Nature Morte - Automne 2023

Nature Morte LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT.ES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL · GRATUIT · AUTOMNE 2023 · VOLUME 10 - Nº1

Couverture Paula Casillas Sánchez

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Journalistes collaborateur.rice.s Émilien Côté, Julianne Campeau, Mathilde Chetaille et Raphaëlle Martineau

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Cheffe de pupitre aux arts Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle) arts@impactcampus.ca

Réviseures linguistiques Sabrina Boulanger et Érika Hagen-Veilleux Impression Publications Lysar inc.

Tirage : 2000 exemplaires Dépôt légal : BAnQ et BAC

Journaliste multiplateforme Camille Sainson (elle) societe@impactcampus.ca

Journaliste multiplateforme Florence Bordeleau-Gagné (elle) multimedias1@impactcampus.ca

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LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT.ES DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

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SOMMAIRE

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ÉDITORIAL 6 Édito par Emmy Lapointe

10 SOCIÉTÉ ET SCIENCES 10 La disparition du ciel étoilé par Camille Sainson 16 Au pays des champignons par Mégan Harvey 22 En attendant la fin de la Fin de l’Histoire par Antoine Morin-Racine 34 L’éveil spirituel comme fin de la souffrance par Émilien Côté

38 LUDIQUE 38 The Last of Us par Emmy Lapointe 48 Horoscope par l'équipe d'Impact Campus 48 Interlude par l'équipe d'Impact Campus

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ARTS ET LITTÉRATURE 54 CHYZ 94.3 par l'équipe de Chyz 56 Sonate d'automne par Camille Sainson 58 Top des films de l’année

par l'équipe d'Impact Campus 60 Une histoire non exhaustive de la nature morte par Julianne Campeau 64 Zoom sur la scénographie québécoise actuelle par Florence Bordeleau-Gagné 74 Sorties littéraires par Frédérik Dompierre-Beaulieu 76 Walden – la nature comme porte ouverte à l’exploration de soi par Camille Sainson 80 Conservation, archivage et pérennité des œuvres et des contenus - Entre nouvelles pratiques, impasses et activisme par Frédérik Dompierre-Beaulieu

94 CRÉATIONS 94 Détresse désertique. par Mathilde Chetaille 98 Le musée des jours fanés par Raphaëlle Martineau

ÉDITORIAL

ÉDITO Pour plusieurs enjeux de ressources monétaires, matérielles, écologiques, humaines, nous avons pris la décision, au cours des derniers mois, de ralentir notre rythme de production de magazines. On voulait prendre soin du seul mag trimestriel qu’on aurait, de notre web, de nos sous et de nos journalistes. Est-ce qu’on a bien fait d’embrasser encore plus le virage numérique ? Au moment où Méta continue de bloquer les médias canadiens et que Google menace de faire la même chose, la question se pose.

Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

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Survivre Dire que les médias traversent une crise relève à la fois de l’euphémisme et de l’évidence, et que ça touche les médias étudiants, encore plus. Les publicitaires déjà frileux d’investir post-pandémie ne le deviennent que davantage alors que la diffusion du contenu numérique est devenue immensément difficile sans l’accès à Facebook et Instagram. D’autant que les médias étudiants n’ont pas un public fidélisé depuis 5, 10, 15 ans qui serait abonné à une infolettre ou qui aurait, tout simplement, l’habitude de consulter nos plateformes. Notre audience, il faut sans cesse la reconstruire alors que défilent les cohortes. Et nous n’avons pas les 25 000$ qu’il faudrait pour développer une application.

Alors pourquoi se tourner quand même vers le numérique ? Les raisons à cela sont souvent assez pragmatiques.

D’abord, la vitesse de transmission du contenu rend impossible, pour un média étudiant du moins. La publication d’un quotidien ou d’un hebdomadaire devient difficile, parce que tout est tout le temps déjà passé. Et c’est pour ça, initialement, qu’en 2018, Impact Campus avait décidé de se tourner vers le magazine mensuel, pour ça, mais aussi pour créer un contenu de qualité. Le magazine mensuel n’était pas non plus un modèle idéal pour un journal étudiant, parce qu’il empêche le traitement de l’actualité.

Alors, on a ajouté le web à tout ça, mais à sept journalistes étudiant.es et une dizaine de collaborateur.rices, ça devenait difficile de produire 84 pages de contenu de qualité à chaque mois, en se souciant aussi de l’esthétique visuel de notre magazine et en alimentant l’actualité web de façon décente. Et tout ça, c’est sans compter le prix du papier qui a drastiquement augmenté tout comme la masse salariale, parce qu’on veut que nos journalistes puissent

payer leur loyer trop cher, leurs études trop chères et leur épicerie trop chère. Malgré nos efforts, les sources de financement n’augmentent pas, les revenus publicitaires non plus.

Innovation et créativité Ce sont des considérations ennuyantes et déprimantes, parce qu’à quelque part, elles entravent les missions journalistiques. Mais j’ai quand même l’intime conviction que si on est attentif.ves à cette crise des médias qui, au final, n’est que le symptôme de maux sous-jacents, on peut trouver une façon de continuer. Il faut impérativement essayer de continuer à écrire, de partager comme on peut, de coller des codes QR partout. Mais c’est certain que cette lutte-là ne peut pas être menée en silo, il faut être solidaires, et pour ça, les médias étudiants sont un exemple alors que depuis plusieurs mois déjà, une association est tranquillement mise en place. Il faut aussi que comme lecteur.rices, on s’interroge sur notre mode de consommation des médias, sur la manière souvent un peu passive dont on reçoit l’information.

Mais par-dessus tout, il ne faut pas que la survie des médias repose entièrement sur des responsabilités individuelles; il doit y avoir des sources de financement qui nous assureront une pérennité et qui nous donneront les moyens de nous adapter à la crise actuelle et à toutes celles qui viendront, parce que les médias, tout comme les universités, doivent être au service des communautés qu’ils desservent. Et leur manque de financement les voue soit à disparaître soit à se tourner vers des partenaires privés pour lesquels, souvent, ils doivent adapter leur contenu, perdant là une partie de leur essence, au service de géants tentaculaires qui n’en ont que faire des règles du jeu.

Éditorial

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Automne 2023 — Volume 10 Nº1

PROCÉDURE DE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES Cet aide-mémoire a été conçu en lien avec les règlements et politiques de l’Université Laval.

ÉTAPE 1 TENTEZ DE RÉSOUDRE LE PROBLÈME INFORMELLEMENT. Avant de passer à une démarche plus formelle, il est important de tenter préalablement de résoudre le problème par le biais de la négociation et de la médiation en contactant les personnes directement concernées par celui-ci (par exemple, votre superviseur·e, votre direction de programme ou de département, etc.)

ÉTAPE 2 PASSEZ AU PROCESSUS FORMEL PAR ÉCRIT. Cette étape consiste à transmettre par écrit la plainte au supérieur ou à la supérieure hiérarchique immédiat·e de l’employé·e de l’Université Laval. La personne qui reçoit la plainte a une période de dix jours, à compter de la réception de celle-ci, pour y donner suite.

Pour un problème avec un·e professeur·e, le ou la supérieur·e immédiat·e de ce dernier ou cette dernière peut être : • Le directeur ou la directrice du département en question • Le doyen ou la doyenne, et le vice-doyen ou la vice-doyenne Vous devriez inclure les informations suivantes dans votre formulation de plaintes : • L’objet de votre plainte et la personne concernée; • Un aperçu des démarches menées pour résoudre le problème informellement avec la personne concernée; • Les raisons pour lesquelles la décision du processus informel n’était pas satisfaisante; • Les solutions proposées; • Vos coordonnées complètes.

Consultez le verso pour obtenir de l’information supplémentaire.

ÉTAPE 3 ADRESSEZ-VOUS À L’OMBUDSMAN. Si votre problème n’a toujours pas été résolu et qu’une enquête est nécessaire, vous devez contacter l’Ombudsman de l’Université Laval.

Cette étape marque le dernier recours en matière de résolution de problèmes.

Pour certaines personnes, la rentrée signifie redécouvrir un univers déjà bien connu, alors que pour d’autres, elle marque le premier jour dans une nouvelle université, un nouveau programme et peutêtre même une nouvelle ville.

Cette année, les journées de la rentrée ont eu lieu les 5 septembre et 6 septembre 2023 au Grand Axe de l’Université Laval. C’était la première fois que l’université organisait un grand évènement des journées de la rentrée au Grand Axe. Plusieurs associations universitaires étaient présentes, il y avait aussi plusieurs jeux sur les différents kiosques. Au niveau de l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures, l'ÆLIÉS a offert des hot-dogs à nos étudiant.e.s ainsi que la possibilité de prendre des photos avec notre nouvelle mascotte SILAE. La traditionnelle distribution des agendas de l’année a été faite et, cette année, nous avons aussi remis à nos étudiant.e.s des sacs ÆLIÉS contenant des stylos, des carnets, des bonbons et plein d’autres surprises.

Pour l’année universitaire 2023-2024, l’ÆLIÉS est prêt à surmonter bien des défis. Son rôle principal est de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts des étudiant·e·s du deuxième et du troisième cycle de l’Université Laval. C’est aussi de les représenter auprès de toutes les instances universitaires, sociales ou politiques ainsi que d’offrir des services de nature économique et sociale à ses membres.

Les étudiant·e·s membres de l’ÆLIÉS bénéficient d’une assurance médicale couvrant les soins de santé physique, buccale et psychologique. Cette police a récemment ajouté toutes les méthodes de contraception dans sa couverture d’assurance. Durant votre parcours universitaire, l’ÆLIÉS peut vous assister soit en vous fournissant un accompagnement personnalisé si vos droits n’ont pas été respectés, ou en vous octroyant une aide financière pour différents aspects de la vie étudiante, comme l’achat d’équipement informatique, les voyages liés aux études, aux stages ou aux communications scientifiques.

Pour vous rencontrer et vous informer sur l’association et ses services, une programmation complète est disponible en ligne sur le site de l’ÆLIÉS. Nous vous invitons vivement à consulter notre site pour voir nos quatre webinaires vous permettant d’en savoir plus sur l’assurance collective, le service d’accompagnement en droits étudiants et les bourses offertes.

Si vous avez la vie étudiante à cœur et que vous valorisez la solidarité, les savoirs, l’implication et l’initiative, le conseil exécutif de l’ÆLIÉS vous invite à joindre ses efforts en matière de défense des droits étudiants et dans la poursuite d’objectifs chers à la communauté étudiante en vous impliquant au sein de l’un des nombreux comités auxquels participe l’ÆLIÉS ou en vous présentant comme membre du conseil d’administration. Pour en savoir plus sur les comités et la procédure pour vous impliquer à l’AELIÉS, vous pouvez consulter notre site internet.

Les services de l’ÆLIÉS s’adressent à tous les membres et nous vous invitons à y avoir recours. Sur ces quelques mots, l’ÆLIÉS vous souhaite une bonne rentrée, au plaisir de vous rencontrer !

Coordonnées générales

Les bureaux de l'ÆLIÉS se retrouvent sur le campus de l'Université Laval à la Maison Marie Sirois.

Maison Marie Sirois 2320, rue de l'Université - Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Téléphone : 418 656-7190 Courriel : aelies@aelies.ulaval.ca Nos heures d'ouverture Nos locaux sont ouverts du lundi au vendredi, de 9 h 00 à 12 h 00 et de 13 h 00 à 16 h 00.

SOCIÉTÉ ET SCIENCES

Noctalgie – maladie moderne de la disparition du ciel Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

« Silence.

L’univers dort, L’oreille énorme posée Sur sa patte mitée d’étoiles. » (Maïakovski, 2005)

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

Photo par Philippe Moussette

Dans une lettre ouverte à la revue Science, Aparna Venkatesan (professeur de physique et d’astronomie de la University of San Francisco) et John Barentine (astronome) utilisent pour la première fois le terme de « noctalgie »: « we offer here the term noctalgia to express “sky grief” for the accelerating loss of the home environment of our shared skies, a disappearance felt globally and deserving its own field of study of “nyctology” » (Venkatesan, Barentine, 2023, paragr. 2) . En référence à la solastalgie de Paul Bogard, ils dénoncent ainsi la disparition du ciel étoilé visible à l’œil nu. Combien de personnes peuvent encore apercevoir la Voie lactée depuis leur balcon, ou même leur jardin ? Les villes sont touchées depuis

longtemps par ce phénomène ; au Canada ce ne sont pas moins de 95% des étoiles qu’il n’est plus possible d’observer à l’œil nu (Gagnon, 2019, paragr. 1)! Malheureusement, les campagnes et les zones plus reculées ne sont pas non plus épargnées puisqu’elles se retrouvent sous les dômes lumineux émis par les grandes villes ; celui de Montréal s’étend par exemple à plus de 150 km à la ronde. Les images satellites permettent également de constater que le Québec est la région qui génère le plus de lumière par habitant au monde ; Montréal émet autant de lumière que New York, et Québec (environ 800 000 habitant.es) émet l’équivalent d’une ville comme Boston (presque 5 millions d’habitant.es). Selon la Fédération des astronomes

Société et sciences

amateurs du Québec (FAAQ) : « en Amérique du Nord, on estime que l’énergie lumineuse émise vers le ciel équivaut à 1 milliard de dollars annuellement, alors qu’au Québec c’est plusieurs dizaines de millions de dollars qui s’envolent littéralement vers nos étoiles, soit l’équivalent de plusieurs centaines de GWH!». La problématique n’est donc pas seulement environnementale, elle est également financière.

La tristesse particulière provoquée par la disparition des ciels étoilés est le symptôme d’une époque marquée par une appétence pour l’éclairage artificiel. Qu’il s’agisse de nos lampadaires, de nos enseignes, écrans de téléphones ou encore d’ordinateurs, nous sommes des papillons fous de lumière, surtout quand elle est bleue ! Nos yeux tournés

vers le sol ne voient plus ce qui, au-dessus de nos têtes, est en train de disparaître. « Only in the most remote deserts, wilderness areas and oceans can you find a sky as dark as our ancestors knew them » (Sutter, 2023, paragr. 5).

Commençons par rappeler que la pollution lumineuse n’est pas juste due à l’éclairage public. Certes, les lampadaires, surtout lorsqu’ils sont orientés vers le ciel, forment déjà un halo impressionnant, mais s’ajoutent à cela toutes les usines et entreprises qui laissent allumées leurs installations pendant la nuit.

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Photo par Philippe Moussette

citoyenne « Tous POUR la fin du halo lumineux des Serres Toundra » lancé en 2021 afin de lutter contre cette pollution.

Une pétition et des démarches ont suivi, des équipes de chercheur.ses se sont rendues sur place, permettant de lancer un projet de réglementation de la pollution lumineuse avec les municipalités concernées. Si la pollution est moindre depuis l’année dernière, les habitant.es subissent toujours les effets du halo lumineux. « Les planètes s’approchaient à pas de loup et des silences obscurs peuplaient les étoiles » (Breton, Soupault, 1980, p. 44.).

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Autour du lac Saint-Jean par exemple, les populations subissent depuis 2019 la pollution lumineuse des serres Toundra implantées à Saint-Félicien. Conséquence directe de la stratégie de croissance menée par Québec en vue d’accroître son autonomie alimentaire, la construction de serres s’est multipliée ces dernières années. Ce sont pas moins de 347 nouvelles installations qui ont vu le jour depuis 2020 (Cameron, 2023, paragr.1). Lors de leur mise en service, les serres Toundra produisaient un halo lumineux visible à plus de 85 kilomètres de distance et environ treize fois plus polluant que la lumière émise par la ville de Saint-Félicien (Pion, 2022, paragr. 6-7). Caroline Lavoie est l’instigatrice du mouvement de mobilisation

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Photo par Philippe Moussette

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L’échelle de Bortle permet de mesurer la qualité du ciel nocturne selon la lumière émise depuis la terre. Le résultat est sans appel, moins de vingt étoiles sont visibles à l’œil nu dans les centres urbains, il faut attendre de se trouver au niveau du parc de la Jacques Cartier pour n’être dérangé que par de faibles lueurs, et la Voie lactée ne sera visible qu’aux aventurier.ières qui iront à plus de 130 km de Québec. « À cause de la pollution lumineuse, c’est aussi l’Humanité tout entière qui se retrouve privée d’une partie de son patrimoine naturel et culturel : plus de 80% de la population mondiale vit sous un ciel pollué par la lumière, et près de 99% de la population européenne. Un tiers de la population mondiale ne voit plus la Voie lactée. Le ciel étoilé est progressivement un espace en voie de disparition. Le siècle des Lumières est en passe d’éteindre la nuit ! » (Agir pour l’environnement, paragr. 3).

Malheureusement, la pollution lumineuse est également présente en orbite ; les satellites reflètent la lumière du soleil et participent eux aussi à créer une barrière entre nous et les étoiles. En 2018, la société SpaceX a lancé son projet Starlink, une constellation artificielle d’environ 3 200 satellites, chiffre qui doit atteindre 12 000 en 2025

et à terme 42 000 ! S’ils perturbent déjà l’exploration des astres au télescope, « some researchers have estimated that, on average, our darkest night skies, located in the most remote regions of the world, are 10% brighter than they were a half century ago, and the problem is only getting worse » (Sutter, 2023, paragr.6).

Nous assistons donc à une colonisation de l’orbite basse avec toutes ces nouvelles mégaconstellations qui sont également sujettes aux collisions, créant ainsi une multitude de débris et augmentant la pollution atmosphérique. Le 2 mars dernier, Nature Astronomy a publié une étude concernant l’impact de ces satellites sur l’exploration spatiale du télescope Hubble. Lancé en 1990 et actuellement en orbite basse à 538 km du sol, Hubble se retrouve à avoir un champ de vision pollué par les traînées lumineuses qui pourront, à l’avenir, l’empêcher de déceler de nouveaux objets célestes. Des scientifiques ont donc scanné plus de 150 000 images enregistrées entre 2002 et 2021 et remarquent que 2,7% d’entre elles contenaient au moins une traînée lumineuse. Leur propension aurait d’ailleurs doublé au cours des trois dernières années. Il devient urgent de trouver des solutions si nous voulons préserver notre ciel étoilé.

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Photo par Philippe Moussette

« Les étoiles sont éclairées pour que chacun puisse un jour retrouver la sienne » (Saint-Exupéry, 1999).

Au-delà d’altérer notre capacité à observer des étoiles à l’œil nu ou avec un simple télescope amateur, la pollution lumineuse a des effets néfastes pour notre environnement, notre santé et celle de la faune. On vous explique.

artificielles ont tendance à les attirer dans la mauvaise direction et à les rendre vulnérables. Dans un autre registre, un article de la BBC note « qu'entre 100 millions et un milliard d'oiseaux meurent chaque année en heurtant des bâtiments aux États-Unis, les lumières artificielles jouant un rôle majeur dans ce bilan ». La pollution lumineuse serait une cause majeure de la disparition des insectes et impacterait même les écosystèmes marins jusqu’à 2 000 mètres en profondeur.

2. Sur l’être humain : De la même manière que les animaux, notre corps fonctionne sur ce que l’on appelle le cycle « circadien », c’est-à-dire un cycle d’éveil et de sommeil répartis sur 24 heures. « La perturbation de cette horloge interne déclenche différents problèmes au niveau de la production hormonale, de la régulation du cycle cellulaire et même de l’activité cérébrale », note l’organisation Jour de la Terre.

On vous a sûrement déjà dit qu’il était néfaste pour la santé d’avoir les yeux rivés sur un écran juste avant d’aller dormir ; la lumière qu’il émet perturbe notre organisme qui va ralentir sa production de mélatonine (hormone du sommeil).

Il sera donc plus compliqué de s’endormir et c’est notre

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1. Sur la faune : Selon un article de Courrier International : « l’horloge interne des espèces nocturnes [est] inévitablement bouleversée, ce qui les rend plus vulnérables aux prédateurs. Les prédateurs nocturnes eux-mêmes peuvent se retrouver dans l’incapacité de chasser leurs proies » (Courrier International, 2023, paragr.4). La pollution lumineuse a un effet direct sur le mode de vie des animaux, impactant les voies migratoires et même la chaîne alimentaire. Prenons l’exemple concret des tortues sur la côte atlantique canadienne ; lorsque les plages sont éclairées, les femelles sont désorientées et ne savent plus où pondre leurs œufs (Scholz, 2022, paragr. 5). Et une fois éclos, les bébés se repèrent habituellement en suivant la lumière de la lune pour s’éloigner des côtes. Or les lumières

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cycle du sommeil au complet qui va être altéré. Quand on sait que le sommeil est réparateur, il vaut mieux le préserver pour rester en bonne santé !

3. Sur l’environnement : Forcément, qui dit pollution lumineuse, dit consommation d’énergie et donc impact sur nos factures et sur l’augmentation des gaz à effets de serre. Une fois de plus, l’organisation Jour de la Terre note : « autour de 2014, les Canadien.nes ont gaspillé autour de 100 millions $ en éclairage inutile. » La province de Québec à elle seule génère des coûts d'environ 45 millions de dollars (Astrocanada, paragr. 4). Loin d’être écologique, l’éclairage nocturne est souvent utilisé de manière irréfléchie et mériterait donc d’être mieux contrôlé.

Mais, alors, quelles sont les solutions ?

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- Dans un premier temps, la communauté scientifique plaide pour une restructuration de nos éclairages urbains.

Loin de devoir éteindre complètement nos lumières et nous condamner à vivre dans le noir, il suffirait de diminuer la quantité des lampadaires et surtout, d’en modifier l’orientation ! Quand on sait que 30% de la lumière artificielle se dirige vers le ciel, c’est 30% d’utilisation inutile.

Adopter des ampoules moins polluantes fait également partie des solutions faciles à mettre en place ; la lumière jaune gaspille moins d’énergie et est moins polluante que la blanche (qui, en plus, contient de la lumière bleue, néfaste pour notre santé.) La ville de Calgary, en Alberta, a mis en place le programme EnviroSmart afin de réduire l’intensité lumineuse de ses éclairages de rue et a ainsi économisé environ 2 millions de dollars par an sur sa facture d’électricité.

- Aparna Venkatesan et John Barentine proposent également des solutions à une échelle internationale : « expanding (…) and globally coordinated domestic and international policies for the skies; designation of the skies as intangible cultural heritage by the United Nations; and, expanding the language/protections associated with Earth jurisprudence and the ‘Rights of Nature’ » (Venkatesan, Barentine, 2023, paragr.4). Afin d’obtenir un impact global de diminution de la pollution lumineuse, de nombreux scientifiques souhaitent que le ciel étoilé soit protégé et reconnu comme partie intégrante du patrimoine mondial de l’humanité, notamment pour éviter que « la voûte céleste ne devienne un nouveau "Far Web", avec 56 000 satellites prêts à zébrer le ciel étoilé » (National Geographic, 2023).

- Si l’UNESCO n’a toujours pas inscrit le ciel nocturne comme espace protégé, des initiatives scientifiques ont

permis de créer des « réserves de ciels étoilés ». La International Dark Sky Association (IDA) et la Société Royale d’Astronomie du Canada (SRAC) ont, par exemple, mis en place des programmes visant à reconnaître des espaces où la noirceur du ciel est exceptionnelle.

Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de six réserves qui ont vu le jour au Canada ; une en Colombie-Britannique, deux en Alberta, deux en Ontario et une au Québec. Cette dernière se situe au mont Mégantic, et s’étend sur plus de 5 260 km carrés, représentant la plus grande des réserves internationales de ciel étoilé ! L’objectif du projet était d’inclure des municipalités, comme la ville de Sherbrooke, dans la réserve. Ce faisant, il a fallu repenser les éclairages urbains afin de ne pas entraver le travail de l’observatoire situé en haut du mont. « Les travaux accomplis dans le Projet initial de lutte contre la pollution lumineuse ont permis de convertir plus de 3 300 luminaires dans 17 municipalités. Ce projet a permis de faire économiser plus de 1 700 000 kWh/année d'énergie, ou environ 200 000$ d'électricité, à toute la région » (Une réserve pour protéger le ciel étoilé, 2023). Et les résultats sont également visibles à l’œil nu ; la pollution lumineuse a diminué de plus de 35% ! Ce sont maintenant plus de 3 000 étoiles que l’on peut apercevoir dans cette région par rapport à la pauvre trentaine encore visibles à Montréal.

Héritage culturel en danger, le ciel nocturne est une composante majeure de notre patrimoine et de notre histoire. Si nous n’avons plus besoin de lever les yeux vers lui pour pouvoir nous repérer dans l’espace, les étoiles, en tant que plafond commun à toute l’humanité, nous rappellent d’où nous venons et soulignent la fragilité de notre écosystème au sein de l’univers. Puisque les êtres humains ont eu tendance à gaspiller les ressources naturelles, à piétiner leurs patrimoines et à courir vers toujours plus de profits au détriment de leurs environnements, notre ciel a fini par se teinter de gris. C’est donc une réelle noctalgie qui s’est emparée des amoureux des grands espaces, du noir profond, et des milliers d’astres qui scintillent dans la nuit. Alors, mobilisons-nous pour que notre ciel demeure un endroit propice à la rêverie, à la conquête spatiale et aux instants somnambules où le silence résonne à travers la galaxie. « Et, derrière cette splendeur comme derrière un rideau de flamme, on entrevoyait Dieu, ce millionnaire d’étoiles.» (Hugo, 2017).

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Photo par Philippe Moussette

VENKATESAN, A., BARENTINE, J. (2023). Noctalgia (sky grief): Our Brightening Night Skies and Loss of Environment for Astronomy and Sky Traditions. Science, 380 (6650). https://www.science.org/doi/10.1126/science.adi4552 National Geographic. (2023). Espace, la nouvelle odysée.

National Geographic, Octobre 2023. https://www. nationalgeographic.fr/espace/2023/09/sommaire-dumagazine-national-geographic-du-mois-doctobre-2023espace-la-nouvelle-odysee Courrier International. (2023). Êtes-vous atteint de “noctalgie”, le chagrin de ne plus voir les étoiles ? Courrier International. https://www.courrierinternational.com/article/ le-mot-du-jour-etes-vous-atteint-de-noctalgie-le-chagrinde-ne-plus-voir-les-etoiles Scholz, A., (2022). Faisons la lumière sur… la pollution lumineuse. Jour de la terre.ca. https://jourdelaterre.org/qc/ blog/2022/03/22/faisons-la-lumiere-sur-la-pollutionlumineuse/ Astro-Canada. La pollution lumineuse. Le Canada sous les étoiles. https://astro-canada.ca/la_pollution_lumineuselight_pollution-fra Legris, C. Éclairage nocturne et pollution lumineuse. Dépôt d’un mémoire dans le cadre de la consultation publique pour la révision du Plan d’urbanisme de la Ville de Montréal.

