endurance et nos étreintes furent passionnées. Plus d’une fois je jouis dans ses bras et les lèvres contre les siennes, je le laissais me buriner. Alors que nous étions tous deux à se donner du plaisir il se mit à chialer. « Qu’est-ce qu’il y a ? Questionnai-

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je enserrant son visage entre mes mains. Dis-moi ce qu’il y a ? —Je t’aime. Je suis fou de toi… —Ne dis pas cela. On se donne seulement du plaisir mais demain tout sera oublié, murmurai-je avant de mordre ses lèvres pleines. On va continuer à faire semblant. Tu comprends ? » Empalée sur son sexe je ne cessais mes assauts furieux. Ses doigts pénétrèrent ma bouche et il recouvrit mon visage de baisers. Comment ne pas résister à pareille félicité ? J’en étais incapable parce que Chris était l’homme de ma vie. « On va se trouver un endroit à nous pour rendre ces moments uniques. Es-tu d’accord ? Ainsi je pourrais continuer à te donner du plaisir. Es-tu d’accord ? Glissa-t-il sur le point de jouir. —Oui, d’accord… je suis OK. » Il jouit dans mes bras et le sentir dans mon vagin gonflé par l’excitation, je vins à jouir à mon tour, la tête posée sur son épaule. Avec lui pour amant les autres pouvaient bien aller se faire fiche. Le lundi aux alentours de 1130, je partis retrouver Hauser dans son bureau avec sous la main un dossier rédigé de A à Z par mes soins, il s’agissait de notre rencontre sportive. « Il faut que tu m’appuie Liev. C’est un projet auquel je crois et sui pourrait souder les collaborateurs entre eux. Pour vous il s’agirait d’un test de personnalité grandeur nature avec des objectifs à atteindre et des grilles d’évaluations. Regarde un peu, j’ai fait un diagramme représentant les différents exécutant avec sur cette axe un barème de points. Ainsi il sera facile pour vous de définir quel type de personnalité sur quel type de poste. —Oui je comprends mais nous devons tenir compte de nombreux paramètres tel que la participation sur le volontariat, le désistement des membres pour des raisons médicales et j’en passe. Comment donc peuxtu prétendre tirer le moindre résultat de cet examen si sur trente candidats la moitié déclare forfait pour des motifs externes à tes critères ?

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—Ron, tu l’as dit toi-même c’est sur la base du volontariat. Cette équipe tu la connais, tu es un père pour eux tous et crois-moi que si tu leur annonces qu’ils participeront à une évaluation en plein air, ils accepteront tous d’y participer ! —Oui je vois très bien où tu veux en venir mais…. —Liev, tu ne peux pas me dire de lancer un projet et ensuite de me freiner dans mon élan. Les enjeux sot multiples et si l’ide vient de toi alors les gains seront multiples. Tu dois faire passer cette idée pour tienne et aucun de nous ne le regrettera ! » Il se gratta l’arrière de la nuque des plus perplexes. Derrirère la porte Betty lui fit signe. « Bon écoute Mara, laisses-moi tout ça ici. je prendrais le temps de le lire plus tard et ensuite je verrai ce que l’on pourra en faire. » Les secondes passèrent, plus les minutes et leurs heures. Je n’étais pas à mon travail. Cameron me lança une boulette de papier pour me faire sortir de ma léthargie. Gale venait de me monter mon déjeuner vers deux heures de l’après-midi. « Je peux te parler Mara ? —Tu plaisantes là ? —Ai-je l’air de plaisanter ? Prends ton casse-dalle et suis-moi Mieux vaut ne pas perdre du temps avec ce genre négociation. » Et je le suivis dans une petite salle de briefing. « On va rester là et personne ne nous entendra. C’est au sujet de ce que tu sais. Le boot camp ou appelle ça comme tu veux. Liiev vient de me mettre dans la confidence et je lui ai dit que je prendrais ce programme en main. Nous avons un budget, des partenaires et des subventions de notre Etat. La partie la plus intéressante est la participation d’une équipe de cinéma. Liev tient à ce que tout soit filmé. —Bon et comment veux-tu mener cela à bien ? —Je n’en sais rien, c’est ton idée. Tu as certainement le scénar dans ta tête écrit noir sur blanc. Tu parlais de chercher des volontaires. C’est là où le bât blesse. Le volontariat revient à nous exposer

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à l’opinion des uns et des autres. Rendons cela plus ludique, comme une sorte de tombola. —Une tombola truquée alors ? —Duane est passionné par les JDR. Tu pourrais lui en toucher un mot sans éveiller ses soupçons. —Duane ? Le nouveau ? —Oui Duane le nouveau ! On dirait que cela te pose problème. Envoie-lui un mail si tu as peur que cela paraisse trop amical. Tu verras il n’est pas méchant, jusqu’à maintenant il n’a mordu personne, alors planque ton orgueil et accepte l’aide venue d’ailleurs. » Mon mail envoyé, deux heures après Duane demanda à me parler dans le bureau de Chris en réunion avec les autres N-1 et N+& de la NetCom. « J’ai eu le temps de tout lire et j’adore cette idée. Alors si je comprends bien tu as besoin d’un bon scénario, vrai ? Tu as déjà une première idée de base, cette sorte de tirage au sort. Maintenant il te faut un symbole fort comme étendard le but de fédérer tout ce monde. —Oui je sais. Si tu es là c’est seulement pour appuyer mon projet auprès de Liev, pour le rendre plus crédible, c’est tout. —Sois sans crainte Mara, je ne compte pas te voler la vedette. Donc il y aura un tirage au sort, c’est ça ? Et ensuite ? Quelle est la destination idyllique choisie ? Il te faut poser un cadre et si possible le plsu démunis possible. —J’avais pensé aux Appalaches ou aux Montagneuses rocheuses. Tu n’as pas lu mon dossier on dirait ? Si tu veux être apprécié ici ne fais pas semblant, on aura tôt fait de te remettre à ta place Duane et alors il te faudra repartir pour l’Angleterre aussi vite que tu es venu. —Ah, ah ! Ma mère était une citoyenne anglaise mais mon père est du coin. J’ai grandi avec la double culture. Tout comme toi d’ailleurs. Tu es née à Jérusalem à ce qu’on m’a dit ? —Non j’ai seulement grandi là-bas chez ma grandmère. Mes parents divorçaient et cela devenais t trop

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compliqué et je suis sensible à ton intérêt pour mon histoire. On s’éloigne un peu du sujet non ? —Je me suis rendu à Tel-Aviv il y a trois ans de cela. —C’est cool pour toi. —J’ai beaucoup apprécié l’énergie qui s’en dégageait. Tout le monde semblait être animé par un sentiment de fierté nationale comme après un fait politique mémorable. Et ensuite j’ai passé quelques jours à Jérusalem avec ma petite amie. —C’est cool pour toi, lançai-je en concentrant mon attention sur un détail de la pièce. Peut-on revenir à notre programme ? —Tu as un petit copain ? —Non. Pourquoi cette question ? —Et bien tu as eu l’air gênée quand je t’ai parlé de ma petite amie. Tu as levé les yeux en l’air et tu as pris un air choqué. Alors je te demande si tu es gênée que je t’en pale ? —Oui, parce qu’on s’éloigne un peu du sujet. —Chris dit que tu es passionnée de sports extrêmes : chute libre, base jumping, surfing, et j’en passe. Je suis moi-même adepte des sports de haute voltige pour lesquels j’en fais ma spécialité. Peut-être que ce sujet te mettra moins mal à l’aise que le précédent ? Dans quelle discipline te distingues-tu ? —En rien de bien précis. Ecoute, je…. —Cela te dérange vraiment de parler de toi ? Tu lèves encore les yeux au ciel, Mara. Tu ne le sais pas peut-être mais tu as cette expression exaspérée sitôt que l’on s’adresse à toi. —J’ai eu un accident il y a deux ans. Depuis j’ai mis de côté mes projets de sports extrêmes. Te sens-tu mieux maintenant que tu en sais un peu plus sur moi ? —D’où cette proposition passée à Liev. Je me fais vite une idée de ce que sont les personnes en découvrant leurs passions. —On peut voir ça comme ça, oui. —Et en ce moment, es-tu en manque ? Nous autres sportifs nous ressentons tous cette frustration due à l’absence de dopamine. Il existe un laboratoire qui

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commercialise des pilules apportant les mêmes effets qu’après une bonne heure d’exercice. —Je ne vois pas trop où tu veux en venir. —Ce laboratoire pourrait nous servir de sponsor. —Je ne suis pas partisane de ce genre de consommation. Ces stimulants à base d’amphétamines sont pointés par la communauté sportive et les introduire dans notre programme ne sera pas sans conséquences. Je ne crois pas que cela soit au gout de tous ici. » Duane se pencha à mon oreille. « Autour de toi il y a des personnes qui ont recours à ces petites pilules miracles. Elles les maintiennent en forme et dopent leur activité cérébrale. Un simple problème devient dès lors d’une évidence. Tu vois ce que je veux dire ? » Duane m’avait perçu à jour. « Loin l’idée de te montrer du doigt mais ce n’est pas un hasard si Chris m’a embauché. Il sait que nous partageons bien plus que notre passion mutuelle pour le sport extrême. Nous avons en nous le désir d’aller plus loin. Et ce programme tombe à point nommé. L’occasion leur sera donné d’expérimenter les effets de cette substance sur un public donné et en une période donnée. —Tu parles de terrain d’expérimentation ? Aucun des employés ne voudra servir de cobaye pour ta compagnie pharmaceutique. —Excepté s’il y a un million de dollar à la clef. Tu consommes le produit depuis des années et le résultat est là Mara, tu es performante et…. —Je t’arrête tout de suite ! Il nous est arrivé d’en prendre une fois ou deux mais j’jamais au-delà des prises d’usage recommandée ! Et c’était il y a plus de trois ans.» Il se perdit dans ses pensées, le sourire aux lèvres. L’expression de son visage semblait vouloir dire : Maintenant Mara, tu ne peux plus te mentir à toi-même et accepte ma proposition comme la seule qui soit recevable ! Il quitta son siège pour se poser près de moi.

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« Un bon million de dollar ne se refuse pas. Toute la complexité réside dans le fait de faire accepter à nos candidats la volonté de se dépasser grâce à ses nootropes. Pour cela j’ai ma petite idée si tu acceptes ceci dit que je monte à bord de ton paquebot de luxe. —Duane, je ne te connais pas. Personne ne te connait ici et tu arrives, la bouche en cœur persuadé de rallier la NetCom à ta cause. —Il leur faut un enjeu de taille. Pas seulement une promotion ici mais un véritable bonus, une cagnotte à échelle nationale. Tu comprends ce que je dis ? —A demi-mot, oui. Mais je dois m’assurer que tout cela est légal. Je veux dire juridiquement plausible pour intégrer ton laboratoire dans notre programme. —Ton père a du traiter des affaires comme celle-ci par le passé. Contacte-le si cela peut te rassurer. Ici nos collaborateurs sont majeurs en pleine facultés mentales et personne ne les manipulera faire ce qu’ils n’ont pas enfin de faire. Personne. —Tu es cupide tu sais, répondis-je en le suivant du regard. —C’est pour cette raison qu’on m’a embauché. Pourquoi selon toi Cameron est venu te chercher ?et ce n’est sûrement pas pour faire capoter le mariage de Chris mais bien pour optimiser tout ton potentiel. Il n’y a pas plus motivant que de disposer d’un panel d’adeptes de psychotropes pour booster son propre intellect. Tu es en observation ici, tout comme moi. —Je ne te suis pas. Qu’est-ce que tu racontes ? —Cette idée de programme t’est-elle arrivée par hasard ou bien te l’a-t-on suggérée ? Une idée puisse toujours sa source quelque part. Alors connecte tes neurones et fais un peu le nettoyage dans ton esprit. » Une fois dans l’appartement de Cameron je fis le tour des placards. Et après vingt minutes de recherches infructueuses je trouvais enfin ce que je cherchais. Ron planquait des pilules dans une boite dissimulée dans une petite niche. Et en découvrant ces pilules je compris faire l’objet d’une expérimentation. Ces pilules faisaient partie de mon quotidien. Mais alors pourquoi les cacher ?

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J’en dérobais une que j’emballais dans de l’aluminium. Il me faudra la faire analyser. Mon cerveau tournait à vive allure. Comment avais-je pu me laisser berner de la sorte ? Tout devint plus clair quand assise sur le rebord de mon lit je me souvins de d’une journée mémorable à Cancun. A l’époque Ron était ce qu’on pouvait appeler un mec ordinaire. Ni plus malin que la moyenne, nu plus sûr de lui. Il parlait peu et observait le monde autour de lui sans trop se poser des questions du type métaphysique. Il était complexé sous ses airs de Casanova. Les femmes il ne les abordait pas. Tout cela pour dire qu’il était différent de celui connu autrefois. Un soir, alors que nous étions tous deux sur notre planche de surf à attendre la vague, il nagea vers moi, les pectoraux saillants. Pour moi Cameron était un Dieu au même titre de Chris. Un dieu grec qui s’ignorait puisqu’officiellement célibataire et sur le point de le rester puisqu’il disait n’aimer que sa liberté. « Tu sais Milky, je t’aime bien. Non, non c’est vrai ! Tu es plutôt bien gaulée mais pas seulement, tu es discrète et très nature. Si, si ! tu ne te prends pas la tête, pas comme toutes ces pouffiasses que l’on croise ici et là. Je pense que si tu t’en donnais les moyens tu serais encore plus bandante. Intellectuellement je veux dire. —Arrête tes conneries, Ron. —Tu pourrais alors sortir avec Chris et cela te permettrait de gonfler ton estime de soi. Je te vois le regarder Milky et si tu ne fais rien aujourd’hui tu pourrais le regretter à jamais. —Je n’ai pas l’intention de sortir avec lui. » Il ne répondit rien et nagea vers le littoral sans plus me regarder. Plus tard il me rejoignit sous la douche. On la prenait souvent ensemble sans que cela prête à confusion. Il aimait à me laver les cheveux, le dos, les fesses. Je le laissais faire sans m’en montrer choquer. Si l’on s’appréciait si bien c’est probablement du fait

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que Ron me vouait comme une bonne camarade de jeux, un vrai pote avec qui il partageait tout. « As-tu pensé à ce que je t’ai dit au sujet de Chris ? Il suffirait pour cela que tu prennes confiance en toi. Une fois en Californie je vais m’occuper de toi, personnellement. Tu as besoin d’un coach et tu ne trouveras pas mieux que moi. » Et voilà comment une fois en Californie, Ron m’invita à séjourner quelques jours chez eux. Il partageait une colocation avec Chris dans le Malibu populaire de Los Angeles. J’enviai leur proximité et rester près d’eux m’apporter calme et sérénité. « Alors Mara maintenant que nous sommes tous les deux, parles-moi de ce que tu veux faire plus tard. Astu un plan de carrière ? Un rêve à accomplir ? —Pour le moment je n’ai pas d’idée précise. Je me vois faire un métier en apport avec le sport. —alors sache que j’ai mieux à t’offrir. Tu vois ces petites pilules. Ce sont des plantes fournies par Beckett, mon meilleur pote et je suis juste surpris qu’il ne t’en ai jamais parlé. Tu le fourres sous ta langue et tu laisses couler. Vas-y ! Juste sous la langue. » Ce que je fis parce que confiante en Ron et sa culture du bio. La pilule me fit penser à de l’anis, légèrement parfumé avec un goût de reviens-y. ce goût prononcé me fit penser à mon enfance en Jérusalem. Il me semblait me sentir tournoyer sur la terrasse familiale et ma grand-mère me disant de cesser au risque de me blesser. « Tu vois ce n’est pas mauvais ! Alors d toi que tu peux en avoir autant comme au temps et de matière artisanale. Beckett en fait la culture et c’est cent pour cent bio. Une petite merveille qu’on n’est pas prêt d’oublier. —Et c’est quoi au juste ? Questionnai-je en lorgnant du côté du sachet laissé en évidence sur la table. —Tu me demandes ce que c’est ? C’est la pilule du siècle ma chérie. Tu la consommes et tous tes rêves se réalisent. Une par jour et tous tes champs du possible s’élargissent comme par magie.

