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COCA – Christiansen Oberweis Cardoso Architects
from Wunne n°74
by Luxedit

› Trait d’union : extension sur maison datant des années 30.
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Dialogue entre murs d’époque et nouveaux matériaux, entre intérieur et extérieur. Projet à
Schieren.
« L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME PEUVENT FAÇONNER LES IDÉES DES GENS ET NOTRE MODE DE VIE. »
Ils ont les yeux rivés sur les étoiles mais les pieds bien sur terre. Pour les architectes de l’agence COCA, faire de l’architecture, cela consiste à mettre en œuvre des solutions claires et limpides dans chaque situation.
Les architectes abordent chaque projet sans aucun a priori, l’esprit ouvert et aiguisé par rapport à tous les aspects, pour au final broder un travail pratiquement sur mesure. Chaque projet étant unique, non seulement par ses données techniques – l’emplacement, la nature du sol, l’orientation du terrain… -, mais aussi par la personnalité des commanditaires. Fondé en 2017, le bureau est encore tout jeune, mais les trois architectes associés – Carine Oberweis, Eric Christiansen et Tiago Cardoso - ont derrière eux un parcours de plusieurs années à travers différentes agences. Provenant de différents horizons, ils sont heureux de pouvoir concentrer, au sein de leur bureau, autant de cultures, d’expériences et de langues. Cette conjugaison de sensibilités, ils la prennent comme le reflet de ce ➔

que devrait être la société : l’association de plusieurs personnes qui partagent des valeurs solides, tout en exprimant des affinités particulières et des intelligences individuelles. Au travers de l’entretien qui suit, Wunnen vous invite à mieux connaitre le profil de COCA architecture, les principes et le souffle qui animent les trois architectes associés.
Wunnen : Comment vous êtes-vous réunis pour créer l’agence COCA ? Que partagez-vous en termes de valeurs, de compétences, d’ambitions, de rêves ? COCA : L’idée de nous associer nous est venue naturellement. Nous pensons tous les trois que la nature est une grande source d’inspiration, c’est d’ailleurs dans la nature que nous nous sommes rencontrés, lors d’une randonnée dans les bois. Nous partageons des valeurs sociales fortes. Nous pensons que l’architecture a une forte responsabilité sociale. Nous plaidons pour une architecture durable, claire et stimulante, qui suscite l’intérêt de l’observateur par sa pureté et son intemporalité. Notre approche de l’architecture est basée sur l’ingénierie, nous appliquons une méthodologie artisanale à tous les aspects du processus de construction. Nos compétences sont diverses, le fait d’avoir été exposés à différents marchés et styles d’architecture nous a permis de créer une entreprise qui se concentre sur les détails et est structurée autour de la résolution des problèmes de nos clients et de la réalisation de leurs aspirations. Cela nous a également dotés d’une approche flexible et « can do » pour concrétiser ces aspirations. Notre ambition est de construire des maisons saines et bienfaisantes, de créer des bâtiments qui inspirent et ancrent les gens de façon solide. Les vies que nous menons sont assez agitées, nous ne voulons pas créer des environnements encore plus agités, nous aspirons plutôt à calmer notre environnement et à trouver des outils pour simplifier la vie. L’architecture doit créer une relation avec l’utilisateur, par la circulation de la lumière dans l’espace,
L'extension visait à préserver l'élévation arrière existante avec ses ouvertures. Les architectes ont ajouté un puits de lumière au bord de l'extension pour éclairer l’ancienne façade, les nouveaux espaces ainsi que les intérieurs existants. L'espace extérieur est en relation directe avec l'intérieur, cette relation est renforcée par le banc continu en béton. Projet à Lorentzweiler.

les matériaux utilisés et le dialogue avec les alentours. Nous aspirons à créer des bâtiments et des espaces qui peuvent être appréciés par de nombreuses personnes et à respecter l’environnement, de façon à ce qu’il puisse encore être apprécié par les petits-enfants de nos enfants.
J’ai lu sur votre site que vous considérez le processus architectural comme un voyage que vous faites avec le maître d’ouvrage… Nous pensons que l’architecture est un processus, et non pas un produit, et qu’ainsi elle devient un voyage. Le résultat final de ce voyage peut être une belle histoire. Nous créons une ligne directrice, un cadre pour un projet, et, par la suite, la nature,
COCA
COCA – acronyme de Christiansen Oberweis Cardoso Architects – a été créé par trois architectes dont l’approche se base, avant tout, sur des considérations d’ordre technique. Celles-ci en appellent à une méthodologie propre à l’artisanat, qui s’applique systématiquement à toutes les étapes de la construction. Eric Christiansen a étudié et vécu en Autriche jusqu’en 2012. Tiago Cardoso a passé la majeure partie de sa vie au Portugal, avant de s’établir au Luxembourg en 2011. Après avoir vécu en Autriche, à Londres et au Ghana, Carine Oberweis est revenue vivre au Luxembourg en 2014. Carine et Eric ont étudié ensemble à Innsbruck, en Autriche. Carine et Eric ont rencontré Tiago lors d’une randonnée dans la campagne luxembourgeoise. www.coca.lu
les saisons, l’environnement, les gens, etc., deviennent une partie intégrante de ce processus architectural. Chaque projet est un nouveau modèle en termes d’organisation et de choix de matériaux, tout en respectant le style et la ligne de travail qui nous tiennent à cœur. Nous croyons que l’architecture peut et doit enrichir la vie des gens, elle peut les rassembler, les unir. La lumière est l’élément le plus important dans ➔