Fédération des Astronomes amateurs du Québec.

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Références : Maïakovski, V. (2005). À pleine voix. Gallimard.

Hugo, V. (2017). Les Misérables. Gallimard.

Saint-Exupéry, A. (1999). Le petit prince. Gallimard.

Breton, A., Soupault, P. (1980). « Éclipses ». Les champs magnétiques. Gallimard.

Gagnon, F. (2019). La disparition des ciels étoilés (20172019). Francis Gagnon, photographie de paysage. https:// francis-gagnon.com/project/ciel-etoiles/ Sutter, P. (2023). The loss of dark skies is so painful, astronomers coined a new term for it. Space.com. https:// www.space.com/light-pollution-loss-dark-skies-noctalgia Cameron, D. (2023). Le volume de production en serre a presque doublé. La Presse.https://www.lapresse.ca/ actualites/environnement/2023-03-23/autonomiealimentaire-au-quebec/le-volume-de-production-en-serrea-presque-double.php Pion, I. (2022). Pollution lumineuse : un encadrement nécessaire. LaTribune. https://www.latribune. ca/2022/10/29/pollution-lumineuse--un-encadrementnecessaire-74642bf7168d02f87c2361cc0b5d206c/ Ciel Étoilé Mont Mégantic. (2023). Une réserve pour protéger le ciel étoilé. https://www.cieletoilemontmegantic. org/reserve Agir pour l’environnement. (2023). Le ciel étoilé : un espace en voie de disparition. https://www.agirpourlenvironnement. org/campagne/le-ciel-etoile-un-espace-en-voie-dedisparition/

Société et sciences

Au pays des champignons Les pieds dans un tapis de feuilles, un cherche et trouve commence dans cette forêt des possibles pour les amateur.rices de mycologie. Champignons petits et grands, aux diverses couleurs et aux textures différentes ; rien ne pourrait arrêter les cueilleur.euses d’y trouver leur compte.

Par Mégan Harvey, journaliste-édimestre

Déjà, Frédéric Brossard-Pellerin, un passionné de champignons, remarque habilement les espèces à la fois perchées dans les arbres ou près du sol.

Enthousiastes, on s’approche de ce qui semble être des pleurotes, un champignon comestible et bon au goût.

Même si Frédéric est assez certain, on fait les vérifications nécessaires. On consulte un livre sur l’identification des champignons et on analyse les différents éléments : la couleur, la texture, le pied, la grosseur, etc.

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Confiant, le jeune mycologue en herbe arrache les champignons de l’arbre et les loge dans un petit sac. Déjà, il est satisfait. Ce sera jour de risotto aux champignons pour le souper.

Étudiant à la maîtrise en foresterie, Frédéric a une bonne connaissance de la forêt. Il a donc un avantage, ça permet de mieux trouver des emplacements propices à la cueillette.

En effet, il y a des champignons qui poussent près des peupliers, dans des forêts de conifères, au soleil ou à l’ombre, près des roches, etc.

Ce qui est certain, c’est qu’il y a beaucoup d’endroits propices à la cueillette. « On retrouve des champignons, peut-être pas partout, mais à beaucoup d’endroits. Surtout à des endroits où la vie est difficile », mentionne Louis Bernier, professeur à la retraite au département des sciences du bois et de la forêt.

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Il y a également des projets de recherche et, même, des usines pilotes qui cherchent à créer des nouveaux matériaux issus, en partie, de composantes de champignons. Par exemple, la maison Hermès, en collaboration avec la startup MycoWorks, a conçu des tissus synthétiques à partir de mycélium, une composante du champignon, pour des sacs à main en cuir. Le mycélium est récolté, comprimé et traité comme on tannait des peaux animales pour en obtenir un cuir propre à la conception de sacs à main.

Ils sont aussi utiles en bioremédiation. On les utilise pour contrer les effets de certains polluants, soit en utilisant un concentré de champignons pour éliminer complètement les substances nocives, soit en les utilisant directement pour modifier la composition des agents polluants, ce qui est une des capacités remarquables des champignons.

Dans le domaine forestier et agricole, les champignons sont souvent vus comme des ennemis pouvant nuire à une partie de la récolte. Toutefois, de nouveaux produits ou pesticides biologiques, créés à partir de champignons, attaquent les insectes ou d’autres champignons et aident les agriculteur.rices dans la protection de leurs récoltes.

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Un champignon, plusieurs utilités Les champignons jouent un rôle essentiel dans l’écosystème et sont exploités par plusieurs organismes dans leur alimentation, dont les humains. « Un certain engouement se fait sentir pour la mycologie, et, surtout, la cueillette de champignons comestibles », remarque Louis Bernier. Pour leurs propriétés psychotropes, certains champignons peuvent être utilisés pour créer des produits ou pour un usage récréatif. On les retrouve aussi dans l’industrie de la bière.

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Le problème de l’identification L’identification des champignons est difficile puisqu’il existe des « complexes d’espèces » : des espèces génétiquement différentes, mais qui, d’un point de vue morphologique ou visuel, sont très semblables.

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« Historiquement, il y a eu beaucoup d'erreurs taxonomiques parce qu’on se fiait seulement à leur apparence », mentionne Louis Bernier.

Par leur complexité et l’immense variété de ce règne, les chercheur.euses ne s’entendent toujours pas sur combien d’espèces de champignons il y aurait dans le monde. Selon Louis Bernier, « il n’y en a même pas 200 000 qui sont décrites. On pense qu’il y a facilement deux millions d’espèces de champignons. » C’est notamment dû au fait qu’il y a plusieurs espèces qui ne font que des structures microscopiques. L’avènement

des techniques moléculaires contribue à une meilleure capacité d’identification : « ce qu’on appelait une espèce, on réalise que du point de vue génétique, c’est dix espèces qui ont des propriétés très différentes », dit Louis Bernier.

Heureusement, au Québec, il y aurait moins de 10% des espèces et de gros champignons qui sont vraiment dangereux. Il y a cependant certains cas où on retrouve, dans un même groupe, des sortes comestibles et toxiques.

Par exemple, dans la catégorie des amanites, on retrouve les amanites comestibles, mortelles et hallucinogènes.

Pour Louis Bernier, les différences entre les champignons comestibles et toxiques sont parfois difficiles à discerner à l'œil nu. « Dans bien des cas, pour le commun des mortels, ce n’est pas évident la différence » , dit-il en rappelant l’importance d’une bonne identification des espèces.

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Les champignons produisent des toxines fongiques qui irritent le système digestif, mais qui n’attaquent pas les organes. Les champignons non comestibles causent des symptômes semblables à ceux de la gastroentérite lorsqu’ils sont ingérés. Les plus dangereux, comme les amanites, vont s’en prendre sévèrement au foie, aux reins et au système nerveux, causant ainsi la mort.

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Attention, contamination possible Il faut faire attention aux endroits où on récolte les champignons. Dans certains cas, surtout en Europe, les champignons ont absorbé des métaux lourds de vieux sites industriels, qui pourraient causer des intoxications. Les terrains des citoyen.nes peuvent aussi contenir des pesticides. Il est ainsi recommandé de cueillir dans les endroits les moins perturbés par les activités anthropomorphiques et industrielles. De façon générale, les champignons dans les forêts ne posent pas de problème.

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Conseils d’ami.es pour cueillette de champignons réussie Quand on commence dans le monde de la mycologie, il existe quelques trucs pour que tout se passe bien. Pour la consommation, il est recommandé de commencer tranquillement par une sorte et de consommer seulement de petites quantités pour laisser au corps le temps de s’habituer. En cas de symptômes, cette stratégie permet aussi d’identifier plus facilement l’espèce ingérée, ou ce qui lui ressemble mais qui serait toxique.

Il est également conseillé de faire cuire les champignons.

Certaines toxines sont sensibles à la chaleur et, en les faisant cuire, elles s’évacuent. C’est aussi un bon moyen pour s’assurer qu’il ne reste plus d’insectes.

À la fois pour Louis Bernier et Frédéric Brossard-Pellerin, une formation, officielle ou officieuse, est essentielle pour débuter dans le monde de la mycologie. Le Cercle des mycologues au Québec, présent dans quelques régions du Québec (Québec, Montréal, Estrie, etc.), est un bon point de départ. Cet organisme propose des sorties sur le terrain et offre l’accompagnement de mycologues d’expérience pour aider les apprenti.es à se faire l’œil.

Plusieurs sites sont utiles pour se renseigner, dont le site web Myco Québec, qui offre des outils d’identification très complets. Par exemple, si l’on cherche l’espèce de la pleurote pulmonaire, il y a six photos disponibles pour aider à l’identification avec des variantes physiologiques du même type. Puis, on a les autres « clés » d’identification :

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le chapeau, les lames, le pied, la chair, l’odeur et la saveur, sporée, baside, spores, mode de croissance, écologie, période, fréquence, comestibilité et quelques remarques pertinentes.

qui s’intitule « on pourrait confondre avec », ce qui est utile pour éviter des empoisonnements ou des cas toxiques.

On peut également les apporter sur le terrain et s’y référer au besoin.

De son côté, Frédéric Brossard-Pellerin apprécie le site Champignouf, qui permet d’envoyer plusieurs photos de champignons (d’au-dessus, d’en dessous) pour identifier la sorte la plus probable, mais aussi les autres options possibles, nous mettant en garde contre les espèces noncomestibles semblables.

Et, bien évidemment, il est toujours pertinent d’utiliser plus d’une méthode pour s’assurer de la meilleure identification possible. Une chose est sûre, le temps, l’apprentissage et l’expérience feront de vous de meilleur.es cueilleur.euses de champignons.

Il existe également des livres de références. Certains proposent une première identification par photo, d’autres utilisent des clés d’identification ou même une catégorie

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En attendant la Fin de la Fin de l’Histoire Marasme et effondrement au crépuscule du néolibéralisme : fragments d’un état de fait condamné mais incertain Par Antoine Morin-Racine, chef de pupitre aux actualités

Semblerait-il que « tout ça » ne puisse plus continuer…

Durant les années 1950, le corps des Marines de l’armée américaine met au point une nouvelle manière de mesurer la chaleur parce qu’une quantité de plus en plus importante de ses recrues venait à tomber d’épuisement lors de leurs entraînements.

Cette nouvelle mesure était réalisée à l’aide de trois instruments. Un premier thermomètre servait à mesurer une température de contrôle dite « sèche » et équivalente à la chaleur annoncée par le bulletin météo du jour. Un petit globe de plastique noir était ensuite utilisé pour mesurer l’intensité des rayons du soleil, puis un thermomètre « mouillé » muni d’un chiffon imbibé d’eau servait à mesurer l’humidité ambiante.

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La température du deuxième thermomètre « mouillé » est généralement plus basse que celle du premier, car l’évaporation de l’eau contenue dans le chiffon a pour effet de la faire baisser. Le corps humain régule sa température interne de manière similaire en se gardant au frais à l’aide de l’évaporation de la sueur par transpiration. Plus l’air ambiant est humide, plus les températures des deux thermomètres en viendront à se ressembler. Moins la différence entre ces deux températures est grande, moins le corps humain a la capacité de s’adapter à la chaleur qu’il reçoit.

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Cette nouvelle « température du thermomètre mouillé » deviendra l’une des premières méthodes qui permettront de donner une idée relative de la chaleur maximale qu’un corps humain peut supporter.

Théoriquement parlant, il est impossible pour le corps d’une personne adulte et en bonne santé de survivre à l’ombre en accomplissant un minimum d’activité physique à partir de 35ºC et un air à 100% d’humidité pendant plus de 6 heures (Raymond, 2020), et ce, peu importe la quantité d’eau avec laquelle elle peut s’hydrater. À partir de cette température et à ce taux d’humidité, la transpiration n’est plus efficace et la chaleur du corps monte rapidement pour égaler la chaleur ambiante.

Il y a encore quelques années, ce genre de température était considéré rare par les climatologues et ne pouvait être observé que dans des endroits reculés. On ne prévoyait en être affecté que dans la deuxième moitié du 22e siècle (Cornwall, 2020).

Des études récentes ont cependant montré que des chaleurs telles pourraient être à prévoir beaucoup plus tôt que prévu (autour de 2050) et que leurs occurrences étaient « substantiellement sous-estimées » à cause de la quantité grandissante d’eau qu’absorbe l’atmosphère dans le cadre du réchauffement climatique.

D’autres études ont également calculé que cette mesure de survivabilité de 35ºC était beaucoup trop optimiste (Vecellio et al., 2016) et qu’elle serait plutôt autour de 31º C sur le thermomètre mouillé (Sherwood & Huber, 2010). À de telles températures, les organes du corps sont soumis à un stress de plus en plus important au fur et à mesure qu’il demeure exposé à la chaleur. L’air est épais et l’agiter à la manière d’un ventilateur ou d’un éventail réchauffe au lieu de rafraîchir. On se sent à l’ombre comme on se sentirait dans un sauna ou lorsqu’on est incapable de se sécher d’une douche un jour de canicule. Il est exigeant d’y respirer vu la quantité d’eau que les poumons se doivent de filtrer. Après quelques heures dans une telle chaleur, on commence à se sentir désorienté.e. Plutôt que de s’évaporer, la sueur s’accumule sur le corps puis la sudation arrête et les cellules du corps commencent essentiellement à enfler sous l’effet de la chaleur. La peau est d’abord froide et moite au toucher puis devient de plus en plus chaude et sèche. On commence ensuite à ressentir ce que l’on appelle des crampes de chaleur au fur et à mesure que le sel et les différents minéraux du corps s’accumulent dans les muscles.

Si cette personne ne trouve pas un endroit climatisé et de l’aide médicale avant que sa température interne ne vienne à dépasser les 41 degrés, l’un ou l’autre de ses organes vitaux cédera sous l’effet de l’état d’hyperthermie dans lequel elle est prise (préférablement le cœur que le foie).

Celle-ci mourra très probablement dans un état

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Couverture de l’album “The Darkest Place” par Warmth

contradictoire d’euphorie similaire à celle des alpinistes qui se dévêtissent au sommet de l’Everest dans les derniers stades de leur hypothermie.

Il y a un sujet étrangement universel qui revient quand un.e biologiste tente de faire connaître la gravité du déclin de la biodiversité au grand public : le silence (Lovegrove, 2007; Thompson et al., 2022). Les écosystèmes de notre planète se font de plus en plus silencieux. Depuis les 50 dernières années, l’ensemble des familles animales ont connu un déclin de population de 69% (WWF, 2022), laissant à celleux qui l’étudient et vivent à ses côtés le sinistre privilège d’être témoin de tous les sons que son écroulement fait disparaître.

Traduisant un sujet hautement complexe dans une prose

simple et émouvante, son livre sera lu par des millions de personnes et elle sera reconnue comme une pionnière du mouvement écologiste. Son travail entraînera même la régulation de certains pesticides par le gouvernement américain comme le DDT, un insecticide synthétique réputé pour sa capacité à rester présent très longtemps dans l’organisme et se propager longtemps à travers la chaîne alimentaire.

Carson décédera deux ans après la publication de son livre d’un cancer du sein. Elle avait 56 ans.

Une grande partie de son livre tournera autour de la mort massive des oiseaux qui se nourrissaient d’insectes exposés aux pesticides. Au cours des décennies qui suivront sa mort, des scientifiques aux quatre coins de la biologie viendront à découvrir à quel point la survie des espèces est étroitement interconnectée. De cette constatation, celleux-ci théoriseront et commenceront à étudier un phénomène qu’iels appellent la coextinction.

Quand une population disparaît où même quand elle commence à décliner, c’est l’ensemble des espèces qui sont en sa proximité et leur habitat commun qui en sont affectés, et donc aussi les espèces et habitats qui dépendent de ces derniers, ainsi de suite.

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La première à le faire sera l’Américaine Rachel Carson.

En 1962, elle publie un livre intitulé Printemps silencieux à propos des dangers de l’épandage de certains insecticides essentiels à l’essor de productivité fulgurant que l’agriculture mondiale connaît à cette époque. Ces substances tueuses de ravageurs étaient considérées à l’époque comme les premiers piliers de l’éradication de la faim dans le monde (John & Babu, 2021).

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Les insectes étudiés par Rachel Carson étaient considérés comme ayant un rôle néfaste sur la production alimentaire.

Cependant, une grande partie des insectes de la planète servent également de pollinisateurs et participent de différentes manières au maintien de 87 des 124 cultures qui nourrissent l’espèce humaine actuellement (Gallai et al., 2009; Klein et al., 2007). En raison des pesticides tels que ceux décriés par Carson, mais aussi du changement climatique et de la destruction d'habitat, une majeure partie de ces espèces pollinisatrices connaissent en ce sens un déclin inquiétant (Potts et al., 2010).

On calcule, pour le moment, qu’une extinction complète de ces espèces pollinisatrices ne serait pas suffisante pour causer le dérèglement complet du système alimentaire

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mondial (Richie, 2021). Par contre, le dérèglement croissant des constantes météorologiques de la planète constituerait un « risque systémique » (Kornhuber et al., 2023) à l’alimentation mondiale. La probabilité grandissante d’événements météo extrêmes se produisant en même temps dans les différents greniers à blé du monde inquiète plusieurs chercheur.euses (Puma et al., 2014; Mehrabi, 2020; Gaupp et al., 2020) .

En 1998, le géochimiste floridien Donald Canfield publie un article qui allait révolutionner le domaine de l’océanographie. Dans les pages du célèbre périodique Nature (Candfield, 1998), il prouvera que la prolifération de l’oxygène dans les océans terrestres était beaucoup plus récente que ne l’avait pensé la science.

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Pendant les 3,5 premiers milliards d’années de notre planète, ces eaux de ne pouvaient être habitées que par des micro-organismes coriaces capables de survivre dans un environnement sans oxygène en transformant les minéraux des fonds marins en gaz divers. Il n’y a qu’un milliard d’années, c'est à partir de ces gaz et de l'oxygène qu'ils finiront par synthétiser qu'un ensemble plus complexe de formes de vie pourrait apparaître dans les océans pour, éventuellement, grimper sur la terre ferme. Ces océans primaires dépourvus d’oxygène sont aujourd’hui appelés océans de Canfield.

Entre cette ère des « océans de Canfield » et la nôtre, il est estimé que pas moins de trois extinctions massives de la vie sur Terre seront causées par une perte d’oxygène subite dans les océans de la planète. Bien que séparées par des centaines de millions d'années, ces extinctions présentent des similitudes frappantes.

Celles-ci sont initialement déclenchées par un réchauffement de la température globale de la planète, causé bien souvent par le déversement d’une grande quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Dans le cas de l’extinction permienne, il y a 252 millions d’années, ce sont les émissions provenant de l’activité volcanique dans les sols de ce qui deviendra la Sibérie qui peut être mise en cause.

Le réchauffement des océans entraîne par la suite un ralentissement des courants et des grandes boucles océaniques qui transportent l’eau riche en oxygène de la surface jusqu’aux fonds marins. Plusieurs « zones mortes» (Asfar Alam, 2023) commencent ainsi à apparaître aux endroits où l’eau des océans devient essentiellement stagnante et anoxique. La seule chose qui peut survivre dans ces étendues d’eau de moins en moins oxygénées sont des bactéries qui s’affairent à décomposer tous les cadavres de la biosphère sous-marine. Lentement, ces colonies de bactéries viennent à faire surface en émettant deux gaz : du méthane, mais surtout du sulfure d’hydrogène.

Il s’agit d’une molécule qui, quand elle en vient à s’évaporer en assez grande quantité dans l’atmosphère, colore le ciel en vert, attaque l’épaisseur de la couche d’ozone, empeste la planète avec une odeur d’œufs pourris, et y fait aussi graduellement disparaître l’oxygène.

Durant les années 1980, les réformes du secrétaire Mikhail Gorbachev allaient éventuellement leur donner le champ libre pour échafauder le pillage en règle des industries soviétiques qui donnera naissance à la classe d’oligarques et qui prendra éventuellement le pouvoir. Au sein des plus hautes sphères du gouvernement, un nombre toujours plus restreint de personnes avait encore foi en la mission émancipatrice du socialisme qu’entendait leur rôle… Les citoyen.nes de l’Union, uni.es malgré leurs différences par leur interaction avec une bureaucratie de plus en plus inefficace et leur certitude de la corruption des dirigeants, le savaient éperdument.

Après une vie à entendre la langue de bois des annonces du parti, toustes étaient passé.es maîtres dans l’art de déceler un vieux zélote d’un escroc qui chante l’Internationale. À leurs yeux, l’affaiblissement des différentes structures qui régissaient leur vie était plus qu’apparent… mais très peu sembleront s’en préoccuper.

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C’est ce qu’Alexei Yurchak, un anthropologue qui émigrera éventuellement aux États-Unis, appellera l’hypernormalisation, un concept qu’il théorisera dans un livre dédié à l’étude des dernières décennies de l’URSS intitulé Everything Was Forever, Until It Was No More: The Last Soviet Generation, Tout était éternel, jusqu'à ce que ça ne le soit plus : La dernière génération soviétique.

L’hypernormalisation était un héritage du passé totalitaire de l’époque stalinienne. Elle désigne le processus étrange par lequel certains éléments du discours officiel qui étaient vérifiablement faux étaient normalisés en surface comme étant véridiques à travers une population qui savait pertinemment qu’ils ne l’étaient pas (Yurchak, p.75). Même après la mort de Staline et une certaine relaxation de l’appareil autoritaire soviétique, l’habitude restera, et une façade de progrès et de prospérité collective sera entretenue en face d’un empire qui s’effritait à vue d’œil quand on se prenait à l’apercevoir.

Si bien qu’en arrivant à la fin de la décennie 1980, rien n’allait, tout le monde savait que rien n’allait, mais personne n’osait véritablement le souligner. Non pas tant par peur de la répression, mais précisément parce qu’iels étaient incapables de réalistiquement en concevoir une alternative.

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Une arrogance à l’apogée À partir des années 1970, il deviendra de plus en plus évident au sein de l’Union soviétique que le modèle économique et politique qui tentait de faire tenir ce qu’il restait des idéaux de la révolution d’Octobre était en voie de s’effondrer.

Pour les politiciens de l’élite du parti et les bureaucrates à la tête de l’économie, l’exercice du pouvoir était devenu un jeu d’équilibre entre une politique de couloir impitoyable puis la mise en scène des gestes purement symboliques et autres discours creux à la « gloire éternelle du communisme ».

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Quelques mois avant la chute du mur de Berlin, un essai d’une vingtaine de pages sera publié dans un magazine conservateur américain qui postulera que la civilisation humaine était arrivée à la fin de son Histoire.

Son auteur, Francis Fukuyama, était un analyste politique de 37 ans des hautes sphères du State Department américain et un ancien employé de la RAND Corporation.

Posé sous la forme d’une question (The End of History ?), son essai soutiendra que la démocratie libérale constitue la forme d’organisation politique et économique ultime de l’espèce humaine puisque c’est celle qui est la mieux capable de répondre au besoin de reconnaissance fondamental de l’entièreté de ses individus.

également, et ce sans même le savoir, le sentiment profond qui se dégagera de l’époque qui suivra.

Fukuyama termine l’essai en prédisant de « l’époque posthistorique » qu’elle sera particulièrement triste. Il dit : « The struggle for recognition, the willigness to risk one's life for a purely abstract goal, the worldwide ideological struggle that called forth daring, courage, imagination and idealism, will be replaced by economic calculation, the endless solving of technical problems, environmental concerns, and the satisfaction of sophisticated consumer demands. ».

Il aura beau écrire 400 pages de plus sur le sujet dans un livre subséquent (avec un titre à l’affirmatif cette fois : The End of History and the Last Man), son idée sera mise en

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Robert Lacke, Getty Images pris dans D’Hondt, M. (2019, novembre 8). 15 photos marquantes qui symbolisent le plus ce que fut le mur de Berlin. Demotivateur.

C’est ainsi que sera prononcé, en Occident, et pour le reste échec au plan intellectuel par plusieurs événements et un du monde, la Fin de l’Histoire. À partir de maintenant, tout un éventail de penseur.euses. Certain.es évoqueront l’Histoire humaine, loin d’être à court d’événements ou de le 11 septembre ou la guerre au terrorisme pour signifier conflits, allait tout de même se stabiliser autour d’un modèle le passage à une nouvelle donne géopolitique internationale politique et économique optimal qui allait régir son où le pouvoir des États-Unis était maintenant contesté déroulement. Pour le reste du temps où il sera physiquement (Kampmark, 2002). D’autres exposeront les failles du possible pour l’espèce humaine de survivre sur cette planète, modèle néolibéral et les conséquences de la crise elle allait croître grâce à cet arrangement politique et économique de 2008 en sous-entendant un arrangement économique et avec elle allait croître sa prospérité collective plus juste à l’économie mondiale (Hochuli et al., 2021). Il et l’équité entre ses différents membres. désavouera éventuellement lui-même ses thèses pour tenter de répondre à ses critiques en invoquant la montée Ce que Fukuyama ne réalisait pas, c'est qu’il énonçait non du populisme (Fukuyama, 2017) et de la « politique seulement la fantaisie du monde qu’il voulait voir naître, mais identitaire » (Fukuyama, 2018). L’année dernière, il aussi le nom le plus évocateur à l’ère économico-historique reviendra sur ses mots dans les pages de The Atlantic, dans laquelle il évoluait. Une époque qui se voyait comme avec beaucoup moins d’émoi populaire cette fois, pour le début d’une éternité de stase idéologique et de croissance mettre en lumière les signes de la victoire éventuelle du économique. Non seulement exaltait-il la victoire historique modèle libéral sur les autoritarismes russes et chinois de son idéologie sur la scène mondiale, mais il décrivait (Fukyama, 2022).

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… mais le slogan restera. Même après la faillite effective de son concept sur le marché international des idées, son affirmation nous parle toujours. À bien des égards, on semble encore se poser la question de ce qui doit venir après la Fin de l’Histoire. L’on s’y sent encore, même si l’on sait pertinemment que nous avons depuis longtemps dépassé le temps où l’on y croyait.

Pendant la pandémie, un mot deviendra grandement populaire pour décrire le sentiment vague de monotonie et de résignation que l’état d’arrêt du monde produisait chez bien des gens. « Cela s’appelle la langueur », répèteront des éditoriaux de tout un tas de journaux du nord global. (Grant, 2021; Girard, 2021; Simard, 2022;

Car le pire quand on se penche sur les prédictions grandiloquentes de Fukuyama, c’est que d’une tragique manière dont il ne sera probablement jamais conscient, il avait en quelque sorte raison.