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— Arrêtes ! Tu me fais marcher là ! Dis-moi ce que tu m’as fait avaler. Est-ce qu’une troisième oreille va me pousser au milieu du front ? Ah, ah ! Ou bien un sein dans le dos ? —Hum, tu aimerais bien hein ? Questionna Ron en fixant mes lèvres avec concupiscence. Tu penses que ça va plaire à Chris tout ça ? Tu penses que ça va le faire bander ? » Il me le susurra à l’oreille. Mon cœur s’emballa et plus encore quand il posa sa main sur ma nuque. J’eus envie de lui. Jamais je ne l’avais autant désiré qu’à cet instant. Nos lèvres se rejoignirent et sa main glissa dans mon entrejambe. « On dirait que je te fais de l’effet, sourit ce dernier en me saisissant par la hanche pour me faire glisser sous son corps athlétique. Est-ce que tu veux qu’on baise toi et moi ? Tu as envie que je dorlote ? —Pourquoi ? C’était au programme ? —Oui c’est sur ma liste des choses à faire avant de clampser. Toi et moi c’est du domaine du possible. Laisse-moi glisser en toi. » Alors j’ai éclaté de rire. Je ne pouvais plus m’arrêter de rire. Vexé il se redressa, les sourcils froncés. Je mis plus de trois minutes à me calmer tandis qu’il se caressait les cheveux, la tête entre les jambes. « C’est bon maintenant ? As-tu fini de rire ? —Oui je ne sais pas ce qui m’a pris, répondis-je en passant mes bras autour de ses épaules. Je crois que je suis un peu nerveuse, mais en même temps je suis flattée que tu es pensée à moi. Je t’aime beaucoup Ron, tu es plus qu’un ami pour moi. Alors oui, on pourrait faire l’amour, tu es si sérieux quand on y pense. Tu n’as jamais eu de petite amie ? —Tu crois que je ne vais pas assurer c’est ça ? Tu sais, j’ai eu des tas d’autres femmes avant toi. » A peine eut-il terminé sa phrase que je fus sur lui. Nous en avions autant besoin l’un que l’autre. Nous le fîmes dans tous les pièces de leur appartement et sur tout support. Nos nombreux échanges durèrent toute la fin de la journée et il fallait croire que nous n’étions

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jamais rassasiés. Nous ne pouvions plus nous séparer et nous aurions copulé des heures durant si Chris n’était pas rentré. Oui, je me souvenais de tout cela. Un frisson parcourut mon dos en pensant aux efforts fournis à Ron pour se rapprocher de moi, toutes ses tentatives avortées pour retrouver son bonheur à jamais inscrit dans notre mémoire. Je composai le numéro de Becket. Allait-il décrocher alors que je le savais être encore au boulot ? Après sept tonalités, il décrocha. « Hey, Milky ! Je pensais justement à toi ! Comment vas-tu à la Grosse Pomme ? —Et toi ? Tu affrontes toujours les bonnes vagues ? Tu comptes bouger à Hawaï prochainement ? —Non, je suis très pris avec mon boulot. Tu sais passer le chef d’entreprise d’une start-up est assez chronophage. Il y a toujours un emploi pour toi d’ailleurs. Dis-moi que tu ramènes tes petites fesses de reine par ici ! Les gars ne sot pas trop vaches avec toi ? —Non, tout va bien, disons que je m’adapte. J’ai quelques questions concernant Ron. Je me suis dit que tu pourrais me renseigner sur un point. —Et que veux-tu savoir au juste ? —Je veux savoir si un jour il est venu te voir pour une demande particulière. Disons une pilule autre que celle que tu lui fournissais ? Une pilule aux effets miraculeux ? —Pas que je sache, Je viens à New York demain justement ; On pourrait se voir, qu’est-ce que tu en penses ? » Je fermai les yeux tout en me mordant la lèvre. D’une minute à l’autre, Ron rentrerait de sa journée à la NetCom et s’il m’entendait parler à Becket il se douterait de la situation. Il n’éprouverait aucune colère mais son reflexe serait de vérifier sa propre consommation de pilules avant de me presser de questions concernant ce remède soi-disant merveilleux.

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« Il y aurait autre chose Milky ? Le surf ne te manque pas trop là-bas ? Milky ? il se passe quoi avec Cameron ? Tu veux m’en parler maintenant ? —Je veux que tu me dises ce qu’il y a dans les pilules que tu lui as prescrites. Est-ce qu’il est possible que les effets secondaires se révèlent après ? Disons quelques années plus tard ? —Il faudrait que je te voies pour en discuter. —A vrai dire j’en ai consomme moi aussi. Je me pose la question c’est tout. Rien de grave, ne vas pas t’inquiéter Beck ! —Tu as attisé ma curiosité là et tu me demandes de ne pas m’inquiéter ? Pourtant c’est toi qui m’appelles sur mes heures de travail pour me parler de tes gélules comme d’une source d’ennuis. Alors maintenant tu serais aimable de me dire de quoi il s’agit. Dois-je venir te voir ? —Tu n’es pas sérieux Beck ! Dis-moi seulement si Ron est toujours ton client. —Secret professionnel. Je ne peux te dévoiler cette information. —Tu bluffes là ? —Ok, On se voit demain ! A plus tard. » Il raccrocha avant que je puisse le faire. A ce même moment entra Ron. On s’échangea un long regard. il se rendit à la cuisine pour décapsuler une bière. Mon cœur battait à rompre, le poids de la culpabilité. Il revint au salon et s’installa sur le divan sans me lâcher des yeux. « Beck compte venir à New York. —Pourquoi ? Il te manque à ce point-là ? J’ai toujours pensé que tu devais l’épouser. Il est aussi barjot que toi, vous étiez faits pour vous rencontrer. —Mon entretien avec Duane fut très informatif. Il m’a parlé de ce programme et de ce que l’on pourrait mettre en place pour le rentabiliser au mieux. Travailler avec lui sera très stimulant finalement. —Pourquoi as-tu appelé Beck ? —Et pourquoi ne le pourrais-je pas ? Il est mon meilleur ami. Tu te souviens de la fois où l’on a baisé toute une journée ? Tu pourrais avoir envie de me

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prendre de nouveau dans l’hypothèse où tu bluffais au sujet de Megan. —Je ne bluffais pas. Megan s’occupe bien de moi. elle est plutôt douée. Si tu voyais ce qu’elle fait avec sa bouche. —C’est dommage. J’avais envie de m’envoyer en l’air ce soir. Le fait que Beck vienne à New York je n’ai pas envie de passer pour une pauvre ratée sur le plan sexuel. J’ai envie d’être dopée par l’amour, si tu vois ce que je veux dire ? » Ron soutint son regard dans le mien. « Alors appelles Liev. Tu as son numéro alors ne laisses pas trainer les choses. —Tu me vois vraiment passer la soirée avec lui ? Il me parlerait toute la nuit de ses voitures de sport, d son succès auprès des call-girls qu’il fréquente dans son club très select et crois-moi, je ne peux pas mélanger le cul à ses histoires d’égo ! Quoi ? On dirait que cela te dérange que je sois aussi cynique que toi ? —De quoi avez-vous parlé avec Beck ? —De toi, de Chris et de nos vacances aux Bahamas, dans le Pacifique et… tout comme toi,, il est un peu nostalgique. Il pensait que tout serait plus facile entre nous et que rien ne changerait jamais. Tu ne sais pas à quel point je lui ai brisé le cœur en disant vouloir partir sur a côte est ? —Je ne m’inquiète pas pour lui, il t’a vite remplacée à en juger par tous ces pique-assiettes qui gravitent autour de lui. Des femmes comme toi il peut en avoir une dizaine en claquant des doigts. Et si tu regrettes quoique se soit il n’est pas encore trop tard pour retourner à ton ancienne vie. —Ok. Je vais aller me coucher. Bonne nuit ! »

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CHAPITRE John Beckett arriva le mardi après-midi. On se donna rendez-vous dans un snack dans le quartier de Soho. En le voyant arriver, je ne peux contenir ma joie. Il était mon meilleur ami depuis des années bien avant l’époque de ma rencontre avec Chris et Ron à Hawaï. Il plaquait ses cheveux noirs et arborait une barbe de trois jours taillés avec soin sur son menton étroit. Le voir en tailleur trois-pièces me surpris, j’avais pris l’habitude de le voir en short et nus pieds. Il posa sa main dans mon dos et me précéda dans cet endroit atypique aux charmes amérindiens. Après les premières flatteries d’usage, il alla droit à l’essentiel, soit mon choix d’avoir choisi New York. «Jamais je n’eusse pensé que tu t’acclimaterais à cette existence. Tous ces buildings sont oppressants. Et tu te plais toujours à la Netcom ? —A vrai dire c’est très barbant. Les collègues sont de vraies garces et franchement s’il n’y avait pas Chris et Ron pour me tenir compagnie il y a bien longtemps que je serai partie. —Et Ron prend-il soin de toi ? —Il me prend pour sa stagiaire et la cohabitation est plus que tendue entre nous deux. Il est constamment à me reprocher quelque chose. —Alors démissionne ! —Tu penses que je manque d’audace ? —Je pense que tu n’en manque pas au contraire, cependant, je ne te sens pas heureuse Milky. Quand tu m’as appelé hier j’ai pris peur, tu vois. J’ai pensé qu’un malheur t’était arrivé. Tu mérites mieux que cette vie Milky. Toute cette pollution ce n’est pas pour toi, vraiment. —On croirait entendre parler ma mère. Tu es une vraie mère-poule Becky ! Et toit ton boulot, comment ça se passe ? On dit que ton chiffre d’affaire ne cesse de croître et c’est tant mieux pour toi. Tu le mérite vraiment John. —Oui je n’ai pas à me plaindre. Tant que les dollars tombent on se sent accompli. Au début ce projet tenait

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plus d’une chimère mais maintenant je le vois comme un espoir dans le milieu pharmaceutique. Quand tu en auras assez de New York tu pourrais te joindre à mes succès. » Un jeune couple éclata de rire derrière nous et leur bonheur sautait aux yeux. la jeune femme d’une vingtaine d’année se pencha vers son petit copain pour baiser sa joue. La cuisse de Beckett frôla la mienne. Il suivit mon regard avant de se gratter le menton. « Doug est passé me voir la semaine dernière. —Et comment va mon frère adoré ? —Il se portait plutôt bien. Je les ai invité à dîner lui et ta mère. Doug était sur un petit nuage et parle de s’installer avec sa petite amie, qui au passage est vraiment charmante. Tu devrais l’appeler plus souvent et enterrer une bonne fois pour toute la hache de guerre. Ton frère n’est pas responsable de tout ça. —Beck, je ne suis pas encore prête à entendre tout ça. Doug a merdé et… J’ai pris deux mois de prison ferme avec ses conneries. Je ne peux pas faire comme si rien ne s’était passé. —D’accord. Oublie ce que je que je viens de dire. Comment avance le mariage de Chris ? Et ça non plus, tu ne veux pas m’en parler ! —Il va se marier. Il n’y a rien à ajouter à cela. —Il compte rallier la côte ouest prochainement avec Ron, le sais-tu ? Et tous deux veulent t’engager pour mener à bien leur projet. —On dirait que les nouvelles vont vite. —Ron et moi on communique beaucoup. » Et je levai les yeux au ciel. Cela n’était pas pour me rassurer. J’essuyais ma bouche avec la serviette avant de tenter un sourire. « Alors tout ne semble pas perdu entre nous. —Comment ça ? —Il s’envoie en l’air avec une collaboratrice de la NetCom, une espèce de sangsue persuadée d’avoir touché le gros lot en suçant la queue de Ron. Il s’est envoyé toutes les femmes de Manhattan mais je ne m’attendais pas à ce qu’il jette son dévolu sur Miss

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America. C’est un coup de poignard dans le dos. Comment suis-je censée le respecter après cela ? —Es-tu amoureuse de lui ? —La pire chose pour moi serait de tomber amoureuse de lui. Mon expérience avec Chris fut un véritable fiasco. On aurait pu bien s’entendre mais c’est loin d’être évident. —Et comment te vois-tu dans les années à venir ? Aimerais-tu pouvoir changer quelque chose en toi pour atteindre les hauteurs ? —Ah, ah ! —Tu as pourtant appris le japonais en deux jours seulement et tout un programme universitaire dispensé au MIT en moins de quatre jours. Tu sais résoudre des problèmes difficiles et analyser des données que tu es seule en mesure de voir et comprendre. Tes possibilités sont multiples mais tu ne les exploite pas comme il se devrait. Est-ce que tu me suis ? Ton frère n’est en rien responsable de ce qui t’es arrivée. Ton accident et ton inculpation. Milky, c’est toi seule qui a provoqué tout cela. Il te faut l’accepter une bonne fois pour toute. Et si tu n’avais pas ingéré ses pilules tu ne serais pas là aujourd’hui. —Je pensais bien que tout cela n’était pas de ma propre motivation. J’ai toujours eu l’intuition de…faire les choses différemment des autres, répondis-je la gorge nouée et serrant mes coudes posés sur la table, maintenant je prends conscience d’être un imposteur. —C’est ainsi que tu te vois ? J’ai étudié cette molécule pendant des années sur des souris, des rats avant de le tester sur ma personne. Puis j’en ai fournis à Ron. Cette substance ne produit aucune dépendance et les effets se font ressentir des mois après. —Tu veux dire que je suis un cobaye ? Questionnaije des plus ahuries. A aucun moment tu t’es dis que tu pourrais m’en informer ? —Non, parce que tu ne risques rien. Je te l’ai dit, j’ai étudié ses substances biologiques pendant es années avant de constater qu’elles avaient de nombreuses vertus ont celles de régénérés les cellules détruites de notre organisme et dopent certains notre système

