LPH 999

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Jeudi 6 juillet 2023

17 Tamouz 5783

Nº 999 | Mensuel

DOSSIER À LA MODE DE CHEZ NOUS...

AVEC BAT YE'OR, L'AUTRICE DU DHIMMI ET D'EURABIA

GRAND ANGLE

HASHOMER HACHADASH

AU SECOURS

DES AGRICULTEURS

EN DÉTRESSE

BON À SAVOIR

CUMULER DEUX EMPLOIS

EN ISRAËL

À L'AFFICHE ANNE GOSCINNY, LA FILLE DE

SON

PÈRE

ENTRETIEN EXCLUSIF

Audace et foi

ל''כנמ Directeur de la publication

Ariel Kandel

תישאר תכרוע Rédactrice en chef

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LPH Supplément mensuel de l’hebdomadaire Actualité Juive

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Points francophones partenaires

Liste des points de vente : www.lphinfo.com/points-de-vente

édito

Nous vous faisons encore une fois découvrir de belles et fortes personnalités dans ce magazine fait avec amour et professionnalisme pour vous, chères lectrices, chers lecteurs fidèles.

Dans sa première interview accordée à un média israélien, Anne Goscinny, la fille du célèbre René Goscinny, auteur d’Astérix, Lucky Luke, Iznogoud, Le Petit Nicolas, a choisi LPH ! Coscénariste du long métrage d’animation Le Petit Nicolas – Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? qui, restituant les itinéraires de Jean-Jacques Sempé et de René Goscinny ainsi que leur amitié, raconte comment ils ont donné vie à ce personnage mythique, Anne Goscinny nous révèle qu’elle est « une caricature d’Ashkénaze, la mère juive par excellence » !

Autre femme d’exception : Bat Ye'or. De passage en Israël, cette autrice iconoclaste qui a déboulonné une forme de pensée unique sur l’Islam, nous fait partager son parcours et revient sur le traumatisme qu’a constitué son départ forcé d’Égypte à 23 ans.

Avec notre dossier sur la mode israélienne, vous découvrirez l’audace de jeunes créateurs bien décidés à exporter leur savoir-faire à l’étranger tout en explorant de nouvelles pistes pour que l’industrie textile pollue moins. Enfin, nous mettons un coup de projecteur sur une association méconnue des francophones mais qui révèle un vrai malaise au sein de la société israélienne : HaShomer HaChadash, qui a pour objectif d’apporter assistance aux agriculteurs victimes de vol, de vandalisme, d’incendies criminels, etc.

Le point commun entre ces sujets et d’autres que vous rencontrerez au fil des pages ? La capacité à créer sa voie et à penser « mi'houtz la koufsa » (hors des sentiers battus), à être « roch gadol » (un esprit libre, au-dessus de la mêlée) et « poretz derekh » (révolutionnaire, original) envers et contre tout, et contre tous. Avez-vous remarqué combien cette caractéristique est présente dans notre vie quotidienne en Israël ? C’est l’expression même de l’âme juive, persévérante dans son espoir de bonheur, emplie d’une foi profonde en son Créateur et, de ce fait, prête à affronter les imprévus du chemin. À l’image de Yaakov Bar-Shalom qui, le 29 juin dernier, a obtenu son doctorat de l’Université Ben Gourion, à l’âge de… 80 ans ! Yaakov Bar-Shalom a effectué sa thèse au sein du Département de langue hébraïque, sur le sujet de l’homonymie dans la langue hébraïque biblique. Son doctorat est le fruit de six années de recherche, pendant lesquelles il s’est rendu quotidiennement à la bibliothèque de l’université et s’est plongé dans sept dictionnaires bibliques,les a comparés et en a analysé les différences, avant de résumer ses conclusions dans un ouvrage complet de 360 pages. Il a reçu son titre de docteur en présence de son épouse, de ses enfants, de ses petits-enfants et de son arrière-petite-fille. Je vous souhaite une bonne lecture. n

Lire LPH sur le net : https://lphinfo.com/lire-lph-magazine/

La direction décline toute responsabilité quant au contenu des textes et des publicités, qui n'engagent que leurs auteurs.

EN COUVERTURE : © Jean-Philippe Baltel

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sommaire N°999

6 À L'AFFICHE

Anne Goscinny : « Le cinéma, c’est un drôle de monde ! »

10 CARTES SUR TABLE

Goscinny : un Juif solitaire qui voulait sauver le monde

24 BON À SAVOIR

Cumuler deux travaux en Israël : mode d’emploi

26 SANTÉ – BIEN-ÊTRE

Zoom sur l’orthoptie

28 BOUILLON DE CULTURE

Les femmes vaillantes de l’Histoire juive mises en valeur par le musée ANU

30 INTERVIEW

Entretien exclusif avec Bat Ye'or

36 L'ÈRE 2.0

À cœur ouvert sur les réseaux sociaux

39 UNE INFO À LA LOUPE

Monopoles : Wissotsky boit la tasse... de thé ?

40 DÉCOUVERTE D'ISRAËL

Antiquités subaquatiques

42 LIVRES ET VOUS

Yaël König, écrivaine à fleur de peau

11-23 DOSSIER

À LA MODE DE CHEZ NOUS...

l À LA MODE DE TEL AVIV

l LA TENDANCE EST AU DURABLE

l ALBER ELBAZ, UN CRÉATEUR QUI

FAIT HONNEUR À ISRAËL

l LES CELEBS S'HABILLENT EN BLEU ET BLANC

l LE SECTEUR DE LA MODE ISRAÉLIENNE SOUS TOUTES

SES COUTURES

l TIRÉ À QUATRE ÉPINGLES… OU NON ?

44 CONSCIENCE

La sixième habitude des gens efficaces : cherchez à créer des synergies

46 GRAND ANGLE

HaShomer HaChadash : protéger le véritable héros israélien

ET AUSSI...

Une année avec la Cabale (50), Judaïsme (51), Mazal tov (52), Le Kling du mois (53), Les recettes d’Anaelle (54), Immobilier (57)...

4 LPH N° 999

Elisha, Ofer, Harel et Nahman ont été lâchement assassinés dans un restaurant à Eli le 20 juin 2023. Nous avons voulu leur rendre hommage avec ce dessin unique réalisé par Charles Szlakmann. Trois très jeunes hommes et un préretraité qui avaient encore beaucoup de choses à offrir au monde et à leur famille. Quatre Israéliens uniques que nous n’oublierons pas. Que leur mémoire soit bénie.

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LE DESSIN DU MOIS

Anne

Goscinny

: « Le cinéma, c’est un drôle de monde ! »

Émotion à fleur de peau, humour à fleur de lèvres, Anne Goscinny est une autrice-scénariste, une maman aventurière qui se promène sur la grande page blanche de la vie, des écouteurs sur les oreilles. Héritière du « prince du rire », elle se transforme en guerrière pour faire vivre l’immense œuvre de son père, René Goscinny. Il est question de 2128 personnages, dont Lucky Luke, Astérix, Iznogoud et Le Petit Nicolas. Anne offre une élégante leçon de cinéma à LPH, évoquant le long métrage d’animation dont elle est coscénariste : Le Petit Nicolas – Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? et le huitième opus de Lucrèce, l’enfant de papier qu’elle et son amie la dessinatrice Catel (Catel Muller) ont imaginée. Entrer dans l’univers d’Anne Goscinny, c’est être pris par la main par une petite fille douce et bienveillante, guidé vers la lumière, la création, le fantastique et le merveilleux. Anne est une héroïne qui vous rassure et vous susurre pendant tout le voyage : « Ne t’inquiète pas, je suis là. »

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À L'AFFICHE
LA LEÇON DE CINÉMA PAR EDEN LEVI-CAMPANA © DR
Anne Goscinny, enfant, dans les bras de son père René

LPH : Alors, heureuse d’avoir coécrit votre premier long métrage d’animation ?

Anne Goscinny : Oui, folle de joie ! Comment ne pas être heureuse quand un projet rencontre un tel succès public et critique ? Le film a demandé beaucoup d’énergie mais nous avons reçu tellement d’amour et de très belles récompenses [ndlr : dont le César 2023 du meilleur film d'animation, le Cristal du long métrage du Festival d'Annecy et la Sélection officielle au Festival de Cannes].

Comment avez-vous fait pour concilier l’univers des dessins de Sempé et celui des auteurs ?

C’est sans doute la plus grande difficulté graphique et littéraire de ce film. Il fallait que les deux univers se répondent sans jamais se contredire. Le plus long et le plus difficile fut de travailler les transitions. Il nous a quand même fallu onze ans pour monter ce projet, dont quatre ans de fabrication. Mais finalement, le pari est gagné !

Si vous deviez mettre en scène le personnage d’Anne Goscinny ?

Ce serait un personnage de Sempé, timide, à la fois transparent et opaque. Je suis petite, toute menue, j’aime les grands espaces : je serais forcément un peu perdue dans la page, un appartement avec verrière, une vue sur les toits de Paris, un regard sur le monde. J’écouterais de la musique réaliste, française, et notamment des chansons d’Anne Sylvestre, que j’admire profondément.

Quelle est la part du film que vous revendiquez particulièrement ?

Deux scènes. La première : quand Le Petit Nicolas apprend la mort de Goscinny. Personne d’autre que moi ne pouvait la faire. Le traitement est très intime. L’enjeu était de lui annoncer que son cocréateur ne l’animerait plus, mais que lui, en revanche, serait éternel. La seconde scène, c’est

lorsque mon père parle de la guerre. Je voulais aborder ce passage avec pudeur mais il devait obligatoirement figurer.

Pourquoi la Shoah ?

Elle fait partie de l’histoire de mon père, du drame de sa vie ; c’est aussi une explication de son itinéraire. Je suis persuadée qu’il ne faut jamais cesser de raconter l’Histoire et que ce n’est qu’à force de pédagogie que nous avons une chance qu’elle ne se répète pas. Aussi, j’ai voulu rappeler que la famille de mon père avait porté l’étoile jaune, avait été déportée et assassinée à Auschwitz. Finalement, cette enfance rêvée que vit Le Petit Nicolas est sans doute un peu celle que n’ont pas pu vivre les cousins de mon père restés en Europe, alors que mon père a eu la chance de partir en Argentine en 1928.