Seulement depuis la publication de son livre en 1992, l’humanité aura mis plus de Co2 dans l’atmosphère que pendant l’entièreté de sa présence sur Terre avant (Stainforth, Brzezinski, 2020) . Durant ces 29 dernières années, notre espèce aura ainsi également eu le temps de : saturer l’atmosphère de méthane (un gaz 26 fois plus polluant que le Co2 (Lelieveld et al., 1993) à un taux au moins 150 fois plus haut que l’ère préindustrielle (Aballain, 2002), mettre en branle la 6 e extinction de masse de

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Sepulveda, 2021) L’expérience du confinement et de la restriction des contacts sociaux nécessaires pour stopper la transmission de la COVID-19, mais aussi l’exposition prolongée à des formes de divertissement individuel dont la conception a pour effet d’épuiser émotionnellement les consommateur.rices, révèleront à plusieurs une certaine léthargie à la vie au sein du néolibéralisme.

Cette Fin de l’Histoire apparaît ainsi non pas comme le début d’une période d’abondance indestructible, mais bien comme l’inévitable plateau-point de bascule d’une civilisation qui arrive aux limites de son empire.

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Bien que celleux qui s’identifieront le plus au terme ne seront en majorité pas les conducteur.rices d’UberEats, les infirmier.ères, les commis d’épicerie et autres travailleur. euses assigné.es à faire fonctionner et perdurer ce régime (Gupta, 2023), une majorité des personnes qui n’ont pas encore été totalement précarisées par celui-ci, ne pourront s’empêcher de ressentir, vague après vague, confinement après confinement, une impression pénétrante que rien ne se passe… … quand pourtant tout arrive à grands pas.

l’histoire de notre planète, franchir le pic et donc faire débuter le déclin de la quantité de pétrole conventionnel disponible à l’exploitation humaine (Chauvin, Auzanneau, 2022), enclencher différents procédés climatiques qui nous dirigent toujours plus rapidement vers plusieurs points de non-retour comme la fonte du permafrost polaire (Fewster et al., 2022), la transformation inévitable du bassin de l’Amazone en savane (Boulton et al., 2022) ou l’immobilisation des grands courants océaniques (Ditlevsen, Ditlevsen, 2023), et, entre autres choses, d’assurer à la planète un réchauffement d’au moins 1ºC depuis l’invention de la machine à vapeur.

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Cuarón, A. (Réalisateur). (2006, octobre 18). Children of Men. Universal Pictures, Strike Entertainment, Hit & Run Productions.

Cette Fin de l’Histoire qui ne finit pas de finir…

Mark Fisher était un philosophe et critique culturel britannique qui s’enlèvera la vie à l’âge de 48 ans le 13 janvier 2017. Dans son œuvre la plus connue, publiée pour la première fois en 2009, Fisher développe un concept qu’il appelle « réalisme capitaliste » (capitalist realism).

Il commence le livre en définissant celui-ci à l’aide d’une citation qu’il attribue à l’un de deux philosophes contemporains. « Il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme », disent-ils.

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Il amène cette citation après avoir exposé un extrait du film Children of Men dans lequel l’un des personnages principaux demande à un riche collectionneur d’œuvres d’art pourquoi il s’entête à garder si précieusement son butin s'il n'y aura bientôt plus personne pour le voir au beau milieu du scénario apocalyptique du film. Le collectionneur de lui répondre qu’il « n’essaie de pas y penser » (Fisher, 2009, p.1).

Assez tristement, les idées de Fisher connaîtront leur plus grand succès après sa mort. Pour nombre de ses lecteur. rices, Fisher a réussi à conceptualiser un sentiment profond d’immobilité et d’immuabilité qui est au cœur de l’époque dans laquelle iels évoluent. La panoplie de sujets qu’il

réussissait à interrelier et les références culturelles populaires avec lesquelles il formulait ses idées mettaient en lumière un certain marasme, une apathie face à ce mythe culturel profond et disséminé de la Fin de l’Histoire qui était maintenant enraciné au cœur même de ce que c’était d’exister en Occident.

Fisher tente et réussit, à bien des égards, une difficile description de l'Histoire du moment présent, tel qu’il le vit.

En tant que critique culturel, Fisher fera mainte fois part de la « lente annulation du futur » qu’il voyait dans la musique et les films des dernières décennies (Fisher, 2014). La culture populaire n’était plus le terrain de jeux de centaines de petites avant-gardes effrénées qui réinventaient continuellement le paysage artistique, mais bien une réédition de plus en plus lâche de pastiches trop nostalgiques. La culture, pour Fisher, était pour ainsi dire arrivée à sa fin et elle n’était maintenant bonne que pour capitaliser sur du remâché.

Non seulement n’était-il plus capable de créer de la nouvelle culture, mais à ses yeux, le capitalisme a conditionné jusqu’à la psyché même de notre cerveau, et toute tentative de s’en départir est susceptible d’être

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absorbée par celui-ci et nous être revendu sous la forme d’un produit.

Par-dessus tout, il confrontera probablement chacune des personnes qui auront la chance de le lire avec la réalisation qu’elles sont incapables d’imaginer leurs vies en dehors de l’arrangement économique qui les a conditionnées, et ce, même pour celles qui désirent ardemment son abolition.

Fisher utilisera entre autres l’exemple de Kurt Cobain pour illustrer son point (Fisher, 2009 p.9). Tout au long de sa carrière, le chanteur de Nirvana essayera tant bien que mal de critiquer les institutions du showbusiness et de l’industrie de la musique dans lesquelles son rôle d’artiste l’enfermait. Or, plutôt que de susciter leur mécontentement, Fisher se fascine pour les manières qu’auront ces mêmes institutions de pouvoir vendre l’image même de cette contestation à leurs audiences. Il dit : « Cobain semblait donner une voix abattue au découragement de la génération qui avait suivi l'Histoire, dont chaque mouvement était anticipé, suivi, acheté et vendu avant même d'avoir eu lieu.

Cobain savait qu'il n'était qu'un spectacle de plus, que rien ne passe mieux sur MTV que la rébellion contre MTV » (Fisher, 2009, p.9). Dans ce monde, où « même le succès était synonyme d’échec » (Fisher, 2009, p.9), ce genre d’hypocrisie finira éventuellement par le tuer et l’on vendra encore des t-shirts à l’effigie de sa lettre de suicide des décennies après sa mort (Payne, 2015).

Une véritable critique du capitalisme est presque impossible au moment de son apogée précisément parce qu’elle est achetable, nous explique Fisher, parce qu’elle peut être transformée en commodité puis vendue. C’est seulement une poignée d’enjeux clés qui, par la brutalité des réflexions et des sentiments qu’ils évoquent, ont le pouvoir de venir exposer la dysfonction fondamentale à ce système.

L’un de ces enjeux est celui de la santé mentale. Comme son décès peut le témoigner, Fisher a longtemps souffert de multiples troubles psychologiques, mais ceux-ci ont souvent influencé de manière brillante sa capacité à penser la société autour de lui.

Il en conclut ainsi que des problèmes comme le déficit d’attention, mais aussi la dyslexie et la dépression, ne sont pas des dysfonctions personnelles par rapport à la norme, mais bien des réactions saines et normales à des mécanismes malsains de l’arrangement économique et social dans lesquelles ils et elles se trouvent, des « pathologies du capitalisme tardif » (Fisher, 2009, p.25).

La santé mentale est ainsi un lieu de politisation potentielle parmi une mer d’enjeux possiblement cooptables parce qu’elle met en lumière un mal que le capitalisme cause au plus profond de nous-mêmes. Il est nécessaire, pour Fisher d’antagoniser cette crise à la faveur d’une alternative politique (Fisher, 2009, p.80).

Le marasme idéologique et culturel profond de la Fin de l’Histoire n’est pas une fatalité. C’est un mal à abattre.

L’environnement est un autre de ces champs de bataille fondamental pour Fisher. Là aussi, il y voit un exemple immanquable et potentiellement politisant de ce qu’il appelle le « réel ». Un concept philosophique utilisé précédemment par certains de ces maîtres à penser mais qu’il désigne comme une vision soudaine, temporaire et traumatique derrière les « inconsistances de la réalité apparentes » (Fisher, 2009, p.18)

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Malgré les multiples tentatives du modèle capitaliste d’intégrer les enjeux de la catastrophe climatique, la brutalité du fait que le capitalisme et son « fétiche de la croissance » est « … par sa nature même, opposé à toute notion de durabilité » (Fisher, 2009, p.19) constitue pour lui une réalisation porteuse.

La Fin de l’Histoire est ainsi non seulement une époque d’abondance inégalée marquée d’une morosité culturelle généralisée, mais l’incarnation même d’un arrangement du monde qui est foncièrement insoutenable. À bien des égards, Mark Fisher était relativement confiant quant à notre capacité à venir réaliser que « tout ceci » ne pouvait pour ainsi dire « plus durer ». Ce dont il avait une peur existentielle, par contre, était plutôt la possibilité que cette réalité dont nous commencerions à douter nous ait conditionné.es avec une telle force que nous serions incapables d’en imaginer une alternative.

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Lorsqu’il fut professeur à l’université, Fisher remarquera une pathologie particulière chez ses étudiant.es qu’il appellera « l’hédonie dépressive ». « … l'état auquel je fais référence » dit-il « n'est pas tant constitué par une incapacité à obtenir du plaisir que par une incapacité à faire quoi que ce soit d'autre que de rechercher le plaisir » (Fisher, 2009, p.21-22). Presque à toute heure du jour, ses étudiant.es sont bombardé.es de messages qui font appel, tous de manières plus ingénieuses que les autres,

à d’intenses processus biologiques et inconscients de l’attention humaine. La quantité et l’incessance de ces messages en viennent à créer des individus qui sont non seulement incapables de se concentrer, mais qui sont également drainés de neurotransmetteurs essentiels à une vie épanouie.

Société et sciences

L’insoutenable comme seule certitude De tous les domaines scientifiques et mouvements de pensée à considérer la crise écologique, une quantité étonnamment petite d’entre eux s’affaire à regarder dans le blanc des yeux l’insoutenabilité de l’état présent des choses comme le fait la collapsologie.

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À la frontière d’un courant de pensée et d’une science, la collapsologie s’intéresse essentiellement à l’étude des différents effondrements possibles à un moment où à un autre de la Fin de l’Histoire. D’abord le travail d’un ancien ministre de l’Environnement français, elle sera popularisée dans un essai par un ingénieur agronome du nom de Pablo Servigne. En 2008, Servigne terminait un doctorat en biologie où il étudiait la coopération chez les fourmis en Guyane lorsque, sous l’impulsion de la crise financière, il se passionnera pour l’étude de la fragilité des structures humaines et du système Terre.

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Sept ans plus tard, il publiera l’essai qui fera initialement connaître la collapsologie auprès du grand public francophone : Comment tout peut s’effondrer : Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (Servigne, 2015). Écrit dans un langage simple et avec des conclusions scientifiques aussi alarmantes que sourcées, le bouquin sera un succès retentissant. Au cours des années qui suivront, Servigne poussera sa pensée dans d’autres publications (Servigne, 2017, 2018) et il deviendra en quelque sorte l’avant-garde plus grand public de tout un assemblage de penseur.euses et de scientifiques qui s’essaient pour ainsi dire à prédire la « fin du monde ».

Au cœur de leur pensée : l’idée d’anthropocène, selon laquelle les conséquences de l’activité humaine sont responsables de l’entrée de la planète dans une nouvelle ère géologique. Notre espèce a maintenant dépassé un temps révolu où les grands mécanismes qui régissent la condition même de notre planète étaient une chose hors de notre contrôle. Avec des dates de commencement que les scientifiques débattent entre la disparition des

mammouths laineux (Mahli, 2016) et la machine à vapeur (Krutzen dans Ekhart, Thomas, 2006), il est proposé que nous serions, géologiquement parlant, entré.es dans « l’ère des humains ».

Peu de temps après sa popularisation, par contre, une critique assez frontale de ce concept d’anthropocène commencera également à prendre forme venant de plusieurs autres écologistes (Malm, 2017). « Si le réchauffement mondial est le résultat de la maîtrise du feu, ou de toute autre propriété de l’espèce humaine acquise lors d’une phase lointaine de son évolution, comment même imaginer un démantèlement de l’économie fossile ? … la pensée du changement climatique fondée sur l’espèce conduite à la mystification et à la paralysie politique. Elle ne peut pas servir de base à la contestation des intérêts particuliers du business-as-usual indissociable de l’économie fossile » soutiendront-ils (Malm, 2017, p.8).

Pour certain.es d’entre elleux, ce qui était, en apparence une véritable antithèse de l’hypernormalisation d’un régime écocidaire n’était en réalité qu’une incarnation de toute sa puissance (Bohy-Bunel, 2023). La collapsologie serait, en réalité, une pseudoscience fataliste destinée à nous rendre apathiques à l’idée de se battre pour l’avènement d’un ordre au monde différent.

Au cœur de leur contestation se trouve la spécification d’une importance capitale que la crise climatique n’est pas le résultat de la seule présence humaine sur Terre, mais d’un arrangement bien spécifique et relativement récent à cette présence : le capitalisme.

Il ne s’agit pas de contester le passage de cette frontière géologique, mais bien de questionner à qui ou à quoi on en fait porter la responsabilité. … et surtout, de nier l’insinuation de cette période comme étant la dernière.

Société et sciences

Cieux en désordre et excellence des situations C’est peut-être mon âge, mais en y repensant bien, la pandémie est l’un des rares moments de ma vie où j’aurai, à proprement parler, « ressenti » l’Histoire. La tranquillité fantomatique des rues le soir durant la première vague portait en elle une excitation que je ne me rappelais avoir vécue qu’une seule fois avant, en voyant l’effroi dans l’expression faciale de mon professeur d’histoire de secondaire 5, le jour où il nous fera regarder en direct l’assermentation de Donald Trump.

Cela tient toujours de la témérité de tenter de faire l’histoire de son propre présent, mais la tâche est peut-être plus facile quand celui-ci ne se définit uniquement que par ce qu’il l’a précédé. Même si son dépassement n’est plus sujet à discussion, l’on vit encore, tout compte fait, la Fin de l’Histoire, dans son sillage, son souvenir. Les structures (géopolitiques, économiques, politiques, etc.) de notre présent sont déterminées par leurs éloignements progressifs de celle-ci mais surtout par leur ignorance de son intenabilité.

Il y a quelque chose de pervers à l’exaltation qu’on peut ressentir quand on voit un régime de stabilité que l’on est venu à connaître trop bien se casser les dents, et ce, bizarrement, même quand notre bien-être est intimement lié à son maintien. La perversion est d’autant plus trépidante quand on nous a vendu toute notre vie, et que l’on ressent jusque dans nos os, l’immuabilité de ce régime.

Son pouvoir semble éternel et dans l’ombre de sa chute surgira plusieurs monstres, mais il y a quelque chose de naïvement euphorique à voir que l’Histoire, par secousses et par convulsions, commence à se mouvoir à nouveau; à voir qu’elle peut à nouveau être investie, donc influencée, pour la rendre capable de mieux se construire dans les ruines vers lesquelles elle s’est destinée.

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Perhaps this very prospect of centuries of boredom at the end of history will serve to get history started once again.

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… l’utopie a changé de camp : est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant.

– Pablo Servigne, « Comment tout peut s’effondrer », 2015

The long, dark night of the end of history has to be grasped as an enormous opportunity.

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– Mark Fisher, « Capitalist Realism », 2009

« Il règne présentement un grand désordre sous le ciel. La situation est excellente ».

– Mao Tse-Tung

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La violence comporte des périls, mais le statu quo nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.

– Andreas Malm, « Comment saboter un pipeline », 2017

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Références

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L’éveil spirituel comme fin de la souffrance

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Par Émilien Côté, journaliste collaborateur

L’humanité est en proie à la souffrance depuis toujours.

Les gens souffrent et se font violence. À présent, la nature se meurt aussi. Quelle est la cause de ces tourments ? Les philosophies anciennes d’Orient et d’Occident disent que c’est parce que nous pensons être une personne séparée des autres et du monde. À un jeune âge en effet, nous avalons cette idée sans la remettre en question. Nous avons soudainement un nom, une famille, des jouets, et dehors, il y a les autres. Avec le temps, nous nous construisons une identité mentale (notre ego), et c’est là que nous commençons à nous sentir mal. Nous essayons alors de fuir notre mal-être en nous projetant dans le futur.

Voilà le problème ! La paix est toujours là, ici et maintenant, mais nous n’y faisons pas attention.

Notre maladie On dirait que nous sommes endormi.es au quotidien, en mode pilote automatique. Les jours passent, mais nous ne les voyons pas. Le miracle de la vie resplendit à chaque instant, mais nous n’en retirons aucune joie. Nous ne sentons pas le soleil d’été, le vent d’automne ou les flocons d’hiver. C’est cela notre maladie. Voilà pourquoi Sénèque écrit : « Nous n’avons pas véritablement une existence courte, mais nous en gaspillons une part considérable » (Sénèque, 1994, p. 8).

Pourquoi sommes-nous dans cet état ? En fait, consciemment ou non, nous ne voulons pas être là où nous sommes. Nous nous projetons sans cesse ailleurs,

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Canva appartenant à la série "Mutation" réalisé par l'artiste Bebar @bebarbarie

persuadé.es que nous n’avons pas ce qu’il faut pour être heureux.ses maintenant. Pourtant, nous n’aurons jamais rien de plus que ce que nous avons dans l’instant. Résister au moment présent revient donc à se condamner à une vie de souffrance, parce qu’il est impossible d’être ailleurs que « maintenant ».

Pendant toute ma vie, jusqu’à récemment, j’étais dans ce mode d’être. J’étais anxieux et distrait, perdant mon temps

sur mon ordinateur, errant dans ma confusion. Mon existence n’avait pas de saveur. J’étais choyé d’un point de vue matériel, mais j’éprouvais une agitation sourde, un vide que je ne pouvais pas m’expliquer. Je me sentais coincé dans mon corps. Les problèmes semblaient surgir de partout. Quelque chose m’empêchait d’être serein. Estce votre cas ?

Le remède Le remède à la souffrance est à portée de toustes, mais il est peu connu. En fait, il a été désigné par plusieurs noms à travers l’histoire, mais le terme que j’utilise est « éveil ».

Voici comment le philosophe José Le Roy définit cette notion : « Disons que c’est l’expérience d’une Présence, d’un Être qui est au-delà de l’ego et avant l’ego » (Le Roy, 2022, pp. 26-27).

L’éveil, c’est réaliser notre identité profonde, et par là même, trouver la paix. Qui sommes-nous alors ? Là aussi, plusieurs noms sont possibles, mais le terme que j’utilise est « Dieu ». Oui, toi qui lis ces mots, tu es l’Être. Rien ne te manque… d’accord, mais qui est Dieu, et où peut-on le trouver ?

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Nous résistons à cause d’un profond sentiment de manque qui nous pousse à chercher toujours davantage. Cela est dû à la croyance en la séparation entre « moi » et « le monde ». Pour un être humain qui vit dans cette dualité, il y a toujours une impression de souffrance en arrière-plan.

La personne essaie de fuir son mal-être par des divertissements de toutes sortes : livres, réseaux sociaux, voyages, magasins, nourriture, relations amicales/ amoureuses, drogue, etc. Sauf que le malaise se perpétue, car il ne peut pas être éliminé par des distractions temporaires. Tel est l’amer constat de Pascal : « Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable » (Pascal, 2015, p. 98).

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Quand nos pensées cessent, nous pouvons sentir un calme, une présence. C’est ce que le moine bouddhiste Matthieu Ricard appelle « la qualité première de la conscience, qui est simplement de “connaitre” (Ricard, 2008, p. 17) ». C’est l’espace vide et silencieux dans lequel apparaissent nos expériences. C’est ce que nous sommes : un esprit lumineux, paisible, infini et sans forme. Il ressemble à un ciel bleu qui reste identique, peu importe les nuages qui passent devant. Le maitre hindou Ramana Maharshi résume ainsi : « Le Soi est l’unique Réalité qui toujours existe, et c’est par la lumière du Soi que toutes les autres choses sont vues » (Maharshi, 2018, p. 33) .

Bien entendu, notre corps et le monde existent aussi, mais ils sont en Dieu, en Soi. C’est ce que Spinoza entend dans son Éthique quand il dit : « L’esprit humain ne peut être absolument détruit avec le corps, mais il en subsiste quelque chose qui est éternel (Spinoza, 2019, p. 372) ». Il n’y a aucune différence entre toi et moi. Nous sommes deux vagues sur l’océan, mais nous sommes l’océan. Tout est UN. La question devient alors : comment prendre conscience de notre espace intérieur ?

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Mon éveil 24 décembre 2022. Veille de Noël en famille. Je reçois en cadeau Le pouvoir du moment présent d’Eckhart Tolle, un livre que j’avais expressément commandé, sachant intuitivement que j’en avais peut-être besoin pour mieux vivre. Le lendemain, je commence à feuilleter quelques pages. Je suis sous le choc : « L’incapacité à s’arrêter de penser est une épouvantable affliction. Nous ne nous en rendons pas compte parce que presque tout le monde en est atteint : nous en venons à la considérer comme normale » (Tolle, 2016, p. 28) .

la présence chaleureuse de mes parents, tout m’émerveille.

Quand je commence ma session et que je vais diner avec des amies à la cafétéria, je me sens presque euphorique.

C’est comme si je les voyais pour la première fois, sans filtre mental. Tout est si vivant, si plein d’amour !

Le chemin de l’éveil est unique à chacun.e, mais j’ai voulu vous montrer à quoi peut ressembler le moment de grâce où l’on s’éveille à son espace intérieur. La seule chose à retenir est celle-ci : « Tout ce dont vous avez vraiment besoin, c’est d’accepter totalement l’instant présent. Vous êtes alors bien dans l’ici-maintenant et avec vous-même » (Tolle, 2016, p. 169) .

Références Sénèque. (1994). Sur la brièveté de la vie. Éditions Mille et Une Nuits.

Pascal, B. (2015). Pensées. Éditions GF Flammarion.

Le Roy, J. (2022). L’appel de l’éveil : chacun peut se relier à sa vraie nature. Éditions Almora.

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Maharshi. R. (2018). La voie directe. Éditions Accarias L’Originel.

Spinoza, B. (2019). L’Éthique. Éditions Gallimard.

Tolle, E. (2016). Le pouvoir du moment présent : guide d’éveil spirituel (œuvre intégrale). Éditions Ariane.

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Comme remède à l’agitation mentale, l’auteur propose de ramener son attention vers le moment présent : « Regardez autour de vous. […] Touchez quelque chose, n’importe quoi […] Sentez l’air qui entre et qui sort de vos poumons » (Tolle, 2016, p. 71) . Il décrit également l’état de plénitude et de paix qui découle de cette pratique. Abasourdi, je commence à essayer d’être constamment dans le moment présent, sans arrière-pensées, même pour les choses les plus banales.

Peu de temps après, je commence à me sentir calme, apaisé, moi qui étais fatigué et mélancolique depuis plusieurs mois. Mon corps se relâche, mon esprit s’éclaircit.

J’éprouve alors une sensation de bien-être intérieur absolument nouvelle. Les objets de ma chambre semblent maintenant briller d’une beauté mystérieuse. Le blanc immaculé de la neige, le gout sucré du gâteau aux fruits, Canva appartenant à la série "Mutation" réalisé par l'artiste Bebar @bebarbarie

LUDIQUE

The Last of Us : destruction, adaptation et reconstruction I was Supposed to die in that hospital My life would’ve fucking mattered, but you took that from me I don’t think I can ever forgive you for that But I would like to try -Ellie

Sorti en 2013, le premier volet du jeu-vidéo The Last of Us, un jeu d’action-aventure horrifique développé par Naughty Dog et disponible sur Play Station uniquement, est vendu à plus de 20 millions d’exemplaires. Le second opus sort en 2020. À l’hiver 2023, HBO diffuse, à raison d’un épisode par semaine, l’adaptation sérialisée qui rejoindra plus de 30 millions de téléspectateur.rices. Acclamés par la critique et par une grande partie du public, les jeux vidéo tout comme la série télé adaptée fascinent, inquiètent, terrifient et touchent. Voyage au cœur d’une fiction qui ne laisse personne indemne.

Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

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Les bases La franchise The Last of Us regroupe essentiellement deux jeux vidéo et une saison qui reprend le récit du premier jeu et de son extension téléchargeable, Left Behind. À cela s’ajoutent des versions remastérisées pour la PS4 et la

PS5 et les promesses d’un jeu de table qui devrait sortir à la fin de l’année 2023 et d’une seconde saison qu’on ne peut espérer avant 2025.

Ludique

Le récit (voire les récits) de The Last of Us est assez complexe par son déploiement spatio-temporel élargi et diffracté. Je tâcherai, plus loin, à des fins d’analyse, de le résumer de manière plutôt détaillée, mais que le.la lecteur. rice qui ne souhaiterait pas se faire vendre les punchs, il sera, bien entendu, possible de sauter cette section : quelle belle liberté d’être lecteur.rice. En attendant, voici un petit résumé/synopsis qui annonce déjà les couleurs (vertes et moisies) de l’univers.

richesse du scénario, la qualité de la production visuelle et de la musique. Plusieurs critiques l’ont même qualifiée de meilleure adaptation d’un jeu vidéo. La série obtient 24 nominations aux Emmy Awards et une note de 97% sur Rotten Tomatoes.

Dans un monde ravagé par une pandémie fongique, Joel, un survivant endurci, est chargé de conduire Ellie, une jeune fille qui pourrait détenir la clé de l'immunité, à travers les États-Unis postapocalyptiques pour rejoindre un groupe de résistants, les Lucioles. À travers leur voyage, iels développent une relation profonde, surmontent les menaces constantes des infectés et des humains hostiles, et confrontent la perte, l'espoir et la brutalité de la survie.

The Last of Us Part 1 (jeu vidéo) – Saison 1 (série télé) Prologue Tout commence en 2023, dans le Texas, où Joel, un père célibataire, tente d’échapper avec sa fille Sarah à une infection soudaine et violente. Malheureusement, Sarah est tuée par un soldat qui avait reçu l’ordre de contenir la contamination.

