Le Mag | Kitsch | Février 2023

Page 1

LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT.ES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL · GRATUIT · FÉVRIER 2023 · Volume 9 - Nº1
Couverture réalisée par Jade Talbot

NOUS SOMMES

Rédactrice en chef

Emmy Lapointe (elle) redaction@impactcampus.ca

Cheffe de pupitre actualités

Jade Talbot (elle) actualites@impactcampus.ca

Cheffe de pupitre aux arts

Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle) arts@impactcampus.ca

Chef de pupitre société

Ludovic Dufour (il) societe@impactcampus.ca

Journaliste multimédia

William Pépin (il) multimedias1@impactcampus.ca

Journaliste multimédia

Sabrina Boulanger (elle) photos@impactcampus.ca

Directrice de production

Paula Casillas (elle) production@impactcampus.ca

Directeur général

Gabriel Tremblay dg@comeul.ca

Représentant publicitaire

Kim Létourneau publicite@chyz.ca

Journalistes collaborateur.rice.s

Julianne Campeau, Raphaëlle Martineau, Marie Tremblay

Conseil d’administration

François Pouliot, Émilie Rioux, Daniel Fradette, Ludovic Dufour, Antoine Chrétien, Sara Lucia Pena, Félix Etienne, Alex Baillargeon et Kevin Michaud

Réviseures linguistiques

Maxence Desmeules et Érika Hagen-Veilleux

Impression

Publications Lysar inc.

Tirage : 2000 exemplaires

Dépôt légal : BAnQ et BAC

Impact Campus ne se tient pas responsable de la page CADEUL et de la page ÆLIÉS dont le contenu relève entièrement de la CADEUL et de l’ÆLIÉS. La publicité contenue dans Impact Campus est régie par le code d’éthique publicitaire du journal, qui est disponible pour consultation au : impactcampus. qc.ca/code-dethique-publicitaire

Impact Campus est publié par une corporation sans but lucratif constituée sous la dénomination sociale Corporation des Médias Étudiants de l’Université Laval.

1244, pavillon Maurice-Pollack, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6

Téléphone : 418 656-5079

ISSN : 0820-5116

Découvrez nos réseaux sociaux !

@impactcampus

LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT.ES DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

COLLABORATEUR.RICES RECHERCHÉ.ES

à redaction@impactcampus.ca
Écris-nous
!

6 ACTUALITÉS

6 Le campus : en bref par Jade Talbot

12 ÉDITORIAL

12 Édito par Emmy Lapointe

14 DOSSIER

14 Quand kitsch rime avec révolution par Raphaëlle Martineau

16 Plastification kitsch hyper stylée par Sabrina Boulanger

28

26 Le kitsch dans notre quotidien : réflexions issues d’un exercice d’écriture par Julianne Campeau

SOCIÉTÉ ET SCIENCES

28 La politique et la jeunesse du Québec par Ludovic Dufour

36 Nécessité ou envie déguisée ? par Marie Tremblay

SOMMAIRE

38

LUDIQUE

38 Un nanar ludique, est-ce possible ? par Ludovic Dufour

42 L’ultime test d’Impact Campus :Quel arrondissement de la ville de Québec es-tu? (Stéréotypes garantis) par Frédérik Dompierre-Beaulieu

44 Dessin à colorier par Jade Talbot

46 L’horoscope 2023 d’Impact Campus par Frédérik Dompierre-Beaulieu et Emmy Lapointe

50

ARTS - LITTÉRATURE

50 CHYZ 94.3 par l'équipe de Chyz

52 Sorties littéraires par Frédérik Dompierre-Beaulieu

54 Janette : un pied dans la norme, un pieddans la marge par Frédérik Dompierre-Beaulieu et Emmy Lapointe

66 Survol d’un cinéma désastreux : le cas du nanar par William Pépin

Le campus : en bref

La session d’automne 2022 aura sans aucun doute été une session drapée de conquêtes en Rouge et Or. Si certaines équipes ne font que commencer leur quête, d’autres ont brillamment atteint la victoire tant espérée. Il ne s’agit pas non plus que de championnats; certaines victoires ont permis de vaincre de vieux.illes rivaux.ales alors que d’autres ont permis de briser des records. Voici un retour sur les performances de nos équipes du Rouge et Or, un classement des moments marquants de la saison et des nouvelles de notre campus cet hiver.

6 Février 2023 — Volume 09 Nº1
Par Jade Talbot, cheffe de pupitre actualité
ACTUALITÉS

Chapeau et révérence

Ces équipes ont terminé leur saison, il est temps pour elles de se reposer jusqu’à la prochaine, à l’automne 2023. Tout d’abord, l’équipe de cross-country nous a fait vivre de fortes émotions alors qu’elle a dominé tout au long de la saison et que l’équipe féminine a été couronnée championne nationale pour une deuxième année consécutive. L’équipe masculine s’est classée deuxième au championnat national après avoir obtenu le titre de champion du RSEQ pour une onzième saison de suite. Au rugby, l’équipe féminine a tout simplement écrasé ses adversaires en marquant 382 points et en n’accordant que 22 pour l’ensemble de la saison. Elle a fini sa saison du RSEQ championne et avec une fiche de 6 victoires et aucune défaite pour ensuite conquérir le championnat national qui avait lieu à Victoria. L’équipe de cross-country n’est pas la seule à avoir effectué un doublé au championnat provincial, les golfeur.euses de l’Université Laval ont également conquis le circuit. Chez les hommes, il s’agissait d'une 20e bannière consécutive, un record tous sports confondus pour une équipe masculine.

S’ajoutant à la longue liste des équipes ayant reçu les plus grands honneurs québécois cette saison, l’équipe de football du Rouge et Or a fini avec brio sa saison avec une fiche de 7 victoires et 1 défaite. Après avoir défait les Carabins en finale du RSEQ, le Rouge et Or football poursuit sa lancée pour finalement remporter la Coupe Vanier contre les Huskies de la Saskatchewan. La saison de soccer extérieur a également pris fin cet automne, où l’équipe masculine s’est inclinée contre les Carabins dans une défaite crève-cœur en demi-finale du RSEQ. L’équipe féminine, malgré une défaite au championnat provincial, a pu participer au national. Malheureusement, elle n’a pas obtenu le résultat escompté et a terminé sa saison avec l’argent. Il s’agit de la sixième médaille de leur histoire.

Pour nos autres équipes, la conquête est toujours en cours. Nous pouvons penser entre autres au basketball, au volleyball ou encore au badminton. L’hiver, en plus des flocons, fait place à des disciplines comme le ski de fond ou le ski alpin. D’ailleurs, le club de ski de fond s’est rendu au Maine à la mi-janvier afin de participer à leur première compétition sur le circuit EISA de la NCAA en trois ans.

7 Actualités Février 2023 — Volume 09 Nº1

Top 3 des moments marquants du Rouge et Or à l’automne 2022

1. La domination au rugby féminin

En première place du podium se trouve inévitablement la domination de l’équipe féminine de rugby. Le 3 septembre dernier la saison du Rouge et Or rugby commençait en force avec un blanchiment, 58-0, contre Montréal. Puis, quatre blanchiments plus tard, l’équipe allait affronter les Gee-Gees d’Ottawa, leurs plus grandes rivales. Terminant la rencontre avec une victoire, 32 à 22, le Rouge et Or venait de marquer l’histoire du RSEQ avec 382 points en saison régulière. Un peu plus tard, l’équipe vaincra de nouveau les Gee-Gees en finale du RSEQ, un troisième titre consécutif. Finalement, le 6 novembre, les Lavalloises mettront la main sur le titre national contre les Gaels de Queen’s, un deuxième en trois ans. La saison 2022 aura définitivement été marquée par les exploits de cette équipe mature et déterminée.

En deuxième place figure la victoire du Rouge et Or football à la Coupe Dunsmore. Et si l’équipe a connu une saison particulièrement réussie, avec en main rien de moins que le titre de champions nationaux, la victoire contre les Carabins de Montréal lors de la Dunsmore reste un moment

marquant de la saison. Après 11 titres de champions provinciaux de suite, la défaite contre Montréal lors de la finale de la Coupe Dunsmore en 2014 a bousculé la domination du Rouge et Or. Les éternels rivaux s'échangeront le titre pendant 6 ans, jusqu’à cette victoire à couper le souffle le 12 novembre dernier. Alors qu’il ne restait que quelques secondes à la partie, le tableau affichait 24 à 24. Laval venait de rater son placement de 48 verges, les Carabins, n’ayant pas réussi à sortir de la zone des buts, accordaient ainsi un simple au Rouge et Or et par le fait même la victoire devant une foule de 12 375 personnes en liesse.

3. Le cheerleading aux Championnats panaméricains Du 29 septembre au 2 octobre avaient lieu les Championnats panaméricains de cheerleading à Santiago, au Chili. L’équipe, sélectionnée parmi toutes celles au pays, s’y est rendue afin de représenter le Canada. Les performances de l’équipe ont d’ailleurs beaucoup impressionné et elle aura été la seule de leur catégorie au jour 2 à offrir une routine sans chute et déduction. Au terme de l’événement, le Canada s’est retrouvé au pied du podium, à seulement 10 points de la troisième place. Il s’agit d’une participation incroyable pour lancer la saison et nous leur souhaitons beaucoup de succès!

8 Actualités Février 2023 — Volume 09 Nº1
2. La Coupe Dunsmore

Campus nordique et recherches

Pour la troisième année de suite, l’Université Laval invite la population étudiante et celle de la ville à profiter des joies de l’hiver sur son campus. C’est le retour du campus nordique. Les installations, qui sont ouvertes depuis la mijanvier, comprennent des pistes de randonnées, de ski de fond, un anneau de glace, une piste de glissade ainsi qu’une zone d’accueil chaleureuse. Des patins de taille adulte, des raquettes ainsi que des skis de fond seront également disponibles en location. Il s’agit d’une occasion parfaite pour savourer l’hiver et de prendre une pause entre deux cours. D’ailleurs, cette année, le campus nordique servira de terrain d’étude pour deux recherches. Une machine qui mesurera les coefficients de friction des skis de fond sur la neige et l’autre mettra à l’épreuve un robot de 500 kilogrammes lors de conditions nordiques difficiles.

Finalement, l’Université Laval a contribué à 4 des 10 découvertes les plus importantes de l’année 2022 dans le palmarès de Québec Science. Ces découvertes comprennent un tube nerveux qui permet de faire repousser des nerfs sectionnés ; pourquoi la dépression affecte différemment les femmes et les hommes ; les habiletés langagières des tout-petits pourraient prédire leurs

habiletés d’écriture jusqu’à l’adolescence ; une meilleure connaissance des risques sismiques dans l’estuaire du Saint-Laurent.

9 Actualités Février 2023 — Volume 09 Nº1

Février qui dégouline

Nouvelles résolutions, anti-résolutions, résignations, résiliences et tout autre mot en ré, 2023 est parmi nous depuis deux tempêtes déjà. À vrai dire, au moment où j’écris ça, il n’y en a eu qu’une, mais j’imagine que si l’hiver se prend pour l’hiver un peu, il laissera bien d’autres traces d’ici la sortie du magazine. Des traces comme celles dans les présentoirs des magasins moyenne et grande surface où les calendriers de l’avent ont laissé la place aux cœurs fourrés, le rouge au rouge, le vert au rose et ça y est, tout dégouline de tous les bords, de tous les côtés, mais c’est connu : février, c’est le mois du trop.

Le mauvais goût

Trop de cartes de pharmacie, trop de cœurs à la cannelle, trop dépensé pour Noël, trop de noirceur dehors, trop de vent, trop d’épisodes écoutés, trop bu, trop de Publisacs qui célèbrent trop tout en même temps blackfridaynoelboxingdaystvalentin. Entre les pyjamas d’orignaux en rabais et le début de la troisième saison de Big Brothers célébrités, février est ce mois qu’on ne peut s’empêcher de manger même si à la longue, il finit par arracher la gueule (un peu comme les cœurs à la cannelle qui sont son emblème).

Comment se fait-il que même la bouche brûlante, on replonge la main dans le sac de cœurs à la cannelle ? Comment se fait-il que même si des fleurs sont déjà achetées, on écrit un acrostiche à la.les personne.s qu’on aime ? Comment se fait-il que même si des dizaines de nouveaux films sortent ce mois-ci, c’est vers Twilight que nous retournerons ? C’est qu’il faut parfois bien retourner vers ce que l’on connaît, retourner vers l’intérieur, vers le réconfort, prendre des chemins dûment tapés.

Kitsch

Kundera, auteur de toustes les étudiant.es du cégep et de l'université des années 90, nous dirait que tout ça, c’est une forme de mauvais goût caractérisée par une sentimentalité excessive, par une superficialité.

12 ÉDITORIAL
Février 2023 — Volume 09 Nº1
Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Kundera trouverait février kitsch. Et c’est vrai, ça l’est sûrement. Sauf que pour lui, le trop, le mauvais goût, la sentimentalité excessive, ce serait la preuve d’une culture véritable absente ou déformée, la preuve d’une idéologie globalisante qui nous empêcherait d’avoir une pensée critique et de comprendre la complexité de la réalité.

À ça, à Milan Kundera en général et à sa façon de représenter les femmes, je dis fuck you. Fuck les suranalyses, fuck le mépris, et je dis vive la sentimentalité, vive la saturation, vive les choses qui dégoulinent, se ramifient, s’affichent en trop sur les murs, vive Bella Swan, vive le bowling, vive l’aspic, vive le kitsch et la chaleur qu’il procure, parce que février, c’est frette. Et ne gardons de Kundera et de sa vision du kitsch que sa façon de l’utiliser pour en faire un outil d’exploration de nos identités et de nos mémoires collectives.

13 Éditorial
Février 2023 — Volume 09 Nº1
Cloutier, P. (1975). Hiver. BAnQ

Quand kitsch rime avec révolution

kitsch

Adjectif invariable (Réf. ortho. Adjectif) (Allemand kitsch, toc)

Déf. : Le kitsch se définit comme « un style et une esthétique caractérisés par l’usage hétéroclite d’éléments démodés ou populaires, considérés comme de mauvais goût par la culture établie et produits par l’économie industrielle » (Zagury, 2011).

Par Raphaëlle Martineau, journaliste collaboratrice une façon de ridiculiser, voire de faire front à cette société de la haute culture en s’appropriant des façons de décorer ou de s’habiller à moindre coût. Les agencements peuvent certes laisser à désirer, mais les années 1960 sont la décennie de la révolution, de la révolte des classes et aussi de l’apparition du Pop art, l’une des formes les plus révolutionnaires en termes d’art et d’affront à la façon très hermétique de le créer et de le consommer.

Est-ce qu’on t’a déjà dit que tu étais un peu kitsch ou quétaine et s’en est suivi une conversation pour comprendre ce que la personne voulait dire par là ? Si oui, et si cette conversation a rendu les choses encore plus floues, laisse-moi te décortiquer tout ça.

Pour commencer, je vais te faire un petit cours d’histoire. Kitsch est un mot qui, selon certain.es, serait apparu dans les années 1860 en Allemagne, plus précisément à Munich et qui était utilisé par les marchands d’art pour désigner des œuvres de mauvais goût (Rugg, 2002). Puis le mot a gagné en popularité un peu partout dans le pays. Enfin, un petit saut dans le temps avec les années 1960 où ce mot s’est répandu à l’international tant pour décrire l’art qu’un mode de vie influencé par la production de masse et souvent utilisé par la classe moyenne et pauvre. Tu as bien compris, kitsch est donc un mot ayant été inventé pour critiquer les classes de société qui n’avaient pas les moyens de se procurer des objets, vêtements, accessoires ou décorations de luxe. Un autre mot à ajouter à la liste d’expressions que la bourgeoisie utilise pour ridiculiser les plus pauvres.

Cependant, moi je vois ce mouvement comme

Attaquons-nous au mot quétaine maintenant. Son origine exacte reste encore à déterminer, mais plusieurs disent que ce mot serait un dérivé du nom de famille Keating (Robineau, 2021), une famille démunie de Saint-Hyacinthe qui aurait eu un style vestimentaire assez douteux et qui quêtait en faisant du porte-à-porte (même schéma de société que pour le mot kitsch). Avec le temps et la difficulté pour les Québécois.es francophones de prononcer ce nom, Keating s’est transformé en quétaine. Tout comme le kitsch, il est associé au mauvais goût, au cheap qui essaye de se faire passer pour du luxe. Mais au Québec, le mot quétaine est aussi attribué à tout ce qu’on fait de parfois trop romantique, cliché ou "nunuche". Combien de groupes de musique québécois se sont vus coller cette

14 Février 2023 — Volume 09 Nº1 DOSSIER

étiquette ? Les BB, La Chicane, Boum Desjardins, selon moi pas mal toute la discographie de Ginette Renaud (lancez-moi pas de pierres s'ilvous-plaît), Kaïn (j’avoue que c’est mon plaisir coupable) et encore plein d’autres.

Le style kitsch et quétaine est actuellement en remontée fulgurante, à l’antipode du mouvement minimaliste qui s’est installé dans la décoration d’espace et de logis. Ce mouvement prend maintenant le nom de maximalisme. On décore des pièces avec beaucoup de bibelots, meubles et couleurs dépareillées pour venir quasiment surcharger les pièces. Cette tendance est pour prouver que le minimaliste (à comprendre ici que le mouvement attaque le minimalisme des classes aisées, soit une déco épurée, mais qui coûte deux reins et un bras) est de la bourgeoisie pure et dure. À l'inverse, la plupart des personnes qui adhèrent au mouvement maximaliste trouvent leurs trésors dans des friperies, des ventes de brocantes, bref dans du seconde main. Comme quoi même la mode et le design peuvent être politiques.

J’espère que la prochaine fois que quelqu’un.e te traitera de kitsch ou de quétaine, tu répondras fièrement que tu fais partie d’un long mouvement de lutte contre la haute société ! Soyons quétaine et fier.e !

Bibliographie

Zagury, N. (2011). L’art du mauvais goût ou le réenchantement du kitsch, Mémoire de maîtrise, École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. https://static1.squarespace.com/ static/5a00dfc3dc2b4ad4d78f0459/t/5a02d49c9 140b7456e52fdd6/1510134949235/Thesis_ NellyZagury++2.pdf

Rugg, W. (2002). Kitsch, The Chicago School of Media Theory. https://lucian.uchicago.edu/blogs/ mediatheory/keywords/kitsch/

Robineau, S. (2021). Quétaine, Passez le mot. Télé-Québec. https://video.telequebec.tv/ player/39396/stream?assetType=episodes

15 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

Ce billet prendra la forme du portfolio ; il constituera un amalgame culturel des temps qui voisinent les années soixante. Il erre entre le quétaine et l’art, il visite des cuisines et des industries, il affiche des rêves et des fiertés pour esquisser le portrait partiel d’une époque que l’on qualifie fréquemment de kitsch, notamment en raison de son matériau chouchou : le plastique.