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cérébral en ajoutant de nouvelles corrélations entre les synapses et…. —Il a coopté un certain Duane Connor. Est-ce que ce nom te dit quelque chose ? Il semble connaitre des tas de choses sur nous autres. Il semblerait que tu aies maintenant un laboratoire. On va de surprise en surprise Beck. » Il ne répondit rien, les yeux plongés dans le vide. On nous apporta notre menu et force de constater que Beck me fixait toujours sans sourciller. « Ces plantes sont des stimulants et si elles avaient représentées une quelconque menace pour toi je ne te les aurais pas fournies. Ensuite Ron est libre de coopter qi il veut pour le bien de la NetCom. —Ron et Chris comptent démissionner. —Je sais. Je leur ai fait une meilleure offre. —Tu n’es pas sérieux ? —En ce moment, je suis en pleine campagne de recrutement Mara. La NetCom va être démantelé dans les années à venir, ses actionnaires ne sont plus tout à fait désireux de poursuivre l’aventure avec cette société qui ne se réinvente pas. A plusieurs reprises la netCom s’est retrouvée être au pied du mur et sans l’aide de Chris et Ron il y a longtemps qu’elle ne serait plus. Soit dit en passant, tu fais de l’excellent travail sur place. —Merci Beck mais je ne comprends pas pourquoi ne pas les avoir recruté directement. —Cela aurait été trop facile. Je veux vous voir sortir ce que vous avez dans le ventre. Seuls les meilleurs seront récompensés, Mara et il n’y aura par conséquent pas de place pour les faibles. » On se sépara vers deux heures quinze. Retourner à la NetCom fut contraignant. Megan continuait à me prendre de haut avec ses sournoises insinuations. Plus que jamais elle était dans le calcul. Ron passait le plus clair de son temps près d’elle ce qui eut le don de m’exaspérer. Par mail je reçus le résultat du laboratoire concernant la pilule dérobée dans le sachet de Ron. Le bilan était plutôt positif : il s’agissait d’un cocktail de

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plantes au nom imprononçable que l’on pouvait se procurer en Inde pour une somme dérisoire. Aucune raison de s’alarmer. Je partis retrouver Duane sur le temps de sa pause café. Ron me surprit en gloussant derrière moi avec la grâce d’un félin. « Est-ce que ça va toi ? Comment était ton déjeuner avec Beck? —Il allait bien. As-tu vu mes comptes-rendus ? Si tel est le cas, le minimum serait d’y répondre, tu ne crois pas ? J’y ai consacre du temps et de l’énergie. Comment veux-u que l’on progresse si l’un de nous ne prend pas cela au sérieux ? —Ne m’attends pas ce soir. Je vais travailler à l’extérieur. —Oh, laisses-moi deviner ! Miss America c’est ça ? Tu es tellement prévisible. Je m’attends presque à ce que tu l’invite à séjourner dans ton appartement pour mieux me punir. —Qu’est-ce que tu racontes ? Il faut que tu arrêtes ce numéro de pleurnicheuse. Tu as passé l’âge de me faire des scènes de cette ampleur. Toi et moi nous avons eu notre chance par le passé, alors à quoi bon vouloir revenir dessus ? Murmura-t-il le rictus au coin des lèvres. Il faut savoir prendre le plaisir où il est non ? Trouves-toi un mec et cesse de te comporter en sale môme ! » Seule dans l’appartement je ne parvenais à me concentrer. Toutes mes pensées allèrent vers la discussion échangée avec Ron sur notre lieu de travail. Cela ne pouvait plus durer ! Ron allait me tuer à petits feux. Le lendemain, la matinée commença sur les chapeaux de roue. Plus que d’ordinaire Megan me faisait comprendre que je n’étais pas à ma place sur cette plate-forme. Pour moins que cela on en vient au meurtre avec préméditation. A dix heures, Livia vint nous annoncer que le briefing aurait lieu dans une demi-heure. « C’est valable pour toi aussi Mara ! A dix heures trente et tâche d’être à l’heure s’il te plait !

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—Où est-ce que tu as vu que je ne voulais pas y assister ? Un jour Livia, il faudra bien que cela cesse. —Pardon ? Ici, c’est encore moi ta supérieure Mara que tu le veuille ou non ! Tout le monde a entendu ? Dis heures trente, pour tout le monde ! » Elle s’en alla en me lançant un dernier regard noir. Megan profita de la situation pour l’ouvrir : « Ce n’est pas croyable, cette femme est une plaie ! » Je ne répondis rien, continuant à pianoter sur mon clavier. Au fond de moi je bouillonnais de colère. Avant de me rendre à la dite-réunion je fis un détour par les WC. Betty bop s’y trouvait être à se refaire une petite beauté de dernière minute. En me voyant arriver, elle me dévisagea de la tête aux pieds. « Ne t’approche pas de Duane. Tu fais partie de ces femmes toxiques qui corrompent nos subordonnés. Tu lui aurais remis un dossier hier qui ne me convient pas. J’ignore encore ce que Ron te trouve de bien mais pour moi l’évidence saute aux yeux : tu n’es qu’une intrigante et je te préviens que si tu cherches à nous entourlouper, je te ferai dégager en moins de temps qu’il faut pour le dire ! —Que ma tête ne te revienne c’est une chose. Mais sache que Liev croit en mon potentiel. Cela devrait te suffire non ? » Elle poursuivit son maquillage, s’appliquant à passer son rouge à lèvres. « Lui comme tous les autres ne sont pas incorruptibles. Garde à l’esprit que tu es une pièce rapportée, un gadget à la mode dont on peut se passer. Tu n’es rien d’autre qu’une pièce à notre échiquier. Assures-toi d’avoir bien compris. —Elisabeth ? —Quoi ? —Non rien », répondis-je tout en maintenant mon regard dans le sien. Une fois qu’elle fut sortie je songeais à ce qu’elle avait du faire pour obtenir son poste. Le sourire me vint aux lèvres. C’était réjouissant de n’être pas considérée comme une chatte en chaleur.

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J’arrivais dans la salle prévue pour notre briefing après tout le monde et personne ne souciait de ma personne puisque les clans s’étaient formés dans cette salle aveugle aux murs couverts de lambris et devant laquelle trônait un grand écran pour les projections médias. Mon attention se porta sur Megan installée au premier rang telle la bonne élève de la clase dont l’attitude est proche d’écœurement. Je prends toujours de quoi noter pour ensuite poser les bonnes questions aux intervenants et progresser dans leur approche. Livia discutait stratégie avec Liev que je devinais un peu stressé. Livia. Cette sorcière ne m’aimait pas. Paula assise devant moi lorgnait du côté de Duane. Son expression paraissait dire : Pourvu qu’on ne parte pas trop de temps avec ces bavardages futiles car nous avons du pain sur la planche, toi et moi ! Puis elle se tourna vers moi suivant du regard celui de Duane. James Wallace vint se placer près de moi. « Tu fais du bon boulot Mara, je tenais à te le dire. J’ai relu tous tes comptes-rendus et franchement tu as l’air d’assurer. Chris dit que tu peux prévoir de former l’équipe pour notre nouveau logiciel. C’est cool non ? Seulement il faudra que tu acceptes de déléguer un minimum. Ron m’a chargé de te prêter main-forte. —Tu plaisantes là ? On en parlera plus tard si tu le veux bien. Je n’ai pas l’esprit à cela pour le moment. —Et c’est quand lus tard pour toi ? J’ai des rendezvous extérieurs alors si tu pouvais être plus précise pour mon agenda journalier, Mara. —Je ne sais pas très bien ce que je dois faire au juste. Tout casser ? Ou ficher le camp au plus vite ? —Avant de tout casser tu pourrais peut-être respirer un grand coup et positiver. Tu n’as jamais pensé que nous n’étions pas tous hostile à ta personne. On peut essayer de se faire confiance, tu ne crois pas ? » La réunion fut soporifique. Les seuls à causer restaient Livia, James Wallace, Pat Hanks, Gale et Cameron. Les lumières se coupèrent d’un seul coup.

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Plongés dans le noir certains faisaient des commentaires sur la facture d’électricité que l’on aurait oublié de payer. Bon nombre de téléphone s’allumèrent dont le mien. Nous n’avions plus de couverture réseau, ce qui n’était pas normal. « Désolé pour cette avarie, lança Liev, nous allons régler cela dans les plus brefs délais. Et que tout le monde se rassure toutes nos factures sont à ce jour honorées ! » Certains prirent le problème à bras-le-corps. Quand l’un de nous déclara ne pas pouvoir ouvrir la porte. On la maintenant bloquée de l’extérieur. C’était une blague là ? On nous faisait une blague. « C’est quoi ce bordel ? On ne peut joindre personne de l’extérieur non plus ! Pesta Andrew Nicols en brandissant son téléphone vers Liev. —Andrew, on t’a demandé de garder ton calme, ordonna Ron. Nous cherchions tous des solutions pour nous tirer de là au plus vite. Personne ne semblait se trouver être derrière la porte alors que nous tambourinions depuis dix bonnes minutes. La tension commençait à se faire ressentir d’un bout à l’autre de la salle. « Ils fichent quoi dehors ? Cela commence vraiment à faire long, non ? —On y travaille, déclara Liev. Comme les issues sont condamnées et qu’on ne peut communiquer en dehors de cette salle, il va nous falloir attendre ici jusqu’à ce qu’on se manifeste à la Netcom. Ne nous voyant pas revenir, les autres vont donner l’alerte. Alors je demande un peu de patience à tout le monde. » On resta à attendre en personnes civilisées que nous étions. Puis nous entendîmes des coups de feu. Là je peux vous dire que la panique s’empara de chacun de nous et Ron glissa vers moi. Dans la salle on réclamait le silence. « C’est quoi ça Ron ? Murmurai-je tout contre lui. C’est quoi ? —Je n’en sais rien. Chut ! » J’entendis Livia tenter de rassurer un tiers. « Que tout le monde garde son

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calme ! » Là, ce fut Liev. La porte s’ouvrit avec fracas sur un type portant des ray ban. Les lumières à ce même moment s’ouvrirent et on peut enfin observer le visage de chacun d’entre nous. « Je veux que vous gariez ce moment unique gravé dans votre mémoire pour maintenant et les jours à venir ! S’exprima le type en marchant vers l’estrade. Au moment de crise l’on ne peut compter que sur soi, n’est-ce pas Lindsay ? la peur est votre principale adversaire et Pat ne dira pas le contraire. » Ce dernier tenta de sourire, tirant nerveusement sur le pan de sa chemise. « Ouais j’avoue avoir eu les chocottes… —Et pourquoi Livia ? Pourquoi la peur est-elle un obstacle à la réflexion ? —je suppose qu’on nous sommes conditionnés à réagir à des stimuli qui affectent notre comportement. —Des stimuli ! C’est exactement ça ! Et force de constater que beaucoup d’entre vous ont eu les chocottes pour reprendre l’expression de Pat. » On se détendit et Ron plongea son regard dans le mien comma attenant une réaction de ma part. le type atteignit l’estrade et régla le micro à hauteur de bouche. « ce qui est formidable c’est de constater qu’aucun de vous n’a tambouriné à la porte comme un damné et nous avons pu noter que vous avez réussi à garder votre self-control aux premiers tirs à partir d’un jouet à balle pour enfants. Mon nom est Baret Donovan et pe pendant toute l’heure que je passerais avec vous, j’accepte que vous m’appeliez Don ou Baret peut importe le flacon pourvut qu’on n’ait l’ivresse ! —Et on est censé voir quoi avec toi ? Des techniques de combat ? Questionna James Wallace. —Non, James c’est plus excitant que cela. » Il connaissait tout le monde par son prénom. « Pour faire simple, il s’agit d’unir vos compétences pour parvenir à un but honorable. Maintenant je laisse la parole à Chris. » Il le rejoignit au micro et ses yeux glissèrent sur chacun de nous.