Réception Le site IGN a donné premier opus une note parfaite de 10/10 mettant en avant la façon dont il « entremêle de manière transparente un gameplay basé sur des choix satisfaisants d’une narration stellaire ». GamesRadar+ a salué le jeu pour son « récit puissant et mature » ainsi que son « combat ultra-polyvalent » alors que cette dernière caractéristique est qualifiée d’inégale par Digital Trends qui souligne toutefois que le jeu raconte l’un des meilleurs récits de toute l’histoire des jeux vidéo. Les critiques seront, à propos du deuxième opus, encore plus dithyrambiques.

Du côté des joueur.es, les avis sont polarisés et partagés, particulièrement pour le deuxième volet étant donné la nature de certains choix narratifs concernant les destins de quelques personnages et la représentation de la violence qui disons-le est assez frontale.

La série, diffusée pour la première fois sur HBO et HBO Max (Crave au Québec) le 15 janvier 2023 et suivant le modèle de diffusion hebdomadaire des autres grandes productions d’HBO, fait l’unanimité chez les critiques et presqu’autant chez les télespectateur.rices. On relève la performance des acteur.rices – et notamment la complicité entre Pedro Pascal (Joel) et Bella Ramsey (Ellie) –, la

20 ans plus tard Joel survit en tant que contrebandier dans une zone de quarantaines de Boston. Lui et sa partenaire Tess découvrent qu’une adolescente nommée Ellie pourrait être la clé de la création d’un vaccin contre l’infection, car elle est immunisée.

Résumé Cette partie contient énormément de divulgâcheurs, en fait, elle n’est composée que de ça.

Joel et Tess escortent Ellie hors de la ville, mais Tess est tuée. Joel continue donc le voyage seul avec Ellie et, peu à peu, une relation père-fille semble se dessiner. Iels rencontrent, en cours de route, plusieurs survivants dont Bill (qui a droit à un épisode complet dans la série) et deux frères, Henry et Sam. Sam est plus tard infecté, et Henry se suicide après avoir tué son propre frère.

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Pendant l’hiver, Ellie et Joel arrivent à Jackson où se trouve Tommy, le frère cadet de Joel. Après quelques jours dans cette communauté de survivant.es, Tommy convainc son frère d’aller retrouver les Lucioles avec Ellie dans l’espoir de créer un vaccin. Le duo père-fille reprend donc la route.

En chemin, Joel est gravement blessé, mais est sauvé par Ellie qui s’occupe de lui pour l’hiver. Elle est toutefois

Production : Canada

Réalisateur.rices : Craig Mazin, Neil Druckmann, Peter Hoar, Jeremy Webb, Jasmila Zbanić, Liza Johnson, Ali Abbasi Musique : Gustavo Santaolalla

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

Créateurs : Craig Mazin, Neil Druckmann

Ludique

Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

40 capturée par un groupe de cannibales mené par David, mais réussit à s’échapper après avoir tué leur meneur.

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

Joel et Ellie atteignent l’hôpital où les Lucioles planifient de créer un vaccin à partir d’Ellie, mais ça signifie aussi qu’Ellie doit mourir. Joel décide de la sauver, mais tue, pour y parvenir, de nombreux membres des Lucioles, y compris leur leader Marlene.

The Last of Us : Left Behind (extension téléchargeable du premier jeu vidéo) – Épisode 7 de la saison 1 (série télé) Une grande partie de Left Behind se déroule avant les événements du jeu principal et se concentre sur Ellie et son amie Riley. Elles explorent un centre commercial abandonné. Elles partagent des moments personnels, jouent, discutent et finissent par révéler leurs sentiments l'une pour l'autre. Tragiquement, elles sont mordues par des infectés lors de leur exploration. Riley décide d'attendre et de voir si elles se transforment, plutôt que de mourir par suicide. Évidemment, Ellie ne se transformera jamais.

The Last of Us Part II (jeu vidéo) – Ce qu’on peut s’attendre être la saison 2 (série télé) Quelques années après l’histoire du premier jeu, Ellie et

Joel vivent à Jackson. Ellie amorce une relation avec une des femmes de la communauté, Dina avec qui, plus tard, elles élèveront un enfant. Peu de temps après le début de cette deuxième partie du récit, Joel est brutalement assassiné par Abby, membre d’un groupe militaire appelé les WLF (Washington Liberation Front), qui cherchait à venger la mort de son père à l’hôpital des Lucioles.

Ellie part alors pour Seattle à la recherche d’Abby, traquant et confrontant différents membres du groupe d’Abby. À noter qu’il est possible pour les joueur.ses de vivre les événements du point de vue d’Abby, révélant ses motivations et ses propres combats (intérieurs et physiques). Ellie et Abby finiront par se confronter, la première épargnera la seconde, réalisant que la vengeance ne lui apportera pas la paix. Elle retourne à Jackson, mais Dina et son fils sont parti.e.

Adaptation médiatique : L'adaptation médiatique fait référence à la conversion d'un format multimédia en un autre, ou à la création d'une nouvelle histoire ou la reformulation d'une vieille histoire dans une nouvelle forme médiatique, basée sur une œuvre déjà existante.

Ludique

Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

La transmédialité : La transmédialité se réfère à la narration d'une histoire ou expérience narrative à travers différents médias et plateformes, en utilisant souvent les technologies numériques actuelles. « une histoire est déployée à travers plusieurs médias, et surtout plusieurs plateformes médiatiques, de manière à former un tout narratif cohérent (Marie-Laure Ryan, 2015, p. 9). »

que jumelée aux jeux vidéo (et peut-être éventuellement au jeu de table), on puisse parler de transmédialité ?

La série propose quelques scènes ajoutées. Par exemple, elle débute avec une scène originale montrant un programme télévisé fictif de 1968 où des intervenants discutent des scénarios apocalyptiques mondiaux. On y entend alors que l'une des plus grandes menaces pour l'humanité pourrait être une infection fongique accélérée par le réchauffement climatique, prémonition qui se révèle tragiquement prophétique dans l'univers de la série. Cette contextualisation de la menace avant qu'elle ne se matérialise donne aux spectateur.rices une conscience préexistante de cette menace et permet assurément d’accentuer le sentiment d’appréhension. Et c’est essentiellement ce que tentent de faire toutes les petites scènes, tous les dialogues, tous les temps d’écran prolongés des protagonistes (comme Sarah, Bill et Frank) : renforcir l’émotion, et souvent l’empathie, parce qu’il faut aimer les personnages pour retourner, semaine après semaine, derrière son écran. Mais à mon sens, ces ajouts, ici et là, participent davantage au processus de traduction médiatique (adapter un médium à un autre) qu’à l’expansion de l’univers diégétique. En d’autres mots, la transmédialité implique une certaine interconnectivité entre les médias

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

La question à savoir si The Last of Us constitue une œuvre transmédia peut être sujette à débat (imaginez un souper de Noël où les convives débattraient de ça plutôt que de la notion d’identité de genre) en raison des différentes interprétations du terme transmédialité. Selon certaines définitions, une œuvre transmédia implique une extension narrative et une expansion de l’univers à travers différents médias où chaque média apporte quelque chose d’unique à l’ensemble de la narration. La question est alors de savoir si l’adaptation The Last of Us en série télévisée est perçue comme une simple traduction du jeu vidéo sans ajouter de nouveaux éléments narratifs. Forcément, l’adaptation du jeu à la série nécessite l’approfondissement de la diégèse, ses points d’ombre, sinon, à quoi bon ne serait-ce que de transposer l’œuvre d’un médium à l’autre ? Mais la série ajoute-t-elle des éléments suffisamment substantiels pour

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où les publics sont encouragés à explorer l’histoire au travers d’eux pour une compréhension plus complète, ce qui n’est pas le cas avec The Last of Us. L’intermédialité Intermédialité : L’intermédialité est un champ de recherche explorant les interactions et les relations entre différents médias qui permet d'analyser et de comprendre la manière dont les médias peuvent se croiser, se compléter ou se confronter, ouvrant ainsi des voies nouvelles pour la création et la réflexion artistique et théorique (Müller, 2007).

Si la franchise qu’est The Last of Us ne constitue pas, selon moi, une œuvre transmédia, le jeu vidéo d’origine tout comme son adaptation télévisée sont le reflet d’une intermédialité ostensible. Évidemment, les jeux vidéo et le cinéma/séries sont des médiums d’intermédialité par excellence en ce que leur existence résulte de l’union de plusieurs médiums. Il me semble pourtant que la série et les jeux de The Last of Us entretiennent, avec l’un et l’autre, une sorte de dialogue intermédiatique. C’est évident que l’industrie du jeu vidéo (ou du moins une partie) travaille à surpasser les aspects simplement ludiques (jouabilité, mode de jeu, etc.).

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Dans The Last of Us, des acteur.rices ont été engagé.es non seulement pour les voix des personnages, mais aussi pour participer à leur animation et le résultat est poignant. À vrai dire, c’est tout l’aspect visuel qui renverse et je ne parle pas que de la qualité de l’image qui, bien qu’ahurissante, est aussi inhérente aux dispositifs technologiques de l’époque. Je veux parler de l’aspect réellement cinématographique qu’on aperçoit tantôt par la qualité du montage, tantôt par les prises de vue réfléchies et la composition soignée de plusieurs plans qui n’ont rien

Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

à envier à bon nombre de productions télévisuelles. À cela s’ajoute la musique composée par Gustavo Santaolalla qui a également signé la bande originale de Babel et Brokeback Mountains pour lesquels il a d’ailleurs remporté deux Oscars. Évidemment, The Last of Us ne serait pas l’oeuvre qu’on connaît si elle n’avait pas donné naissance à un univers diégétique aussi riche dans lequel se déploient des personnages qui refusent le manichéisme et qui doivent jongler avec des considérations humaines complexes. En plus, le récit qui porte cet univers nous est raconté dans une temporalité non linéaire (flash-back du vécu des personnages, points de vue multiples) permettant ainsi de mettre en lumière des aspects qui n’ont rien à voir avec le ludisme, mais tout à voir avec l’expérience spectatorielle des joueur.ses De façon plus subtile peut-être, mais tout de même visible, la saison un de la série télé emprunte, elle aussi, au médium duquel elle est issue. C’est sans doute une observation qu’il est plus facile de faire lorsqu’on a préalablement joué à The Last of Us, mais la série reprend, à certains égards, une logique vidéoludique. À vrai dire, une bonne partie de sa progression narrative repose làdessus. Il y a, dans les jeux vidéo, cette notion omniprésente d’échec perpétuel ou plutôt de fausse possibilité de victoire.

Prenons un exemple simple : Mario Bros. Dans le prologue, si on peut qualifier ça de prologue, Peach se fait enlever par Bowser pour être amenée dans le château du monde un. Alors, en bon plombier.ère, on traverse différents

Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

Ludique

43 Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

La reprise d’une logique vidéoludique dans la progression de la narration ou à tout de moins dans ce qui constitue les cadres des épisodes m’a souvent semblé davantage comme une faiblesse qu’une force puisque nous,

téléspectateur.rices, voyons apparaître les ficelles alors qu’elles devraient nous être invisibles. Peut-être qu’en voulant rester trop près du jeu vidéo tant dans les événements que dans le rythme, la série n’aura pas sur s’affranchir complètement.

Zombie : entre nous et l’autre Mais qui est cet autre qui se présente à nous avec son pas lent, saccadé, le corps putréfié. Nous reconnaissons son corps (ou ce qu’il en reste), il nous est familier, pourtant, tout le reste de son être nous parait étranger. Que sa tête explose sous l’impact d’une balle de fusil ou sous un pneu de voiture démarrant en trombe, ça nous est égal dans la mesure où tout ce que nous ne connaissons pas et connaissons trop de lui disparaît. Il faut l’anéantir à la fois parce qu’il nous apparait presque « moins inhumain que trop humain » et parce qu’il semble « pointer du doigt les angoisses et les peurs de notre société occidentale » (Coulombe, 2012, par. 15-17). Et la violence pour anéantir le zombie ne nécessite pas d’être modérée, il n’a plus d’âme.

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tableaux jusqu’à atteindre ce premier château où on y affronte Bowser pour libérer Peach. Mais coup de théâtre, Bowser l’amène dans le château du monde deux. Même chose dans Zelda. Elle disparaît, et on nous fait croire que les retrouvailles sont tout près, alors que peu à peu, on nous rajoute des étapes. Et bien que plus complexe, The Last of us répond à cette logique et cette logique s’est transcrite dans la série alors que les personnages doivent d’abord se rendre à un point A retrouver les Lucioles, mais elles ne s’y trouvent plus, elles sont plus loin, alors ils doivent poursuivre leur chemin. Et à chaque fois qu’ils doivent rejoindre un nouveau point, il leur faut traverser ces « tableaux » qui servent d’ailleurs de cadre à la plupart des épisodes. Il y a le tableau du Musée, puis celui de Kansas City, ainsi de suite. Même que plusieurs d’entre eux cachent un boss qui doit être vaincu.

Ludique

Ce qui terrifie et fascine avec le zombie donc, c’est ce caractère hybride, mi-humain, mi-animal, et les zombies de The Last of Us ne font pas exception à cette hybridité, mais leur hybridité ne tient pas au croisement de l’humain et de l’animal, mais de l’humain et du champignon. Ainsi, les zombies de The Last of Us, à mesure que le temps passe, deviennent de plus en plus informes; on ne comprend plus leurs contours ni même ce qui constitue leur intérieur ou leur extérieur.

les spectateur.rices et les joueur.ses qui est symptomatique de l’abject; une réaction de dégoût mêlée à une fascination morbide.

Mais il n’y a pas que les zombies, dans The Last of Us, qui sont abjects, il y a la survie qui contrait les personnages à commettre des actes qui, dans toute autre circonstance, seraient considérés comme répugnants. La nécessité de survie pousse à des actes de violence extrême, souvent perpétrés avec une intimité dérangeante. Ces actes placent les personnages dans un état de liminalité morale où les catégories traditionnelles de bien et de mal deviennent floues, et comme joueur.ses, on se rend complices.

L’abject dans The Last of Us sert finalement peut-être à rappeler la fragilité de ce qui est tenu pour certain.

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Mazin, C. (2023). The Last of Us.

Dans son ouvrage de 1980, Pouvoirs de l’horreur, Julia Kristeva traite de l’abject qui désigne ce qui est radicalement exclu du champ symbolique pour préserver les frontières du Moi. Et dans The Last of Us, les infecté.es, par leur altération corporelle radicale, sont abjectes. Autrefois humains, leur mutation en créatures fongiques incarne la porosité des frontières entre l’humain et le non-humain, le soi et l’autre. Cette hybridité grotesque transgresse l’image de l’intégrité corporelle et psychique valorisée par le sujet, induisant un sentiment d’horreur et de répulsion. L’abject touche à l’essence de ce que signifie être humain en confrontant l’individu à la matérialité de son existence, à l’instabilité de sa condition. La série dépeint la dégradation du corps humain non seulement à travers les infectés, mais aussi via la violence omniprésente. L’abjection se manifeste dans la représentation graphique de corps mutilés et dans l’acte de violence lui-même. La nature souvent graphique de cette dégradation provoque une réaction viscérale chez

Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

Ludique

Un monde à détruire, un monde à construire Le sublime, tel que Kant le décrit dans sa Critique de la faculté de juger, réside dans ce qui est absolument grand, ce qui dépasse toute mesure de l'entendement et évoque à la fois la terreur et la beauté. C'est la réaction face à une grandeur qui ne peut être entièrement assimilée ou comprise, mais qui est néanmoins reconnue par la faculté de jugement comme supérieure à tout standard esthétique ou moral. Dans The Last of Us, le sublime s’incarne par l’immensité et l’hostilité du monde postapocalyptique. La nature, reprise par la civilisation effondrée, offre des paysages à la fois terrifiants par leur désolation et magnifiques pour leur calme retrouvé.

Les ruines urbaines, englouties par une nature revenant au premier plan, incarnent le sublime mathématique : des villes entières vides de leurs habitants, des gratte-ciels éventrés et des routes éclatées évoquent l’énormité de la civilisation humaine et sa réduction soudaine à l'insignifiance. De son côté, le sublime dynamique est incarné par la force destructrice du cataclysme à l'origine de l'état post-apocalyptique du monde. La puissance incontrôlable de l'infection fongique, qui renverse l'ordre établi et remet en question la souveraineté de l'humain sur la nature, inspire une terreur mêlée d'admiration. Cette puissance incontrôlable est à la fois effrayante, car elle menace l'existence même de l'humanité, et sublime, car elle démontre les forces impétueuses de la nature qui transcendent la volonté humaine. Et peut-être que «si nous éprouvons un sentiment de sublime en regardant ces villes dévastées, c’est bien parce que commence à naître, en Occident, le fantasme, le rêve même, de voir l’humanité disparaître (Coulombe, 2012, paragr. 33). »

s’il y a eu table presque rase. Dans The Last of Us, les structures politiques sont principalement représentées par une diversité de groupes et communautés ayant chacun une approche unique de gouvernance et de survie. Des zones de quarantaine militarisées, dirigées par ce qui reste du gouvernement fédéral, imposent un régime autoritaire strict, axé sur la sécurité et le contrôle. En contraste, les Lucioles, un groupe de résistance, luttent pour restaurer une forme de démocratie et trouver un remède à l'infection fongique.

Des communautés plus petites, comme la colonie de Tommy à Jackson, au Wyoming, illustrent une approche communautaire et autosuffisante, axée sur la coopération et la durabilité. Les habitant.es de Jackson, par exemple, travaillent dans différents corps de métier (agriculture, travaux manuels, sécurité, etc.), mais il n’y a aucun système de rétribution monétaire, toutes ont accès aux mêmes services : cinéma, bibliothèque, etc. En revanche, les groupes comme les Séraphites et les Rattlers dépeignent des sociétés totalitaires ou anarchiques où des croyances extrêmes dites « ancestrales » et la loi du plus fort prévalent.

Les reconstructions postapocalyptiques observables dans The Last of Us dépassent le cadre politique et viennent s’inscrire dans les normes sociales et dans l’intimité. Déjà, la pandémie et la violence de la survie qui a suivi a fait nombre de familles éclatées alors que des enfants se sont retrouvés orphelins et vice-versa. N’échappant pas à ce sort, Ellie et Joel se sont reconstitué une famille dont la protection servira de moteur narratif à l’ensemble du récit.

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Mazin, C. (2023). The Last of Us.

Mazin, C. (2023). The Last of Us.

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Mais comment fait-on lorsque cet effondrement qu’on a craint ou fantasmé finit par advenir ou qu’au moment de notre naissance, cet effondrement a déjà eu lieu, et qu’il faut composer avec les infecté.es, les ruines et les survivant.es ? Parce que drôlement, la vie continue même

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Naughty Dog. (2020). The Last of Us Part II

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Et si cette réalité de famille recomposée concerne les deux générations – la pré et la postpandémie –, on peut voir comment certaines considérations, notamment identitaires, influencent différemment l’une et pas pour l’autre. Dans l’univers The Last of Us, les plus jeunes personnages ont la capacité de dévier de la matrice « hétéro-binarité » qui pour eux, finalement, ne représente rien. Et bien qu’à certains moments, ils se heurtent aux modes de pensée pré-apocalyptiques des plus vieux (c’est notamment le cas une fois pour Ellie et Dina alors qu’elles s’embrassent lors d’une danse), ces derniers bénéficient eux aussi d’une liberté identitaire qu’ils pouvaient plus difficilement connaître auparavant.

Déjà, les personnages féminins, notamment Ellie et Tess, rompent avec les stéréotypes traditionnels, émergeant non pas comme des figures secondaires mais comme des protagonistes centraux dotés de complexité et d'indépendance. Cette représentation s'éloigne de la vision souvent unidimensionnelle des femmes dans les jeux vidéo où elles sont fréquemment reléguées à des rôles de soutien ou objectivées.

Puis, jamais auparavant, des personnages queer n’avaient occupé une place aussi importante dans un jeu vidéo. Mais

non seulement la place qu’ils occupent est importante, mais leur traitement est complexe et nuancé. Ils n’apparaissent pas dans le jeu pour leur identité queer, mais leur identité queer n’est pas non plus relayée au simple fait de cocher une case. Par exemple, Bill, un cinquantenaire, s’avère être un allié très important d’Ellie et Joel, parce qu’il est particulièrement habile avec la survie, mais son histoire d’amour avec Frank, plus approfondie dans la série, fait tout autant partie de son narratif que son passé comme homme solitaire. Puis, il y a Ellie dont la perte d’un premier amour marquera au point qu’il lui faudra, pour s’ouvrir à Joel par exemple, beaucoup de temps. Mais si on montre cette relation comme on montre celle avec Dina, ce n’est pas pour satisfaire une envie de diversité superficielle ou d’érotiser quoique ce soit, mais pour tenter d’expliquer les choix que fait Ellie tout au long de l’histoire; Ellie agit pour ne pas perdre celleux qu’elle aime, parce qu’elle ne connaît que ça.

Il y a aussi Lev, un.e Séraphite dont l’identité de genre est volontairement brouillée dans les codes visuels, mais dont la présence dans le récit sert surtout à rappeler à Ellie que la violence et la vengeance ne font que s’engendrer éternellement.

Ludique

Naughty Dog. (2014). The Last of Us.

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Automne 2023 — Volume 10 Nº1

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Horoscope 2024 B é l i e r s Taureaux Gémeaux Pour les Béliers, les prochains temps offriront la possibilité de tirer un trait sur certains éléments du passé qui reviennent sans cesse vers vous et que vous tentez par tous les moyens d’engourdir. Une fois détaché.es de tout ça, vous aurez à prendre une série de décisions, mais contrairement à ce que vous pensez, vous n’êtes pas dans l’urgence de décider. Pensez, discutez, suivez votre coeur oui, mais encore plus votre tête. Puis, passez à l’action, tout est à faire cette année, mais il faut commencer par commencer.

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Oh là, cher.ères Taureaux ! Ces prochains mois vous feront connaître des vagues tumultueuses. Les astres et les étoiles bousculent votre horizon sentimental, vous obligeant à naviguer avec prudence. Votre patience sera votre plus grande alliée.

Laissez le temps apaiser vos doutes et ne craignez rien, votre nature têtue est aussi celle de la résilience. Surtout, ne négligez pas les soirées entre ami.es, elles sauront vous réchauffer et vous aider à surmonter les tourments. De vrais petits bouillons de poulet pour l’âme, quoi ! À consommer sans aucune modération.

Un proverbe égyptien dit : « une belle chose n’est jamais parfaite.»

En ce mois froid et nuageux, les oracles vous soufflent à l’oreille de prêter attention à la beauté du monde qui vous entoure (même si ça signifie devoir déneiger un peu son allée). Si vous êtes d’habitude de nature timide, il vous faudra redoubler d’efforts pour conquérir l’hiver, et qui sait, peut-être lui trouverez-vous une beauté particulière…

Balances Scorpions Sagittaires Il ne reste que quelques mois à 2023. Il était temps, car 2+2 = 4, ce qui signifie que l’équilibre mathématique sera avec nous pour la nouvelle année – exactement à votre image. Il y a bien longtemps que nous n’avions pas vécu, collectivement, de telles coïncidences numériques, additives de surcroît, qui correspondent pourtant si bien à votre profil. Profitez donc de 2024 pour apprendre à tailler une place à la spontanéité dans votre calme zen, et parfois trop plat. Les chiffres équilibrés de 2024 sauront vous r ebalancer si nécessair e : les mathématiques sont puissantes, faitesleur confiance. Cher.ères Balances, il est temps de vous laisser tenter par la magie éthérée de l’improbable et ses significations sibyllines.

Go, shorty It's your birthday 2003, Astrologue américain ascendant rappeur.

Tout feu, tout flamme, la lasagne sort du four et vos convives sont déjà en mode jeudredi depuis une semaine.

Forte en veillée sans lendemain, cette période phare pour les Scorpions est affectée par Saturne qui joue une sorte d’agent d’introspection.

L’invitation est lancée, épanouissezvous ! Pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Tous les pots se réparent, de toute façon. Right?

Enfin, 2024 sera, pour les Scorpions en quête d’épanouissement, l’occasion rêvée pour se réinventer (encore?).

Merci à Pluton, la planète (?) phare des Scorpions !

Cher.ères Sagittaires, les prochains mois seront les vôtres ! Aucune place pour les doutes, les hésitations, les chancellements. L’heure est à l’audace, aux feux d’artifice et à la fougue; faites de grandes enjambées, défrichez, foulez la terre, Mars sera, dans tous les cas, en votre faveur. Faites attention à demeurer aux aguets, à ne pas trop vous faire prendre par ces déséquilibres, sachez flairer les occasions qui passent comme le vent dans les sapins. Saisissez-les à bras-le-corps. Éclatez-vous. Un petit shot de courage pour la route, ça devrait le faire. En selle, champion.nes !

Ludique

Cancers L i o n s Vierges Votre palette de couleurs préférée s’installe progressivement sur notre superbe province : les tons pâles de gris, de jaune terreux et de vert délavé sont omniprésents, et bientôt le blanc chatoyant qui vous sied si bien se posera au sol sous forme de neige hésitante. Heureusement pour vous ! Car cette concordance chromatique avec votre tendre personnalité agira comme baume pour les épreuves qui vous attendent. En effet, les astres dessinent pour vous des mois s’inscrivant sous le signe de la quête existentielle.

Retournez à vos couleurs favorites pour y puiser la lumière, lorsque requis.

Cher.ères Lions, si vous aimeriez pouvoir vous faire dorer la crinière tout au long de l’année, il a pourtant fallu vous résigner à sortir les cotons ouatés. Mais ne vous en faites pas, votre détermination et votre optimisme ne se laisseront pas abattre, vous sortirez de cette période avec tout un tas de nouvelles résolutions ! On vous recommande les longues séances de méditation pour embrasser pleinement le passage de Neptune qui saura vous recentrer sur vos véritables priorités.

La renfrogne a bien meilleur goût, surtout lorsque l’hiver cogne à nos portes-cochères. Si novembre est synonyme de remise en question, nos Virgos font bien attention pour s’emmitoufler dans leurs pensées.

L’aboutissement de cette introspection serait potentiellement bénéfique en 2024, alors que des accomplissements personnels sont à prévoir – mais à quel prix ? Par ailleurs, certain.es diront que la dépression saisonnière frappe fort cet hiver… OUI OUI c’est ça. L’avenir (à très court terme) est un peu plus reluisant pour les Vierges du 3e décan (14 au 22 septembre). En effet, autant au boulot que dans vos relations sexo-affectives, la passion tropicale plane pour vous, pis pas à moitié ! Faites bien attention de ne pas vider vos comptes épargnes sur un coup de tête au Simons.