Compagnie canadienne de l'Exposition universelle de 1967. (1963). La Ronde [carte postale]. BAnQ

Le kitsch et les années 60

Le kitsch, décrit par le commun des dictionnaires, relève du mauvais goût – hors d’une telle subjectivité, on peut dire du kitsch qu’il est imitation, outrance et décalage. (Arsenault, 2011, Eco, 1985, Moles, 1976, Sternberg, 1971) En effet, le kitsch est intimement lié à la production de masse et aux faux d'œuvres d’art. Son côté excessif et exagéré le distingue également, et ça passe souvent par la juxtaposition de références dans le rendu comme dans le contenu. Enfin, le décalage représente la distorsion entre ce que l’objet kitsch représente et ce qu’il est censé représenter, ce qui lui confère par la même occasion un caractère amusant. Moles (1976) relève des caractéristiques plus systématiques que « de mauvais goût » qui découlent de notre définition sommaire :

· La disproportion. Pensons à un porte-clés de baleine, par exemple, qui est le miniature d’une chose immense.

· Les couleurs. Le kitsch aime particulièrement certains arrangements chromatiques ; le pur, le complémentaire, le pastel, le dégradé et l’arc-enciel. La distorsion et l’excès peuvent aussi s’appliquer à la couleur ; ainsi, le cheval de porcelaine rose est plus kitsch que le cheval en peluche brun, pour reprendre l’exemple d’Arsenault.

· Le matériau. Sans surprise, le matériau est une caractéristique importante, car il peut s’agir d’un déguisement ; le matériau représenté sera souvent un faux qui imite le détail du bois, du métal, ou du marbre.

De telles qualités se superposent et plus il y en a, plus on peut supposer que le caractère kitsch est amplifié, au même titre qu’une accumulation d’objets peuvent eux-mêmes créer un environnement kitsch. Arsenault explique le défi de définir le kitsch étant donné que le kitsch se meut dans le temps :

« Une certaine distance temporelle est souvent nécessaire pour pouvoir reconnaître l'aspect kitsch de plusieurs objets. Ceci peut sembler contredire la condition de réaction forte et directe, mais en fait, cette distance temporelle permet probablement la (re) découverte de certains objets, qui, une fois sortis de leur contexte de production, peuvent sembler beaucoup plus excessifs et excentriques qu'à l'origine. Aussi, cette distance expliquerait en partie pourquoi plusieurs considèrent aujourd'hui les années 1950 et 1960 comme une époque particulièrement kitsch. Un objet n'est pas nécessairement kitsch dès sa création, mais le contraire est tout aussi vrai, un objet conçu kitsch (car c'est parfois possible) ne le demeure pas nécessairement. » (Arsenault,

Le regard d’aujourd’hui qualifie généralement les objets vieux d’une centaine d’années d’antiques, et de rétro ceux qui datent d’un peu avant le début du 21e siècle. Et entre les deux on retrouve le vintage et le kitsch, quoique ces termes comportent leurs propres subtilités et connotations. On accorde peutêtre plus de valeur au vintage, qui évoque la qualité de la manufacture d’autrefois, tandis que le kitsch est ancré dans la production industrielle.

17 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Désilet, A. Père Noël [photographie] BAnQ

American Dream et Formica

Pour notre regard contemporain, les années 50 et 60 sont donc particulièrement riches en kitsch. C’est la fin de la Seconde Guerre mondiale, de l’austérité et de la reconstruction qui l’ont immédiatement suivie. En 1950, le capitalisme rayonne : vive l’American Dream ! Le mobilier et la décoration sont complètement restylés, et c’est beaucoup dû au développement de nouveaux procédés et de nouvelles technologies : le plastique, bien qu’il s’insérait déjà dans les produits depuis quelque temps, a été un game changer. Les premiers plastiques synthétiques ont été créés au début du 20e siècle, à commencer par la Bakélite – le matériau utilisé pour l’emblématique téléphone noir au cadran qui tourne. Nous y reviendrons – contentons-nous pour l’instant de mentionner que ce plastique est un pionnier qui allait révolutionner les procédés de fabrication à l’échelle industrielle. C’est donc dire que les années 50 surfaient la vague, le Formica (ou mélamine) en tête d’affiche, ce qui change grandement le visuel des cuisines et des salles de bain. (L’histoire sans fin des plastiques, 2023)

1960 arrive : explosion de la culture populaire dans une époque de grand optimisme où on rêve à la lune et pourquoi pas aux voitures volantes. Dans le monde du design se dessinait une toute nouvelle relation avec la consommation et les consommateur.rices. Tandis que la guerre froide rôdait dans l’ombre, le capitalisme étasunien et son économie toute en grandeur a propulsé le design industriel et la signature visuelle, « l’image de marque », que doit se forger une compagnie pour son marketing et sa publicité. (Garner, 2008) Plus que ça : le design outrepasse l’harmonisation de la forme et de la fonction et devient un outil de communication, une communication par le biais d’une culture précise et visant un marché précis. (ibid) Garner soulève que l’art « commercial » et l’art « noble » ne s’étaient jamais fréquentés de si près jusqu’alors. Les frontières entre les deux s’effritent, un dialogue s’ouvre; le pop art naît de l’intégration de la production de consommation et des médias populaires à un art plus traditionnel. Richard Hamilton, artiste pop d’Angleterre, liste les ingrédients de cette esthétique : « le populaire, le provisoire, le transformable, le bon marché, le produit de série, le jeune, le drôle, le ‘‘sexy’’, le brillant et le ‘‘Big Business’’ ».

18 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
19 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

En 1960, les artistes pop balancent aux vidanges les rigidités et les déjà-vu pour explorer le commercial, le ludique, le populaire, le publicitaire. On cherche la modernité dans les thèmes, les couleurs, les attitudes ; on placardait partout cet art qui donnait l’impression d’un fantasme collectif. (Garner, 2008) Le mouvement est sous le signe du rêve, celui américain. Les artistes cherchent à dialoguer avec leur public, iels veulent l’inclure dans la lecture de l'œuvre, on se questionne sur la nature de l'œuvre ellemême. On tranche avec le passé, on aime l'aplat, la saturation, l’abstrait, les ruses. Le plastique devient outil à la concrétisation de cette vision.

Longue histoire courte des plastiques

On associe rapidement plastique à polymère et à synthétique. Toutefois, avant d’en arriver au Tupperware, la chimie a parcouru un long chemin et s’est inspirée de matières organiques. Des polymères naturels existent et sont utilisés par divers peuples depuis fort longtemps – pensons au caoutchouc, à l’ambre ou à la cellulose du bois, qui sont d’origine végétale, ou à des protéines comme la kératine de la laine ou de la soie, d’origine animale. Le polymère fait en fait référence à une structure moléculaire particulière d’unités identiques sous forme de chaînes ou de filets, particularité qui donne le caractère plastique au matériau, ainsi qu’une foule d’autres paramètres physiques tels que sa résistance mécanique, sa densité ou sa transparence, par exemple. (Thommeret, 2014) C’est donc la base de ce que l’on appelle aujourd’hui un plastique, c’est-à-dire un matériau malléable.

20 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Brando (2016) Andy Warhol display at the Museum of Modern Art, New York City [photographie] Flickr

Au fil des aléas de la chimie organique, on en vint à créer en 1868 le Celluloïd, qui a servi de remplacement à l’ivoire utilisé pour les boules de billard, les peignes ou encore les touches de piano, pour le plus grand bonheur des éléphants, puis la Galalithe en 1897, qui a servi à faire des boutons, des stylos et des accessoires à cheveux. Ces plastiques naissent du mariage entre des éléments naturels et des procédés chimiques, ce qui en fait des polymères artificiels, mais pas synthétiques. C’est en 1909 que le premier synthétique fait son apparition, la Bakélite, qui ouvre le bal à la production industrielle des plastiques dès 1910. Suivront rapidement le Néoprène, le Nylon, le Téflon et une foule d’autres qui s’incorporeront peu à peu partout : dans les encres, les peintures, et les vernis, dans le médical, l’aérospatial, et le militaire, dans l’alimentaire, l’électronique, le quotidien. Outre son éventuel faible coût, on apprécie ce matériau pour ses propriétés mécaniques, thermiques et électriques qui permettent d’accéder à un tout nouveau monde de possibilités pour les designers, et fait revisiter les procédés industriels.

Les plastiques se classent en trois familles : les thermoplastiques , qui fondent sous la chaleur, et qui comportent le plus grand nombre de déclinaisons de plastiques ; les thermodurcissables, qui ne se déforment pas par la chaleur, ainsi que les élastomères, qui peuvent subir de grandes déformations et reprendre leur forme initiale puisqu’ils sont très élastiques. En fonction de leurs propriétés chimiques et de ce qu’on désire générer, une multitude de procédés sont aujourd’hui à disposition : extrusion, injection, rotomoulage, calandrage, thermoformage, stéréolithographie (tsé l’imprimante 3D ?)

… À vrai dire, les plastiques ont fait exploser les procédés industriels qui, à leur tour, ont revisité les « vieux » matériaux. L’imprimante 3D est un excellent exemple de la chose – c’est en 2004 qu’on crée la première vraie machine, et au cours des années 2010 on est capable de transposer la magie au métal, ce qui est tout à fait renversant et qui a longtemps été hors d’atteinte. Cet échange réciproque entre les matériaux et les procédés témoigne de l’infinité du possible et nourrit rêves et ambitions.

Cool plastique

Au début du vingtième siècle, on se servait du plastique pour substituer aux matériaux chers ou précieux pour de petits objets, sans pour autant exploiter outre mesure leur nature propre. (Antonelli, 1995). Ce n’est que durant les années 1950 que le plastique s’émancipe en exposant sa nature et en bondissant d’échelle d’ampleur. Les années 60, elles, ont vu le plastique devenir un symbole politique par sa production en série à faible coût accessible à tous, et dans ce même élan en 1970 on voyait dans ce matériau l’économie et la démocratie. (The Story of Plastics, 1994) Plastique ici, plastique là, plastique partout – en 1980 le plastique cool prend un coup et devient le plastique lame: il est mauvais pour l’environnement et n’est pas digne des goûts bourgeois. (Antonelli, 1995) Le plastique devra céder le titre de chouchou, mais conservera tout de même une certaine estime en tant qu’élément de compositions plus raffinées.

Paola Antonelli, conservatrice au Musée d’art moderne de New York, écrivait en 1995 comment les matériaux ont bousculé beaucoup de choses au fil des époques : les avancées scientifiques, technologiques ou philosophiques génèrent parallèlement des changements profonds et inconscients dans la culture, et le plastique a eu ce rôle de générateur de mouvement au 20e siècle. (Antonelli, 1995)

Il est un « matériau mutant », pour reprendre son expression, qui possède une infinité de facettes et qui ne cesse de se réinventer, puisque son essence même est la malléabilité et la permutation. Le plastique a permis la matérialisation d’idées qui pouvaient au mieux être rêvées, a fait éclater les formes, les couleurs, les usages, et a renversé l’approche au design, qui s’est fait plus expérimental. Et ce matériau, par son essence mutante, correspond parfaitement à son époque et ses idéologies : « l'attitude postmoderne est teintée d’amoralité et de cynisme : pour la plupart d'entre nous, il est naturel d’accepter à la fois une idée et son contraire, si l’ensemble est éloquent et sensé. La société a appris à apprécier les supercheries créatives ainsi qu’à accueillir et valoriser la diversité et le changement. » (traduction libre) (Antonelli, 1995, p. 17)

22 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

Je lis dans ces lignes beaucoup de kitsch. Le plastique a été le matériau d’imitation par excellence, il a été utilisé sans parcimonie et a jonglé avec les coloris et les tailles, comme il a déjoué les sens qui lui étaient donnés. Il s’est plié comme il sait si bien le faire à l’imaginaire, s’est soumis aux ambitions et idéologies. Compte tenu du capitalisme rugissant, des mouvements populaires et de l’art, il est intéressant de voir comment on perçoit aujourd’hui le legs de 1960 comme kitsch. Ce n’est évidemment pas le seul matériau qui peut porter cette étiquette, mais étant la vedette de l’époque, il porte lourdement ce fardeau.

Garder le bébé, jeter l’eau de son bain

Le plastique a étonné comme il a dégoûté et effrayé, et s’est malgré tout frayé son chemin partout autour de nous. L’historique de ce matériau est particulièrement riche –alors que beaucoup connotent négativement le plastique par son aspect polluant – ce qui est tout à fait vrai et légitime – je pense qu’il y a devoir d’honorer les avancées qu’il a également soutenues. Le plastique permet la conservation d’aliments, a donné un répit aux défenses d’éléphant et aux autres caractéristiques animalières, a permis à tout le monde d’accéder à du beau mobilier efficace comme à de l’art décoratif ; n’y a-t-il pas quelques raisons qui justifieraient de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ? La société a largement gagné au développement des plastiques – socialement, culturellement, scientifiquement, économiquement, et j’oserais même affirmer écologiquement dans une certaine mesure – bien que l’on soit certainement en mesure de critiquer ce matériau et les usages que l’on en fait aujourd’hui.

Barthe crachait sur le plastique en 1957, affirmant que « [d]ans l'ordre poétique des grandes substances, c'est un matériau disgracié, perdu entre l'effusion des caoutchoucs et la dureté plate du métal [...] ». J’espère qu’il ne se retourne pas dans sa tombe à l’idée de le savoir incrusté dans toutes les pièces de la maison et dans tous les domaines imaginables. La plasticité des polymères est ce qui est en sorte qu’ils sauront se soumettre aux nouveaux schèmes de pensée et aux nouvelles préoccupations. On commence à peine à entendre parler de bioplastique, et d’analyse de cycle de vie, comme quoi effectivement les gens sont concernés par ces enjeux. Et puis le plastique est encore jeune – il laisse toujours place à l’expérimentation, et les tendances actuelles à l’artisanat, à la décroissance, à l’organique et au low-tech sauront certainement percoler dans l’industrie du plastique.

Puis si 1960 est coté kitsch, c’est tout à son honneur, je pense, si on écarte le jugement de goût. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, ça relève des préférences personnelles, mais le kitsch est une signature particulière qui traduit d’une part les ambitions, valeurs et batailles d’une époque, et d’autre part le regard postérieur que nous posons sur celle-ci aujourd’hui.

Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

Références

Antonelli, P. (1995). « Mutant materials in contemporary design ». The Museum of Modern Art.

Arsenault, R. (2011). Les commerces kitsch exotiques au Québec : reconnaissance et sauvegarde d’un nouveau patrimoine. [mémoire de maîtrise Université du Québec à Montréal]. https://www.collectionscanada.gc.ca/obj/ thesescanada/vol2/QMUQ/TC-QMUQ-4403.pdf

Barthes, R. (1957). « Le Plastique ». Mythologies. Éditions du Seuil.

Eco, U. (1985) La guerre du faux. Éditions Grasset & Fasquelle.

Garner, P. (2008). Sixties design. Taschen.

Moles, A. (1976). Psychologie du kitsch : l'art du bonheur. Denoël/Gonthier. (2023). « L’histoire sans fin des plastiques », Plastics le Mag. https://plasticlemag.com/Polymeres-et-recherches-:-une-histoire-datomes-crochus

Sternberg, J. (1971). Les chefs d'œuvres du kitsch. Planète. (1994). The Story of Plastics. London Design Museum, brochure. Thommeret, R. (2014). Plastiques & design. Eryolles.

24 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
25 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

Le kitsch dans notre quotidien : réflexions issues d’un exercice d’écriture

Le terme kitsch est souvent utilisé pour rire d’une « bébelle » qu’on trouve quétaine à souhait. En revanche, le kitsch prend-il uniquement forme dans les choses matérielles? Cette question, je me la suis posée à l’occasion d’un exercice d’écriture l’automne passé.

Par Julianne Campeau, journaliste collaboratrice

Si vous entendez le mot « kitsch », j’imagine que certains d’entre vous vont penser aux boutiques souvenir du VieuxQuébec, d’autres penseront peut-être au décor surchargé qu’on retrouve si souvent chez les antiquaires, ou encore à certains bibelots en vente chez Renaud-Bray. Bref, lorsqu’on pense au kitsch, on pense généralement à des choses matérielles. En revanche, cet automne, j’ai effectué un exercice d’écriture qui m’a amenée à élargir ma conception du kitsch aux choses un peu moins matérielles.

Un jour, la session passée, j’ai visité le site du CEULa et j'ai fait la découverte des Macramé.es, un exercice

d’écriture qui consiste à écrire un texte à partir d’une phrase ou d’un bout de phrase d’un texte qui nous est proposé. Sur le site du CEULa, il s’agit du texte « Pour la suite du monde », d’un.e auteur.rice anonyme. En lisant le texte, je tombe sur ce bout de phrase : « le quotidien qui se fait kitsch parfois ». Je me demande : comment le quotidien peut-il se faire kitsch? Je réfléchis à cette question dans le poème qui résulte de cet exercice, réflexions que je vais tenter de résumer ici.

Je me suis d’abord interrogée : qu’est-ce que le kitsch? La première image qui m’est venue à l’esprit est le vire-vent

26 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Photo par Julianne Campeau

en canettes de bière que ma grand-mère a acheté sur un coup de tête lors d’un voyage cet été. Ensuite, j’ai pensé à la minuterie en forme de hibou, puis à certains bibelots qu’on retrouve dans les boutiques d’antiquités. Quel est leur point commun? Après tout, je n’ai pas la même perception de tous ces objets : je trouve le vire-vent en canettes de bière laid, le minuteur-hibou m’est adorable et je rêve de posséder un jour un appartement qui ressemble à une boutique d’antiquités. Finalement, j’ai fini par trouver le fil unissant ces trois objets : à mes yeux, chacun est, à sa manière, d’un « ridicule risible ». Voilà leur point commun. Le kitsch correspond donc, pour moi, à ce qui est drôlement ridicule.

