Lingua franca ‒ Lettre aux Z L’importance de promouvoir la langue française À la découverte du podcast ‒ Le poids des mots
Entrevue Charlotte Biron ‒ Feuilleton posthume L’information comme bien public‒ Traduction
Couverture par NASA/JPL-CaltechUne illustration du rover Perseverance de la NASA atterrissant en toute sécurité sur Mars. Des centaines d'événements critiques doivent s'exécuter parfaitement et exactement à temps pour que le rover puisse atterrir en toute sécurité le 18 février 2021.
Nous sommes
Rédactrice en chef Léonie Faucher redaction@impactcampus.ca
Mélissa Gaudreault, Mikael Grenier, Véronique Careau, Sarah-Jane Vincent, Marc-Antoine Auger, Philippe Saint-Germain, Sarah Khilaji, Marie-Lyse Blanchard, et Mélissa Pettigrew
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Mathieu Montégiani (Président), Carl Lavoie (Secrétaire), Perpétue Mahuclo Adité, Daniel Fradette, Lauren Banham, Bruno Lemaire Corbeil, Ludovic Dufour
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Publications Lysar inc. Tirage : 4 000 exemplaires
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L’art engagé pour éveiller, réveiller et transformer.
4 épisodes à voir sur lafabriqueculturelle.tv
Dossier
Lingua franca
Lettre aux Z
Quel est votre type de résolution de conflits ?
Traduire : entre reproduction et recomposition
Opinion
L’importance de promouvoir la langue française
Le poids des mots
Arts et culture
Entrevue Charlotte Biron
L'actualité du film Network
53 10
Sac d'os : une adaptation trop riche ?
Bien communiquer pour les nuls.les.
Ce mois-ci, l’équipe d’Impact Campus s’intéresse à la communication au sens large : autant à la place de la langue, qu’aux difficultés communicationnelles, qu’à l’utilisation des médias, etc. Pour nos lecteurs.trices assidu.es, ce dossier est un complément à notre thématique de la langue diffusée en mars 2019 et toujours disponible sur notre site web.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Pour cette thématique de la communication, je vous présente la table des matières du magazine que vous avez entre les mains.
P.8 - Noémie Rondeau présente un résumé de l’actualité du mois de février dans sa rubrique.
P.10 - Un nouveau collaborateur parmi nous, Mikaël Grenier, partage sa plume dans un texte d’opinion imagé sur la Lingua Franca et les difficultés que le langage universel apporte.
P.12 - Emmy Lapointe propose de faire entendre la génération Z en posant des questions à des représentants de celle-ci. Cet article permet de démentir les accusations d’individualisme qui sont souvent posées à leur égard.
P.20 - Travaillant dans un camp de vacances, je rapporte une partie de la formation que nous offrons à nos employé.es en ce qui à trait à la gestion des conflits selon les cinq styles proposés
par Thomas Kilmann.
P.26 - Jessica Dufour traite du métier de traductologue et de l’importance de leur travail. De la formation au rôle, l’article se conclut avec une entrevue en compagnie d’une traductrice professionnelle.
P.34 - Andréi Audet s’entretient avec Pénélope Daigneault, professeure à l’Université Laval sur les enjeux d’être professeure-chercheuse en communication.
P.38 - Mélissa Gaudreault dresse un portrait de l’univers du balado. Elle en propose une liste à découvrir.
P.40 - Je présente un photoreportage sur la présence des pictogrammes, leur rôle dans notre société et notre quotidien. L’influence de la littératie et des principes de psychologie par l’utilisation des illustrations en communication est expliquée.
Photo par Geely Sat
P.48 - Andréi Audet traite de la communication en période de pandémie. Des communications gouvernementales aux publicités, les périodes de crise influencent la façon de partager l’information.
P.50 - Jessica Dufour revient sur les propos tenu par Mickaël Bergeron dans son essai Tombée médiatique: se réapproprier l’information diffusé à l’automne 2020. L’auteur traite de la structure des médias et de la possible crise financière médiatique.
P.53 - Comme première contribution à Impact Campus, Véronique Careau soumet un texte d’opinion sur l’importance de promouvoir la langue française et sur les difficultés à l’enseigner dans les différentes concentrations scolaires.
P.54 - Sarah-Jane Vincent, nouvelle collaboratrice, aborde la portée des mots dans les déclarations publiques en revenant sur le politiquement correct et le mouvement woke. Une réflexion sur le choix des mots qui résonne avec l’actualité.
P.56 - Emmy Lapointe ouvre sa section avec une entrevue en compagnie de Charlotte Biron, chargée de cours en littérature à l’Université Laval. La docteure en lettres revient sur son parcours universitaire de son entrée au Baccalauréat au dépôt de sa thèse.
P.66 - Marc-Antoine Auger actualise le contenu du film Network sorti en 1976. Les thématiques de l’importance des cotes d’écoute, le sensationnalisme des nouvelles et le culte du vedettariat semblent toujours des sujets d’actualité.
P.70 - Après l‘écoute de Sac d’os, adaptation cinématographique du roman éponyme de Stephen King, je critique le contenu et les constituants de cette mini-série de deux films.
P. 76 - Finalement, le magazine se conclut sur la section créations littéraires qui contient encore une fois plusieurs perles.
ULaval : un des meilleurs employeurs au pays
L’Université Laval se taille une place de choix dans le classement des meilleurs employeurs au Canada. En effet, elle se classe au 9e rang selon le nouveau classement établi par le magazine Forbes . Par ailleurs, l’établissement d’enseignement supérieur occupe la première position dans la région de Québec.
Retour progressif en classe
Le gouvernement du Québec annonçait un retour en classe progressif pour les étudiantes et étudiants inscrits aux études supérieures, le 2 février dernier. Quelques jours plus tard, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, faisait part des nouvelles mesures.
Désormais, les cégeps et les universités sont autorisés à offrir des activités en présentiel tout en respectant les mesures sanitaires en vigueur. Ces ajustements ont pour objectif de briser l’isolement et permettre aux étudiant.e.s de poursuivre ou terminer leurs études dans de meilleures conditions.
Antony Auclair : champion du Super Bowl LV
L’ancien porte-couleur du Rouge et Or, Antony Auclair, a remporté le Super Bowl LV avec les Buccaneers de Tampa Bay, le 7 février dernier.
L’ailier rapproché a vu son équipe dominer les Chiefs de Kansas City en route vers une victoire décisive de 31-9. Antony entre dans l’histoire, alors qu’il s’inscrit dans la liste des rares joueurs québécois à mettre la main sur le Trophée Vince Lombardi et à obtenir sa bague de champion.
Félicitations à Antony Auclair et l’équipe des Buccaneers de Tampa Bay!
Peu d’étudiant.es répondent à l’appel de Legault
Le programme de bourses, mis sur pied par le gouvernement du Québec en janvier dernier, n’a pas la cote auprès des étudiants et étudiantes en sciences infirmières à l’Université Laval. Cet incitatif a pour objectif d’inciter les étudiantes et étudiants à mettre leurs études sur pause pour venir prêter main forte au système de santé. À l’UL, seulement 93 inscriptions ont été effectuées parmi les centaines d’étudiantes et étudiants inscrits au baccalauréat en sciences infirmières. Rappelons que le programme prévoit une bourse de 13 500 $ pour une personne inscrite à temps plein et 6 750 $ pour une personne inscrite à temps partiel.
Un campus nordique à l’UL
Le campus de l’Université Laval (UL) s’est transformé en campus nordique au cours du dernier mois. Un anneau de glace sur le terrain du stade TELUS, des pistes de ski de fond et des sentiers de randonnée ont été aménagés directement sur le campus. Cette initiative a pour but de briser l’isolement des membres de la communauté universitaire en lien avec la COVID-19.
Photo par ULaval
Dossier
Lingua Franca
« Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. » Voici le conseil que donne le renard au Petit Prince quand le second demande au premier ce qu’il faut faire pour apprivoiser. Ce cher renard avait bien raison; et pourtant, cette source de malentendus qu’est le langage demeure notre seul moyen d’essayer de s’entendre.
Par Mikaël Grenier, journaliste collaborateur
Le vrai langage de l’âme : la pensée
On dit que la traduction trahit la pensée d’un auteur. Rien n’est plus vrai. Or, les êtres d’émotions que sont les humains pensent en sentiments, en couleurs, en images, en musique… La pensée est à la fois le sourire et les larmes de l’âme humaine. Et pour être projetée vers le monde extérieur, elle ne dispose que d’un moyen : le langage. Mais le langage est traduction de notre pensée, il la trahit donc inévitablement.
Lingua franca
Une lingua franca est une expression désignant la langue véhiculaire sur laquelle s’entend, à une époque donnée, la majorité pour communiquer. On pourrait dire qu’aux XXe et XXIe siècles, l’anglais fait office de lingua franca. À une autre époque, ce fut le latin. Or, la particularité d’une lingua franca est qu’en général, elle n’est la langue maternelle d’à peu près personne. Ainsi en est-il du langage à l’échelle des âmes humaines : il est notre lingua
franca . L’utiliser est le compromis qu’on doit accepter pour communiquer avec nos semblables. Mais il n’est pas notre langue maternelle, et on n’est pleinement à l’aise que dans sa langue maternelle.
Ruissellement sémantique
Les mots, au fil des époques, changent peu à peu de sens. Cela constitue un obstacle majeur à la communication intergénérationnelle, puisque les mots peuvent être compris de plusieurs manières. Souvent, on observe une déviation du mot par rapport à son sens initial ou étymologique. Par exemple, le mot « entendre » signifie de nos jours percevoir un son. Or, ce mot vient du latin intendere, qui signifie tendre vers. Le sens du mot « entendre» a donc anciennement plutôt voulu dire «comprendre». D’ailleurs, pour signifier à son interlocuteur qu’on est d’accord, qu’on se comprend, on dira souvent « on s’entend » – rien à voir avec la perception d’un son. Autrefois, on utilisait plutôt, le verbe « ouïr », dont l’existence
subsiste dans des expressions telles que « ouï-dire» et « Oyez! Oyez! ». On constate d’ailleurs sur ce point que la langue française s’est éloignée de sa cousine espagnole : les hispanophones utilisent le verbe entender dans le sens de « comprendre » et le verbe oïr pour dire « entendre ».
Il n’y a qu’une langue qui puisse véritablement communiquer ce que l’on porte en soi : celle du cœur, de l’intuition et de l’authenticité. Difficile d’exceller dans l’art de bien communiquer.
L’envie est forte de se connecter à l’Autre par les mots, mais n’oublions pas ces sages paroles d’Ernest Hemingway : « Il faut deux ans pour apprendre à parler et soixante ans pour apprendre à se taire. »
Lettre aux Z
Je suis née en 97. Sur certains sites, on me dit que je suis une millenial, sur d’autres que je suis une Z. J’ai décidé de me fier au Urban Dictionary qui me désigne comme une zillenial. Les zillenials, on serait né entre 93 et 98. On est comme une génération de l’entre-deux, ni vraiment l’une, ni vraiment l’autre. On avait Facebook au secondaire, mais pas avant. On a eu un Game Boy Advance, on est des enfants de la réforme scolaire. On existait pendant la guerre de Bosnie et l’effondrement des tours jumelles, mais tout ça c’est flou, pogné dans un nuage de poussière grise.
Par Emmy Lapointe, cheffe de pupitre aux arts
Si c’est ça avoir 20 ans, j’aime mieux être un enfant
Le jour de mes 20 ans, j’ai pleuré. J’ai pleuré aussi quand j’ai eu 21, 22, 23 ans. Je sais que je vais pleurer à tous mes anniversaires. J’haïs ça vieillir, j’ai le syndrome de Peter Pan. C’est pour ça que je ne veux pas lâcher ma job d’été, c’est pour ça que je reste à l’école, c’est pour ça que je suis sur TikTok et que j’écoute du rap français. J’essaie de comprendre des codes qui m’échappent, parce qu’à 23 ans, j’ai déjà l’impression que tout ça me glisse entre les mains.
Je ne voulais pas installer TikTok au début. J’étais bornée. Je n’avais plus Snapchat depuis quelques années, il me restait seulement Facebook pour le travail et Instagram pour le reste. Mais la promesse de vidéos de chats déguisés et de blagues cyniques m’a convaincue. Ça doit faire un an que je l’ai téléchargé. Je ne comprends toujours pas tous les algorithmes qui forment ma For You Page, mais je sais que ma place sur ce réseau-là, c’est de me taire et d’écouter (ou de regarder).
Le bonheur entre mes mains, comme la porcelaine se casse
Je m’excuse d’avance pour toutes les généralisations que je vais faire, je ne veux vraiment pas vous désindividualiser, mais je sais que vous ne m’en voudrez pas, parce que contrairement à ce que certain.es croient, vous n’êtes pas individualistes, pas au sens où ils l’entendent en tout cas.
Parce que je pense que c’est ça que j’aime le plus chez vous, c’est l’équilibre que vous avez réussi à atteindre entre le « je» et le « nous ». Vous arrivez à exister ensemble, mais en respectant vos individualités.
Je vous aime aussi parce que je vous trouve drôle en criss. Vous êtes tellement brillant.es. Vous avez compris une game dont les règles sont complètement insensées et vous les détournez comme vous le pouvez en attendant de pouvoir les changer pour de bon.
Vous êtes bienveillant.es. Vous êtes lucides. Vous êtes la seule génération incapable de demander un extra mayo au resto, mais capable de fronter un.e policier.ère problématique. Vous comprenez qu’un non, c’est un non; vous comprenez qu’un oui peut parfois vouloir dire non. Vous questionnez les codes qu’on vous a pitchés dans la face.
Photo par Todd Trapani
C’est parce que je suis trop maladroit ou c’est la vie qui m’aime plus ? Il n’y a peut-être que trois ou quatre ans qui me séparent de plusieurs d’entre vous. Je sais qu’on bond sur plein de points, qu’on se comprend pas mal, qu’on a peur de trucs semblables, mais j’ai quand même envie de m’excuser un peu.
Je le sais que si vous êtes aussi drôles sur TikTok, c’est que vous avez la fucking chienne. C’est connu, vaut mieux en rire que de se mettre en-dessous d’un bus. Je sais qu’on vous reproche d’être cyniques, d’être blasé.es, mais je sais aussi qu’on ne se demande pas assez pourquoi. Et qu’on se comprenne bien, je ne vous trouve pas plus blasé.es ou cyniques que n’importe qui, mais vous auriez le droit en criss de l’être, parce que le monde qu’on s’apprête à vous laisser, s’il ne vous avait pas, il aurait encore plus une sale gueule.