Poissons

Seul.es au milieu des autres ? Vous n’êtes pas spéciaux.les, mais c’est peut-être ce qu’il pouvait vous arriver de mieux : être not like the others, c’est aussi se condamner à la solitude. Il y a des gens pour vous comprendre, il y a des gens qui ont besoin que vous les compreniez.

2024 vous rappellera à bien des égards que la vie est un jeu, mais attention, elle n’est pas un jeu à g a g n e r e t to u s l e s sacrifices n’en valent pas la peine.

Pour vous, cher.ères Poissons, les prochains mois seront un grand terrain de jeu, un vaste ciel à déjouer – mais duquel vous éprendre, aussi. Gare aux excès, tout de même, question de ne pas vous laisser emporter par le tourbillon comme une pauvre feuille à la dérive. Les courants se feront puissants et vous prendront parfois par surprise. N’ayez pas peur des compromis, des inconforts et des caresses. Novembre sera aussi pour vous le mois de la douceur : prenez soin de vous, des autres, faites preuve d’empathie, ne lésinez pas sur le chocolat chaud, c’est l’essentiel, après tout. Bien emmitoufflé.es, soyez toujours prêt.es à chasser l’orage qui risque de vous attendre, là, juste au coin de la rue.

Dans l’éclat des feuilles d’automne et l’air frais de la saison froide, cher.ères Verseaux, le désir prendra de la place, frappera aussi fort que le vent du Nord. Pour vous, l’hiver qui s’en vient, c’est comme une grosse couverte de laine : malgré tout, ça vous r é c h a u f f e . Vo u s s e n t i r e z l’excitation monter, mais serez également confronté.es à certaines frustrations. Profitez-en pour aller vous défouler sur la piste de danse, tard le soir, à vous coller, vous enlacer. Même s’il fait de plus en plus noir, montrez au cosmos que vous êtes bien vivant.es et fringant.es. L’obscurité n’est, après tout, pas toujours à craindre.

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

Capricornes Verseaux

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Ludique

Interlude Soul, Synth & Funktronica par Fred Parfait pour viber, se brasser le bassin dans son salon et faire un élégant doigt d’honneur à la dépression saisonnière.

Hourra.

Surfside Sex - Patrick Cowley Sharevari - Aiden Noell et Nancy Whang It Gets Funkier II - Vulfpeck DX7 - Indastudio 10 - Dabeull et Holybrune On Division St - Nation of Language Ritüel - She Past Away Come Over - Kowloon Permis b bébé - Miel De Montagne Only You - Steve Monite À la rencontre de Barbara (feat. Standard Emmanuel) - Le Couleur Sweet Connection - Dabeull et Ferdi Cerveau dans les livres par Emmy Une playlist parfaite pour les jours où vous avez besoin d’un niveau de concentration élevé. Cette playlist garantit un isolement total, et ce, même dans le café le plus bruyant. À écouter avec des écouteurs.

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Sabeth - Stanley Myers Il neige - Voyou Je Rêve D’é - Indolore Dyade - Flavien Berger She Was - Camille Breath of Roma - Meryem Aboulouafa Du mouvement dans la couleur - feu doux L’amour dans les années 80 - Lilian Barbe Ocean - Alice Pheobe Lou magie bleue - Pomme, Flavien Berger

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

boulevard laurier la nuit par Mégan Une playlist pour rouler les fenêtres baissées sur un boulevard, tard la nuit.

Love and Hate - Michael Kiwanuka Strongest Man Alive - The Franklin Electric Jimmy Sparks - The Lumineers Pauline à la ferme - Philippe B Ode to the Mets - The Strokes Dodge the Rubble - Half Moon Run I Don’t Know - Metò Je me réveille - Ariane Roy J’ai vu - Roméo Elvis, Le Motel, Angèle désert alimentaire - comment debord

LE BALADO IMPACT CAMPUS

Ludique

indie pour jour gris par Antoine Pour les p’tits lattés de matins où il pleut, la lâcheté des après-midi juste assez gris pis l’euphorie des soirées automnales juste assez fraîches.

Dorian - Men I Trust this must be the place - Dad Sports Star Roving - Slowdive Dream, Ivory - Dream, Ivory Space Song - Beach House Sadistic Glee - Vestron Vultures Outside - Mormor Hidalgo - French Police Ellipsis - Drab Majesty Some girls are bigger than other - The Smiths Cool cool covers et fouturings par Florence L'automne pour les plagieur.euses qui s'ennuient du vrai sable et de la mer et des choses qui vont avec comme les draps toujours crissants ou le bon temps avec ces ami.es qu'on ne voit jamais ailleurs qu'à Old Orchard - c'est toujours étonnant le premier contact, mais après c'est magnifique.

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Mélancolie - Patrick Watson, Safia Nolin Clandestina - Emma Peters Speakeasy - Boskorgï, Ariane Moffatt Personne ne le sait pas - Caltâr-Bateau Point de mire - Ariane Roy, Thierry Larose, Ariane Moffatt Attends - Avril Jensen, EXKY Je danse le mia - Bengale Crash - Les Louanges, Corneille Leave The Door Open - Bruno Mars, Anderson . Paak (Silk Sonic) Everything Eventually Ends - L’Impératrice, Rejjie Snow POP Español par Paula Même si l'hiver s'envient et des températures de -45º arrivent, il faut rester motivé.es et avoir de l'énergie pour danser.

Automne 2023 — Volume 10 Nº1

Beso - Rosalía Chica de ayer - Nacha Pop Besos - Canto Del Loco No dudaría - Antonio Flores Quiero tener tu presencia - Seguridad Social Venezia - Hombres G Y yo sigo aquí - Paulina Rubio Déjame - Los secretos Te quiero igual - Calamaro Flaca - Calamaro 20 de Enero - La Oreja de Van Gogh

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- Chéri.e J'arrive, 16h à 17h30 - Les Arshitechs du Son, 17h30 à 18h30 - Conduite Antisportive, 15h à 16h - Les Affamé.es, 12h à 13h30 - Palmarès CHYZ (vendredi au dimanche),10h à 11h

- Cabaret du Crachoir, 11h à 12h - Dans la Mire Climatique, 13h30 à 14h - Écoute Local, 14h à 15h - Têtes de Hockey, 18h30 à 19h30 - 10 Entre-nous, 20h30 à 21h30 - Fou de Sports, 21h30 à 22h30

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- L'art des Histoires, 10h à 11h30 - La Caméra Brisée, 11h30 à 12h - Club Critique, 14h à 15h - Punk Détente, 18h30 à 19h30 - Boisvert Radio, 21h à 22h - Palmarès CHYZ (Vendredi au dimanche),10h à 11h

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- Le Ré-Show : Deuxième service, 11h à 12h - An Mukeù Sits, 12h à 13h - Radio Futura, 13h à 16h - Le Monde d'Erik Arsenault, 19h à 20h - LSDJ! Set, 21h à 23h

Diffusion sportive - Hockey des Remparts de Québec - Football du Rouge et Or

SUGGESTIONS D'ALBUMS AUTOMNAUX-HIVERNAUX Abysse Mortifère Outre-Tombe

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Volume II Flore Laurentienne

Mentir mon plaisir Lhéfé

Labyrinthes Malajube

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Ciseau zigzag Gawbé

Jassbuster Connan Mockasin

Dungeon Master Gus Englehorn

CCFX EP CCFX

SEUM Safia Nolin

Accros The Room Gabrielle Shonk

Arts - Littérature

Expression des couleurs intérieures dans Sonate d’Automne « Il y avait un an que j'étais allé au cinéma pour la première fois…c'est alors que pour moi tout a commencé. J'ai attrapé une fièvre qui dure encore. Les ombres silencieuses tournent leurs pâles visages vers moi, de leurs voix inaudibles elles parlent à mes sentiments les plus secrets. » (Bergman, 1991) Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

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En 1978, le cinéaste suédois Ingmar Bergman réalise son trente-huitième long-métrage : Sonate d’automne. Huis clos avec seulement quatre personnages, le réalisateur souhaite souligner l’enfermement des êtres aussi bien que de leurs sentiments. L’histoire est donc celle d’Eva qui invite sa mère Charlotte, pianiste sur le déclin, à venir la rejoindre dans la maison qu’elle occupe avec son mari et sa sœur atteinte d’un lourd handicap. Ces deux derniers personnages ne feront que graviter autour du couple mèrefille aux prises avec leurs ressentiments. Contrairement à d’autres films de Bergman comme Cris et Chuchotements, dans Sonate d’automne, le lieu ne devient pas un personnage à part entière. Au contraire, il s’efface pour laisser place aux acteur.rices qui l’investissent. La

Ingmar Bergman 14 Juillet 1918 in Uppsala

contrainte du huis clos est d’ailleurs transgressée par moments grâce à des retours en arrière et les sorties finales d’Eva et Charlotte. Sont-elles parvenues à se libérer de leurs entraves ? Rien n’est moins sûr…

Le cinéma de Bergman a une rigidité qui lui est propre et des accents très théâtraux. En effet, dès la scène d’ouverture, le mari d’Eva se positionne comme un narrateur, nous ouvrant la porte sur l’intimité de sa femme.

Selon Philippe Gravel « Bergman (…) pratique un cinéma “total”, au sens où il accorde une égale attention à tous les aspects de la mise en scène. Depuis longtemps, ses scénarios se sont imposés comme des œuvres littéraires autonomes, ce qu'ils doivent notamment à leur forme et à leur présentation très peu règlementaires. Rarement, on y

Arts - Littérature

trouve cette écriture sèche et didascalique des "continuités dialoguées" » (Gravel, 2005, p.5). Contemporain de la nouvelle vague française, Bergman met en avant le dialogue plus que l’action, allant à rebours du précepte communément admis qu’au cinéma il vaut mieux « montrer » plutôt que « raconter ». Les introspections psychologiques révélant la dynamique familiale construisent cette longue nuit d’insomnie où les non-dits s’étalent sur le tapis. Eva s’exclame d’ailleurs : « il n'y a pas de limites. Ni aux pensées, ni aux sentiments. »

« Le dialogue, comme chez Rohmer (mais en beaucoup plus grave), devient une action en soi, une manifestation du comportement plus qu'une explication de celui-ci, la progression dramatique du film tendant à constituer des portraits psychologiques en forme de mosaïque ou de casse-tête. » (Gravel, 2005, p. 8)

Si Bergman est un cinéaste des dialogues, il l’est également des visages. La majorité de Sonate d’automne est filmée en gros plans sur la figure des personnages. Ce faisant, le cinéaste s’attarde à capter toutes les émotions qui les traversent. Alors qu’Eva s’exclame : « Je me suis méfiée de tes paroles. Elles ne correspondaient pas à l'expression de tes yeux », le visage offre une relation que le philosophe Emmanuel Levinas caractérise d’éthique. En effet, le visage est ce qui nous est donné à voir d’autrui, dans sa plus grande fragilité. C’est aussi, par un effet de miroir, un moyen de nous contempler nous-mêmes. Les visages d’Eva et Charlotte sont des constants rappels de leur filiation et des défauts qu’elles se reprochent, sources paradoxales de conflit et d’amour, qui sont finalement créateurs d’intimité.

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Sonate d’automne est un drame psychologique qui fait évoluer les tenues de ses personnages telles des feuilles qui se gorgent de soleil avant de se flétrir et de tomber, inertes, sur la terre. Ingmar Bergman joue avec les couleurs et se fait ainsi peintre des relations humaines, usant de métaphores pour exposer ce qui se trame dans les âmes de ses personnages.

Références :

Gravel, J.-P. (2005). Arpenteur de l’âme humaine. Sarabande d’Ingmar Bergman. Ciné-Bulles, 23 (4), 4-9. https://www.erudit. org/fr/revues/cb/2005-v23-n4-cb1086680/33223ac/ Bergman, I. (1991). Laterna Magica. Gallimard. 384 p.

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Alors que maladie et deuils affaiblissent nos personnages, leur amour pour la musique vient ouvrir un nouvel espace de dialogue. Dans son autobiographie Laterna Magica, Bergman revient sur la scène phare de Sonate d’automne et l’interprétation d’Ingrid Bergman, qui campe le personnage de Charlotte (la mère d’Eva) : « elle écouta le prélude de Chopin, qui est un sommet au cours du premier acte du film. Il est d'abord joué par la fille, puis par la mère: “mon Dieu, mais est-ce qu'on va jouer cette musique ennuyeuse deux fois ! Mais c'est de la folie, Ingmar, le public va s'endormir” » (Bergman, 1991). Si l’actrice n’a pas réussi à percevoir la grandeur de cette scène, il n’en reste pas moins que son interprétation est poignante de réalisme. C’est la première fois où nous voyons le personnage de Charlotte s’ouvrir à sa fille. Le réalisateur Ingmar Bergman n’est pas un fervent des bandes sonores qui appuient les émotions, sorte de béquille pour s’assurer que les spectateur.rices aient le cœur serré en même temps que les protagonistes. Lorsqu’il use de la musique, c’est surtout pour explorer un nouveau saisissement, une sensation face à laquelle les mots sont impuissants. De ce prélude émerge un amour mère-fille qui n’a jamais su exister, un amour qu’elles retiennent prisonnier dans leurs veines, comme un refus d’admettre qu’elles ont le même ADN. Ultimement, la musique ne parvient pas à les unir, mais incarne plutôt l’échec de leur relation.

Sonate D’Automne, Ingmar Bergman

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TOP FILMS

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Babylon – Damien Chazelle

Killers of the Flower Moon – Martin Scorsese

Anatomie d’une chute – Justine Triet

Les cinq diables – Léa Mysius

Simple comme Sylvain – Monia Chokri

Aftersun – Charlotte Wells

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ANNÉE 2023 Oppenheimer – Christopher Nolan

Close – Lukas Dhont

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant – Ariane Louis-Seize

Les jours heureux – Chloé Robichaud

Bottoms – Emma Seligman

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Solo – Sophie Dupuis

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Une histoire non exhaustive de la nature morte Qu’est-ce qu’une nature morte? Dans Le Robert, on trouve la définition suivante : « Objets ou êtres inanimés (végétaux coupés, animaux morts) faisant le sujet essentiel d’un tableau ». Pour moi, il s’agit d’un genre de peinture que j’ai toujours particulièrement apprécié. Lorsque j’ai pris connaissance du thème du mag de cette session, ma réaction quasi immédiate a été de foncer à la bibliothèque et d'écrire cet article sur l’histoire des natures mortes.

Par Julianne Campeau, journaliste collaboratrice

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Les natures mortes avant le XVIIe siècle Les natures mortes telles que définies ci-dessus se manifestent dans de nombreuses civilisations antiques. Le cas le plus souvent mentionné au cours de mes lectures est celui des fameuses murales romaines, comme celles découvertes sur les sites de Pompéi et de Herculanum, dont certaines mettent en scène des fruits et des objets.

C’est notamment le cas des trompe-l’œil, peintures ayant pour but de donner à cellui qui regarde l’impression de se trouver face à une scène réelle. Outre les peintures romaines, un autre exemple serait celui de La chambre mal balayée, une mosaïque grecque datant du IIe siècle avant Jésus-Christ représentant des résidus de nourriture éparpillés.

Au Moyen-Âge, l’intérêt pour l’objet décroît en raison de son incompatibilité avec la philosophie chrétienne qui percevait le monde terrestre comme un simple arrêt sur la route vers l’au-delà. Il ne valait donc pas la peine d’être représenté (Ebert-Schifferer, 1998, p. 25). Il faudra attendre l’avènement de l’école nominaliste, au XIVe siècle, pour assister à la résurgence des natures mortes. Cette nouvelle doctrine apporte des changements quant à la perception du monde terrestre ; il n’est plus un mal nécessaire avant de se rendre au paradis, mais une création de Dieu. Au cours de la Renaissance, la nature morte reprend progressivement sa place au sein du monde artistique, notamment en raison d’un intérêt esthétique, mais aussi scientifique, concernant les mondes végétal et animal. De nombreux dessins détaillés de plantes et de crustacés sont produits dans le but d’étudier leur anatomie.

Claesz, P. (1630) Nature morte de Vanité [peinture]. Mauritshuis, La Haye, Pays-Bas.

Arts - Littérature

Les XVIIe et XVIIIe siècles Au XVIIe siècle, la nature morte devient un genre très populaire, notamment en Hollande et en Flandre. La première mention du terme « nature morte » apparaît dans des inventaires de collectionneurs hollandais. Ce siècle, marqué par les querelles religieuses et les découvertes scientifiques, voit l’apparition des « vanités » , des natures mortes à caractère philosophique suscitant une réflexion sur la fragilité de l’existence terrestre, souvent représentée par un crâne humain, comme c’est le cas dans la toile Nature morte de Vanité, de Pieter Claesz. Pour reprendre les mots de Michèle-Caroline Heck, les vanités du XVIIe siècle « évoquent la brièveté de la vie, la vanité des pensées, et comparent l’homme à une fleur qui se fane, à une flamme qui s’éteint ou à un souffle qui passe » (Heck, 2019, paragr 4). Les protestant.es comme les catholiques font usage de ce genre pictural pour promouvoir leurs philosophies respectives. La vanité catholique est porteuse d’un message de sobriété et de repentir (Cadier-Rey, 2008, paragraphe 4) qui passe généralement par l’intermédiaire d’un saint représenté sur le tableau. Chez les protestant.es, la vanité protestante est plutôt « une nature morte à valeur morale, un genre pictural qui laisse la place

au silence et à la méditation, souvent un memento mori » (Cadier-Rey, 2008, paragraphe 5). La vanité tombe en déclin au XVIIIe siècle. Une résurgence aura lieu au XXe siècle, notamment avec le mouvement Pop Art, sur lequel je reviendrai plus tard.

Malgré la hausse de leur popularité chez les artistes et les collectionneurs, les natures mortes sont dénigrées par les institutions officielles. L’Académie parisienne établit une hiérarchie des genres picturaux ayant pour sommet la peinture historique. La nature morte, quant à elle, occupe le dernier rang. Les institutions la méprisent en raison de son sujet : des objets inanimés. Dans son ouvrage Les natures mortes, Norbert Schneider donne à ce classement l’explication suivante : Cet ordre de rang [...] suivait en fait le schéma philosophique de l’ « arbre porphyrique », selon lequel la réalité se base en fait sur l’inanimé en tant que simple incorporel ou corporel, en passant par l’animé, comprenant une âme, jusqu’à l’homme, à l’âme immortelle, comme couronnement de la création.

(Schneider, 2003, p. 8)

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Arts - Littérature

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Renoir, P. (1898). Fleurs dans un vase [peinture]. Musée de l’Orangerie, Paris, France.

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Monet, C. (1864). Le quartier de viande [peinture]. Musée d’Orsay, Paris, France.

Les XIXe et XXe siècles Le genre connaît une baisse de popularité durant la première moitié du XIXe siècle, sans totalement disparaître.

Les natures mortes sont carrément exclues des salons officiels français, soumis aux normes rigides de l’Académie des beaux-arts. Elles connaissent un regain de popularité dans la seconde moitié du XIXe siècle avec l’avènement du courant impressionniste. Des peintres tels que Monet, Renoir et Cézanne produisent de nombreux tableaux de fleurs, de fruits et autres objets.

Mis à part les courants non figuratifs (qui prônent l’autosuffisance des couleurs et des formes, sans influence du monde réel) tels que l'expressionnisme abstrait, l’objet continue d’occuper une place importante dans la plupart des courants artistiques du XXe siècle. On peut notamment penser au mouvement Pop Art, qui produit un grand nombre de natures mortes servant à dénoncer la société de consommation. Un des exemples les plus célèbres est la série de 32 tableaux des cannes de soupe Campbell d’Andy Warhol.

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Références Bertrand-Dorléac, L. (2020). Pour en finir avec la nature morte. Gallimard.

Cadier-Rey, G. 2008. Les vanités une peinture protestante au XVIIe siècle ? Dans Joblin, A., et Sys, J. (Eds.), Les Protestants et la création artistique et littéraire : (Des Réformateurs aux Romantiques). Artois Presses Université. doi :10.4000/books.apu.9443 Ebert-Schifferer, S. (1998). Still Life : A History. Harry N. Abrams.

Heck, M. 2019. Expressions picturales de la vanité au XVIIe siècle. Dans Blaise, M., et Triaire, S. (Eds.), Vanités, compositions de la fin. Presses universitaires de la Méditerranée. doi :10.4000/books.pulm.1860 Schneider, N. (2003). Les natures mortes. Taschen.

Skira, P. (1989). La nature morte. Albert Skira.

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Dénigrée pendant la majeure partie de son histoire, la nature morte survit aux préjugés qui l’entourent. Au fil des siècles, un grand nombre de peintres ont produit des tableaux ayant pour sujet central des objets inanimés, que ce soit pour faire subtilement passer un message ou sans

autre but que de faire de l’art. Et le genre ne semble pas près de disparaître. Aujourd’hui encore, des artistes comme Mélan le maintiennent bien en vie.

Arts - Littérature

Art vivant, natures mortes : zoom sur la scénographie québécoise actuelle Par Florence Bordeleau-Gagné, journaliste multiplateforme

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Pratique de Pour la suite du monde, photo par Vincent Champoux

Aujourd’hui, il est à peu près certain que derrière toute production théâtrale se cache un.e scénographe, cette aide précieuse à la création, accompagnée évidemment d’autres artisan·es du milieu, que ce soit aux costumes, au son, à l’éclairage, à la mise en scène. Mais c’est pourtant difficile

de situer l’avènement de cette profession au Québec, qui a eu du mal à s’intégrer aux arts vivants – et qui, encore aujourd’hui, doit semble-t-il perpétuellement se définir malgré son évidence.

Arts - Littérature

Scénographe : Les scénographes sont des artistes dans l’âme, des “gurus” de la mise en scène. Durant leurs activités, les scénographes sont amené.es à réaliser diverses tâches, toutes axées sur le même but : donner du caractère à la scène présentée. Ils et elles puisent au plus profond de leur imagination pour élaborer leurs propres concepts, les mettre en œuvre puis peaufiner les détails. [...] Ils et elles conçoivent des décors adéquats pour toutes sortes de travaux (pièces de théâtre, expositions d’œuvres, etc.).

Ils et elles doivent également être en mesure de mettre en place un schéma d’organisation de scène, de façon à faciliter le travail du metteur en scène par la suite. [...] [P]roposer et choisir les décors, mobilier et accessoires idéaux pour représenter la thématique qu’on leur donne [fait aussi partie de leurs tâches]. [...] Les scénographes sont également chargé.es de la supervision des corps de métier présents sur la scène (artisan.es, ouvrier.ères, artistes, etc.) et du suivi des travaux.

(Devenir scénographe, 2023, paragr. 2-3 - note : puisque la grande majorité des scénographes au Québec sont des femmes, je me suis permis de féminiser la citation - les marques d’écriture inclusive sont donc toutes les miennes, et ne font pas partie du texte original.)

Jean-Marc Larrue, professeur de théâtre et littérature à l’Université de Montréal, situe les « années folles » du théâtre québécois – donc une période de grande effervescence – de la fin du XIXe siècle à la crise économique de 1929. Pourtant, cette frénésie théâtrale ne rimait pas du tout avec qualité – et donc pas avec la présence d’un scénographe dans le processus créatif : Dès les années 1880, les troupes américaines de passage à Montréal avaient adopté la formule de la présentation hebdomadaire – une troupe différente arrivant avec un spectacle inédit tous les lundis -, et, concurrence oblige, les premières troupes locales crurent justifié le changement d’affiche toutes les semaines. […] Comment, dans ce contexte, espérer autre chose que des productions bâclées […]? (Larrue, 1998, p. 2122)

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Prends su’toé!, Revue canadienne à grand spectacle, programme de spectacle, Montréal, Théâtre Canadien-Français, 1919. PRO THECAF 1919.03.17 x Collections de BAnQ.

La crise économique de 1929 a percuté le milieu du théâtre canadien-français, qui était autonome financièrement de toute institution gouvernementale.

Il s’est donc essoufflé – mais pour laisser libre cours à de profonds changements, provoqués par le Canada anglais. En effet, le Montreal Repertory Theater (MRT), compagnie de théâtre amateur fondée en 1929 par Martha Allan, a joué un rôle clé pour les arts vivants à l’échelle du pays. Il instaure un modèle inspiré du théâtre européen, basé sur la recherche et la qualité. Peu financée, l’institution repose sur le bénévolat des artistes. Pourtant, le temps et l’espace qui est accordé à chaque production permet une véritable mise en scène et réflexion scénographique.

C’est une grande nouveauté dans le théâtre francophone, qui a d’emblée été inclus par Allan dans son projet. Les Compagnons de Saint-Laurent, troupe de théâtre née sous l’impulsion du père Émile Legault en 1937, contribuent aussi à ces avancées. C’est le début de la modernité théâtrale au Québec, et 1942 voit l’adoption, au Parlement de Québec, de la loi instituant le Conservatoire de musique et d’art dramatique de la province de Québec (Larrue, 1998, p. 28). Le milieu du théâtre a le vent dans les voiles, et les scénographes ont désormais un rôle affirmé : en 1992, on lit que les scénographes sont désormais partie prenante de la production théâtrale. Le succès, voire la reconnaissance officielle par l’institution culturelle de certains d’entre eux les conduit même à se libérer du modèle strictement théâtral et à concevoir, en tout indépendance, c’est-à-dire sans recourir au préalable textuel, des productions dont la structure est essentiellement visuelle. (Lafon, 1992, p. 10)

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Qu’en est-il en 2023, dans une période post-pandémique, quand Netflix et compagnie permettent l’encabanement, quand le gouvernement Legault finance les milieux de la science et de l’ingénierie bien avant de même songer à la culture et aux arts vivants, et quand les technologies prennent le relais sur l’art mécanique? Quelle part de gâteau reste-t-il aux scénographes, et comment ces professionnel.les perçoivent-iels leur art dans ce contexte ? Pour tenter de répondre à ces questions, j’ai eu la chance de m’entretenir avec deux scénographes de la ville de Québec, qui vivent chacun.e bien différemment les enjeux de leur milieu.