Une fois ma définition établie, je me suis demandé : à partir de celle-ci, comment le kitsch se manifeste-t-il dans le quotidien? Dans le poème qui résulte de l’exercice à l’origine de cette réflexion, je compare le quotidien à un film d’un ridicule risible qu’on réécoute encore et encore parce qu’on aime son côté drôlement ridicule. Je crois que mon raisonnement est ici inspiré par le Pop Art, peut-être le mouvement artistique kitsch par excellence, dont les

artistes font souvent usage du procédé de répétition. En écrivant cet article, j’ai également relevé un autre aspect kitsch de notre quotidien. Il s’agit de nos petites manies, comme, je prends exemple sur moi, vérifier à trois reprises que j’ai bien éteint le rond du poêle après avoir fait bouillir de l’eau, essayer de marcher uniquement sur le chemin pavé au parc, même si c’est moins vite que de prendre le raccourci qui s’est dessiné sur le gazon, ou encore vérifier cinq fois que j’ai tout ce qu’il me faut avant de partir de la maison. Ce sont mes petits comportements que je trouve ô combien ridicules quand j’y pense. Tellement ridicules que j’en ris intérieurement.

Et c’est là que s’arrête ma réflexion. J’en arrive à la conclusion que, que nous aimions cette esthétique ou non, nous avons probablement tous un petit côté kitsch qui se manifeste dans notre quotidien. Après tout, on a chacun nos petits rituels, nos petites manies, qu’on ne peut pas s’empêcher de répéter encore et encore, comme notre film préféré, qu’on trouve un peu quétaine à la longue, mais dont on ne se tanne jamais, et qu’on réécoute à l’infini. C’est ça, selon moi, « le quotidien qui se fait kitsch parfois».

27 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Photo par Julianne Campeau

Vote, démocratie et nationalisme : passés de mode ?

Au Québec, les conséquences du vieillissement de la population se font de plus en plus sentir. Alors que la moyenne d’âge atteint maintenant 43,1 ans selon Statistique Canada, la province traverse une grave crise de main-d’œuvre, les dépenses dans le domaine de la santé atteignent de nouveaux sommets tandis que les hôpitaux sont pleins à craquer. Les partis politiques, tant fédéraux que provinciaux, sont également conscients de ce vieillissement et leurs programmes politiques s’y ajustent. Les stratèges politiques prennent en compte le phénomène, certes pour résoudre les crises qui en découlent, mais aussi pour attirer les votes de ces électeur.rices vieillissant.es. Les enjeux priorisés par nos politicien.ne.s sont souvent orientés vers les intérêts de ce groupe démographique, tandis que les préoccupations des jeunes sont un peu laissées pour compte, puisqu'il.elles représentent bien moins de votes. Mais quelles sont les questions politiques qui intéressent vraiment la jeunesse du Québec ? Et à l'inverse, quels sont les sujets qui les laissent de marbre ?

Par Ludovic Dufour, Chef de pupitre science et société

Le vote

Premier constat évident : voter, ça n’intéresse pas les jeunes. Chaque élection ou presque, qu’elle soit provinciale ou fédérale, le taux de participation descend un peu plus et ce sont généralement les électeur.rices de moins de 25 ans qui participent le moins. Selon Élection Canada, le taux de participation était de 62% lors des élections fédérales de 2021. Le taux de participation des 64 à 74 ans atteignait alors que les 18 à 24 ans n’étaient que de 47%. Une étude de l’Institut de la statistique du Québec révèle que 44% des jeunes de 21 ans n’ayant pas participé à l’élection provinciale de 2018 n’étaient simplement pas intéressé.es par celle-ci(Groleau, 2022).

Un sondage d’Ipsos commandé par La Presse montre aussi que ce désintérêt politique s’accentue avec la proximité, c’est-à-dire que les 18 à 30 ans s’intéressent moins à la politique municipale qu’iels ne s’intéressent à la politique provinciale qui, a son tour, attire moins l’attention que le palier fédéral (2022).

Mais pourquoi ce désintérêt ? Pour plusieurs jeunes, la politique n’est pas intéressante parce que la politique ne s’intéresse pas à elleux. Tous les efforts portés à s’approprier le vote des vieilles générations est du temps qui n’est pas dirigé vers les enjeux touchant les jeunes électeur.rices. Selon un article du journal Pivot concernant la participation politique des jeunes lors des élections provinciales, « les plateformes des différents partis ne contiennent que très peu de propositions qui s’adressent directement aux jeunes électeur.rices » (Yao, 2022). On y ajoute également que ces propositions affectent principalement l’éducation supérieure « touchant principalement les jeunes plus privilégié.es qui accèdent aux études postsecondaires. Les plateformes sont minces en propositions pour ceux et celles qui n’ont pas ce profil» (Yao, 2022). Pire, le Parti conservateur du Québec veut s’en prendre au pouvoir politique des jeunes en s’attaquant aux associations étudiantes.

28 Février 2023 — Volume 09 Nº1
SOCIÉTÉ
Institut de la statistique du Québec

De son côté, le sondage d’Ipsos a pu quantifier la perception des jeunes face aux partis politiques. Selon 43% des personnes consultées, les partis politiques portent très peu d’attention, voire pas du tout, aux enjeux importants aux yeux des jeunes.

De plus, Élections Canada rapporte dans une étude de 2021 que les plus jeunes générations ont moins tendance à s’identifier à un parti politique (Mahéo). C’est moins de 60% des 16 à 17 ans qui déclarent s’identifier à un parti politique fédéral, contre près de 80% des 35 ans et plus. Les 16 à 17 qui s’identifient à un parti sont également moins partisan.es que leurs aîné.es. Bien que la recherche explique ce phénomène par l’absence du droit de vote de ce groupe, on peut tout de même observer un déclin non négligeable chez les groupes de moins de 35 ans.

D’autres études identifient les facteurs influençant la probabilité de voter des jeunes. Selon l’Institut de la Statistique du Québec, plusieurs facteurs influencent les électeur.ices de 21 ans né.es au Québec. D’abord, l’éducation : atteindre un niveau d’étude postsecondaire augmente les chances de voter. Dans le même ordre d’idée, avoir une mère qui a achevé un niveau d’étude supérieur au secondaire augmente également les chances de vote, et ce indépendamment du niveau d’éducation

atteint par l’électeur.rice. Ensuite, le travail augmente les chances de vote. Les chercheur.euses attribuent ce phénomène à l’intégration sociale qui accompagne l’emploi. La personnalité influence également les chances de voter; les personnes qui font confiance aux autres participent généralement plus aux élections et sont plus susceptibles d’avoir d’autres engagements communautaires. Finalement, l’engagement communautaire est lui-même relié au vote : plus un.e jeune a d’engagements tels que manifester, récolter des fonds pour un organisme ou signer des pétitions, plus iel a des chances de participer aux processus démocratiques (Groleau, 2022).

La démocratie

Second constat : plusieurs jeunes ne se désintéressent pas seulement des élections, mais iels remettent également en doute notre système démocratique. Toujours selon le sondage d’Ipsos, 16% des Québécois.es âgé.es de 18 à 30 ans considèrent la démocratie comme une valeur peu ou pas importante, ce qui représente une augmentation de 4% par rapport à une étude similaire de 2018 faite par le même groupe (2022). Dans le même ordre d’idée, la discussion et le débat perdent en popularité comme moyen de faire avancer ses idées.

Si ces statistiques peuvent sembler basses et relativement

29 Société Février 2023 — Volume 09 Nº1
Ipsos, La Presse

anodines, une étude de l’Université de Cambridge est beaucoup plus inquiétante. La principale conclusion de ce rapport datant de 2020 indique que la satisfaction de la jeunesse pour la démocratie décline non seulement globalement, mais qu’elle est aussi inférieure à la satisfaction observée chez les générations antérieures au même âge. La recherche note un déclin majeur en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, en Europe de l’Ouest et dans les démocraties anglo-saxonnes (Foa, 2020).

Les chercheurs.euses attribuent ce phénomène à l'augmentation des inégalités économiques dans les démocraties développées. Une augmentation du coût de la vie combinée à des revenus moindres a désillusionné plusieurs millénariaux. Par exemple, aux États-Unis, les millénariaux représentent près du quart de la population et ne détiennent que 3% de la richesse du pays. Au même âge, les baby-boomers en détenaient 21%. Dans les démocraties transitionnelles, ce serait plutôt le souvenir qui manque aux plus jeunes – alors que les ancien.nes ont vécu les régimes autoritaires et la lutte pour la démocratie, les jeunes n’ont pas la même mémoire amère et sont donc plus critique du système qu’iels jugent avec leurs critères modernes (Foa, 2020).

Les expert.es interprètent cette tendance de deux manières opposées. La première explique que cette insatisfaction ne se manifeste pas directement vers les principes démocratiques, mais plutôt vers ses résultats. Cette conclusion est soutenue par des études qui démontrent que plusieurs des critiques de la démocratie continuent de croire qu’elle est la meilleure forme de gouvernement. La seconde explication suggère au contraire que ces critiques s’en prennent au fondement même de la démocratie. Ainsi, les insatisfait.es seraient opposé.es au consensus, au compromis et aux institutions tierces comme les médias et les tribunaux. Cette interprétation est également

30 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Élections Canada
Ipsos, La Presse

soutenue par diverses études et sondages. Par exemple, 48% des jeunes Européen.nes ne considèrent pas la démocratie comme étant le meilleur système politique (Foa, 2020).

Il ne faut cependant pas mélanger l’abstentionnisme et l’insatisfaction démocratique avec le désengagement politique. Il existe plus d’une manière de faire valoir ses idées, le vote n’est que l’une d’entre elles. Le sondage d’Ipsos rapporte même une augmentation des activités politiques des jeunes Québécois.es et note plus particulièrement que plus de jeunes ont pris part à des manifestations dans les dernières années. L’implication des jeunes se fait donc davantage pour des causes précises que pour soutenir des partis politiques ou les institutions démocratiques.

L’identité québécoise

Troisième constat, le nationalisme n’est plus à la mode. Que ce soit par rapport à la langue française, au projet d’indépendance ou aux questions identitaires, les statistiques tendent à montrer que la jeunesse se détourne de ces questions. Le sondage d’Ipsos demandé par La presse est encore une fois riche en statistiques sur le sujet.

D’abord, en ce qui a trait à la place du Québec au sein du Canada, la majorité des jeunes souhaitent non seulement que le Québec demeure une province canadienne, mais on constate aussi un désintérêt grandissant entourant la question. Seulement 16% des répondant.es souhaitent que le Québec devienne indépendant.

Dans le même ordre d’idée, lorsque confronté.es à deux choix d’enjeux électoraux importants dans une liste, seuls 2% choisissent la souveraineté et 8 % la langue française. La santé, l’environnement et l’économie occupent le haut du classement. 58% des répondant.es se disent également

31 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1
Youth and Satisfaction with Democracy: Reversing the Democratic, Cambridge Ipsos, La Presse

plutôt ou très confiant.es quant à l’avenir de la langue française dans la province.

Pour ce qui est de l’identité, une faible majorité de jeunes Québécois.es se considèrent davantage Québécois.es que Canadien.es, cependant, la tendance semble être à la baisse. Les anglophones et les Montréalais.es ont davantage tendance à se reconnaître dans l’identité canadienne, tout comme les universitaires (Ipsos, 2022).

De même, les jeunes semblent accorder moins d’importance à la langue et aux valeurs dans les critères d’accueil de migrant.es. Quand on leur demande quelle option d’immigration se rapproche le plus de leur opinion, 45% choisissent l’accueil sans accorder d’importance à la langue ou aux valeurs. Bien que la majorité opte encore pour privilégier une immigration francophone ou une immigration aux valeurs et coutumes proches de celles des Québécois.es, ces deux options ont régressé de 13 % depuis 2018.

Ce désintérêt explique probablement le maigre résultat du Parti québécois auprès des jeunes. Lors des élections provinciales de 2022, les adolescent.es du secondaire et les élèves de troisième cycle du primaire ont eu l’occasion de s’exprimer par le programme Électeurs en herbe. Ce sont 113 772 qui ont voté pour les différents partis. Les

résultats démontrent que Québec solidaire et le Parti libéral du Québec sont les plus populaires, avec respectivement 26,32 et 22,56% des voix. La Coalition avenir Québec les suit de près avec 20,31%, puis l’écart se creuse avec le Parti conservateur du Québec à 12,39 % et 10,90 % pour le Parti québécois. Seul le Parti vert fait pire avec une récolte de 4,03 % des votes.

En ce qui concerne le groupe des 18 à 34 ans, c’est aussi Québec solidaire qui mène la course avec 35 % des intentions de vote en date de décembre 2022 selon un sondage de Léger mandaté par TVA et le Journal de Québec. Les autres partis ont des résultats très proches les uns des autres : 17 % pour la CAQ, 16% pour le PQ et égalité à 13% pour les PLQ et PCQ .

32 Février 2023 — Volume 09 Nº1
Société
Ipsos, place du Québec au Canada Ipsos, La Presse

Cependant, et comme nous le montrent les derniers résultats électoraux, le pouvoir n’est pas aux mains de la jeunesse. C’est plutôt les 35 à 54 ans ainsi que les 55 ans et plus qui, toujours selon le même sondage, votent respectivement à 42 % et 54% pour la CAQ. Vu le poids démographique des jeunes et leurs tendances abstentionnistes, il ne suffit pas de l’appui de ce groupe pour être élu. Ainsi, comme expliqué en introduction, il vaut

c’est par d'autres moyens qu’il feront avancer leurs idées et pas nécessairement par des options démocratiques. Pour les souverainistes la même logique s’applique. Pour faire renaître une fibre indépendantiste chez la jeunesse québécoise, peut-être vaudrait-il s’attarder aux enjeux qui les font vibrer. Si l’on désire voir la participation électorale remonter, si l’on veut que la démocratie soit acceptée, ce dialogue doit avoir lieu.

Références

Tendances liées à la participation électorale des jeunes au Canada. Élections Canada. Tendances liées à la participation électorale des jeunes au Canada | Elections Canada's Civic Education (electionsetdemocratie.ca)

mieux, aux yeux des stratèges politiques du moins, s’assurer du vote des générations les plus âgées pour obtenir des sièges, quitte à être dépassé aux yeux des nouveau.elles votant.es. Pour ce qui est de la santé de la démocratie c’est autre chose. Pour que celle-ci soit acceptée, tout le monde doit pouvoir faire entendre sa voix et si, par le vote, les jeunes ne peuvent exprimer la leur,

Groleau, A. Nanhou, V. (2022). Une analyse longitudinale des facteurs associés à la participation électorale des jeunes nés au Québec. Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ) – De la naissance à l’âge adulte. Vol. 9 Fasc. 4. Institut de la statistique du Québec. P. 1-22. Étude longitudinale du développement des enfants du Québec – Volume 9, fascicule 4, février 2022 (quebec.ca)

Les Jeunes Québécois et la politique. (2022). Ipsos. La Presse. PowerPoint Presentation (ipsos.com)

33 Février 2023 — Volume 09 Nº1
Société
Ipsos, La Presse Ipsos, La Presse

Yao, D. (2022). La désillusion électorale des jeunes. Pivot. La désillusion électorale des jeunes • Pivot

Mahéo, V.A. Bélanger, É. (2021). Génération Z : Portrait d'une nouvelle génération de jeunes Canadiens et comparaison avec les Canadiens plus âgés. Élections Canada. Orientations sociales et politiques – Génération Z : Portrait d'une nouvelle génération de jeunes Canadiens et comparaison avec les Canadiens plus âgés – Élections Canada (elections.ca)

Foa, R.S., Klassen, A., Wenger, D., Rand, A. and M. Slade. (2020). Youth and Satisfaction with Democracy: Reversing the Democratic Disconnect ? Cambridge, Centre for the Future of Democracy. youth_and_satisfaction_with_ democracy.pdf (cam.ac.uk)

Intentions de vote, baromètre des personnalités et résolutions. (2022). Léger, TVA nouvelle, Journal de Montréal, Journal de Québec, QUB radio. Rapport politique décembre (legermarketing.wpenginepowered.com)

34 Février 2023 — Volume 09 Nº1
Société
35 Dossier Février 2023 — Volume 09 Nº1

Nécessité ou envie déguisée ?

Pour fêter le Nouvel An 2020, j’ai été invitée chez l’une de mes amies du secondaire. Chaque année, les parents de cette amie agrémentent la soirée avec un concours de costume : qui aura l’accoutrement le plus kitsch ? J’ai raconté l’anecdote à mes parents. Ma mère était charmée par le concept et l’a repris cette année. Elle a fait des pieds et des mains pour trouver son kit. Friperies après friperies, c’est finalement dans la garde-robe de sa grande tante qu’elle a trouvé le pantalon parfait. J’ai manqué le party, mais quel bonheur de recevoir une photo de mes parents fièrement vêtus de léopard.

Par Marie Tremblay, journaliste collaboratrice

36 Société Février 2023 — Volume 09 Nº1
Photo par Gemma Evans

Ma famille et le kitsch, c’est une histoire d’amour à long terme. Une fois tombé dedans, il est impossible de s’en défaire. Je me rappelle une sortie à La Ronde où je devais appeler ma mère avec un vieux téléphone flip. Je m’étais cachée dans les buissons parce que j’avais honte de ma vieille bébelle. Maintenant, je les collectionne fièrement. Les trois combinaisons de ski une pièce qui traînent dans le garde-robe peuvent en témoigner. Une turquoise, une mauve et une vert forêt, chacune rehaussée par une ceinture taille haute. Affublé.es de nos terribles combinaisons, mes frères et moi dévalons les pentes dans le style et la dérision. C’est encore nos escapades en friperies qui nous ont permis de dénicher ces habits de neige. Je pourrais également parler longtemps des sucriers en porcelaine, des fauteuils roses et des cuillères de service.

