Loi des sages Tome 2

Page 1

(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

1


2


LA LOI DES SAGES Tome 2

3


Du même auteur Aux éditions Polymnie [La cave des Exclus]

4


MEL ESPELLE

LA LOI DES SAGES

Polymnie

5


© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

6


[Dédicace]

7


[PrĂŠface]

8


Chapitre 1 Le soleil dardait ses rayons et à l’ombre de ce mur, j’étudiais les voiles des navires. Glissant sur les eaux lipides et turquoises du lac Osk. Cette cité de Monask n’avait rien à envier à Antrill plus à l’ouest. Le roi était mort et on en avait sacré un autre, en la personne d’Iblat, prince d’Amégée, vaste territoire s’étendant au nord-ouest de la cité royale. Eothen mort, ses deux frères se partageraient ses terres. Depuis pus de trois mois Ibalt avait quitté mes terres pour emprunté le fleuve et retourner vers sa patie. Mais depuis nous étions sans nouvelle de lui. Il me fallait pourtant obtenir l’aval du conseil pour administrer librement cette partie du détroit que l’on savait neutre. Des courtisans passèrent sur le chemin de ronde et me saluèrent. Beaucoup venait admirer le coucher du soleil ou arpenter le chemin pour le plaisir de m’y apercevoir. Le souvenir d’2othen se dissipait dans mon esprit comme celui d’Ibalt, mon époux. Le souvenir d’Eothen me hantait jour et nuit. De lever au coucher du soleil son visage m’apparaissait tel un mirage. Une fois debout une dizaine de gens de maison m’entourèrent parmi eux des gardes, mes servantes et des sages. Tous se prosternèrent et s’effacèrent lentement devant moi. On m’escorta jusqu’à l’aile gauche du palais et jusqu’aux cachots de cette dernière. Le voile sur la tête et devant mon nez mes pas s’emboitèrent à ceux de l’officier capé ici à ma demande. Une torche balaya l’obscurité et d’un signe de tête convenu on ouvrit les grilles conduisant aux geôles offrant une vue sur le lac scintillant de mille feux. Méowyn se tenait là, assis ans la niche qui lui servait de siège. Il y avait tout dans cet

9


endroit pour qu’il se sente en vie avant son jugement et sa condamnation. A sa demande on lui apporta une table, de quoi écrire et de quoi le distraire : un voilage se balançait de gauche à droite au gré du vent faisant vaciller la torche posée en applique contre le mur. En me voyant arriver, Méowyn se leva et me présenta un siège. Depuis quatre mois il se tenait dans cet endroit sans manifester la moindre haine à mon égard, or il avait toutes les raisons de me haïr. Il me dévisagea avant de s’assoir à son tours et le capitaine lorgna de notre côté, les mains croisées devant lui. Asinos me plaisantait pas avec ma sécurité et renforçait mes gardes de jour comme de nuit sans que mon époux lui en ait donné l’ordre. Où que je me rendis, Asinos se trouvait être là, prêt à jouer de son sabre pour trancher quelques têtes. « Vous me décevez majesté, je vous croyais plus fière encore que vous ne l’êtes en ce jour et jamais je n’aurais pensé que vous vous abaisseriez à venir me voir dans mon modeste logis ! —Je m’efforce de me montrer humaine. Peut-être qu’une simple cellule vous aurez convenue Méowyn mais ce n’est pas le sort que je réserve à un ami. —Un ami à qui vous voulez faire trancher la tête, coupa-t-il froidement. N’oubliez pas que je vous ai trahi ! Alors dites-moi à quoi rime tout ceci ! —A la clémence de mon époux. —Je ne vous crois pas. Ibalt est un Ascaris e roi de l’Amégée. Croyez-vous un seul instant qu’il puisse se montrer clément avec un conspirateur ? » Asinos se rapprocha de la table et d’un regard je le rassurais. Il recula d’un pas, la main posée sur le fourreau de son arme. « Votre époux est parti et Eothen, notre roi n’est plus alors vous vous demandez à juste titre, qui veillera sur vous Aldren, n’ai-je pas tort. Vous ne fermez plus l’œil de la nuit en vous demandant d’où viendra le premier coup et surtout porté par qui. Vous êtes peut-être une reine mais vous n’avez pas d’alliés ici car beaucoup continuent de vous voir comme une