Transformation d’une maison mitoyenne traditionnelle des années 20 en une demeure familiale ouverte et moderne. L'aménagement du rez-de-chaussée a été complètement modifié pour mettre en valeur l’ouverture et la lumière naturelle. Projet à Belair.
notre approche, suivie par l’échelle humaine et les matériaux. Pythagore a dit un jour que « l’homme est la mesure de toute chose », un principe que nous gardons en tête dans chaque projet. Les gens vivent dans un volume et dans un environnement bâti, et pas seulement sur des mètres carrés avec une valeur monétaire. Nous analysons et veillons à ce que les matériaux que nous utilisons soient bons en termes d’haptique, de couleur et d’acoustique, que tous les sens du corps humain soient apaisés. Nous essayons de créer des bâtiments minimalistes, simples et élégants ; des bâtiments qui plaisent à tous, quelle que soit leur origine culturelle ou sociale. L’architecture est en réalité un métier assez basique, qui devient pourtant très complexe, car elle implique de forger une synergie entre tant d’éléments distincts. Dans cette optique, nous aimons dialoguer avec le maître d’ouvrage autour de sa perception de l’architecture. L’architecture est un dialogue entre tous les éléments qui la constituent. « Tout est architecture et l’architecture est tout ».
Quels sont les grands principes qui guident votre conception ? Notre souci du détail et de la qualité reste indéfectible quel que soit le budget ou le site, c’est là l’un de nos grands principes. En travaillant en équipe, nous rassemblons les idées principales des différentes personnes impliquées et les cristallisons autour du projet. Nous passons du temps à comprendre comment, pour chaque ouvrage, il est possible de créer une synergie entre l’espace, la lumière et les matériaux, pour aboutir à des solutions sur mesure. Les grands principes qui guident notre conception sont d’abord la situation elle-même, le bâtiment s’il y en a un, la parcelle, son exposition au soleil et sa relation avec l’environnement bâti. La nature joue un grand rôle dans notre conception, la façon dont les saisons impactent la vie à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. Les choix de matériaux et les niveaux d’éclairage sont minutieusement étudiés. Nous pensons que tous les sens humains doivent être respectés, l’acoustique pour l’ouïe, l’haptique pour le toucher, les proportions pour les yeux et même l’odorat quand on pense par exemple aux effluves de matériaux naturels, de plantes ou de fleurs.

d’être créatif/innovant avec les réglementations et normes croissantes ? Les règles ont toujours existé en architecture, elles sont nécessaires pour fixer des lignes directrices à respecter. L’une de nos tâches est d’analyser le volet réglementaire et de l’harmoniser avec le projet, en tenant compte du programme fonctionnel, de nos intentions et de nos idées. La créativité doit certainement être poussée dans certains cas, compte tenu des contraintes en matière de construction et d’isolation thermique. Nous essayons toujours de transformer les restrictions en énergie positive. Nous avons l’habitude de travailler sous la pression des normes et des délais. L’expérience et la sensibilité jouent également un rôle dans la manière d’aborder chaque projet. Face à la pression forte de la rentabilité maximale, quelle est la responsabilité de l’architecte vis-à-vis du maître d’ouvrage et vis-à-vis de la société ? L’architecture est un miroir de ce qui se passe dans la société et de la façon dont les gens vivent leur vie depuis le début des civilisations. L’architecture peut donc être considérée comme un outil pour voir où en est la société et où nous en sommes actuellement. L’architecture et l’urbanisme peuvent façonner les idées des gens et notre mode de vie. Ils peuvent guider les gens vers une vie meilleure. La tâche de l’architecte va au-delà de la conception d’un bâtiment ou d’un ensemble urbain. Nous sommes idéalement positionnés pour améliorer la vie des gens dans de nombreux aspects, qu’il s’agisse de ➔
« Nous essayons toujours de transformer les restrictions et les contraintes en énergie positive. »
COCA