Il est d’ailleurs impossible de parler du kitsch sans parler d’achat de seconde main. L’arrivée de l’industrialisation a permis la production d’objets de toutes sortes, destinés à la consommation rapide. Ce nouveau mode de production a commercialisé des produits de moins bonne qualité en grande quantité. Les pièces uniques se sont raréfiées avec la production de masse. Les prix sur le marché sont alors devenus accessibles à un bassin de consommateur.rices plus large. En prenant cette tangente, la société a mis le cap vers la surconsommation (Genin, 2007). Au fil des années, meubles, vêtements et décorations – de plus ou moins mauvais goût – se sont entassés dans les maisons pour terminer leur vie dans les vide-greniers (ou friperies). De quoi satisfaire de nombreux.euses client.es actuel.les. En effet, l’intérêt pour les magasins d’occasion a atteint des sommets et l’engouement ne cesse d’augmenter. En 2016, c’est 45 % des Québécois.es qui avaient déjà acheté dans les magasins d’occasion. Ce pourcentage atteint 86% quatre ans plus tard (Pavic, 2022). Cette ruée vers le commerce de seconde main serait en partie expliquée par

son aspect écologique (Pavic, 2022). La conscientisation de la population face à la crise climatique a commencé à remodeler les habitudes de consommation, principalement auprès des jeunes. La réutilisation évite de se procurer des biens neufs, dont la production engendre des coûts écologiques et sociaux non négligeables.

En fin de compte, écolos ou pas, nous achetons ces choses parce qu’elles sont belles, drôles, uniques, peu dispendieuses... Plus les prix sont bas, plus nous nous permettons d’acheter. Tranquillement, meubles, vêtements et décorations s’entassent dans notre maison. Me voilà donc devant ce questionnement : est-il possible que nous soyons face à un nouveau phénomène de surconsommation ?

À mon retour des friperies, ma mère me cite immanquablement Pierre-Yves McSween : « en as-tu vraiment besoin ? ». Non, mais le sentiment que me procure l’achat de cette pièce me donne l’impression que c’est un besoin. C’est selon moi l’effet kitsch, plaisir coupable qui nous apporte tantôt de la joie, tantôt de la nostalgie. Plus tard, j’irai donner ces choses qui auront, pour un temps, fait mon bonheur.

Références

Genin, C. (2007). Le kitsch : une histoire de parvenus. Récupéré sur Université de Limoges : https://www.unilim. fr/actes-semiotiques/3268

Pavic, C. (2022). Le marché de seconde main au premier plan. Récupéré sur Le Devoir : https://www.ledevoir.com/ economie/659184/le-marche-de-seconde-main-aupremier-plan

37 Février 2023 — Volume 09 Nº1
Société

Un nanar ludique, est-ce possible ?

Le cinéma l'a déjà prouvé, on peut faire une œuvre si mauvaise qu’elle devient un succès. Un scénario trop cliché ou incohérent, des acteur.rices qui jouent mal ou des effets spéciaux ridicules peuvent nous faire décrocher d’un film ou au contraire, le rendre fascinant. D’un simple navet ennuyeux, on passe involontairement au nanar captivant. C’est un aspect qu’on ne retrouve pas dans toutes les formes d’arts. Peut-on peindre un nanar ? Peut-on prendre une photo nanardesque ? Ou alors, existe-t-il des romans nanaresque ? Quant est-il du nanar vidéoludique ?

38 Février 2023 — Volume 09 Nº1 LUDIQUE
Par Ludovic Dufour, chef de pupitre société et science

C’est une chose d’avoir un jeu d’acteur.rice qui sonne si faux qu’il en devient distrayant, s’en est une autre de concevoir un jeu qui soit mauvais, mais appréciable. Lorsque l’on regarde un nanar, l’auditeur.rice est passif.ve, mais pas lorsqu’iel joue. La différence est notable : dans le premier cas, on constate simplement et l'on s’amuse d’une mauvaise performance alors que dans le second, on la vit. Il est plus probable que cette contre-performance devienne frustrante pour le.la joueur.euse. Après tout, de mauvais contrôles, des graphiques moches ou un gameplay ennuyeux ne sont rien de bien agréable à vivre.

En fouillant un peu, on arrive cependant à trouver quelques perles qui, bien qu’objectivement assez ordinaires, arrivent à se distinguer du lot et attirer les foules. Dans certains cas, on crée des jeux volontairement difficiles et frustrants, voire injustes. C’est le cas, par exemple, de Getting over it, qui, sur sa page Steam, promet à ses joueur.euses de « ressentir de nouveaux types de frustration dont ils ignoraient être capable » [traduction libre] et « de perdre tous ses progrès encore et encore » [traduction libre]. Malgré ses promesses tenues par un gameplay atrocement difficile, il obtient des évaluations très positives de ses joueur.euses.

Dans d’autres cas, ce sera une approche over-the-top au niveau du gameplay ou du scénario. Par exemple, la série

Just Cause ne se contente pas d’être un simple jeu de tir classique, tout y est exagéré. Le.la joueur.euse peut prendre le contrôle de véhicules, utiliser des outils tels que des fusées ou des câbles rétractables, se déplacer à une vitesse phénoménale en utilisant parachute, grappin et wingsuit ; son arsenal est si puissant et ses options si diverses que la victoire est assurée. Chaque succès laisse évidemment derrière lui un lot absurde de destructions dignes des films d’action les plus exagérés. Tout le plaisir vient donc de cette exagération en testant les limites du ridicule en tentant les approches les plus loufoques.

Ces jeux deviennent souvent de grands succès auprès de streamer.euses et youtubeur.euses, ce qui leur assure des campagnes publicitaires gratuites. L’effet comique se crée de lui-même, il suffit de se filmer en jouant pour créer du contenu distrayant. Évidemment, quoi de mieux que de constater toute la difficulté d’un jeu et en rire sans avoir à vivre cette frustration soi-même ? Certaines chaînes vont même se spécialiser en abordant ce qu’il y a de plus mauvais, comme Le joueur du grenier, qui fait des critiques des pires jeux rétro imaginables.

Il y a cependant une importante nuance à faire avec le nanar : c’est que, dans ces cas-là, il est volontaire. Contrairement aux films où l’idée de base était belle et bien de faire quelque chose de bon, ici, on recherche activement

39 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

à créer le nanar. La réponse à notre question reste donc en suspens. Il est possible de créer volontairement un mauvais jeu pour en faire quelque chose d’amusant, mais si on l’invente avec cette intention en tête, on ne produit pas un nanar. Alors que reste-t-il ? Comme dit en introduction, un jeu, contrairement à un film, peut difficilement être à la fois mauvais et rester agréable à jouer.

Je crois cependant que certains titres arrivent à satisfaire, du moins temporairement, à ces exigences. Prenons par exemple le cas de Cyberpunk 2077 et reculons au jour de son lancement. Le développeur CD Projekt Red jouissait alors d’une excellente réputation après le retentissant succès de The Witcher 3: Wild Hunt et plusieurs attendaient avec impatience le prochain titre du studio polonais. C’est avec étonnement qu’on a eu droit à un incroyable ramassis de bogues, plutôt qu’au succès annoncé. Plusieurs mécontent.es ont demandé un remboursement et la réputation de la compagnie en a pris un solide coup.

Malgré plusieurs problèmes techniques, le jeu reste bon, ou du moins correct, sur le plan du gameplay. Même que plusieurs bogues prennent une dimension assez comique quand ils n’affectent pas trop la jouabilité. Objet volant sans

raison, une voiture qui traverse les murs ou des ennemis ignorant complètement votre présence peuvent donner une bonne occasion de rigoler. Aujourd’hui, ces erreurs sont corrigées et bien que peu de gens fussent satisfait.es à l’idée de payer 80 dollars pour un amas de problèmes techniques, je suis d’avis que pendant un court instant, on a eu droit à un réel nanar vidéoludique. Assez bien fait pour être agréable, mais assez mauvais pour être franchement drôle.

L’on pourrait aussi évoquer quelques mythiques mauvais jeux. Par exemple Sonic the Hedgehog, connu pour ses contrôles frustrants, sa caméra complètement brisée, son histoire décousue et bien trop sérieuse pour un jeu Sonic, ses nombreux bogues et son doublage parfaitement pathétique. Le tout est si catastrophique qu’il peut certainement être apprécié aujourd’hui quand on le prend au second degré : encore faut-il avoir la patience d’endurer ses interminables chargements.

Ces deux exemples montrent que le nanar vidéoludique existe bel et bien. Plus que sa simple existence, il a même son propre public auquel certain.es développeur.euses s’adressent en produisant volontairement de mauvais jeux.

40 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

Il faut cependant distinguer certains aspects bien particuliers aux nanars vidéoludiques. D’abord, les nanars ne peuvent pas être aussi onéreux qu’un jeu à succès pour être appréciable. Bien que l’on puisse prendre du bon temps à rire de bogues variés et d'erreurs de design grotesques, peu de gens débourseraient la même somme pour ces jeux que pour un titre complet. Ensuite, on ne peut pas apprécier ces nanars sur de longues périodes. Contrairement à plusieurs jeux auxquels on peut facilement passer des heures à jouer, les nanars deviennent rapidement frustrants par nature. La plupart des joueur.euses se lasseront assez vite après avoir constaté la grandeur de l’échec et l’absurdité de ces jeux.

Bien qu’ils existent, ces nanars involontaires finiront par disparaître. Il y aura certainement toujours de mauvais jeux, mais comme l’exemple de Cyberpunk 2077 le démontre, la tendance est à la correction. Après un lancement problématique, les développeur.euses retravaillent le jeu et corrigent les problèmes jusqu’à ce que le résultat final

soit vraiment présentable. Il est donc plus que probable que des jeux catastrophiques, dont la base est assez solide pour être appréciable, n'appartiennent que temporairement à la catégorie nanar avant d’être revisités et modifiés.

41 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

L’ultime test d’Impact Campus :

Quel arrondissement de la ville de Québec es-tu? (Stéréotypes garantis)

1. Si tu étais un dessert, tu serais :

a. Un beigne du Beiko

b. Une tarte aux pommes de l’Île d’Orléans

c. Une crème brûlée au lactaire à odeur d’érable, accompagnée d’un brownie chocolat et sarrasin

d. Un pouding chômeur

2. Quel est ton film québécois incontournable ?

a. La déesse des mouches à feu

b. La Guerre des tuques

c. Les Roses

d. Cruising bar

3. Si tu étais un mode de transport tu serais :

a. Le VUS de tes parents

b. Le vélo même l’hiver

c. La marche

d. Les express du RTC

4. Quel est ton livre de chevet favori?

a. La bête intégral de David Goudreault

b. Ru de Kim Thúy

c. Le Livre qui fait dire oui de Sol Zanetti

d. Famille royale de Stéphane Rousseau

5. Quel est le compte Instagram que tu suis religieusement ?

a. Fruiter @memefruiter

b. Mère ordinaire @mereordinaireparbiancalongpre

c. Stu cancel @stucancel

d. Québec Scoop @qcscoop

6. Quelle est ta sortie entre ami.es préférée ?

a. Une soirée au spa

b. Faire du ski au Massif

c. Aller dans un resto-buvette

d. Faire un escape room

7. La faculté de l’Université qui te représente le mieux est :

a. Les sciences de l’administration

b. Les sciences de l’éducation

c. Les lettres et sciences humaines

d. Les sciences et génie

42 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

8. Quel est l’événement de la ville de Québec auquel tu tiens mordicus?

a. Le Festival d’été de Québec

b. Où tu vas quand tu dors en marchant

c. Le festival Phoque OFF

d. Le tournois Pee-Wee

9. Ton logis préféré, c’est :

a. Un condo où tu pourras bien vieillir en te remémorant les jours glorieux de la pyramide

b. Une grosse maison avec une grosse piscine, une grosse tondeuse et un beau gazon

c. Un 7 ½ chauffé-éclairé, avec cachet, en commune, qui accepte 15 chats pour 500 $ par mois

d. Un jumelé bigénérationnel avec trottoirs et pancartes « attention à nos enfants »

10. Tes artistes incontournables sont :

a. Loud et Charlotte Cardin

b. Émile Bilodeau et Roxanne Bruneau

c. Bon Enfant et les Colocs

d. Sir Pathétik et Brigitte Boisjoli

Et, finalement, la question qui tue : quel est l’enjeu de la Ville de Québec qui te tient le plus à cœur ?

a. Le tramway

b. Les taxes municipales

c. Les crottes de chien pas ramassées

d. La gentrification

On te mélange avec l’Ancienne Lorette et tu dois prendre le 84 pour te déplacer, tu viens des Rivières

Majorité de D

lait de soya 8$ et à les boire dans des pots masson, mais tsé fuck la bourgeoisie.

Tu habites la Cité-Limoilou et tout le monde le sait.Tu prends plaisir à porter des Blundstone, à payer tes matchas au

Majorité de C

Tu fais tes premières dates au chocolat favoris et tu surlignes avec une règle, tu viens de Beauport/Charlesbourg

Majorité de B

sur Myrand: t’es de Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge.

Tu penses que le centre-ville de Québec c’est le boulevard Laurier et que l'apogée du vendredi soir c’est au Shaker ou

Majorité de A

Réponses :

43 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1
44 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

Dessins à colorier. Partage ton coloriage sur Facebook ou Instagram avec le hashtag #Impactcampus et tag @impactcampus avant le 3 mars 2023 pour courir la chance de gagner une carte cadeau de 40$ à la Coop Zone.

45 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

L’horoscope 2023 d’Impact Campus

Verseau

Cher.ères Verseaux, cette année, vous pourriez être plus enclin.es à prendre des risques et à sortir de votre zone de confort afin d’explorer de nouvelles idées et de nouveaux horizons. Vous pourriez être plus audacieux.euses dans vos choix professionnels et personnels, et être plus disposé.es à prendre des décisions radicales. Cependant, il est important de ne pas être trop impulsif.ve et de réfléchir aux conséquences de vos actions avant de prendre une décision. Il est également important de considérer les points de vue des autres et de ne pas être trop égoïste. En prenant des risques calculés et en étant conscient.es des conséquences potentielles, vous pourriez découvrir de nouvelles opportunités et vivre des expériences enrichissantes.

Poisson

Cher.ères Poissons, cette année, les étoiles vous prédisent des changements inattendus. Des portes se fermeront tandis que d'autres s'ouvriront. Les ombres de votre passé vont réapparaître et vous devrez les affronter. Faites attention à ne pas vous laisser emporter par les courants contraires, car ils pourraient vous entraîner loin de votre destinée. Gardez un œil sur les signes cachés et suivez votre intuition, elle vous mènera vers la lumière.

Bélier

Cher.ères Béliers, cette année vous pourriez vous sentir un peu indécis.es quant à votre avenir personnel. Il est important de ne pas être trop dur.es envers vous-même et de vous rappeler que c'est normal de ne pas avoir toutes les réponses. Il peut être utile de prendre du recul, de réfléchir à vos objectifs à long terme et de consulter des personnes de confiance pour obtenir des conseils et des perspectives différentes. Cependant, il est aussi important de ne pas rester trop longtemps dans l'indécision et de prendre des décisions en fonction de vos valeurs et de vos aspirations.

Taureau

Cher.ères Taureaux, cette année vous pourriez être plus enclin.es à profiter de la vie et à rechercher des plaisirs matériels et des expériences agréables. Il est possible que vous soyez plus ouvert à essayer de nouvelles choses, notamment en matière de gastronomie, de voyages, ou de divertissement. Vous pourriez également être plus disposé.es à investir dans des biens de luxe ou des expériences haut de gamme. Il est important de ne pas se laisser emporter et de ne pas dépenser plus que ce que vous pouvez vous permettre, ainsi que de continuer à travailler dur pour maintenir un bon équilibre entre le plaisir et les responsabilités.

Gémeaux

Cher.ères Gémeaux, cette année sera l'année où vous découvrirez que vous avez en fait un.e jumeau.elle caché.e. Il s'avère que c'est votre reflet dans le miroir. Profitez de cette découverte pour vous donner deux fois plus de chances de réaliser vos rêves et deux fois moins de chances de vous tromper de pantalon le matin.

Cancer

Cher.ères Cancers, cette année sera marquée par des épreuves difficiles. Vous allez devoir faire face à des pertes douloureuses, que ce soit des personnes chères ou des opportunités importantes. Vous allez ressentir beaucoup de tristesse et de solitude. Il sera difficile pour vous de retrouver votre équilibre émotionnel et il vous faudra du temps pour vous remettre de ces événements. Mais il est important de garder espoir et de se rappeler que le temps guérit toutes les blessures.

46 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

Lion

Cher.ères Lions, cette année, vous pourrez davantage vous intéresser aux animaux et vouloir passer plus de temps à les côtoyer, en adoptant un animal de compagnie, en participant à des activités liées à la nature ou encore en apprenant sur différentes espèces. Cela peut vous apporter un sentiment de paix et de connexion avec la nature. Il est important de s'assurer que vous êtes en mesure de prendre soin de tout animal que vous adoptez ou que vous côtoyez, de ne pas oublier les autres en utilisant tous les moyens pour arriver à ses fins. En matière de jeu, il est important de ne pas perdre de vue la réalité et de ne pas risquer des sommes importantes.

Vierge

Cher.ères Vierges, cette année, les couleurs de la réussite seront le bleu et le vert pour vous. Le bleu symbolisera la sérénité et la clarté d'esprit dont vous aurez besoin pour surmonter les défis professionnels qui se dresseront sur votre chemin. Le vert représentera la croissance et la prospérité financière que vous pourriez connaître. Il vous rappellera également de prendre soin de vous et de votre bien-être émotionnel. En utilisant ces couleurs dans votre environnement ou en les incorporant dans votre tenue, vous pourrez attirer la bonne énergie pour atteindre vos objectifs.

Balance

Cher.ères Balances, cette année, vous pourriez être attiré.es par les activités physiques ou artistiques qui demandent de la coordination, de l’équilibre et de la précision, ou par des activités qui vous permettent d’exprimer votre personnalité et votre créativité. Cela peut vous aider à vous sentir plus confiant.es et plus en contrôle. Il est important de ne pas se mettre trop de pression pour être parfait.e et de se rappeler que l'essentiel est de prendre plaisir à pratiquer.

Scorpion

Cher.ères Scorpions, cette année, vous allez réaliser que vous n'êtes pas seul.es dans l'univers. Des forces surnaturelles vont se mettre en marche pour vous perturber, des visions d'horreur vont envahir vos rêves. Vous allez devoir lutter contre vos peurs les plus profondes pour ne pas sombrer dans la folie. Mais attention, ces forces maléfiques ne reculeront devant rien pour vous anéantir. Soyez prêt.es à tout moment à vous défendre.

Sagittaires

Cher.ères Sagittaires, cette année vous pourriez être confronté.es à des situations où vous vous sentez attiré.es par l’exploration. Il est possible que vous vous sentiez plus à l'aise en découvrant de nouvelles choses et en vous éloignant de votre zone de confort. Il est important de se rappeler que la transmission de connaissances est aussi importante que l'acquisition de nouvelles connaissances. Trouvez un équilibre entre l'exploration personnelle et la passation de savoirs aux autres, pour ne pas vous retrouver dans un paradoxe où vous savez beaucoup mais vous n'arrivez pas à donner.