Émotionnellement, comment avez-vous géré les dix dernières minutes du film ?

L’épreuve fut surtout l’écriture. J’ai fait de mon père un personnage et du Petit Nicolas un vrai enfant, ce qui m’a permis de prendre du recul.

Et après ?

Après, j’ai suivi tout le processus jusqu’à ce qu’il soit quasi finalisé, puis finalisé à 99 %, puis finaliséfinalisé ! J’étais donc dans l’action. Au niveau émotionnel, le cinéma est un tout. Je dois dire que la musique magistrale de Ludovic Bource a eu un impact important sur ce plan-là.

De quelle manière ?

J’avais envie qu’en sortant de la salle, on soit heureux, et que ce bonheur, on ait envie de le fredonner. Le thème du film s’est imposé : « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? », de Ray Ventura. Ludovic Bource, oscarisé pour The Artist, a accepté que ce titre soit au centre du film ; il a travaillé autour. Il a vraiment été au service de l’œuvre – et cela, c’est l’apanage des très grands. lll

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J’ai voulu rappeler que la famille de mon père avait porté l’étoile jaune, avait été déportée et assassinée à Auschwitz.

lll Au cinéma, la musique ne fait pas partie du décor, elle n’est pas un détail, elle est un personnage à part entière, bien souvent elle est ce dont on se souvient. La musique de Ludovic est tout simplement magique.

Que pensent les jeunes spectateurs des scènes de guerre et de la mort de Goscinny ?

Je ne sais pas, je ne leur ai pas posé la question directement au sujet de la guerre. Nous avons surtout cherché à savoir ce que les enfants avaient retenu. Généralement, ils s’identifient au Petit Nicolas et ils sont très tristes de la disparition de son créateur. En parlant de mon père, un enfant m’a dit, les larmes aux yeux : « J’espère que t’as inventé, qu’il n’est pas vraiment mort ! »

Vous dites être « la mère du fils » de votre père. C’est assez ashkénaze comme concept, non ?

Je suis une carricature d’Ashkénaze (rires), la mère juive par excellence, mais j’assume. Ne le leur racontez pas, mais lorsque mes enfants ne sont pas auprès de moi, je suis en apnée – et je ne vous ai pas dit leur âge !

Quel âge ont-ils ?

(Sourire) Salomé a 20 ans, et Simon 22. Ils font de brillantes études. Je ne respire que lorsqu’ils sont avec moi. D’ailleurs, cela aurait été la même chose avec mon père s’il avait vécu, j’aurais été très maternante.

Vous retrouvez un peu son esprit chez Alain Chabat, c’est ça ?

Exactement. Nous avons vite arrêté de chercher une voix qui ressemblait à celle de mon père pour aller vers quelqu’un qui incarnait parfaitement son esprit. Alain Chabat était le plus juste et le plus légitime (Laurent Laffitte, lui, avait dans la voix l’élégance de Jean-Jacques Sempé, il incarnait parfaitement ce dandy aussi beau que spirituel). Je ne veux me fâcher avec personne mais je crois qu’Astérix et Obélix. Mission Cléopâtre est la seule œuvre secondaire digne de mon père à 100 %. René Goscinny et Alain Chabat : voilà deux hommes qui ont réussi à tisser une complicité sans jamais s’être rencontrés. Nous parlons là d’une connivence qui s’affranchit de la mort. Lorsqu’Alain a dit oui, j’ai su que le film allait être réussi. Entendre Alain doubler mon père dans des dialogues que j’avais coécrits a été très émouvant. Les larmes n’étaient jamais loin – mais sait-on jamais ce qui, du rire ou de l’émotion, fait couler les larmes ?

Sucré-salé : le propre de l’humour juif ?

Je ne parlerai pas pour Alain ; mais pour mon père, oui. Chacun appelle cela comme il veut : humour juif ou universel, ou simplement talent. À titre personnel, j’aime beaucoup Woody Allen, un maître de l’autodérision systématique, avec son regard décalé. J’adore le génial Gad Elmaleh. Quand je sors d’un de ses spectacles, je pleure deux fois : d’abord de rire, car Gad est exceptionnellement drôle, et ensuite parce que j’ai de la peine que mon père ne l’ait pas connu – lui aussi l’aurait adoré. Je suis allée voir le film de Gad deux fois d’affilée.

Votre passage préféré ?

Lorsque sa mère lui dépose les carrés de chocolat « comme à l’hôtel ». J’adore !

Avant de parler de Lucrèce, j'ai deux comptes à régler avec les Goscinny. Vous savez que j’ai des origines corses, et depuis Astérix en Corse, je suis persuadé que les Corses sont susceptibles [ndlr : comme le dit le préambule de l’album]. Il faut absolument corriger cela !

Ha ha ha ! Je suis allée deux fois en Corse, et j’ai pu constater que les Corses adorent cet album ; il est partout. Mais je ne suis pas surprise qu’il ait un tel succès dans l’île, comme c’est le cas d’Astérix chez les Bretons en Bretagne, et d’autres ailleurs. En fait, mon père avait un humour doux. Il riait avec les gens et ne se

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Image issue du long métrage d’animation Le Petit Nicolas –Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?

moquait jamais d’eux. L’humour malveillant, ce n’était pas son affaire – et ce n’est pas la mienne non plus.

Deuxième point : L'odyssée d'Astérix nous conduit jusqu'à Jérusalem, aux portes du Temple. Astérix est donc forcément juif – pour nous, cela ne fait pas de doute. Qu'en pensez-vous ?

L’odyssée d’Astérix n’est pas un album de mon père. Mais Astérix est un personnage qui rassemble, qui fédère et qui permet à chacun de puiser dans cette œuvre une part de ce qu’il est. Ce qui caractérise Astérix en priorité, c’est la résistance. Le mot « résistant » s’applique à tous les peuples ; nous sommes tous des résistants, à un moment donné, à quelque chose de plus ou moins important, que ce soit au deuil ou à la tarte au citron pour les femmes qui veulent se mettre en maillot de bain (rires). Alors si c’est un Juif qui lit Astérix, oui, il va s’y retrouver : les habits d’Obélix (aux couleurs d’Israël), Panoramix et la Torah, la potion magique…

Anne Goscinny, née le 19 mai 1968 à BoulogneBillancourt, est une romancière française autrice de plusieurs ouvrages parus chez Grasset et Gallimard. Elle gère également l’œuvre de son père, René Goscinny – auteur d’Astérix, Lucky Luke, Iznogoud, Le Petit Nicolas –, dont elle est l'ayant droit.

Et votre regard personnel ?

Pour moi, Astérix est le fruit d’un mariage mixte, celui d’Uderzo et de mon père. On ne distingue pas l’un de l’autre ; ils sont comme une orange que vous coupez en deux, que vous pressez et dont vous répartissez le jus dans deux verres – est-il possible de distinguer un jus de l’autre ? Ce regard est lié à mon histoire et à mon parcours, mais d’autres l’interpréteront d’une autre manière.

Et Lucrèce, dans tout ça ?

Lucrèce est née de mon amitié avec la dessinatrice, Catel, qui voulait que ce soit une fille. Le 8 mars 2018, le premier volume du Monde de Lucrèce est venu au monde ; cinq ans plus tard, nous en avons écrit sept tomes – et le huitième arrivera le 7 septembre 2023 ! C’est difficile de faire son trou dans l’univers jeunesse. Mais finalement, le succès est arrivé très vite, presque sans que l’on s’y attende. Nous en sommes déjà à 300 000 albums vendus.

Toujours au collège, Lucrèce ?

Oui, cela ne change pas, c’est comme pour Le Petit Nicolas ; son âge reste fixe. Elle est au collège, en sixième, en cinquième, toujours amoureuse de Ruben, et elle nous raconte sa vie, ses vacances. Quand elle sera grande, elle veut écrire des histoires. Et des histoires, elle en a à raconter !

Pour clore cette leçon de cinéma, Anne Goscinny, avez-vous d’autres projets pour les salles obscures ? C’est difficile, le cinéma, c’est un drôle de monde, mais j’aimerais beaucoup adapter un de mes romans, Romance, par exemple.

Une adaptation de ce roman au cinéma serait en effet une merveilleuse idée. Nous avons de nombreux producteurs parmi nos lecteurs, alors l’appel est passé ! n

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© ONYX FilmsBidibul Productions © Jean-Philippe Baltel

Goscinny : un Juif solitaire qui voulait sauver le monde

Goscinny, dont il est question dans ce numéro, était un visionnaire. Il nous a tous accompagnés, au moins à un moment de notre vie. Qui n'a pas fait partie des lecteurs d'Iznogoud, du Petit Nicolas ou, évidemment, d’Astérix ? Il incarnait presque à lui seul le neuvième art ; et en fouillant son œuvre, il me semble qu’on peut y trouver la recette de l'accomplissement de soi que l'on peut également découvrir en gravissant la fameuse pyramide de Maslow. Ce psychologue renommé avait défini l'être humain comme une création qui, pour survivre, doit avant tout satisfaire ses besoins physiologiques, puis assurer sa sécurité, avant de se sentir appartenir à un collectif et finalement d'être estimé par les autres – cette ascension, en réalité, est un processus qui concrétise l'accomplissement de soi. À travers ses créations, Goscinny n'a pas souhaité uniquement divertir ses lecteurs ; ses scénarios étaient des histoires de vies qu'il leur offrait pour qu’ils s'épanouissent. Les présenter sous forme de bandes dessinées et de livres à la portée de tous était pour lui un moyen de permettre aux gens d’accéder facilement à sa science, un peu comme les écrans d'aujourd'hui. Ainsi, et selon les indications de

Maslow, Iznogoud le colérique et jaloux trace le contour des choses et des personnes à éviter pour préserver sa sécurité. La classe du Petit Nicolas est un lieu auquel chacun peut se sentir appartenir, du fait de la diversité des profils des élèves auxquels on peut s'identifier. Enfin – l’apothéose –, dans Astérix, tout apparaît : le besoin physiologique via la nourriture, essentielle pour « nos ancêtres » gaulois, le besoin de sécurité face à l'ennemi, celui d'appartenance au sein de ce fameux village, et enfin l'estime des autres grâce aux nombreuses missions accomplies. L'accomplissement est tel qu'à la fin de chaque album, on se sent bien autour du banquet qui réunit les villageois. Chacun a l'impression que la potion magique a été créée pour lui, afin de se renforcer face aux défis de la vie.