Quand vous me faites rire sur TikTok, je me demande souvent si quelques minutes après avoir filmé ça, vous n’avez pas break down sur votre lit. Je sais que vous êtes beaucoup à être anxieux.ses, à en être vraiment malade. Je m’excuse que vos cris ne soient pas entendus ou qu’on monte le son de nos voix trop fort pour ne pas qu’ils le soient.
Je suis désolée de la planète dégueulasse qu’on vous laisse. Je suis désolée que vous ayez peur d’avoir des kids. Je suis désolée que vous ayez peur de marcher le soir, seul.es. Je suis désolée que plusieurs parmi vous ne se reconnaissent pas encore dans nos médias. Je suis désolée pour tout ça, et j’ai hâte que vous deveniez encore plus grand.es. J’ai hâte qu’on vous laisse votre juste place, qu’on arrête de vous dire que vous ne comprenez pas, que la vie, ce n’est pas aussi simple que ça.
Je vous aime. Prenez soin de vous.
Emmy
Photo par Olivier Bergeron
Quelques mots des Z
1. Tu penses que c’est quoi la plus grande force de votre génération ?
« L’ouverture d’esprit et l’acceptation » –Jasmina
« C’est qu’on s’intéresse à notre politique, on est capable de s’exprimer et d’avoir un raisonnement logique, puis qu’on veut se révolter et changer les choses. » –Philippe
« L'ouverture d'esprit. Nous avons accès à un grand nombre de plateformes qui nous permettent de nous renseigner, nous éduquer, et surtout de nous exprimer sur plusieurs sujets et débats qui nous tiennent à cœur. C'est plus facile de sortir de notre bulle familiale, culturelle et sociale et de prendre conscience des diverses réalités qui nous entourent et des problèmes qui ne nous touchent pas directement. » –Félicia
« C’est notre sens de la justice, je pense, l’envie de faire entendre tout le monde. » –Carlos
« Je crois que la plus grande force de notre génération c’est notre aptitude à s’adapter aux différents changements. Je crois que notre génération est vraiment ouverte à l’évolution des choses et qu’elle est prête à mettre en œuvre tous les moyens pour bien faire avancer les choses. » –Rose
« La volonté de changement. Je pense que plusieurs enjeux de société sont en train de ressortir de plus en plus et on peut voir que la majorité des jeunes veulent l’amélioration de notre qualité de vie et de celles des autres. Nous sommes à la recherche de justice et d’égalité, ce qui est certainement une de nos forces. » –Aurélie
2. C’est quoi, selon toi, le plus gros défi pour vous dans les prochaines années?
« Réussir à se déconnecter des réseaux sociaux autant pour l’image de soi que pour pouvoir profiter de ce qu’il y a de réel. » –Jasmina
« C’est la santé mentale. Le nombre de personnes de mon âge qui mettent des trucs inquiétants dans leurs storys, ça fait peur. » –Philippe
« La santé mentale va vraiment mal. Avec mes ami.es, on parle de suicide et de médicaments comme on parle de tramway ou du Canadien de Montréal. » –Marie-Ange
« L’environnement et la santé mentale, et l’éducation, ça, c’est certain. C’est trois domaines qui ont été laissés pour compte depuis longtemps. » –Carlos
« Payer pour ce que les gens avant nous ont fait. Ce n’est pas nécessairement de l’argent dont je parle, mais simplement du fait [que] les gens avant nous vivaient en se foutant un peu de ce qui allait arriver plus tard, puisqu’ils allaient être morts. Donc en gros, c’est à nous de subir ce qui a été fait et d’essayer de l’arranger. » –Rose
« Je ne pourrais pas dire le plus gros, puisqu’à mon avis, il y en a beaucoup trop! Par contre, si je pense à la situation actuelle en lien avec le futur, je pense à l’argent. Le gouvernement nous a prouvé qu’il priorise l’économie par rapport à l’aspect social. Ce sera à revoir assurément. » –Aurélie
3. As-tu peur pour l’avenir?
« J’ai peur pour l’avenir, mais surtout, parce qu’on vit dans un monde tellement bizarre voire dangereux, et encore beaucoup trop discriminatoire. » –Jasmina
« L’avenir, c’est toi qui le construis d’habitude, mais aujourd’hui, j’ai vraiment peur de ne pas réussir dans le futur, comme plusieurs en fait. » –Philippe
« Pour vrai, j’ai peur. Quand j’étais jeune, je voulais quatre ou cinq enfants, maintenant, je ne sais même plus si j’en veux, ou si j’en ai, j’en adopterai, mais j’ai pas envie de mettre au monde personne.» –Marie-Ange
« J’essaie d’avoir confiance. J’ai peur évidemment, parce que je suis lucide, mais je pense qu’avec la solidarité et la créativité, on peut faire pas mal de choses. » –Carlos
« J’ai plusieurs raisons d’avoir peur ou de craindre le futur. Les changements climatiques, l’extinction
d’espèces animales, la guerre, la place du Québec à l’international et dans un futur rapproché, la pandémie. J’ai peur pour mes grands-parents, j’ai peur qu’on nous dise que tout est beau dans quelques mois et que des membres de ma famille contractent la COVID-19. On en entend des histoires de gens qui en meurent dans la quarantaine, ça c’est ce qui m’effraie le plus à court terme. » –Philémon
« Honnêtement, oui. J’ai peur de plusieurs choses dans l’avenir, que ce soit pour ma génération et les suivantes. L’avancée technologique m’inquiète dans certains domaines. La technologie est partout et je crois qu’il y a des sphères dans lesquelles elle ne devrait pas prendre autant de place, par exemple en éducation. Étant une future enseignante, je crois que les contacts humains sont beaucoup plus bénéfiques et propices à des apprentissages efficaces. L’école doit permettre aux élèves d’apprendre tout en décrochant de la télévision, du cellulaire ou de la tablette qui sont parfois trop accessibles à la maison. » –Aurélie
4. Te sens-tu écouté.e en général par les autorités (gouvernement, institutions scolaires, etc.)?
« Honnêtement, je ne pense pas me sentir écoutée par les autorités. Je ne sais pas si c’est parce que tous les critères sont contre moi pour que je sois désavantagée socialement parlant, mais que je pense que malheureusement, on n’a pas assez de pouvoir. » –Jasmina
« Ils nous entendent, mais ils nous lâchent des skips phénoménaux. » –Philippe
« L'ouverture d'esprit, nous avons accès à un grand nombre de plateformes qui nous permettent de nous renseigner, nous éduquer, et surtout de s'exprimer sur plusieurs sujets et débats qui nous tiennent à coeur. C'est plus facile de sortir de notre bulle familiale, culturelle et sociale et de prendre conscience des diverses réalités qui nous entoure et des problèmes qui ne nous touche pas directement. » –Félicia
« Elles sont parfois fermées d’esprit sur les « nouvelles idées » et restent souvent « stické » sur les idées de base, parce que « cela fonctionne tellement bien » et « les jeunes vous êtes trop jeunes pour comprendre ». » –Rose
Quel est votre type de résolution de conflits ?
Ah... le conflit, il peut survenir partout : au travail, dans la dynamique familiale, à l’école, à l’intérieur de soi-même, etc. Lorsque deux parties se contredisent, plusieurs réactions s’enchevêtrent vers la résolution ou un agrandissement du conflit. Connaître notre méthode de résolution peut aider à éviter cet incontournable des relations interpersonnelles et à comprendre la réaction de l’autre. Cet article présente les cinq types de résolutions de conflits selon la méthode de Thomas Kilmann.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
« La façon de percevoir les conflits aura un impact sur notre attitude face à leur résolution. Une vision plus traditionnelle percevra le conflit négativement, l’associant à : colère, désastre, peine, peur, chicane, coups, etc. Tandis qu’une vision plus contemporaine le percevra comme : renforçant, aidant, stimulant, éclairant, enrichissant, faisant progresser, etc. » – Josée Latendresse, dans sa capsule Faire face aux conflits
Chacune des cinq attitudes présente des avantages et des désavantages selon le type de conflits à résoudre. Cependant, vous serez toujours plus porté à adopter une technique en particulier (votre type dominant). La compréhension de votre type dominant permet d’adapter vos comportements en conséquence selon la situation.
La tortue (tendance à éviter) « Je perds/tu perds »
Les Tortues se retirent sous leur carapace pour éviter les conflits. Elles renoncent à leurs intérêts personnels et à leurs rapports avec les autres. Elles
évitent autant les sujets de litige que les personnes avec qui elles sont en désaccord. Les Tortues n’ont aucun espoir de résoudre les conflits. Elles se sentent démunies. Elles croient qu’il est plus facile de se retirer (physiquement et psychologiquement) d’un conflit que d’y faire face.
Dans la gestion de conflits, la tortue utilise l’évitement. Cette technique est efficace pour éviter des confrontations inutiles. Par exemple, dans ces types de situations :
- Quand une question a peu d’importance ou qu’il en existe de plus urgentes;
- Quand vous ne percevez aucune chance de réussite;
- Quand une rupture potentielle est plus sérieuse que les bénéfices d’une solution;
- Pour laisser les gens se calmer et retrouver un sens de la perspective;
- Quand il est plus important de recueillir de l’information que de prendre une décision immédiate;
- Quand un problème semble tangent à d’autres ou en être le symptôme.
Photo par Randall Ruiz
Le Requin (tendance à rivaliser)
« Je gagne/tu perds »
Les Requins essaient de dominer leurs adversaires en les forçant à accepter leur solution au conflit. Leurs intérêts sont extrêmement importants pour les Requins et leurs rapports avec les autres le sont peu. Ils cherchent à atteindre leurs objectifs à n’importe quel prix. Ils ne s’intéressent pas aux besoins des autres personnes. Ils ne se soucient pas que les autres les aiment ou les acceptent. Les Requins considèrent que les conflits se règlent par la victoire d’une personne sur les autres. Ils veulent être les vainqueurs. Gagner leur donne un sentiment de fierté et d’accomplissement. Perdre leur donne un sentiment de faiblesse, d’échec et de médiocrité. Ils essaient de gagner en attaquant les autres personnes, en les dominant, en les écrasant et en les intimidant.
Dans la gestion de conflits, le requin utilise la compétition et l’affrontement. Cette technique est positive lorsqu’un conflit doit être réglé fermement et rapidement. Par exemple, dans ces types de situations :
- Quand on a absolument besoin d’une action rapide et décisive, comme en cas d’urgence;
- À propos de problèmes importants, quand il faut prendre des mesures impopulaires telles que des mesures de discipline;
- À propos de questions cruciales pour le bien de l’organisation, quand vous savez que vous avez raison;
- Contre les gens qui tirent avantage d’un comportement non compétitif.
Le Nounours (tendance à céder)
« Je perds/tu gagnes »
Pour les Nounours, les rapports avec autrui ont beaucoup d’importance, alors que leurs propres intérêts en ont peu. Les Nounours désirent qu’on les accepte et qu’on les aime. Ils croient qu’il faut
éviter les conflits pour préserver l’harmonie et qu’il est impossible d’en discuter sans porter atteinte aux bonnes relations. Ils ont peur que, si un conflit persiste, quelqu’un se sente blessé et que les rapports personnels soient compromis. Ils abandonnent leurs intérêts pour protéger les rapports. Les Nounours disent : « J’abandonne mes intérêts et je vous permets d’avoir ce que vous voulez, pourvu que vous m’aimiez ».
Dans la gestion de conflits, le Nounours utilise la concession. Cette technique est positive lorsque le conflit a plus d’importance pour l’autre que pour soi. Par exemple, dans ces types de situations :
- Quand vous constatez que vous avez tort;
- Quand les questions sont plus importantes pour les autres que pour vous-même;
- Pour produire et accumuler des crédits d’ordre social en prévision du prochain problème;
- Pour minimiser l’échec lorsque vos adversaires sont plus forts que vous et que vous êtes en train de perdre;
- Quand l’harmonie et la stabilité ont une importance particulière;
- Pour permettre à vos subordonnés de s’améliorer en apprenant à partir d’erreurs.
Le Renard (recherche le compromis) « Je gagne un peu/tu gagnes un peu »
Les Renards s’intéressent modérément à leurs propres intérêts et à leurs rapports avec les autres. Les Renards cherchent un compromis. Ils laissent tomber une partie de leurs intérêts et persuadent l’autre personne avec qui ils sont en conflit d’abandonner une partie des siens. Ils cherchent une solution où chaque partie a quelque chose à gagner, ils veulent un compromis qui se situe entre les deux extrêmes. Ils cherchent un accord en vue du bien des deux, quitte à sacrifier une partie de leurs objectifs et de leurs rapports personnels.
Dans la gestion de conflits, le Renard utilise le
compromis. Cette technique est positive lorsque le conflit ne demande pas de s’affirmer. Par exemple, dans ces types de situations :
-Quand les buts sont importants, mais ne valent pas l’effort nécessaire ou la rupture possible si l’on s’affirmait davantage;
- Quand des adversaires dotés d’un pouvoir égal sont décidés à atteindre des buts qui s’excluent mutuellement;
- Pour résoudre de façon temporaire des questions complexes;
-Pour arriver à des solutions commodes quand le temps presse;
-Comme dernière ressource si la collaboration ou la compétition ne réussit pas.
La Chouette (tendance à collaborer) « Je gagne/tu gagnes »
Pour les Chouettes, les intérêts et les rapports ont beaucoup de valeur. Elles considèrent les conflits comme des problèmes qu’il faut résoudre et recherchent une solution qui leur permette, autant qu’à l’autre personne, d’en sortir gagnant. Les Chouettes considèrent les conflits comme une occasion d’améliorer les rapports en réduisant les tensions entre deux personnes. Elles essaient d’entamer une discussion en présentant le conflit comme un problème. En cherchant des solutions qui satisferont les deux parties, les Chouettes conservent de bonnes relations interpersonnelles. Elles ne seront satisfaites que lorsqu’elles auront trouvé une solution qui permette à chacun.e d’atteindre des intérêts communs, que les tensions et les sentiments négatifs se seront complètement dissipés.
Dans la gestion de conflits, la chouette utilise la collaboration. Cette technique est positive lorsqu’il y a beaucoup de temps disponible pour trouver une solution qui plaise aux deux parties. Par exemple, dans ces types de situations :
- Trouver une solution rassembleuse quand les deux ensembles de principes sont trop importants pour se prêter à des compromis;
- Quand l’objectif est d’apprendre;
- Pour faire converger les idées de gens qui ont des perspectives différentes;
- Pour obtenir l’engagement des autres en intégrant leurs problèmes dans un accord;
- Pour travailler sur les sentiments qui ont causé des problèmes dans une relation.