Capricorne

Cher.ères Capricornes, cette année sera pour vous un tour de force, Vous allez grimper haut dans l'échelle sociale, vous en prendrez l'encours. Votre ambition sera votre plus grand atout, vous serez un vrai rempart. contre tous les obstacles qui se dresseront sur votre chemin, vous les départirez. Votre détermination sera votre moteur, votre persévérance votre guide. Vous arriverez à destination, avec succès vous serez gratifié.

Les horoscopes ont été générés par Chat GPT à partir de caractéristiques imposées par nos journalistes.

47 Ludique Février 2023 — Volume 09 Nº1

Semaine de l'Action Écologique et Sociale Semaine de l'Action Écologique et Sociale

QU’EST-CE QU’ULAVAL EN SPECTACLE?

ULaval en Spectacle est une compétition de talent artistique pour les étudiantes et étudiantes de premier cycle de l’Université Laval. Cet événement en est à sa 3e édition organisée par la CADEUL. Tous les talents artistiques sont les bienvenus tels que le chant, la danse, l’humour, la musique, etc.

16 février 2023 Grand Salon

Repérez-vous grâce au plan de cours

Le consentement unanime est nécessaire a n de modi er le calendrier ou les modalités d’évaluation.
CALENDRIER DESEXAMENS RÉCIPROQUEENTENTE
Bureau 2258
Maurice-Pollack 418 656-7098
plus d’informations, consultez notre site web : www.bureaudesdroits.ca www.facebook.com/BDEUlaval/
DESHORAIRE COURS
Pavillon
bureau.droits@cadeul.ulaval.ca Pour

ÉCOUTE LOCAL 25 ans de CHYZ

ÉMISSIONS RETOUR ET NOUVEAUTÉS

L’Allongé

Cet hiver, réchauffez vos matins avec le retour de la quotidienne matinale L’Allongé ! Tous les jours de la semaine de 8h à 9h30 !

Palmarès CHYZ

Laissez notre nouveau directeur musical, William Gauthier, vous présenter toutes les meilleures sorties musicales du vendredi au dimanche, de 10h à 11h!

Dans la mire climatique

Animé par Marie-Félixe Fortin, Jeanne Des Rosiers et Naomie Laflamme, Dans la mire climatique est une émission de vulgarisation scientifique sur la politique et la justice climatique. Un mardi sur deux, de 11h30 à 12h !

APRIORI

APRIORI, c’est un cocktail de jasettes à saveur politique, sociale et militante gracieuseté des étudiant.es en affaires publiques et relations internationales de l’Université Laval! Rendez-vous tous les mercredis de 10h à 11h pour écouter des jeunes engagé.es et politisé.es vous partager ce qui les anime ou ce qui les garde éveillé.es la nuit !

SORTIES À SURVEILLER

9 Janvier Lhéfé Mentir mon plaisir

13 Janvier Ombre ! Né du néant

13 Janvier Mayfly HIDEAWAY Vol 1

18 Janvier Pas de signal Pas de signal

20 Janvier Jalouse Nature morte

3 Février Vanille La Clairière

3 Février Tropical Fuck Storm Submersive Behaviour

10 Février Zoo Baby Volume 2

24 Février DAMEFRISØR Island of Light (EP)

24 Février Gabrielle Shonk Across the room

Sorties littéraires

Bijou de banlieue – Sara Hébert – Éditions Marchand de feuilles

Quatrième de couverture : Sara Hébert puise dans l’imaginaire punk, le langage des meetings AA et les souvenirs du mariage de sa mère afin de tracer les contours de sa vie amoureuse et professionnelle. De façon intime, touchante et combative, cette autofiction illustrée s’approprie les codes des guides de bienséances, des magazines féminins et manuels de croissance personnelle pour critiquer la positivité toxique, le mythe du prince charmant et la culture du travail sexiste. Elle espère, à travers ses textes et collages, vous aider à reprendre confiance en vous, à repenser vos rapports aux patrons et à vous libérer des hommes-bouées.

D'images et d'eau fraîche – Mona Chollet –Éditions Flammarion

Quatrième de couverture : Collectionneuse d'images sur Pinterest, l'auteure donne à voir son imagier personnel et révèle la fonction émancipatrice des images, en lien avec l'enfance, la construction de l'identité personnelle, les rapports familiaux, l'amour, le partage ou encore la projection vers un avenir meilleur.

52 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu, cheffe de pupitre aux arts
ARTS
LITTÉRATURE
ET

Quatrième de couverture : De retour dans son pays natal après une longue absence, une femme prend soin de sa mère tombée malade. La veille de son hospitalisation, sa fille lui fait une promesse : l’emmener à Montauk, quand tout ira mieux. Mais comment voguer jusque-là ? Boussole pour éviter la chute et déjouer l’urgence, l’écriture dessine la route vers ce lieu inconnu, au détour des trajets et des souvenirs réveillés par les souffrances de la mère. Montauk se révèle être une utopie du calme, du bruit aboli, de la parole retrouvée.

Les mains anonymes suivi de Empire – Dario Larouche – Éditions Somme Toute

Quatrième de couverture : Les mains anonymes présente huit tableaux d’une Médée anonyme cherchant à recouvrer son humanité à travers une passion déchaînée.

Empire est un récit à trois voix qui fait défiler les images d'une civilisation sur le déclin, confinée entre les murs de ses préjugés. La fatalité broie les aspirations. Pendant ce temps, l'économie tourne.

Ces deux textes aux accents antiques trouvent leur genèse dans une actualité toute contemporaine, matière brute d’une poésie de l’horreur

Quatrième de couverture : Némo rédige un journal où elle colle des étoiles trouvées par terre et des poèmes kitsch fabriqués avec des découpes de vieux Harlequin. Elle s’y adresse à sa défunte amie Barbara dont Némo a adopté les trois marmots. Elle lui parle d'eux, de sa maternité amateur et de ses dérapes extraconjugales avec un sulfureux collègue surnommé « Brossard ».

Quand la mort avale toute la lumière, possible qu’Éros déboule de nulle part (même d’un aréna à Verdun) pour proclamer force de vie.

Crever les eaux – Joanne Morency – Hamac

Quatrième de couverture : J’aurai été celle qui est proche et lointaine celle qui retient dans ses paumes tout le sel en surplus capable de hurler sans qu’on l’entende Une enfant qui a mal à la gorge, en mal d’être vue. Une louve au ventre creux. La fragile ossature d’une lignée féminine. Une femme entreprend de faire éclater les miroirs.

53 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Voir Montauk – Sophie Dora Swan – La Peuplade romandamour – Amélie Dumoulin – Québec Amérique

Janette : un pied dans la norme, un pied dans la marge

À l’automne dernier, Léa Clermont-Dion et Janette Bertrand étaient sur le plateau de Tout le monde en parle pour présenter le documentaire Janette et filles qui agit comme une rétrospective sur la carrière colossale de Janette Bertrand et sur l’influence de celle-ci sur plusieurs femmes, militantes et artistes québécoises. Alors aujourd’hui, on a eu envie d’interroger cette posture et cette œuvre tentaculaire qui, plus souvent qu’autrement, s’est déployée dans des sphères de grande diffusion. Du courrier du cœur à l’autobiographie en passant par les recettes de cuisine, Janette Bertrand s’illustre à la fois comme une figure du féminisme et du kitsch : lumière sur une carrière de négociation des codes moraux et discursifs.

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu, cheffe de pupitre aux arts et Emmy Lapointe, rédactrice en chef

54 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
La Presse

NDLR : Aujourd’hui âgée de 97 ans, Janette Bertrand peut certes davantage incarner un féminisme considéré de « deuxième vague » plutôt qu’une figure qui serait tout à fait intersectionnelle. Mais c’est peut-être en cela que recèle toute la beauté complexe de l’héritage féministe : reconnaître, garder, écarter et poursuivre.

Mélasse sur la rue Ontario

Son magasin s’appelait « J. A. Bertrand » et, plus tard, il fera ajouter « et Fils ». Il ne lui serait pas venu à l’idée que son magasin puisse un jour s’appeler « J. A. Bertrand et Fille ». Les filles ne se succédaient pas aux pères.

Janette Bertrand, Ma vie en trois actes.

Janette Bertrand fait partie de cette lignée de femmes qui ont grandi dans un Montréal essentiellement ouvrier avant la Révolution tranquille, et qui, contre toute attente peutêtre, se sont immiscées un peu partout dans la culture québécoise et l’ont prise d’assaut. Néanmoins, contrairement à France Théoret, Denise Bombardier ou Marcelle Brisson, Janette Bertrand n’était certes pas issue de la bourgeoisie, mais connaissait une vie relativement plus confortable que ses consœurs.

Janette Bertrand est née au printemps 1925 au coin de la rue Ontario et D’Iberville dans ce qu’on appelait le « faubourg à m’lasse », référence à la fois à l’aliment et à l’huile bien connue des ouvrier.ères. Elle est la quatrième d’une famille de quatre (mais initialement cinq) enfants, ses aînés sont tous des garçons. Et si pour la génération silencieuse l’éducation post-huitième année ne va pas de soi chez les garçons, elle tient encore plus du caprice lorsqu’elle est réclamée par une fille. Pourtant, après sa formation initiale chez les religieuses, Janette Bertrand réussira à convaincre son père de la laisser poursuivre ses études. C’est aux portes de l’Université de Montréal qu’elle cognera pour y étudier les lettres. Elle devra, bien entendu, d’abord prouver sa crédibilité au doyen de la faculté, Arthur Sideleau, en faisant la démonstration de ses connaissances. Oui Monsieur le doyen, elle a bien lu Zola et Balzac

Le parcours universitaire de Janette Bertrand fut essentiellement littéraire, mais au travers des cours de lettres, elle en suivit quelques-uns d’histoire notamment ceux enseignés par Lionel Groulx. Bien que le monde universitaire ait pu satisfaire une part de sa curiosité intellectuelle, il n’en demeure pas moins qu’entourée « des bourgeois.es d’Outremont », elle ne se sentait jamais pleinement à l’aise : un classique chez les transfuges de classe.

Une fois diplômée, la bachelière tenta de devenir reporter, mais se retrouva devant des portes fermées tant à la Presse qu’à la Patrie . Elle opta donc pour une autre stratégie en offrant gratuitement ses poèmes aux journaux. C’est finalement Jean-Charles Harvey (auteur des Demiscivilisés) alors rédacteur en chef du Jour qui accepta le premier. Rapidement, Janette Bertrand publia son premier livre Mon cœur et mes chansons. Puis Harvey, qui était maintenant au Petit journal, la fit passer aux pages féminines du Petit journal, dont des milliers d’exemplaires étaient vendus chaque semaine après la messe du dimanche. À partir de 1953, et ce, jusqu’en 1969, Janette Bertrand y tiendra son courrier du cœur : Le Refuge Sentimental.

Cœurs à l’abri Jusqu’aux années 50, c’était essentiellement les médecins et les curés qui faisaient office de confesseurs, mais avec la modernisation du foyer, d’autres figures de la confession comme les psychologues se sont imposées. Néanmoins, aujourd’hui comme hier, les frais reliés aux psychothérapeutes ne sont pas accessibles à toustes. Ainsi, le courrier du cœur pouvait servir d’alternative aux classes plus populaires.

Bertrand était parfaitement consciente de sa clientèle –majoritairement des filles de 21 ans et moins issues des classes moyennes – une clientèle qui s’attirait le mépris de ses confrères. Pourtant, le courrier du cœur a permis l’institutionnalisation des échanges entre des femmes de classes différentes (la courriériste appartenant à une classe

55 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Photo par Paul Henri Talbot, La Presse

sociale plus près de la bourgeoisie).

Le Refuge Sentimental , sans être hyper subversif, est assurément plus libéral que les positions de l’Église et met en son centre l’intérêt de ses correspondantes. Évidemment, les conseils de la courriériste ne font pas l’unanimité.

Voici un échange publié dans l’édition du 11 décembre

Aline Dufour à Janette Bertrand : Excusez-moi si je prends la liberté de venir vous importuner, mais je crois qu’il est de mon devoir de venir me plaindre de votre courrier, « Le Refuge Sentimental ». Vous allez peut-être me trouver vieux jeu, mais je trouve que votre courrier est tout simplement écoeurant; non parce que je suis scrupuleuse, loin de là. Mais je songe aux jeunes qui lisent vos lignes et qui peuvent se corrompre. […] Allons, madame Bertrand, un peu plus de propreté dans vos écrits; les paroles s’envolent, les écrits restent. […] Il y a un proverbe qui dit : « Dis-moi ce que tu écris, je te dirai ce que tu vaux. » Donneriez-vous du poison à votre enfant ? Dans votre courrier, c’est du poison moral authentique que vous servez à vos lecteurs. Je vous sais très intelligente; c’est un don de Dieu, et vous devriez lui prouver votre reconnaissance en vous servant pour élever vers le bien au lieu de faire voir la vie terre à terre.

Janette Bertrand à Aline Dufour : Vous dites que le courrier est « écœurant », alors vous devez trouver la vie écœurante car les lettres sont le reflet de la vie, et si je publie ces lettres c’est que je suis convaincue que leur publication peut rendre service et à ceux qui m’écrivent et à ceux qui me lisent. […] Il n’y a donc pas autour de vous des enfants illégitimes, des filles-mères, des ménages irréguliers ? Ou bien vous êtes une vieille fille qui refuse de croire à la sexualité ou bien vous êtes une jeune naïve. De toute façon, les jeunes qui lisent les lettres ne peuvent en aucune façon se corrompre. Au contraire, les lettres sont des lettres de désespoir, des lettres de malheur. […] Nous vivons en 1955, Mademoiselle, à l’époque du « necking », du cinéma de la TV, de la bombe atomique, il faut donc préparer les jeunes à lutter et ce n’est pas en lisant les romans roses qu’on se prépare à savoir vivre. […] Les proverbes ne sont pas des principes de vie : ce serait trop facile. […] Venez lire les lettres, ça vous apprendra qu’il faut descendre sur terre pour soigner les maux de la terre. […] Mademoiselle, votre étroitesse d’esprit et celles de vos pareilles expliquent que les crèches du Québec alimentent en bébé le continent nord-américain. Je regrette, mais je continuerai ce courrier « écoeurant ». Qu’est-ce que vous voulez, je ne base pas ma vie sur des proverbes mais sur la charité. Tant pis, si ça vous scandalise.

56 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
1955.

Tomber dans les courriers du cœur, c’est tomber dans un rabbit hole. Parmi le nombre incommensurable de lettres et de réponses publiées, une grande variété de sujets sont abordés. Dans son mémoire, Johanne Sénéchal les regroupe en quelques catégories : amour, apparences, famille, fille-mère, fréquentations, homosexualité, infidélité, mariage, sexualité, timidité et violence. À travers ces thèmes, de nombreux constats sont possibles (évidemment), mais de ceux-là, certains ressortent plus que d’autres. On constate entre autres que « malgré les interdits sociaux qui entourent la sexualité hors mariage », les jeunes femmes des années 50 et 60 ne se collent pas de façon aussi stricte que « l’histoire ou la mémoire collective ont pu nous le faire croire. » (Sénéchal, 2006, p. 43) Et dans ses réponses, Janette Bertrand se prive d’émettre un jugement à l’égard de celles qui se confient et tente de négocier un propos qui se situe entre la norme sociale établie et la « marge ». Par exemple, à une correspondante qui lui confie ne pas réussir à obtenir le consentement de ses parents pour épouser l’homme qu’elle fréquente depuis un bon moment et qu’elle aime, Janette lui propose de dire à ses parents que « des fréquentations plus longues pourraient être dangereuses, étant donné qu’un couple qui s’aime se désire aussi. » (7 février 1960)

Alors qu’on voit dans les courriers du cœur des parents qui s’inquiètent du confort matériel qu’ils pourront offrir à leurs filles, ces dernières, de plus en plus, mettent cet aspect de côté et valorisent d’autres caractéristiques chez leurs prétendants comme le fait que ceux-ci soient respectueux et ne tentent pas de les séduire ou, en d’autres mots, d’avoir des rapports sexuels prémaritaux. Il s’agit d’une caractéristique aussi mise de l’avant par Janette pour qui, le contraire ne serait « pas faire preuve de la noblesse de [leurs] sentiments à [leurs] égard[s]. » (5 juillet 1964)

Janette Bertrand encourage les jeunes filles à s’inscrire à des activités de loisir, sportives, à aller aux activités paroissiales, bref à occuper la sphère publique. Elle prône également le fait de prendre son temps pour connaître son prétendant et même d’en « tester » plus d’un. Et surtout, elle soutient qu’une fréquentation qui rend déjà plus malheureuse qu’heureuse avant le mariage ne s’améliorera pas une fois la bague passée au doigt, et qu’il ne faut donc pas hésiter à quitter une relation qui ne nous comble pas. Puis, sans « [encourager] jamais l’insubordination aux parents » (Sénéchal, 2006, p. 53), elle encourage le dialogue avec ceux-ci : « Vous allez parler très sérieusement à votre maman. » (5 juillet 1959) afin de toujours soutenir l’agentivité de ses lectrices.

Les recettes de Janettes

J’ai toujours aimé manger. J’ai joué à la cuisinière avant de jouer à la mère. Et puis je me suis mariée et j’ai su tout de suite que le cœur d’un homme se situait juste derrière son estomac et que pour l’atteindre…J’ai suivi des cours, j’ai chipé des recettes à mes amies, je suis allée découvrir des trucs même dans les cuisines de restaurants en France, en Italie et en Espagne et j’ai inventé. […] Vous constaterez que je prends souvent des raccoursis (sic); je m’en excuse auprès des adeptes de la haute cuisine mais les femmes modernes aiment passer le moins de temps possible à la cuisine et bien manger quand même.

Janette Bertrand,1968, L'union des Cantons de L'Est

Si notre chère Janette a lutté contre les violences sexistes et les inégalités au sein du couple tout au long de sa carrière, c’est aussi par l’intermédiaire de la cuisine qu’elle a su rejoindre les femmes québécoises, d’abord avec son livre Les recettes de Janette et le grain de sel de Jean (1968, Éditions du Jour) à ce jour vendu à plus de 250 000 exemplaires, puis avec Les recettes de Janette : En cadeau 165 nouveaux délices (2005, Libre Expression). Parlonsen, d’un levier d’affirmation identitaire féministe kitsch et d’héritage au féminin.