Goscinny ressemblait un peu à son héros le cow-boy Lucky Luke : c’était un Juif solitaire qui avait pour mission de sauver le monde. En polonais, « Goscinny » signifie « hospitalier », et c’est ainsi que ce grand auteur a accompli son destin : tout au long de sa vie, et encore aujourd'hui après sa mort, cet homme a invité et continue d’inviter des centaines de millions de personnes dans son univers pour les aider à sa façon, au quotidien. n

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© DR

À la MODE de chez nous...

Saviez-vous que la première usine textile du pays fut créée en 1934 par Erich Moller, un industriel juif de Tchécoslovaquie ? La production en usine couvrait tous les aspects de la confection de vêtements, de la fabrication du fil à la couture et l'emballage. Le nom de l'usine, ATA, inventé par le romancier Samuel Joseph Agnon, était l’acronyme des mots hébreux « Ariguei Totzeret

Artzeinou » : « Tissus fabriqués dans notre pays » – tout un symbole ! Depuis, la mode israélienne, devenue synonyme d’audace, de réussite et d’originalité, est reconnue dans le monde entier.

DOSSIER RÉALISÉ PAR NATHALIE SOSNA-OFIR

À la mode de Tel Aviv

La mode israélienne est un domaine de plus en plus florissant dont les origines remontent aux années 1950, lorsque le pays, fraîchement indépendant, commence à se développer. À ce moment-là, les stylistes privilégient des tissus légers et confortables, adaptés au climat chaud ; et peu à peu, ils créent leur propre style, astucieux mélange d'éléments artisanaux locaux, de la culture moyen-orientale et des tendances européennes. Depuis lors, la mode israélienne n’a cessé d'évoluer et de gagner en reconnaissance internationale.

Dans les années 1980, cette industrie connaît une ascension fulgurante en raison de sa diversité culturelle et du mélange unique de styles et d'influences présents en Israël, reflets de la société cosmopolite et colorée du pays, qui réunit des immigrants

arrivés des quatre coins de la planète. De surcroît, les créateurs voyagent de plus en plus et s'inspirent des paysages, des atmosphères et des populations rencontrées, incorporant également des éléments des cultures juive, arabe et chrétienne dans leurs créations. Ainsi, des vêtements traditionnels comme la djellaba, la robe longue traditionnelle portée par les femmes arabes et séfarades, ou encore le traditionnel talit, sont souvent réinventés et intégrés dans des créations contemporaines. Pour ne citer que lui, le designer Aharon Genish, ex-ultraorthodoxe, a fait sensation à la dernière Fashion Week de Tel Aviv avec une collection composée de pièces originales inspirées de vêtements traditionnels issus de différentes périodes historiques et basée sur une citation de la Torah : « Lève-toi, resplendis,

car voici ta lumière. » Ses mannequins ont ainsi défilé dans des robes volumineuses et des tuniques blanches ressemblant à celles portées à Yom Kippour par les 'Hassidim, ou à des tenues nuptiales. Autre aspect significatif de la mode israélienne : son engagement de plus en plus conséquent au développement durable. Les stylistes, conscients des enjeux environnementaux et sociaux, cherchent à créer des vêtements éthiques et respectueux de l'environnement. Nombreuses sont donc les marques israéliennes à utiliser des tissus recyclés et à adopter des pratiques de production éthiques. Cette année, la Fashion Week de Tel Aviv était d'ailleurs placée sous le signe de la durabilité, avec notamment David Weksler, styliste réputé pour ses textiles durables et recyclés, et d’autres jeunes créateurs talentueux et concernés tels que Shai Shalom, Sigal Dekel, Dror Contento, Yanky Golian et Nataf Hirshberg, Kesh limited by Keshet Shapiro et Alon Livne, qui ont présenté des collections en collaboration avec Kornit

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Hagar Alembik avec ses modèles à la fin de la présentation de ses créations lors de la Fashion Week de Tel Aviv 2023
© Flash 90
David Weksler, styliste réputé pour ses textiles durables et recyclés © DR –Issu du site Internet de D. Weksler

Digital, une entreprise spécialisée dans l'impression durable et numérique, d'ailleurs sponsor de l'événement. Les créateurs de mode israéliens se distinguent de plus en plus sur la scène internationale et remportent des prix prestigieux. En 2018, la créatrice Hed Mayner a décroché le Prix LVMH pour les jeunes créateurs, la marque de chaussures Maskit a été sélectionnée pour participer au salon de la mode Pitti Uomo à Florence, en Italie, et plus récemment, en 2021, Ilanit Mizrahi a été désignée meilleure styliste catégorie mariage à la World Fashion Festival de Dubaï. Ce n'est donc pas étonnant que les robes et les accessoires israéliens s'affichent régulièrement sur les tapis rouges ainsi que dans les clips des plus grandes stars, et qu’ils s'immiscent dans les dressings des célébrités, faisant honneur à Israël au même titre que la superwoman Gal Gadot, la série Fauda, le Dôme de fer ou l'application de navigation Waze. Mention particulière pour les robes de mariée « made in Israel » d'Alon Livne, Inbal Dror, Berta Bridal ou Dylan Parienty – qui avait habillé Bilal Hassani pour l'Eurovision 2019 –, qui doivent leur renommée au fait qu'elles sont majoritairement cousues à la main, ainsi qu'à la qualité des étoffes, des dentelles et des broderies utilisées. Et surtout, elles sont uniques, car il

n’existe pas de marché de prêtà-porter de la robe de mariée en Israël, ce qui explique l'absence de production de masse. Les

critiques de mode internationaux les apprécient particulièrement parce qu’elles rompent avec les modèles conventionnels comme les modèles « chantilly » ou « chamallow » américains et européens, et qu’elles offrent des jeux de transparence, des décolletés généreux et des fentes audacieuses – autant de caractéristiques par ailleurs souvent critiquées par les puristes juifs pour leur manque de tsniyout [pudeur] sous la 'houppa Israël, à la pointe de la technologie, on le sait, innove également dans les technologies liées à la mode, particulièrement dans les domaines de la production de textiles, de la conception de vêtements et des solutions de vente en ligne. Nano Textile utilise des nanoparticules pour produire des tissus résistants à l'eau et aux taches, ainsi que des tissus antibactériens et anti-odeurs. La plateforme de conception de mode CLO Virtual Fashion permet aux designers de créer des modèles

en 3D à partir de patrons virtuels, réduisant ainsi les coûts de production et de développement. Quant à la technologie de réalité augmentée de chez Zeekit, elle propose aux consommateurs de voir comment un vêtement s'ajuste à leur corps avant de l'acheter en ligne ; et la solution d'intelligence artificielle de chez Syte invite les consommateurs, à partir d'une image qu'ils aiment, à trouver des articles de mode similaires et leur fournit des suggestions de tenues complètes.

Alors c’est quoi, finalement, cette fameuse « Tel Aviv touch » dont tout le monde parle ? C'est avant tout du courage et de l’audace, de la 'houtzpa. Les créateurs israéliens ne craignent pas d'essayer de nouvelles choses, d'être originaux, uniques et anticonformistes, tout en respectant les plus hauts standards de qualité. Non seulement ils ont du talent, mais ils osent tourner le dos à la dictature des tendances au profit de la fantaisie et de la créativité, en s’inspirant de leurs racines, des traditions familiales ou de leurs grands-mères originaires de lointains pays, à l'image de la cuisine israélienne et de ses chefs. Et s'il n'y a guère si longtemps, nos cousines ou nos tantes israéliennes nous demandaient de leur rapporter des vêtements de Paris – en plus du sempiternel Toblerone –, à nous, à présent, de nous relooker en Israël ! n

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Des modèles présentent les créations des étudiants designers de l'école Shenkar lors de la Fashion Week de Tel Aviv 2019.

La tendance est au durable

Productrice de mode et entrepreneure, Viktoria Kanar a cofondé la start-up Re-Fresh Global, qui rassemble experts et innovateurs du monde entier avec pour objectif de développer de nouvelles initiatives qui auront un impact à long terme sur la façon dont nous produisons, achetons, vendons et recyclons les textiles. Elle a acquis sa vaste expérience internationale grâce à la création de GeekChicTLV, une agence spécialisée dans les productions de mode et de technologie innovantes en Israël et à l'étranger. Au fil des années, Viktoria a travaillé pour des acteurs de renom tels que LVMH, la Municipalité de Tel Aviv, Gindi Investments, la Fashion Week de Tel Aviv, le groupe Strauss et le ministère des Affaires étrangères en Israël.

LPH l'a rencontrée.

LPH : Pourquoi cette start-up, Re-Fresh Global, et depuis quand existe-t-elle ?

Viktoria Kanar : Ma cofondatrice et moi avons travaillé pendant longtemps dans l'industrie de la mode et nous en connaissons tous les aspects : création, production, communication, et plus encore. Nous pensions depuis longtemps que l'industrie n'était pas suffisamment sensibilisée à l'écologie et qu'il était temps de trouver des solutions pour remédier à la pollution qu'elle générait. Initialement, nous avions pensé que les marques seraient intéressées par nos conseils, mais nous avons rapidement compris qu'il y avait un manque de conscience de l'ampleur du problème. Nous avons donc décidé de développer et de mettre en œuvre nos propres solutions.

Comment tout a-t-il commencé ?

Avec un projet pilote dont l'idée était de collecter dix tonnes de déchets dans la ville test de Kfar Saba et d’étudier le fonctionnement de cet écosystème. Le problème était qu’il n'y avait pas encore assez de soutien en Israël. Mais une réglementation adoptée dans l'Union européenne prévoit d'interdire de jeter/ brûler les déchets textiles à partir de 2025 – la France a d’ailleurs déjà commencé à l'implémenter. Nous avons donc saisi l'occasion et décidé de lancer notre start-up en Israël et en Europe, à Berlin.

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© DR

En quoi consiste votre technologie ?

Elle repose sur une hydrolase enzymatique qui permet de transformer des fibres en trois matériaux distincts utilisés pour la production de nouveaux produits.

Quels types de déchets peuvent être transformés en tissus grâce à elle ?