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Christian Fontaine a récemment signé le décor de Pour la suite du monde. Il a fait ses marques dans le paysage scénographique de Québec depuis longtemps déjà : son décor de En attendant Godot s’est mérité le prix JacquesPelletier en 2006, et il a travaillé pour de nombreux théâtres des alentours. Depuis 2009, il est professeur à temps partiel de scénographie au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Nous avons pu nous entretenir au téléphone, quelques jours après la première de Pour la suite du monde. Églantine Mailly est quant à elle nouvellement arrivée dans la profession, ayant obtenu un diplôme du Conservatoire en scénographie en 2022 après avoir fait des études en arts visuels et en histoire de l’art. Elle a reçu la bourse du Théâtre de la Bordée en 2022. Installées dans la salle de Premier Acte, pratiquement dans le décor, nous avons discuté le lendemain de la première de La République hip-hop du Bas-Canada, production pour laquelle elle a été scénographe.

Les oranges sont vertes, programme de spectacle, Montréal, Théâtre du Nouveau Monde, 1998, p. 15. Collections de BAnQ.

Pour la suite du monde Texte et mise en scène : Lorraine Côté | Assistance à la mise en scène : Thomas Royer | Décor : Christian Fontaine | Costumes : Julie Morel | Production : Théâtre de la Bordée et troupe La Trâlée| Éclairages : Mathieu C. Bernard | Accessoiriste : Marianne Lebel | Conception vidéo : Étienne d’Anjou | Distribution : Nicola Boulanger, Lauréanne Dumoulin, Nadia Girard-Eddahia, Paul Fruteau de Laclos, Amélie Laprise, Jocelyn Paré, Guillaume Pépin La république hip-hop du Bas-Canada Texte : Dominique Sacy | Mise en scène : Émile Beauchemin | Mise en scène | Assistance à la mise en scène : Aude Seppey Décor : Églantine Mailly | Costumes : Laurie Foster | Production : Théâtre Astronaute et Dominique Sacy| Composition musicale : Simon Veilleux Accessoiriste : Marianne Lebel | Mentorat : Olivier Arteau | Distribution : Samuel Bouchard, Carmen Ferlan, Myriam Lenfesty, MarcAntoine Marceau, Vincent Paquette

Pratique de Pour la suite du monde, photo par Vincent Champoux

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L’artiste derrière la matière : le métier de scénographe en 2023 Les deux artistes interviewé.es ont beaucoup insisté sur le plaisir qu’il et elle prennent à participer au processus créatif de l’ensemble de la pièce de théâtre. C’est l’avantage qu’il y a à jouer moins de théâtre de répertoire, et de se lancer dans des projets nouveaux, où la créativité peut prendre son meilleur envol : aucune ligne prédéfinie, tout est à faire. Les metteur.euses en scène arrivent parfois avec une idée en tête, parfois non. Après, c’est tout un travail d’équipe qui se met en place, les idées de l’un.e se mélangent à celles de l’autre, pour créer un projet tout à fait original. Christian Fontaine insiste beaucoup sur la dimension collective de la réflexion qui se cache derrière ses conceptions scénographiques. Comédien.nes, éclairagistes, tout le monde a le cerveau en ébullition et a son grain de sel à apporter lors des rencontres préliminaires à toute production originale. Dans le cas de Pour la suite du monde, même l’écriture de la pièce suivait le processus créatif collectif. Églantine Mailly affirme quant à elle prendre, oui, beaucoup de plaisir dans ce travail d’équipe, mais aussi apprécier se laisser habiter par le projet qui la suit dans les moindres replis de sa vie privée durant toute la durée de la conception initiale.

Cet investissement personnel n’est pas, on le devine bien, que poétique : les scénographes québécois.es de 2023 travaillent dans des conditions difficiles, devant faire des pieds et des mains pour ne pas se laisser envahir par le travail tout en arrivant à la fin du mois. Il y a peu de subventions, et beaucoup de projets. Églantine Mailly, bien qu’encore à ses débuts dans le domaine, vogue de contrat en contrat, par passion, oui, mais aussi en partie par obligation financière. Heureusement, quelques tours de passe-passe permettent d’amoindrir la charge mentale de son métier, qu’elle adore malgré tout :

Les décors viendront-t-ils donc à bout de leurs génies créateurs, à cause de la pauvreté des subventions gouvernementales qui ne permettent pas aux artistes de mener à la fois une vie décente et d’entretenir leur santé mentale ? Heureusement, le milieu n’est pas que sombre: Amélie Trépanier, modèle de scénographe pour Églantine, parvient apparémment à concilier vie de famille et travail exceptionnel. Christian Fontaine est peut-être dans la même catégorie, bien que nous n’ayons pas abordé la question de front. Toujours occupé, entre les divers projets de création et son travail de professeur au Conservatoire – d’autant plus qu’il est depuis quelque temps responsable de la section de scénographie – il m’a semblé malgré tout plutôt zen au téléphone. Pour les scénographes confirmés, il semble donc possible d’apprendre à composer avec les réalités systémiques du milieu.

Car qui est clair, c’est que l’aspect épuisant et stressant de la profession n’incombe pas qu’à Églantine : lors de la quadriennale de théâtre de Prague, cet été, la jeune scénographe a pu constater le frappant écart entre le Canada et plusieurs autres pays comme la Lituanie, le Brésil ou Singapour, qui eux placent la culture dans leurs priorités. Le pavillon du Québec, indépendant de celui du Canada, lançait carrément un appel à l’aide. Sur le site internet de la quadriennale, on peut même lire que la responsable du stand de notre province était la Fondation pour la sauvegarde et la valorisation des métiers menacés en arts vivants. Mettant sous les projecteurs son amour de la culture, cette Fondation se présente comme un dernier pilier de l’écosystème fragile des arts vivants québécois.

Entre parodie et éditorial, cette exposition explorait la tension qui existe entre les artistes et la précarité de leurs professions. (Quebec / SVMMAV, 2023, paragr. 1, 3 [je traduis]).

Heureusement, les arts québécois sont portés par des gens passionnés, qui savent – pour le meilleur et pour le pire – composer avec ces conditions de travail délicates.

Créateurs et créatrices hors du commun, les scénographes savent faire beaucoup avec peu, et prennent le temps d’entretenir des réflexions fécondes sur leur métier et sa place, d’un point de vue théorique, parmi les autres arts scéniques.

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« J’ai décidé de prendre une année plus tranquille, parce que l’année passée c’était infernal. […] J’ai enfilé tous les projets, j’ai eu aucune semaine de congé. […] Certain.es scénographes sont sur trois projets en même temps.

Heureusement, il y a des job de soutien, qui permettent de décanter un peu : faire des costumes, des petits accessoires, peindre des panneaux suivant les indications des autres – car c’est aussi ça qui permet de vivre. C’est de l’argent. Il n’y a tellement pas de subventions. Il y a du travail, mais pas assez de travail payant ! C’est pire depuis la Covid, tout a bloqué, c’est comme un bouchon. Tout le monde a déposé ses projets en même temps pour les subventions, et maintenant il y a trop de demandes d’un

coup. […] C’est vraiment le fun, j’adore cette job-là, mais c’est pas pour tout le monde, ce mode de vie. Pour y arriver, faut travailler tout le temps, full fort. […] Ça devient toute ta vie, c’est des horaires qui n’ont pas de bon sens. Et c’est normalisé ! »

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Le décor de théâtre dans les lunettes des scénographes : simple fond de carton ou matière vivante ?

Difficile de déterminer, quand on est dans le feu de l’action, de quels « effets modes » nous sommes victimes. Ce qui est certain, c’est qu’on est maintenant, ici au Québec, souvent bien loin de la cuisine de Germaine Lauzon dans Les Belles-Sœurs (bien que « c’t’encore drôle », comme dit Églantine). Un peu comme en arts actuels, les arts vivants ont, pendant quelques décennies, tendu vers un minimalisme dépouillé, allant même jusqu’à modifier, en profondeur, les mécanismes de représentation théâtrale.

C’est du moins ce qu’observait le professeur de théâtre Liviu Dopinescu, il y a une quinzaine d’années :

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La représentation, entendue au sens de support d’un mythe, d’une histoire ou d’un héros, n’est plus le mode adopté par nombre de créateurs qui, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, ont privilégié la scène en tant que lieu de manifestations(s). […Il s’agit là d’une] tendance désesthétisante et désémiotisante du théâtre […]. [Ces phénomènes] semblent attester une mutation dans l’ordre symbolique de l’art théâtral. […]

Le refus de la représentation amène dans son sillage un travail d’épuration de la matière scénique, une réduction qui nous ramène à l’évidence d’un espace vide paradoxalement présent […]. (Dospinescu, 2008, p. 46, 50) Mais ce théâtre dénudé, bien qu’ayant laissé ses traces et étant encore pratiqué par certain.es (pensons à la pièce Les aveugles, écrite par Maurice Maeterlinck en 1890, mais reprise récemment par Denis Marleau, qui l’a transformée en « fantasmagorie technologique » [Jacques, 2005, p.

82), semble chercher à se rhabiller. En effet, dans les dernières années, Églantine Mailly remarque un retour progressif vers une pratique scénographique plus englobante, notamment par l’usage des technologies – mais à dose que la jeune scénographe dit devoir être contrôlée : « Parfois, on saupoudre des projections vidéos un peu partout juste pour en saupoudrer, mais c’est rare que ça fonctionne vraiment. De la bonne vieille magie théâtrale, ça peut faire autant d’effet. Quand tu vas au théâtre, tu ne vas pas voir un film, tu vas voir le monde.

C’est pour ça que faire de la projection vidéo, ça prend beaucoup de temps, parce que pour créer des effets, il faut que ce soit vraiment tight. » L’intérêt assez marqué depuis quelques années pour le théâtre documentaire (pensons entre autres à la pièce à

succès J’aime Hydro, de Christine Beaulieu, présentée pour la première fois en 2016, transformée en livre, en balado, et représentée à diverses occasions) se marie à merveille avec les technologies numériques. Et de ce point de vue, quel coup de maître dans Pour la suite du monde!

Projections du documentaire original de Pierre Perreault, arrêts sur images, ombres chinoises et images projetées en direct : tout y était. Pour Christian Fontaine, la technologie est même apparue comme une solution efficace à certaines difficultés d’adaptation, comme la place à aménager aux nombreux enfants présents dans le documentaire de Perreault. En effet, la petite marmaille de l’Isle-aux-Coudres a pris vie dans les doigts costumés des comédien.nes, filmés et reconduits instantanément à l’écran. Même chose pour l’arrivée tant attendue du béluga dans le piège tendu par les pêcheurs : Christian Fontaine a d’abord laissé la « bonne vieille magie du théâtre » opérer en faisant arriver le béluga par ombres chinoises, puis a projeté la séquence du documentaire original. L’image à l’écran seule n’aurait jamais pu frapper l’imaginaire des spectateur.ices de la même manière que le petit béluga de carton, le scénographe en est certain.

Bref, il faut que l’écran s’impose pour qu’on s’en serve, affirme Fontaine. Et après, comment l’utiliser bien est la question centrale. Ces outils engagent énormément sa créativité : rétroprojection, projection de face, emplacement de l’écran, ambiance chromatique à adopter, les choix à faire sont nombreux. Quand la projection est bien exécutée, les images peuvent devenir des décors, ce qui permet d’instaurer un dialogue entre scène et écran. Les images ne doivent jamais devenir le centre de l’attention : c’est très (voire trop) facile de montrer un lieu avec une projection.

Le scénographe de Pour la suite du monde insiste : il faut savoir faire appel à l’intelligence des spectateur.ices, qui peuvent assembler les pièces du casse-tête pour créer le monde complet suggéré par les images. En va-t-il de même pour les décors en tant que tel ? Normalement, ils conservent un rôle secondaire, à la limite d’adjuvant, par rapport aux comédien.nes et au développement dramatique de l’œuvre théâtrale qui se déroule sur scène. Mais les scénographes pourraient-iels rêver d’englober entièrement les spectateur·ices de leurs décors, d’accaparer toute leur attention ? Le décor ne pourrait-il pas devenir un personnage à part entière de la pièce, posséder son propre souffle, sa propre carcasse ? C’est le pari qui a été pris par la pièce susmentionnée Les aveugles, dans la mise en scène de Marleau : les projections – et la musique – remplacent carrément les comédien.nes. Et sa création a rencontré un certain succès : créée en 2005, elle a été présentée encore cet automne au Diamant.

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Ombres chinoises, Pour la suite du monde, photo par Vincent Champoux.

Dans la pratique d’Églantine Mailly, la place que peut prendre le décor est assez variable, et dépend de l’ambiance collaborative qu’instaure – ou non – le metteur ou la metteuse en scène. Ainsi, pour La République du hip-hop, le décor a été pensé comme un simple accompagnateur. C’est très différent de la situation que Mailly vit présentement pour la préparation d’un spectacle pour le Trident, pour lequel elle est engagée à titre d’accessoiriste : les accessoires et costumes vont, dans ce cas-là, dicter un peu la mise en scène, et il y a un immense travail, en amont, de création commune. Les objets inanimés insuffleront donc leur part de vie à la pièce, ils dicteront un mode de conduite à adopter. Pour Christian Fontaine, la réponse est plus catégorique : le théâtre c’est, fondamentalement, le rapport entre un comédien et le public. Tout le reste doit aider à rendre ce dialogue émouvant, clair, limpide, possible. Donner réellement vie à un décor serait plutôt, selon lui, de l’ordre de la performance.

au maximaliste, du carton au numérique, du passif à l’actif, les matériaux ont définitivement leur force et leur message à passer au théâtre, et savent prendre leur forme de vie sur scène – quand le ou la scénographe sait bien faire ses dosages.

Simple nature morte, donc? Oui et non. Du show de lumière aux ombres magiques, les chapeaux que peut porter le décor de théâtre en 2023 au Québec sont multiples, et les rôles et la place qu’on peut lui attribuer aussi. Du minimaliste

Donner une deuxième vie au décor de théâtre : la Remise culturelle et Écoscéno Au-delà de ces enjeux d’ordre artistique, les décors de théâtre soulèvent aussi des interrogations écologiques :

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Projections de visages féminins et masculins dans Les aveugles de Marleau, photo par Richard-Max Tremblay.

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Captures d’écran de la boutique de l’organisme (https://boutique.laremiseculturelle.ca – Page consultée le 11 octobre 2023)

que fait-on de tout ce matériel, imaginé durant des semaines, construit à prix fort et utilisé pour finalement bien peu de temps, après les représentations d’une production ? Pour des raisons économiques, impossible pour la grande majorité des théâtres ou compagnies d’entreposer ces matériaux. Cette nécessité, imposée par des enjeux financiers, confronte souvent les scénographes, costumier.ères et autres acteur.ices du milieu à leurs valeurs : « on s’entend que les décors de théâtre, on les construit et on les lance au container après. On utilise des produits nocifs, qui dégagent beaucoup de COV [composés organiques volatils]. Ce n’est vraiment pas écologique, ce qu’on fait », culpabilise Églantine Mailly. Heureusement, le vent semble tourner pour l’industrie, soulevant avec lui des entreprises nouvelles dont l’objectif est d’épauler les productions théâtrales dans leur manière de gérer les décors après les représentations. L’organisme à but non lucratif Écoscéno, fondé en 2019 par quatre professionnelles du secteur, cherche des solutions efficaces pour réduire l’impact écologique des arts vivants. L’une des cofondatrices de l’organisme, Jasmine Catudal, retient les propos de la scénographe montréalaise Anick La Bissonnière qui, abondant dans la direction d’Écoscéno, va jusqu’à faire de la scénographie un outil politique :

« Je pense que la scénographie serait le médium idéal pour la discussion sur l’environnement. Sur le mythe que l’on veut soutenir par nos constructions. Est-ce qu’on veut soutenir le mythe d’un environnement jetable, ou nous voulons soutenir le mythe d’un environnement vivant dont nous sommes une partie intimement liée ? » Anick La Bissonnière, dans le cadre de l’Exposition Et après – Quadriennale de scénographie de Prague (dans Catudal, 2023, parag. 12). À Québec, c’est La Remise culturelle, immense entrepôt Rue des Artisans, qui a ouvert ses portes en 2021 pour poursuivre des objectifs similaires. L’idée est d’entreposer pour classer puis revendre – aux professionnel·les du milieu comme aux particuliers – des objets de toutes sortes, passant des valises vintage aux chevaux de plastique, des stroboscopes aux agrafes pour corset. « Le tapis mauve – ça coûte super cher du tapis – j’ai pu l’avoir pour un prix abordable, et il est magnifique ; on aurait eu accès à un matériau beaucoup moins beau si la Remise n'avait pas existé », affirme Églantine en me pointant un élément du décor de La République du hip-hop.

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Décor de Pour la République hip-hop du Bas-Canada, photo par Mireille Daigneault.

écologiques que sentimentales, et les acheteur.euses sont tout aussi satisfait.es de pouvoir enlever deux coûts à leurs projets : l’environnemental et le financier.

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C’est donc un véritable système de revalorisation qui est mis en place, et d’entraide dans le milieu. Les scénographes sont évidemment ravi.es de voir leurs créations finir ailleurs que dans des sites d’enfouissement, tant pour des valeurs

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Représentation de Pour la suite du monde, au Théâtre de la Bordée, automne 2023. Photo : Vincent Champoux

Bouillonnant, vivant, défaillant, en voie d’extinction, laissé pour compte ?

Les scénographes manquent d’argent pour vivre en toute quiétude, on l’a bien vu, mais cela est loin de décourager ces artistes exceptionnellement efficaces, passionné.es et versatiles. Pour animer leurs décors, ils et elles ont plus d’un tour dans leur sac : que ce soit par des procédés théâtraux vieux comme le monde, comme les ombres chinoises par rétroéclairage, ou en intégrant des technologies étonnantes tant visuelles que sonores à leurs créations, les productions théâtrales contemporaines sont à tout coup illuminées par ces mains tantôt charpentières, tantôt peintres, tantôt soutenant une caméra. Et les ambitions écologiques des acteur.ices du milieu vont jusqu’à permettre à ces créations de revivre sous de nouveaux toits, sur de nouvelles planches - même, de nouveaux types de planches. En effet, la scénographie se taille présentement une belle place au musée :

«Pour proposer des projets d’exposition attrayants et capables d'offrir des expériences nouvelles, les institutions muséales font appel à des équipes multidisciplinaires pour concevoir leurs expositions et les mettre en espace de façon innovante. En collaboration avec les conservateurs et les muséologues, le scénographe d’exposition devient un acteur clé dans le projet d’exposition pour intégrer les nombreux enjeux de conception et proposer une perspective renouvelée de L’exposition. Il assure le rôle de concepteur de l’expérience. » (Lefebvre, 2019, p. 16) « Concepteur.trices d’expériences », n’est-ce pas là un superbe titre à accoler aux scénographes contemporain.es ? Car leur rôle va bien au-delà de la simple fabrication de décors plats et dépourvus de sens.

Il participe plutôt à l’ensemble de la création artistique, tant sur le plan manuel que réflexif.

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77 Représentation de La République hip-hop du Bas-Canada, à Premier Acte, automne 2023. Photo : David Mendoza Hélaine

Bibliographie Devenir scénographe. (2023). IFFDEC. https://iffdec.com/ metiers/62-scenographe Dopinescu, L. (2008). Effet de présence et nonreprésentation dans le théâtre contemporain. Tangence, (88), 45-61. https://doi.org/10.7202/029752ar Jacques, H. (2005). Un théâtre d’acteurs vidéographiques : Les aveugles de Denis Marleau. Intermédialités / Intermediality, (6), 79-94. https://doi.org/10.7202/1005507ar

Lafon, D. (1992). Y a-t-il un scénologue dans la salle ?

L’Annuaire théâtral, (11), 9-27. https://doi.org/10.7202/041156ar

Lefebvre, L. (2019), La scénographie au musée : faire de l’espace, une expérience. Histoire Québec, 25(3), 17-20.

Quebec / SVMMAV. (2023). Prague Quadriennal of Performance Design and Space. https://pq.cz/pq-2023info/projects-2023/exhibition-of-countries-and-regions/ quebec-svmmav/ Scannez le QR code ci-dessous pour avoir plus d'informations Automne 2023 — Volume 10 Nº1

La Bissonière, A. (2023, 16 février). La puissance de la culture dans la transition socioécologique. Écoscéno. https://ecosceno.org/la-puissance-de-la-culture-dans-latransition-socioecologique/

Les aveugles. (octobre 2023). Le Diamant. https://www. lediamant.ca/fr/programmation/les-aveugles

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Sorties et sélections littéraires de l’automne Par Frédérik Dompierre-Beaulieu, cheffe de pupitre aux arts

Chose sensible suprasensible – Mélanie Landreville – Les Herbes rouges

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Quatrième de couverture : « Ce qui est enfoui risque d’exploser vif. » Une enfance, par exemple. Une enfance de douleurs enfouies dans une personne pourrait exploser. « Ton frère s’est tué », dit la voix de la mère au téléphone. Dès lors le monde, tout impraticable qu’il était, infesté de violences patriarcales, se défait pour de bon.qui se déplie comme un accordéon.

Les engagements ordinaires Mélikah Abdelmoumen - Atelier 10 Quatrième de couverture : Dans l'ombre des figures de proue du militantisme et des meneurs (le plus souvent masculins) dont se souviennent les livres d'histoire, une foule d'anonymes rend possible la réalisation des grands changements.À travers l'histoire de l'engagement « ordinaire » des femmes de sa lignée, Mélikah Abdelmoumen rend hommage au côté souvent très prosaïque de l'élan militant. Elle réfléchit à ses motivations, à ses implications, à ses insuffisances et à ses paradoxes.De Saguenay à Montréal, en passant par les squats des banlieues de Lyon, se tisse la toile qui la relie à sa grandmère, à sa mère, mais aussi à cette majorité silencieuse qui, à la faveur d'une conjoncture, d'un état d'esprit, d'une rencontre marquante a, un jour, sans faire de bruit, basculé dans l'engagement.

Mortel·les – Collectif sous la direction d’Alice Rivard – Triptyque Quatrième de couverture : Ce livre explore différents vécus traversés par l’expérience de la mort et du deuil. Un collectif qui, avec ses douze voix puissantes, courageuses, solidaires et poignantes, ne craint ni la prise de risques ni la vulnérabilité. L’objectif : briser la culture du silence, lever les tabous et parler ouvertement de la mort, de façon à mieux apprivoiser cette réalité à laquelle personne ne peut échapper.

Avec des textes de : Katy BoyerGaboriault, Simon Brown, Mélodie Bujold-Henri, Valérie Forgues, Roxanne Guérin, Madioula KébéKamara, Maude Lafleur, Ayavi Lake, Anya Nousri, Noémie PomerleauCloutier, Alice Rivard et Karianne Trudeau Beaunoyer.

Lourdes – Catherine Lemieux – Boréal Quatrième de couverture : Lourdes est une jeune universitaire américaine - au sens où elle vient de l’Amérique – étudiant à l’Université de T… en Europe. Elle souhaite parfaire ses connaissances sur ce continent aux mille promesses d’un savoir intellectuel ancestral. C’est à titre de Préposée au buffet qu’elle participe au Symposium du Laboratoire du Néo-Moi Féminisant, portant cette année sur «La force féminine de Razuvaeva», poète russe dont l’écriture se caractérise par une flamme qui inspire Lourdes.

Arts et - Littérature littérature

Sens dessus dessous – Eduardo Galeano – Lux Quatrième de couverture : Ce livre de Galeano décrit l'avènement du capitalisme radical et ses mani-festations, au crépuscule du XXe siècle : dévastation de la planète, pullulement des haines sexiste et raciste, exacerbation des injustices et abrutissement généralisé. Construit comme un manuel scolaire à ne surtout pas suivre, il s'adresse avec une ironie douce-amère aux cancres de l'école de ce monde à l'envers, à ceux qui refusent de devenir les bons élèves d'un système qui promeut le crime, le mensonge, le mépris et l'amnésie.

Selfies : Autoportraits d’enfants du siècle – Collectif – Le Cheval d’août Quatrième de couverture : Difficile de se décrire sans verser dans les stéréotypes.

Ce collectif illustré par Kaël Mercader rassemble trente auteur.ices brossant leur portrait dans la joie, le doute ou l'autodérision, loin des figures obligées.

Selfies ausculte le poil de Kevin Lambert et la rosette de Simon Boulerice, dévoile le troisième œil de Karoline Georges, et épluche l'héritage génétique de Katia Belkhodja. Ces autoportraits baroques se jouent des clichés et jonglent avec l'impossible image de soi.

Quatrième de couverture : Dans un village gaspésien entre mer et montagne, des amis tentent de donner forme à leurs aspirations. Ils ont fait le pari de vivre en communauté, à l’abri des lois sociales ordinaires. Leur vie est rythmée par le passage des saisons et le travail sur la pépinière, où ils soignent racines, feuilles, fruits et bourgeons. Entre les travaux à faire, les soirées de fête et les liens qui se reconfigurent sans cesse, les tensions naissent malgré la bonne volonté de tous. Le narrateur se fait l’observateur patient et critique des choses humaines comme des événements naturels.

Soleil sans heures – Olivier LerouxPicard – Poètes de brousse

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Quatrième de couverture : Les pères parlent peu de leur expérience. En littérature, la figure du père est souvent dépeinte par l'enfant – devenu adulte – sous les traits de l’absence ou de la violence. Et s’il existait « une communauté manquante […], potentielle de pères qui se parlent du temps qu’il fait dans leur rôle » ?

Dans une poésie limpide qui emprunte à l'essai et au journal, Soleil sans heures explore la paternité et les silences qui l'entourent. Olivier Leroux-Picard raconte non seulement sa rencontre avec sa fille, mais aussi celle d'un enfant avec le monde et d'un père face à son nouveau rôle.

Automne Mars 2023 — Volume 09 10 Nº2 Nº1

Avec les textes de Maryse Andraos, Valérie Bah, David Bélanger, Jennifer Bélanger, Katia Belkhodja, Charlotte Biron, Mathieu K. Blais, Simon Boulerice, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Gabriel Cholette, Martina Chumova, Louise-Amada D., Fanie Demeule, Antoine Desjardins, Anne-Marie Desmeules, Lynda Dion, Clara DupuisMorency, Alain Farah, Karoline Georges, Ayavi Lake, Kevin Lambert, Annie Landreville, Catherine Leroux, Raissa M'bilo, Kiev Renaud, Karine Rosso, Karianne Trudeau-Beaunoyer, Kaliane Ung, Vincent Vallières, Alex Viens, Audrée Wilhelmy, et des dessins de Kaël Mercader.

Je parlerai des amélanchiers de Saint-Maxime-du-Mont-Louis – Mathieu Hachebé – De la maison en feu

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Walden – la nature comme porte ouverte à l’exploration de soi Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

« I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived (Thoreau, 1983). »

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Illustration par Andrea Ventura.