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« Comme vous le savez nous sommes en pleine restructuration du personnel et ce genre de plan avec toute la complexité qu’elle suscite nous conduit à définir deux grands principes qui reposent sur les compétences propres à chacun de nous et nos aptitudes à se remettre en question pour aller de l’avant. Et donc cela se fera sur le volontariat afin de ne discriminer personne. Tous seront appelés à participer et en récompense de quoi vous seront attribués de nouveaux postes, une nouvelle grille de salaire, etc. —Mais si on échoue, aurons-nous à craindre de se retrouver à un autre poste moins bien rétribué que le précédent, questionna Livia. Je pose cette question de point-de vue éthique Chris, je suppose que ce test quelque soit sa nature, est fait pour nous départager mais de telles données ne peuvent être exploitées pour satisfaire à l’égo de certains. —Oui il est important de souligner le caractère peu conventionnel de ce type de manœuvre mais nous ne sommes en rien les précurseurs des tests à l’embauche. Aujourd’hui il est possible de vous tester sur une autre échelle avec des moyens bien plus humains et dont on peut exploiter le contenu de manière fondée et honorable. Je veux que vous sachiez que vous êtes libres de refuser, personne ne vous mettra la pression et aucun ne vous jugera si vous envisagez de tenter l’aventure. Cependant vous aurez jusqu’à la fin de cette heure pour nous apporter votre réponse. » Et Donovan reprit sa place affichant un sourire carnassier. Et pendant plus de quarante minutes il ne parla que de challenge. Les mêmes à se trouver intéressants restaient Livia et ses favoris. Pour ne rien changer à leurs habitudes, elles restèrent jusqu’à la fin pour dévisser avec Don. Ne voulant pas jouer les prolongations, je retournais travailler. Une part de moi voulait participer à ce challenge quand une autre me recommandait la prudence : je pouvais très bien nr pas supporter la compétition féroce et acharné avec

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Megan par exemple. Livia me mettrait des bâtons dans les roues et ma crédibilité se montrerait affectée. On ne parlait plus que de cela et tout le monde voulait en faire partie. Pour moins que cela on serait cru dans une cour de récréation. La NetCom n’avait plus l’air d’une entreprise réputée et sérieuse. A l’heure du repas les lieux se vidèrent. Et Ron en profita pour se rapprocher de moi.. « Je ne veux pas que tu te méprennes pour toute à l’heure, murmura ce dernier les avant-bras posés sur ses cuisses. —A quel sujet ? Pourquoi ce regard ? Ecoute Ron, je n’ai pas le temps en ce moment. Je tiens à boucler ce dossier et j’ai tellement à faire que je ne sais quelles priorités traiter. —Toute à l’heure dans la salle. J’ai vu que tu avais peur. Tu étais mortifiée. » Et je levai la tête de mon clavier pour l’interroger du regard. Il me dévisagea avec froideur d’un air narquois, calé au fond de son fauteuil. « Tu n’as pas dit un mot pendant toute l’heure. Pourquoi ? Ce programme est le tien et… —Ce n’est pas moi qui le porte ! Répondis-je de manière sèche sans le lâcher des yeux. Je ne voudrais pas qu’on pense que j’ai les faveurs de Liev. —Tu penses qu’il y a de l’amélioration entre nous ? Il s’assit sur le rebord de la chaise de Chris, les sourcils froncés. Non, parce que pour moi on patauge toujours autant. Ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler l’osmose entre nous. Tu te tapes Chris ? —qu’est-ce qui te fais penser ça ? —Toute à l’heure tu le cherchais des yeux et lui n’est plus tout à fait comme d’ordinaire. —Et donc tu en déduis qu’on couche ensemble. Ron, on pourrait éviter d’en parler pendant nos heures de travail et nous concentrer sur l’essentiel. —pas tes grands airs avec moi, ça ne prends pas. J’avas seulement espérer que tu me mettes dans la confidence. Il est mon ami et… en ce moment il est entrain de faire la plus grosse connerie de sa vie avec Carrey. Toi et moi on sait qu’il n’est pas honnête en

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prétendant vouloir se marier. Grace à toi il est possible qu’il change d’avis. A plus tard et ne te cache pas trop derrière tes écrans. La vérité saute aux yeux que tu le veuille ou non. » Plus tard, après mon déjeuner je partis prendre un café pour tomber sur Chris. Il discutait avec Livia tout en lorgnant de mon côté. Assise sur le sofa je feuilletais un magazine de mode, tout en jetant quelques regards de son côté ; Livia finit par s’en aller et il me rejoignit dans la loveuse, son regard plongé dans le mien. « J’ai vu que tu t’étais inscrite. —Et je n’aurais pas du selon toi ? je le fais par esprit d’équipe, répondis-je avec ironie. —Tu sais ça ne sera pas un concours pour élire la collaboratrice la plus sexy de notre staf, c’est une sorte de bootcamp et…. —Tu te fiches de moi là ? Voyons Chris, tu ne sais pas à qui tu t’adresses là ? je tiens moi aussi à faire mes preuves et il est hors de question de voir les autres l’emporter haut les mains. Je ne le supporterais pas. —je sais que tu en es capable mais je préfère que tu n’y participe pas. —Ah, ah ! Elle est bien bonne celle-là ! Et pourquoi s’il te plait ? —Tu devrais suivre ton instinct ; certains combats ne méritent pas d’être tentés. Personne ne te blâmera de ne pas en faire partie. —merci de t’en soucier mais je compte y participer ; qui sait, peut-être en seras-tu fier ? » Ron rentra après moi. il paraissait soucieux. Après sa douche il me proposa un truc à boire. D’accord pour du jus de mangue. Sur la pointe des pieds, je me déplaçais vers la cuisine et je l’aperçu vider une capsule dans mon verre. C’était quoi ce bordel ? Il me droguait à mon insu. Depuis quad cela durait-il ? Je retournai m’assoir, le cœur battant à rompre. « Tu travailles toujours sur tes dossiers ? Tu devrais vraiment apprendre à décrocher.

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—Et cela rendrait service à qui ? Dois-je m’excuser de vouloir travailler en dehors des heures de travail, —Tu es chiante en ce moment. —D’accord, excuses-moi. tu veux une vraie discussion pas vrai ? Pestai-je en refermant l’écran de mo PC. Tu étais au courant des expériences médicamenteuses de Beck, n’est-ce pas ? —Ouais, il ne l’a jamais caché Mara, où est-ce que tu veux en venir ? —Je me disais seulement que c’était étrange. Depuis que je suis ici à new York, les choses ne sont plus tout à fait les mêmes. C’est comme si, une partie de moi se mettait à vouloir atteindre la lune quant l’autre se trouve être inhibée. —Et tu mets _a sur le dos des pilules de Beck ? l faudrait pur cela que tu en absorbes. Est-ce le cas pour toi ? —Non, mais comme tu le sais depuis des années je ne mange pas de viande et les plantes que j’ingère sont issues des cultures californiennes dont en ce jours j’ai pu obtenir la traçabilité. J’ai sur que le laboratoire de Beck en contrôlent la productivité. —Tu t’ennuies à ce point mara, qu’il te faille remonter jusqu’à la production de tes putains de légumes ? C’est tout toi ça ! Alors qu’as-tu découvert d’autres ? —ces plantes dont des racines ne sont pas modifier génétiquement mais elles subissent l’influence de rayons et…. —attends, attends ! Je t’arrête tout de suite ! Tu voudrais me faire croire que Beck depuis toutes ces années se jouent e toi et de tous les autres consommateurs adeptes de la culture bio ? —Laisses-moi finir d’accord, répliquai-je en m’asseyant près de lui, le verre de goyave à la main et les jambes repliées sous mes fesses. Admettons que ces plantes modifient la structure de mon cerveau par l’implantation de nouvelles molécules, alors nous serions face à un problème de santé publique, tu ne crois pas ? »

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Il fixait mes lèvres avec dédain. « Je ne crois pas non. Tu te prends trop la tête avec tes scnénarii dignes d’Hollywood. Parfois je me dis que tu es complètement fêlée Mara, excuses-moi de te le dire mais, soit tu manques de sommeil ou bien toute ton équilibre mental doit-être revu. —Oh, Ron vraiment tu n’épargnes rien ! » Comme je posai mon verre sur la table basse, il le fixa, mal à l’aise, les sourcils froncés. « Tu devrais prendre une profonde inspiration, boire ton verre et te mettre au lit ; Demain une longue journée nous attend. » Je repris mon verre à la main et des plus tendus, Ron se passa la main sur sa blonde chevelure. Il avait drogué mon verre. Il fallait être maso pour accepter de la boire. « Une dernière question Ron. Crois-tu qu’on puisse parvenir à s’entendre ti et moi ? —Pourquoi cette question ? Ce n’est pas ce que tu veux toi, On est pareil sauf que tu ne veux pas l’admettre. En attendant tu te condamnes à souffrir. Bonne nuit… »

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CHAPITRE Nous étions tous très excités. Nous devions nous donner rendez-vous à l’aéroport de la Guardia où un avion nous attendait. Notre billet fut payé par la netcom et tout notre straff se trouva prêt à embarquer à neuf heures trente du matin. Direction l’ouest du pays. Pendant que le maitre de bord nous souhaitait un agréable vol, Megan me fixait du regard affichant un parfait mépris. On décolla et je pus mettre mes écouteurs dans mes oreilles pour ne plus entendre mes collaborateurs blaguer entre eux. Une heure après le décollage on nous remit un guide de survie ; « C’est quoi ça ? Questionna William Hexley. —C’est pour te torcher le cul idiot ! Railla James Wallace. » Je feuilletais le petit carnet avant de l’enfoncer dans mon sac à main. En tournant la tête mon regard croisa celui de Ron. L’hôtesse passa ans le couloir pour nous proposer de quoi se restaurer. J’allais piquer un roupillon quand deux heures après je fus réveillée par de violentes turbulences ; certains. Au micro le capitaine nous recommandait de garder son calme. Pour combien de temps encore ? « C’est quoi le problème ? Questionna Paula à l’intention de l’hôtesse passant de rang en rang pour veiller à notre sécurité. On ne pourrait pas en savoir plus ? —Détendez-vous Madame, nous descendons

« Mara ? Mara ! Réveilles-toi ! » La voix était lointaine, tel un murmure. Lentement je me réveillais pour découvrir le visage de Beck au-dessus du mien. Il me fixait, les sourcils froncés. Ma gorge était sèche, je mourrais de soif. « Est-ce que tu te souviens de

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quoique se soit ? » Ma vision s’améliora et le décor parut plus net. Je devais me trouver être dans une chambre d’hôpital. Une femme se tenait là et qui n’était pas John Beck. La panique me saisit et la femme, une afro-américaine me tendit le masque à oxygène. « Tu as eu une attaque mara, il y a deux jours de cela. Une attaque cérébrale. C’est la raison pour laquelle nous te gardons en observation. Respire doucement d’accord, tu n’as aucune raison de paniquer. Bientôt tu pourras rentrer chez toi. Tu comprends ce que je te dis ? Certaines parties de ton cerveau comportent des lésions. Elles ne sont pas irréversibles mais affectent certains de tes souvenirs. Détends-toi ma chérie. » Elle quitta sa chaise pour ausculter le fond de mon œil. Je ne parvenais à rester calme. Ma respiration s’accélérait et je mourrais de soif. Que s’était-il passé ? Je ne me souvenais plus de rien. « Mara. Nous allons te garder en observation pour effectuer une série de tests dont nous nous portons garant. Après quoi tu pourras rentrer. Dis-moi maintenant ce dont tu te souviens. » Aucun souvenir ne me parvint en mémoire. Aucun souvenir. J’avais beau me concentrer, rien ne venait. La femme m’observait sans sourciller avant de gagner la porte. Le chuintement de la porte me fit comprendre que je n’étais pas à l’hôpital. Quel hôpital proposait une porte blindée à ses patients ? Lentement je me levai pour me diriger vers la salle de bain. Je bus au robinet longuement comme après un long séjour passé dans un désert. Ensuite je me présentais à la porte en espérant qu’elle s’ouvre automatiquement. Mon cerveau était en vrac. Pas moyen de savoir ce qu’il s’était passé. Assise sur le rebord du lit, je me concentrais. Mais en vain. La porte s’ouvrit et apparut John Beck. Enfin ! Un visage familier. Alors je me levai pour bondir dans ses bras et le serrer fermement. « Oh, Beck. J’ai eu une attaque cérébrale et je ne me souviens plus de rien.

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—Mara, assieds-toi s’il te plait. » Et son regard plongea dans le mien. Il me fixait, perdu dans ses pensées. Mais ce n’état pas le beck que je connaissais, celui-ci était plus….froid, plus énigmatique comme programmé pour répondre uniquement par oui ou par non, telle une entité du futur. Les larmes me montèrent aux yeux et la main sur le front je me concentrais. En vain. « Sais-tu en quelle année nous sommes ? —Je ne me souviens plus de rien. Je suis navrée, répondis-je sur le point de fondre en larmes. —Alors comment sais-tu que je m’appelle Beck ? —parce que nous sommes amis. De vieux amis….John, enfin…. Dis-moi ce que je fiche ici. —Et dis-moi un peu là où l’on se serait rencontré. » Je fondis en larmes, les bras croisés sur la poitrine. Si Beck ne se souvenait pas de moi alors…. Il m’étudiait penché devant moi, les sourcils froncés. Non, ce n’était pas le Beck que je connaissais. « On s’est rencontré à L.A. tu m’as appris à surfer. Mais je ne suis plus sûre de rien. Je ne me souviens pas de certains détails. Mon cerveau est….tout cela est confus. J’aimerai passer un appel. —A qui mara ? Qui veux-tu joindre ? Une personne de Los Angeles ? Es-tu certaine de vouloir passer cet appel ? Tu as eu une attaque cérébrale et tu dois y aller progressivement. Par étapes. Donnes-moi le nom de personnes à contacter. Peux-tu me les écrire sur ce papier ? » Il sortit de sa poche un petit carnet et un crayon qu’il me tendit. Et là ce fut le néant. La page blanche. Je ne pouvais pas croire ce qui m’arrivait. Une larme ruissela sur ma joue. « Ce n’est pas grave Mara, nous essayerons plus tard, argua ce dernier en reprenant doucement ses effets personnels. Est-ce que la NetCom te dis quelque chose ? Mara ? » De nouveau je le regardais, lui, au regard intense. Ce n’était pas le John Beck que je connaissais. Il n’était plus qu’un étranger, une sorte de paradoxe dans un monde que je ne maitrisais pas. il avança sa chaise

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vers le lit ; cette situation m’angoissait. Je vins à manquer de souffle. « Mara, as-tu le souvenir de la NetCom ? —Non, cela ne m’évoque rien. Je devrais ? Répondis-je avec froideur. Je te l’ai dit, je ne me souviens de rien ! Je voudrais seulement rentrer chez moi. Il faut que je sorte d’ici. —Et où vis-tu Mara ? —A Los Angeles. » Il ne cessait de m’observer sans exprimer autre chose que de l’attention. Il était impeccable dans son costume gris anthracite, cette cravate de soie et ses cheveux noirs tirés en arrière. Ses yeux noirs me sondaient puis il caressa son menton en pointe recouvert d’une fine barbe bien entretenue. « tu sais qui je suis. Alors…. —Mas toi sais-tu sui tu es ? Parles-moi un peu de toi. Dis-moi un peu où tu as grandi et les personnes que tu aurais rencontrées jadis. As-tu un frère ? Une sœur ? Un animal de compagnie ? » Je ne me souvenais plus de rien. Je ne me souvenais plus de rien. Je ne me souvenais plus de rien. Il s’enfonça dans l’assise de sa chaise et crois ales jambes l’une sur l’autre. « Un petit ami peut-être ? Ou bien un fiancé ? Qui devrais-je contacter pour les avertir de ton état ? Que sais-tu de la netCom ? —J’ignore ce dont tu parles. Tout ce que je veux sait renter chez moi. » Son téléphone vibra dans sa poche. Il en étudia l’écran avant d’inspirer profondément. « La NetCom est une société écran. Il s’agit d’un laboratoire pharmaceutique dont le siège social est basé à New York. Il développe des molécules qui accroissent les capacités sensorielles. La netCom est une société écran. Tu comprends ce que je viens de te dire ? La netCom n’existe pas. C’est le fruit d’une illusion collective, ajoura ce dernier avant de caresser sa lèvre inférieure. Maintenant Mara, dis-moi qui tu es. Où as-tu vécu ? Quels sont tes amis ? As-tu des traumatismes enfouis dans ton inconscient ?