Les déchets que nous pouvons transformer en tissus proviennent de sources synthétiques, telles que le polyester et autres, ce qui représente déjà 40 à 60 % des textiles jetés dans différents pays. Tout ce qui provient d'une source naturelle n'est pas transformé en tissu, mais devient de l'éthanol ou de la nanocellulose.

Comment votre entreprise assure-t-elle la qualité des tissus produits à partir de déchets ?

Nous travaillons avec la technologie et la machinerie les plus avancées, qui nous permettent de produire des tissus de haute qualité répondant aux différents besoins des industries avec lesquelles nous collaborons.

Quels sont les avantages environnementaux de votre technologie par rapport aux méthodes traditionnelles de production de tissus ?

Elle permet d'éliminer le besoin de produire de nouvelles fibres, ce qui réduit l'utilisation de ressources naturelles et chimiques dans l'industrie textile. Nos produits de « deuxième génération » offrent une qualité comparable en nécessitant beaucoup moins de ressources et en réduisant les distances de livraison. En effet, la plupart des textiles sont actuellement produits en Asie et notre concept vise également la possibilité de produire des matériaux locaux à partir de déchets pour l'industrie locale.

Comment mesurer l'impact environnemental des tissus recyclés issus de déchets ?

Les recherches montrent que près de 85 % des textiles dans le monde deviennent des déchets, souvent brûlés ou envoyés en Afrique, polluant ainsi l'environnement. L'industrie de la mode est déjà responsable de 10 % des émissions mondiales de carbone. Les premières analyses que nous avons menées montrent que notre technologie et nos processus peuvent réduire les émissions de carbone de 98 % par rapport à l'incinération du coton. Nous pouvons également éviter l'utilisation de 150 000 litres d'eau pour la production d'une tonne de fibres vierges.

Les tissus recyclés sont-ils compétitifs sur le marché par rapport aux tissus traditionnels ? Le premier produit que nous obtenons est la fibre, qui subit un processus de décontamination et sert de base pour le développement d'autres produits textiles. Il est même possible de créer des produits durs avec ces fibres, qui peuvent remplacer bien plus que les seuls tissus traditionnels.

Essayez-vous d'encourager les marques et les fabricants de vêtements à utiliser des tissus recyclés ? Oui, nous avons engagé le dialogue et travaillons en étroite collaboration avec eux. C'est ainsi que la marque H&M a été impliquée dans notre projet pilote en Israël entre 2020 et 2021. Depuis, de plus en plus de marques nous approchent, car elles comprennent qu'elles doivent changer leur stratégie, et devenir plus responsables et plus écologiques.

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Viktoria Kanar (à gauche) et la cofondatrice de Re-Frech Global, Revital Nadiv Zivan © DR

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Quels sont vos projets futurs en matière de recherche et développement pour améliorer votre technologie de recyclage de déchets en tissus ?

La grande vision de Re-Fresh Global est d'établir un réseau de mini-usines, appelées « microfactories », présentes partout, car les déchets existent là où il y a des êtres humains. L'idée est de contribuer à une ville circulaire, capable d'utiliser ces déchets pour les transformer en ressources utiles pour la production de matériaux qui seront utilisés dans la même ville.

Alber Elbaz, un créateur qui fait honneur à Israël

C'est en 1961, à Casablanca, au Maroc, qu'Alber Elbaz voit le jour au sein d'une famille juive qui, alors qu'il n'est âgé que de huit mois, s'installe à Holon, en Israël. Dès son adolescence, il dessine des robes et choisit d'étudier le stylisme au prestigieux Shenkar College, situé près de Tel Aviv et considéré comme le cinquième institut de design le plus influent au monde (après ceux de New York ou de Londres), selon The Business of Fashion, la plus haute autorité internationale des métiers de la mode, véritable pépinière de talents. Après avoir accompli ses trois années de service militaire dans les rangs de Tsahal, Alber Elbaz part pour New York où il devient, en 1989, le bras droit du célèbre couturier américain de la haute société, Geoffrey Beene. En septembre 1996, c'est la consécration : Alber Elbaz est nommé directeur de la création du prêt-à-porter chez Guy Laroche. Ses collections rencontrent un vif succès et il y restera jusqu'en 1998, avant de devenir, de fil en aiguille, directeur artistique des collections Yves Saint Laurent Rive Gauche, fonction qu'il occupe jusqu'en 2000, puis, l'année suivante, directeur artistique de Lanvin, où il restera quatorze ans, sa propre marque, AZ Factory, dont la première est présentée lors de la semaine de la mode en décès à Paris des suites de à l'âge de 59 ans.

Estimez-vous que de plus en plus de créateurs et de fabricants en Israël tiennent compte de l'environnement ?

Avec une sensibilisation croissante au respect de l'environnement, il va de soi que progressivement créateurs et fabricants n'auront pas d'autre choix que d'intégrer la durabilité dans leurs entreprises s'ils veulent continuer à exister. Les autorités vont devoir encourager les marques de mode à adopter des pratiques plus durables et responsables, notamment en ce qui concerne la production, la distribution et la gestion des déchets. Et parallèlement, il faut inciter les consommateurs à faire des choix plus éclairés et responsables lors de leurs achats de vêtements, pour réduire l'impact environnemental de l'industrie de la mode. n

Récompensé à de nombreuses reprises pour son talent, Alber Elbaz a remporté l'International Fashion Award en 2005, il a été décoré de la Légion d'honneur en 2006, a reçu le Design Star Award de l'International Fashion Group en 2007, la Grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris en 2009 ; et en 2010, il a été nommé Meilleur créateur de l'année par le Fashion Accessories Council à New York. Après sa disparition, un hommage-défilé Love brings Love » a été organisé en 2021 au Palais Galliera (Paris), ainsi que, en 2022, au Musée israélien du design à Holon, ville où Alber Elbaz a grandi, où son talent s'est révélé et où désormais il repose. Son destin exceptionnel, cousu de fil blanc, continuera longtemps de fasciner et d'inspirer des générations de créateurs.

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© DR
L'industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de carbone.

Les celebs s'habillent en bleu et blanc

La mode israélienne a conquis les Hollywoods ! Liza Minnelli adore se glisser dans les créations de Nili Lotan. Beyoncé a été vue, dans ses clips et lors de défilés internationaux, portant les robes de pas moins de quatorze créateurs israéliens, comme si elle était en pleine bar-mitzva à Tel Aviv ! Jennifer Lopez, pour sa part, est carrément obsédée par les robes de Galia Lahav, invitée il y a quelques années à la Fashion Week de Paris. Kate Middleton, l’épouse du Prince William, et Kate Moss, quant à elles, raffolent des bottes en caoutchouc de Menashe BenYossef, et Whoopi Goldberg ou Lady Gaga se perchent volontiers sur les escarpins excentriques – le mot est faible – de Kobi Levi, qui rappellent des balais-brosses ou des échelles ! La robe mi-longue bleu marine métallisé au décolleté en V profond et à la fine ceinture de la styliste Sabina Musayev que portait Naomi Biden, la petitefille du président américain, lors d'un prestigieux mariage sur le lac de Come, a fait sensation et couler beaucoup d'encre dans les journaux : « Naomi Biden avait l'air particulièrement glamour et chic dans sa robe israélienne »,

a commenté le New York Post, alors que le journal britannique The Daily Mail a fait remarquer que la jeune femme était « tout simplement magnifique, dans un look à couper le souffle, avec une robe de soirée féminine et luxueuse spécialement conçue par une couturière israélienne ». Sa photo, postée dès le lendemain sur son compte Instagram, a été vue par les 200 000 followers de cette aficionada de la mode. À noter que la robe est disponible en version prêt-à-porter sur le site de la créatrice, moyennant quelques centaines d'euros…

Mais la mode israélienne ne se limite pas aux robes de soirée ou de show, elle s'invite aussi dans

les mariages : on ne compte plus les celebs qui, à travers le monde, se marient en bleu et blanc. Ally Love, l'une des plus grandes stars médiatiques américaines, animatrice (notamment de la NBA), productrice, présentatrice, entrepreneure, a épousé l'élu de son cœur au Mexique dans deux robes créées par la styliste israélienne Berta qui, avec déjà plus de soixante-dix points de vente à travers le monde, est l'une des plus grandes références dans ce domaine. Toutes deux constituées de plusieurs couches de dentelle délicate superposées, entièrement recouvertes de paillettes de cristaux cousues à la main, ont

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Netta Barzilai, vainqueur de l'Eurovision 2018, était chaussée d'une création de Kobi Levi. Photo issue du site Internet de Kobi Lévy© DR

suscité l'émerveillement. Même le marié portait lui aussi un costume bleu créé par l'Israélien Assaf Ganot, ainsi que d'autres costumes du même créateur pour les célébrations qui ont précédé et suivi. Last but not least, l'une des robes portées par Ivanka Trump, la fille de l'ex-président américain Donald Trump, à son mariage était l'œuvre de la styliste israélienne Inbal Dror, devenue une référence dans l'industrie de la mode nuptiale. Les créations d’Inbal Dror, qui a également habillé plusieurs célébrités pour des événements tels que le Festival de Cannes et la cérémonie des Oscars, sont connues pour leur sophistication et leur sensualité, leurs détails complexes et leurs exquises finitions. Et il ne s'agit là que d'une liste non exhaustive… n

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Berta Balilti, en médaillon, est devenue une référence hors d'Israël. Les stars du monde entier s'arrachent ses créations.
DRAvec l'aimable autorisation de Berta Fashion House

Le secteur de la mode israélienne sous toutes ses coutures

Rencontre avec Maya Herscovitz, directrice de l'Union israélienne de l'industrie textile

LPH : Quels sont les objectifs de l'Union israélienne de l'industrie textile et de la mode ?

Maya Herscovitz : Promouvoir l'activité économique de nos membres en favorisant les partenariats, en exposant les industriels à l'innovation, en augmentant la productivité grâce à l'automatisation et à la production avancée, en offrant des formations professionnelles, des cours et des journées d'étude. Nous organisons également des voyages à l’étranger pour créer des collaborations et apprendre. Nous travaillons à renforcer les relations de travail et les partenariats entre les membres de l'association, en général et en particulier. En outre, nous nous employons à préserver la production nationale en collaborant avec les ministères gouvernementaux et par les appels d'offres, dans le but de renforcer l'indépendance économique de l'État d'Israël.