« Face aux conflits, certains auront tendance à les éviter, tandis que d’autres rivaliseront jusqu’à ce qu’ils atteignent leurs objectifs, ou encore, jusqu’à ce qu’ils arrivent à céder, à collaborer ou à rechercher les compromis. Dans une gestion de conflit, deux facteurs viendront influencer notre façon de faire face aux conflits : notre motivation à rencontrer nos propres intérêts et notre motivation à coopérer avec l’autre personne. » – Josée Latendresse, dans sa capsule Faire face aux conflits
Comment éviter un conflit?
Avant d’entrer en conflit, quelques techniques permettent d’esquiver des situations conflictuelles dès le départ. Selon Josée Latendresse, il y a six clés qui aident à éloigner les prises de bec. Prévenir, c’est mieux que guérir!
Premièrement, la franchise permet d’établir clairement les attentes et les besoins pour éviter les ambiguïtés et les incompréhensions. Ainsi, le développement communautaire ou de groupe se fera avec plus de cohésion. Il suffit d’anticiper les informations qui pourraient être affectées et créer un conflit.
Deuxièmement, l’évaluation de la situation permet d’éviter des confusions et les rapports de pouvoir existants en tenant compte des enjeux.
Photos par Vidar Nordli
Comprendre les éléments structurels de l’organisation permet d’identifier des actions à prendre pour en minimiser les effets.
Troisièmement, par l’élaboration d’une relation de confiance entre les différents acteurs, le travail se fait dans un cadre de confiance, ce qui aide à la promotion d’une communication bidirectionnelle.
Ensuite, l’établissement d’une communication ouverte par le dialogue dans une visée informative permet d’assurer un suivi de l’information sur ce qui se passe et des raisons qui motivent le changement nécessaire, afin d’éviter des frustrations chez ceux qui y résistent.
Puis, la valorisation de la mission, des objectifs et de la vision rassemble les acteurs autour d’un but commun, d’une ligne directrice.
Finalement, l’encouragement des acteurs.trices potentiellement affecté.es par les changements permet de les inviter à participer activement aux projets.
Lorsque le conflit est inévitable : la négociation
«Plusieurs méthodes existent pour gérer les conflits. Toutefois, celle qui semble offrir le plus de satisfaction est la négociation. Cette approche vise à susciter des débats sains et créatifs. De plus, elle propose de canaliser l’énergie contenue dans les conflits de façon positive. C’est un outil qui, lorsqu’il est appliqué avec succès, est également exportable aux différentes sphères de notre vie. » – Josée Latendresse
Pour mener une négociation efficace, certains éléments facilitent le processus de l’exposition de la situation à la recherche de solutions. Josée Latendresse présente les septs facilitateurs :
1. Garder les oreilles bien ouvertes : si vous écoutez bien, votre vis-à-vis vous communiquera ses points sensibles, ses intérêts et vous serez en mesure de mieux vous engager dans des solutions satisfaisantes pour les deux parties.
2. Ne pas attaquer l’autre partie : si vous êtes hostiles dans vos échanges, l’autre partie deviendra un adversaire. Il sera alors difficile de vous engager vers des intérêts communs et des solutions mutuellement acceptables.
3. Ventiler vos émotions d’abord : si les émotions sont fortes, elles doivent revenir à la normale avant d’aborder la résolution de conflits.
Les gens sont rarement prêts à bouger vers des solutions avant que la voie des émotions soit plus libre.
4. Clarifier les petits détails : lorsque l’harmonie est établie, les gens arrêtent souvent le processus de résolution de conflit. Toutefois, il n’est pas terminé. Il importe de clarifier les petits détails et comment la solution choisie se traduira au quotidien.
5. Penser à l’après-négociation : rappelez-vous que le monde est petit et que vous demeurerez en contact avec l’autre partie. Utilisez cette réflexion comme motivation supplémentaire pour négocier dans une saine perspective.
6. Communiquer efficacement : ne cherchez pas à interpréter mais plutôt à comprendre; ne jugez pas, restez concentré sur les objectifs communs; demeurez objectif, ne réagissez pas exagérément; ne vous perdez pas dans les détails; restez ouvert à toutes les idées émises; demeurez curieux envers l’autre.
7. Faire attention à ses perceptions : les perceptions viennent modifier la réalité et peuvent avoir un impact sur la négociation. Prenez le temps de discerner ce qui relève d’elles.
Photo par Lubo Minar
Traduire : entre reproduction et recomposition
La traductologie, en tant qu’étude de la traduction, a été traversée par plusieurs courants de pensées depuis sa naissance dans les années 50. Ce champ d’étude est enrichi de plusieurs théories interreliées traitant de nombreuses problématiques, qu’elles soient d’ordre pratique ou éthique. De linguistique à neuropsychologie en passant par la philosophie et la sociologie, la traduction est un domaine interdisciplinaire où il n’existe aucun consensus sur le protocole et donc où l’on doit exercer son jugement.
Par
Jessica Dufour, journaliste multimédia
Rôle et enjeux
Dans un pays officiellement bilingue comme le Canada, traduire devient crucial au bon fonctionnement étatique et sociétal. Et dans un contexte de mondialisation, l’information et les idées circulent autant que les produits commerciaux. Comment alors saisir et transmettre la richesse des différences culturelles d’une langue à l’autre, d’un texte à l’autre, sachant que des jeux de pouvoir continuent de s’exercer?
L’approche décoloniale gagne de plus en plus de terrain, appelant au pluralisme, qui « suppose que les récits collectifs puissent ne pas se limiter à une histoire nationale capturée par une majorité […] mais plutôt qu’[ils] se démultiplient en considérant la pluralité réelle du tissu social et culturel », d’après Francine Saillant dans Pluralité et vivre ensemble : paradoxes et possibilités. La traduction joue alors un rôle dans la circulation des idées et la représentation de la diversité culturelle.
Selon le type de traduction, les traducteur.rices peuvent avoir une plus ou moins grande responsabilité et une plus ou moins grande latitude, la traduction littéraire et la traduction
technique étant les deux extrêmes. L’intention et la démarche sont en effet très différentes si l’on tente de traduire un poème ou un manuel d’instructions. L’impact d’une mauvaise traduction n’est pas non plus le même. C’est probablement pour cette raison qu’on opte pour des pictogrammes dans le guide de sécurité destiné aux passager.ères à bord des avions.
À chaque texte son protocole
Il existe autant de façons de traduire qu’il existe de traducteur. rices, de la même façon que chaque auteur.e produit un texte unique. La définition d’une bonne traduction semble alors plutôt élastique. Doit-elle rester fidèle en tous points au texte d’origine jusqu’à en reproduire les erreurs et les maladresses ou doit-elle plutôt produire le meilleur texte possible quoi qu’il en coûte? En d’autres mots, sert-elle l’auteur, son propos ou encore le public?
La traduction peut aussi varier selon qui donne le mandat. L’approche fonctionnaliste privilégie l’utilité du texte. Une visée informative ne produira pas le même effet qu’une visée argumentative ou encore narrative. Le ton, le style, le niveau de langue, la structure voire l’intention de l’auteur.e doivent
Photo par Wilhelm Gunkel
ainsi être analysés par les traducteur.rices. Plus important encore, le propos doit être compris. Le traducteur est donc un lecteur d’abord et avant tout. Il doit comprendre et interpréter le texte avant de le transposer dans une autre langue.
Mais tous les mots et toutes les phrases ne se traduisent pas littéralement, ils n’ont pas tous des équivalents. Les traducteur. rices doivent alors reformuler en restant le plus fidèle possible au sens initial et à ses nuances. La langue de départ pourrait très bien être non genrée par exemple. Le passage du texte au français poserait alors un défi de taille dans un texte littéraire. Doit-on préserver cette ambiguïté ou pas? Est-elle nécessaire à la compréhension du texte? L’aspect socioculturel du texte est également à considérer. On ne traduit pas un auteur africain de la même façon qu’une autrice norvégienne. Il et elle évoluent dans des réalités fort différentes, chacun.e avec son propre système linguistique.
La traduction s’avère donc être un processus d’analyse et de résolution de problème. Elle nécessite non seulement la maîtrise de deux langues, mais aussi une connaissance approfondie des règles qui les régissent, un bagage de connaissances suffisantes dans le domaine d’exercice, ainsi qu’une compréhension de l’environnement dans lequel elle évolue, parce qu’une langue vivante est une langue mouvante.
L’intervention de la machine
Outre les dictionnaires et les banques de dépannage linguistiques, il existe plusieurs logiciels et ressources pour aider les traducteur.rices dans l’exécution de leurs tâches. La traduction assistée par ordinateur vise à automatiser une partie du travail afin d’en améliorer la rapidité et l’efficacité, de la recherche d’équivalence au repérage de vocabulaire en passant par la juxtaposition du texte d’origine à celui d’arrivée dans un but de comparaison. Des bases de données qui compilent des milliers de textes dans des langues différentes peuvent être consultées afin de voir ce qui a déjà été fait.
Quant à savoir si la machine peut-être remplacer le cerveau humain, un simple test sur Reverso ou Google translate prouve immédiatement que non. Même si les logiciels sont de plus en plus poussés, ils demeurent incapables de saisir toutes les subtilités d’un texte. La polysémie d’un mot, le contexte, le
ton ou le deuxième degré ne sont que quelques exemples de ce qui leur échappe. Même s’ils permettent de grossièrement saisir le sens d’une phrase, encore trop d’erreurs se glissent dans leurs traductions pour pouvoir s’y fier entièrement.
Formation
Certaines universités proposent le certificat aux gens qui aimeraient apprendre à traduire. Le département des langues, lettres et communication de l’Université Laval, quant à lui, offre un baccalauréat, une maîtrise et un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS), dont la formule est similaire à celle du certificat mais au deuxième cycle. Le baccalauréat et la maîtrise diffèrent en leur façon d’aborder la traduction. Au bac, on semble davantage se situer dans l’aspect pratique alors qu’à la maîtrise, on est appelé à réfléchir et à développer notre esprit critique tout en s’exerçant à traduire. Les aspects théoriques sont ainsi réservés au deuxième cycle. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait le baccalauréat en traduction pour accéder à la maîtrise, même que le parcours typique est plutôt inverse : avoir étudié dans un autre domaine avant de se spécialiser en traduction apporte des connaissances et des compétences complémentaires. Un.e avocat.e pourra ainsi se diriger en traduction juridique, un.e littéraire en traduction littéraire et un.e expert.e de la communication en traduction publicitaire ou journalistique.
Mais est-il nécessaire d’avoir étudié en traduction pour exercer?
Il apparaît plus facile d’intégrer l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) avec un diplôme. Il est toutefois possible de demander une équivalence de formation. L’OTTIAQ offre à ses futur.es membres un service de mentorat facultatif (gratuit pour les étudiant.es) mais impose sa Formation sur l’éthique, la déontologie et les normes de pratique professionnelle une fois que la personne est agréée. Ainsi, l’Ordre peut « [s’]assurer [de] la compétence et [du] professionnalisme de ses membres », dans une optique de « protection du public », selon sa description officielle.
Bien qu’il y ait un intérêt à l’intégrer, ne serait-ce que pour les opportunités de formations et de réseautage ou pour être au courant des offres d’emploi dans le domaine, ce n’est pas nécessaire pour qui veut traduire professionnellement.
Photo par Wilhelm Gunkel
Vision et expérience d’une traductrice professionnelle
Geneviève Dufour est travailleuse autonome en rédaction, révision et traduction. Elle a accepté de parler de son parcours et de son travail.
Impact Campus : Comment es-tu entrée dans le milieu de la traduction professionnelle?
Geneviève Dufour : Je suis entrée dans le milieu un peu par la bande, sans suivre le parcours traditionnel des traducteur•rices. J’avais déjà une excellente maitrise du français et de l’anglais et j’ai eu la chance d’avoir un mentor qui m’a tout appris des rudiments de la traduction professionnelle. Au début, il m’envoyait quelques-uns de ses contrats pour que je me pratique, puis il prenait le temps de me faire des commentaires et des suggestions pour m’améliorer. Après quelques mois, j’ai commencé à envoyer ma candidature dans des cabinets professionnels, en m’engageant une réviseure qui allait veiller à ce que mes premiers textes soient impeccables. À force de pratiquer, j’ai pu comprendre les subtilités de la terminologie ou encore du jargon gouvernemental.
IC : Quelles sont tes langues de travail et quel type de textes traduis-tu?
GD : Je traduis principalement de l’anglais au français. Il m’arrive de traduire du français à l’anglais, mais seulement pour des textes faciles, par exemple des sites Web d’hôtels, qui sont sensiblement toujours pareils. Dès que j’entre dans des termes plus techniques, je ne peux pas faire du français à l’anglais. Je traduis principalement des textes d’entreprise, souvent des communications internes. Sinon, je traduis des sites Web sur des sujets très divers.
IC : Quelles sont les problématiques que tu rencontres et comment arrives-tu à les résoudre?
GD : Le plus difficile est de saisir la terminologie du domaine avec lequel je travaille. Tous les domaines ont leur propre
jargon et une banque terminologique n’est pas toujours accessible. Je dois donc faire des recherches plus approfondies lorsque j’hésite entre deux termes semblables. Si mes recherches ne donnent rien, la meilleure façon de résoudre le problème est de discuter directement avec le client. Il arrive souvent à m’éclairer sur le sens du mot à traduire, ce qui m’aide à choisir le bon terme en bout de ligne.
Un autre problème est la différence d’opinion entre plusieurs professionnels. Je m’explique : la traduction reste une science subjective. Il n’y a pas toujours de réponses officielles et chacun a sa propre façon de traduire. Certaines personnes préfèrent des traductions plus littérales, alors que d’autres veulent que j’adapte réellement le texte en français. Il est parfois difficile de connaître les attentes du client, c’est pourquoi il faut absolument discuter avec lui avant de se lancer dans la traduction pour comprendre quel type de texte il recherche.
IC : Quelles sont les compétences et les aptitudes d’un.e bon. ne traducteur.rice?
GD : Il faut être un•e expert•e de la syntaxe. Il faut savoir jouer avec les phrases, les construire puis les déconstuire, dans le but d’arriver à la phrase parfaite qui non seulement est claire, mais qui intègre aussi tous les éléments de la phrase d’origine. C’est un art qui se pratique.