Étang de Walden. XIXe siècle. Un écrivain américain s’isole dans une cabane au milieu des bois. Tentative de se reconnecter avec la nature, il s’exclut pendant vingt-sept mois de la civilisation. Cet homme n’est autre qu’Henry David Thoreau, son roman Walden; or, Life in the Woods.

Véritable pamphlet dénonçant le mode de vie de la société occidentale, Walden souligne l’importance de la contemplation et fait de la nature un personnage à part entière.

C’est en effet en plein essor de l’époque industrielle, alors que le monde entre en mutation, que des écrivains tentent d’opérer un retour vers la nature, sorte d’Into the wild avantgardiste. Toutefois, loin de choisir un lieu aussi sauvage et désert que l’Alaska, Thoreau s’installe sur la rive d’un étang proche de Concord, sa ville natale. La forêt, les reflets sur la surface de l’eau, l’odeur des pins environnants, forment un décor propice aux personnifications et permettent à l’auteur de s’inscrire dans une veine proche du mouvement romantique.

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Robinson Crusoé volontaire, Thoreau fait le choix de vivre en solitaire, il écrit d’ailleurs : « why should I feel lonely ? is not our planet in the Milky Way? (Thoreau, 1983)». Mais il faut démystifier un peu son mode de vie : s’il a passé deux ans, deux mois et deux jours dans une cabane de pin de seulement treize mètres carrés ou dans son jardin à cultiver ses légumes, son autarcie n’est pas trop contraignante, puisqu’il s’autorise à rendre visite à ses amis en ville de temps en temps. C’est surtout sa démarche en elle-même qui est pertinente ; le retour à la nature doit lui permettre de se retrouver face à lui-même, de transcender sa simple existence individuelle pour accéder à une autodiscipline du corps et de l’esprit. Charlotte Melançon dans son étude sur Walden, explique que « la nature, "the unfenced nature", est avant toute chose une attitude morale et spirituelle parce qu’étant impossible à circonscrire, elle est ce qui ne se possède pas (Melançon, 1986, p. 72). » Thoreau est également considéré comme la figure de proue du genre littéraire « nature writing », et fondateur de ce qui sera plus tard qualifié d’ « écologie politique ». Ses observations de la nature, aux dimensions philosophiques, se mêlent à des considérations autobiographiques, créant ainsi une œuvre originale qui « tient tantôt du traité de sciences naturelles, tantôt de ce qui serait le journal de bord d’un pilote aux commandes de son corps (Provencher, 1983. P. 46.). »

Joshua Shaw, Solitude, 1818, Art Institute of Chicago.

nouvel espace de vie et d’un langage pour l’articuler. » Dans son ouvrage, Thoreau semble ainsi célébrer le premier vers des Correspondances de Baudelaire où « La Nature est un temple », une porte d’accès à une Vérité supérieure. « Rather than love, than money, than fame, give me truth (Thoreau, 1983). »

(Qu'est-ce qu'un cours d'histoire, de philosophie ou de poésie, si bien choisi soit-il, ou la meilleure société, ou la routine de vie la plus admirable, comparés à la discipline qui consiste à toujours regarder ce qui est à voir ? Serezvous un lecteur, un simple étudiant ou un voyant ? Lisez votre destin, voyez ce qui se présente à vous, et marchez vers l'avenir.)

Voyageur immobile contemplant les nuages qui se reflètent sur l’étang, Thoreau noircit les lignes de son carnet en rythme avec les saisons. Il nous propose ainsi de nous immerger dans une communion mystique et idéologique avec la nature où l’homme se réduit à une simple présence, un écho qui perdure quelques instants sur la surface de l’eau avant de se fondre dans le silence des profondeurs.

Disciple de Ralph Waldo Emerson (philosophe et écrivain américain), Thoreau s’inscrit dans le courant de pensée transcendantaliste. Ce dernier promeut la bonté inhérente à l’être humain ainsi qu’à la nature, qui se retrouvent souvent corrompus par la société. Les individus devraient donc vivre de manière autonome et indépendante pour préserver leur bonté. Kenneth White (écrivain et essayiste du XXe siècle) souligne que ce mouvement néo-anglais est formé de « chercheurs extravagants en quête d’un

Références : Melançon, C. (1986). Lire, voir et marcher : Walden or, life in the Woods. Liberté. 28(3), p. 71-74. [https://www.erudit.org/fr/revues/liberte/1986-v28-n3liberte1460920/60431ac/] Provencher, J. (1983). Thoreau le cheminant. Nuit blanche.

(9). p. 45-47. [https://www.erudit.org/fr/revues/nb/1983-n9nb1081441/21270ac/]

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« What is a course of history, or philosophy, or poetry, no matter how well selected, or the best society, or the most admirable routine of life, compared with the discipline of looking always at what is to be seen? Will you be a reader, a student merely, or a seer? Read your fate, see what is before you, and walk on into futurity (Thoreau, 1983). »

Walden, ce sont donc dix-huit chapitres qui alternent entre autobiographie, essais, poèmes et descriptions naturalistes.

Leurs titres sont d’ailleurs tous évocateurs : « Economy », « Reading », « Solitude », « The Bean-Field » ou encore « Spring » forment un bel aperçu de la composition de l’ouvrage. L’auteur multiplie également les instances narratives et identités auctoriales, se mettant en scène tantôt comme un biographe, tantôt comme un avatar de lui-même idéalisé, etc. Walden est dès lors bien plus proche de l’autofiction que de l’autobiographie.

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Monumentaux, illuminés : le rapport contemporain du Québec à son territoire naturel déguisé en fiction historique Par Florence Bordeleau-Gagné, journaliste multiplateforme

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Le bucheron, première de couverture du roman, dessinée par Alain Pilon

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Laurent Lussier, Monumentaux, illuminés, Montréal, La Mèche, 28 septembre 2023, 431 p.

Ce roman historique — ou cette uchronie si l’on reprend le mot de la quatrième de couverture, sans doute le plus juste en réalité pour désigner cette curiosité littéraire d’un peu plus de 400 pages — est celui de cinq architectes qu’on aurait envie de qualifier de déjanté.es. Pourtant, Joseph Houle, dit Gérin-Lajoie, Lucien Godin, Hélène CinqMars, Rose Bibeau-Godin et Gérard Crête ne sont pas si détraqué.es, si « illuminé.es », que peuvent laisser entendre et le titre, et le ton du roman, sarcastique au possible. Ces cinq personnes, habitant le Canada français plus ou moins entre 1899 et 2012, n’ont pas existé au sens historique du terme, mais dans chacune d’entre elle nous pouvons reconnaître un aspect du Québec qui, lui est bien réel et tangible aujourd’hui, déguisé par les frasques du passé et l’humour de l’auteur.

Pour nous conduire vers ces prises de conscience écologiques, Lussier maltraite la majorité de ses personnages avec une savoureuse ironie, tout en entretenant une forme d’admiration pour leur passion débridée. Il attribue ainsi à Lucien Godin l’idée de l’étalement urbain, via la création de petits villages isolés les uns des autres, dans lesquels tout le monde peut vivre dans la parfaite indifférence de son voisin : « on écoutait son avis: que pensait-il de Montréal qui croît à toute vitesse et de la nouvelle architecture des gratte-ciels ? Montréal s’effondrera tôt ou tard, leur expliqua Lucien, cette confusion de bâtiments entassés ne pouvant qu’engendrer des esprits confus, étroits. Mieux valait répartir également la population à travers la province en cent villes de 25 000 habitants reliées par train. On l’applaudit. Flatté par le succès, il se rendit chaque semaine chez Poivert. » (Lussier, 2023, p. 106) En se moquant gentiment de Godin, Lussier se moque un peu, avec bienveillance et discernement, de nous tous.tes, avec Québec et ses banlieues isolées, reliées non pas par des trains (si seulement!) mais par l’autoroute… Comment ne pas reconnaître notre société québécoise contemporaine, au moins en partie, dans le discours étrangement visionnaire de Godin ? Et il en va de même pour les autres personnages.

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Fantaisiste en apparence, politique en profondeur, Monumentaux, illuminés réalise avec brio un double portrait : celui du XXe siècle canadien-français avec ludisme, et celui de notre rapport présent à la nature, à notre territoire, à nos forêts que l’on décime et que l’on inonde avec habileté.

Référence Beaulieu, I. (2023, 5 septembre). Laurent Lussier, la démesure des braves. Les libraires.

Le bimestriel des revues indépendantes. https://revue.leslibraires.ca/entrevues/litterature-quebecoise/laurent-lussier-la-demesuredes-braves/?utm_source=Inscription+infolettre+La+Mèche&utm_campaign=2715902d24INFOLETTRE_MONUMENTAUX_LM_grandpublic&utm_medium=email&utm_term=0_ b791243f11-2715902d24-380059065

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En effet, Laurent Lussier inscrit son récit dans une version de l’histoire du Canada français que nous connaissons bien, un Canada français blanc rongé par une idée plus ou moins claire du nationalisme, traversé par l’idéal colonial des siècles de la Nouvelle-France, pâmé devant Paris et ses idées avant-gardistes. Le nationalisme, car tous les protagonistes qui prennent vie sous sa plume cherchent farouchement une manière de libérer leur patrie et ses habitant.es. L’idéal colonial, car les cinq architectes portraituré.es croient dur comme fer que cette libération ne peut passer que par la destruction des forêts boréales, ou la modification profonde du paysage – exactement ce qui était prôné dans les œuvres « fondatrices » de l’identité canadienne française comme Jean Rivard, défricheur. Et l’avant-gardisme, car Joseph, Lucien, Rose, Hélène et Gérard sont des architectes en quête d’originalité et d’excellence, de renouveau profond dans leur pratique : « Il n’y a pas eu d’avant-garde architecturale au Québec au début du XXe siècle », affirme l’auteur, « mon projet consistait donc à en inventer une. Ailleurs dans le monde, les architectes visionnaires ont été frappés par les gratteciel, la révolution ou l’industrie de l’automobile naissante, par exemple. Mais en essayant de transposer leur histoire au Québec, je suis arrivé à la conclusion que, si de jeunes architectes ambitieux avaient cherché ici une inspiration pour leur démesure, ils l’auraient trouvée dans l’exploitation des ressources naturelles. C’est donc la thèse que développe le livre : imaginons un mouvement d’avantgarde frappé par l’échelle monumentale des barrages, des mines et des coupes forestières, qui bâtit à partir de là ses visions utopiques. Cela m’a amené à écrire un livre sur le paysage, l’extractivisme et l’histoire du Québec, mais à partir de personnages qui développent une pensée contre la nature. » (Lussier cité par Beaulieu, 2023, paragr. 2)

Difficile de ne pas faire la rencontre de ces « farfelu.es » architectes sans rire jaune : leurs idéaux semblent, à petite ou grande échelle, encore exister aujourd’hui. Pensons au rapport que les Québécois.es entretiennent avec la nature et ses ressources, qui sont exploitées sans vergogne encore aujourd’hui : il y a peu encore on célébrait l’ouverture d’un immense barrage hydroélectrique, au Nord, harnachant une rivière majestueuse dans le seul but d’alimenter plus d’usines, de voitures, bref pour améliorer toujours ce que nous croyons être le confort (il s’agit du barrage de la Romaine, inauguré par François Legault le 12 octobre 2023).

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Conservation, archivage et pérennité des œuvres et des contenus - Entre nouvelles pratiques, impasses et activisme

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Par Frédérik Dompierre-Beaulieu, cheffe de pupitre aux arts

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1.Littérature et cinéma à l’ère du numérique : questionnements, réticences, méthodologies émergentes et pistes de solution Afin de mieux cerner les pratiques, les enjeux et les préoccupations qui sont celles du milieu du cinéma en ce qui concerne l’archivage, la conservation et la pérennité des œuvres en contexte numérique (mais non exclusivement), et afin de pouvoir tracer des parallèles avec cette même situation en littérature, je me suis entretenue avec Ermance Dhermy, étudiante dans le domaine de la valorisation des archives cinématographiques et spécialiste des affiches de cinéma. État des lieux Brossant un portrait rapide de la situation à l’heure actuelle, cette dernière m’explique que plusieurs instances et structures s’occupent des films et des autres documents connexes, pouvant leur être liés, et de leur préservation.

Si les cinémathèques semblent être l’institution par excellence, on compte aussi les bibliothèques, sous la forme du dépôt légal le plus souvent, mais pas forcément non plus : « Il y a également les archives privées, qui peuvent être celles des producteurs des films, et les fonds

d’archives privées. En France, il y a la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé qui se charge de conserver les documents liés aux films en particulier, la publicité, entre autres. Les cinémathèques collectent également les affiches, tout comme les autres types de documents non-film ou affiliés au film, comme les scénarios, des supports publicitaires tels les affichettes et les feuillets ainsi que les notes de création. Cela représente un assez large volume de documents ». Concrètement, et au-delà des instances responsables de la conservation, « il existe plusieurs types de restaurations, et les pratiques ont pas mal évolué dans le temps. Aujourd’hui, on est surtout du côté de la restauration préventive. Dans le passé, certaines de ces pratiques ont toutefois donné lieu à des situations très particulières. Je pense entre autres au nitrate, un type de pellicule très inflammable et qui a nécessité un plan de conservation précis. Dans ce cas, on a isolé les collections qui étaient en nitrate et on les a le plus possible dupliquées sur d’autres supports. C’est tout un travail particulier et une très large entreprise qui a eu lieu au siècle dernier. Il a fallu faire des copies de conservation. On rencontre également certains problèmes avec les affiches, puisque si elles sont contrecollées sur du papier kraft, une pratique qui se faisait

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courante chez les collectionneurs pendant une période, le papier attaque l’affiche elle-même. Il est très acide, et cela peut nécessiter une intervention. » Du côté de la littérature, cette fois, et plus précisément des œuvres sur support papier – forme stabilisée et support le plus reconnu par l’institution – des pratiques similaires sont à observer, comme ces œuvres sont elles aussi sujettes à un dépôt légal, bien que les enjeux de la résistance du matériel puissent évidemment diverger. Au Québec, c'est la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) qui est responsable de l’archivage et de la conservation des œuvres littéraires et des autres types de contenus plus largement (historiques ou papier), se posant ainsi comme garante d’une mémoire.

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Contexte numérique et nouvelles pratiques Dans le monde du cinéma, contrairement à la littérature – et nous y reviendrons – les institutions prennent aussi en charge les nouveaux supports et le numérique, telles les cinémathèques, encore une fois (on les salue, d’ailleurs). De même, au Québec, des lois sont mises en place dans le but d’encadrer la préservation des films par le biais d’un dépôt légal du côté de la BAnQ, entre autres: « Il y a le support analogique avec les pellicules, certes, mais aussi le support numérique. Aujourd’hui, on reçoit principalement du numérique natif [c’est-à-dire des œuvres cinématographiques et autres contenus nés numériques].

On s’en occupe donc de manière numérique.»

Effectivement, le recours au numérique dans le monde du cinéma ne représente pas un phénomène émergent : il s’agit là de pratiques établies depuis un moment déjà. Plus encore, elles sont non seulement pratiques courantes, mais sont également légitimées par l’institution, se refusant à la marge. À vrai dire, ce sont des méthodes et des usages qui, s’ils ne le sont pas déjà, sont assurément en voie de devenir la norme, bien que les plus nostalgiques puissent conserver un intérêt pour la pellicule et l’analogique. Après tout, à chaque support ses spécificités.

Pour l’instant, nous abordons surtout la question du numérique en amont, du côté de la création même des contenus cinématographiques, de leur nature. Mais

comment la transition de l’analogique vers le numérique se déroule-t-elle ? « Concernant ce passage, on fait des scans, tout simplement. Ce sont des machines spécialisées pour les films. Il y en a dans les cinémathèques, mais pas que. Il y a aussi quelques entreprises de restauration de films qui travaillent notamment pour des catalogues privés.

La numérisation elle-même soulève toutefois quelques questions, car on doit quand même faire des modifications au niveau des couleurs, du son, etc. C’est la même chose pour les affiches. Il y a des campagnes de numérisation qui sont en cours et qui, d’ailleurs, bénéficient souvent de financement particulier. Cela a aussi été le cas pour les films il y a quelques années, puisqu’on s’est posé la question un peu plus tôt, bien que ce ne soit pas systématique non plus. » Au sein de l’institution littéraire, toutefois, la situation est tout autre. Outre la numérisation des œuvres papier existantes, l’avènement de nouvelles formes et de nouvelles pratiques telles les arts littéraires, c’est-à-dire « les pratiques littéraires qui ne recourent pas à la forme canonique du livre comme support de publication » (Laboratoire Ex situ), semble, de manière très évidente, poser problème en fragilisant cette mission de conservation des centres d’archives et des bibliothèques. Regroupant « un large éventail d’œuvres, certaines relevant du spectacle et de la performance, d’autres de l’exposition muséale, d’autres encore d’un travail d’appropriation médiatique, entre supports analogiques et numériques, parfois scéniques » (Laboratoire Ex situ), les arts littéraires constituent un champ nouveau de productions culturelles qui en plus ne sont pas uniformes ou uniformisées. On inclut, parmi ces productions, les littératures numériques, qui, elles, ne passent pas par ce même processus systématique de dépôt légal que les livres et le codex imprimé. L’avantage des livres, c’est qu’ils sont stables et régis par une industrie, et que l’on est capable de les caractériser par leur forme établie. Au Québec, aucune instance n’est officiellement responsable de l’inventaire des œuvres « atypiques », de leur protection, de leur institutionnalisation, de leur conservation et de leur pérennité, justement parce qu’elles font partie de ces pratiques littéraires émergentes et marginales qui ne sont

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pas légitimées, connues ni reconnues. Selon René Audet, professeur titulaire au Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval, spécialiste de littérature contemporaine et de culture numérique et directeur du Laboratoire Ex situ et le pôle Québec du projet Littérature québécoise mobile, même si certaines des œuvres numériques peuvent faire l’objet d’un dépôt légal, « les moyens des bibliothèques nationales restent très limités face à la diversité des modalités technologiques impliquées. » Surtout, comment envisager et approcher la mer de contenus sur le Web, et, plus important encore, comment sélectionner les contenus et les œuvres à conserver ?

Simple question de curation algorithmique ? Peut-être, mais après ? L’institution littéraire telle qu’on la connaît actuellement n’est tout simplement pas construite en fonction de ces nouveaux corpus à circulation très variable, difficiles à définir et circonscrire, corpus qui s’organisent donc en réseaux dans la marge et qui tendent à redéfinir l’idée que l’on se fait d’une œuvre littéraire.

Un autre problème, touchant tant le milieu littéraire que le milieu du cinéma, fait surface quand vient le temps de préserver et de rendre accessible les œuvres en contexte numérique : celui de l’obsolescence des technologies utilisées pour lire et faire fonctionner les contenus. Et que dire des œuvres faites de codes et de programmes informatiques, ou des feuillets d’accompagnement, par exemple ? Doit-on les conserver eux aussi ? Quelles conséquences sur l’expérience de l’œuvre par des futur.es lecteur.rices, spectacteur.rices ou utilisateur.rices?

Selon Ermance, « concernant le support numérique, le fait que les fichiers et les copies ne soient pas sur un support physique ne les affranchit pas des problèmes de conservation, puisqu’en fait, le moyen de lecture du film peut disparaître. C’est un souci qu’on a déjà eu : il y a des questions qui se posent avec les cassettes, par exemple.

Souvent, les archives vont conserver les lecteurs requis, mais ce n’est pas garanti. » Des œuvres intéressantes sont ainsi malheureusement portées à disparaître, comme elles deviennent partiellement ou totalement indisponibles ou ne fonctionnent plus comme elles le devraient. Cela s’applique également aux sites web. Selon René, dans le cas des contenus web, « Il n’y a pas de support permanent, comme le livre, et pas nécessairement de copies multiples (surtout pour des contenus web) – alors on reste immédiatement dépendant de l’hébergement principal d’un site, qui est soumis à la bonne volonté de l’hébergeur, au paiement du nom de domaine, au bon fonctionnement du serveur et à la « résistance » du contenu à l’évolution des logiciels (CMS, serveurs, etc.). » Dans tous les cas, les technologies elles-mêmes peuvent donc en venir à disparaître à leur tour, et on ne peut pas reconstruire chacune des configurations de serveurs et des systèmes d’exploitation de chacune de ces œuvres sur le web, les destinant à sombrer dans un oubli technologique.

Effectivement, en demandant à René si les technologies

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À la manière des littératures numériques et des arts littéraires qui semblent être coupés de l’institution et des circuits fermés traditionnels, les affiches de cinéma natives du numérique, domaine de spécialité d’Ermance, forment un écosystème qui n’interagit pas systématiquement avec le milieu de l’archivistique : « La question du numérique natif pour l’affiche se pose actuellement dans les cinémathèques et les centres d’archives. C’est assez récent, puisqu’à l’origine les affiches étaient sur support papier. Les différentes instances d'archives récupéraient régulièrement les documents postproduction : elles étaient en contact avec des salles ou les différents imprimeurs.

Aujourd’hui, on a beaucoup d’affiches numériques qui sont non seulement créées sur l’ordinateur par des graphistes, mais qui vont en plus être projetées sur des écrans, et non pas imprimées. On se retrouve face à un autre souci qui est de savoir comment on fait pour les récupérer, mais aussi comment on les conserve. C’est en train d’être fait par certaines institutions, la cinémathèque de Belgique, par exemple, la cinémathèque suisse également, institutions qui vont collecter les documents numériques et les rendre disponibles sur certaines plateformes de distribution à destination de la presse. Ce sera 100%

numérique grâce à des bases de données. Les maquettes, elles, sont rarement conservées, qu’elles soient numériques ou papier. C’est assez rare qu’on en ait, tout simplement parce qu’on ne le conserve pas et que les archivistes sont rarement en contact avec les créateurs des affiches, les publicistes. »

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permettant de lire les contenus et les œuvres sont automatiquement conservées, ce dernier me répond à la négative : « Absolument pas : les logiciels évoluent. Il y a parfois de petites prises en charge de rétro-compatibilité (d’une version d’un traitement de texte à une autre, par exemple), mais c’est minime. Dans l’absolu, on préfère une méthode de conception qui sépare les données de leur engin de rendu (structure de site web, logiciel d’affichage), mais pour des œuvres numériques, c’est souvent cette combinaison qui est au cœur de ce qui fait l’œuvre… D’où leur pérennité très problématique. » Les émulateurs, des applications logicielles, permettent quant à eux de reproduire et de recréer ces conditions d’existence et d’expérimentation des œuvres en interprétant le code original – on peut le voir avec le cas d’Adobe Flash Player sur ordinateur, ou avec les émulateurs de consoles de jeux vidéo qui offrent aux joueur.euses un saut dans le passé, par exemple (douce nostalgie, quand tu nous tiens!) – conditions qui, malgré tout, demeurent à tout le moins encore imparfaites : « sinon l’œuvre est perdue, ou considérablement amputée de son rendu initial », ajoute René. À défaut de pouvoir conserver les œuvres, certain. es ont, par le passé, proposé des captations (dans le cas de performance) ou des navigations (dans le cas de sites web ou d’œuvres et contenus numériques) filmées. Cellesci cherchent à en donner un aperçu, notamment en ce qui a trait au graphisme et à la facture visuelle, aux interactions et actions possibles, etc., et ce, dans le but de se rapprocher le plus possible de l’expérience des spectateur.rices ou des utilisateur.rices, expérience qui reste malheureusement limitée par rapport à la complexité de la performance, de l’œuvre ou du site.