Comment l'Union promeut-elle cette industrie ?

Nous organisons des forums sectoriels et professionnels qui permettent un accès proactif, avec la volonté de changer la réglementation pour ouvrir les marchés internationaux, entre autres. Nous promouvons des programmes pour exposer les entreprises à travers diverses initiatives telles que la Fashion Week, des initiatives ponctuelles auprès des autorités locales et des salons internationaux. Nous aidons également à résoudre les difficultés liées à la réglementation et autres, pour maintenir l'activité commerciale continue de l'industrie. L'association apporte une réponse et une assistance à ses membres dans tous les domaines liés à l'industrie textile et de la mode, tant au niveau de l'usine individuelle que

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Les revenus – production locale uniquement – générés par le secteur de la mode sont d'environ 2 milliards de dollars par an.
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de l'ensemble du secteur, et elle œuvre pour la protection de l'industrie locale.

Pouvez-vous nous parler des développements et des initiatives futures que l'Union prévoit en matière de durabilité et d'innovation liées à la mode et au textile ?

Nous sommes en train de créer, en partenariat, un consortium appelé « Cycle Textile », dans le but de faire de l'industrie textile israélienne un leader dans les solutions innovantes pour répondre aux énormes défis posés par les déchets produits par les entreprises : nous travaillons à la création de solutions alternatives pour les déchets accumulés par les entreprises – déchets morts –, ainsi qu’à la résolution d’autres problèmes posés par l'industrie textile et d'autres industries (construction, plastique, infrastructures…).

Parmi les membres du consortium figurent des entreprises de textile et de mode, des start-ups et des technologies dans les secteurs du textile et de la mode, des entreprises spécialisées dans les industries de la construction et les infrastructures, des entreprises qui se concentrent sur le recyclage textile, mais aussi des universités en Israël et dans le monde. L'Autorité pour l'innovation, au nom du gouvernement, participe également à ce consortium. L'Union organise des journées d'étude sur ces sujets pour ses membres.

Quel chiffre d'affaires représente l'industrie textile et de la mode en Israël ?

Les derniers rapports ont été établis en 2021. Les revenus – production locale uniquement – étaient d'à peu près 2 milliards de dollars, dont environ 913 millions de dollars pour les exportations de textile et de mode, notamment vers les États-Unis et l'Europe occidentale.

Quelle part des dépenses des ménages la mode représente-t-elle ?

Les dépenses des ménages israéliens pour les vêtements et les chaussures représentent 3,3 % des dépenses de consommation totales – contre 4,6 % pour la moyenne des pays de l'OCDE – et 1,6 % du PIB. n

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Jeff Gabay, PDG de Cupron Inc., a créé une technologie rentable qui utilise les qualités du cuivre et permet la production de tissus tissés, tricotés et non tissés contenant le métal. Les fibres imprégnées assurent une protection antimicrobienne contre les micro-organismes tels que les bactéries et les champignons.

Tiré à quatre épingles… ou non ?

C'était encore vrai il y a quinze ans », répond Sophie. « La mode n'était pas une priorité pour les Israéliens, qui avaient tant d'autres choses importantes à gérer, à commencer par leur sécurité. » Mais, dit-elle, au cours de la dernière décennie, la mode et plus généralement le « lifestyle » ont gagné en importance en Israël : « Israël s'est réveillé et a cherché à rattraper le temps perdu. Depuis les années 2000, le pays a réalisé qu'il pouvait être une puissance non seulement en termes de technologie et d'innovation, mais aussi en termes de style de vie. Aujourd’hui, des vignerons israéliens produisent d'excellents vins, des chefs israéliens ouvrent des restaurants à Paris et à New York, des architectes israéliens réalisent des projets exceptionnels et des créateurs de mode israéliens émergent sur la scène internationale. »

Selon la conseillère en image, la mode israélienne est un mélange de tendances européennes, orientales et classiques, parfois audacieuses ou très kitsch. En effet, les créateurs font souvent preuve d'une grande extravagance, avec des combinaisons de couleurs improbables. « Bien sûr, on peut aimer ou ne pas aimer leur style, mais ils sont présents partout dans le monde, et en réalité cette extravagance reflète leur soif de profiter de la vie, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. »

La mode fait désormais partie intégrante de la culture israélienne, tout comme en France, constate Sophie : « Je pense que les immigrants européens, en particulier les Français, ont largement contribué à cette prise de conscience, non seulement à Tel Aviv, mais aussi

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« © DR
Il fut un temps où l'on disait que les Israéliens s'habillaient plutôt mal. Est-ce toujours le cas ? Pour le savoir, LPH a rencontré Sophie Rebibo-Rozenbaum, une passionnée de mode et conseillère en image, qui a fait son Alya depuis la France il y a trente ans. Elle nous offre son regard sur les Israéliens et la mode.

ailleurs en Israël, et même dans les communautés ultraorthodoxes, où l'on assiste à une véritable révolution, avec de plus en plus de femmes 'harédiot qui créent des tenues prouvant que modestie – tsniyout – peut être synonyme de mode » – au point qu'à Bnei Brak, l'apparence de certaines femmes fait tourner les têtes.

Que recherche l'Israélienne en matière de mode ?

Cela dépend de sa tranche d'âge, répond Sophie. Les plus jeunes cherchent les dernières tendances, peu importe si cela leur va ou non, l'important étant de suivre le mouvement. Les femmes plus mûres, quant à elles, cherchent à bien s'habiller, dans un style européen classique, intemporel dans la coupe et les tissus, sans trop de fioritures, ce que l'on peut trouver chez certains créateurs israéliens renommés. Un bémol, cependant : les créateurs israéliens sont souvent très chers, car ils ne reçoivent pas de subventions, et aussi parce qu’en Israël la main d'œuvre est coûteuse. Si les vêtements sont fabriqués en Turquie ou en Chine, les prix baissent, évidemment, mais la qualité aussi. Et acheter chez les créateurs est sans doute le prix à payer pour s'assurer de ne pas voir sa tenue portée par la moitié de la population, comme c'est souvent le cas avec les collections de Zara, par exemple.

Sophie est fidèle à des créateurs présents sur le marché depuis longtemps. Ses valeurs sûres : Ronen Chen ou Maya Negri qui, de plus, conçoivent au-delà de la taille 44, ce qui est plutôt rare en Israël. « J'ai acheté une petite robe noire de Ronen Chen il y a trente ans, au moment où j'ai fait mon Alya, et elle est toujours impeccable », affirme Sophie, qui prescrit d’ailleurs d’avoir toujours dans son dressing une petite robe noire que l'on peut porter dans la journée ou avec des perles le soir. Indispensables aussi, en été, des vêtements en lin ou en coton aux coupes amples ; et en hiver, un tailleur pantalon et veste noirs, que l'on peut porter séparément, et la fameuse

chemise blanche. Et surtout, ajoute-t-elle, ne jamais oublier que la quintessence de l'élégance, du chic et de la féminité réside dans le fait de suggérer, et non de révéler.

Les hommes suivent eux aussi cette tendance au « mieux s'habiller ». Ils ont davantage envie de s'habiller et disposent aujourd'hui d'un choix beaucoup plus vaste en matière de mode, même s'ils sont nombreux à rester fidèles au look jean, tee-shirt et sandales.

« Israël a fait d'énormes progrès en matière de mode mais a encore beaucoup à apprendre », conclut Sophie qui manifestement y contribue à sa manière. Elle cite pour preuve « l'incroyable faute protocolaire dans le choix de la tenue que portait Michal Herzog, la femme du président israélien, au couronnement de Charles III : un tailleur pantalon bleu, aucunement prestigieux, plutôt casual, créé par la styliste Tovale ». Cependant, la veille, à la réception donnée par le roi pour accueillir les dignitaires étrangers, madame Herzog portait un tailleur sur mesure mordoré de Maya Negri de toute splendeur qui a fait honneur à la créativité en bleu et blanc. n

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« La mode israélienne est un mélange de tendances européennes, orientales et classiques, parfois audacieuses ou très kitsch. »

Cumuler deux travaux en Israël : mode d’emploi

Évidemment, lorsque l’on cumule plusieurs emplois, la question de la fiscalité se pose. On entend souvent dire qu’il n’est pas rentable d’endosser un travail supplémentaire car les prélèvements des autorités fiscales sont alors tels que le gain final en sera largement réduit. C’est faux ! Et nous allons vous expliquer pourquoi.

1- Vérifier les conditions de travail

Avant même de commencer à chercher un second emploi, il est important de vérifier les conditions de travail de votre premier emploi. Certaines entreprises peuvent avoir dans leurs contrats de travail des clauses qui interdisent aux employés de travailler ailleurs tant qu’ils sont sous contrat. Assurez-vous donc de bien comprendre les règles et la politique de votre employeur actuel.

2- Vous êtes salarié et vous voulez cumuler un ou plusieurs autres emplois en tant que salarié :

Peu importe votre situation professionnelle, la règle de base en Israël concernant

les conditions d’imposition est très claire : les impôts sont calculés en fonction de l’ensemble des revenus globaux. Donc, lorsque vous cumulez deux emplois de salarié en Israël, votre imposition dépendra de vos revenus totaux provenant des deux emplois combinés. Vous devez effectuer certaines démarches auprès des autorités fiscales : eoum mass Cette déclaration vise à indiquer le montant des impôts qui doivent être prélevés sur le salaire de l'employé dans chacune des entreprises dans lesquelles il travaille. Pour cela, vous devez remplir le formulaire Tofess 101, qui vous sera remis par chacun de vos employeurs et dans lequel

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Cumuler deux emplois en Israël est assez courant ; et si cette pratique peut choquer certains francophones qui vivent depuis peu dans le pays, la culture du « travailler plus pour gagner plus » est bien connue des Israéliens et bien souvent nécessaire pour s’en sortir.

il vous faudra indiquer, en plus des mentions de base, que vous travaillez également ailleurs.

Le formulaire 644 du BiToua'h Leoumi

En plus du Tofess 101, vous devez indiquer le montant des cotisations au Bitoua'h Leoumi (Sécurité sociale) prélevées par l’employeur. Si vous déclarez que vous cumulez plusieurs emplois, vous êtes soumis aux tranches de cotisations maximales.