Il faut également être patient•e et comprendre que c’est l’expérience qui fait de nous un•e bon•ne traducteur•rice. Il est normal de faire des erreurs au début. À force de faire des erreurs, on ne les refait plus.
Finalement, la clé de la traduction est de comprendre ce que l’on traduit. Ça peut paraître banal et logique, mais il arrive que l’on soit confronté à des textes qui nous sortent vraiment de notre zone de confort ou de notre domaine de connaissances. C’est à ce moment qu’il faut poser des questions au client sur le sens des phrases d’origine pour s’assurer de bien comprendre ce que l’on traduit.
Photo par Zulmaury Saavedra
LA COMMUNICATION OU L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE DIGESTE
Dans l’objectif de faire la promotion de la recherche en milieu universitaire, l’AELIÉS tiendra la Journée de la recherche pour une troisième année consécutive. Cet événement portera sur la communication comme compétence incontournable pour la chercheuse.
Dans le cadre de cette activité, deux grands thèmes seront étudiés. D’une part, il sera question de la capacité pour les professionnelles de la recherche à communiquer avec leurs pairs. D’autre part, les participantes discuteront de l’aptitude des chercheuses à transmettre le fruit de leurs travaux au grand public. Pour le bien-fondé de ce texte, nous aborderons uniquement la vulgarisation scientifique.
Ce concept se définit comme le fait de «partager à un large public les nouvelles découvertes scientifiques et de favoriser chez ce dernier l’acquisition d’une certaine culture scientifique» (Université de Sherbrooke). Pour une chercheuse, la majorité de son travail réside dans la transmission de son savoir et de ses connaissances à un plus large auditoire.
Pour l’AELIÉS, il est crucial de maîtriser la vulgarisation scientifique, car elle représente un défi : celui de bien se faire comprendre chez les non-initiées. De plus, par ses travaux de recherche, le ou la chercheuse détient une responsabilité envers la société. En effet, il est de son devoir de servir le bien commun et d’agir dans son intérêt. De par son rôle privilégié, il ou elle agit à titre d’éclaireuse. La pandémie nous offre un bel exemple de cette responsabilité; qu’il s’agisse du débat sur le port du masque, de l’efficacité d’un vaccin ou tout simplement du virus lui-même, la contribution des scientifiques a permis au grand public de mieux se protéger. Dans l’espace médiatique, les chercheuses ont été sollicitées pour vulgariser le flot de renseignements et éviter la désinformation.
En somme, la communication scientifique est une compétence incontournable pour la chercheuse d’aujourd’hui. D’ailleurs, il existe plusieurs méthodes pour elles de l’apprivoiser. Par exemple, l’étudiante peut participer au concours Néo de la Chaire publique de l’AELIÉS. Ce concours vise à créer une capsule pour présenter son projet de recherche et ainsi démocratiser son expertise à un large public. Le 25 mars prochain, nous vous invitons à participer à la Journée de la recherche. Cet événement est ouvert à toutes les disciplines et vous donnera l’occasion de débattre de l’importance de cette compétence avec vos pairs.
(*) Note : Nous avons privilégié l’utilisation du féminin dans le but d’alléger la lecture du texte.
– LE COMITÉ EXÉCUTIF DE L’AELIÉS
Consultez notre site web au: www.aelies.ulaval.ca/
PÉNÉLOPE DAIGNAULT : HUMAINE
ET DÉVOUÉE
Elle dégage ce que je recherche principalement chez un.e professeur.e : la beauté intérieure, la simplicité, la gentillesse et l’écoute. Pénélope Daignault, la professeure titulaire et chercheuse en communication publique à l’Université Laval (UL) est l’une de ceux et celles qui peut marquer positivement le parcours universitaire d’un.e étudiant.e. J’en suis la preuve même, pour avoir eu le droit à son enseignement et son expertise dans deux de mes cours au baccalauréat. Voici un entretien avec cette femme qui veut laisser sa marque en transmettant avec passion ses connaissances à ses étudiant.e.s.
Par Andréi Audet, chef de pupitre société
À douze ans, lorsqu’on demandait à Pénélope ce qu’elle voulait pratiquer comme futur métier, elle répondait psychologue. Mais quelle est la raison qui l’a poussée à évoluer en tant que professeurechercheuse en communication : sa découverte d’aptitudes en recherche et son intérêt marqué pour la communication persuasive lors de son passage à l’université.
La communication en tant que professeurechercheuse
Si elle s’intéresse à la communication persuasive, c’est principalement car Pénélope aime creuser et comprendre ce qui découle chez les destinataires de messages communicationnels de persuasion auxquels ils sont exposés. Pensons à une publicité de la Société d’assurance automobile du Québec qui rappelle les conséquences de conduire en état d’ébriété.
« Comprendre comment les gens lorsque nous les mettons dans des contextes sociaux ou environnementaux particuliers, qu’est-ce qui fait en sorte qu’ils agissent d’une telle manière. Mes premiers projets de recherche tournaient beaucoup autour de l’appel à la peur en publicité sociale pour convaincre. »
Bien que la recherche soit beaucoup valorisée lorsqu’une personne fait carrière en tant que
professeur.e à l’université, Pénélope a un penchant plus prononcé pour le partage de savoirs aux futurs professionnel.le.s de la communication.
« Je fais de la recherche et de l’enseignement. Par contre, mon intérêt est vraiment dans l’enseignement. Ce qui est beaucoup valorisé, c’est la recherche et c’est comme si l’enseignement est considéré comme étant secondaire chez certains professeurs. Il y a vraiment un déséquilibre d’un prof à l’autre, ce n’est pas tout le monde qui va consacrer le même temps à la recherche et à l’enseignement. Une grosse partie de la job de prof est consacrée à faire des demandes de subvention, avec les fonds, faire de la recherche et avec la recherche publier les résultats en communication. Je veux être de celles et ceux qui mettent la priorité sur cette transmission de savoirs.»
La professeure-chercheuse est reconnaissante de la flexibilité qu’elle a dans les différents projets de recherche qu’elle mène.
« La beauté de mon métier est toute la liberté que j’ai. La liberté de choisir ce sur quoi on veut faire de la recherche, de définir un peu nos contenus et méthodes pédagogiques. Si je suis tannée d’un sujet de recherche, j’ai seulement qu’à en trouver un autre.»
Pénélope tente au quotidien de bien balancer les différents aspects de sa vie, et elle semble y arriver
Tableau par Ozzie Stern
plutôt bien, car quelques-unes de ses étudiant.es à la maîtrise l’ont déjà remerciée de promouvoir un mode de vie équilibré, à l’ère où tout va tellement vite.
« Une chose dont je suis fière, c’est ma valeur de l’équilibre. L’équilibre dans les différents aspects de ma vie. Malgré la pression qu’il y a de publier, d’être prolifique, je ne choisis pas cela. Je ne travaille pas soixante heures par semaine. Je veux avoir le temps de faire du sport, de jouer de la musique, de prendre soin de ma famille, au détriment d’une feuille de route plus impressionnante que d’autres. Je veux conserver cela. »
Sa contribution aux changements climatiques
S’il y a un projet de recherche dont elle est particulièrement fière, c’est celui qui se penche sur les effets des messages persuasifs concernant l’action climatique sur la population.
« J’ai eu l’opportunité d’étudier la communication des changements climatiques. C’est un projet dont je suis très fière et que je co-porte avec une amie chercheuse, Valériane Champagne St-Arnaud. Ça me tient à cœur, parce que c’est dans l’ère du temps, c’est concret et ça sert à quelque chose. J’ai l’impression qu’il y a une pertinence sociale. »
Démystifier les facettes de la communication
À première vue, la communication peut sembler très générale, mais il suffit de s’y intéresser un peu plus en profondeur pour se rendre vite compte que ses spécificités font d’elle une discipline riche pour l’analyse de ses différents aspects.
« Tout le monde a son opinion de la communication. Je prends l’exemple de la personne qui trouve la compétence importance, mais n’en sait pas vraiment plus, car ça un sens commun assez fort et elle ne se pose pas plus de questions. Mais en réalité, j’ai des collègues qui étudient les spécificités de la communication, que ça soit la persuasion, les nouvelles pratiques journalistiques, les médias sociaux et la polarisation de l’opinion. »
En se concentrant principalement sur la communication persuasive, incluant la publicité sociale, la professeure-chercheuse est consciente qu’il y a chez une partie de la population une certaine stigmatisation sur cette facette de la communication.
« La publicité sociale implique tout un processus d’analyse du comportement humain. Comment les gens sont-ils disposés à changer d’attitude, quelles sont les barrières au changement de comportement. Il y a de la démystification à faire sur certaines branches de la communication. Des gens pensent que les relationnistes ou les publicitaires sont là pour les manipuler, faire de la propagande, alors que ce n’est pas exact. »
Lorsque je lui demande ce qu’elle aspire à réaliser au cours des prochaines années, Pénélope répond qu’elle prendra le chemin que lui propose la vie.
« J’aime saisir des occasions au passage. Je n’ai pas nécessairement de plan tracé. Si on me propose un projet qui m’intéresse, j’embarque. C’est un peu comme cela que j’ai fait mon chemin. Je suis confiante que j’en aurai d’autres dans l’avenir. »
Photo par Antoine Giret
À la découverte du podcast
Le podcast a connu une ascension au cours des dernières années et est devenu un média à part entière. Accessible et intéressant, il a pris d’assaut le Web et a révolutionné le domaine de la production audio. Utilisateurs.trices et producteurs.trices témoignent de la montée en popularité de ce média.
Par Mélissa Gaudreault, journaliste collaboratrice
Le podcasting, aussi appelé baladodiffusion, est une façon de diffuser des fichiers (vidéo, audio, etc.) sur Internet. Il permet aux internautes d’écouter en direct ou de télécharger des émissions audio ou vidéo sur un appareil électronique quelconque. Le mot « podcast » est né de la fusion des termes « iPod » et « broadcasting » et est apparu au début des années 2000. Comme la radio ou la télévision, le podcast est maintenant très populaire et même l’un des principaux médias utilisés par les citoyens. C’est autant un moyen de se divertir que de s’informer et on peut y accéder de n’importe où et sur n’importe quel support. Le nombre de personnes qui écoutent des podcasts ainsi que le nombre de personnes qui en produisent a grandement augmenté dans les dernières années.
Adepte de podcasts
Xavier Gagnon, étudiant en journalisme à l’Université Laval, aime beaucoup écouter des podcasts. « Ce que j'aime lorsque j'écoute des podcasts, c'est la découverte (culture, actualité, etc.), mais surtout écouter des discussions qui me font mieux
comprendre des enjeux sur lesquels je n'avais pas pris le temps de me renseigner », explique-t-il. Il est d’avis que les podcasts sont très populaires et qu’ils le deviendront encore plus. Ils sont également très accessibles : on peut les écouter sur diverses plateformes telles que Spotify, YouTube et Google Podcast. Ceux qu’il préfère sont « les podcasts québécois, qu'ils concernent l'humour, l'actualité ou simplement des discussions ouvertes, sans règles fixes avec des invité.e.s perti-nent.e.s ».
L’humain derrière le podcast
Simon Pagé de Varennes anime un podcast sur les relations internationales. Il s’est mis à en faire, car selon lui il n’y avait pas une grande offre de contenu sur les relations internationales en français, outre la couverture médiatique de Radio-Canada et les conférences académiques. Ce qu’il aime particulièrement des podcasts, « c’est qu’on peut mettre un peu plus de sa couleur que dans l’écriture d’articles ». « [Ils durent] trente-cinq à quarante minutes, ce qui signifie qu’on a du temps pour explorer les complexités des sujets dont on
Photos par Covertik
Quand l’image résume le discours
Les pictogrammes entourent le quotidien. Des bonhommes aux feux de circulation pour les piétons.nes en passant par les programmes météorologiques, les illustrations facilitent la compréhension. Ainsi, l’information illustrée s’assure une meilleure réception par le public québécois qui possède des niveaux de littératie différents. D’ailleurs, l’enquête du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) a révélé en 2015 que 53% des Québécois.es étaient analphabètes fonctionnel.les.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
La littératie est mesurée sur une échelle de un à cinq. Elle permet d’indiquer le niveau de compréhension de l’information d’un individu (les aptitudes à lire, à comprendre et à utiliser des informations dans la vie quotidienne).
Par exemple, chez les enfants en bas âge, un bon niveau de littératie se manifeste par un enfant qui sourit ou pleure pour communiquer ses besoins à ses parents. Selon Alberta Education, « dès la naissance d’un enfant, son expérience dans le monde de la littératie débute. Les habiletés de l’enfant en littératie sont cultivées grâce à sa famille et à sa communauté. En voici quelques exemples : le tout-petit qui forme ses premiers mots; un jeune enfant qui interprète les symboles qu'il voit autour de lui; un enfant d'âge préscolaire qui chante une chanson; un parent et un enfant qui rient en lisant une histoire. »
Communiquer
L’utilisation de pictogrammes assure que tous les acteurs.trices comprendront l’information sans avoir à analyser au-delà de leurs compétences en littératie. Par exemple, un enfant de cinq ans saura identifier la toilette adaptée pour son sexe autant qu’un adulte grâce aux silhouettes sur les portes.
C’est aussi pour faciliter la communication en mettant en valeur l’information importante au premier coup d'œil. Ainsi, sur nos toilettes publiques, nous pouvons remarquer un personnage au lieu d’une inscription disant « Mesdames, ici se trouve votre salle de bain en cas de besoins ». Le repère visuel permet une accélération dans le filtrage des informations essentielles ou non. Par exemple, sur une barre de chocolat, le pictogramme indiquant la présence d’arachides permet d’avertir clairement les allergiques de s’en tenir loin au lieu de chercher des avertissements écrits. Dans les cas
de littératie plus faible, il est recommandé d’utiliser beaucoup d’images dans nos communications. Bref, je ne m’attarde pas sur ce point qui semble évident, car une image vaut mille mots et se démarque des informations écrites.
Un bon exemple, c’est les instructions à suivre en cas d’urgence sur les extincteurs d’incendies. En cas de feu, l’intervenant.e n’a pas le temps de lire un manuel d’instructions. Ainsi, les illustrations des trois étapes (a, b et c) à suivre permettent une utilisation universelle et efficace de l’équipement d’urgence.