10


étrangère. Alors il est tout à fait légitime que vous ayez peur. —Je ne fais pas cela pour avoir votre approbation, ni pour voir se lire de la pitié au fond de vos yeux. —Je le sais. —Depuis quand avez-vous cessé d’y croire ? Aldric s’est toujours montré bon envers vous alors je refuse de penser que vous ayez agi seul. Je veux savoir Méowyn, vous ne pouvez endosser seul cette responsabilité. Sous les ordres de qui avez-vous agi ? —De quelle clémence parliez-vous à l’instant ? Tout m’accuse du meurtre de votre époux, le roi Aldric et ses fils m’ont désigné comme régicide avant même que démarrent les prémisses de mon procès. Il n’y aura pas de fin heureuse en ce monde pour moi Aldren. Je ne suis pas douée pour la survie. » Méowyn plongea son regard dans le mien. Eothen me manquait ; jamais je n’avais imaginé qu’il puisse me manquer à ce point. Mon corps tout entier le réclamait et l’amertume, la honte et la tristesse me dévoraient les entrailles. Pendant un mois on porta le deuil de ce roi monté sur le trône malgré lui. il aurait tant aimer vivre une existence ordinaire avec femme et enfants. Eothen n’était plus et les larmes embuèrent ma vue. Et Méowyn fronça les sourcils. « Il vous manque n’est-ce pas ? Aldren n’était pas peur d’exprimer vos sentiments. C’est ce qui fait votre force. Eothen s’est sacrifié pour la bonne cause. Il savait qu’en restant sur le trône, Rowen continuerait à vous tourmenter. Il lui est si facile de se montrer convaincant. —Méowyn…. » Le reste de ma phrase resta coincée au fond de ma gorge. Il voulut me prendre la main quand Asinos l’en empêche. « Encore un geste déplacé et… » La main se posa sur celle du capitaine au nez busqué parfait dans son rôle de protecteur. « Méowyn, je comprends votre point de vue mais en tant que reine je ne peux hélas, me limiter à mes propres jugements. —Enfin qu’est-ce que vous racontez ? Ne me dites pas que vous êtes déjà lasse de régner alors que tous

11


les regards sont tournés vers vous ! Tous les royaumes qui bordent le vôtre tentent à s’inspirer de votre sagesse et vous mépriser vos sentiments au profit de la noirceur de votre âme. Je ne peux croire que vous ayez fait tout ce chemin pour en arriver là ! Votre clémence est un fait quand Ibalt avait donné l’ordre d’exécuter tous les conspirateurs. Vous avez fait montre de sagesse et, Méowyn se tut afin de reprendre son souffle, vous devez faire ce que vous dicte votre cœur. —Vous n’êtes pas roi Méowyn. Par conséquent vous ignorez ce que j’endure quand certains de ces dignitaires et ambassadeurs voient cette sagesse comme de la lâcheté ! » Il quitta sa chaise pour gagner l’orifice condamné par des barreaux. D’un bon je me levai pour le suivre imité par Asinos refusant de lâcher sa vigilance. Pour moins que cela il aurait planté son sabre ans la poitrine de mon interlocuteur jugé dangereux par son arrogance, celle là même qui l’avait placée en si mauvaise posture. « Ce monde si est-il si différent de l’autre ? Les hommes qui le peuplent pensent-il différemment ? ces terres sont riches, fertiles et son peuple bien nourri. Plus qu’ailleurs on respecte les croyances des uns et des autres. La loyauté est de mise et ceux qui enfreignent les lois sont bannis. Du temps de votre père nous n’aurions pas eu cette discussion. Il m’aurait privé de tous mes biens et contraint à quitter ses terres sans nom, ni fortune. Ce monde n’est pas si différent tant que les Ascaris se tiennent loin e vos frontières. Ibalt va être sacré roi et le mariage contracté avec vous, héritière de ce royaume lui assura un pouvoir illimité, sans concession. Mais Rowen est membre du Conseil. C’est lui que vous auriez du museler, bannir de ses propres terres pour éviter de voir le poison se répandre sur cette terre que vous chérissais tant. —Il fut le Prince régent et à la tête d’une importante armée. Ses barons n’auraient eu que faire de mes ordonnances et la haine aurait germé dans leur esprit.