Retenue d'impôt à la source

En Israël, les employeurs sont tenus de retenir l'impôt sur les revenus de leurs employés à la source : chacun de vos employeurs déduira les impôts sur votre salaire en fonction des revenus que vous gagnez dans cet emploi spécifique. Assurez-vous que chaque employeur respecte correctement les obligations de retenue d'impôt.

3- Vous êtes salarié et vous voulez cumuler une autre activité en tant qu’indépendant (atzma'i) : quelles sont les démarches à effectuer ?

• Là encore, vous devez préciser, dans le Tofess 101 que votre employeur vous remet, que vous exercez une activité en tant qu’indépendant.

• Vous devez vous inscrire auprès de l'Autorité fiscale (Mass Akhnassa) pour obtenir un numéro d'identification fiscale (mispar zehout). Ce numéro sera utilisé pour vos déclarations fiscales et vos interactions avec les autorités fiscales.

• Tenez une comptabilité : il est important de tenir une comptabilité précise et organisée pour votre activité indépendante. Cela comprend la gestion des factures, des

revenus et des dépenses liés à votre entreprise. Vous pouvez choisir de tenir votre comptabilité vous-même, mais nous vous recommandons de faire appel à un comptable fiscaliste pour vous y aider. Il se chargera de déclarer vos revenus aux autorités fiscales pour que vous puissiez payer vos impôts et vous évitera des retards sanctionnés par des pénalités.

• Gérez vos cotisations au Bitoua'h Leoumi : en tant qu'indépendant, c'est vous qui êtes responsable de vos cotisations au Bitoua'h Leoumi . Vous devrez vous inscrire en tant qu'indépendant auprès de l'organisme de Sécurité sociale et payer les cotisations appropriées pour bénéficier de la couverture sociale.

4- Quelques éléments clés à considérer concernant l’imposition

• Taux d'imposition progressif : le système fiscal israélien applique un taux d'imposition progressif, ce qui signifie que plus vos revenus sont élevés, plus le taux d'imposition applicable est élevé. Les taux d'imposition augmentent suivant l'augmentation des tranches de revenus. Il est important de noter que chaque emploi sera imposé séparément en fonction de sa tranche de revenus.

• Cumul des revenus : lorsque vous cumulez deux emplois, vos revenus de chaque emploi sont additionnés pour déterminer vos revenus totaux. Ce montant global sera utilisé pour déterminer la tranche d'imposition applicable à votre situation.

• Exonérations et déductions : en Israël, il existe certaines exonérations et déductions fiscales susceptibles de réduire votre imposition. Ces exonérations peuvent varier en fonction de différents facteurs, tels que votre statut familial, vos dépenses spécifiques, etc. Il est recommandé de consulter un conseiller fiscal pour déterminer les exonérations et déductions auxquelles vous pourriez avoir droit.

• Déclaration fiscale : vous devez remplir une déclaration de revenus annuelle auprès de l'Autorité fiscale israélienne. Dans cette déclaration, vous devez indiquer tous vos revenus provenant de vos différents emplois ainsi que d'autres sources éventuelles de revenus. À partir de ces données, l'Autorité fiscale déterminera ensuite votre impôt sur les revenus finaux, en tenant compte des tranches d'imposition applicables.

En conclusion

Étant donné que les impôts sont calculés en fonction de la tranche d’imposition dans laquelle vous vous situez, il n’y a aucune objection fiscale ni économique à cumuler plusieurs emplois en Israël, que ce soit auprès de divers employeurs ou en tant qu’indépendant.

Si vous êtes vous-même dans cette situation, Natco Consulting est spécialisé en fiscalité israélienne et internationale, et pourra vous aider dans toutes vos démarches. N’hésitez pas à prendre contact avec nous ! n

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Natco Consulting Fiscalité internationale contact@natcoconsulting.com https://natco-consulting.com/

Zoom sur l’orthoptie

Qu'est ce que l’orthoptie ?

L'orthoptie est une discipline paramédicale qui consiste à rééduquer la vision binoculaire. En d'autres termes, elle vise à rétablir une bonne coordination des deux yeux.

Quels sont les signes qui doivent nous alerter et nous amener à faire appel à un orthoptiste ?

Quand on a l'impression qu'un œil ou les deux yeux dévient de façon constante ou intermittente, dès l'âge de 4 ou 5 mois et jusqu’à plus de 77 ans.

Plus spécifiquement chez l'enfant :

• Quand il force ou cligne des yeux.

• Quand il a des problèmes de concentration en classe : enfant rêveur ou jugé hyperactif.

• Quand il a des problèmes d'apprentissage, par exemple du mal à lire, qu’il inverse les lettres ou saute des lignes (on peut être amené à poser un faux diagnostic de dyslexie).

Chez l’adulte : Quand il se plaint de

• Maux de tête

• Fatigue et endormissement à la lecture

• Difficultés à la conduite (certains n'arrivent pas à obtenir leur permis de conduire à cause de cette gêne)

• Inconfort visuel avec une nouvelle correction (surtout dans le cas de verres progressifs)

• Problèmes de concentration (notamment, difficultés à rester à l’ordinateur)

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L'orthoptie est un métier peu ou mal connu en Israël. Pourtant, cette technique peut se révéler très utile. Toutes les infos avec Ruthy Layani Anoufa, orthoptiste diplômée.
Plus on commence un traitement orthoptique tôt, plus les chances de réussite sont grandes.

Certains cas, plus complexes, peuvent survenir après une opération de la cataracte, un accident cardiovasculaire ou autre, à l’origine de déséquilibres entraînant une vision double constante ou intermittente, des vertiges et donc évidemment une importante gêne visuelle.

En quoi consiste le traitement ?

L'orthoptie est une physiothérapie des yeux qui consiste à remettre les yeux droits (en grec, « ortho » signifie « droit », et « opto », vision) et en bonne synergie. Plus on commence un traitement orthoptique tôt, dès la découverte du problème, plus les chances de réussite sont grandes. Un protocole peut être mis en place à partir du moment où l'on constate qu'un œil dévie.

À noter que chez les bébés et les tout-petits, on utilisera surtout des méthodes de caches. Dès que l’enfant sera en mesure de coopérer, on pourra alors entreprendre des séances d'orthoptie et un suivi plus intensif.

Dans quel but ?

• Essayer au maximum de redresser l'œil ou les yeux qui dévient – le travail se fait d'ailleurs en association avec les ophtalmologues et les optométristes, car dans certains cas le fait même de porter une paire de lunettes peut déjà améliorer le strabisme.

• Éviter que l'œil le moins utilisé devienne paresseux et perde en acuité visuelle, ce qui risque par la suite d'engendrer une mauvaise vision de relief et fausser l’évaluation des distances.

Mon conseil : soyez très vigilants !

On a vite fait, dans les écoles, d'étiqueter les enfants comme « hyperactifs » ou « dyslexiques ». Avant tout autre examen (neurologique, psychologique, etc.) que l’école va vous demander d’effectuer, commencez d’abord par vérifier les yeux de vos enfants, car c'est ce qu'on sollicite le plus en classe. Et pour vousmême, soyez très attentif. Les cas les plus fréquents sont les hétérophories (strabismes latents lorsque les yeux sont au repos), qui touchent plus de 75 % de la population. Le problème est que celles-ci, alors qu’elles peuvent être très handicapantes dans la vie de tous les jours, ne sont pas détectables à l'œil nu, d’où beaucoup d'errances. Alors, comment s'en apercevoir ? Tout simplement si vous constatez un ou plusieurs des signes cités plus hauts.

En conclusion, voici un petit exercice facile qu’il est bon de faire et que tout le monde peut faire – du moins tous ceux qui ne ressentent pas de gêne particulière (pour les autres, il faudra s'adresser à un orthoptiste qui vous donnera des exercices appropriés à votre problème spécifique) : assis bien droit, regardez dans toutes les directions (les quatre points cardinaux) le plus loin possible, sans bouger la tête. Seuls les yeux bougent.

Effectué très régulièrement, cet exercice vous assurera une bonne tonicité et une souplesse musculaire des yeux, et il contribuera à maintenir une vision correcte et précise. n

Orthoptiste diplômée de l'Université Paris VI en 1985 Expérience dans les hôpitaux de Paris spécialisés dans les yeux, dont le Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts Pour toute information complémentaire : Tél. : 054-7236983

Mail : ruthy.anoufa@gmail.com

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Les femmes vaillantes de l’Histoire juive mises en valeur par le musée ANU

Nombreux sont les héros de l’Histoire juive avec lesquels les enfants du peuple d’Israël grandissent.

Qu’il s’agisse de héros bibliques ou d’époques lointaines, ou de contemporains, ils ont inspiré des générations entières. Mais pendant trop longtemps, les figures mises en avant étaient dans leur immense majorité des hommes, comme si les femmes juives s’étaient effacées de la scène. Pourtant, c’est bien le roi Salomon qui, le premier, a écrit dans les Proverbes une ode à ces femmes qui changent le monde au quotidien : « Èchète 'hayil », la « femme vaillante ».

C’est justement cet aspect qu’a voulu aborder ANU, le Musée du peuple juif – le plus grand musée juif au monde, situé sur le campus de l’Université de Tel Aviv. Complètement rénové, il met en avant une Histoire juive polyphonique, composée des

histoires d’hommes et de femmes juifs à travers les siècles. Un des nombreux défis que ce musée a relevé lors de sa rénovation est justement que cet espace attrayant et moderne, qui raconte une histoire millénaire à l’aide des technologies les plus actuelles,

redonne leur place historique aux femmes juives au fil des générations.

Sous l’autorité de la conservatrice en chef, Orit Shaham-Gover (ancienne curatrice du centre des visiteurs sur le site archéologique de Massada, qui a notamment planifié le musée et la structure touristique du quartier juif de la Vieille Ville de Jérusalem, ainsi que celle de la Cité de David), un travail remarquable a été réalisé par les différentes équipes du musée afin de présenter sous divers angles la vie et l’œuvre de grandes femmes juives qui ont fait l’Histoire, ces femmes vaillantes qui ont contribué à changer le monde, chacune dans leur domaine.

