Les cahiers de l'asdifle n° 29

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Les cahiers de

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l’ asdifle Le français à visée professionnelle : recherches et dispositifs de formation Actes des 57e et 58e rencontres

Association de didactique du français langue étrangère


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Les cahiers de

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l’asdifle Le français à visée professionnelle : recherches et dispositifs de formation

Actes des 57e et 58e rencontres de l’ASDIFLE Alliance française de Paris, 31 mars 2017 Chambre de commerce et d’industrie d’Alsace, Strasbourg, 20 octobre 2017

Numéro coordonné par Véronique LAURENS (université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et Laura NICOLAS (université Paris-Est-Créteil)

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En assumant intégralement l’édition et la diffusion de cet ouvrage, les éditions CLE International sont heureuses d’apporter leur soutien à l’ASDIFLE.

© CLE International, 2018 ISBN : 978-209-038234-1


Sommaire Avant-propos Véronique Laurens, Laura Nicolas.....................................................................7

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partie 1 : Le français à visée professionnelle : enjeux et recherches actuels La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui : enjeux, état des lieux, évolutions Alexandre Holle........................................................................................................ 15 Évolution de la démarche FOS aujourd’hui : une ingénierie de formation en langue en contextes professionnel et académique Jean-Marc Mangiante.............................................................................................. 23 L’analyse des interactions entre langue et tâches professionnelles pour l’élaboration de formations linguistiques adaptées aux travailleurs migrants dans le secteur de l’hygiène et propreté Sabrina Royer............................................................................................................ 37 Le langage au travail : entre norme et renormalisation Louis Durrive............................................................................................................ 48 Du Français sur Objectif Spécifique au Français Langue Professionnelle : la bascule des paradigmes Florence Mourlhon-Dallies.................................................................................... 58 Quelques principes d’ingénierie de la formation appliqués au français de l’administration : analyse de besoins et conception de formation Élodie Oursel............................................................................................................. 70 partie 2 : contextes et dispositifs de formation en français à visée professionnelle : quelles compétences pour quels métiers ? Résumé de la table ronde « Contextes et dispositifs de formation en français à visée professionnelle : quelles compétences pour quels métiers ? » M. De Ferrari, I. Ayrault, F. Pinel, C. Barret-Labre, I. Cipris, D. Macre, J.-M. Herbstmeyer, J.-P. Mondou, T. Pelletier, P. Pottier.............................. 111

Sommaire 3


HOPE : un dispositif intégré de formation en français langue professionnelle pour l’accueil de 1000 réfugiés à l’AFPA Comlan Fantognon, Jean-Philippe Mondou..................................................... 123 Cours de langue pour cheminots : retour sur une expérience de 14 ans Anna Douilly........................................................................................................... 132 Le français compétence professionnelle au service de travailleurs précaires : un projet de développement de la filière Mode et Design à la Goutte d’Or Anna Cattan, Maëlle Monvoisin.......................................................................... 139

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Résumé de la table ronde « Dispositifs de français à visée professionnelle : retours d’expériences » M. Drouère, M. Besbiss, E. Pebay, C. Gigan, M. Simon................................. 146 Résumé de thèse : Pertinences de l’enseignement de la prononciation par le théâtre et par le chant en contexte universitaire Fanny Auzéau.......................................................................................................... 157

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Comité scientifique Laura ABOU HAIDAR (université Grenoble Alpes) Fabrice BARTHÉLÉMY (université de Franche-Comté) Évelyne BÉRARD (université de Franche-Comté) Lucile CADET JOSEPH (université Paris-Est-Créteil) Chantal CLAUDEL (université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis) Enrica GALAZZI (università Cattolica, Milan) Dominique GROUX (université des Antilles) Isabelle GRUCA (université Côte d’Azur) Élisabeth GUIMBRETIÈRE (université Paris-Diderot - Paris 7) Henri HOLEC (université de Lorraine) Véronique LAURENS (université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) Danielle LONDEI (università di Bologna) Jurgen MERTENS (Pädagogische Hochschule Ludwigsburg) Claudine MÜHLSTEIN-JOLIETTE (université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) Laura NICOLAS (université Paris-Est-Créteil) Anthippi POTOLIA (université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis)