12


Ibalt est mon roi, pensez-vous que j’accepte de le voir partir avant tant d’ennemis à sa suite, prêts à le pourfendre à la moindre occasion ? Ce n’est pas ainsi que j’envisage de régner. —Aldren, il n’est pas plus en sécurité là-bas qu’ici à la seule différence qu’ici il vous a ! Vous et votre armée, vos Mages et leurs trésors ! De l’autre côté de ce détroit il va subir l’influence de son ainé, blessé dans son orgueil, réduit au titre de Conseiller quand il aspirait à bien plus ! Ibalt, ce frère réservé et sage, ce pantin que l’on manipule à mauvais escient a volé ses rêves dont vous en faisiez partie ! —Ibalt n’est pas aussi faible que vous le croyez. —Oh, non c’est certain ! Maintenant que leur ainé Eothen n’est plus, vers qui croyez-vous qu’il se tourne pour prendre certaines décisions majeures ? Eothen était peut-être sanguin, indifférent aux affaires du royaume mais il n’a jamais eu peur de contrarier les plans de Rowen quand Ibat en a toujours été incapable. Majesté, si j’étais vous je retournerai à Béréthor. » Le coup tomba telle une masse. Et abandonner mon peuple, mon royaume ? Il ne pouvait en être question. Alors d’un geste aérien je fis volte-face, la gorge nouée. Mon regard croisa celui de Méowyn. Le visage d’Eothen apparut et un frisson parcourut mon dos. « Je ne peux laisser ce royaume son reine. —Votre Conseil est tout disposé à assurer son fonction dans ce qui pourrait convenir d’appeler un voyage de noce. Il est de votre bon droit de vous absenter quelques mois pour régler des affaires relatives à votre nouvelle administration. Nommer de nouveau votre Conseil si le premier ne vous convient pas mais ne laissez pas Ibalt seul à Béréthor. Il vous faut des hommes de confiance. Des hommes rongé par la haine des Ascaris et qui ne reculeraient devant rien pour laisser cette terre à qui de droit. —Je vais réfléchir à tout cela Méowyn, murmurai-je en regagnant la sortie. —Majesté ! Une fois votre Conseil nommé, soyez juste et bannissez-moi ! C’est le sort que je mérite en tant que félon. Eothen m’a fait bannir de ses terres et

13


il n’y aura aucun déshonneur si vous en faisiez de même. ma valeur n’a malheureusement trouvé aucun échos dans vos royaumes mais je peux être utile ailleurs, là où l’on m’acceptera comme vassal. —Banni vous ne me seriez plus d’aucune utilité et Dueril, ce traitre de Duéril vous utilisera contre moi. n’est-ce pas ce qu’il aurait déjà entreprit en vous donnant des titres et des terres ? Si je vous bannis Méowyn, c’est votre dague qui vous tuera ou bien un poison administré dans mon breuvage. Mais soyez sans crainte, vous ici ce commanditaire anonyme ne connaîtra pas de fin heureuse. » Une fois dans mes appartements, Icta vint à moi. elle paraissait diaphane dans sa robe blanche flottant le long e ses jambes nues. Sa chevelure blanche descendait le long de son cou et sa peau semblable à du lait ne paraissait pas être adaptée aux rayons du soleil de ces contrées. La beauté d’Icta lui conférait des airs de déesse dont e seul but sur terre restait celui e me servir. Comme à chacune de mes apparitions elle se jeta à mes pieds, un genou posé à terre et tendit ses bras en signe de dévotion. La belle semblait jamais ne sourciller et au fond de son regard translucide on pouvait y lire une sorte de fierté, d’arrogance propre aux prêtresses ont la lignée remontait en des temps ancestraux. « Majesté, vous semblez bien soucieuse. Vous n’auriez jamais vous rendez près de Méowyn. Il n’aspire qu’à être…. —Méprisé, répondit Asinos avec désinvolture croquant dans un fruit choisi dans la corbeille disposée sur la table. Est-ce bien le mot à employer ? Ce seigneur, puisqu’il est un seigneur capable d’armer des hommes pour une bataille qui lui est cher, est un être à prendre avec considération. N’êtes-vous pas de mon avis Majesté ? Il occupe une place stratégique dans ce grand jeu de dupes et il s’en sortira indemne sachant profiter de la généreuse nature de ses donateurs. —Cela rira Asinos, merci. Vous pouvez nous laisser ! »