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—Je ne sais pas, murmurai-je. Tout cela n’a pas de sens. C’est insensé…. —D’accord. Reposes-toi un peu. je repasserais plus tard. » Combien de temps dormis-je ? Aucune idée. Aucun moyen de contrôler le temps. L’afro-américaine entra, un dossier sous le bras qu’elle posa sur la table. Elle s’installa derrière celle-ci et osa me regarder. Allongée sur le lit je ne manifestais aucune réaction face cette intruse et la tête dans la commissure de mon bras, je respirais calmement. « As-tu bien dormi Mara ? Maintenant nous allons passer aux choses sérieuses. Tu t’appelles Mara Golberg et tu as 23 ans. Tu vis à Los Angeles et tu es la candidate choisie pour nos tests, grandeur nature puisque tu as toutes les aptitudes pour y arriver. John t’a parlé de la NetCom n’est-ce pas ? Alors tu vas candidater pour nous. Maintenant je vais te présenter à quelqu’un. Es-tu prête à me suivre ? » Et je la suivis dans un couloir vide, long et impersonnel. Le genre de couloir qui effraie. Il y a plein d’autres portes comme la mienne. Au fond du couloir, on prit à droite pour plonger dans un autre vaste et long corridor. Combien d’autres corridors avant d’atteindre notre but ? Elle m’invita à entrer dans une salle entourée de vitres sans teints et au milieu de laquelle trônent deux tabourets. « Assieds-toi là, je te prie. » Et elle disparut pour me laisser là. Affublée de cet horrible ensemble blanc je savais ne pas être moi ; il paraissait évident que j’étais un otage dans mon propre corps. Un otage qui ne cherchait qu’à s’évader. La porte s’ouvrit enfin sur Ron. Dieu soit loué ! Ron était avec moi ! Je laissais poindre mes armes. « Mon Dieu, Ron, je ne savais pas que tu serais là toi aussi… » Mais lui ne répondit pas, s’assit sur le tabouret et fixa le miroir devant lui. « Dr Jacobs j’aimerai commencer d’accord ! —Je connais ton impatience Ron, déclara une vois dans un micro, la voix de la femme noire au regard paisible. D’abord je tiens à te présenter Mara Golberg

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sur ta gauche. Mara travaillera avec toi. Vous allez faire équipe. » Cela ne pouvait être vrai ? J’étudiais Ron sans parvenir à détacher mon regard de sa personne. Ron se trouvait être près de moi mais refusait de me regarder, de me parler, de me toucher. « Vous m’avez promis un coéquipier masculin, pas cette nouvelle recrue inexpérimentée qui refuse de comprendre qui elle est ! je veux quelqu’un qui sache la raison pour laquelle il se trouve être ici ! —mara a répondu avec brio à tous les tests. Elle est la candidate parfaite, crois-moi sur parole et tous deux vous serez parfaits. Maintenant sois aimable de lui enseigner ce que tu sais. —Maintenant ? Voyons Jacobs. Le temps nous est compté et…. —Fais-le Ron ! Fais-le ! »

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CHAPITRE « Mara, putain ! Réveilles-toi ! Mara ! » La voix était lointaine, tel un murmure. Alors lentement je me redressais pour découvrir le visage de Megan audessus du mien. « Oh, dieu merci ! Tu as finie par te réveiller ! Non, doucement ! Ne bouge pas comme ça ! On est attachée l’une à l’autre. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. —Quoi ? —Il y a quelque chose de pas normal ici. » Je regardais autour de moi pour comprendre que nous étions tous deux enfermées dans les WC. Je ne parvenais pas à recouvrer la raison. Tout s’emmêlait dans mon esprit, ce que j’avais fait hier, ce matin, il y a trois ans. Megan agenouillée près de moi m’aida à m’assoir, les yeux glissant à gauche puis à droite. « De quoi te souviens-tu ? —Nous étions au briefing avec les autres. Le courant s’est coupé et on est resté un petit moment sur place à cause de ses foutues portes condamnées de l’extérieur. Et puis, toi et moi on se retrouve ici, menottées et… j’ai l’impression de vivre un cauchemar. Il faut qu’on sorte de là, Mara. On ne peut rester ici ! » Je l’interrogeai du regard avant de jeter un œil sur ma montre. Il était midi quinze. « Non, attends ! Tu l’as dis toi-même, il y a quelque chose de pas normal ici et l’on ne peut se jeter dans la gueule du loup sans un minimum de réflexion. —Alors tu propose de rester là quand on pourrait tenter de s’enfuir ? —Je dis seulement qu’il faut réfléchir. Si l’on nous a menottée l’une à l’autre ce n’est pas sans raison. Dismoi si quelque chose t’a paru suspect ce matin. As-tu remarqué quelque chose de peu ordinaire ? —Non. Non ! Tout à commencer à dégénérer pendant la réunion, tu étais là toi aussi non ? Tu ne semblais pas beaucoup d’activer pour nous trouver une solution. Maintenant nous sommes coincées aux chiottes !

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—Il faut qu’on étudie la pièce. —Quoi ? Tu te crois dans un film ou quoi ? On doit se tirer un point c’est tout ! —Non, non ! Cela serait imprudent de notre part. —Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu es au courant de ce traquenard ou quoi ? Il n’y aurait donc que moi à stresser ici ? » Au courant de ce traquenard ? Je pensais au Programme. Avions-nous donc commencé à jouer ? Je serrai mon visage entre mes mains, essayant de donner un sens à tout cela. « Je ne comprends pas, je…. —Tu, quoi ? Moi je te dis, il faut qu’on se tire de là ! Il se passe quoi avec toi, tu commence sérieusement à me faire flipper ! Il faut vraiment qu’on se tire d’ici, tu comprends ou pas ? » Des visions m’assaillirent. Un petit garçon courait derrière moi dans les grandes plaines arides. Je me fis plonger au fond de l’eau comme coulant à pic. Puis une vieille femme édentée me souriait. Un chien attaché à la grille d’une imposante maison aboyait furieusement. Un avion passait au-dessus de ma tête. Une pancarte se balançait au vent sur laquelle on pouvait lire un avertissement en hébreu à l’intention des palestiniens. Je vis mon père, puis ma mère. Tous deux se criaient dessus. Et puis je me vis être au bord d’une piscine, les pieds dans l’eau. La même où je rencontrais pour la première fois Chris. Ce fut lui que je vis me demander si je surfais depuis longtemps. Saut en parachute. Cameron qui me regarde derrière son poste à la NetCom. Et Duane qui me sourit. Et puis les WC. Il y a message écrit au rouge à lèvres sur le mur d’une des cabines. « Ils veulent que l’on joue. —Qui eux ? Mara, putain ! Qui eux ? —C’est trop long à t’expliquer. Mais ils veulent qu’on joue à un jeu alors… on doit trouver des indices. —Un quoi ? Tu me fais vraiment flipper, là ! Alors, tu es au courant de quelque chose ? Pourquoi on est attaché ? Pourquoi ici dans ces chiottes ? Réponds !

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Qui veut nous voir jouer ? Mara, putain ! Je veux des réponses ! Que sais-tu que j’ignore ? —Pourquoi sommes-nous attachées selon toi ? —Euh…. On va vite le savoir si on franchit cette porte ! C’est là notre seule issue, tu comprends ? » Le problème avec Megan c’est qu’on ne pouvait jamais l’arrêter. Elle me tira donc vers la porte. Nous étions dans les WC disposés dans la salle de briefing N°6. Il y avait donc deux portes. L’une donnant dans B, dites Road B ou bien passer par la petite salle et se risquer à la même mésaventure arrivée précédemment. Sur la Road B il n’y avait que des bureaux de part et d’autre, ceux de nos exécutants, soit onze salles où pouvaient être cachés les autres. Megan jeta un œil dehors. Personne. Elle ôta ses talons et me tira vers les ascenseurs quand un chuchotement attira notre attention. On venait de notre côté. On ne pouvait pas voir personne arriver de là où nous étions mais quelqu’un se trouvait être dans l’Allée A. Megan des plus nerveuses appuya sur le bouton de l’ascenseur. Les chuchotements se rapprochèrent. Mon réflexe fut celui de l’entrainer vers l’issue de secours se trouvant être juste en face des ascenseurs. Derrière la porte, on entrebâilla la porte afin de pouvoir identifier qui arrivait. Après un court mais intense moment d’angoisse, grand fut notre soulagement en voyant arriver Liev accompagné d’un type qu’on ne pouvait identifier car de dos. Liev se tourna vers l’issue de secours. Avait-il senti notre présence ? Une fois seules, Megan dégagea la main de sa bouche et m’interrogea du regard. Un frisson parcouru mon dos. « On aurait du grimper dans cet ascenseur, Mara. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond avec toi? —Nous devons rester solidaires pour avoir une chance de nous en sortir. Les autres doivent être ici et nous devons les retrouver. Tu comprends ? —Tu veux fouiller toutes les salles de notre étage ? Qu’est-ce que cela nous apportera-t-il ?

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—C’est un jeu et comme tout jeu il y a des règles ! Ensemble on pourra échafauder un plan pour se tirer de là. —Je pense qu’on devrait se tirer au plus vite. Mara, il ne faut pas prendre dix heures pour se décider ! —Ne sois pas stupide ! il nous fait retrouver les autres ! —Et pourquoi ? Cela changera quoi ? —C’est un test de sélection. Et… —La ferme ! Test ou pas, nous n’’avons pas à rester ici à nous plier à leur délire ! On doit prendre ce fout escalier et sortir de cet immeuble. Nous n’avons que faire des autres ! » Comment la convaincre de me suivre ? Déjà elle m’entrainait derrière elle, dans cet escalier de secours. Nous avions cinq étages à descendre avant d’arriver au rez-de-chaussée mais avant d’avoir pu atteindre le dernier palier, une explosion claqua en bas. La détonation retentie dans ce sas. Megan prise de panique trébucha avant de s’accrocher à la rampe. « Merde ! C’était quoi ça ? On remonte ! —Non, attends ! Attends ! » L’alarme de l’immeuble se mit à brailler. Quelqu’un l’avait probablement activée. Megan ouvrit la porte mais se ravisa in-extremis. Elle venait de voir comme moi. Une créature recouverte de poils bipède à sabots arpentait les lieux. Un frisson d’horreur nous envahit et plus encore quand le monstre à tête de taureau et aux crocs ensanglantés rua vers nous. Cette chose défonça la porte. Megan et moi remontèrent à vive allure. « Merde ! Merde ! Cours plus vite Mara ! » Arrivées en haut on referma prestement la porte derrière nous. « Putain ! u as vu comme moi ? C’était quoi cette chose ? —Je n’en sais rien ! je n’en sais absolument rien ! Répondis-je en tremblant. Il nous faut retrouver les autres, au plus vite ! —Ils ne nous croiront pas ! Ils nous prendront pour des folles ! Des démentes ! Personne ne nous croira Mara. On ne peut pas rester ici ! »

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Soudain je sentis des frissons parcourir ma peau. Quelque chose ou quelqu’un nous observait, là dans cette grille d’aération. Megan ressentit la même chose. On s’interrogea du regard avant de partir nous enfermer dans les WC. « C’étaient des chuchotements ? Qui est capable de s’enfermer dans ces grilles d’aération ? —Megan ? Nous avons été droguées dans cette salle ce qui explique nos hallucinations. Tout ceci n’est pas réel, c’est le fruit de notre imagination. C’est loin d’être évident à accepter mais…. » Les chuchotements reprirent. La panique se lit sur le visage de Megan. Les yeux embués de larmes elle restait pétrifiées. « Qu’allons-nous devenir ? Je ne veux pas mourir ici….il faut qu’on sorte. —Tout ce que l’on voit, tout ce que l’on ressent ou entend n’est que le fruit de notre imagination. —Alors qu’est-ce qui est réel ? —Toi, moi, les autres. —En es-tu certaine ? » De nouvelles visions m’apparurent. Une baignoire qui se remplissait. Une fillette sur une balançoire. Un ciel bleu strié de nuages. Un cheval galopant dans une prairie. John Beck. « Mara ? Pourquoi ce regard ? S’il te plait, ne fais pas cette tête-là. —John Beck. Ce nom te dit quelque chose ? —Tu n’es pas sérieuse là ? Tout le monde connait John Beck, enfin vouons Mara ! —Dis-moi seulement ce que tu sais de lui. Est-il déjà venu ici ? L’as-tu rencontré physiquement ? —Oui, pourquoi ? C’est un pilier sacré à la netCom. —Attends ! Attends ! Tu es entrain de me dire qu’il travaille ici ? A quel département exactement ? —Mara, arrêtes de jouer avec moi. tu es vraiment flippante et je n’aime pas ça. —réponds à ma question ! Que fait-il ici ? —Il travaille au département pharmaceutique. Et maintenant ? Tu te sens mieux ? Parce que moi je crève de trouille. Tout ce que je veux c’est rentrer chez moi, prendre un bon bain et oublier toute cette putain de journée ! »

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John beck ne travaillait pas dans sa start-up à L.A et John Beck n’était pas mon ami mais l’un des dirigeants de cette société ! « A quoi penses-tu encore ? —Ce n’est rien. Je réfléchis au passé. » Et le murmure reprit, plus distinctement cette fois . Il te voit mais tu ne l’entends pas . Megan alors se boucha les oreilles.et se mit à hurler. « Megan, calmetoi ! Ce n’estrien vraiment ! Il n’y a pas de quoi paniquer, ce n’est qu’une hallucination. Ton esprit te joue des tours. On nous a drogué, ne l’oublie pas ! —toi, tu crois ça. Moi je n’en suis pas certaine. » On tambourina à la porte. Toutes deux sursautèrent. Nos nerfs éraient mis à rude épreuve. De nouveau on tambourina. La personne derrière la porte semblait s’énerver. J’allais ouvrir la porte freinée par Megan des plus paniquées. Personne ne s’y trouvait être. le couloir était bel et bien désert. On referma la porte. Un type se trouvait être là, assis par terre, la tête entre les mains. Grosse frayeur. Un peu plus et je me faisais dessus. Etait-ce encore l’une de nos hallucinations ? le fruit de notre imagination ? L’homme leva la tête, de grosses larmes coulaient sur sa joue. « je n’ai rien à voir avec tout ça. Il y a des mors làbas. Ils sont entrain de s’entretuer. J’ai couru pour venir me cacher ici. —De quoi… ;de quoi parles-tu ? —On m’a embauché il y a trois jours comme stagiaire. Je n’ai rien à voir avec tout ça, répétait-il la tête dans les mains. Ils sont devenus fous. Ils vont me retrouver pour me tuer. —Qui ils ? Questionna Megan. —Je n’en sais rien. Ils n’ont pas de visages. Je veux seulement que tout cela cesse. Que Dieu ait pitié de nos hommes ! » Il éclata en sanglots. Il semblait s’en vouloir de quelque chose. Il n’avait pas peur, il était seulement acculé ici par écœurement. Cet homme portait sur lui les stigmates de la guerre. Ces hommes sans visage représentaient les mots tombés sur un champ de

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bataille. Je compris cela en le voyant. Ces visions ĂŠtaient des brides de nos souvenirs.