Insuffler
Laurie Demers, travailleuse sociale, précise que les pictogrammes sont aussi utilisés dans le but de suggérer une façon adéquate d’agir en société. Elle explique cette notion de psychologie sociale : « Le fait d'utiliser des images et des symboles, y'a quelque chose de très culturel là-dedans. Le fait d'avoir accès à des images et des symboles (exemple, un panneau d'arrêt dans la rue), c'est un bel exemple de présence implicite de l'autre dans la société. Qu'on est influencé par la présence de l'autre sans la présence réelle d’une personne. Par exemple, les pictogrammes pour se laver les mains : on cherche à influencer un comportement que l'on juge acceptable pour prévenir les infections. C'est une façon d'exercer une influence sur les autres pour qu'ils adoptent le comportement souhaité sans que quelqu’un soit à côté et dise lave-toi les mains. »
Photos par Léonie Faucher
Ici, le pictogramme avertit que les femmes enceintes ne devraient pas boire d’alcool. C’est un pictogramme prescriptif qui insuffle un comportement jugé sain pour la grossesse.
Les instructions sont illustrées sur l’étiquette des extincteurs d’incendies pour en expliquer l’utilisation.
Affiche concernant la procédure de lavage des mains visible dans la plupart des toilettes publiques.
Les pictogrammes dans nos gènes Ici, j’ai un extrait du film d’animation Les Croods en tête, lorsque le père dessine tous les interdits sur le mur de la caverne. L’utilisation de dessins pour raconter, expliquer et faciliter la commu-nication existe depuis le temps des grottes.
À une époque où le langage était naissant et en élaboration, les illustrations permettaient de communiquer par des dessins mimétiques des actions quotidiennes (chasse, cueillette, etc.).
Photos par Léonie Faucher
Trois sites présentant des hiéroglyphes.
Circulation
Les réseaux routiers utilisent les pictogrammes pour identifier des comportements sécuritaires ou pour transmettre des informations sur les dangers aux conducteurs.trices. Chaque automobiliste décide d’obéir aux panneaux ou de les ignorer en risquant qu’un accident survienne. Par exemple, Tom Vanderbilt, auteur du livre Traffic: Why We Drive the Way We Do (and What It Says About Us) , mentionne ceci :
« Les conducteurs voient régulièrement des panneaux de signalisation de passages de chevreuils (aux États-Unis) ou d’éléphants (au Sri Lanka) ou de chameaux (en Tunisie). Il est difficile de déterminer ce qui passe par la tête d’un conducteur lorsqu’il voit le panneau de signalisation d’un passage de chevreuils, d’éléphants ou de chameaux. Toutefois, des études ont démontré que la plupart des conducteurs ne modifient pas du tout leur vitesse de conduite. »
Cependant, les panneaux de signalisations routières ne fonctionnent pas toujours comme prévu. Marc Green explique pourquoi dans son article The psychology og Warnings (La psychologie des panneaux d’avertissement) selon l’analyse
Indication en Ukraine avant un passage piéton qui rappelle de ne pas regarder son téléphone lors de la traversée pour augmenter la sécurité.
Vitrines de magasins en Ukraine qui indique également les interdits dans ce lieu.
Photos Unsplash
coûts-avantages du conducteur.trice devant un tel panneau.
Premièrement, le coût de la conformité implique que le conducteur.trice considérera l’inconvénient d’être en retard s’iel se conforme en ralentissant par exemple. Green explique que c’est un problème similaire aux étiquettes de mise en garde sur les produits. Le temps de lecture peut être interprété comme le coût de la conformité.
Deuxièmement, la perception du danger implique que l’automobiliste s'immobilise aux panneaux d’arrêt pour éviter d’être heurté, car iel comprend qu’un danger est possible. Cependant, un automobiliste qui emprunte la même route depuis des années et qui n’a jamais vu aucun chevreuil comprend que même si les conséquences de frapper un chevreuil sont élevées, le risque quant à lui est faible.
Green souligne « l’une des ironies liées aux avertissements est que plus le visionneur est expérimenté et compétent, plus l’effet de familiarisation est élevé et plus grand est le risque que la mise en garde soit ignorée. Par exemple, les membres d’une équipe de plongée sont les plus susceptibles d’ignorer les panneaux « Plongée interdite ».
Comme la COVID-19 est omniprésente depuis le début de la pandémie, les différents acteurs de la place publique n’ont eu d’autres choix que d’user de stratégies de communication pour qu’une partie de la population adhère à leurs messages et demandes liés au virus. Pénélope Daignault, professeure agrégée au Département d’information et de communication à l’Université Laval répond aux questions d’Impact Campus afin d’y voir plus clair.
Par Andréi Audet, chef de pupitre société
Impact Campus : Les gouvernements semblent accorder beaucoup d’importance à la publicité lorsque vient le temps de sensibiliser la population aux dangers et mesures relatives à la COVID-19.
Pénélope Daigneault : Il y a plein de stratégies publicitaires qui ont été élaborées depuis le début de la pandémie. Par exemple, l’humour pour aller rejoindre généralement les plus jeunes et des publicités plus choquantes.
I.C. : Pourquoi certaines publicités visant un changement de comportements n’arrivent pas à atteindre son objectif?
P. D. : Le contexte est particulier pour faire de la publicité sociale en ce moment parce que nous sommes tous confrontés
à la même menace, et elle est grande. Il faut essayer de trouver des stratégies pour chaque tranche de la population. Le problème est que nous n’avons pas le temps de faire des études, car tout va tellement vite. Donc, les publicités sociales par rapport à la pandémie découlent de stratégies très intuitives.
I.C. : Il n’est donc pas simple à travers différents moyens communicationnels de faire changer d’avis ou de manière d’agir une personne?
P.D. : « La pandémie fait en sorte que des comportements initiaux doivent être vite changés, alors qu’un changement de comportements, c’est un processus de longue haleine. Raison pour laquelle on utilise la contrainte et la coercition,
Photo par Matt Smart
mais une tranche de la population se sent brimée dans leurs libertés, d’où la raison du pourquoi nous les voyons réagir »
I.C. : Parlons de la façon dont les politiciens.nes. tentent de communiquer leurs messages à propos de tout ce qui est relatif à la COVID. Y arrivent-ils bien?
P.D. : Il y a beaucoup d’importance qui est rattaché à la performance communicationnelle des politiciens.nes. Iels ont une lourde responsabilité sur plein de plans. Iels sont soumis à une évaluation impeccable, et l’erreur n’est pas tolérée, car il n’y jamais eu autant de gérants.es d’estrades qui donnent leur avis pour miner leur performance peu importe la façon dont ils ont communiqué. C’est donc très difficile d’être efficace sur le plan communicationnel.
I. C. : Il ne semble donc pas y avoir de méthode parfaite pour un.e politicien.ne de bien communiquer pour ce qui à trait à la pandémie?
P. D. : Non, ni de principe universel. On ne peut s’adresser avec un même message à l’ensemble de la population. Il faut toutefois tenir compte des contextes particuliers, très difficiles que vivent certains individus. Je trouve qu’on ne parle peutêtre pas assez des conséquences psychosociales dans les stratégies de communication qui s’adressent à ces gens-là qui vivent des situations très vulnérables »
I. C. : Certaines personnes ont l’impression que la COVID a occulté la crise climatique de l’espace publique commu-
nicationnelle. Est-ce vrai?
P.D. : Je réalise présentement avec une co-chercheuse, un baromètre sur l’action climatique, et je n’ai pas eu le choix d’inclure une question à savoir si ce qu’on vit en ce moment avec la COVID, ça occulte l’importance que prennent les changements climatiques. Tout l’agenda médiatique est monopolisé par la COVID, c’est de cela qu’on parle. Donc, ce que les gens trouvent important ou préoccupant, c’est beaucoup selon ce qu’on présente dans les médias. Toutefois, je constate selon des résultats que j’ai obtenu du baromètre que ça n’empêche les gens de continuer à trouver l’enjeu préoccupant et d’occuper la même importance dans leur esprit
I.C. : Pour ce qui est de l’analyse des processus communicationnels en temps de COVID, nous pouvons imaginer qu’il y aura un travail énorme de fait par les chercheur.se.s dans les prochaines années?
P.D. : Depuis le début de la pandémie, il y a un paquet d’articles scientifiques qui sont publiés. D’un point de vue scientifique, le fait de voir sortir des données scientifiques au fur et à mesure qu’un développement arrive par rapport à la pandémie, c’est fascinant du point de vue des sciences sociales. Du point de vue des communications,c’est certain que ce qui se passe en ce moment, la gestion de la crise par l’ensemble des dirigeants.es mondiaux, ça va générer des mémoires et des thèses de doctorat pendant plusieurs dizaines d’années.
Photo par Edwin Hooper
L’information comme bien public
À l’automne 2020 paraissait, chez Somme Toute, Tombée médiatique : se réapproprier l’information. Dans cet essai, le journaliste et auteur, Mickaël Bergeron, fait état des difficultés qu’éprouvent les médias traditionnels depuis plusieurs années. En abordant leur modèle d’affaires, leurs conditions de travail et leur rôle dans la société, il met en évidence et en contexte leurs failles, mais en profite aussi pour donner des pistes de solutions.
Par Jessica Dufour, journaliste multimédia
« Au carrefour de l’essai et du manifeste, du personnel et de l’universel, du découragement et de l’espoir, l’ouvrage se veut un plaidoyer pour que cette crise se transforme en opportunité», révèle sa quatrième de couverture. Appuyé d’exemples, de textes et de données, Mickaël Bergeron dresse un portrait de la situation, explique comment elle s’est détériorée et évoque les moyens de la redresser en quatre chapitres et 217 pages, un format concis et digeste pour tous les publics.
Crise financière
Selon l’auteur, le modèle économique actuel des médias basé sur le libre marché nuit à la qualité de l’information, et donc à la mission première des médias qui consiste à préserver la démocratie en questionnant le pouvoir en place, en dévoilant les failles de la société et en informant le public. Dans ce modèle, c’est au service des annonceurs que les médias se placent, tentant par divers moyens d’attirer l’attention du public plutôt que de l’informer. L’avènement d’Internet ayant renforcé cette tendance, les médias traditionnels doivent redoubler d’ardeur afin de préserver leur financement.
L’auteur explique comment ces difficultés financières peuvent mener à une dégradation dans la qualité de l’information : sensationnalisme, absence de couverture de certains sujets impopulaires ou qui coûtent trop cher comme l’international, omniprésence de l’opinion, qui demande moins de recherche et de temps qu’une enquête. Cette quête de rentabilité éloigne les médias de leur raison d’être, le mode survie les empêchant
de bien exercer ce privilège qu’est de prendre la parole sur la place publique.
Perte de confiance
Pour Mickaël Bergeron, en effet, cette tribune vient avec des responsabilités que certain.es journalistes ou animateur.rices semblent ignorer. Il évoque notamment le cas des radiopoubelles de Québec, qui « adoptent […] [un] style polémiste et colérique » ou encore le phénomène des fake news. « À quel point les médias ont-ils perdu leur crédibilité pour se faire supplanter par des sites de fausses nouvelles? », demande-t-il après avoir constaté que « les médias ont failli à leur tâche ».
« À force de vouloir être rentables, les médias se sont parfois perdus entre la volonté de plaire et celle d’être pertinents. »
Le manque d’inclusion et de représentation font à son avis partie du problème. La plupart des journalistes étant majoritairement blanc.hes, diplômé.es de l’université et de la classe moyenne, le public peinerait souvent à se retrouver dans les angles et dans les sujets traités. C’est aussi ça, pour lui, la responsabilité des médias : donner une voix à la communauté, parler de ce qui la concerne, d’autant plus lorsqu’elle est marginalisée, ce qui implique d’accorder une plus grande couverture aux enjeux régionaux, de diversifier non seulement les sujets et les angles, mais aussi les journalistes.
Photo par Ryoji Iwata
Un nouveau modèle
Si son essai prend « des allures de manifeste », c’est visiblement parce que l’information, la démocratie et le bien commun lui tiennent à cœur. Et s’il ne prétend pas détenir la solution, Mickaël Bergeron se permet tout de même quelques suggestions quant au financement potentiel des médias et à leur façon de produire l’information.
Il incite entre autres à faire du « journalisme utile », c’est-à-dire qui « propose une analyse, un point de vue global, un historique, une explication ». L’accessibilité de l’information lui paraît également primordiale afin d’assurer une éducation populaire, en vulgarisant et en prenant en compte que les niveaux de littératie varient d’une personne à l’autre.
« […] l’éthique, l’humilité et l’écoute doivent accompagner les journalistes et les médias dans chaque décision. C’est ainsi que l’on sert le public. »
Mais comment servir le public s’il ne paie pas son information? L’auteur propose de reconnaître l’information comme un bien public, que les médias soient financés collectivement de diverses façons : « transformer les médias en OBNL », permettant un « mélange d’un important soutien de l’État, de l’appui de fonds et de revenus autonomes »; créer un Conseil de l’information qui octroierait des bourses aux journalistes comme le CALQ le fait pour les artistes; et taxer le GAFAM, ces géantes multinationales, pour « encadrer le partage du
contenu créé [par] les artisans », par exemple.
Une vingtaine d’années à œuvrer dans le système médiatique québécois pour différentes entreprises et dans diverses régions a permis à Mickaël Bergeron de se faire une idée sur la situation. Autant dans ses chroniques que dans ses essais, il s’exprime clairement et de façon accessible, afin de faciliter la compréhension de son lectorat. C’est dans une optique de vulgarisation que son livre expose le fonctionnement des médias et leurs enjeux. Il n’essaie pas de redorer leur image, mais bien d’expliquer ce qui l’a dégradée.
Mickaël Bergeron est chroniqueur à La Tribune de Sherbrooke où il cherche à couvrir les angles morts, à connecter avec la population locale. Tombée médiatique est son deuxième livre après Ma vie en gros paru en 2019.
Couverture du livre Tombée médiatique : se réapproprier l’information écrit par Michaël Bergeron.
Photo par Giulia May
L’importance de promouvoir la langue française
Enseigner le français comporte de nombreux défis. D’un côté, le marché de l’emploi tente de nous convaincre que la connaissance de l’anglais promet un meilleur avenir, de l’autre, la complexité des règles de grammaire et des exceptions continue d’en faire décrocher plusieurs. Pourtant, notre langue maternelle est la pierre angulaire de notre identité : elle définit notre manière de penser et de communiquer.
Par Véronique Careau, journaliste collaboratrice
La popularité des concentrations scolaires
De nombreux programmes de musique et de sports au secondaire suscitent l’intérêt des élèves, et ce, beaucoup plus que la classe de français. Pourtant, la musique et les sports ont davantage en commun avec la langue française que ce que la plupart des élèves peuvent s’imaginer.