14


Il cessa sa massification et s’inclina devant moi. son attention se porta sur Icta. Il recula avant de fermer la porte derrière lui. « Qu’allez-vous faire majesté ? Asinons voit juste en disant que ce seigneur sait profiter de sa situation. Il vous espionne pour le compte de Duéril alors vous ne pouvez vous attacher ses services. —Icta nous devons nous montrer prudentes. J’ai plus d’ennemis que je l’eusse crains. Asinos est là pour me le rappeler à cet instant. Il déjoue les complots et sévit avant que le pire ne se produise. Il ne peut baisser sa garde et agit seulement pour préserver une reine sur ce trône. Lui et les siens sont des poignards aiguisés mis à dispositions des Olmurils pour servir leur foi. —Alors il est temps pour vous de prononcer vos vœux sacrés ! Une fois que vous aurez juré devant nos dieux appartenir à…. —Mon époux est roi d’Ascaris, coupai-je prestement, comment pensez-vous qu’il puisse réagir en apprenant que son épouse légitime a embrassé la religion ? Il demandera à dissoudre le mariage, ce qui sera légitime car Icta comme tout toi attendra de moi un héritier. Or cette dissolution ne peut se faire, cela remettrait en cause dos réciproques engagements. —Alors ne demandez pas à ces hommes de vous respecter. Le roi et la reine ont donné leur vie pour que vous puissiez être reconnus comme légitime. Ils étaient également notre père et mère. Aujourd’hui nous sommes orphelins, condamnés à vivre notre foi dans la crainte qu’un roi cupide nous arrache à notre liberté. Majesté, ce que j’essaye de vous dire est qu’il est important pour vous d’embrasser la religion en devenant la prêtresse que l’on attend de vous. —Ictara, ma défunte mère en était-elle une ? —Et vous me le demandez ? A Béréthor l’on vous a privé de la plus élémentaire des éducations et ce roi Aldric a du trouver juste de ne pas vous parler de votre famille. Votre mère, Ictara a consacré les dernières années de sa vie à prier pour nos déesses,

15


Iocha et Uris. Quant à votre père, il cherchait à accéder à la Vérité. —Je suis partagée à un homme qui ne partage pas mes croyances, Icta. Mais mon peuple me le pardonnera si je me montre bienveillante avec leurs ennemis de toujours. Méowyn est le parfait symbole de ce leur mépris. A moi de leur prouver qu’on peut encore leur faire confiance et je n’ai pas besoin pour cela de l’aide des Mages. » La musique se tut un bref instant. Les musiciennes enchainèrent sur quelques mélodies plus douces encore que la précédente. Eéothen me manquait, cela en était terrible. Son épouse, veuve et éplorée s’en était retournée près de son père, Amnès. Depuis aucune nouvelle nous parvenait de cette reine privée de sa régence. Il me fallait encore réfléchir à ce problème ; Ibalt disait que seul le temps guérirait ses plaies. Le temps ne changerait rien au problème. Ibalt ne s’en souciait guère ne portant pas Idreg dans son cœur. Deux de mes dignitaires demandèrent une audience et quelque part dans ces appartements on sonna l’heure des doléances. Les domestiques ouvrirent les lourdes portes dorées sur les deux seigneurs affublés d’une couronne d’or sur leur front. Leur chevelure était longue et disciplinée et des bracelets légers pendaient à leur poignet. Ces hommes, aux yeux soulignés d’un trait noir tendirent les bras dans ma direction, légèrement fléchis sur leur jambe. Derrière la table l’un de mes conseillers consignait par écrit notre entrevue et perdue dans mes pensées je leur prêtée aucune attention. Asinos alors se pencha à mon oreille. « Majesté, devons-nous faire ajourner cette séance ? —Seigneur Pantos et seigneur Drac, je vous demande pardon. Pendant un bref instant je m’étais imaginée être, non pas une reine mais une prêtresse au service de la déesse Pimnen. Mais certains devoirs m’obligent à écarter cette hypothèse. » Tous deux s’interrogèrent du regard avant de tenter un sourire. « Majesté, nous sommes flattés que vous