Bien que l’historique du livre de recettes le rattache à une conception du couple qui sous-tend une répartition inégale des tâches ménagères (Dompierre-Beaulieu, 2021) ou qu’il soit, encore à ce jour, boudé par l’institution littéraire et certaines branches du féminisme, il n’en demeure pas moins un vecteur d’émancipation et de transmission du savoir entre femmes, témoignant du désir de communiquer de cette icône de la culture populaire au Québec. Cette

57 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Éditions du jour

reconnaissance n’a certes pas besoin de passer par une forme d'institutionnalisation, mais la publication permet tout de même une forme de consécration, et la portée des recettes de Janette montre l’ampleur de son influence à la fois dans la sphère intime et privée des foyers et dans l’espace public. C’est que « la cuisine n’y est pas qu’une construction sociale, un effet de la société, mais aussi un fait social qui agit sur le monde et contribue à le structurer.»

(Bégin, 2014) Effectivement, « le travail de beaucoup d’historiennes, c’est de montrer comment le livre de recettes est un outil privilégié d’observation d’une société, surtout du point de vue des femmes. C’est très difficile de faire l’histoire des femmes, parce qu’on a voulu les effacer des écrits, de l’Histoire. Les historiennes qui s’intéressent aux livres de recettes y voient une bonne porte d’entrée.»

(Niquette, 2021). Surtout, le livre de recettes de 2005 inclut, quant à lui, un lot de pages blanches qui permettent à ses détenteur.rices d’ajouter elleux-mêmes leurs propres recettes, c’est-à-dire des pages destinées à la prise de notes. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’adeptes des livres de cuisine cherchent à se procurer des versions usagées, dans les marchés aux puces, par exemple : « Les femmes annotaient beaucoup leurs livres, changeaient et adaptaient les recettes, y mettaient des coupures de presse sur l’actualité concernant des événements qui les avaient marquées. […] Ce sont des traces écrites de l’expérience des femmes et du rôle médiateur des recettes en question. » (Niquette, 2021). On voit bien comment la cuisine et la culture populaire en général contribuent à former une communauté et une sororité comme autant d’espaces d’affirmation, malgré ce que peuvent en dire les wannabe-trop-edgy-je-suistellement-différent.e et les plus snobinard.es. Dans ce cas

précis, c’est une réappropriation du capital familial qui s’opère, sortant de ce fait du paradigme de la cuisine comme outil de subordination. Ces implications de Janette Bertrand lui ont permis de rejoindre de plus larges publics en procédant d’une mise en échec d’un féminisme qui s’est longtemps vu réservé à une certaine élite. Adieu les simples ménagères, dites bonjour à la femme moderne.

L’Amour avec un grand A Je ne suis peut-être pas une experte de l'amour, mais peut-être bien de la vie à deux: j'ai été 64 ans en couple, mais pas avec le même homme! […] J'ai toujours écrit les épisodes de L'amour avec un grand A à partir de choses qui me fatiguaient. On ne parle que des 50% de couples qui se séparent, mais l'autre moitié reste ensemble! Comment font-ils ? Comment règlent-ils leurs petits problèmes de la vie ?

Janette Bertrand, 2013, La Presse

Écrite par Janette Bertrand et diffusée sur les ondes de Radio-Québec du 19 février 1986 au 22 mars 1996, la série de télédramatiques L’Amour avec un grand A regroupe 52 épisodes d’une cinquantaine de minutes à propos de l’amour, qu’il soit question de relations conjugales, de relations familiales, plus largement de relations interpersonnelles, de santé sexuelle et de santé mentale. Alors qu’à première vue et en rétrospective les thématiques abordées puissent nous paraître relativement communes et à ce jour normalisées ou méritants de sérieux traumavertissements, les dates de diffusion permettent de prendre la pleine mesure de leur ampleur et de leur statut lorsqu’on les replace dans leur contexte de production et d’énonciation.

58 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Parler pour parler Éditions libre d'expression

« Une mère aux idées avantgardistes sur le couple se confronte à sa fille qui rêve d’un amour traditionnel »

Le cancer

« Une femme mariée découvre l’homosexualité de son mari »

Le sida

Les échanges de couples

Aimer un prisonnier

La panne de désir

La ménopause

Le suicide des personnages âgées

Élever une enfant handicapée

L’amour interdit, être prêtre et aimer une femme

L’amour qui tue, la violence conjugale

Ça fait pas partie de la job, le harcèlement sexuel au travail

Quand j’aurai 80…, « la différence d’âge dans le couple » (lorsque la femme est plus vieille que l’homme)

On ne choisit pas qui on aime, « Des parents doivent accepter l’homosexualité de leur fille »

L’amour c’est pas assez, la schizophrénie

Le petit chaperon rouge, le viol collectif

épisode 3

5 mars 1986

épisode 5

épisodes 9 et 10

épisodes 11 et 12

épisode 13

épisode 15

épisodes 20 et 21

épisode 22

épisodes 23 et 24

épisode 26

épisode 29

épisode 31

épisode 33

épisode 34

19 mars 1986

27 février et 6 mars 1987

19 et 26 février 1988

4 mars 1988

18 mars 1988

24 et 31 mars 1989

8 décembre 1989

2 et 9 février 1990

23 février 1990

22 février 1991

8 mars 1991

6 mars 1992

13 mars 1992

épisode 35 épisode 36

épisode 37

20 mars 1992

27 mars 1992

5 mars 1993

59 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
THÈME NUMÉRO D'ÉPISODE DATE DE DIFFUSION

C’est la faute à Barbie, la boulimie et l’anorexie

Bye mon grand, « Le deuil d’une mère après le suicide de son adolescent »

Chère maman, « La relation d’une femme avec sa mère vieillissante »

Secret de famille, l’inceste

L’amour global, les sectes

La cigogne, les mères porteuses

Pas d’bec, pas d’chèque, la prostitution

L’étrangleuse, l’infanticide

L’enfer de l’âge d’or, « la violence et les abus envers les personnes âgées »

épisode 38

épisode 40

12 mars 1993

26 mars 1993

épisode 43

épisode 44

épisodes 45

épisode 47

épisode 50

épisode 51

épisode 52

18 mars 1994

25 mars 1994

4 novembre 1994

17 mars 1995

24 novembre 1995

1e mars 1996

22 mars 1996

À l’époque, Janette Bertrand prenait ainsi le pari de l’éducation par l'entremise de la subversion et plus encore de la monstration au sein d’instances médiatiques dites traditionnelles. Les épisodes mettaient tous en scène l’intimité, permettant d’ouvrir la voie à la discussion face à ces enjeux qui, s’ils étaient bel et bien réels et présents au Québec, étaient néanmoins laissés dans l’ombre, relayés à l'arrière-plan et réservés aux murmures. Ses autres émissions Parler pour parler ainsi que Janette veut savoir abondaient elles aussi dans ce sens, la mère de Frédérik ayant bien expliqué comment toute sa famille s’y était alors raccrochée, leurs 6 paires d’yeux rivées sur la télévision, sur Janette et ses invité.es.

D’ailleurs, en discutant de l’article avec un groupe d’ami.es, l’une nous raconte une anecdote bien personnelle qui, tout de suite, retient notre attention. Dans le cadre d’un cours d’ethnographie, cette dernière avait réalisé une entrevue avec sa grand-mère sur le quotidien d'une femme

habitant dans un village de chantier, dans le présent cas lors de la construction de la centrale Manic-5-PA dans les années 1980. Son aïeule, à l’époque mère au foyer et ayant accompagné son mari, lui avait confiée comment certaines femmes se rassemblaient pour visionner les épisodes de L’Amour avec un grand A, toutes grandes fanatiques de Janette Bertrand (Jean, 2020). C’est qu’elle n’avait pas seulement réussi à capter l’intérêt de femmes de tous horizons : elle les avait également réunies autour de propositions audacieuses, confrontantes et surtout sensibles à leur vécu et à sa complexité, à l’expérience singulière de ces minorités représentées et mises à l’écran, opérant de ce fait d’un décloisonnement et évitant, du moins, pour cette période, le piège de l’homogénéité. Des ami.es, une mère ; la vérité, c’est que toutes les personnes à qui on en a parlé avaient quelque chose à raconter sur Janette et la place qu’elle occupait dans leur famille, leur foyer.

60 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Écrire l’intime

Bien qu’il n’y ait eu aucune autobiographie féminine publiée au Québec entre les trois siècles qui séparent l’autobiographie spirituelle de Marie de l’Incarnation et celle de Claire Martin en 1965, on a souvent tendance à associer ce genre littéraire aux femmes. Et si maintenant les autobiographies féminines peuplent les tablettes des villages des valeurs et semblent tout à fait inoffensives, il fut une époque où elles dérangeaient l’ordre établi. En effet, Dans un gant de fer , autobiographie de Claire Martin publiée en 1965, l’autrice y sert une critique de la violence du père (et du Père) et ça choque. Or, la même année, Marie-Claire Blais publie Une saison dans la vie d’Emmanuel qui traite de thématiques différentes. Ce qui les différencie : l’un prétend être fictif alors que l’autre non (Smart, 2014).

Alors si l’autobiographie paraît un peu kitsch aujourd’hui, et ce, entre autres parce qu’on l’associe aux femmes, il n’en demeure pas moins qu’elle est un acte de parole qui implique une vulnérabilité, certes, mais qui, surtout, transfère dans la sphère publique des éléments liés à la sphère privée. Et ça, bien que l’idée que le privé soit aussi politique est aujourd’hui galvaudée, c’est une idée vers laquelle nous retournons de plus en plus. C’est également sur cette idée que Janette Bertrand a basé, consciemment ou non, une bonne partie de sa carrière : rendre visibles les choses cachées qui ternissent et se faufilent insidieusement. Qui plus est, son autobiographie, Ma vie en trois actes, en plus d’être le reflet d’un pan de l’histoire québécoise d’un point de vue que l’on retient moins (celui d’une femme) est porteuse d’une réelle littérarité.

61 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
La Presse

« Ils se sont mariés en 1914, l’année de la Grande Guerre. Ma mère a épousé mon père pour lui sauver la vie. Ils ne s'aimaient pas, et parce qu’ils ne s’aimaient pas, elle n’a pas pu m’aimer. Quel soulagement. Ce n’est pas parce que je ne suis pas aimable que ma mère ne m’a pas aimée, mais bien parce qu’elle n’a pas pu me donner ce qu’elle n’a pas eu : de l’amour. Je comprends tout. La dette de mon père envers ma mère. La fuite de ma mère dans la maladie. Et moi qui me meurs d’amour pour elle et elle qui ne m’embrasse, qui jamais ne me caresse […] Je comprends, elle n’a jamais eu la vie qu’elle voulait et si elle m’a rendue malheureuse, c’est qu’elle l’était. […] L’enfant en moi qui n’a pas été aimé de sa mère croit encore qu’il ne mérite pas l’amour des autres. » (Bertrand, 2004, p. 11)

« Je ne me lève pas le matin en me disant que j’ai soixante-dix ans. Je ne peux pas avoir soixante-dix ans. Je suis dans le déni, c’est évident. Je ne veux pas de cette vieillesse qui me tombe dessus. Qui veut être vieux dans un pays qui ne valorise que la jeunesse ? Il n’y a aucun avantage à être vieux dans un pays où la notion d’expérience est discréditée, où on ne valorise que l’individu qui rapporte ou qui consomme. On ne conçoit pas comme dans d’autres pays, la Chine, par exemple, qu’avec les années le savoir s’accumule et qu’un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. […] Mon travail a été et est encore toute ma vie. Moi, j’ai peur qu’on ne m’engage plus, qu’on ne veuille plus de moi, que la télévision se passe de moi. » (Bertrand, 2004, p. 376)

Un viol ordinaire

*Je suis une personne heureuse, mais mon problème, le voici. Quand j’ai des relations avec mon mari, ça ne me fait rien à moi. Alors mon mari dit que je devrais me faire soigner. Est-ce que je pourrais consulter mon médecin sans inquiétude ? Je suis un peu gênée. Je voudrais tant que mon mari soit heureux que je pourrais faire tout pour lui. Je l’aime beaucoup et je ne voudrais pas le perdre à cause de ma frigidité.

Tout ce que votre médecin peut faire pour votre mari, c’est de lui dire comment s’y prendre avec vous. Il n’y a pas de femmes froides, il n’y a que des hommes trop pressés, trop maladroits, et ce sont eux qui doivent rendre visite au médecin pour obtenir les explications qui s’imposent, ou encore se renseigner en lisant “le Droit à l’amour pour vote femme” ou d’autres ouvrages sérieux sur la frigidité féminine.

Janette Bertrand, 1963, Le petit journal.

Un viol ordinaire, c’est l’histoire « de Laurent, un homme normal, qui un soir oblige Léa, sa blonde, à faire quelque chose qu'elle ne veut pas. Ce geste, ce viol ordinaire, ébranle la vie de la famille. Julie, la mère, a besoin de

comprendre pourquoi son fils chéri a dépassé les limites. Paul, le père, bien ancré dans ses opinions, n'en démord pas : “ Un gars, c'est un gars.” Quant à Léa, elle est prête à perdre l'homme qu'elle aime pour un monde plus juste.» (Bertrand, 2020). Une quatrième de couverture qui parle d’elle-même et qui, déjà, donne le ton.

Rattaché à sa production culturelle plus récente, cet ouvrage s’attaque aux violences sexuelles au sein du couple, prise de parole qui s’inscrit, au moment de sa publication, en pleine résurgence du mouvement #moiaussi et des féminicides au Québec, et, en l'occurrence, en plein ressac antiféministe. Mais, en parallèle des violences, d’une culture du viol obstinée et persistante et d’un discours social ambiant qui opte pour le déni, des vagues de support, de soutien, de sororité et d’adelphité. Les victimes ont besoin d’être entendues, d’être crues, et plus que tout leur parole a besoin d’être légitimée et leur expérience reconnue. Janette Bertrand, en écrivant Un viol ordinaire, représente justement cette ouverture vers un dialogue proconsentement face à ces violences que l’on peine encore à prendre au sérieux. Dans une entrevue avec Janette Bertrand dans La Presse , la journaliste Silvia Galipeau questionne : « Alors, qu’est-ce que ça prend ?

62 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Tout simple : “ Que les hommes soient au courant de nos peurs !”, répond [Janette] sur le ton de l’évidence. Comme son Laurent, qui fait une solide (et un brin rapide) introspection assez transformatrice, merci, elle espère que les hommes en général, et ses lecteurs en particulier, prendront ici conscience que ça ne va pas. Que ça ne va plus. Que ça n’a jamais été, en fait. “Mais j’ai bon espoir, dit-elle, avec son entrain légendaire. Les hommes ont découvert les bienfaits de la paternité, ils ne veulent plus que ce soit autrement. J’aimerais que ce soit pareil pour l’égalité.” Et elle tient ici un argument de poids : “Si la femme a le pouvoir de dire non, imaginez quand elle va dire oui ! Ça va être le fun !” Bien dit. Entendu ? ».

Le choix du roman est également judicieux. D’une part, le capital symbolique, ici de l’autrice – oui oui ! – ainsi que la dimension « populaire » du livre risquent d’assurer à son récit un bon volume de vente, et, en même temps, une plus grande entrée du discours féministe contre les violences conjugales au sein des familles, des couples et des relations au Québec. Si à une certaine époque l’on qualifiait Janette de « briseuse de mariages » (Clermont-Dion, 2022), la littérature et la fiction sont, d’autre part, des outils didactiques efficaces en se posant comme vecteurs de

médiations, de problématisation et de représentations de ces réalités, sans surprise normalisées et intégrées aux scripts et schèmes sexuels dominants. Une Janette de plus, dix machos de moins.

Janette et filles : une question d’héritage

Si ce succulent et touchant documentaire de Léa ClermontDion jette un éclairage sur la carrière de Janette et de son héritage, il nous rappelle aussi le chemin qu’il reste à parcourir. Il nous rappelle que, encore aujourd’hui, « le masculin n’est pas le masculin, mais le général. Ce qui fait qu’il y a le général et le féminin. » (Wittig, 1992, p.12). Janette a certes su intégrer divers pôles culturels androcentrés, mais c’est par les formes de l’intime qu’elle a initialement su s’y tailler une place, couteau à double tranchant puisque les genres de l’intime tendent souvent à limiter l’ascension des femmes et à les y confiner. Pourtant, comme le mentionne le documentaire, Janette a réellement pu faire de ces expériences et productions « féminines » a priori limitées à la sphère intime des vecteurs d’émancipations, de dialogues et d’éducation qui avaient une prise sur le social, le privé et le politique étant intrinsèquement liés l’un à l’autre.

63 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
La Presse La Presse

Ce n’est toutefois pas sans embûches et travail ardu que s’est déroulé, tout au long de sa carrière, le parcours de Janette, ayant été forcée, comme plusieurs femmes, « à emprunter des chemins et des voies de contournement, à mettre en place des techniques, des stratégies et des réseaux en marge pour en arriver à leurs fins […] et c’est une tradition, un mode de pensée qui continue d’agir et qui les force à constamment négocier avec les normes de genres. » (Dompierre-Beaulieu, 2022). Pensons à Anne Hébert en littérature qui avait, en 1950, fait imprimer à ses frais son recueil de nouvelles Le Torrent , aujourd’hui

consacré et repris par les Éditions Beauchemin, malgré plusieurs refus initiaux de la part de maisons d’édition. Même chose en 1953 pour son recueil Le Tombeau des rois, avec le soutien financier de l’écrivain Roger Lemelin (Watteyne, 2008). Bien qu’anecdotique, cet exemple et de manière encore plus frappante celui de Janette se recoupent, rejoignant toutes deux cette difficulté qu'ont rencontrée et que rencontrent les femmes lorsqu’il est question non pas nécessairement de prendre sa place, mais de s’en créer une, de se frayer un chemin pour soi et pour toutes les autres.

64 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
La Presse

Références

Bertrand, J. (1950-1968). « Le refuge sentimental ». Le petit journal.

Bertrand, J. (2004). Ma vie en trois actes. Montréal, Libre-Expression.

Dompierre-Beaulieu, F. (2021). « Entre cuisine et féminisme : plus qu’une histoire de ménagère ». Impact Campus.

Dompierre-Beaulieu, F. (2022). « Jeanne Lapointe: héritage d’une intellectuelle oubliée ». Impact Campus.