Comité de lecture Fanny AUZÉAU Véra DELORME Comlan FANTOGNON Élodie OURSEL

Comités 5


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Avant-propos Véronique LAURENS Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3, DILTEC EA2288 Présidente de l’ASDIFLE

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Laura NICOLAS Université Paris-Est-Créteil, IMAGER EA3958 Vice-présidente de l’ASDIFLE Les articles de ce numéro sont issus de communications présentées en 2017 sur le thème du français à visée professionnelle lors de la Journée professionnelle et de la Journée d’études organisées par l’ASDIFLE, intitulées respectivement : « Les métiers du français dans la formation professionnelle » (Alliance française de Paris Île-de-France, 31 mars 2017) et « Le français à visée professionnelle » (CCI d’Alsace, Strasbourg, 20 octobre 2017). Quelques textes produits en complément des interventions de ces journées ont également été intégrés au volume. La thématique du français à visée professionnelle avait été retenue par l’ASDIFLE pour l’année 2017 dans la continuité des questions abordées lors de la Journée professionnelle du 17 juin 2016 portant sur les métiers du secteur de la formation linguistique des migrants. Il était apparu lors de cette journée qu’il y avait comme un point aveugle dans le champ du français langue étrangère (FLE) concernant les emplois à pourvoir dans le secteur de la formation professionnelle en France, notamment en entreprises, dans les branches professionnelles ainsi qu’au niveau des organismes de formation spécialisés dans la formation reliant langue française et métiers (par exemple, pour des postes tels que : enseignant ou formateur, ingénieur de formation, coordinateur de projet ou de programme, etc., en français sur objectifs spécifiques – FOS, ou en français langue professionnelle – FLP). Les deux journées ASDIFLE organisées en 2017 ont donc permis de dresser un état des lieux des structures, dispositifs et postes liés au français à visée professionnelle1 et de nourrir la compréhension de cet état des lieux par les perspectives proposées dans les recherches actuelles autour des questions du FOS et du FLP. Le présent numéro reprend ces axes en deux parties : la première partie propose six articles permettant de réfléchir aux liens entre langue, activité et travail, dans une perspective didactique et ergologique ; la seconde partie réunit cinq textes reprenant deux des tables rondes tenues et trois dispositifs de formation présentés lors des Journées. 1. Les postes présentés en ateliers lors de la Journée PRO du 31 mars 2017 sont synthétisés dans dix fiches-métiers téléchargeables sur le site de l’ASDIFLE, en complément de ce numéro [http://asdifle. com/content/les-fiches-métiers-de-lasdifle#overlay-context=contact]. Avant-propos 7