16


puissiez nous en parler sans appréhension de votre part. Ce questionnement est toutefois légitime compte tenu de votre noble naissance et de votre don de cognition. Nous sommes venus cependant vous entretenir d’un sujet délicat mais nécessaire. Il s’agit de la gestion de nos terres. Notre défunt roi, Cléistophen a souhaité érigé un temple à la mémoire de ses ancêtres et il s’avère que le roi Amnès nous en ait privés suite à la reddition du Prince régent Rowen. —Le prince régent n’a jamais pris une telle décision. Vos biens ne peuvent être cédés à ce roi ou bien le conseil n’a pas cru bon m’en avertir. » Mon conseiller se leva et s’inclina avec respect. Il se prénommait Argas et il tenait ce poste suite à ses brillants états de service. On l’avait nommé à l’un des postes militaires le plus distingués et tout auréolé de succès, il rejoignit le Conseil sous les encouragements de mon époux. « Feu le roi, Eothen d’Ascaris a fait passer cet accord. Toutes les terres bordant la frontière entre nos deux états devront être cédées au roi Amnès en guise d’indemnités, majesté. —Quelle indemnité ? Railla le seigneur Drac jetant un regard noir du côté de mon secrétaire. Le roi Amnès a donné sa fille en dédommagement, cela aurait largement suffit ! Ces terres sont les nôtres et ne peuvent satisfaire l’égo démesuré de ce roi avide de richesse ! Eothen n’avait pas toute sa tête en passant cet accord ! —Je vous demande de ne pas manquer de respect à ce roi ! Trancha Argas d’un ton si autoritaire que mon cœur se mit à battre avec ardeur. Vous oubliez que ce roi si injustement décrié a fait bien plus que nul autre pour consolider nos frontières communes du temps où vous n’étiez qu’un petit écuyer à la solde d’un seigneur dont l’allégeance envers les Ascaris n’a jamais été discutée ! » Drac alors rentra la tête dans son cou, couvert de honte et mon intérêt s’pour Argas alla grandissant car en l’espace d’un instant venait de rendre hommage à la mémoire d’Eothen.

17


« Ces terres par cet accord reviennent à qui de droit ! Nul autre que notre reine, ici présente, ne peut discuter cet arrangement. Pas même vous, seigneur Drac, septième du nom ! —Alors nous nous en remettons à la sagesse de Notre Majesté, murmura Pantos de sa voix mielleuse, la tête inclinée sur le côté. Puissiez-vous nous guider vers la voie de la raison ! » Il se passa un long silence pendant lequel aucun mot ne s’enchaina logiquement dans mon esprit. Argas en était la cause. Il restait là à m’étudier, la plume suspendue à la main. Ses boucles brunes pendaient le long de son visage impassible. Une barbe de trois jours recouvrait son menton et ses traits grossiers forçaient le respect. Les oiseaux pépiaient depuis la terrasse. Un vent chaud s’engouffra dans la salle aux murs couverts d’arabesques en relief recouvert de feuilles d’or. « J’étudierai la question auprès de mon Conseil. Veuillez à présent me laisser, vous tous. J’ai besoin de me retrouver un instant. » Puis plus tard, Asinos me servit un verre de vin. « Pensez-vous que je puisse avoir soif à ce point pour me remplir ce verre jusqu’à la son bord ? —Vous traversez une période agitée et un petit remontant comme celui-ci n’est pas négligeable. Prenez ce verre et délectez-vous de ce nectar, majesté ! » Cette existence ne me convenait pas. Mon époux ne reviendrait pas de Béréthor sous influence de son cadet. Une folle angoisse me tenaillait, celle d’avoir tout perdu en pensant tout sauver. Lentement je fis tourner mon calice entre mes doigts bagués avant de le poser sur le guéridon. Le soleil se couchait. Icta avait raison en m’encourageant à embrasser la religion. Au moins une fois dans un temple je ne causerais de tort à personne. « La couronne des Olmurils est bien lourde à porter pour de si frêles épaules. Au jour de votre naissance vous ignoriez que vous auriez un jour à devoir la supporter, déclara en souriant Asinos accoudé à la