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CHAPITRE Assise derrière cette table je concentrais mon attention sur des images quand entra Liev Hauser. Il s’assit en face de moi, le mug à la main. « De quoi te souviens-tu exactement ? Quel est ton dernier souvenir mara ? —Nous étions enfermés à la netCom. Et nous avons été enfermés dans une salle de briefing. Après cela je me suis retrouvée menottée avec cette femme, Megan. Je ne sais pourquoi mais j’ai deviné certaines vérités concernant ces hallucinations. —vraiment ? Alors tu n’as pas éprouvé la peur ? —Les émotions ressenties étaient celles de cette femme, pas les miennes. Seule je n’aurais pas éprouvée e peur. —En es-tu certaine ? Tout le monde éprouve de la part notamment quand on ne peut expliquer certains phénomènes. Le cerveau se met alors à développer des barrières de défense pour rendre acceptables ce qui ne l’est pas. Et ensuite que s’est-il passé ? —J’ai compris que tout cela n’est pas réel. —A quel moment ? —Quand j’ai rencontré Duane Connor. —Vraiment ? —Et pourquoi cette rencontre ne t’a pas semblée réelle ? Pourquoi de tels soupçons quant à cette rencontre ? Parle-moi de ton ressenti. Qu’est-ce qui nous aurait échappé ? —Duane Connor est inventé de toute pièce. Vous avez inventé de personnage pour….le programme. —Quel programme Mara ? Parle-moi un peu de ce programme. » Ses yeux plongèrent dans les miens. Un rictus apparut sur son visage et il se cala dans sa chaise, prêt à m’écouter avec la plus grande des intentions. « Vous vous appropriez mes souvenirs et vous en composez de nouveaux. Vous voulez contrôler mon esprit comme garantie à ce Programme. Duane Connor n’existe pas. il est inscrit que tout cela fait

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partie de votre plan. Une parie de mon cerveau enregistre des informations et… —Tu te répètes. Ces idées deviennent concrètes. On pourrait penser que ton cerveau est conditionné pour accepter notre vérité. Maintenant que je te le dis, cela te parait-il plausible ? Acceptes-tu mieux notre réalité ? —Non, ce système comporte des failles. John Beck n’a encore rien découvert. —Notre laboratoire mise beaucoup sur ses molécules. Elles pourraient prévenir quelques unes des maladies cérébrales, réparer les cortex abimés et détruits lors de traumatismes crâniens et bons nombres de maladies mentales. Combinées avec d’autres molécules, ces gélules permettraient d’ouvrir des portes jusqu’à maintenant fermées situées dans nos deux hémisphères. Il est évident que ce programme comporte des failles et tu es là pour les prévenir. —Et combien de temps cela durera ? —Seul l’avenir nous le dira. Nous avons les pleins pouvoirs pour ce genre d’expérimentation. Es-tu prête à retenter l’aventure ? » Mardi 17. Jour J. J’étais dans les starting blocks et mon entrée fut très remarquée ; on me salua comme une collaboratrice dans la maison depuis des années et jamais je n’ai serré autant de mains de toute ma vie. Relax Mara ! Je me trouvais plutôt détendue dans le sillage de Ron. Je fus toutefois surprise de constater que je partageais le même espace de travail que celui de Chris et de Ron ; il s’agissait d’un open-space et de très peu d’intimité. Un gros fauteuil ergonomique derrière trois écrans et un poste téléphonique avec casque et micro-intégré. La NetCom m’ouvrait donc ses portes et je vis surgir de nulle part, une brune bien faite à la bouche en cul de poule. « Alors comme ça c’est toi la nouvelle ? —Laisses-nous travailler Vera, ce ne sont pas les vacances pour tout le monde, attaqua Ron sans lâcher son moniteur des yeux.

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Et moi de la dévisager de la tête aux pieds. La dernière fois que je la vis ce fut aux WC avec ce type qui parlait de Corps sans Visage. Elle me fixa de ses grands yeux de chat, avant de poursuivre, indifférente à mon sort. —Liev veut te voir Ron et d’après ce que je sais ce n’est surement pas pour te proposer un golf. Chris, tu manges avec nous ce midi ? Je vous ajoute tous deux dans la réservation ? —Non on croule sous les dossiers. On commandera pour manger sur place ! » Elle partit comme elle était venue. Ron partit, Chris se pencha vers moi. « Ron en a pour un petit moment avec Liev alors si tu veux que je t’explique le fonctionnement en détail du logiciel, je suis ton homme. Qu’est-ce que tu as compris ou plutôt qu’est-ce que tu n’as pas saisi ? —Cette société est-elle une société écran ? » Tous les regards convergèrent vers ma direction. Il continua à voix basse. « Quoi ? Où est-ce que tu vas chercher ça ? Ecoutes, on va attendre le retour de Ron et… bref, je ne peux pas trop t’expliquer là. » Julia cette ravissante blonde aux lunettes très seventies me fixa avant de glisser un mot à Christy l’autre rouquine plus rougeoyante que son autre collaboratrice Lindsay. « Hey Chris, j’ai des places pour un match de baseball. Cela t’intéresse, questionna Gale en revenant à nous, frais comme un gardon. Tu y emmèneras ta belle, je sais qu’elle raffole de l’homme viril ! —Si tu parles de ce qu’elle met au pieu, le sujet est clos, railla Ron en revenant dans le coin, les dossiers sous les bras. Tu sais toi la différence entre une autruche et une crêpe ? Non parce que Hauser vient de me la poser et je n’ai rien su lui répondre. —Qu’est-ce que tu peux être con parfois ! —Hey Chris ta condescendance me touche beaucoup. —Avec Liev il n’y a souvent pas de réponses à ses blagues ou alors elles sont connues de lui seul. Depuis le temps tu devrais le savoir ! A noter dans le

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palmarès des blagues sans queue ni tête de notre Executif manager préféré. Personne ne sait ? Vraiment les gars faites un effort ! —Sauf qu’on a du boulot Ron, alors tes blagues potaches, oublies-les !» Avant la pause-déjeuner je partis à la cafète. Elle est démente ici : minibar avec plein de café et de thé, canapés confortables collés contre la baie vitrée offrant une vue imparable sur le Financial district ; de grandes plantes vertes et des guéridons en aluminium avec leurs sièges hauts ; des revues posées sur les tables basses, des journaux économiques pour la plupart ; des distributeurs de friandises et des corbeilles de petits bonbons ; parquet flottant et tout ce qu’il faut pour ne plus avoir l’envie de partir. Il y a toujours du passage ici. Je pris un moka quand Christy fit son apparition. Elle est belle et immense, le genre grande plante que tous les gras rêveraient d’avoir chez soi. « Mara ? On s’est croisé ce matin et... euh. Je suis contente que tu ais intégrée l’équipe. Tu vas voir ici on forme une grande famille. On se connait tous depuis des lustres et tu vas vraiment te plaire ici, crois-moi ! Alors comme ça tu viens de Los Angeles ? —Euh… je dois retourner travailler. » Chris a commandé du chinois à 0120 pour s’assurer que tout le monde aurait bien les crocs ; le local vidé de ses locataires, on pouvait dès lors manger sans avoir à communiquer avec le reste des offices. « On fait quoi ce soir Chris ? C’est toi qui régale ? —Négatif, je vois Carrey ce soir. Mais demain je suis dispo. —Dispo hein ? Bientôt il va falloir prendre rendezvous. Je ne comprends pas pourquoi tu te marie aussi vite. Elle est en cloque ou bien ? Non parce que c’est si soudain. —Lâches-le avec ça Ron, déclara Gale. Tu comprendras quand tu seras amoureux et apparemment cela peut venir n’importe quand. C’est toi qu’il a choisi comme témoin et tu contestes ses choix.

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—Oui il faut bien que quelqu’un le raisonne. Et cette personne c’est moi. On se connait depuis l’université et je me dis que je pourrais tenter de l’en dissuader. Bon d’accord, il faut admettre que sa famille a de l’argent et le paternel est sénateur mais ensuite quoi ? Il quittera la firme pour aller rejoindre beau-papa et après avoir fait plein de petits bébés à cette Carrey il daignera reconsidérer mon objection. Ouais, j’ai di que je n’approuvais pas et je prépare actuellement le discours de noce. En fait on pourrait parler d’un requiem. » Apparut Liev, le sourire aux lèvres. « Il fait un temps magnifique et vous restez enfermés dans ce mausolée ? Un jour on vous enterrera vivant. Alors c’est quoi le débat les gars ? Vous avez tous un air suspect pour l’heure. Je ne suis pas censé me trouver là mais quand je vois ce que vous mangez (il plongea sa main dans la boite de poulet frit) J’aime bien quand vous faites rempart. Il y a un problème avec les comptes ? —Non Liev, on essaye seulement de raisonner Chris sur les sorties à venir, argua Ron les sourcils froncés. Assieds-toi et mange un morceau avec nous. » Il tira une chaise et s’installa près de moi ; il me dévisagea sans pudeur. « Est-ce que ça baigne pour toi Mara ? —C’est comme un rêve dont on connait la fin. —Comment ? —J’ai déjà vécu cette situation. —Ok. J’organise un truc ce soir et je compte sur vous les gars ! » Une fois qu’il fut parti, Ron se mit à glousser. « Tu as fumé ou quoi Milky ? C’est comme un rêve dont on connait la fin. Non mais tu as trouvé ça où ? Là, tu es vraiment flippante. Allo, allo ! Reviens un peu sur terre là ! Parce que ça craint là ! » Les autres revinrent par grappes. J’en profitai pour aller me servir un thé. Quelqu’un avait mis un aria sur la station iphone et je m’installai sur l’un des guéridons. Immédiatement l’Aria fut changé par une musique de Pharrel Williams.

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Chris arriva et fit celui qui ne me voyait pas. « Je suis contente d’être ici. Ce que nous accomplissons est noble. Quelle autre société peut se vanter de faire avancer la science ? » Je m’interrompis. Megan venait d’entrer au milieu de Bart, de Curtis, de Hanks, d’Hexley et Julia et de Christy. Ils parlaient fort et chahutaient comme des ados après une bonne bière partagée dans un tripot ou autre endroit sordide interdits aux mineurs. Megan me lança un regard noir. « On a croisé Arthur et il a demandé après toi. As-tu bien déjeuner ? On peut dire que cela empeste la bouffe chinoise dans l’open-space. Qui a choisi le menu ? Non, parce que ce n’’est juste pas possible et la clim ne suffira pas à faire partir l’odeur. —Tu pourras toutefois travailler dehors si l’odeur t’opportune. —Euh…tu as fini ton rapport sur la Nordenstein ? Je le veux sur mon bureau le plus rapidement possible ! D’accord ? » Cette dernière me dévisagea de la tête aux pieds. Si elle avait un gobelet rempli de café chaud elle me l’aurait jeté au visage ; elle tenta un sourire et leva le menton pour ne plus se concentrer uniquement sur Chris. « Tu sais bien que je fais tous dans les délais Chris. J’ai fini Nordenstein avant ma pause, tu n’auras qu’à le prendre. » Le soir j’eus un entretien dans le bureau de Liev. Pas question pour lui de me caresser dans le sens su poil, il semble irrité en proie à une vive déception et il se tenait là assis derrière son bureau à me dévisager avec froideur. « Mara voilà nous avons décidé de ne pas poursuivre avec toi. Ce n’est pas vraiment ton travail le problème c’est le malaise suscité auprès des autres collaborateurs. Nous ne pouvons dons pas donné suite à ta candidature. —Je n’ai pas saisi les véritables motifs. —Tu ne sembles pas être à la tâche et quand on s’adresse à toi, tu donnes l’impression d’être

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complètement défoncée. J’ignore ce qui cloche avec toi mais Ron est d’accord pour te laisser repartir. —J’ai une tumeur au cerveau de la taille d’une noisette. On m’a donné peu de temps à vivre et John Beck pense que je suis la candidate idéale pour ce genre de poste. Bien que malade, mon cerveau fonctionne plus vite que la moyenne. Je vois des choses que personne d’autre ne peut voir et je suis une brillante analyste. Je pense qu’il est dans votre intérêt de me laisser à ce poste. —Oui je le pourrais mais tu effraie tout le monde. Il n’était pas prévu que cela se passe comme ça, croismoi. la situation est des plus complexes et il serait dangereux que nos collaborateurs se mettent à penser que tu es différente et…. —C’est de cette différence que n’ait ma force ! Vous devriez le voir comme une arme, non de quelque chose dont il faille cacher. Liev, je ne peux pas partir comme ça. Je veux pouvoir vous aider. —Alors ne parle plus jamais de ce que tu sais aux autres. C’est assez déroutant et Cameron ne pourra pas continuellement passer derrière toi pour effacer tes tentatives avortées de… Enfin, tu vois ce dont je veux parler. Tu es malade mais eux ne le sont pas, ils ne comprendront pas un traite mort de ce que tu avances. Restes tranquille et tout se passera pour le mieux. —J’ai altéré le futur, Liev. —Quoi ? —Ce n’est pas ainsi que j’ai vu le futur. Tout était différent. Chris me parlait et il y avait une sorte de franche camaraderie entre nous. —Non, tu n’as fait que fantasmer ce futur. Tu as donné à tes rêves l’aspect que tu voulais qu’il est. Il était noir et tu l’as rendu rose. Tu as rendu possible ce qui ne l’était pas seulement pas fantaisie mais ce que tu vis maintenant, c’est la réalité. Aujourd’hui tu es dans le réel ; notre monde réel en trois dimensions où la douleur et les odeurs sont perçues. L’unité de temps est différente et ce que tu racontes a des conséquences fâcheuses ou pas au reste de la

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communauté. Tout ce que tu as expérimenté avant n’était qu’un fantasme. Il est temps pour toi d’accepter ce monde-ci et faire en conséquence. Il n’y aura pas de possible retour en arrière. —Je ne comprends pas. —Ok. Plusieurs substances chimiques affectent périodiquement ton cerveau. Pendant que tu étais en comas artificiel tu as pu voir ce qui te paraissait réelle dont les visages de nos collaborateurs. Nous n’avons suggérés des images, des voix, des auteurs. Ce fut un travail intense qui nous prit plusieurs mois à l’issue desquels tu as pu être capable de dresser un portrait psychologique de nos entités. —Mais dans quel but ? —Pour la survie de l’espèce, mara. La Netcom n’est là que pour dresser des diagrammes, séparer le bon grain de l’ivraie dans le seul but de se montrer plus combattifs, plus capables face à certains germes, pathologies, bactéries et compagnie. Tous les max des siècles passés peuvent être enrayés si tu nous donne la chance d’aller plus loin. Ron et toi sommes là pour filtrer les caractères et…. — « Hey Milky, tu dors ou quoi ? Questionna Ron en tapotant férocement sur son clavier. On doit finir avant d’aller déjeuner. Megan ! Viens là trois secondes…c’est quoi ça ? Moi je vais péter un câble ici. Je me vois entrain de reprendre ton dossier Maryland Gold et si tu n’es pas fichue de rentrer des données correctement, rentres chez toi parce que c’est su sabotage ! —Qu’est-ce qui t’arrive Ron ? Tu m’expliques ? Ce dossier d’abord ce n’est pas moi qui le traite. Liev l’a filé à Mara. Alors si tu as un truc à dire tu le lui transmets, elle est juste en face de toi ! » Elle recula sa chaise pour revenir près de Curtis.