Gagnon, S. (1993). « Confession, courrier du cœur et révolution sexuelle ». Discours et pratiques de l’intime. Québec.

Galipeau, S. (2020). « Janette Bertrand n’a pas dit son dernier mot». La Presse.

Jean, E. Entrevue sur le quotidien d'une femme habitant dans un village de chantier avec Andrée Grenier Laprise, 21 février 2020, enregistré sur support numérique, 65 min. Archives personnelles de l'autrice

LeBel, A. (1990). « Janette Bertrand se raconte ». Cap-Aux-Diamant, n o 23.

Sénéchal, J. (2006). Fréquentations et mariage, les représentations de jeunes québécoises à travers l’étude d’un courrier du cœur . Université Laval.

Smart, P. (2014). De Marie de l’Incarnation à Nelly Arcan : Se faire se dire par l’écriture intime. Montréal, Boréal.

Vallet, S. (2013). « Sur le divan avec Janette Bertrand ». La Presse.

Watteyne, N et al. (2008). Anne Hébert: chronologie et bibliographie des livres, parties de livres, articles et autres travaux consacrés à son œuvre, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal.

Wittig, M. (1992). La Pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam.

65 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1
Janette voyage

Survol d’un cinéma désastreux : le cas du nanar

Qui, lors d’une soirée entre ami.es, n’a jamais visionné un film tellement mauvais qu’il en devenait hilarant? Qui, au détour d’un DVD choisi un peu par dépit, n’a pas déjà été pris.e d’un fou rire devant une scène si absurde qu’elle semblait relever du génie? Si c’est votre cas, il y a de fortes chances qu’il s’agissait d’un nanar, ces curiosités filmiques si nullissimes qu’elles deviennent des objets de fascination. Mon objectif avec ce texte est de présenter un survol à la fois historique et formel du nanar au cinéma et de faire découvrir quelques longs métrages dont la médiocrité n’a d’égal que leur absurdité.

Par William Pépin, journaliste multimédia

Bien plus qu’une abomination cinématographique

Le nanar n’est pas si simple à définir : il vient avec son lot de nuances et une confusion terminologique persistante, notamment avec le terme « navet ». C’est plus qu’un film : il s’agit d’un film raté tellement raté qu’il en devient drôle, voire fascinant à regarder. Pour l’instant, contentons-nous d’une définition (empruntée à la plateforme Nanarland), qui aura le mérite d’être utile pour la suite de notre réflexion:

Le terme « nanar » est employé par certains cinéphiles pour désigner des films particulièrement mauvais qu’on se pique de regarder ou d’aller voir pour les railler et/ou en tirer au second degré un plaisir plus ou moins coupable. Soit, selon la définition d’un amateur, « un navet tellement navet que ça en devient un dessert ». (Glossaire, 2023)

Ici, on comprend un peu mieux la distinction entre les deux termes si souvent confondus. Si tous deux possèdent une connotation péjorative, le nanar, quant à lui, est dans les faits bien plus intéressant en tant qu’objet culturel : de lui, on peut en retirer plusieurs choses, et pas que des fous rires. Néanmoins, après le visionnement d’un métrage pas terrible, trancher entre le nanar ou le navet n’est pas toujours simple, puisqu’une part de subjectivité est à prendre en compte dans la valeur accordée à un film. Si, par exemple, je peux m’esclaffer devant les maladresses de Plan 9 from Outer Space (1959) d’Ed Wood, il est tout aussi possible pour vous de trouver le film inintéressant et ennuyeux, voire kitsch. En revanche, un long métrage aussi culte que celui-ci a tout de même su traverser l’épreuve du temps et rallier sa communauté de fanatiques. Par la force

des choses, il a été consacré comme nanar. Loin d’être seulement une étiquette personnelle que l’on accole à un film, le nanar possède donc une valeur culturelle indéniable. Je reviendrai sur cette dimension culturelle du nanar un peu plus loin.

De plus, malgré les apparences et un résultat final douteux, le nanar n’est pas ironique : il est conçu avec toutes les bonnes intentions du monde, souvent dans une perspective dialogique avec le cinéma qui le précède. C’est, au fond, ce qui le distingue du navet, soit cette volonté de s’ouvrir sur d’autres formes filmiques, comme le western , le fantastique, l’horreur ou encore la science-fiction. Ici, l’ingénuité et l’hommage sont au centre de la démarche.

Les origines du nanar sont difficiles à circonscrire. On peut toutefois souligner l’un des premiers nanars, Reefer Madness (1936), un film faisant de la propagande antidrogue et mettant en scène les méfaits (exagérés, allant jusqu’au meurtre) de la consommation de la marijuana (Paillet, 2018). Le film connaît une seconde vie dans les années 70, réapproprié et tourné en ridicule par des militant.es de la décriminalisation du cannabis (Mansier, 2004, p. 151).

Quant au phénomène de la nanarophilie, soit la réappropriation de désastres filmiques à des fins de célébration ironique, mais sincère, certain.es chercheur.euses – comme Antonio Dominguez Leiva, professeur de culture populaire au département d’Études littéraires à l’UQAM – expliquent qu’il faut remonter au mouvement surréaliste pour observer l’émergence de cette

66 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

sous-culture cinéphile : « Les surréalistes, qui voulaient que le cinéma reste un art populaire, revendiquaient tout ce qui était mal foutu dans le cinéma. Ils étaient fascinés par les cascades et les choses qui ne se passaient pas bien. » (Arsenault, 2016). C’est intéressant, parce que la démarche des surréalistes est fondée sur une insurrection contre le milieu culturel bourgeois et ses icônes. Dès lors, on constate que la nanarophilie (ou la nanarofolie…) est d’abord une forme de revendication, un contre-pouvoir caractérisé par une réappropriation culturelle.

Le kitsch au cinéma : une question de temps…

Bien souvent, on peut confondre un film kitsch avec une proposition nanardesque. Le kitsch se résume en fait à un film quétaine, mais qui n’est pas forcément intéressant pour autant. La plupart du temps, la dimension kitsch d’un métrage se révèle avec les années, faisant d’un film une capsule temporelle figée à une époque précise et dont l’exécution n’est pas tant risible que sans intérêt. Encore une fois, il convient de rappeler que la ligne peut être mince entre un navet, un film kitsch et un nanar.

Turkish star wars (dünyayi kurtaran adam) — 1982

— science-fiction/arts martiaux — çetin inanç

La guerre des plagiats

Si ce film vous laisse une impression de déjà-vu, c’est normal : plusieurs images du film proviennent du Star Wars de 1977. Par-dessus celles-ci, un narrateur déblatère une intrigue sur fond de guerre nucléaire entre un empire galactique et une civilisation humaine, si bien que les séquences du film de Georges Lucas sont complètement dévoyées. Il y a quelque chose d’hilarant à voir le Faucon Millenium, des X-Wings et l’Étoile de la mort côtoyer des guerriers turcs pilotant des Tie-Fighters. Après tout : pourquoi se faire chier à concevoir ses propres effets spéciaux alors qu’on peut se contenter de prendre ce qu’a fait le voisin, surtout quand on souffre d’un budget anémique? Le plus drôle dans tout ça, c’est que les images volées ont été filmées sur un écran. Oh, et le thème musical d’Indiana Jones accompagne la majorité des scènes de combat. Le film nous laisse dans un état d’hébétude avec son montage épileptique et ses costumes rafistolés à la colle chaude.

67 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Ed Wood et son Plan 9 from Outer Space

« Greetings friend. We are all interested in the future, because that is where you and I are going to spend the rest of our lives. » Cette phrase liminaire, digne d’un sujet amené de cégépien.ne, est représentative de l’ensemble de la proposition d’Ed Wood. Si Plan 9 from Outer Space n’est pas le premier nanar de l’histoire (en admettant qu’un tel titre existe), il est certainement le plus connu, étant considéré par plusieurs comme l’un des pires films de l’histoire du cinéma. Une des caractéristiques intéressantes à présenter ici est l’hybridité du film quant aux genres qu’il exploite : il emprunte aux codes des films gothiques et des films de zombies, tout en s’imprégnant des tropes sciencesfictionnelles avec, au cœur de son intrigue, un discours typique de l’après-guerre sur l’armement nucléaire.

La liste des maladresses est longue : une intrigue décousue, des acteurs épouvantables, des effets spéciaux ratés, un montage à la grammaire trouble, un mixage son inégal, des pierres tombales en mousse, des extraterrestres à l’apparence humaine aussi intimidants qu’un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture, des dialogues absurdes, une brochette de personnages hétéroclites n’ayant rien à faire ensemble, des plans recyclés d’autres métrages, des silences gênants, des apparitions (pas si furtives)

68 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

d’équipements de tournage à l’écran, de nombreux faux raccords (comme un champ-contrechamp alternant entre le jour et la nuit) ou encore une doublure d’un Béla Lugosi (malheureusement décédé en plein tournage) qui laisse à désirer. Si la fascination autour de la proposition peut s’expliquer de bien des manières, le piétinement des règles formelles élémentaires peut justifier à lui seul la réputation du film. Ces règles, une fois transgressées, se révèlent au public dans toute leur évidence, si bien que Plan 9 from Outer Space peut être considéré comme une belle leçon de cinéma pour quiconque aspire à travailler dans l’industrie. Toutefois, malgré toutes ces lacunes, ça ne veut pas dire que le film en devient détestable, bien au contraire.

Selon moi, son charme vient du potentiel qu’on y décèle, qui nous ramène à l’essence même du nanar, et ce, malgré sa quantité astronomique de défauts. Je pense que c’est Simon Laperrière, co-auteur de L’éloge de la nanarophilie, qui explique le mieux ce phénomène : « [l]e nanar, c’est le rendez-vous manqué avec le spectateur ». (Brocher, 2017, 1 : 04) De mon côté, j’aime comparer le nanar à un avion explosant en plein vol et dont les morceaux tombant du ciel sont réassemblés pour construire un nouvel objet culturel. D’ailleurs, il faut arrêter d’exagérer : Plan 9 from Outer Space est loin d’être l’un des pires films de l’histoire. Il y a bien pire, mais surtout bien plus cynique.

Par ailleurs, avec son excellent Ed Wood (1994), Tim Burton réussit à rendre hommage au cinéaste éponyme et à restituer toute la sensibilité qui se cache derrière sa démarche de cinéphile aspirant à exercer son art et à être reconnu comme tel. Le fait que Plan 9 from Outer Space est le dernier rôle de Béla Lugosi ajoute d’ailleurs à la dimension mélancolique du long métrage que Burton rend d’ailleurs à merveille. Pour Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies , c’est de là que vient le charme nanardesque : « Ce qui est très très intéressant, c’est vraiment le côté mélo, c’est-à-dire d’apporter une touche qui soit sincère […] Le film ne prend jamais en dérision son histoire, il s’efforce de la raconter du mieux qu’il peut ».

(Brochier, 2017, 6 : 15)

69 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Le nanar : une simple question de genre?

Le nanar en lui-même n’est pas exclusif à un genre en particulier. De la comédie au fantastique, du cinéma d’horreur au cinéma d’action, il existe autant de catégories de nanars que de genres cinématographiques. Vous voulez explorer les autres horizons que vous proposent habituellement les Michael Myers, Freddy Kruger et Jason Voorhees de ce monde? Pas de problème : des films comme Killer Workout (1986), Silent Night, Deadly Night Part 2 (1987) ou encore Nail Gun Massacre (1985) sont faits pour vous. Vous êtes dégoûté.e par le massacre industriel que commet Disney à l’égard de la franchise Star Wars au cinéma et vous avez envie de voir ce qui se fait de mieux dans le space opera ? The Man Who Saved the World (1982), également connu sous le nom de Turkish Star Wars, pourrait vous intéresser. Vous trouvez les Seigneur des Anneaux trop longs et votre emploi du temps ne vous le permet pas? Conquest (1982) de Lucio Fulci ne fait qu’une heure vingt-huit minutes!

Souvent, ce qui fait d’un film un nanar, c’est son hybridité générique douteuse, plus près de la macédoine rance que d’un habile mélange comme avec Le Pacte des loups (2001) de Christophe Gans, un film de cape et d’épée

70 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

côtoyant le film d’arts martiaux. Avec les nanars, il y a une volonté de vouloir tout dire, tout faire, et le souhait d’une démesure.

Le sens du spectacle est tout aussi central dans les propositions nanardesques, allant parfois jusqu’à assumer une dimension foraine. Je pense ici à Terror of Tiny Town (1938), un western avec une distribution entièrement composée de personnes de petite taille et dont les décors ne sont pas adaptés à leur grandeur. Pour Christophe Bier, historien du cinéma, « [l]es racines foraines du cinéma sont évidentes, surtout quand on fait appel à des particularités physiques ». (Brochier, 2017, 2 : 57) Bier va plus loin en expliquant que, pour certain.es producteur.rices, les films se construisaient avant tout par un titre et une affiche, que leur dimension marketing primait sur les ambitions créatives des réalisateurs. En ce sens, il mentionne l’exemple d’Eurociné, une société de production française :

Eurociné, par exemple, c’est La vie amoureuse de l’homme invisible, Elsa Fraulein SS, Les amazones du temple d’or, La pension des surdoués, Les orgies du Golden Saloon, L’Horrible Docteur Orloff, qui est le film le plus respectablede tout ce que je viens de citer. C’est-à-dire des films qui sont d’abord construits à partir d’un titre. Le créateur d’Eurociné est un ancien forain, Marius Lesoeur. Donc il a hérité de son passé forain, de cette envie de faire entrer le chaland dans une salle de spectacle en lui vendant souvent du vent.

(Brochier, 2017, 4 : 57)

71 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

The Room — 2003 — Drame — Tommy Wiseau

Les feux de l’amour dilués au jus de palourde The Room, en tant que mélodrame faussement tendu, est qualifié par plusieurs de « Citizen Kane des mauvais films » (Collis, 2008). J’ai longuement hésité à écrire sur ce film tant il est connu, même en dehors des sphères cinéphiles. Écrit, produit et réalisé par Tommy Wiseau (qui détient le premier rôle, d’ailleurs), The Room est probablement, avec Plan 9 , le plus célèbre des nanars, ayant connu une deuxième vie en 2017 lors de la sortie de The Disaster Artist, biopic réalisé par James Franco. The Disaster Artist, c’est aussi une adaptation du livre du même nom écrit par Gregory Sestero, acteur interprétant le fameux Mark dans The Room et qui raconte son expérience par l’écriture. Je pense que c’est un des rares films qui réussit à me faire ressentir du malaise tant tout y est raté, mais à un niveau stratosphérique. Le malaise est d’autant plus grand qu’aucune explosion ou scène de combat martial n’accompagne l’ensemble, si bien qu’il n’y a rien à quoi se rattacher, sauf, bien entendu, le jeu – légendaire – de Wiseau, dont sa durée de présence à l’écran est inversement proportionnelle à son degré de talent. Presque tout y est : de l’érotisme gluant, des jeux d’acteurs complètement décalés, une tête d’affiche dont l’ego nous fait se demander s’il ne se prendrait pas trop pour un héros homérique, des dialogues de nigauds aussi absurdes que premier degré et, bien entendu, un film qui se prend beaucoup trop au sérieux pour son résultat délirant. The Room en deviendrait presque détestable s’il n’était pas ponctué de drôleries scénaristiques à faire hurler de rire. Encore aujourd’hui, le film jouit d’une grande popularité auprès d’une communauté de fans.

Le « je-ne-sais-quoi » du cinoche

Plusieurs qualificatifs peuvent être utilisés lorsqu’il s’agit de décrire un nanar. On en connaît déjà quelques-uns, comme « mauvais », « hilarant », « naïf » ou encore « amateur ». Or, la drôlerie et le bancal ne sont que des facettes bien réductrices de ce qu’un film d’une telle pointure peut offrir au public. Les nanars ne sont pas toujours drôles ou, du moins, pas seulement : ils sont surtout fascinants, voire bizarres. Devant eux, on se demande toujours ce qui a bien pu se passer dans la tête du réalisateur ou de la réalisatrice pour accoucher d’un projet souvent inabouti et décalé.

72 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Le clandestin (uninvited) — 1988 — horreur/ monstres — Greydon Clark

Quand la litière prend l’eau

Ici, on reprend plus ou moins la logique d’Alien, mais avec un chat sur un yacht. Si la prémisse fait sourire, le film, quant à lui, fait tout pour qu’on le prenne au sérieux avec sa musique pompeuse et ses gimmicks de slasher au rabais. Alors que les dialogues des protagonistes feraient passer n’importe quel scénario porno pour un chef-d’œuvre du septième art, la mise en scène, quant à elle, est moins épileptique que ce à quoi on a l’habitude avec ce genre de proposition nanardesque. Malgré tous ses défauts, j’ai quand même passé un bon moment devant Uninvited, et ce, au premier degré (comme quoi la subjectivité l’emporte parfois sur le bon goût). J’irais même jusqu’à affirmer que je préfère ce film à l’entièreté des Friday the 13th, qui ont le vilain défaut d’être aussi insipides que répétitifs.

73 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

La beauté est dans l’œil de celui ou celle qui la regarde

Lorsque ce je-ne-sais-quoi est partagé par plusieurs personnes, on peut observer une réappropriation du nanar par le public, si bien que le film en question, comme Reefer Madness ou The Room, connaît une seconde vie, mais pas forcément pour les raisons qu’avaient prévues les réalisateur.rices et les producteur.rices à la base. Se pose ainsi la question de l’évaluation esthétique et de l’écart entre la valeur d’un film et ses qualités formelles : « On retombe toujours, dans la réflexion esthétique qui porte sur l’évaluation, sur le même problème : à savoir le fossé qui sépare la description technique de l’œuvre de l’estimation de la valeur de cette œuvre. » (Dufour, 2015) L’intérêt qu’on accorde à un film n’est donc pas (forcément) tributaire de ses qualités esthétiques, mais dépendrait aussi d’un système de valeurs culturelles et sociales allant bien audelà des considérations formelles :

Il suffit de changer les paramètres à partir desquels on estime le film, la catégorie dans laquelle on l’insère et le système de valeurs à partir duquel on l’apprécie pour, soudain, lui conférer un nouveau relief et une nouvelle consistance. On peut donc complètement inverser la valeur d’un film dès qu’on le regarde différemment. (Dufour, 2015)

The Rocky Horror Picture Show (1975) est un bon exemple de ces films devenus cultes, mais qui, à la base, sont tout de même des nanars dont le visionnement a été détourné par le public ou par une communauté en quête d’icônes (Arsenault, 2016).