18


balustrade, le rictus à la commissure de ses lèvres. C’est un emploi ingrat dont peu accepterait les conditions. Du moins certaines. On raconte qu’éothen ne tenait pas plus que cela à honorer la couronne de son père, mort prématurément et qui j’imagine avait encore tant de belles choses à réaliser. —Ne soyez pas si cynique. Vous savez tout comme moi qu’on l’a assassiné. Or son meurtrier court toujours. —Ou bien Rowen l’a fait exécuté pendant que son ainé se saignait à rétablir l’ordre dans cette partie du monde ? Votre beau-fils a le sang bouillonnant et tant qu’il respire encore, vous avez tout intérêt à le prendre à revers. La surprise est votre seul atout car à armes égales mieux vaut être les premiers à frapper. —Je ne tiens pas à jeter mon royaume de nouveaux ans la tourmente alors que l’on finit à peine d’enterrer nos morts. De vous à moi, vous êtes le plus belliqueux Aisnos et je mets cela sous le compte de votre fonction. —Alors il sera plus judicieux de laisser le roi Ibalt régner à votre place, argua ce dernier sans aucune diplomatie. Cela vous économisera des nuits blanches à ne pas savoir de quel côté du fleuve où vous faille place vos sentinelles. —Cela suffit Asinos ! Encore un mot de votre part et je vous renvoie dans votre caserne ! Vous oubliez à qui vous vous adressez et j’espère qu’à l’avenir vous vous montrerez plus respectueux envers votre débiteur ! Modérer vos propos si vous tenez encore à ce que je vous écoute et si d’aventure vous n’en êtes pas capable, alors disparaissez hors de ma vue ! Ai-je été claire ? —Majesté, je….veuillez excuser ma conduite ! Cela ne se renouvellera pas. J’en fais le serment. —Personne n’est indispensable et… un élément détruit et si vite remplacé. Aldric était un bon roi et un époux qui…. Je n’ai pas été à la hauteur de leurs attentes mais cela ne se répétera pas. Par ma faute

19


tant d’innocents ont péri et de cela, je ne me le pardonnerai jamais. —J’ai coutume de dire que nous craignons de faire souffrir l’autre. Mais parfois nos choix nous conduisent à souffrir en retour. Et vous n’avez été que le prétexte à cette guerre, majesté. Rowen tôt ou tard aurait déclaré la guerre à son ainé. Le seigneur Argas l’a si bien mentionné toute à l’heure : Eothen consolidait les frontières tandis que son cadet fomentait des complots. Tout le monde sait de quelle nature est fait ce prince. Alors, vous n’y êtes pour rien. Seulement vous êtes une Olmuril. —Et alors, qu’est-ce que cela sous-entend ? —Votre royaume vaut plus que le leur. Par conséquent vous n’avez rien à prouver à ses Ascaris. » A ma demande mon général Argosn entra. Il portait ce matin-là une tenue cramoisie dont le pan rejeté sur son épaule lui conférait des airs de prince. Ses longs cheveux blonds et soyeux glissaient le long de son dos quand pendant ces dernières semaines il les avait relevés en un chignon. Son regard bleu et intense me fixa et il posa le genou à terre. Il se leva à ma demande et à le voir là, il me fit songer à Argosn. Un Ibalt sans barbe certes mais ressemblant dans cette façon qu’il avait de me regarder, comme fasciné. Ses yeux glissèrent le long de mon visage et constatant son égarement, il baissa la tête. « Notre Grand Chambellan, Octario a du vous dire les raisons de cette entrevue. —Non, Majesté mais tout porte à croire que votre requête est importante puisque votre capitaine Asinos ne semble plus vous convenir. —Asinos est le capitaine de ma garde personnelle et mandaté par le roi Ibalt. » Il éclata de rire et détourna son regard de ma personne. La nomination d’Asinos ne semblait pas lui convenir et arpentant la pièce, je constatais qu’il maintenait ses yeux baisés telle une personne prise dans sa faute. Lentement mes pas revinrent vers sa haute silhouette élancée où chaque muscle saillait