› Située à l’arrière de la propriété, la cuisine bénéficie d’un grand espace et d’une lumière naturelle généreuse. Projet à Belair.
professionnels, d’entités publiques ou de clients privés. La responsabilité sociale de l’architecte est d’interpréter les besoins, non seulement de la communauté, mais aussi de tout ce qui l’entoure, et les deux aspects ne coïncident pas toujours. Idéalement, l’architecture devrait être un complément pour l’environnement dans lequel elle s’insère, au niveau de son fonctionnement, de son flux et, si possible, de son apparence.
Comment vous positionnez-vous dans le discours actuel autour de l’économie circulaire et de la préservation des ressources ? Tout d’abord, nous pensons que la rénovation/la modernisation des bâtiments est l’avenir. Il y a beaucoup d’énergie grise dans les structures existantes. Cette énergie grise ne peut être ignorée. Nous pensons que l’environnement bâti doit être amélioré au lieu d’être reconstruit, partout où cela a du sens en termes d’efficacité économique et environnementale. Toujours quand c’est possible, nous utilisons, soit des matériaux naturels, soit des matériaux recyclés et recyclables. Nous pensons qu’il faut apprendre à consommer moins, en général. Vivre de manière durable conditionne nos vies actuellement. Mais il ne faut pas penser que ce qu’on nous raconte est toujours vrai ou sincère. Par exemple, quelqu’un, un jour, a pris la décision consciente de fabriquer des objets avec une durée de vie limitée. Nous pourrions fabriquer des appareils électroniques - comme des machines à laver et des ordinateurs - qui dureraient beaucoup plus longtemps. Cependant, ils se cassent après un certain nombre de cycles et s’avèrent trop complexes pour être réparés. Les gens sont obligés d’acheter de nouveaux produits. Ceci n’est pas un système durable, et les responsables politiques doivent se pencher sur cette question. Il est nécessaire d’aller à la racine même du problème et d’inciter les gens – nous tous - à consommer moins. Ainsi, chez COCA, nous sommes également engagés dans la recherche
« Pythagore a dit que l’homme est la mesure de toute chose, un principe que nous gardons en tête dans chaque projet. »
COCA
COCA
pour élaborer de nouveaux matériaux de construction à partir de déchets. Nous estimons que l’économie circulaire doit inclure les déchets, et nous voyons beaucoup de potentiel dans ce domaine, en particulier pour les pays à fort développement démographique et à forte densité de population.
Les architectes sont de plus en plus intégrés dans une séquence d’intervenants, soumis à des préréglages numérisés et à des recettes standardisées. Certains craignent même qu’à l’avenir l’architecte tel que nous connaissons ne devienne redondant… Les intervenants représentent des étapes simples, alors que l’architecture est une combinaison de plusieurs intervenants. L’environnement bâti n’est jamais le même, la standardisation est donc difficile à mettre en œuvre. L’architecture réagit à l’environnement, qui n’est jamais le même, les occupants non plus. La psychologie joue un grand rôle dans le développement d’un projet, l’ordinateur ne peut pas remplacer cela, les ordinateurs n’ont pas cette sensibilité. Tous les intervenants dans la conception d’un projet architectural ont un rôle spécifique à jouer, et c’est la combinaison de tous ces intervenants qui aboutit à un ouvrage. Tous les projets ont besoin d’une idée, d’une ligne directrice, d’une figure qui relie tous les intervenants, et c’est ce statut qui échoit à l’architecte. L’orchestre est une bonne comparaison. Le maestro, c’est l’architecte qui relie les notes et les mélodies de chaque intervenant afin de créer une harmonie. Avec cette pensée à l’esprit, et si le but est de créer une bonne architecture, nous pensons que les architectes ne pourront jamais être remplacés.

› L’acier noir poudré de la balustrade de la terrasse et de l’escalier vers le jardin contrastent avec la brique rouge de l’extension. Projet à Belair.
Quelle est votre approche de la rénovation et de la mise à jour des structures bâties existantes ? Nous croyons fermement que chaque bâtiment doit être analysé en premier lieu au niveau de sa qualité et de sa place dans le temps. Certaines structures sont des témoins importants du passé et elles doivent être conservées, préservées, rénovées. Dans nos projets de rénovation, nous analysons et considérons tous les aspects existants, les filtrons minutieusement et déterminons les éléments à conserver, à renouveler ou à démolir. Nous pensons que les valeurs d’origine doivent être conservées si elles présentent de réelles qualités. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin de nouveaux bâtiments. De nos jours, les besoins humains exigent des types d’utilisation et d’interaction que les bâtiments anciens ne peuvent pas toujours offrir.
› Photos : Eric Chenal