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Comme si ce n’était pas déjà assez compliqué, un facteur supplémentaire complexifie encore plus les pratiques de conservation, en plus de mettre au jour des enjeux d’identité et d’authenticité des œuvres : qu’elles soient de nature

allographe ou autographe. Les premières correspondent à des œuvres qui ont la même valeur au fil des copies, comme c’est le cas pour le livre, m’explique René : « Les œuvres littéraires sont allographes : on peut les reproduire sans perte et elles ne dépendent pas, dans leur format livresque, d’une seule incarnation (comme la toile de La Joconde). Les œuvres numériques peuvent parfois circuler (format ePub, par exemple), mais plusieurs sont limitées à un seul « exemplaire », à savoir la combinaison de logiciels et de données qui permet de l’activer. Alors elle devient autographe - d'où sa fragilité et le fort risque de sa disparition. » Ermance m’explique que du côté du cinéma et des films, plus souvent qu’autrement, on fait dans le multiple, permettant à plusieurs copies d’une même œuvre ou d’un même document de circuler, mis à part « dans des cas particuliers comme le cinéma amateur ou les films de famille. Dans le cas des affiches, néanmoins, on va rarement les dupliquer, puisqu’on a déjà de la difficulté à les conserver tellement elles sont nombreuses. On ne se pose pas vraiment la question de la duplication, comme il y a déjà assez de matériel. » Les nombreuses copies d’un même film n’affectent pas l’intégrité de l’œuvre. Les œuvres autographes, quant à elles, et nous l’avons brièvement abordé plus tôt, font référence à une œuvre qui n’existe que dans un seul exemplaire, une seule version : pas de copies multiples, pas de duplication. D’autres œuvres peuvent à la fois être allographes et autographes, puisque l’un n’exclut pas l’autre. On pense, par exemple, aux performances et aux arts vivants : la partition ou le texte demeurent les mêmes, mais la performance, elle, se module de représentation en représentation et risque de changer lors de réappropriations futures. Pareil pour les transferts d’un contenu ou d’un certain texte vers un nouveau support ou vers une technologie plus récente : ce sont toutes des modalités qui permettent au texte, par exemple, d’exister, et qui ont une incidence sur notre façon de le lire et d’interagir avec lui, de se l’approprier. Ces

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éléments agissent sur l’acte de lecture, dans le cas du texte, et l'intérêt que génèrent les versions originales, de sorte et en influencent son expérience et sa réception. Toujours, que les spécificités du support premier puissent s'affirmer la question se pose : quelles parties de l’œuvre conserver, et rendre compte d'une expérience dite authentique de et comment ? Il faut faire des choix, et ces choix – conserver l'œuvre. le code et non seulement le contenu, conserver les technologies d’origine, changer la forme et le support de « Évidemment, il y a eu plusieurs approches de la l’œuvre, la faire migrer vers une nouvelle technologie – ont restauration au fil du temps, plusieurs courants. Mais oui, tous le potentiel de changer à la fois l’expérience de l’œuvre on a reconstitué des films, surtout lorsqu’il y a plusieurs et l’œuvre elle-même, voire carrément de la dénaturer. copies, parfois différentes les unes des autres, en circulation. On peut en effet aller chercher les différentes En ce sens, toujours selon Ermance, le nombre de copies copies restantes et les confronter pour reconstituer le film, des films ne les place pas à l’abri des soucis d’authenticité parfois seulement sur la base d’écrits, ce qui donne lieu à et d’identité de l’œuvre, puisque certaines de ces copies des débats, mais aussi à des recherches plus poussées. peuvent, au contraire, représenter différentes versions de On l’a vu récemment avec le cas du Napoléon de Gance, l’oeuvre (et non pas un simple « multiple »), ne pas être qui avait déjà été restauré et reconstitué auparavant, identiques, faire l’objet d’augmentation ou de révision, d’ailleurs. Néanmoins, la cinémathèque française en fait contenir des ajouts, être réactualisées, etc. Dans ces cas, une nouvelle restauration. Cela a été un travail de plusieurs tout comme pour les œuvres littéraires autographes, il y a années, et on l’a totalement remanié en fonction des écrits un risque quant à l’intégrité de l'œuvre : « La question de la de Gance : ils sont allés dans les archives, ont confronté dénaturation de l’œuvre est en effet un gros sujet ! Au final, les différents scénarios et écrits. Ils sont allés chercher des les œuvres restent aussi liées à une distribution. Il y a des spécialistes de ce cinéaste, des spécialistes du support producteurs qui ont toujours intérêt à ce que l’œuvre soit film pour, par exemple, analyser de quelle date vient le film vue. Prenons le cas d’un usage trop important de la pellicule. en lui-même, à quelle date il a été produit pour comprendre Cela a été un problème dans certaines cinémathèques, quelle version de quelle partie un morceau provient quand puisqu’il s’agit d’abord de montrer le film, certes, mais en le il y a eu des remontages, etc. C’est à la fois un travail de montrant trop on l'abîme et on perd des éléments. À noter cohérence narrative et de recherches techniques. Au final, qu’il y a une différence à la projection : cela se voit à l’œil, ils ont repris toutes les versions existantes, comme il y en que ce n’est pas une projection sur pellicule. Cela nous avait plusieurs de durées différentes, pour essayer de créer amène à nous questionner quant à ce qu’est réellement le une version plus universelle, si on veut. Cela soulève des cinéma et la projection. Est-ce que c’est la même chose ? questions et des débats, mais ça demeure un cas La réponse est plutôt non, mais est-ce que ça vaut le intéressant. coup ? Il y a déjà des cinémathèques qui ne projettent quasiment plus de pellicule afin de les conserver, alors que Il faut noter qu’aujourd’hui, dans les cinémathèques, il y a d’autres en font leur cheval de bataille. Il y a, d’un côté, toute toute une éthique de la restauration. On ne peut plus faire une part de l’archiviste qui a envie que l’œuvre survive et, ce que l’on veut avec les films, comme ça a pu être le cas de l’autre, il y a l’aspect commercial de l’objet qui demeure. à une certaine période. Il y a aussi la FIAF, la Fédération Il faut un peu conjuguer ces pôles. » S'ajoutent à cela l'attrait internationale des archives du film, qui s’est chargée d’y

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mettre de l’ordre et de favoriser des rencontres entre les différents acteurs du milieu du film pour s’entendre sur des pratiques en insistant, par exemple, sur la conservation préventive. Ce n’est cependant pas forcément le cas des studios et de certains producteurs qui possèdent des documents, notamment aux États-Unis, et qui, eux, en font ce qu’ils veulent. On peut penser à Disney, qui n’hésite pas à être plutôt révisionniste quant à certaines de ses œuvres.

On peut penser à des cas de changements de couleur. Par exemple, Bambi a été restauré et on a revisité les couleurs pour en faire un film plus vif et enfantin. Pareil pour Cendrillon : si on regarde les anciennes versions en circulation, on voit très bien qu’on a retravaillé les traits, que sa robe était plus blanche et qu’aujourd’hui elle est plus bleue, etc. Il y a des interventions, et, malheureusement, directement sur des copies anciennes, dans certains cas.

On ne peut pas y faire grand-chose, puisque c’est le propriétaire de l’œuvre qui décide. Ça pose des questions d’identité de l’œuvre : quelle était l’intention des créateurs à l’origine ? Et qu’est-ce que ces modifications vont faire perdre aux spectateurs ? Dans le cas de Bambi, par exemple, quand on s’intéresse un peu à l’histoire du dessin animé, de sa création et de son auteur, on réalise qu’en fait, c’était un conte sombre, avec une portée assez tragique que pouvaient potentiellement illustrer ces couleurs un peu ternes. Il y a eu des témoignages dans la presse concernant la version d’origine et le rendu de l’image. Le fait qu’aujourd’hui Disney ait souhaité rehausser les couleurs et leur donner plus de vigueur nous amène à nous questionner. Est-ce que c’était l’intention de l’auteur, et si oui, pourquoi ne pas avoir fait ces choix à l’origine ?

Ces modifications ne serviraient-elles pas plutôt une politique actuelle du studio qui est de faire des films plus légers et tournés vers la jeunesse ? C’est là où il y a un problème. Qu’advient-il de l’œuvre originale ? Que laisset-on pour le futur et que risque-t-on de perdre par

l’intermédiaire, par exemple, de ces politiques d’un temps donné ? Bon, après, c’est certain que cela a un impact sur le public, parce que cela a une incidence sur la réception de l’œuvre. Mais est-ce que le public remarquera nécessairement ces changements et va s’en émouvoir ?

Pas forcément. Ce sont toutes des questions qu’on se pose en tant qu’archivistes et conservateurs du cinéma, car on voit plus loin. C’est un travail sur le long terme, de s’inquiéter de la durée de résistance de l’œuvre.

Le numérique offre des possibilités de restauration autres et nouvelles, qui n’existaient pas. Cela multiplie l’existence de versions pour arriver, au final, à ce que l’on considère être la meilleure, et ça soulève d’autres questions et enjeux plus théoriques.

Pour les affiches, c’est plutôt différent, comme on travaille avec du papier. Aujourd’hui, on s’en tient surtout à des restaurations plus minimes pour que le document survive dans le temps. On va rarement combler des manques par des restaurations plus invasives. Combler un dessin, ça arrive rarement. Il sera plutôt question de combler de la matière pour que l’affiche résiste et tienne la route. » Quelles avenues, quelles solutions ?

Qu’il soit question de la littérature, des arts littéraires et des œuvres numériques plus spécifiquement ou de cinéma, la meilleure avenue à envisager en regard des diverses problématiques rencontrées sur le plan de l’archivage, de la conservation et de la pérennité des œuvres en contexte numérique (mais pas que) serait celle du catalogage et de la mise en place de répertoires. Ermance me confie que « le fait qu’on travaille sur support numérique implique qu’on peut également utiliser cet outil pour cataloguer plus efficacement. La plupart des archives sont en train de développer des catalogues collectifs croisant les différents

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matériaux, supports et types d’objets qui sont conservés.

Le numérique permet de créer des catalogues plus complexes par arborescence, entre autres, qui peuvent permettre de faire évoluer le catalogue. Ce sont d’énormes changements dans la pratique de l’archivistique. » Néanmoins, il ne s’agit pas là d’une solution absolue, soulevant d’autres questionnements pour lesquels nous n’avons pas encore de réponses et qui se posaient déjà lorsque l’on travaillait toujours avec des supports dits « physiques » : « La question de l’espace d’entreposage n’est d’ailleurs pas du tout réglée par le fait que ce soit un support numérique, considéré comme immatériel. En réalité, il faut tout de même supporter ce poids avec des serveurs. Le fait que les films aujourd’hui soient principalement sur support numérique ne change pas ce problème de l’archiviste par rapport à la place et le poids des fichiers et qu’il rencontrait déjà avec le support film, donc analogique. » Selon Ermance, cette question de la place pourrait représenter un des plus grands défis rencontrés par le cinéma, mais plus encore dans le secteur des affiches et du monde de l’archivistique : « Par rapport aux affiches plus particulièrement, c’est justement une question d’espace et de place. Les centres d’archives sont confrontés au fait qu’ils conservent des choses énormes en quantité énorme, avec des locaux relativement restreints. On est obligé de sélectionner, de jeter, de refuser parfois des dons ou des legs. On n’a pas le temps de traiter toutes ces choses. Cela donne des collections abandonnées dans certains cas, car on fait ce qu’on peut, mais le volume est trop grand. Ce manque de moyens est véritablement le nerf de la guerre. Cela touche tous ces documents qui sont moins rares ou moins valorisés que certains grands films et qui vont rester dans un coin, qui vont avoir du mal à être mis en valeur correctement. Pour moi, l’enjeu majeur c’est celui des moyens pour mener à bien ces missions.

Néanmoins, on est face à l’inconnu par rapport à ce qui va réellement perdurer. Les archivistes du cinéma y sont confrontés, c’est une angoisse qui existe. Ce n’est pas encore réglé et cela ne peut pas non plus se régler comme ça, aussi rapidement. C’est inquiétant, surtout quand on travaille à la conservation de documents qui évoluent sur de longues durées. C’est difficile de travailler à échelle humaine sur des projets qui vont nous dépasser, et qui évoluent plus rapidement que nous. » Dans le milieu littéraire – on se rappelle, dans ce contexte, toujours en marge de l’institution – le numérique représente de nouvelles possibilités quant aux méthodes de sélection et de conservation des œuvres hors du livre, puisque les nouvelles pratiques et les usages que ces oeuvres soustendent impliquent de développer de nouveaux catalogues, mais aussi carrément de nouvelles taxinomies, c’est-à-dire de nouvelles nomenclatures et de nouveaux classements : « La transition d’une culture du livre à une culture de l’écran nous expose à un changement de paradigme quant à la manière de produire et d’assurer la transmission de la culture et de ses manifestations littéraires et artistiques » (Gervais, 2017). Même chose du côté des arts littéraires, avec la mise en place du Vocabulaire des arts littéraires, thésaurus réalisé par Littérature québécoise mobile – pôle Québec. On doit construire ces méthodologies à même ces littératures émergentes et sans cesse renouvelées, penser autrement le catalogage et le répertoire, ce que propose le Laboratoire NT2, Laboratoire de recherches sur les œuvres hypermédiatiques de l’Université du Québec à Montréal. C’est un énorme travail de saisie, un travail de pionnier.ères, dont on a de la difficulté à saisir l’ampleur, à quel point c’est un vaste chantier, travail qui s’avère fondamental en ceci qu’il propose une caractérisation des œuvres qui leur est propre. Actif depuis 2005, le répertoire du Laboratoire NT2 compte environ 4000 œuvres

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répertoriées se situant entre arts et littératures, transcendant les espaces géographiques et se concentrant sur les pratiques dites professionnelles. « Notre hypothèse, au Laboratoire NT2, est que les œuvres hypermédiatiques, si elles participent actuellement d’une avant-garde, représentent aussi un devenir des lettres et de l’art. On trouve présents dans ces premières manifestations d’une culture de l’écran les principes qui seront le seuil des pratiques littéraires et artistiques de demain. Dans un tel contexte, il devient impératif de témoigner de ces premières manifestations, d’élaborer un vocabulaire spécialisé pour en rendre compte, et d’offrir une perspective critique adaptée » (Gervais, 2017). Dans son article « Arts et littératures hypermédiatiques : éléments pour une valorisation de la culture de l’écran », Bertrand Gervais pointe du doigt et détaille trois enjeux du répertoire et de son échafaudage, son élaboration. D’abord, la pluridisciplinarité, comme l’équipe travaille avec des œuvres au point de contact de diverses pratiques culturelles. Elle est nécessaire « pour rendre compte de ces œuvres composites. Rapidement, il est devenu évident qu’une telle approche était essentielle. Il fallait non

seulement des chercheurs en études littéraires, mais aussi des sémiologues, des historiens de l’art, des ludologues et des spécialistes d’études cinématographiques. Des représentants de disciplines variées ont été intégrés au projet, l’objectif étant de maîtriser les rapports complexes qui se tissent entre le texte et l’image, l’usage de la photographie et de la vidéo, de même que l’omniprésence de l’interactivité. Les œuvres hypermédiatiques se développent au croisement des disciplines; or, comme un champ d’études spécifique à ce corpus n’existe pas encore, des équipes pluridisciplinaires sont requises pour rendre compte de leurs modalités d’émergence avec les tensions que de telles réunions peuvent provoquer » (Gervais, 2017). On trouve, ensuite, l’enjeu de développement de stratégies de repérage et d’identifications des œuvres : « En raison de leur relative nouveauté, les arts hypermédiatiques n’ont pas encore connu de processus d’institutionnalisation fort, et il n’existe pas de bases de données importantes sur le sujet. […] En l’absence d’institutions dûment établies et à large spectre d’activités, il a fallu développer des techniques de veille pour repérer les œuvres et découvrir des réseaux locaux de promotion

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et de publication » (Gervais, 2017). Un dernier enjeu concerne plutôt le développement de protocoles de description, afin de répondre au besoin d’un vocabulaire partagé : « Les protocoles traditionnels pour l’identification des œuvres littéraires, par exemple, se sont montrés totalement inefficaces. Le modèle bibliographique qui fait rechercher l'auteur ou l'organisation, voire même l'éditeur à la base des projets, le lieu de l'édition, l'année de lancement du site Web, s'est avéré rapidement sans intérêt. De plus, un tel modèle nous forçait à laisser de côté de nombreux éléments importants pour la recension, et ne permettait pas de donner des œuvres une description adéquate. Le protocole retenu a cherché à décrire chaque œuvre en fonction de la nature du site, de son format, de son contenu, de ses formes d'interactivité et, lorsque c’était possible, des technologies utilisées. Nous avons élaboré nos propres formats de fiches bibliographiques » (Gervais, 2017).

Par ce qu’il construit et déploie, le Laboratoire NT2 représente autant de façons de cibler un nouvel espace culturel, rappelant, en ce sens, toute une mission de mise

en valeur des œuvres et des contenus au-delà des considérations techniques de l’archivage et de la conservation. Qu’est-ce que ça signifie, pour une œuvre, de passer par ces processus ? Ermance n’a, en ce sens, pas du tout tort lorsqu’elle affirme : « On pourrait dire que le fait même de conserver correctement des œuvres constitue une forme de valorisation, car elles continuent d’exister et d’être visibles. Le fait de rendre visible, justement, c’est-à-dire de les rendre disponibles à la consultation, de les exposer, de les numériser et de les mettre à disposition en ligne, ça passe aussi par le catalogage. On les rend identifiables. » Il faut concevoir l’archivage comme vitrine pour les œuvres et les contenus.

On veut les attraper, les identifier et les décrire, certes, mais aussi et surtout les offrir à une communauté. Vouloir parler d’une production culturelle, c’est la faire advenir, faire en sorte qu’elle existe.

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2. Pratiques militantes et agentives de l’archivistique: le cas d’Archives Révolutionnaires

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Des initiatives qui rendent visibles et accessibles les archives tout en développant des réflexions critiques permettant de resserrer notre regard sur les contenus, de mieux les cerner et de créer un pont entre la théorie et la pratique ? Parlons-en. Parce que, contrairement aux perceptions habituelles – et nous l’avons compris au fil de l’article – les archives ne sont pas des objets morts, passifs et destinés à être tablettés, condamnés aux recoins sombres de vieux bâtiments en béton gris plates, à l’oubli.

Pour réitérer et décortiquer cette idée des archives comme pratique active et agentive, concrète, en mouvement et en constante réactualisation, Alexis Lafleur-Paiement, chargé de cours et doctorant à l’Université de Montréal en philosophie politique, membre fondateur et animateur du collectif Archives Révolutionnaires depuis 2017, a accepté de s’entretenir avec moi.

passées afin d’informer les luttes actuelles. Pour des raisons de temps, de configurations spatiales et de réalités des réseaux militants, nous nous concentrons sur l’histoire des luttes ayant eu lieu sur les territoires du Québec et de l’Amérique du Nord, avec une sensibilité pour leur interconnexion mondiale. Nous collectons tous les documents et les témoignages portant sur les luttes révolutionnaires, de gauche, populaires et sociales depuis la Révolution industrielle. Sinon, notre travail s’adresse à tous les groupes révolutionnaires et de gauche contemporains, et plus largement à toutes les personnes ayant des sensibilités de gauche.

Impact Campus : Quelle est la mission d’Archives Révolutionnaires et quel est son champ d’action ?

A. L.-P. : Le travail d’Archives Révolutionnaires se déploie selon trois axes principaux (archivistique, historique et militant). D’abord, nous collectons et préservons toutes les archives, documents et témoignages en lien avec les luttes révolutionnaires et de gauche. Ensuite, nous menons des

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Alexis Lafleur-Paiement : La mission du collectif Archives Révolutionnaires est de préserver la mémoire des luttes

I.C. : Quels sont les différents volets et projets d’Archives Révolutionnaires et comment se déclinentils ?

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recherches historiques à partir de nos fonds documentaires, avec comme résultat la publication d’articles sur notre site web (https://archivesrevolutionnaires.com/), l’impression de brochures et la présentation d’expositions. Finalement, nous collaborons directement avec les groupes militants pour les aider dans leurs réflexions théoriques et leurs pratiques. Nous faisons de la recherche et des ateliersdiscussions à la demande de certains groupes, et nous militons nous-mêmes afin de servir de passeurs entre l’histoire et l’avenir.

la manière de les mettre en valeur, nous y allons en fonction de l’intérêt des documents pour fournir des clés de compréhension des réalités actuelles. Nous choisissons les documents à valoriser en fonction de leur qualité historique, théorique ou pratique en regard des enjeux contemporains que nous rencontrons. Notre travail archivistique et historique se veut le plus rigoureux possible d’un point de vue méthodologique, mais nous pensons que les récits qu’il faut mettre de l’avant à tel ou tel moment dépendent de la conjoncture.

I.C. : Comment faites-vous pour sélectionner les documents et les contenus à préserver ? Comment la curation se déroule-t-elle ?

I.C. : En quoi les archives peuvent-elles être utilisées à des fins militantes, mais surtout actives et agentives?

Et de quelles manières permettent-elles à la fois de construire les luttes actuelles et futures ? Permettentelles, à la limite, de se réapproprier et de réactualiser les luttes passées et (re)prises en charge par Archives Révolutionnaires ?

A. L.-P. : Notre projet a pour vocation de préserver l’ensemble des documents et témoignages en lien avec les luttes révolutionnaires, de gauche, populaires et sociales ayant eu lieu au Québec de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Nous collectons tous les documents qui entrent dans ce champ et bien d’autres qui leur sont liés.

Toutes ces archives sont classées et préservées. Quant à

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A. L.-P. : Le travail que nous faisons permet de redonner vie aux documents, témoignages et luttes du passé. Pour rendre cela possible, il faut préserver ces documents, mais

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dès lors, une réappropriation commence. Le contact avec les archives militantes, même pour les classer, implique de les consulter, de les lire, ce qui nous nourrit immédiatement. Puis, lorsque nous entamons le travail historique, nous plongeons dans des expériences et des savoirs globalement marginalisés ou obscurcis, car la plupart des luttes révolutionnaires n’ont pas triomphé. Le contact avec les documents et les histoires militantes permet de reconfigurer notre compréhension du passé, avec ses bons et ses mauvais aspects, tout en transformant notre vision du présent et de la politique, et même en changeant nos rêves d’avenir. Le passé transforme notre manière de voir, d’appréhender, de penser et, à terme, d’agir.

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Le présentisme qui domine notre époque empêche le recul nécessaire pour réfléchir à notre situation et aux actions qu’elle implique. Se plonger dans les archives et le passé, au contraire, impose ce temps d’arrêt, ce pas de côté, essentiel à la compréhension. Les personnes qui prennent le temps d’un tel travail développent une profondeur de vue utile à l’ensemble des mouvements militants. En

transmettant ces histoires, nous transmettons une richesse épistémologique, stratégique et pratique qui modifie à la fois notre manière de voir les choses et nos pratiques concrètes.

I.C. : En ce sens, selon quelles perspectives politiques et idéologiques déployez-vous vos réflexions critiques ?

A. L.-P. : Notre approche est d’abord matérialiste : nous pensons que l’étude du passé est la meilleure manière de comprendre le présent. Dans le même sens, en nous informant sur une multitude de luttes et d’expériences concrètes, nous sommes en mesure de développer un champ stratégique plus riche afin de répondre aux enjeux contemporains. De manière générale, nous sommes donc rébarbatifs envers les institutions qui d’un côté invisibilisent les luttes révolutionnaires passées et qui, d’un autre côté, réservent leurs documents pour les experts, sans réelle accessibilité. Pour notre part, nous croyons que le passé est un outil pour apprendre, comprendre et agir, et que cet outil doit être largement démocratisé. Contrairement à ce

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qu’on veut généralement nous faire croire, il n’y a aucune exclusion nécessaire entre rigueur et démocratisation.

Enfin, notre but avec ce projet est bien de participer, à notre manière, à la lutte contre le système capitaliste et pour l’instauration d’une société égalitaire.

Références Gervais, B. (2017). Arts et littératures hypermédiatiques : éléments pour une valorisation de la culture de l’écran.

Digital Studies/le Champ Numérique, 1(2). https://www. digitalstudies.org/article/id/7310/

I.C. : Pour terminer, qu’est-ce que ça implique de s’engager auprès d’Archives Révolutionnaires ?

Nommer les arts littéraires. (s. d.). Laboratoire Ex situ. https://ex-situ.info/projets/nommer-les-arts-litteraires/

A. L.-P. : Les implications auprès du collectif sont nombreuses, mais nécessitent généralement de la rigueur, de la patience, un intérêt pour l’histoire et une perspective engagée. D’abord, il y a toujours du travail d’archivage et de préservation. Ensuite, il y a un nécessaire travail de lecture et, idéalement, de rédaction, afin justement de diffuser la connaissance que nous (re)trouvons dans les archives et dans les autres documents. Enfin, il y a un travail militant, qui implique d’aller à la rencontre des groupes actuels, notamment en dehors de Montréal. Ces différents aspects découlent de notre mission qui vise à documenter le passé révolutionnaire pour offrir des outils sérieux aux militant·e·s contemporain·e·s.

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Détresse désertique Par Mathilde Chetaille, journaliste collaboratrice

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Je sens tout doucement ma tête s’évaporer, Mon inspiration commence à s’égarer.

Tout mon être se met à divaguer, Mes yeux se ferment sous les reflets d’ocre.

Les paysages montagneux défilent, crêtes, sommets, pics élevés, Se faufilent les échos de ma pensée.

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Une ligne entre ciel et terre.

Surplombant chacun de mes inconforts, Un désert sans repère, Traçant une ligne entre l’espace et mon corps.

Rien.

Ma solitude m’enchaine, Je suis seule face à cette vaste plaine.

Photos par Mathilde Chetaille

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Le vide.

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Une ligne entre ciel et terre.

Surplombant chacun de mes inconforts, Un désert sans repère, Traçant une ligne entre l’espace et mon corps.

“Le plus difficile, dans le désert, c'est de trouver la sortie.”

Où se situe cette évacuation, Par où m’évader de cette illusion?

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Un vent d’espoir subalterne, Je ne suis plus seule face à cet univers terne.

Mais lorsque tu me regardes dans les yeux, Ma solitude me quitte peu à peu,

Photos par Mathilde Chetaille

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Tu absorbes le vaste silence du désert.

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Le musée des jours fanés Par Raphaëlle Martineau, journaliste collaboratrice

« Sometimes I’m scared that I’ll only ever feel everything once and I can never feel the same thing cause I change too much » - Searows , I have more than enough Ta petite main dans la mienne alors qu’on marche vers l’épicerie à 20h30, tu portes un des manteaux à mon père, parce qu’en parents indignes que nous sommes, on a oublié de vous apporter des vestes plus chaudes à toi et ton frère. Être couchés-collés toi et moi après avoir fait l’amour. On déteste avoir chaud mais notre besoin de tendresse à deux est plus criant que la moiteur de nos peaux.

La dernière journée que nous avons passée ensemble. Tu me dis comment tu es tannée de cette vie, que tu veux partir.

J’ai pleuré, tellement. Tu m’as écrit ce que je t’avais demandé en me glissant que tu avais hâte de voir ce nouveau tattoo même si ça découragerait mes parents. Ta main dans la mienne, tu m’as dit à quel point tu m’aimais et que tu étais fière de moi. Ta dernière petite-fille. Ton béluga.

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Un brunch trop court entre deux vies qui vont trop vite et une distance physique trop grande entre nous, mais pas assez pour que notre amitié s’effrite.

Vous trois qui vous battez à grands coups d’oreiller alors que votre heure de dodo est depuis longtemps passée mais on s’en fou votre père et moi, parce que le moment est trop chargé de douceur et d’amour pour l’arrêter.

La liste est longue, vingt-cinq années de longueur pour être plus précise. J’essaie de comprendre pourquoi j’ai autant envie d’encapsuler des moments, des odeurs, des émotions et les extraire de moi-même. En faire une exposition de souvenirs. Pouvoir ressasser mon passé sans avoir toujours la charge mentale et émotive que ça m’apporte. Créer un musée de ma vie, avec des salles d’expositions différentes pour chaque type de moment. Je sais déjà que je passerais mes journées dans certaines et d’autres que j’effleurerais du regard, de loin, encore craintive que même hors de moi, ces souvenirs me replongent dans une noirceur sans fond ni fin.

Je ne sais pas si cela fait de moi une éternelle nostalgique ou une endeuillée de ma propre vie, mais me semble que de regarder des souvenirs comme si on regardait des peintures m’apparaît beaucoup plus inoffensif que de les revivre dans ma tête. Autant les beaux que les plus amochés.

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Parce que se repasser les beaux moments ça vient les ternir, ça effrite la pellicule de mémoire et me donne envie parfois d’y retourner mais c’est scientifiquement et physiquement impossible à notre époque, je croise secrètement les doigts qu’un jour on y arrive.

Je vais peut-être juste blâmer l’automne finalement. Parce que de voir toute cette vie finir au sol, brune, mi-mouillée, mi-décomposée, ça me ramène toujours beaucoup trop à l’intérieur de moi.

C’est pas pour rien que je préfère l’hiver. Suspendre et tout figer le temps de quelques mois. Faire de ma tête une nature morte de décembre à avril. Je recommencerai à me casser la tête quand le dégel arrivera.

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Valorisation d’une expérience d’engagement social

Grâce à l’apprentissage par l’expérience, faites créditer votre implication hors campus dans votre parcours universitaire.