20


sous son costume du dessous aussi léger que ma robe. « Et vous avez craint que je ne vous rappelle pas ? La guerre étant finir nous n’avons aucune raison de faire appel à vos compétences. Cependant, j’ai un service à vous demander, cela concerne nos ennmis, ceux qui menacent notre royaume et je parle du Roi Amnès v et de tous ceux qui lui portent allégeance. —Ordonnez et je m’exécute, majesté ! —Sans même me poser de questions ? D’autres m’auraient demandé de quoi il s’agit, mais pas vous Argosn.Votre confiance en votre reine semble infaillible. —Parce qu’elle est légitime ! La mort de notre roi nous aurait jeté dans le chaos. Le Conseil aurait nommé un régent qu’il aurait choisi parmi les membres de votre famille réfugiés quelque part ans les Mélez et le Conseil m’aurait destitué pour incompétence à avoir su protéger le roi et sa reine. —Nous savons aujourd’hui que la menace venait de l’intérieur. Le commanditaire de ce meurtre court toujours et à trouvé refuge à la frontière. Personne ne vous aurait destiné. Votre comportement fut audacieux il convient de le noter et sans vous et l’appui de l’armée, je ne me serais pas là. Je vous dois tant, Argosn. —Vous m’avez déjà suffisamment remercié…. votre armée se tiendra prête et…. —Il ne s’agit pas de bataille à mener. Il me faut seulement rétablir la vérité en condamnant les véritables responsables de cette horreur que l’on nomme guerre. —Le roi Amnès nous suspecte d’avoir tué Eothen ou bien de l’avoir laissé mourir afin de rendre nul ce mariage non consommé. —Que dites-vous ? Questionnai-je en me retournant prestement, le cœur sortit hors de ma poitrine. Ce mariage ne fut pas consommé ? —Majesté, je… je pensais que vous le saviez. Eothen a passé sa nuit. Apprenant que vous aviez suivi Rowen, il a craint pour votre vie et pour cette raison, n’a pas

21


honoré sa reine. Il fut encouragé par la raison. Puis ensuite il a cessé de la fréquenter. De cela je pensais que vous le saviez. Maintenant qu’il n’est plus, amnès vous perçoit toujours comme une menace et sa fille n’est pas prête à vous le pardonner. Si vous m’envoyez là-bas avec ou sans décret royal il prendra ça pour une provocation et nos échanges commerciaux risquent alors d’en pâtir. Il serait profitable, majesté d’envoyé un ambassadeur sur place pour tenter de trouver un arrangement à vos tracas personnels. —Un émissaire ne comprendrait pas les motifs diplomatiques d’un tel déplacement. —Votre prisonnier Méowyn s’en accommodera. N’est-il pas le vassal du seigneur Dueril et à ce titre personne ne le suspectera d’être corrompu par notre reine Aldren. —C’est exact oui. » Tous ignoraient mon attachement à Méowy, ;, cet attachement provenait e mon enfance. Il refusa de m’épouser connaissant l’amour que je portais à Eothen. Ce fait seul révélait la nature incorruptible de l’ancien protégé d’Aldric. Plus que jamais il me serait difficile de vivre sans lui. S’il partait, la seule personne en qui j’avais foi s’en irait à un autre. La peur me saisit ; celle de perdre un ami, non pas un amant mais une personne attentive à mon bonheur. Alors je descendis le trouver. Une fois la grille de sa geôle ouverte, il se leva avec langueur. « Laissez-nous je vous prie. Vous aussi Asinos. Méowyn n’est pas une menace pour nous autres Olmurils. Le plus important est de le voir comme un hôte privilégié, notre invité et non plus un suspect. S’il vous plait Méowyn, asseyons-nous un instant ! » Asinos connaissait mes plans et les approuvait et une fois dehors, il crispa sa main sur ma dague. Ma robe malgré l’absence de lumière scintillait dans cette semi-pénombre comme le regard de Méowyn. Des plus surpris il se pencha vers moi. « Qu’est-ce que tout cela signifie, majesté ? Auriez-vous eu une vision de l’avenir ? —C’est ce qu’ils pensent tous et je ne peux les contrarier. Vous savez comme moi que depuis peu je