Connaissez-vous par exemple la vie de la lauréate du prix Nobel de médecine Rita Levi-Montalcini, cette neurologue juive italienne née au début du XXe siècle à

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PAR CÉCILE ABREVAYA © DR

BOUILLON DE CULTURE

Turin dans une famille séfarade, qui a fait des découvertes révolutionnaires dans le domaine des facteurs de croissance de cellules nerveuses ? Avez-vous entendu parler de Flora SassoonGabbai, une businesswoman indienne née au milieu du XIXe siècle, qui était en même temps une talmidat 'hakhamim, une femme versée dans l’étude de la Torah et qui entretenait des relations épistolaires avec les grands rabbins de son époque ? Et savez-vous qui était Doña Gracia, célèbre figure de la Renaissance qui géra une immense fortune familiale et prêta de l'argent aux rois, tout en venant activement en aide aux Juifs persécutés à travers l'Europe ? Ou encore l’immense écrivaine brésilienne du XXe siècle Clarice Lispector ? Le musée ANU permet ainsi aux visiteurs de découvrir une palette de personnalités féminines juives passionnantes, via des films, des photos, mais aussi des objets. Dans la partie consacrée au judaïsme contemporain, où sont exposés de nombreux objets ayant appartenu à des Juifs célèbres, on peut en effet également voir des biens ayant appartenu à ces femmes renommées et, à travers eux, apprendre de manière ludique en quoi leurs anciennes propriétaires se sont illustrées. On y trouve par exemple un col en dentelle (photo ci-dessous) ayant appartenu à la grande

juriste et juge à la Cour suprême américaine Ruth Bader Ginsburg, qui portait toujours des cols blancs en dentelle et qui, peu avant son décès, en a offert un au musée. Au troisième étage, on ne pourra pas manquer la salle de verre sans plafond divisée en quatre directions, symbolisant le fameux plafond de verre que de nombreuses femmes juives durent briser pour exprimer leur personnalité et leur talent, et pour réaliser leur destin.

À noter : la mise à disposition d’un audioguide en français permet aux visiteurs francophones de découvrir l’extraordinaire richesse de cette exposition ouverte à toutes et à tous, de 7 à 77 ans ! n

Horaires d’ouverture du musée ANU :

Du lundi au samedi de 10h à 17h

Vendredi de 9h à 14h Nocturne le jeudi jusqu’à 22h Fermé le dimanche

Pour vous y rendre : En voiture : Le musée est situé sur le campus de l’Université de Tel Aviv.

Entrée par la porte Matatia 2

Parking en face du musée, rue Klausner En transports en commun :

. En bus : Egged : 271, 222, 572

Dan : 7, 25, 289, 45

. En train : station « Tel Aviv University », puis prendre les bus 7 ou 45 Pour en savoir plus : www.anumuseum.org.il

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La salle de verre sans plafond du musée ANU

Bat Ye'or :

Ceux qui ont souffert de la dhimmitude me remercient de les avoir

silence

Dans ce lobby d’hôtel de Jérusalem, tendrement accompagnée par sa fille israélienne, elle semble frêle. Mais ce n’est qu’une apparence. Bat Ye'or, de son vrai nom Gisèle Littman-Orebi, est une battante. Née en 1933 au Caire, ses ouvrages, publiés en anglais, allemand, espagnol, français, hébreu, italien, néerlandais, russe, ont fait couler beaucoup d’encre car ils ont remis en question une certaine vision que l’on avait de l’Islam. En faisant connaître les notions de « dhimmi », « dhimmitude »

et « Eurabia », elle n’a pas craint de briser des tabous. Attaquée de toutes parts, en avance sur son temps, elle a toujours assumé ce qu’elle pensait être fondé et juste. Dans cette interview rare, elle livre l’essentiel de sa pensée, et un peu de sa vie.

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fait sortir de la tombe cimentée de
dans laquelle on les avait enfermés.

LPH : Revenons sur votre expulsion d’Égypte en 1957 : vous avez 23 ans, que se passe-t-il cette année-là pour la jeune femme que vous êtes ? Bat Ye'or : Les Juifs étaient persécutés en Égypte : expulsés de l'espace public, renvoyés de leur travail, leurs comptes en banque étaient bloqués, leurs biens confisqués. L'antisémitisme existait depuis des années en Égypte, déjà avant 1945. Les masses islamiques étaient nazifiées. Les Juifs du Caire et d'Alexandrie ont tremblé lorsque les nazis sont arrivés en Libye, ils se sont cachés. Le Mufti menaçait les Juifs égyptiens du même sort que ceux d'Europe. Beaucoup de

théologiens musulmans collaboraient avec les nazis et prononçaient ouvertement des vindictes contre les Juifs. Les officiers militaires qui ont fait la révolution de 1952 avaient tous collaboré avec les nazis. Ils ont invité des criminels nazis en Égypte et en Syrie, et ils leur ont confié des fonctions importantes, notamment au sein de la propagande palestinienne et dans la guerre contre Israël. Je savais qu'à chaque instant on pouvait m'emmener, me faire tuer.

En 1956, mes parents ont décidé de partir. La communauté juive d'Égypte était une vieille communauté, enracinée depuis longtemps. Il était difficile d'envisager de tout quitter pour aller vers l'inconnu. De plus, la Seconde Guerre mondiale était encore proche, et la paix récente. On partait vers une Europe ruinée, sur un sol où tant de Juifs étaient morts. Cependant, beaucoup de jeunes Juifs avaient déjà fui à cette époque.

Je ne suis pas partie en Israël, parce que mon père était invalide et que je devais aider mes parents. Ma sœur et son mari vivaient en Angleterre, mes parents ont donc choisi de s'installer là-bas. Lorsque nous sommes arrivés à Londres, il nous a été très difficile de nous adapter à notre nouvelle vie. Mes parents ne se sont jamais plaints, ils ont fait preuve d'un courage extraordinaire alors que c'était très dur pour eux.

Pensez-vous que votre chemin de vie s’est tracé à ce moment-là ?

À cette époque, j'étais une jeune fille qui écrivait des romans et se vouait à cette occupation. Je me suis rendu compte que j'étais le témoin d'un événement extraordinaire : la fin de vie d'une communauté qui était là depuis des millénaires. Je me suis mise à tout observer, sans pouvoir rédiger quoi que ce soit car nous vivions sous la menace permanente des perquisitions et des accusations de sionisme, et donc d'être condamnés à mort ; il fallait faire attention à ce qu'on disait, à qui l'on parlait et à ce qu'on écrivait. Je me suis dit que lorsque je pourrais, je mettrais tout par écrit. Du coup, j’ai vécu cette période comme un témoin extérieur, ce qui m'a permis de prendre de la distance.

Vos travaux ont bousculé, voire gêné beaucoup de monde. Comment vit-on quand, d’une certaine manière, on s’est fait des millions d’ennemis ?

Mes travaux ont gêné beaucoup de monde, sauf ceux qui ont souffert de la dhimmitude et qui ne cessent de me remercier de les avoir fait sortir de la tombe cimentée de silence dans laquelle on les avait enfermés, eux et toute leur histoire héroïque. lll

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C’est surtout après mon livre Eurabia que j’ai subi de véritables attaques, car j'y montrais la collusion entre l'Union européenne et le monde musulman, y compris au plus haut niveau, avec la Ligue arabe et l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI). J’exposais les accords et la synchronisation, dans les politiques, entre les demandes islamiques et les Européens. Je ne l'avais pas fait pour attaquer l'Union européenne mais pour comprendre les sources de la dhimmitude en Europe. Sans que l’on s’en aperçût, il y avait en Europe des lois qui s'apparentaient à la loi islamique, comme le rétablissement de lois contre le blasphème, la manière d'enseigner l'Islam ou le fait de ne pas parler des éléments de guerre entre les forces islamiques et européennes. Lorsque j'ai lu le rapport Obin sur les écoles et l'enseignement en France, j'ai identifié certains comportements islamiques de la part d'enfants musulmans qui venaient d'un monde de la dhimmitude dans lequel ces comportements envers les Juifs et les Chrétiens étaient normaux, et qu'ils transposaient en Europe.

Finalement, peut-être avezvous eu le tort d'avoir raison avant tout le monde, et les esprits n'étaient-ils pas assez mûrs pour entendre ce que vous aviez à dire ? Mes thèses allaient à l'encontre de la politique européenne décrétée en 1973, basée sur l'entente avec les pays musulmans et la fusion à tous les niveaux, surtout sur les plans culturel et de l'immigration, et sur le mythe de la tolérance. On disait que l'Islam avait été tolérant. Toute la terminologie à laquelle on recourait pour expliquer les relations entre Juifs, Chrétiens et Musulmans était falsifiée ; on appliquait à l'histoire de l'Islam des concepts issus de l'histoire occidentale, cela n'avait aucun sens. Mon travail avait pour objectif de rectifier cela. J'ai apporté de nouvelles définitions. Dans mon

livre Le dhimmi, j'ai fait découvrir le dhimmi juif et son univers, ce système qui repose sur les hadiths du Coran et les lois de la charia. J'y ai aussi évoqué les dhimmis chrétiens mais je ne me suis pas attardée sur ce sujet que je ne maîtrisais pas suffisamment. Des Chrétiens du Liban m'ont remerciée pour ce livre et m'ont demandé une réédition du Dhimmi qui étudierait plus amplement la dhimmitude chrétienne. La situation des Chrétiens est très différente de celle des Juifs. Ils représentaient des majorités nationales, avec leurs armées et leurs institutions, alors que les Juifs étaient de petites communautés parsemées. La politique islamique à l'égard des Chrétiens a été beaucoup plus sévère. Une collaboration des élites chrétiennes avec les forces musulmanes, en particulier sous l'empire byzantin, a vu le jour, pour prendre le pouvoir contre la branche princière musulmane concurrente. Il est passionnant de voir comment les rivalités chrétiennes ont favorisé la montée de l'Islam partout dans le monde chrétien. Les califes musulmans ont su jouer de ces rivalités pour détruire les Chrétiens.

L'empire chrétien n'a-t-il pas fait vivre aux Juifs une certaine dhimmitude ?