Jouer d’un instrument de musique, c’est d’abord communiquer : des notes, une rythmique, des nuances, un message, des émotions, etc. En sport, particulièrement d’équipe, il est nécessaire aussi d’avoir une bonne communication afin d’espérer remporter la victoire.
Certes, ces jeunes n’ont pas besoin d’être convaincu•es de l’importance de la clarté de leurs messages dans ces domaines, mais la même précision doit s’appliquer aussi au langage.
Affiner sa langue
Maitriser sa langue, c’est apprendre à mieux réfléchir et à mieux communiquer. D’abord, il faut choisir les mots (les notes), choisir la syntaxe (la rythmique) et l’exactitude des termes (les nuances). Puis, cet amalgame permettra d’entrer en relation avec l’autre.
Les règles qui accompagnent le sport et la musique en permettent l’existence même. Il ne suffit pas de faire du bruit avec un instrument pour que cela mérite de porter le nom de musique. De plus, jouer en symbiose avec d’autres musicien•nes exige un accord commun du respect des normes exigé par la pratique. Quant aux sports, si chacune des équipes invente ses propres règles, l’incompréhension de part et d’autre risque de mettre fin au jeu. Dans un même ordre d’idées, l’absence de règles grammaticales réduirait énormément la richesse de nos échanges. Tout comme
en musique et en sports, la maitrise de la langue française s’acquiert par une pratique constante et rigoureuse.
Le pouvoir des mots
L’utilité de maitriser sa langue peut paraitre abstraite, mais notre langue, c’est notre pouvoir. En effet, acquérir les savoirs liés à sa langue permet de s’émanciper par la pensée, de déceler la rhétorique et même de créer du sens et de la beauté.
L’enseignement du français joue un rôle très important dans le développement des actrices et des acteurs de demain. La construction d’un monde meilleur se fera par l’élaboration de notre manière de penser et de communiquer. Et cela passe inévitablement par la maitrise de notre langue.
Photo par Thiebaud Faix
Le poids des mots
Suite aux récentes déclarations publiques sur le politiquement correct et le mouvement woke, il me semble nécessaire d’amorcer une réflexion sur la portée des mots. Ceux-ci ont un poids qui est rapidement mis de côté par les détracteurs du politiquement correct. Ce poids réside dans la façon qu’ont les mots d’inclure et d’exclure simultanément des réalités, ce qui peut heurter autrui. Nous devons donc nous questionner individuellement et publiquement sur notre manière de communiquer.
Par Sarah-Jane Vincent, journaliste collaboratrice
La communication est un domaine complexe puisque nous entrons en contact avec autrui, ce qui peut mener à des incompréhensions. Nous avons chacun.e notre interprétation des mots variant selon notre histoire et nos valeurs. L’humain peut partager une interprétation d’un concept avec un groupe social auquel il s’identifie. Celle-ci est généralement marquée par les vestiges du passé. Milan Kundera, auteur de L’insoutenable légèreté de l’être, explore cette particularité humaine en lui consacrant une partie de son œuvre nommée « Les mots incompris ». Ses personnages illustrent la richesse de la psyché humaine et permettent de saisir l’ampleur de la complexité présentes dans les communications. Un des exemples qu’il utilise est le mot « cimetière », un terme référant à une réalité précise, mais qui ne prend pas la même signification et qui suscite des émotions divergentes chez les personnages. Ainsi, Kundera affirme que nous avons tous.tes nos propres biais d’interprétation et que ces divergences d’interprétation susciteront différentes réactions chez notre auditoire. Il s’avère donc nécessaire de garder une ouverture d’esprit et une écoute face à nos interlocuteurs.rices, puisqu’iels possèdent leur propre lexique.
Même si cela nécessite un effort supplémentaire, il est primordial de s’assurer d’avoir une compréhension commune d’un concept avant de s’engager dans le cadre d’un débat public. Trop souvent, nous retrouvons dans l’espace public l’utilisation de mots polysémiques – possédant plusieurs sens – ayant des répercussions politiques importantes et ce, sans même avoir pris la peine de préciser préalablement ce qui est entendu par ceux-ci. Il suffit de penser au terme « femme » qui peut être exclusif en incluant seulement les femmes cisgenres tout comme il peut être employé pour regrouper toutes personnes s’identifiant comme telles. Le terme race peut aussi porter à confusion puisqu’il a été utilisé pour créer une division supposément biologique et ainsi, dans sa plus forte expression, « justifier » des atrocités. Les mots sont lourds, car ils ont le pouvoir de diviser. La cruauté subie par certains
groupes sociaux a longtemps été légitimée par un discours opposant eux et nous. C’est pourquoi certain.es militants.es préfèrent trouver une expression alternative pour illustrer une réalité. Par exemple, le concept de groupe racisé précise directement que la race est une construction sociale utilisée par des personnes souhaitant diviser l’humanité plutôt qu’un simple fait biologique. Les prises de position récentes quant au racisme systémique attestent des impacts que peut avoir notre vocabulaire. Le premier ministre François Legault refuse d’admettre la présence de ce phénomène pourtant répertorié et étudié au Québec. Au départ, il insistait sur l’idée qu’il ne s’agissait là que d’un mot et qu’il ne fallait pas s’embourber dans le détail des mots. Toutefois, refuser ce terme revient à nier un problème qui affecte de nombreux.ses Québécois.es racisé.es. Voyez-vous, le choix des mots, que ce soit dans le cadre d’un discours ou dans une discussion intimiste, a un impact direct sur les différentes réalités envisageables. Cela peut faire écho à 1984, l’œuvre très connue de Georges Orwell et à son concept de novlangue.
De ce fait, le débat sur la liberté d’expression est important et ne doit pas être vu comme un sujet déjà classé. Certes, il faut continuer à pouvoir enseigner toute période de l’histoire, mais cela peut se faire de manière empathique en respectant les sensibilités et le vécu de chacun.e. Ce changement de ton face à la manière de communiquer témoigne d’un changement de paradigme social. Les gens qui étaient auparavant réduits au silence souhaitent maintenant que leur réalité soit prise en compte. Cela implique des changements dans notre manière de parler et d’écrire. Il ne s’agit pas ici de nier la liberté d’expression ou d’en faire sa louange, mais il faut apprendre à respecter les autres et à être attentif.ve aux blessures que certains mots peuvent rouvrir. Les mots sont porteurs d’un poids qui est très souvent sous-estimé, il vaudrait assurément la peine d’écouter les critiques comme celles produites par le mouvement woke.
Photo par Felix Koutchinski
Charlotte Biron a soutenu sa thèse « D'Arthur Buies à Gabrielle Roy, une histoire littéraire du reportage au Québec (1870-1945) » en mars 2020. Elle est chargée de cours en littérature à l’Université Laval et professionnelle de recherche.
Impact Campus : À quel moment, tu t’es dit «la recherche m’allume, j’ai envie de faire ça pour deux ans encore, puis pour quatre ans»?
Est-ce que l’intérêt était intrinsèque ou extrinsèque ?
Charlotte Biron : Quand je me suis inscrite au bac, je me souviens que les gens autour de moi faisaient plusieurs demandes et on avait l’option de mettre un deuxième ou un troisième choix de programme, mais je voulais faire une seule chose, c’était étudier en littérature. Je m’étais inscrite à l’Université de Montréal. Je savais exactement ce que je voulais faire. Je savais aussi déjà à l’époque que je voulais travailler sur Gabrielle Roy et sur le reportage littéraire. C’est difficile d’expliquer exactement pourquoi. Ce n’est pas à cause de mon bac, les professeur.es n’ont pas souvent parlé de Gabrielle Roy. Bien sûr, elle est dans le canon littéraire, ce n’est pas parce qu’elle est oubliée. Mais je voulais parler de ses reportages littéraires. J’avais lu ses textes journalistiques par hasard dans un magnifique recueil qui s’appelle Fragiles Lumières de la terre. Je lisais Gabrielle Roy journaliste et ça me donnait envie d’écrire sur le monde réel. Avant d’entrer au bac, j’avais d’ailleurs le projet de devenir journaliste, même si je savais que je ne voulais pas étudier en journalisme.
L’idée de faire du journalisme n’est pas disparue pendant mes études. Au contraire, c’est comme si dans ma tête, je pensais que j’allais être capable de mener les deux barques en même temps, ce qui n’est pas réaliste du tout en fait. Quand même,
à la fin du bac, j’ai eu un stage à Moscou à Radio-Canada avec Jean-François Bélanger À l’époque, Frédérick Lavoie était aussi journaliste indépendant en Russie. Je l’ai rencontré làbas, et ça m’a marqué le fait qu’il faisait des reportages et qu’il faisait un livre sur son travail de terrain et sur ses voyages. On était dans un bar à Moscou et il s’est mis à me parler d’autres journalistes qui avaient écrit des textes très littéraires. Il me parlait et je savais en l’écoutant que je voulais travailler là-dessus, j’avais l’impression à l’époque que personne ne s’intéressait encore à ça, au journalisme littéraire.
Et, pour ce qui est d’étudier en littérature, honnêtement, ça me passionne de lire des livres. Ça a l’air quétaine dit de même, mais j’ai adoré étudier en littérature, j’ai adoré chaque minute de mon bac et j’adore enseigner. Je referais mon bac avec les mêmes cours, parce que je me dis que je découvrirais sûrement de nouvelles choses. Je le referais aussi en faisant tous les cours que je n’ai pas faits. Encore aujourd’hui, je suis nostalgique de ne pas pouvoir suivre des cours. Je trouve que c’est un grand bonheur d’entendre des gens parler de littérature, et j’adore parler de littérature que ce soit à l’université ou ailleurs. Pour moi, le bac, la maîtrise, le doctorat c’est juste de continuer à parler de littérature, mais de façon un peu plus compliquée.
I.C. : Quand tu as commencé la maîtrise, savais-tu déjà que tu allais continuer au doctorat ?
C.B. : Non, j’y suis allée un projet à la fois. Je savais que je voulais travailler sur les reportages de Gabrielle Roy, mais j’ai aussi découvert Mavis Gallant, une autre écrivaine qui travaillait dans les journaux à Montréal à peu près à la même époque que Roy. Ces deux trajectoires-là me fascinaient. J’ai
su aussi très tôt qui allait être ma directrice de maîtrise. Je l’ai su en ouvrant une réédition des reportages de Gabrielle Roy de 2007. J’ai vu son nom : Jane Everett. J’ai regardé où elle travaillait, je me suis dit c’est là que je vais. C’est quelqu’un qui est très important pour moi et que j’aime beaucoup.
Une fois arrivée à la maîtrise, c’était une chose à la fois. J’ai fait mon mémoire en me disant que si je n’aimais pas ça, je pouvais arrêter. C’est certain que ça m’éloignait beaucoup du journalisme. Le rythme est tellement différent. En journalisme, tout va vite, c’est galvanisant par rapport à suivre des séminaires en littérature et à travailler sur des projets de recherche. Les deux cadences n’ont rien à voir, mais j’ai aimé la maîtrise. Et contrairement au bac, j’ai trouvé que c’était exigeant. J’avais l’impression d’avoir trouvé un vrai défi. C’était la première fois que je sentais que je dépassais quelque chose. Puis après, je me suis dit où est-ce que je peux aller pour utiliser tout le bagage que je viens d’acquérir ? C’était le doctorat. Il n’y avait pas d’autres espaces dans la société où ces aptitudes-là pouvaient être approfondies. J’ai quand même écrit à Radio-Canada, et en même temps, je me suis inscrite au doctorat. Je ne savais pas trop lequel des deux j’allais garder. Finalement, je me suis dit que j’allais travailler sur le journalisme littéraire avec ma thèse et que j’allais être sur le terrain des reporters littéraires, que j’allais être avec eux dans ma tête à travers le processus de recherche.
I.C. : J’ai souvent dû expliquer à des gens que non, je ne faisais pas de résumé de livres en littérature au même titre que des gens en physique ont dû m’expliquer qu’iels ne regardaient pas toujours les étoiles. Bref, on
connaît mal les programmes des autres. Je sais que tu n’es pas porte-parole des études supérieures en littérature, mais peux-tu me dire à quoi ça peut ressembler un parcours aux cycles supérieurs en lettres ? (Types de sujet, portion cours vs portion rédaction, etc.)
C.B. : Y’a plein de manières de répondre à cette question-là. Si je m’adresse aux étudiant.es, j’essaie de leur parler du grand nombre de parcours possibles. On peut faire une maîtrise ou un doctorat de plusieurs façons. Je vais leur dire qu’il y a plein de façons d’être et de faire. Je pense à des écrivaines brillantes comme Christiane Vadnais ou Émilie Turmel que j’ai côtoyées pendant mes études. Je trouve qu’à l’université, des fois, on étouffe un peu les étudiant.es dans un seul modèle, comme s’il existait seulement une sorte de parcours très classique, très académique avec les colloques, les bourses, les journées d’étude, les articles, etc. Alors qu’au fond, il y a plein de raisons de faire des études en littérature. Mais si je dois définir ce qu’on fait en littérature pour le reste de la société, si je dois dire ce qu’on fait à part fixer nos écrans d’ordinateur, je dis que, comme dans tous les autres domaines à l’université, c’est de la production de savoirs. Ça concerne notre connaissance de la culture, du langage, des discours, des archives, de l’histoire... Il y a tellement de choses qui sont concernées. Ça percole partout dans la société. Ça va dans l’enseignement du français, ça va dans l’enseignement primaire, au secondaire, au cégep. Ça imprègne notre culture littéraire, notre culture médiatique, nos façons d’être en relation, nos façons de nous parler, nos façons de voir le monde. Tout ça est interrelié. Il faut beaucoup de monde, de travail et de savoirs en littérature (et dans tous les domaines)
Photo par Kinga Cichewicz
pour que ça devienne intéressant et que ça se rende plus loin. Plus notre connaissance de la langue, de la littérature, de l’historiographie est riche, plus il y aura de points de vue différents, plus il y a de gens tout autour qui vont en bénéficier et plus les gens vont avoir un esprit critique, plus il y aura de nuances et de richesse dans ces champs-là.
I.C. : Quelles qualités sont essentielles ou quelles motivations sont nécessaires pour mener un projet de maîtrise et/ou de doctorat jusqu’au bout ?