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« Oui peut-être mais tu es la première à l’avoir eu en main. Tu vois là, c’est daté au 12 et c’est bien le numéro de ton poste qui apparait sur cet imprimé ! Je veux bien que tu passes la main aux nouvelles que je forme mais essayes de le faire proprement, on gagnerait en clarté et en efficacité ! » Il glissa sur ma droite, saisit mon crayon et entoura des chiffres ; soit une dizaine en tout. Il est beau quand il est contrarié ; son expression lui confère un air martial. Et puis j’adore quand il porte la barbe. Elle met en valeur ses belles lèvres ourlées. « Pousses toi un peu Mara, je vais t’expliquer deux ou trois trucs. On fait un boulot chiant et prenant. On voit défiler des chiffres toute la journée et notre objectif est celui de traiter les données le mieux possible. Tu es avec moi ou quoi ? —Oui je te reçois sept sur sept ! Mais fais vite, j’ai la tête sur le point d’exploser. » Il respirait fort. Souvent il pique des gueulantes et personne n’y échappait, pas même Gale pourtant si appliqué ; de quoi faire perdre la bonne humeur de nos collaborateurs. Je savais que les filles nous mataient sournoisement et Christy allait jusqu’à se déplacer pour s’approcher au plus près de notre table. Elle espionnait pour le compte de Megan ; celle-ci nourrissait un réseau d’espions oeuvrant pour la survie de la reine de la ruche, notre bimbo Miss America ! « C’est bon Ron j’ai saisi ! » Je quittai mon siège pour me rendre dans le bureau d’Liev. « Je té dérange pas ? Je peux rentrer ? —Oui Mara, je suis à toi dans une petite seconde… Assieds-toi s’il te plait ! Voilà, je t’écoute. Alors ? —Depuis ce matin je traite des dossiers erronés. Je veux bien me taper le travail des autres mais faites passer le mot pour que ces dossiers soient exploitables ! Je ne suis pas là pour servir de tampons et encore moins de souffre-douleur. Là six chiffres dont il m’est impossible de trouver l’origine…ici carrément dix chiffres ! Encore là…inexploitable ! L’ordinateur ne peut même pas résoudre ces

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algorithmes. Je suis obligée de les saisir manuellement avec mon pauvre petit cerveau. Au bout d’un moment il bloque. Trop d’infos tue l’info et je perds à chaque fois entre dix à vingt minutes pour refaire les calculs. —Si je t’ai donné ce travail c’est parce que je sais que tu en es capable. A Tokyo et à Berkeley tu as travaillé sur bien plus complexe, je ne vois pas conséquent où est le problème ! Il n’y a pas de problèmes n’est-ce pas ? Si tu te sens impuissante, tu passes la main à Welling, mais cela ne sera pas sans conséquences. Je te rappelle que tu es toujours en période d’essai. Tu sais combien il y a de gugusses qui postulent à la NetCom par jour ? Tous ont fait Harvard, Yale, Princeton, Berkeley alors je ne vois pas pourquoi je te garderais toi en dépit de leurs compétences et expériences multiples et variés ! —A toi de me le dire ! Je serais peut-être mieux payée à nettoyer les chiottes de la NetCom. Bien que cela ne soit pas dans mes attributs je pourrais relever le défi et m’en sortir haut la main. —Alors tu n’as plus qu’à poser ta démission ! —C’est envisageable oui, rétorquai-je avec insolence. Je veux bien encore continuer un jour ou deux sur ce problème de fonds mais je veux qu’ensuite Ron me forme sur la monétique. —Ah, ah ! Et tu penses en être capable ? —A Tokyo j’ai fait mieux/ J’avais pensé l’équivalent ici mais c’était me tromper. Je sais que c’est un travail harassant j’en ai conscience et je ne fais pas cela pour dénigrer le travail des autres cependant Ron et moi on travaille plutôt bien ensemble. Il te le confirmerait. La monétique ou bien…je me fais agent de nettoyage. A toi de voir ! » Un sourire apparut sur ses lèvres. « D’accord, je te donne deux jours pour finir ce que tu as à faire. Si tu ne m’as pas convaincu, tu prends la porte. » Je répondis à mon tours par un sourire et repartis. Deux jours. Je travaillais d’arrache-pied sans me laisser distraire par les autres. Tous les calculs firent traités avec soin. Pas question de sortir déjeuner !

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« Tu devrais sortir prendre l’air avec les autres, s’inquiéta Chris. —Monétique. —Quoi monétique ? —Ron aura besoin d’aide en monétique. —Pourquoi fais-tu tout ça ? —Parce que justement je ne sais faire que cela. Je ne veux pas être à la traîne et devoir batailler ferme pour avoir de l’avancement. Si je me contente du strict minimum je perdrais en crédibilité. J’ai commandé japonais, tu manges avec moi ? —Non, je déjeune avec Liev. A plus tard et essayes de lever le pied quand même. » Il posa sa main sur mon épaule. Je ne sais que penser quand il me touche. J’ai mangé à 0230 et Ron à son retour me sauta dessus afin de me faire sursauter. « Comment dit-on en japonais : Rome ne s’est pas faite en un jour ? —Ne commence pas avec ça Ron ! Si tu avais tenu à le savoir tu aurais du prendre Japonais à l’université ! Il ne suffit pas de le baragouiner vite fait pour obtenir le numéro d’une séduisante asiatique, Ron ! C’est plus compliqué que cela sans parler de la calligraphie. Une chance que cela se rapproche de l’hébraïque dans sa complexité. —Si tu en parle, c’est toi l’experte ici. Nous on a pas ton talent, force de constater ! Tu as reçu mon sms ? Toi quand tu bosses, tu ne fais pas semblant ! (Il se rapprocha de moi pour n’être entendu que de moi seule) Ce soir je dine avec les Welling et la belle famille. —Et pourquoi tu m’en parles ? Tu es vraiment un fouteur de merde Ron ! Tout ça pour que je n’y suis pas invitée et que je vais passer ma soirée seule devant ces putains de chiffre à essayer de donner un sens à mon emploi ici. —Tu es contrariée ? —Je ne connais pas cette Carrey et je ne la connaîtrais peut-être jamais. Tout ce que je dois savoir d’elle je le tiens de toi et j’en reste là. De toute façon je n’ai pas mon mot à dire ! —Viens, on va aller prendre un café ! »

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Je le suivis à la cafète et debout derrière le guéridon je mâchouillais ma cuillère sans lâcher Ron des yeux. Curtis nous prit la jambe puis voyant que Ron n’était pas réceptif à son humeur partit avec le reste de la bande. « Tu es contrariée ou quoi ? —Est-ce utile pour toi de le savoir ? —Ben ouais, tu es ma meilleure pote. Je vois bien que tu es contrariée et moi cela me chiffonne. Il a encore des sentiments pour toi et tu vas sûrement pensé que je suis machiavélique mais Carrey ne le mérite pas. Elle est chiante à mourir, c’est une vraie garce. Le mariage c’est son idée pas la sienne. Welling est plein aux as et elle ne voit que cela : sa fortune personnelle et elle le tient par les couilles parce qu’elle a flairé en lui l’homme fragile, déboussolé et déçu par la vie. Si tu estimes Chris comme je l’estime tu devrais aller le voir et lui dire de ne pas le faire. » Je soufflais profondément. En Californie je n’avais pas toutes ces histoires à gérer. Seulement une mère un peu rasante, égocentrique et arriviste ; ma mère était tout sauf reposante bien qu’adepte du yoga et de la sophrologie. Toujours est-il qu’elle s’était trouvée là pour me consoler et m’encourager à passer à autre chose. J’ai profité de ses relations au Japon pour me tirer le plus loin possible de Chris et voilà que Ron ressortait mes vieux démons. « Il va commettre la plus grosse erreur de sa vie avec cette sorcière. —Tu ne crois pas que tu exagères un peu ? Ce n’est pas un môme et il a fait le choix de se fiancer et… » Le voilà qui apparut en compagnie de Paula. Oh, non il ne manquait plus qu’elle pour parfaire ce tableau manichéen : les forces du mal contre les forces du bien ! Notre médiateur en tailleur noir et peau hâlée venait encore peser le bien et le contre. Je savais qu’elle connaissait Carrey H. Williamson. « Une bonne amie de la mante religieuse » d’après Ron. « Coucou vous deux ! On dirait toujours que vous complotez. Vous avez beau être les meilleurs amis du monde il devient difficile voire impossible de rentrer

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dans votre étroit cercle. Cela ne te dérange pas que je t’emprunte Ron ? On doit vraiment s’entretenir avant le briefing. —Oui je te suis. La pause avec moi ne dure jamais longtemps. » Seule avec Chris, je fixais mon gobelet. « Liev dit que tu as l’intention de démissionner ! —C’est du chantage. Un travail psychologique et tu en connais les raisons. Tu devrais savoir que nous autres juifs avons le sens du commerce et de la négociation. —On se retrouve ce soir au Waldorf Astoria. Une petite réception et tu y seras la bienvenue ! » Nouveau soupir. Je passais la main dans mes cheveux avant de soutenir ma tête de ma main. « J’en ai parlé à Carrey et elle est tout à fait pour l’idée de te rencontrer. —Pffff ! Je n’ai rien à faire au Waldorf ! C’est pompeux et j’imagine qu’on me laissera à la porte quand on saura qui je suis. Ecoutes, Chris. J’apprécie tous les efforts que tu fais pour me faire accepter dans ton Club de riches milliardaires mais ma réponse est non ! Mille fois non et je te demande de ne pas insisté au nom de notre amitié ! » Le lendemain à 0914 précises j’allais porter mes rapports à Liev et vidée tant par le travail que par le fait de la petite soirée au Waldorf je partis me réfugier à la cafète à 1015. Je savais à quoi ressemblait Carrey. Ron crut important de me montrer les clichés de la soirée et je ne sais pourquoi mais…voir son visage fut un électrochoc. C’est une jolie blonde, un peu froide mais diablement jolie avec des grands yeux de chat et sur les photos, elle dévorait Chris des yeux. Elle rayonnait ; on la sentait heureuse et en grande complicité avec le photographe du moment : leur témoin à venir. Ils allaient se marier dans à peine quatre mois…Liev entra dans ce lieu de détente, prit son café pour me rejoindre. « J’ai jeté un œil sur tes rapports et si c’est vraiment ce que tu veux, j’en parerai à Ron pour te

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former. En contrepartie de quoi je veux que tu te montres discrète sur cette nouvelle attribution. Pas utile de le crier sur le toit, j’en ai assez des jérémiades des autres pintades du plateau. Briefing dans moins de dix minutes ! » Après le briefing nous rejoignîmes nos respectives places quand Megan rua dans les brancards. « wOUAH ! Félicitations Mara te voilà promu à la monétique et cela à une semaine de ton entrée ici ! C’est quoi ton secret ? Non parce qu’apparemment il ne suffit plus de faire les yeux doux à Hauser pour vouloir se montrer indispensable. —Si je t’en parlais cela ne serait plus un secret de réussite. —Oh, va donc t’assoir Meg ! Tonna Ron. Ce n’est pas une cour de récré ici ! Toute peine mérite salaire et si tu avais forcé un peu tu serais passée à la monétique toi aussi. Il faut seulement le vouloir, tu ne crois pas ? » Julia leva le nez de son PC imitée par Christy. Toutes deux, la bouche grande ouverte attendaient la réaction de Megan, reine du podium détrônée par une nouvelle rivale plus inflexible. « Je vois, soupira cette dernière, sois mignon de ne pas remettre mes compétences en question Ron, déclara cette dernière en lui caressant l’épaule. Mara est encore en période d’essai et n’importe quoi peut arriver. A nous de veiller à ce qu’elle reste, la boite ne pourrait plus tourner sans elle ! —Megan ! C’est plus fort que toi hein ? Poursuivit Chris. Tu ne peux pas concevoir qu’on te vole la vedette mais admet seulement avoir fait une erreur de diagnostic. La NetCom embauche des caïds et des tueuses pas des râleuses incapables de se remettre en question ! Par conséquent remets-toi au travail et remets tes revendications salariales pour les prochaines réunions du CEO ! » Je me mordis les lèvres afin de ne pas éclater de rire. Nous avions atteint le paroxysme de l’humiliation dans toute son horreur ! Plus tard Julia vint me trouver un dossier à la main.