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La première partie, « Le français à visée professionnelle : enjeux et recherches actuels », rassemble les contributions d’Alexandre Holle, « La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui : enjeux, état des lieux, évolutions » ; de JeanMarc Mangiante, « Evolution de la démarche FOS aujourd’hui : une ingénierie de formation en langue en contextes professionnel et académique » ; de Sabrina Royer, « L’analyse des interactions entre langue et tâches professionnelles pour l’élaboration de formations linguistiques adaptées aux travailleurs migrants dans le secteur de l’hygiène et propreté » ; de Louis Durrive, « Le langage au travail : entre norme et renormalisation » ; de Florence Mourlhon-Dallies, « Du français sur objectif spécifique au français langue professionnelle : la bascule des paradigmes », et d’Élodie Oursel, « Quelques principes d’ingénierie de la formation appliqués au français de l’administration : analyse de besoins et conception de formation ». Un premier point de vue général est apporté par Alexandre Holle qui part du constat de la mobilité accrue des personnes et de la croissance des échanges économiques pour mettre en perspective l’évolution actuelle des dispositifs d’enseignement/apprentissage du français à des fins professionnelles. Dans un deuxième temps, Jean-Marc Mangiante propose un état des lieux de la recherche en FOS à partir de la réflexion menée autour des référentiels de compétences en langue professionnelle, des liens entre langue et action au travail et de leurs apports à la conception de formations en FOS. À partir du triptyque langue, action et travail, la focale est portée sur les relations et interactions en classes de langue professionnelle ou universitaire, entre un enseignant – concepteur non spécialiste du domaine et un public de spécialistes. Cet angle de recherche est développé dans la contribution de Sabrina Royer qui analyse les différentes interactions entre la tâche langagière et la tâche professionnelle au sein d’un corpus de situations de travail dans le secteur de l’hygiène et propreté, en pointant la nécessité d’analyser conjointement la tâche langagière et la tâche professionnelle. Avec Louis Durrive, c’est un pas de côté qui est fait, à partir d’une perspective de recherche ergologique, éclairante pour la réflexion didactique, où l’expérience de travail est considérée au niveau du sujet qui agit comme une expérience de vie dans laquelle il y a toujours des écarts entre le travail anticipé et le travail réel. Cette confrontation entre planifié et actuel est préconstruite et reconfigurée par le langage, ce qui amène à une représentation dynamique du travail où le dire (pré-dit ou pré-vu) ne circonscrit jamais le faire, où la micro-créativité de la personne en train d’agir professionnellement est toujours décelable, notamment à travers le langage. Dans un troisième temps, Florence Mourlhon-Dallies questionne les trois fondements du FOS : analyse des besoins, identification des compétences langagières mises en jeu dans les professions et analyse des genres discursifs professionnels, en s’appuyant sur les disciplines qui étudient le travail et ses évolutions. Elle incite le champ de la didactique des langues à dépasser l’empan du FOS pour embrasser les 8 Cahiers de l’Asdifle, n° 29


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évolutions notionnelles en cours dans le cadre plus englobant et complexe du FLP. La contribution d’Élodie Oursel portant sur le français de l’administration illustre ce propos. Ce français spécifique est posé comme une langue à la fois professionnelle et technique, que doivent s’approprier les personnes vivant sur un territoire francophone, professionnels ou usagers de l’administration. L’ingénierie présentée prend en compte les profils variés des utilisateurs et l’hétérogénéité de leurs besoins au regard de la langue pour être à même d’(inter-)agir en situation administrative. La seconde partie du numéro, « Contextes et dispositifs de formation en français à visée professionnelle : quelles compétences pour quels métiers ? », se veut une sorte de « miroir empirique » de la première : elle propose la description de plusieurs dispositifs de formation actuellement en cours, qui illustrent pertinemment les cadrages théoriques et méthodologiques présentés en première partie. La texture des articles proposés à la lecture, volontairement narrative, moins académique et scientifique que celle des textes qui composent la première partie, reflète les enjeux institutionnels forts et les problématiques logistiques qui sous-tendent l’instauration des dispositifs de formation en français à visée professionnelle. Une large part est faite à la description chronologique des dispositifs et à celle des acteurs – structures institutionnelles et associatives, financeurs, responsables de projets, publics d’apprenants, etc. – qui font naître, qui animent et qui pérennisent ces programmes. Les transcriptions des deux tables rondes issues des Journées de l’ASDIFLE encadrent les trois descriptifs de dispositifs. Adressant à une quinzaine d’acteurs du champ la question des compétences attachées aux métiers qu’ils exercent, ces tables rondes dressent un panorama informatif et formatif des relations complexes qu’entretiennent compétences professionnelles et enjeux spécifiques de la formation en français professionnel. Elles permettent ainsi d’établir un lien fort entre, d’une part, les habiletés demandées aux différents acteurs du champ et, d’autre part, les programmes de formation – souvent universitaires – qu’ils ont suivi avant d’entrer dans le métier. La table ronde modérée par Mariela de Ferrari (Co-Alternatives) initie cette deuxième partie avec la présentation de la place de la formation en français – premier pilier du système – au sein de programmes pilotés par la Direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (DAAEN), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), l’Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) Hygiène et propreté, la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), le Conseil régional d’Île-de-France et l’Observatoire métiers emploi formation de l’Îlede-France – Défi-métiers. Les compétences relatives aux différents métiers du champ sont évoquées en relation avec le constat d’une adaptation urgente aux contextes changeants de la formation professionnelle pour adultes. Dans ce cadre, on voit surAvant-propos 9