C.B. : Ça prend un projet qui nous passionne jusqu’au bout des ongles, parce que sinon l’année ou les années de rédaction, seul.e avec leur sujet, ça va être très pénible. Ça prend un projet qui nous porte, parce qu’à un moment ça devient difficile. Et quand ça n’ira pas, il faut que ce projet-là nous soutienne et nous redonne de l’énergie. Il faut aimer le fait de rédiger de longs textes, de faire de la recherche longtemps, il faut être capable d’être assis.e pendant des heures. La recherche en littérature, c’est un sport de chaise. Enfin, la troisième chose que ça prend, c’est du monde intelligent et bienveillant autour, des interlocuteurs et des interlocutrices de qualité. Ça prend un bon directeur ou une bonne directrice, mais ça prend d’autre monde aussi, parce que si t’as juste ton directeur ou ta directrice, c’est comme un couple en pandémie. À un moment donné, vous tournez
manière intense sur un tout petit élément de l’ensemble, j’ai décidé de montrer la façon dont j’avais trouvé le corpus et j’ai essayé de traverser le temps et de montrer qu’il y a plein de moments où ça s’est passé, où le reportage a été littéraire au Québec.
Pour ce qui est du côté archives, l’erreur qu’on fait quand on commence un gros travail comme une thèse, c’est de penser qu’il faut qu’on ait tout notre matériel avant d’écrire. Alors qu’en fait, c’est un va-et-vient. Une thèse, ça se fait en plusieurs années. C’est impressionnant ce que tu peux faire comme projet en travaillant assidûment tous les jours. Ça a l’air gros, parce qu’on le voit tout d’un pain, mais c’est de la recherche
effectuée sur une durée importante. Je sais que mon corpus est grand, mais comme je te le disais, je voulais traverser les choses. J’ai lu attentivement tous les documents dont je parle et j’ai creusé chaque fois que j’avais une piste, mais je gardais en tête que ce n’était pas grave s’il restait des zones inexplorées. Au contraire, il y aura des chercheur.e.s après qui vont repérer ces zones et qui vont pouvoir aller creuser, et c’est ça les vertus d’un bon travail de recherche, c’est d’alimenter le travail d’autres chercheurs et chercheuses. J’avais vraiment envie que ce soit le point de départ pour d’autre monde. En littérature, on est souvent dans du close reading, et moi aussi je suis encore de cette école-là, je suis tout près des mots, tout près des textes, mais il y a des vertus
ressenti en traversant ces écrits-là. Je savais que les textes avaient quelque chose de fabuleux. Si y’a une chose qu’on ne dit pas assez aux étudiant.es, c’est que la recherche, c’est aussi une affaire d’affects. C’est vrai même pour les autres sciences. Les impressions qu’on a, nos processus d’interprétations, ça ne sort pas de nulle part quand on travaille, quand on évalue, quand on interprète, quand on trie et quand on donne un sens à la pensée, il y a une part de subjectivité importante. Il faut donner une forme, rendre sensible et mettre en récit nos affects.
I.C. : Est-ce qu’il y a des moments où tu t’es dit « j’arrête tout ça, je deviens [insérer n’importe quelle profession] » ? Et surtout, comment tu as fait pour surmonter ça ?
C.B. : J’ai ressenti de la fatigue, bien entendu, une fatigue qui vient avec la rédaction après quelques années. Quand on rédige, on ne se donne souvent pas assez de temps. C’est difficile, parce que les bonnes idées ne viennent pas toujours de huit à cinq, du lundi au vendredi. Alors il y a une fatigue qui vient à force de porter le même projet dans notre tête et de tout le temps y penser. Mais pour moi, c’était une fatigue normale, ce n’était pas une écoeurantite de mon sujet . Ma thèse me passionnait toujours autant. Cela dit, il y a eu des moments plus difficiles liés au milieu universitaire. Heureusement qu’il y a des gens que j’aime, que je respecte, qu’il y a des choses positives et des changements, parce que dans les dernières années, ça, ça aurait pu me faire arrêter. Je parle de sexisme et de misogynie, mais pas seulement.
C’est qu’au début, t’es une étudiante, tu ne participes pas vraiment à tout ça, ou tu subis plutôt la culture universitaire, ce qui est pénible aussi évidemment, mais c’est différent. Vient un moment où tu joues un autre rôle, tu occupes une position d’autorité, t’es devant des classes, tu te mets à reproduire des comportements, tu te mets à réintroduire une sorte de hiérarchie. Il y a une façon de faire, une façon d’être à l’université. T’apprends aux gens comment parler, comment se comporter, quoi lire, quoi ne pas lire. Puis, il y a eu un moment où j’ai eu besoin de me demander est-ce que je participe à cette culture-là? Il y a plein de choses que j’adore à l’université, mais je n’aime pas le mépris et le sexime très forts qui restent. C’est un espace que j’aime, et je crois ou j’espère que c’est possible de critiquer cet espace tout en y étant, mais il y a des jours où, comme beaucoup de monde, j’ai des découragements par rapport à tout ça.
I.C. : Est-ce qu’il y a quelque chose que tu veux ajouter, que tu voudrais dire aux étudiant.es ?
C.B. : Je trouve qu’il y a beaucoup de non-dits dans notre discipline. On est dans un domaine où il ne faut pas avoir l’air de ne pas savoir. C’est vrai pour les parcours universitaires, mais c’est vrai aussi pour la littérature dont il faudrait avoir l’air de tout connaître d’avance. Je ne veux pas que les étudiant.e.s se sentent mal de poser des questions. Il faut que les étudiant.e.s puissent poser toutes les questions qu’ils veulent poser.
Photo par Karina Tess
L’actualité du film Network
Network est un film sorti en 1976, célébrant donc ses 45 ans cette année. C’est un film qui aborde des thématiques comme le sensationnalisme des nouvelles, l’importance des cotes d’écoute pour les cadres de l’industrie de la télévision, le culte de la personnalité, etc. Plongeons dans ce classique intemporel réalisé par Sidney Lumet.
Par Marc-Antoine Auger, journaliste collaborateur
C’est beaucoup de choses le film Network, gagnant à être vu et revu. C’est une comédie noire satirique qui raconte l’histoire d’un animateur de nouvelles du nom de Howard Beale (Peter Finch). Diana Christensen (Faye Dunaway), une femme pleine d’ambitions œuvrant au département de la programmation, veut produire des émissions sensationnalistes pour attirer le plus de cotes d’écoute possibles. Éventuellement, les deux vont être amenés à se croiser, et le film raconte majoritairement les tractations de tout ça.
Dans les premières minutes, on apprend que Beale sera éventuellement congédié. Peu de temps après, il annonce en débutant son bulletin qu’il se suicidera en direct à la télévision une semaine plus tard. Les gens de son entourage immédiat au travail, au lieu de s’inquiéter pour lui et de chercher à l’aider, le congédient aussitôt sans préavis.
Le culte de la personnalité
Ce n’est que partie remise pour Beale qui aura droit à une dernière émission où il pourra annoncer sobrement et simplement - nous dit-il - pourquoi il en est arrivé là. Au lieu de ça, pendant quelques minutes, il ne cesse de répéter le mot bullshit ad nauseam. Lorsque les producteurs l’entendent répéter le mot bullshit, certains veulent lui couper la parole. Ils semblent plus dérangés par ledit mot plutôt que par le fait que la télévision ne cesse pas de mentir ou encore de dire au public ce qu’elle veut entendre. Cependant, lors de sa tirade colérique, les cotes d’écoute grimpent. Cette petite sortie en règle lui permettra donc d’avoir sa propre émission où il pourra dire ce qu’il veut finalement, parce que des producteurs
sont venus à lui en disant: « Veux-tu jouer en onde l’homme en colère qui dénonce les hypocrisies de notre temps ? » Il n’avait pas prévu ça, mais il accepte. Ironiquement, les producteurs n’étaient pas sans se douter qu’il profiterait de sa nouvelle tribune pour dénoncer l’hypocrisie des bonzes de l’industrie de la télévision.
Cette situation où Beale manque de se faire couper la parole en direct n’est pas sans me rappeler un incident qui s’est produit récemment. Après avoir perdu ses élections en 2020, Donald Trump s’est fait couper le sifflet en direct par trois grandes chaînes de télévision pas parce qu’il disait l’actuel mot bullshit, mais bien parce qu’il en disait, selon les dires des grandes chaînes. De mémoire d’homme, je ne crois pas que ça s’était déjà vu un incident pareil.
Par la suite, Beale crée un mouvement. La population qui le suit s’abreuve à ses paroles, chacune de ses émissions commence par le public qui scande: « We’re mad as hell, and we’re not going to take this anymore » (nous sommes furieux, nous ne sommes plus capable d’en prendre). En regardant le film, j’en suis venu à me demander, pourquoi la population est en colère ? Est-elle en colère juste pour être en colère, ou parce que les autres sont en colère ? Ou elle est en colère sans du tout connaître le fond de la vérité ? Le film pose plein de questions qui sont encore pertinentes aujourd’hui.
À un moment du film, Beale en vient à dire qu’il n’y a plus d’individu, plus de nation, plus de démocratie, parce qu’avec la mondialisation et les chaînes de télévisions achetées par
des conglomérats, et les différentes populations qui sont de plus en plus suiveuses de ces émissions, elles sont de plus en plus uniformes. Tout ça est évidemment matière à débat. Dans un contexte comme celui-ci, il est d’une certaine manière évident que lorsqu’une personne se démarque et qu’elle a accès à une grande tribune, elle sera vouée à un certain culte. C’est un phénomène intemporel, celui du mimétisme dans une société. Jusqu’à quel point est-ce vrai ? il ne fait aucun doute que lorsque quelqu’un a du charisme et qu’il se fait un apôtre, un chantre de la vérité, des gens vont suivre. C’est le cas dans certaines sectes par exemple.
Une double réalité ?
Le personnage de Diana Christensen est particulièrement intéressant dans le film. Sa vie de tous les jours semble rythmée en fonction des cotes d’écoute. Elle développe une relation avec Max Schumacher (William Holden), un ancien producteur qui était le meilleur ami de Howard Beale. Leur relation nait lorsque ses émissions ont de bonnes cotes d’écoute, et se détériore lorsqu’ils en ont des mauvaises, et ce n’est pas une coïncidence. Dans leur relation, le sexe est bon lorsque ses émissions ont de bonnes cotes d’écoute. On a d’ailleurs un exemple dans une scène désopilante. On en vient à penser à un certain point qu’elle a perdu contact avec la réalité, qu’elle vit dans une de ses émissions, le film est fascinant à ce niveau-là. Rappelons qu’à sa sortie en 1976, la télévision est un phénomène relativement nouveau. La génération montrée dans le film est la première génération à avoir été élevée avec la télévision plutôt qu’avec le cinéma ou la radio.
Dans le récit, l’industrie de la télévision est dépeinte comme destructrice, tout ceux qui entrent en contact avec le milieu y perdent leurs idéaux et leur âme d’une certaine façon. Chaque personnage que Christensen approche dans le film se comporte désormais comme une vedette exigeante et intransigeante, et se met à abuser de son pouvoir.
Les gens à la télévision montrent souvent une image d’euxmêmes qui ne correspond pas nécessairement à la réalité. C’est surtout à ça que je fais référence en parlant de double ou deuxième réalité. Un exemple qui me vient rapidement en tête, c’est celui d’Ellen DeGeneres, qui à l’été 2020, avait été au coeur d’une controverse comme quoi l’ambiance sur le plateau de son émission était toxique, ce qui avait causé la démission de trois membres de son personnel. À la télévision, elle se montrait souvent comme étant était drôle, accessible, généreuse, ouverte d’esprit, etc., ce qui ne correspondait visiblement pas à l’image que les gens travaillant sur son plateau avaient d’elle.
Comme je l’ai dit au tout début, c’est beaucoup de choses le film Network. J’en ai dit pas mal dans l’article, mais je n’ai pas vendu d’énorme spoiler, le film reste donc à voir. La fin est absolument extraordinaire, le jeu des acteurs et actrices l’est également. Faye Dunaway avait remporté l’Oscar de la Meilleure actrice, tout comme Peter Finch pour l’Oscar du Meilleur acteur qui avait réussi l’exploit à titre posthume.
Sac d’os : une adaptation trop riche ?
Écrit en 1998 par Stephen King, le roman fantastique est adapté au petit écran en mini-série par le réalisateur Mick Garris en 2011. Cependant, c’est en décembre 2020 que ces épisodes (deux parties de une heure trente) sortent en DVD et en Blu-Ray. Bien qu’aucun bonus soit ajouté et qu’aucune réactualisation du contenu soit faite, la série m’a donné envie de revenir sur certains points.
Par Léonie Faucher, rédactrice en chef
Adapter un roman de Stephen King représente un défi pour les réalisateurs.trices qui s’y attaquent, puisque ses univers laissent beaucoup de place à l’aspect imaginatif. Un dosage entre la fidélité au texte et des blancs volontaires pour ce qui doit être imaginé permet de réaliser une bonne adaptation.
Mick Garris est un spécialiste des adaptations en format minisérie ou double téléfilm des romans de Stephen King après avoir produit entre autres les minis-séries Le Fléau et Shining Cependant, ce n’est pas sa meilleure adaptation, car elle contient beaucoup de superflus.
Résumé
Mike Noonan, écrivain à succès originaire de la ville de Derry, souffre du syndrôme de la page blanche à la suite de la mort de sa femme Johanna d’une rupture d’anévrisme quatre ans auparavant. Il fait également des cauchemars qui concernent sa résidence secondaire et de Sara Tidwell, une chanteuse de blues afro-américaine du début du vingtième siècle. Il décide de s’y rendre pour l’été alors qu’il n’y est plus retourné depuis la mort de sa femme. À peine installé, il découvre que Johanna, sa femme, avait fait à son insu plusieurs visites à Sara Tidwell. Il fait aussi la connaissance de Mattie, une jeune femme veuve depuis peu, et de sa fille de trois ans, Kyra. Mattie est la belle-fille de Max Devory, l’homme le plus riche et le plus influant de la région, et elle se bat pour conserver la garde de sa fille que Devory voudrait récupérer.
Des longueurs à ne plus finir
Avant tout, j’ai adoré l’adaptation cinématographique du deuxième épisode de la mini-série. C’est la première partie qui selon moi n’apporte absolument rien. Le spectateur.trice a seulement besoin des vingt, peut-être trente premières minutes, de ces quatre-vingts minutes d’introduction à la seconde partie. La femme décède d’un accident et le mari en est accablé, c’est tout ce qu’il y a de pertinent dans ce premier une heure trente pour la suite de l’histoire. Le réalisateur se noie (jeu de mots avec les noyées du film) dans son arythmie, ce qui traîne l’auditoire dans un dédale scénaristique mou.