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« Je peux t’interrompre Mara ? Je planche sur un dossier tortueux en ce moment et j’aurais besoin de tes lumières. —C’est cinquante dollars payables d’avance et non négociables ! —A ce tarif-là tes journées vont être fructueuses. —C’est bien l’idée. Je compte m’offrir des vacances à Bora-Bora tous frais payées par la boite ! » Gale éclata de rire imité par Adam Curtis debout derrière ce dernier. « Prends une chaise Julia ! Que je t’explique en détails comment procéder pour gagner du temps et de gagner un maximum de bénéfices… » Ron bombarda Chris de boulettes de papier. C’était quoi le délire ? « Tu planes ou quoi mec ? Je t’avais pourtant dit de ne pas boire autant hier soir, mais tu ne m’écoutes jamais ! » Il ne releva pas les piques et sortit de ses rêveries pour revenir à ses moniteurs. Julia avait de beaux yeux ; si j’avais été un homme je l’aurai demandé de m’épouser. « Pourquoi tu rigoles toi ? —Rien. —Quoi ? Je n’aime pas ton sarcasme de killer. Tu devrais sortir plus souvent et te taper autre chose que les petites queues raccourcies du Lower East side ! Tu chercherais moins à négocier ton prix à la hausse ! —Ta bouche se rapproche trop de ton trou de balle. On te l’a déjà ou pas ? Si ce n’est pas le cas alors va chier un grand coup ! —Tu commences à me sortir par les trous de nez. » Il me lança des éclairs capables de foudroyer n’importe quel interlocuteur peu habitué à lui tenir tête, de le rembarrer. Julia se caressa les lobes de ses oreilles, la tête baisée pour éviter les tirs de roquettes. Il n’avait pas digéré le fait que je n’ai pas tenté de raisonner Chris ; rien de plus. Je l’avais laissé tomber et il n’aimait pas à avoir à perdre son temps. Il allait me le faire payer d’une façon ou d’une autre. Je le connaissais trop pour savoir qu’il n’en resterait pas là.

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Megan profita de cette faille pour s’y engouffrer. Elle devina la tension entre nous et sans en connaitre les raisons, elle en profita pour contre-attaquer. Le lendemain comme j’arrivais avec un peu de retard je la trouvais sur mon siège et penchée vers Ron, la bouche en cul-de-poule, les cils de biche battant langoureusement à l’intention de Ron. En me voyant arriver dans ma veste trois-quarts, elle afficha un sourire espiègle. « Attends, ne t’inquiète pas, je vais donner cela à Mara. Elle est là pour ça après tout, non ? » Elle jeta le dossier sur mon desk. Ron n’avait pas tiré son coup depuis deux semaines à en croire son état d’excitation et tout serait bon à prendre, à commencer par Megan, plus déterminée que jamais à s’envoyer en l’air avec le très séduisant Ron. Il avait besoin de baiser en conséquence de toi il allait être ingérable. « Oui merci Meg… » Il suivait son cul. Il le relooker sans la moindre pudeur. J’allais probablement me joindre à la cagnotte. Je sortis trente dollars de mon portefeuille pour les remettre à Gale et lui comprit, cela l’amusa plus que moi. « On va finir par clore les paris. Il était temps que tu mises. Tu mises pour ? —Pour évidemment ! —Putain, vous jouez à quoi vous deux ? Et Gale t’es sérieux là ? Ne conclus jamais d’affaires avec Mara, le fait est qu’elle se moque de ton contrat spirituel et tacite pour son seul intérêt. Prends mes conseils au sérieux et elle ne t’enculera pas. —Je n’ai jamais dit que je le ferais. —C’est tout toi ça ! Tu prends ton putain de pied et au moment de jouir tu te rétractes. C’est grandiose. Poses tes affaires et suis-moi on va discuter un peu en privé. » Il me conduisit jusqu’à la porte de secours et dans l’escalier désert du 37ème étage et là me plaqua contre le mur. Là coincés entre ce béton personne ne pouvait nous entendre, ni même nous voir.

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« Tu me fais chier Mara, vraiment ! Je t’ai fait venir pour que tu me soutiennes dans mes épreuves et toi tout ce que tu trouves à faire c’est te mettre tout le monde à dos avec ton zèle et ta grande gueule. —Tu pourrais commencer par te calmer, déjà ? —La ferme ! La ferme ! —Ne me demande pas de me la fermer Ron, sans quoi je me casse sans préavis ! On va voir qui de nous deux sera le plus perdant ! Tu m’instrumentalise et tu crois que je suis assez sotte pour m’opposer à ton projet ? Je ne suis pas aussi perverse que toi et moi si je le voulais je n’arriverais pas à ta cheville. —Ah, ah ! Tu es douée, vraiment très douée ! Pauvre petite Milky abandonnée par Chris et qui ensuite vient pleurer dans mes bras. J’en déduis que tout cela c’était du cinéma. Tu n’as jamais eu le moindre sentiment pour lui, tout cela c’est bidon ! Et tu sais quoi ? Je t’ai cru. J’ai cru en ta sincérité sans penser que tu jouer la perversion à fond. Si tu avais eu un tant soit peu quelques sentiments pour lui tu l’empêcherais de se fourvoyer de la sorte. —Tu me fais rire Ron ! Que sais-tu de mes sentiments quand toi-même te dit être insensible aux émotions? Sur quoi dois-je appuyer ton crédit ? —On a baisé ensemble et c’était plutôt convaincant non ? L’aurais-tu oublié ? —Tu as baisé toutes les femmes de 20 à 40 ans que tu as croisé sur ton chemin ! Je ne suis qu’une parmi tant d’autres. Tu n’as jamais été capable d’aimer, alors ne me baratines pas avec tes beaux discours ! —Ok. Je t’aime. » Je l’interrogeais du regard. Il le disait d’un ton froid manquant cruellement de sincérité. Venant de sa bouche cela sonnait vraiment faux. « Et ? —Et quoi ? Tu veux des preuves tangibles ? —Pas nécessaire non. Tu es vraiment en manque. Alors trouves-toi vite quelqu’un avant de perdre complètement les pédales. —Quelqu’un comme toi par exemple ? —C'est-à-dire ? Où est-ce que tu as vu que j’avais envie ? »

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Son regard se fit plus intense. Il me dévisagea perdu dans ses pensées lubriques et s’arrêta sur mes lèvres. « Embrasses-moi… » Il posa son front contre le mien et son souffle chaud humidifia mon visage de par ses infimes particules. Il m’embrassa doucement, prenant le temps de faire monter le désir en moi. Nos lèvres allaient se rejoindre. J’ai détourné la tête au dernier moment. « D’accord ! Je vais aller lui parler. Cela t’épargneras toute cette mise en scène et…trouves toi une fille, tu fais vraiment pitié ! » On déjeuna ensemble Chris et moi. Je lui avais envoyé un message lui disant qu’il fallait qu’on cause. On a prit une commande à emporter et comme il faisait assez chaud en cette période de septembre, on trouva un banc non loin du City Hall Park. « Attends ! C’est ton assiette ça ! Tu sais bien que je ne manque pas de frit ! Que du végétal, cuit à la vapeur et non traité par les OGM. —Oui, je ne l’ai pas oublié. Lait de soja. Comment fais-tu pour boire ça ? C’est immonde ! —Et toi comment fais-tu pour manger de la viande sanglante et remplie de nerfs ? Tu vois on est vraiment pas compatible. Rien ne me fera avaler de la viande ! L’odeur suffit à m’en dissuader. —Tu n’y a jamais goûté, comment peux-tu savoir que ce n’est pas bon ? Pour ma part j’ai déjà goûté à ton lait de soja, ton tofu et ts graines de soja. Je ne suis pas encore adepte de la cuisine sous-protéinée. —Et tu n’es pas le seul. Ron pète à câble sitôt qu’il ouvre le réfrigérateur. Il en a assez de froid tous ces légumes secs s’empiler dans les placards mais je ne suis pas carencée pour autant ! A part ça, je meure de faim. —Je suis désolé. —Pourquoi ? Pour me voir manger cela ? C’est là mon régime depuis la gestation. —Désolé de t’avoir causé tant de peine. —Oh si c’est ça (les larmes me montèrent aux yeux) Tu n’as pas à t’en faire. C’est du passé et puis je ne suis pas rancunière, la preuve ! Je suis ici à New York

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à manger sur un banc au milieu des pigeons et en ta compagnie. Le cadre idéal pour ne pas se taper dessus. Ah, ah ! Tout ce qui m’importe c’est que tu sois heureux. —Je t’ai appelé…j’ai tenté de te revoir. Ta mère ne voulait plus me parler. C’était important que je te revoie. —Oui elle était très remontée contre toi. Mais depuis elle a enterré la hache de guerre, rassures-toi. —Je sais que c’était absurde mais je ne pouvais plus me regarder en face. Je me faisais horreur. » Mon cœur battait fort dans mes tempes et le souffle court je suspendis mon geste. « Dans quel pays projetez-vous de partir pour votre lune de miel ? — Euh…on n’a pas encore arrêté notre choix. —Cela ne m’étonne guère. Ton père a un Falcom à Newark et les Williamson ont un pied à terre dans à peu près tous les endroits paradisiaques de notre planète. Ton père a bien un jet, vrai ? —S’il te plait Milky. On s’éloigne un peu du sujet là. Je voulais seulement te dire que je suis content de t’avoir retrouvée.» Ron et moi sortirent de la NetCom en même temps ; ce qui est plutôt raire. Ron terminait toujours le dernier. Or Megan finissait de plus en plus tard ces derniers temps. On prit le métro, tous deux très silencieux. Ron ne semblait pas même me remarquer, les mains dans les poches et les sourcils froncés. Si j’étais resté sur le quai, il ne l’aurait pas même remarqué. Je le regardais en souriant. « Quoi ? J’ai un poireau à la place du nez ? Quoi ? » Il fit courir ses yeux sur mon visage, des plus interrogatifs. Tout contre lui, je sentis qu’il se détendait ; j’avais, en ce moment plus que les autres fois, le désir de m’envoyer en l’air avec lui. Il allait être difficile d’y résister et plus encore quand il me regardait ainsi. Il me fixait et contre lui, je me sentais toute puissante. J’écoutais Sanvean de Lisa Gerrard sur mon MP3, le nez dans mes dossiers. Il devait être pas loin de 1000 PM et je ne cessais de souvenir des propos de Chris : il

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était venu me chercher jusqu’à Tokyo. Pourquoi ? Pour se faire pardonner ses erreurs ? A présent il était trop tard. Ron lui s’était montré plus persuasif. Notre regard se croisa. Les pieds repliés sous mes fesses, je l’étudiais plus en détail. Notre séparation l’avait le plus affecté et sous ses airs de gros durs, il craignait de nous perdre tous les deux. Il me fallait le rassurer. Il n’avait besoin que de cela. « Chris veut que je rencontre sa fiancée. —Je le sais. Tu es suffisamment grande pour savoir ce que tu fais. Carrey est une femme charmante tu verras et il est possible que vous deveniez les meilleures amies du monde. En tous les cas, je te le souhaite. » Ainsi il avait renoncé. Je quittais mon canapé pour venir sur ses genoux et l’obliger à le regarder. « Tu es le meilleur ami que j’ai Ron. Tu as toujours été là pour moi dans les bons moments comme dans les pires et…tu te souviens au début tu ne pouvais pas me voir, poursuivis-je en souriant. Tu disais des horreurs sur moi afin de m’éloigner de vous deux. Vous étiez des Dieux pour moi, peut-être parce que vous aviez une belle gueule, parce que vous saviez surfer comme personne et parce que vous étiez plein aux as. —Pourquoi me dis-tu tout ça ? —En fait sans la présence de mon frère Doug vous ne m’auriez pas regardée, trop concentrés sur vos victoires à venir ; et je ne parle pas uniquement des conquêtes sentimentales mais de tout le reste car vos diplômes en poche je savais que vous seriez inabordables. Alors j’ai fait comme n’importe qui l’aurait fait, j’ai saisi ma chance. J’ai attrapé la balle en plein bond. J’ai su en profiter de longues années durant mais aujourd’hui il me faille accepter que le code change. Tu comprends ? Questionnai-je en lui caressant le visage. Je ne pourrais pas revenir en arrière, même si tu es assez fou pour y croire. » Il détourna la tête, des plus contrariés ; je venais de planter une dague dans son cœur

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« Regardes-moi…regardes-moi Ron. Tu m’as accompagné à l’aéroport et j’ai lu dans ton regard de la peur. Tu ne pensais pas que j’en serais capable et pourtant je l’ai fait. Tu disais que je ne pourrais pas me passer de Chris. Non, regardes-moi ! Je l’ai enterré…il ne me voyait pas comme tu me voyais. —Ne joue pas avec moi ! » Il attrapa mes poignets pour serrer fort. Je fus surprise par sa réaction. Il serrait fort. —Je suis revenue pour toi Ron. Parce que tu me l’as demandé ! Je te le jure sur ce que j’ai de plus sacré. Tu ne m’as jamais laissé tomber et mon erreur fut celle de te sous-estimer. —Ferme-la ! Je sais que tu es revenue pour Chris et affirmer le contraire serait l’un des pires mensonges que l’on ne pourrait tolérer venant de toi ! » D’un bon il me leva hors du sol et me reposa loin de lui. « Je peux tout supporter tout de toi mais pas le mensonge ! Tu joues encore une fois avec moi et je te fiche dehors ! Tonna-t-il l’index dirigé vers moi. Tu es là à te trémousser devant lui et il continue à te dévorer des yeux comme au premier jour et tu voudrais me faire croire qu’il n’y a rien entre vous ? —Mais oui ! Et d’ailleurs qu’est-ce que cela peut-il te faire ? —Qu’est-ce que… ? Alors tu as vraiment la mémoire courte Mara ! Dois-je te rappeler dans quel état je t’ai trouvée quand Chris a préféré écouter l’avis de ses parents ? Tu as eu du mal à accuser le coup et ta mère m’a appelé tous les jours pour me faire part de ton rétablissement. Je n’ai pas envie que tu revives cela. » Je me perdis dans mes pensées. « Tu n’est pas clair Ron, vraiment pas clair ! Pourquoi…avoir peur que je joue avec tes sentiments quand tu m’as vu exprimer les miens avec l’homme que tu estime le plus au monde ? Penses-tu que je manque de sincérité ? —Je ne veux pas…que tu te paie ma tête. —C’est vrai que j’’ai souvent eu à te trahir !

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—Je t’ai demandé d’aller parler à Chris et toi…tu songes à sympathiser avec Williamson ! Tu as fait le choix de pactiser avec l’ennemi alors ne me demande plus de te faire confiance ! —Tu me saoule avec cette histoire ! Ecoutes…il est préférable qu’on s’éloigne l’un de l’autre quelques jours. Le temps pour toi de concrétiser avec Megan et pour moi de revoir mes amies, sortir et me vider la tête. »

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[Epilogue]

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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

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