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gir la nécessité d’un rapprochement entre le champ du français langue étrangère (FLE)/de la Didactique du FLE et celui de la formation professionnelle des adultes, tant en termes de pratiques méthodologiques et pédagogiques que dénominatifs. Le premier descriptif de dispositif exemplifie très justement le lien entre (Didactique du) FLE et formation professionnelle, puisqu’il pose une analyse didactique sur un programme de formation en français langue professionnel mis en place par l’AFPA. Comlan Fantognon et Jean-Philippe Mondou reviennent sur les apports de la formation linguistique – la « Préparatoire professionnelle et langagière » – qui constitue la première étape d’une formation intégrée à destination des réfugiés (le projet « Hébergement, Orientation Pour l’Emploi » (HOPE)) qui a débuté en 2017. Les auteurs détaillent le travail d’ingénierie de formation qui sous-tend cette préparatoire, en insistant sur ses principaux points d’articulation avec les modules professionnalisants (Découverte métiers, Orientation, Formation métiers, etc.) qui suivent la formation linguistique. Dans un deuxième texte, Anna Douilly, de la CCI de Strasbourg, décrit un dispositif collaboratif d’apprentissage de l’allemand et du français destiné aux agents du secteur ferroviaire, un domaine professionnel rarement rencontré dans les expérimentations FOS/FLP. L’auteure revient sur les contextes d’émergence, les déroulements et les retombées de ces doubles programmes de formation linguistique, mis en place par les CCI de Strasbourg et de Metz à la suite d’une première demande formulée par la SNCF qui cherchait à former en langue allemande ses employés susceptibles d’opérer en zone frontalière, puis à la demande réciproque émanant des entreprises ferroviaires allemandes. L’accent est mis, d’une part, sur la dynamique coopérative qui sous-tend l’ingénierie de tels programmes et, d’autre part, sur les aspects langagiers particulièrement singuliers de ces « langues ferroviaires » ainsi que sur le travail de didactisation particulier que suppose leur enseignement. Le troisième descriptif concerne un autre secteur, émergeant lui aussi depuis une quinzaine d’années, celui des couturiers nécessitant une formation à la fois orientée vers les techniques de couture « à l’européenne » et vers les éléments langagiers qui permettent l’appropriation de ces techniques et, plus largement, l’exercice du métier en France. Anna Cattan, de la Scop « Langues Plurielles », propose une entrée centrée sur les partenariats inter-institutionnels qui permettent l’existence de ce type de dispositifs, ce qui permet d’éclairer la complexité administrative et financière du domaine de la formation professionnelle. L’auteure insiste également – faisant ainsi écho à l’ensemble des réflexions proposées dans cette deuxième partie – sur la nécessaire articulation entre modules d’apprentissage portant sur la langue et ceux visant le développement d’autres compétences professionnelles, sur la coopération entre une pluralité d’acteurs que suppose cette articulation, et sur l’inévitable évolution-diversification des métiers de la formation concomitante à la prolifération – à l’échelle nationale – des dispositifs en français langue professionnelle. 10 Cahiers de l’Asdifle, n° 29