Durant l’écoute, j’ai l’impression que ces longueurs nous sortent de l’univers King. En effet, des images s’enchaînent dans des lieux anodins sans rythme et rendent le tout ennuyeux. Alors que la deuxième partie défile sans pause pour le spectateur. trice. Elle commence avec une réponse sur l’intrigue et ensuite, c’est un glissement de terrain jusqu’à une pré-fin solide avec la résolution de la malédiction. Puis, une fin où on traverse finalement la ligne de l’excessif avec une communication avec l’au-delà tirée par les cheveux.
Un coup pour oui, deux coups pour non
L’intrigue tourne (énormément) autour de la communication avec l’au-delà. Le romancier Mike tente de parler avec sa conjointe décédée en lui demandant de s’exprimer ainsi : « un coup pour oui, deux coups pour non » . Ensuite, ce sont les
manifestations classiques de présences fantomatiques connues des films d’horreur : objets qui bouge, tourne-disque qui part tout seul, des bruits et des hallucinations. Jusque là, ça va !
Ici, l’originalité et la force de cette communication viennent des lettres; la conjointe communique avec une cloche pour les coups et compose des mots avec les lettres aimantées sur le frigidaire. L’écrivain comprend les messages que sa femme lui envoie de l’au-delà pour régler le mystère autour du lac grâce aux jeux de lettres.
(Spoiler alert) Par contre, ça se gâte à la fin où un arbre en forme de femme est possédé par la chanteuse country, celle qui a lancé la malédiction. La femme de l’écrivain apparait sans aucune apparence fantomatique pour le défendre de l'arbre. L’écrivain a même droit à un baisers après le combat. Je trouve que ça enlève le peu de réalisme que l’on peut avoir dans une histoire de fantôme qu’elle apparaisse si tactile. Puis, juste avant la fin, l’apparition de Mattie dans la baignoire qui est simplement de trop. L’utilisation des effets spéciaux est décevante ; l’eau se soulève pour former une femme. L’apparition du fantôme perd sa crédibilité et ressemble davantage à une attaque du pokémon Carapuce.
Sauver par les acteurs. trices et les décors
La mini-série est sauvée par un jeu d’acteurs puissant avec de grands noms en tête d’affiche. En effet, Pierce Brosnan (Mike Noonan) interprète avec excellence les nombreux changements d’états d’âme du personnage : endeuillé, apeuré,
déterminé et héroïque. Le retournement de situation le pousse à protéger Kyra, la jeune enfant, passant d’écrivain reclus à Jackie Chan.
Ensuite, les décors offrent un cadre magnifique, soit les lacs canadiens. Le lac est utilisé autant pour sa magnificence que pour l’aspect terrifiant, alors qu’il cache des horreurs dans ses profondeurs invisibles de la surface.
La composition des scènes de cauchemars et des visions du passé est juste et réaliste. L’auditoire n’a pas de difficulté à différencier la réalité des épisodes hallucinogènes ou des cauchemars. D’ailleurs, le décor de la chanteuse Sara Tidwell à la foire est à s’y méprendre. Entre le décor réaliste d’une foire de country, des balles de foins et des attractions, Mike Noonan se retrouve à la lointaine époque.
En bref…
Pour moi, c'est un coup pour oui, malgré les faiblesses qui découlent davantage de la forme que du contenu. En effet, l’impression générale est que l’adaptation a voulu en montrer trop, comme si aucun choix scénaristique n’avait été fait entre le texte et le scénario pour couper des scènes peu intéressantes à l’écran.
Néanmoins, l’intrigue est bien ficelée et surprend le spectateur. trice avec des retournements de situation dans le dénouement de la seconde partie. Bref, c’est un à voir si un investissement de trois heures est prêt à être donné.
ÉCOUTE LOCAL
Alex Burger Sweet Montérégie 8,5/10
Sweet Montérégie, c’est le premier album complet d’Alex Burger (Bon Enfant et feu-Caltâr-Bateau). Enfourchez votre plus belle monture : les dix pistes du disque sont un véritable voyage dans le temps dans le far-west québécois. D’arrangements country francs sur certaines chansons (Dormir sur ton couch, Sweet Montérégie, Plus Grande que Nature), on passe à un gros party blues rock qui plaira même à matante Denise (La Randonnée, That’s it). Les textes sont intelligents, les refrains sont accrocheurs et les musiciens nous épatent à chaque minute. Mention très spéciale à Chanson pour Simon, un hymne au party qui interpellera tous les inconditionnels du mythique Sea Shack
Émilie Rioux
Vanille Soleil’96 7,5/10
Chouchou du label Bonbonbon, Vanille est l’entité pop-psychédélique de Rachel Leblanc. Après un premier EP anglophone à 80% intitulé My grandfather thinks I’m going to hell sortie en 2017, on découvre finalement son premier long jeu de 9 chansons.Cette galette-là est rien de moins qu’un rêve ésotérique, une séance d’hypnose d’une durée de 33 minutes et des poussières. Outre les cordes ensorcelantes, le lexique aussi plonge l’auditeur dans un état de relaxation astrologique. Quand la pièce initiale et deuxième single de l’album c’est Carte du Ciel…
Gabriel Tremblay
Pure Carrière Eterna 83 8/10
Avec ce nouvel Album, Pure Carrière possède une volonté de pousser plus loin les explorations inscrites sur leur EP de 2017, tout en gardant un côté laboratoire dans la recherche. Le but étant de toujours rester le plus près possible du premier jet qui a été performé. Une grande mixité dans l'instrumentation et la panoplie de genres abordés donnent un album unique aux atmosphères rock psychédélique et ambient, avec des textes absurdes et sans prétention. Pour moi, c’est un album réjouissant, un album où l’on comprend le désir de créer sans répondre à des attentes tout en étant vraiment dans la création pure du terme.
Guillaume Pepin
The Weather Station Ignorance 8/10
Pour son quatrième album, la formation torontoise a brûlé les guitares et les banjo pour laisser place à une pop beaucoup plus texturée. Émouvante sur chaque piste, la chanteuse Tamara Lindeman est en contrôle de sa voix unique comme jamais auparavant. Si les textes sont déjà admirables, ce sont les arrangements de cordes et de cuivres qui font de Ignorance une force tranquille. Le crescendo de la pièce d’ouverture Robber n’a d’égal que la lumière qui traverse Tried To Tell You et Atlantic. Avec ce virage sonore, The Weather Station s’inscrit dans la modernité et dans plusieurs nouvelles oreilles, on l’espère.
Émilie Rioux
PALMARÈS DU MOIS
Créations
Feuilleton posthume
Par Philippe Saint-Germain
Je ne suis pas supposé être ici. La notaire nous a dit de laisser l’appartement tel quel jusqu’à l’évaluation des biens. Je me rends toutefois au Centre en curieux cinq jours après la visite à l’hôpital et vingt-trois jours avant le cimetière. J’ai besoin de me retrouver dans ton monde, de me fondre dans ce qui en reste.
Je me rappelle toutes mes visites passées mais j’ai l’impression d’être ailleurs que chez toi car la disposition des meubles et des objets a été affectée par l’arrivée et le départ en trombe des ambulanciers.
Je découvre un calepin ouvert près du téléphone, tu y as noté un rendez-vous condamné d’avance. L’écriture manque d’assurance, la maladie grugeait tes forces. Quant au cahier sur la table de la salle à manger, il est garni de listes qui rassemblent économie et souci du classement, esprit et corps. Elles alignent les aliments à acheter ou ingérés, les taux de sucre, le budget. Des illustrations naïves en font une bande dessinée intermittente. Tu évoques parfois tes activités réduites pendant la pandémie, un souper avec ton fils ou la livraison d’une commande, ton humeur régulièrement assombrie par la période plate, plate, plate du virus qui t’empêchait de sortir du Centre.
Sans transgresser l’interdit imposé par la notaire, j’ouvre et ferme des portes, je fouille dans des tiroirs où se trouvent des bibelots, de la monnaie, des photographies, des bijoux et du papier, beaucoup de papier. Les formulaires faciliteront sans doute la succession mais je m’attarde surtout aux dizaines de cahiers et calepins disséminés dans l’appartement, amorcés puis abandonnés après quelques mois, semaines ou jours. Une série de commencements qui racontent ton histoire : ton enfance, tes emplois, les logements où tu as vécu, la mort de ton mari, le cancer de ta fille et tes voyages aux États-Unis. Les épisodes sont séparés par de longues pauses mais je résiste à l’envie de combler les vides et de parler à ta place.
Malgré tous les indices, j’ai compris trop tard à quel point tu étais une femme d’écriture. Tu nous envoyais des messages par la poste sans attendre les réponses qui t’auraient fait tant plaisir. J’ai toujours eu du mal à être présent et mes appels téléphoniques ont été bien rares. Les mots écrits auraient pu tout corriger, être là quand les autres canaux de communication flanchaient.
Dans un monde parallèle, je rattrape le temps perdu et je deviens ton correspondant, je ne me contente pas de raconter mes journées, j’invente plutôt un feuilleton dont nous sommes les seuls à connaître les aventures et les personnages. Au lieu de lire mes livres, tu lis des mots conçus pour toi. Chaque rencontre nous permet d’échanger à propos de ces intrigues secrètes qui nous tiennent en haleine jusqu’à la fin et même au-delà.
Je parle toute seule
Par Mary-Lise Blanchard
Les voisins se crient dessus
Aussi fort que mes pensées hystériques
Ce bout de corps arraché
Entre deux claques de vie
S’effrite et dérive,
N’atteint aucun littoral
Les tympans sifflant
D’airs chambranlants
S‘époumonent après toi
Ressens ce que je dis
Sens unique d’une conversation défaillante
Un supplice amovible
In extremis
Perpendiculaire entre deux chemins
Rencontrée aux coins des rues :
T’es où pis
Fuck, j’toute seule
Encore.
Photo par Jaelle Marquis
Mon amour si on avait su danser
Par Sarah Khilaji
mon amour si on avait su danser dans la fontaine du salon funéraire est-ce qu'on aurait réussi à s'aimer plus longtemps?
t'étais mille tornades à toi tout seul mais tu savais tellement pas comment tournoyer qu'le vent te filait entre les lèvres en même temps que t'échappais un mutisme beaucoup trop lourd pour mes épaules
la nuit dans ton sommeil j'tenais toute la noirceur du monde dans mes mains pis j'la faisais valser entre mes doigts en espérant y faire pousser des mélodies j'aurais aimé me perdre dans ton vide pour y trouver du sens mais tout c'que j'ai fait c'est me heurter aux pierres tombales de tes amours mortes
ton silence comme épitaphe sur chacune d'entre elles.
j’t'ai fait aucune promesse mais dans ma tête elles déferlaient comme des fuck you à l'univers j'aurais voulu défier les lois de la fatalité pis des fins malheureuses j'aurais voulu savoir comment t'aimer tranquille et tout doucement mais moi tu vois je ne siffle pas non moi je crie pour mille - et avec toi j'ai tenté de crier assez fort pour faire tomber tes murs
j’me suis faite louve pour te couver dans mon ventre, lionne pour te nourrir de mon amour, rossignol pour chanter dans ton jardin d'empereur, sirène pour goûter à la saveur de tes silences
puis je me suis faite fantôme pour te libérer de nos errances j’me suis acharnée à chercher les brèches dans lesquelles me faufiler pour avoir accès à tes non-dits j'ai cru bien faire j'ai tenté mon amour tu sais j'ai tenté de nous libérer de ton aphasie pour en venir à me demander si tes lèvres soudées avaient tout simplement rien à dire
mais je l’sais au fond. Je l’sais qu’un jour t'apprendras à engloutir ton bonheur pour mieux le recracher sur tous les toits dans toutes les rues villes et villages je sais oui je sais que t'es mille tornades à toi tout seul et qu'un jour, mon amour, un jour, tu la trouveras, la belle qui saura savourer tes silences tumultueux sans rien d'mander de plus
Contourner le vent
Mélissa C Pettigrew
J’hésite souvent entre tout et rien. Avec mon voisinage, je ne discute pas. Je marche. Je leur envoie une de mes mains, la plus timide des deux, la droite. Pour ensuite m’en retourner. Tranquille.
Le ton que ma mère adopte lorsqu’elle parle des autres. Elle s’amuse. Depuis l’instant où j’ai saisi son langage, je me suis mise à retenir tout ce qu’elle dit.
Une telle « est courageuse elle a six enfants »
Un tel « n’est pas fier il va à l’épicerie en bottes à vache »
Un tel « est mollasson c’est sa femme qui gère »
Une telle « cuisine bien elle n’achète jamais de cannage »
Quand elle dit « lui, il fait ses petites affaires » c’est qu’elle ne le connait pas très bien
Je traverse la rue sans regarder
Derrière moi, mon terrain vide
Des zigzags dans la tête
Je marche
Déjà, les trottoirs blanchissent granite fondant
Déjà, l’atmosphère se refroidit
Et je me désole du désordre de mes voisins des abris Tempo des balises jaunes des tapis de plastique éparpillés en bordure de route des préparatifs que je ne comprends pas
Je préfère accepter que la neige gâche tout que le sel brûle le gazon que ma voiture soit ensevelie
Je préfère marcher toujours marcher
Pendant que mes voisins eux déploient leurs attirails
*
Mes parents n’ont jamais préparé le terrain
le vent ramasse les feuilles et les arbres sans protection doivent survivre au poids de l’hiver
Chez mes parents un abri d’auto s’envolerait avec les feuilles
Chez mes parents ce n’est ni mon père, ni ma mère qui dirige c’est le vent
L’hiver, lorsqu’il y a une tempête les fenêtres crient
les garde-robes des chambres transpirent le nordet la glace et la porte d’entrée sombre sous une congère géante
*
La maison du coin de ma rue, un ancien bureau de poste est la plus petite du voisinage agréable à regarder
Sur son terrain, il y a un abri Tempo pour arbuste
Ses résidents ne m’apparaissent jamais
Quel genre de personne sont-ils ?
Ma mère trouverait sûrement les mots
mais moi, je quitte sans réponse
Mon voisin immédiat me salue
je le salue en retour
Il me sourit longuement je lui souris en retour en refermant aussitôt la porte derrière moi
Je contourne le vent et je retourne à mes petites affaires
NOTRE VISION COMMUNE EN DÉVELOPPEMENT
DURABLE
Par l’entremise d’une approche participative, la communauté prend part activement aux réflexions et aux projets en développement durable à l’Université.