22


n’entends ni ne vois plus rien. Mais je ne suis pas venue pour me parler de moi mais d’une mission singulière dont vous seul êtes appelé à mener à son terme. Il vous suffira pour cela de vous rendre auprès du roi Amnès et de clarifier certaines choses à son égard. —Ah, ah ! Vous me demandez de l’espionner ? J’aurai accepté de le faire s’il n’était pas un roi à la tête d’une importante armée et décidé en retour à me passer au fer. Si je quitte cet endroit, votre époux essayera de me faire passer l’envie de vous revoir. —Ibalt ne sera pas un problème. —En admettant que vous ayez raison, rien ne l’empêchera de penser que vous vous êtes parjurée en ma compagnie. Alors son frère, Rowen trouvera là le moyen de vous fustiger, vous, sa ravissante bellemère et souveraine. —Alors si je vous écoutais il me faudrait rester ici à lorgner l’horizon en attendant que mon roi daigne se montrer, si toutefois il finit par se souvenir de moi. —Tout cela vous conduira au pire des tourments. Il vaut mieux parfois laisser le passé derrière soi et aller de l’avant. Vous m’obtiendrez aucune justice en ce monde si vous vous obstinez à vous lamentez sur votre sort. —Je me voyais plutôt comme une personne résignée. » Cette remarque le fit sourire. Eothen non plus n’aurait pas approuvé cela ; je cherchai un exutoire à ma douleur, mes tourments, mes peines et comment survivre si ce n’était par le combat ? « Les hommes que nous enterrons ne reviennent jamais à la vie, poursuivit-il sans me lâcher des yeux. Et je refuse de vous perdre Aldren, pas après vous avoir vu lutter pour vivre. » Les larmes jaillirent hors de mes yeux. On aurait pu penser à une source sortant de la roche après y avoir été enfermée depuis des milliers d’années. Méowyn me serra tout contre ses jambes et caressa ma tête dans le but de m’apaiser.

23


« Je n’y arrive pas….j’ai tout fait pour lutter, mais c’est au-dessus de mes forces… je n’y arrive pas ! —Aldren…. Si vous devez pleurer alors faites-le. Vous avez le droit de pleurer. » Et bien vite je me retrouvais être dans ses bras, la tête posée contre son épaule. Il me caressait les cheveux tandis que je pensais à Eothen. Cela faisait si mal Le temps seul soignera mes blessures mais en attendant il me fallait vivre avec cette douleur. Mes parents, Iponèd, Aldric, Eothen. Il ne me restait plus qu’e Méowyn. Il me serrait fort contre lui, respirant mon odeur et caressant tendrement ma noire chevelure. Mes sanglots s’étouffèrent au fond de ma gorge et tout à fait apaisée, je m’écartais de mon consolateur. « Quand je ne suis pas là admirer les caresses du soleil sur cette mer turquoise, je fredonne. Cela m’aide à m’apaiser. La première fois que je pris ce détroit, déclarai-je en reprenant place à la table, se fut pour me rendre en Amégée et j’étais très fébrile sur le pont de ce bateau. Vous en souvenez-vous ? » Il hocha la tête, les yeux embués par l’émotion que ma détresse suscitait en lui. « Je m’en souviens clairement Aldren, vous disiez que l’on vous arrachait à toutes ces merveilles et que nulle autre cité remplacerait toutes celles que nous traversions. —Pour me donner du courage je fredonnais des chansons apprises par ma mère. Et Eothen pour me faire peur disait qu’une fois le détroit passé, la beauté d’Amégée me ferait oublier ces chants d’un autre âge. Je ne pouvais le satisfaire, refusant de trahir mon pays, mon peuple et ses croyances pour une terre hostile dont on ne disait pas grand bien. Aujourd’hui portant je donnerai n’importe quoi pour retourner en Amégée et demander pardon à toutes les personnes que j’ai pu offenser en dissimulant la vérité. —Vous êtes une bonne reine, murmura ce dernier, une larme coincée entre ses cils. Je n’ai jamais douté de vous un seul instant, majesté et Ibalt ne mesure

24


pas Ă quel point il a de la chance de vous avoir comme ĂŠpouse.

25


[Epilogue]

26


Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

27


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.