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La table ronde modérée par Michel Drouère fait intervenir les responsables du Conseil Recherche Évaluation Actions de Formation et d’Orientation Professionnelle (CREAFOP), de l’organisme Confluence Alsace, et du Module d’orientation et d’apprentissage du français (MOAF) de l’Académie de Strasbourg pour la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) de l’Education nationale. Les raisons invoquées par les intervenants au sujet de l’expansion de plus en plus évidente des modules de formation rejoignent les constats des participants à la première table ronde : face aux demandes croissantes en termes de formation linguistique émanant des populations allophones en présence sur le territoire, les marchés publics intègrent progressivement les apports du champ du FLE/FOS/FLP dans le secteur de la formation professionnelle pour adultes (par exemple, le CREAFOP), de la formation scolaire pour enfants allophones récemment arrivés en France (par exemple, le MOAF) ou encore de la formation transversale en organisme privé (par exemple, Confluence Alsace). Les intervenants insistent sur les conséquences de ces évolutions sur les compétences transversales qui sont actuellement demandées aux directeurs de projets, aux ingénieurs de formations et aux formateurs et sur la nécessité d’une adaptation rapide des formations, universitaires ou autres, à ces évolutions. Les propos convergent ainsi vers le souhait que l’articulation entre formation linguistique et formation professionnelle ne reste pas au stade d’une juxtaposition de modules cloisonnés mais qu’elle s’établisse dans une logique de continuité – de la formation des étudiants (futurs gérants d’organismes éducatifs, ingénieurs de formation, enseignants de langue ou d’autres compétences professionnelles, etc.) à celle des publics en demande de ces formations. Nous vous souhaitons une bonne lecture et tenons, pour conclure cet avant-propos, à remercier l’ensemble des partenaires de l’ASDIFLE qui ont œuvré à l’organisation de la Journée professionnelle et de la Journée d’études-57e rencontre : l’Alliance française de Paris Île-de-France, les éditeurs, Nathalie Getliffe de l’université de Strasbourg, Anna d’Aquin de la Chambre de commerce et d’industrie d’Alsace et les relecteurs de notre comité scientifique.

Avant-propos 11


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partie 1

Le français à visée professionnelle : enjeux et recherches actuels


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La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui : enjeux, état des lieux, évolutions

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Alexandre HOLLE Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France

Résumé Aujourd’hui plus que jamais, face à la croissance des échanges économiques et de la circulation des personnes dans le monde, la pratique de plusieurs langues dans un contexte professionnel constitue une force pour les individus. La mobilité des étudiants et des travailleurs, l’intérêt croissant des acteurs économiques pour les équipes de travail plurilingues ont un impact sur les programmes de formation de français langue étrangère. On s’interroge donc sur l’impact de cette évolution sur les enseignements et sur l’apprentissage du français à visée professionnelle. Mots clés : français à visée professionnelle / contextes / besoins / Introduction « Bien que le principe d’adapter la pratique d’une langue et son enseignement à la spécificité des publics ou des contextes remonte à très loin (on pourrait citer l’apparition des sabirs, ces langues utilisées sur le pourtour méditerranéen pour faciliter les relations commerciales au Moyen Âge), c’est à une époque récente qu’apparaît la volonté de proposer un enseignement du français non général »1. Les contextes d’utilisation de la langue à des fins professionnelles sont multiples. La didactique du français langue étrangère (FLE) a développé différentes ingénieries de formation et pédagogiques pour faire face à ces évolutions : français sur objectif(s) spécifique(s) (FOS), français de spécialité, français langue professionnelle (FLP), etc. L’idée n’est pas de présenter ici de manière détaillée les différentes approches didactiques et les démarches méthodologiques développées au cours de ces cinquante dernières années (cf. entre autres, Challe, 2002 ; Mangiante & Parpette, 2004 ; Carras et al., 2007 ; Mourlhon-Dallies, 2008). Nous souhaitons, avant tout, mettre l’accent sur ce que ces approches permettent sur le terrain, en nous appuyant sur des réalisations concrètes, conçues, animées et menées à terme par les différents acteurs du 1. (Coll.) Historique du français pour publics spécifiques. Memento NumériFOS. Consulté le 9 mars 2017 à l’adresse suivante : https://www.lefrancaisdesaffaires.fr/wp-content/uploads/2017/09/MEMENTOFOS-1_Historique.pdf La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui

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« français langue étrangère » (FLE) : enseignant(e)s, formateurs/trices, professeurs d’université, coordinateurs/trices pédagogiques, directeurs/trices des cours, chef(fe) s de département, etc. Nous rappellerons les objectifs du français professionnel, le public visé et les besoins très concrets auxquels il permet de répondre. Je m’appuierai sur les situations auxquelles j’ai été confronté tout au long de mon expérience d’enseignant de français professionnel et que je rencontre au quotidien dans le cadre de mes fonctions au Français des affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France (CCIP). Nous passerons également en revue, de manière non exhaustive, les évolutions des quinze dernières années – sociétales, politiques, économiques, didactiques, technologiques, etc. – qui contribuent à l’essor du français professionnel et, enfin, nous donnerons quelques pistes de réflexion sur les compétences à acquérir et à approfondir qui sous-tendent ces évolutions. 1. Le français à visée professionnelle : état des lieux Les démarches méthodologiques et les ingénieries de formation du français professionnel ont chacune leur spécificité mais ont toutes été développées dans le même objectif : celui de répondre aux besoins, pas nécessairement exprimés de manière explicite, d’un public qui a ou aura besoin d’acquérir une compétence plurilingue, d’apprendre le français pour faciliter son entrée dans l’emploi ou accéder à des postes à plus grande responsabilité. Ces démarches méthodologiques prennent en compte les objectifs professionnels de ce public, à court et à moyen termes, pour sélectionner les contenus d’apprentissage et élaborer un programme et des activités pédagogiques ad hoc. L’enseignant de français adapte toujours son programme, ses contenus, sa pédagogie au public auprès duquel il intervient. Dans le cas du français professionnel, on peut distinguer : - le contexte à l’international, dans les pays non-francophones, - le contexte français et celui, similaire sur certains aspects, des pays francophones (ainsi que dans les pays où le français n’est pas la langue maternelle mais bénéficie du statut de langue officielle). 1.1. Le contexte en pays non francophones À l’international, on peut à nouveau distinguer deux grandes catégories de public pour lesquelles peuvent être mis en place des cours de français professionnel : les lycéens et les étudiants pour ce qui est de la formation initiale et la population active, les professionnels dans l’emploi ou à la recherche d’un emploi, pour la formation continue. La formation initiale Pour la formation initiale, le public concerné par l’apprentissage du français professionnel est un public d’étudiant.e.s : à l’université (étudiant.e.s en faculté d’économie, de tourisme, de management, de santé, de droit, et.), dans des lycées pro16 Cahiers de l’Asdifle, n° 29


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fessionnels (études commerciales, techniques, etc.), dans des écoles d’hôtellerie, de restauration, de mode, etc.). Ces étudiant.e.s ont un objectif commun : celui de se préparer à un métier, de se préparer à intégrer le marché de l’emploi. La maîtrise du français et des langues en règle générale peut ainsi constituer pour ces apprenants un atout pour se démarquer sur le marché de l’emploi, pour se différencier, renforcer leur employabilité. Dans certains secteurs, cela peut permettre à ces futurs professionnels de faire valoir, avec ce « plus » sur le curriculum-vitae, une capacité à travailler avec un public francophone (touristes, fournisseurs, clients, prospects, partenaires, etc.) et donc, de donner l’occasion à son employeur potentiel de capter un nouveau marché francophone. Cette approche du français, en lien étroit avec des objectifs professionnels à court-terme, est relativement nouvelle pour les étudiants de français. Dans l’imaginaire collectif, le français reste une langue de culture et de littérature mais est rarement perçu comme une langue moderne, opérationnelle et facilitatrice en termes d’échanges économiques. Dans de nombreux cas, cette vision renouvelée a permis de redonner du sens à l’enseignement/apprentissage du français et provoque un regain d’intérêt pour le français dans des pays qui connaissaient depuis plusieurs décennies une désaffection du français. C’est le cas par exemple aux États-Unis où le français professionnel gagne en popularité et attire dans les facultés de lettres les étudiants des facultés d’économie. Il a donc fallu revoir en profondeur les programmes et accompagner les enseignants de français dans ce changement. La méthodologie appliquée est celle du français de spécialité, que Mangiante et Parpette (2004) définissent par deux spécificités : - Sur le plan des contenus, le français de spécialité renvoie à des domaines et non à un métier. Comme il s’agit de prendre en compte les différents métiers dans un domaine (affaires, tourisme, etc.), l’approche privilégiée est souvent transversale. - Sur le plan de l’ingénierie de la formation, le français de spécialité relève de l’offre de formation. Il est donc très difficile de prendre en compte des besoins bien identifiés : les étudiants en école de management par exemple peuvent, une fois diplômés, exercer des métiers très différents : certains en marketing, d’autres en finance, dans les ressources humaines, etc. Il est donc nécessaire, pour le concepteur de ce cours, de repérer les situations professionnelles les plus récurrentes et les plus transversales ainsi que celles où il y a une possibilité d’être en contact avec un interlocuteur francophone. Prenons l’exemple suivant : au Kenya, le français est enseigné comme langue étrangère dans la majorité des universités et des Instituts supérieurs techniques et professionnels. Les enseignants de français faisaient pour la plupart face aux mêmes problèmes : un manque de motivation des étudiants pour l’apprentissage du français conduisait à des problèmes d’assiduité et le nombre d’heures allouées ne permettaient pas aux étudiants de progresser rapidement (ils atteignaient difficilement un niveau A1/A2, rarement B1). Or, l’industrie hôtelière peinait à embaucher de La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui

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jeunes professionnels francophones (pour personnaliser l’accueil des touristes francophones, nombreux) alors que la plupart des apprenants de français étudiaient pour se préparer à un métier du tourisme, de la restauration ou de l’hôtellerie. Il a donc été décidé, en lien étroit avec le réseau culturel français sur place, (le Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France au Kenya et l’Alliance française), de mettre en place des programmes de français spécifiques. Il s’agit de programmes courts (45 heures de français par semestre), transversaux aux différents métiers concernés et centrés sur des tâches professionnelles concrètes et ce, dès le début de l’apprentissage. Les programmes en cours d’expérimentation, fortement contextualisés (accueillir un client dans un lodge, parler de son pays, prendre en charge un groupe pour un safari dans les réserves nationales, etc.) ont été très bien reçus par les étudiants et les enseignants, qui ont montré un réel enthousiasme pour se former à la méthodologie et ont déployé beaucoup d’énergie pour la réussite de ce projet. La formation continue Voyons à présent un exemple de réalisation en formation continue. Il s’agit ici non plus de former des étudiants mais des adultes en activité. Ces cours de français professionnel sont, la plupart du temps, développés par des Alliances françaises, des Instituts français, des centres de langue privés, voire les départements de formation continue des universités qui doivent répondre à des demandes de formation d’entreprises ou qui souhaitent, après analyse de leur marché, créer une nouvelle offre de cours. C’est ici la démarche du français sur objectif spécifique qui est appliquée. L’exemple le plus pertinent est sans doute celui d’une compagnie de taxi d’un pays non francophone qui, pour développer son marché, a souhaité former ses chauffeurs de taxi au français. Elle souhaitait ainsi capter le marché des touristes francophones (tourisme de loisirs et tourisme d’affaires). Nous avons donc dû répondre à cette demande en proposant des programmes très courts de 25 heures, pour des chauffeurs de taxi, débutants complets, axés sur les situations de communication les plus récurrentes : être capable d’accueillir les touristes, donner de simples indications touristiques, communiquer en français dans un cadre très précis. Au-delà de l’ingénierie de formation mise en œuvre pour un tel programme, ce qui est intéressant ici, c’est le rôle de l’enseignant, qui a dû une fois de plus s’adapter à cette situation particulière, très éloignée de ses habitudes d’enseignement : il n’y avait pas de salle de classe, très peu de matériel, pas de méthode, pas d’exercice papier. L’enseignant était assis à côté du chauffeur, dans le taxi, à l’arrêt, bien sûr, pour la première partie du cours, puis en promenade dans la ville pour le réemploi. Tout était mis en œuvre pour enseigner/apprendre le français en situation, pour recréer une situation professionnelle authentique, à l’aide de photos, de flashcards, de jeux de rôle, etc. Cette action de formation, associée à une campagne marketing (autocollant « Je parle fran18 Cahiers de l’Asdifle, n° 29