74 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Troll 2 – 1990 — horreur/monstres — Claudio Fragasso

Les véganes de Wish

Le film s’appelle peut-être Troll, mais pour les trollophobes, rassurez-vous : aucune de ces créatures n’est présente dans cette curieuse proposition que nous offre Claudio Fragasso. En fait, les monstres du film sont des gobelins (je laisse d’ailleurs aux spécialistes des créatures folkloriques le soin de les différencier). C’est sans doute le film le plus involontairement drôle que j’ai vu de ma vie : les jeux d’acteurs y sont absolument cauchemardesques (peut-être que c’est ce qui justifie la mention « horreur » du titre, d’ailleurs), les effets spéciaux sont spéciaux, certes, mais pour des raisons de médiocrité abyssale, les costumes des gobelins sont à mi-chemin entre ceux des ewoks et des animaux humanoïdes de Cornemuse et, enfin, l’histoire n’a absolument aucun sens. Écrire sur le film ne sert à rien: il faut le vivre pour comprendre où je veux en venir. Mention spéciale à l’originalité d’introduire dans le scénario des monstres végétariens.

Le nanar volontaire

Le succès de ces films, souvent tardif, mais bel et bien réel et vérifiable, a amené certain.es producteur.rices à miser sur la production de nanars pour faire de l’argent, ayant vu, selon Simon Laperrière, « dans cette popularité grandissante du regard nanarophilique un potentiel de vente ». (Brochier, 2017, 5 : 15) L’exemple le plus connu est sans doute Sharknado (2013), un film misant délibérément sur sa médiocrité pour faire rire et ainsi attirer un public moqueur en salle. Dès lors, l’intérêt du nanar est dilué au profit d’une exploitation filmique dont je présenterai les grandes lignes plus loin. Ici, le nanar n’existe que pour répondre à des impératifs mercantiles et perd tout son intérêt, puisque le film se ferme sur lui-même et qu’il n’existe que pour faire rire (et, accessoirement, faire du fric). Ce cynisme met toutefois en lumière une dimension intéressante du nanar, puisque, pour Laperrière, « […] la nanarophilie fonctionne par son dialogue avec le cinéma en général ». (Brochier, 2017, 5 : 15) C’est vrai, puisque l’on constate, dans la plupart des nanars, une volonté de reproduire les codes des films qui les ont inspirés. Le nanar naît souvent d’un amour pour le cinéma et d’une volonté de mimétisme. Lorsque François Cau, journaliste à SO films et contributeur à Nanarland, s’exprime au sujet du cinéma Wakaliwood, un cinéma provenant de Wakaliga, un bidonville de Kampala en Ouganda, il met en lumière ce souci des cinéastes amateur.rices de restituer une forme de cinéma qui leur est chère :

75 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

[Les artisans du cinéma Wakaliwood] reproduisent les codes des films qu’ils voyaient et qu’ils aimaient quand ils étaient petits. Et c’étaient quoi, ces films-là ? Et bien c’était la culture vidéoclub; c’était Chuck Norris, c’était Jean-Claude Van Damme. Ils refont ça avec les outils et les effets spéciaux qui sont à leur disposition aujourd’hui. (Brochier, 2017, 3 : 48)

Pour revenir au nanar volontaire, il faut noter qu’ils ne sont pas tous cyniques. Certains, pouvant être qualifiés de « méta-nanars », sont volontairement mauvais, mais dans une démarche à mi-chemin entre l’hommage et l’exercice de style. Le « méta-nanar, c’est le rendez-vous volontairement manqué […] On sent que tout est calculé, chronométré, de sorte que l’on peut voir les scènes, non pas comme des échecs, mais comme une sorte de gag très ludique […] On est dans le coup avec le réalisateur. »

(Brocher, 2017, 1 : 04) Certains films de la Troma

Entertainment, une société de production américaine indépendante, correspondent aux critères d’un nanar volontaire. Je pense ici à The Toxic Avenger (1985) de Lloyd Kaufman, plus proche de la parodie que du nanar pur. Encore une fois, le dialogue cinéphile est présent, puisqu’il s’agit d’une reprise des codes (aussi ratés soientils) de films adulés par des cinéastes en quête d’exploration.

Toutefois, pour moi, la force d’un nanar provient tout de même de son caractère accidentel. L’exercice de style demeure intéressant, puisqu’il nous amène à nous pencher sur les composantes esthétiques qui construisent un mauvais film. Et qui sait, travailler l’intentionnalité du désastre pourrait peut-être mener à des découvertes formelles jusqu’alors insoupçonnées? En quelque sorte, il s’agit aussi d’un double hommage, puisque l’idée est de parodier une manière de faire les films qui se fonde ellemême sur des codes préexistants et des genres cinématographiques adulés. D’une certaine manière, la boucle est bouclée.

76 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

White fire — 1985 — action/aventure — Jean-Marie

Pallardy

Quand les jumeaux Lannister se prennent pour Indiana Jones

Ça me fascine à quel point certaines tragédies présentées ici côtoient des situations à mourir de rire. Je vois ce que Jean-Marie Pallardy a voulu faire, je vois de quel genre de cinéma il s’inspire et le résultat aurait, au mieux, pu donner ce qu’on appelle des « nanars volontaires » et, au pire, un pastiche raté des films d’aventure et d’espionnage. L’intrigue amoureuse entre un frère et une sœur est certainement ce qui contribue à consacrer White Fire comme nanar, tant la tension entre les deux est malsaine et risible. Lorsque sa sœur décède, le personnage de Robert Ginty (The Exterminator, Coming Home) la remplace (littéralement, à l’aide de chirurgies plastiques) par une femme qui lui ressemble. Le réalisateur, Jean-Marie Pallardy, est un phénomène en soi : on lui doit notamment des films érotiques à la frontière du film pornographique, dont L’Arrière-train sifflera trois fois (1974) ou encore L’Amour chez les poids-lourds (1978) ainsi que des films de série B tels que Le Ricain (1977). Au passage, dans la veine de la Bruceploitation, il a co-produit Bruce ContreAttaque (1982), un film mettant en vedette Bruce Le, un sosie de Bruce Lee. Comme quoi le monde des nanars est parfois fait de rencontres inusitées.

77 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

« Your name is Bruce Lee 2. » Le film d’exploitation (ou la quantité avant la qualité)

Le nanar, plus qu’un mauvais film, peut-il être considéré comme un symptôme du cinéma d’exploitation ? En partie, puisque le cinéma bis, soit le cinéma évoluant en marge des industries cinématographiques traditionnelles (pour faire court), repose sur cette logique d’exploiter des codes du cinéma considérés comme efficaces et rentables pour en tirer un maximum de bénéfices. Comme on l’a vu, cette volonté de reprendre des codes pour les imiter ou les hybrider est l’une des caractéristiques récurrentes des nanars, même si ces derniers ne sont pas exclusifs au cinéma bis. En effet, un nanar peut aussi bien provenir d’une surproduction américaine que d’un film indépendant (voire amateur) à petit budget. La notion de film d’exploitation est large et contradictoire par moments; il faut surtout retenir sa dimension commerciale, parfois sale, qui vise à promouvoir de manière vulgaire et outrancière un produit filmique (Nanarland, 2023) et qui, en somme, ne correspond pas tout à fait à la philosophie du nanar.

Avec le cinéma d’exploitation, il est donc souvent question d’opportunisme, en témoigne la Bruceploitation, qui consiste à surfer sur le succès commercial de Bruce Lee au cinéma (même après sa mort), pour vendre davantage d’entrées. Le film Clones of Bruce Lee (1980) est un bon

78 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

exemple, où trois sosies de l’acteur décédé (dont les pseudonymes sont Dragon Lee, Bruce Le et Bruce Lai) interprètent les clones de Bruce Lee, fabriqués en laboratoire par un scientifique (Jon T. Benn). L’objectif ? Attirer le public en salle avec des sosies de Bruce Lee sur l’affiche. Dès lors, face à autant d’audace, est-il encore possible de parler de nanars, puisque les intentions de Clones of Bruce Lee sont avant tout mercantiles? Telle est la question.

Fondée sur des intentions nobles, la blaxploitation est un autre exemple d’exploitation filmique qui, surfant sur les mouvements d’émancipation des Noirs aux États-Unis, finira par produire des nanars tant la production sera effrénée, sombrant souvent dans l’excès de violence et de scènes érotiques vulgaires (Glossaire, 2023). Toutefois, Blacula (1972), un film mettant en scène un Dracula noir, est l’une des figures de proue de la blaxploitation et, malgré sa prémisse, n’est pas à considérer comme un nanar. Certes imparfait, il ne correspond pas aux codes nanardesques, puisqu’il a le mérite d’être abouti. Comme quoi le cinéma d’exploitation n’est pas forcément synonyme de nanardise.

79 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

La liste des sous-genres du cinéma d’exploitation est longue. En plus de la bruceploitation et de la blaxploitation, on y retrouve la nazisploitation ou encore la covidsploitation, dont les noms vous laissent deviner la nature des productions cinématographiques qui les sous-tendent. Les films de zombies, de cannibales, de ninjas, les slashers ou encore le giallo sont tous des sous-genres ayant fait naître des nanars, tout comme la sexploitation, d’ailleurs, dont les films sont les précurseurs des films X (Glossaire, 2023).

Le métadiscours

S’il est toujours agréable de rigoler devant un mauvais film, il peut être pertinent de pousser la réflexion un peu plus loin pour voir ce qui se trame derrière la caméra. Plusieurs films tentent de lever le voile sur la vie d’artistes connus pour leur art maladroit, comme le Ed Wood de Tim Burton, qui se concentre sur la conception Glen or Glenda (1953) et Plan 9 from Outer Space (1959). The Disaster Artist (2017), réalisé par James Franco, met en lumière le processus de production derrière The Room (2003) de Tommy Wiseau. Best Worst Movie (2009), quant à lui, est un documentaire sur le phénomène culturel généré par Troll 2. Ces métrages nous montrent la vulnérabilité des cinéastes, leurs maladresses et tout leur amour pour l’art cinématographique, qui donne tout son sens à leur démarche, mais aussi les débordements d’ego souvent à la source de décisions artistiques douteuses.

80 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Malignant — 2021 — horreur — James Wan

Ce qui arrive quand tu achètes ton shampoing chez Escomptes Lecompte

Cette proposition de James Wan, à qui l’on doit notamment le premier opus de la saga Saw (2004) et les deux premiers Conjuring (2013 et 2016), mais aussi Aquaman (2018), nous replonge une fois de plus dans l’horreur sans réussir cette fois à nous terrifier. Malignant, par sa démesure, sa laideur et son jusqu’au-boutisme excentrique, fait davantage rire que sursauter : on passe toutefois un excellent moment, même si c’est aux dépens du talentueux cinéaste. Si ce n’était de son manque d’ironie et du décalage absurde entre, d’un côté, des thématiques beaucoup trop graves et, de l’autre, des situations si grotesques qu’on se demande ce qui a bien pu passer par la tête de James Wan au moment de tourner, on aurait aisément pu qualifier le film de comédie horrifique. C’est aussi un excellent exemple de nanar récent qui échappe aux filets industriels pour s’échouer sur nos écrans.

Nanarland et sa mission pédagogique

Je ne pourrais pas conclure ce texte sans saluer le travail exceptionnel de l’équipe Nanarland qui, depuis 2001, partage sa passion pour ces bijoux filmiques non seulement en ligne, mais aussi par des documentaires, des entrevues, des livres et des balados. Il s’agit d’une entreprise de vulgarisation à grande échelle qui m’a non seulement été fort utile dans mes recherches, mais qui permet aux cinéphages de se familiariser davantage avec les nanars et leurs subtilités. N’hésitez pas à y jeter un coup d’œil.

Mon objectif avec ce texte était de présenter un survol de l’univers des nanars et de vous en faire découvrir quelquesuns. J’aurais pu écrire sur Street Fighter ou encore présenter des sociétés de production et des acteur.rices reconnu.es pour leur apport à l’univers nanardesque, mais je crois qu’il m’aurait fallu le magazine entier pour tout écrire sur le sujet. Pour conclure, je me contenterai de cette citation synthétique de Matt Hannon, acteur principal de Samouraï Cop : « Les nanars, c’est une magie qui ne se provoque pas ». (Brochier, 2017, 6 : 45)

81 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Références

Arsenault, M. (animatrice). (2016, 6 janvier). La nanarophilie, une célébration de mauvais goût dans le cinéma. Dans Plus on est de fous, plus on lit. Radio-Canada Ohdio. https://ici.radiocanada.ca/ohdio/premiere/emissions/plus-on-est-de-fous-pluson-lit/segments/entrevue/4623/eloge-nanarophilie-passion-filmsnavets-antonio-dominguez-leiva-simon-laperriere.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 01 — Samouraï Cop : le film d’action (en VHS) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/nanaroscope/saison-1episode-1-samourai-cop.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 02 — Terreur cannibale : le film de cannibales (à prix coûtant) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/nanaroscope/saison-1episode-2-terreur-cannibale.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 03 — Le lac des morts-vivants : le film de zombies nazis (made in France) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/ nanaroscope/saison-1-episode-3-le-lac-des-morts-vivants.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 04 — Terror of Tiny Town : le film de cowboys (qui murmurent aux oreilles des poneys) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland. com/nanaroscope/saison-1-episode-4-terror-of-tiny-town.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 05 — Clones of Bruce Lee : la Bruceploitation (ou l’attaque des clones) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/ nanaroscope/saison-1-episode-5-the-clones-of-bruce-lee.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 09 — Who killed Captain Alex : le blockbuster (à 200 €) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/nanaroscope/saison-1episode-8-house-of-the-dead.html.

Brochier, R. (réalisateur). (2017). Nanaroscope ! N° 10 — Dude Bro Party Massacre III : le nanar volontaire (méta-comique) [documentaire]. Nanarland. https://www.nanarland.com/ nanaroscope/saison-1-episode-10-dude-bro-party-massacre-iii. html.

Collis, C. (2008, 12 décembre). The crazy cult of The Room. Entertainment Weekly. https://ew.com/article/2008/12/12/crazycult-room/.

Debbache, K. (2016). « Troll 2 », dans Chroma.

82 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

Domininguez, L. et Laperrière, S. (2015). Éloge de la nanarophilie. Le murmure.

Dufour, É. (2015). Chapitre 6. La question du plaisir. La valeur d’un film, 116-144. https://www-cairn-info.acces.bibl.ulaval.ca/ la-valeur-d-un-film--9782200289959-page-116.htm.

Glossaire . (2023). Nanarland. https://www.nanarland.com/ glossaire/n-comme-nanar.html.

Gobert, C. (2017, 5 juillet). L’amour des nanars. Ricochet. https:// ricochet.media/fr/1887/lamour-des-nanars.

Mansier, T. (2004). Identité du rock et presse spécialisée. Évolution d’une culture et de son discours critique dans les magazines français des années 90. Atelier national de reproduction des thèses.

Paillet, J. (2018, 24 août). Dossier : les nanars au cinéma, le meilleur du pire. Journal du geek.https://www.journaldugeek.com/ dossier/dossier-nanars-cinema-meilleur-pire/.

Films

Burton, T. (réalisateur). (1994). Ed Wood [film]. Touchstone Pictures.

Clark, G. (réalisateur). (1988). Uninvited [film]. Heritage Entertainment.

Crain, W. (réalisateur). (1972). Blacula [film]. Power Productions.

Ferrante, A. (réalisateur). (2013). Sharknado [film]. The Asylum et Syfy Films.

Fragasso, C. (réalisateur). (1990). Troll 2 [film]. Epic Productions.

Franco, J. (réalisateur). (2017). The Disaster Artist [film]. New Line Cinema.

Fulci, F. (réalisateur). (1983). Conquest [film]. Golden Sun.

Gasnier, L. (réalisateur). (1936). Reefer Madness [film]. G&H Productions.

Harry, L. (réalisateur). (1987). Silent Night Deadly Night Part 2 [film]. Lawrence Appelbaum Productions.

Inanç, Ç. (réalisateur). (1982). Dünyayi Kurtaran Adam [film]. Anıt Film.

Koob, A. (réalisateur), Le, B. (réalisateur) et Velasco, J. (réalisateur). (1982). Bruce contre-attaque [film]. Dragon Film Compagny, Les Films J.M.P. et Spectacular Trading Company.

Leslie, B. (réalisateur). (1986). Nail Gun Massacre [film]. Futuristic Films.

Newfield, S. (réalisateur). (1938). The Terror of Tiny Town [film]. Jed Buell Productions.

Pallardy, J. (réalisateur). (1978). L’Amour chez les poids-lourds [film]. Les Films J.M.P. et Consul International Films.

Pallardy, J. (réalisateur). (1974). L’Arrière-train sifflera trois fois [film]. Les Films J.M.P. et Europrodis.

Pallardy, J. (réalisateur). (1977). Le Ricain [film]. Les Films J.M.P., Les Films de la Rose et Erler Film.

Pallardy, J. (réalisateur). (1984). White Fire [film]. Trans World Entertainment.

Prior. D. (réalisateur). (1986). Killer Workout [film]. Maverick Films Productions.

Sharman, J. (réalisateur). (1975). The Rocky Horror Picture Show [film]. Michael White Productions.

Stephenson, M. (réalisateur). (2009). Best Worst Movie [documentaire]. Magic Stone Productions.

Velasco, J. (réalisateur). (1980). The Clones of Bruce Lee [film]. Film Line Enterprises.

Wan, J. (réalisateur). (2021). Malignant [film]. Warner Bros. Pictures.

Wiseau, T. (réalisateur). (2003). The Room [film]. Wiseau-Films.

Wood, E. (réalisateur). (1953). Glen or Glenda [film]. Screen Classics.

Wood, E. (réalisateur). (1957). Plan 9 from Outer Space [film]. Valiant Pictures.

83 Arts et littérature Février 2023 — Volume 09 Nº1

UniC : Propulsez votre action climatique

Le Réseau international étudiant pour le climat – UniC est une communauté de pratique où les étudiantes et étudiants universitaires du monde convergent pour partager, apprendre, collaborer et agir ensemble pour le climat. Développez vos compétences et renforcez votre pouvoir d’agir sur le climat en devenant membre de ce réseau international.

Pour en savoir plus unic.ulaval.ca

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.