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çais » sur le taxi, communication dans les aéroports, les hôtels, les restaurants et les lieux touristiques) a permis à cette compagnie de développer et de pérenniser les emplois. Ce qui est également remarquable, c’est qu’au fil des mois et des rencontres lors de leurs courses quotidiennes, les chauffeurs de taxi ont poursuivi leur apprentissage du français. À chaque course avec un client francophone, le chauffeur gagnait en confiance et en autonomie. 1.2. Le contexte français Passons à présent, très brièvement – car d’autres articles dans ce même ouvrage abordent largement la question – au contexte français et des pays francophones. Le contexte est ici très différent de celui qui vient d’être abordé et qui concerne la situation dans les pays non francophones. L’apprentissage du français langue professionnelle vise ici l’intégration par le travail (ou intégration socioprofessionnelle). Les cours mis en place avec cette ingénierie de formation s’adressent à des personnes francophones et non francophones qui exercent ou doivent exercer entièrement leur profession en français, dans des secteurs en tension (hygiène/propreté, sécurité, restauration, BTP, etc.), des demandeurs d’emploi, des bénéficiaires des minima sociaux, des personnes en formation vers une qualification professionnelle2. 2. Travailler en français L’objectif de ces différentes méthodologies, en France comme à l’international, est de rendre les personnes opérationnelles, de leur permettre de gagner en autonomie sur leur poste de travail, et de faire reconnaître cette nouvelle compétence. Prenons le cas des infirmières et des infirmiers. Au tout début des années 2000, la France et d’autres pays francophones ont connu une pénurie très importante de personnel en Soins infirmiers. De nombreux programmes ont ainsi été mis en place avec l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, l’Italie, etc. pour attirer les infirmières et infirmiers de ces pays et leur proposer des postes dans les hôpitaux, maisons de retraite et cliniques en France. Le niveau de langue requis était le niveau B13 dans un premier temps ; le niveau d’exigence a ensuite été réévalué au niveau B2. Dans la procédure de recrutement, il était demandé un niveau de français « langue générale », c’est-à-dire non focalisé sur un usage professionnel. Cela a posé des problèmes conséquents sur le poste de travail. Le personnel nouvellement arrivé ne parvenait pas à exprimer leur compétence professionnelle en français. Autant leur niveau de français leur suffisait pour s’adapter aux situations de la vie quotidienne, autant il était largement insuffisant pour leur permettre de réaliser une transmission en français, de renseigner des dossiers de soins, d’expliquer un soin à un patient, d’accompagner le médecin dans ses visites, etc. Leur intégration en a été plus difficile, d’autant plus que cette difficulté 2. Pour un descriptif détaillé, je renvoie aux travaux de F. Mourlhon-Dallies (2008 ; 2015) et de M. de Ferrari (2009 ; 2010). 3. Niveaux B1 et B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). La formation en français à visée professionnelle aujourd’hui

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Le français à visée professionnelle est un domaine du champ du français langue étrangère en pleine évolution tant du point de vue des recherches en cours en français sur objectifs spécifiques (FOS) et en français langue professionnelle (FLP) que des métiers à pourvoir, notamment dans le secteur de la formation professionnelle, dans les entreprises, les branches professionnelles ainsi qu’au niveau des organismes de formation spécialisés dans la formation reliant langue française et métiers (par exemple, pour des postes tels que : enseignant ou formateur, ingénieur de formation, coordinateur de projet ou de programme). Les deux journées ASDIFLE organisées en 2017 ont permis de dresser un état des lieux des structures, dispositifs et postes liés au français à visée professionnelle et de nourrir la compréhension de cet état des lieux par les perspectives proposées dans les recherches actuelles autour des questions du FOS et du FLP. Le présent numéro reprend ces axes en deux parties : la première partie propose six articles permettant de réfléchir aux liens entre langue, activité et travail, dans une perspective didactique et ergologique ; la seconde partie réunit cinq textes reprenant deux des tables rondes tenues et trois des dispositifs de formation présentés lors des Journées. Véronique Laurens et Laura Nicolas Présidente et vice-présidente de l’ASDIFLE

ISBN : 978-209-038234-1

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