Lorsque les Musulmans ont envahi les pays chrétiens, ils y ont trouvé le droit canon chrétien et le code civil byzantin, qui avaient déjà créé un statut discriminatoire pour les Juifs. Ils ont utilisé ce bagage antisémite et l'ont adapté au monde musulman. Il n'est pas exact de parler d'antisémitisme islamique ; l'antisémitisme est chrétien. Dans l'Islam, il appartient à la dhimmitude, ce n'est pas la même chose et il est très important de savoir faire cette distinction. C'est une erreur d'appliquer un concept qui représente une certaine densité historique de l'antisémitisme à une civilisation tout à fait différente. Dans le monde musulman, les Juifs et les Chrétiens portaient des signes distinctifs depuis le VIIIe siècle.

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Bat Ye'or dans sa jeunesse © DR

Tout un ensemble de lois avilissantes pour les populations de la dhimmitude s’y sont perpétuées jusqu'au XIXe siècle, et même jusqu'à maintenant d'une manière allégée, et elles se sont retournées contre les Chrétiens qui les avaient initiées.

Vous avez été d’une certaine manière une lanceuse d’alerte. Face à la montée de l’islamisme radical, êtes-vous satisfaite de votre travail ou pensez-vous qu’il représente une goutte d'eau dans l'océan ? J'étais motivée par la passion de la découverte et par la nécessité de mettre le dhimmi – des millions de personnes – au cœur de l'histoire. Il fallait donner un nom à cette condition du Juif, du Chrétien et des autres minorités en terres musulmanes, pour reconnaître leur existence. Le monde de la dhimmitude est immense. L'histoire du dhimmi est extrêmement émouvante car c'est une ombre qui passe, qui n'a pas d'histoire, qui est toujours là mais que tout le monde a oubliée. J'ai voulu le remettre dans l'histoire et lui rendre sa dignité.

Lorsque j'ai étudié la dhimmitude chrétienne, j'ai senti qu'il fallait un mot pour décrire ce processus. J'ai créé le mot de « dhimmitude » mais je me suis dit que si moi, une Juive tellement rabaissée, rejetée, je lançais ce mot, il ne serait pas accepté. Je pensais qu'il fallait qu'un Chrétien l’introduise pour qu'il soit accepté. Finalement, c'est le président chrétien de la république libanaise, Bachir Gemayel, qui l'a prononcé pour la première fois dans son discours avant d'être assassiné. Mon livre a d’ailleurs eu davantage de retentissement dans les milieux chrétiens que juifs. Les Chrétiens y ont trouvé une analyse objective, fondée, argumentée, d'un problème qui, pour différentes raisons politiques, avait toujours été nié.

Mon travail pourrait être utile si on le considérait comme une voie vers la paix et l'entente. Tout comme le judaïsme et le christianisme se sont réformés, l'Islam doit se dégager d'une vision théologique du djihadisme pour accepter comme égaux les peuples qui ne sont pas musulmans et entretenir avec eux des relations d'estime. C'est d'ailleurs de cette façon qu’Israël pourra parvenir à la paix. Cela passe par une modernisation de l'Islam. lll

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J'espère que mon travail permettra d'abolir l'idéologie djihadiste, pour que l'ensemble des pays musulmans récusent le djihad et que désormais les relations internationales soient basées sur les principes de l'égalité des peuples, la reconnaissance de leur droit à l'autonomie et leur souveraineté nationale dans leurs propres pays respectifs.

L'Islam est-il prêt à cela ?

Les Musulmans, pour beaucoup, sont prêts – mais pas l'Islam. Les juristes musulmans ont la possibilité de mener une réforme. Mais il y a beaucoup de mouvements radicaux très puissants, qui ont été fabriqués par les politiques européennes et américaines, avec notamment la création des Talibans ou le soutien européen à Khomeiny pour écraser la Russie, entraînant une scission dans le monde judéo-chrétien entre le christianisme oriental et le christianisme occidental – et par conséquent la fin de l'Occident.

Ce sont nos gouvernements qui poussent à la guerre. Regardez les printemps arabes : Obama et l'Europe ont soutenu les mouvements radicaux, renforçant sans le vouloir la charia au détriment des Musulmans qui luttaient contre la charia. Les populations musulmanes sont victimes des politiques des grandes puissances occidentales.

La définition du dhimmi selon Bat Ye'or Une fois leur territoire conquis par le jihad, les populations étaient soumises à une sorte de pacte qui devint vite un statut imposé et infamant : la dhimma, la « protection » islamique s’exerçant dans un contexte de guerre ininterrompue. La condamnation à mort sanctionnait le refus de se soumettre. Ce fut la dhimma qui assura le succès de la politique d’arabisation et d’islamisation. Son abrogation au XIXe siècle sous la contrainte de l’Occident n’a sans doute pas modifié en profondeur les doctrines et les représentations musulmanes.

Selon vous, quelle est la plus grande menace pour Israël aujourd'hui ?

Ce sont l'Europe et les États-Unis. L'Europe a créé la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. En 1948, immédiatement après la guerre perdue par les Arabes de Palestine, l'Europe a fondé l'UNRWA. A-t-on mis en place une telle institution pour les Juifs expulsés des pays arabes ?

L'Europe n'aime pas Israël. Jean-Yves le Drian l'a dit ouvertement : « Nous n'avons jamais voulu que l'État d'Israël soit créé à cet endroit. » Mais où Israël peut-il exister, si ce n'est en Terre d'Israël ?! C'est incroyable de prononcer une telle phrase ! Aujourd’hui, c'est l'Europe et l'Amérique qui menacent Israël, parce qu'elles tirent les ficelles, parlent de frontières alors qu'il s'agit de lignes d'armistice, veulent construire un second État palestinien au cœur d'Israël, avec Jérusalem comme capitale… Elles savent pertinemment que ce sont des conditions qu'Israël ne peut pas accepter sans se suicider. On appelle cela le processus de paix parce qu'après Auschwitz on ne peut pas dire qu'on veut liquider Israël. Ce sont les frontières d'Auschwitz dont parlait Abba Eban. Il existe une collusion entre l'Europe et le monde musulman, une entente contre Israël.

Quel regard portez-vous sur les accords d'Abraham ?

Ils sont un premier pas dans l'évolution du monde musulman que j'appelle de mes vœux et que j'ai décrit plus haut. Mais remarquons que l'Europe ne les a pas acceptés, parce qu'ils venaient de Trump.

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Je ne suis pas une militante, j'ai voulu étudier, examiner comment une civilisation aussi extraordinaire que l'Europe s'est elle-même détruite par la haine du judaïsme et par la dhimmitude.

Est-ce que vous pensez que votre travail aurait été perçu et reconnu différemment si vous aviez été un homme ?

Certainement. J'ai été très méprisée en tant que femme – mais cela ne m'a pas beaucoup gênée. Je n'ai pas été suffisamment prise au sérieux, mais c’est aussi parce que, mon histoire ayant fait que je n’ai pas pu terminer mes études académiques, je suis une autodidacte. Mon mari était un universitaire, il a été beaucoup mieux accepté que moi car il avait des diplômes. Pour ma part, je pense que l'Université est une autorité de fonctionnaires financée par l'État et par des lobbys qui ont intérêt à ce qu'on enseigne une certaine version de l'histoire.

Si vous deviez tout recommencer, referiez-vous les choses de la même manière ?

Je corrigerais peut-être certaines erreurs. Quand j'ai vu la montée de la haine contre moi et les attaques contre mon travail, qui étaient dépourvues de tout

fondement, constituées uniquement d'insultes et d'injures, j'ai compris que j'avais été iconoclaste : j’ai touché à la religion du XXe siècle, fondée sur la tolérance islamique afin de construire une fusion économique et culturelle entre l'Europe et le monde islamique.

Le Chrétien hait tellement le judaïsme qu'il en vient à se haïr lui-même puisqu'il vient du judaïsme. Tous ces accords entre l'Europe et le monde arabomusulman avaient pour but de détruire Israël ; mais finalement, c'est l'Europe qui a été détruite, notamment par l'encouragement à l'immigration. Je l'avais annoncé dans mes livres, il y a déjà vingt ans. Je ne suis pas une militante, j'ai voulu étudier, examiner comment une civilisation aussi extraordinaire que l'Europe s'est ellemême détruite par la haine du judaïsme et par la dhimmitude. n

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www.lesprovinciales.fr/auteur/bat-yeor Propos recueillis par Anne-Caroll Azoulay

À cœur ouvert sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont devenus le terrain d’expression de tous, à visage découvert ou anonymement. Récemment, un nouveau phénomène prend de l’ampleur dans les groupes féminins : des femmes se confient et décrivent des situations parfois tendues dans leur couple, des problèmes de communication, des incompréhensions liées à la Halakha ou diverses problématiques sexuelles. Et un nom revient très souvent dans les commentaires : celui de Nathalie Loewenberg.

Nathalie Loewenberg est « yoetzet Halakha », conseillère en Halakha ; et c’est à ce titre qu’elle est appelée à partager son savoir et ses conseils sur ces forums. Il y a plus de dix ans, elle a suivi une longue formation halakhique dispensée par l’institut Nishmat afin de répondre aux questions liées à la « taharat hamichpa'ha » (les règles de pureté familiale). Au fil des ans, elle a également suivi de nombreuses formations en éducation sexuelle afin d’accompagner les parents pour qu’ils soient à même de prodiguer une éducation sexuelle saine à leurs enfants. Nous l’avons rencontrée.

LPH : Nathalie, ces réseaux sont aujourd’hui devenus votre quotidien ; mais au début, n’avez-vous pas été surprise par l’ampleur qu’ils ont prise ?

Nathalie Loewenberg : Tout a été en effet exponentiel : au départ, j’étais taguée pour répondre à des questions qui touchent aux halakhot de la pureté familiale, mais très rapidement les gens se sont mis à me taguer aussi pour parler de problématiques personnelles intimes. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai décidé d’aller me former pour être apte à répondre à ce second type de questions : j’ai commencé par une formation dans le domaine de l’éducation sexuelle et je viens dernièrement d’achever une formation de Maaglei Nefesh, pour répondre aux questions de santé mentale d’un point de vue halakhique.

Pourquoi à votre avis, les gens choisissent-ils de poser anonymement des questions sur les réseaux sociaux à des personnes qu’ils ne connaissent pas vraiment, au lieu d’aller voir des professionnels, thérapeutes en tout genre ?

Il faut d’abord faire la différence entre deux phénomènes distincts : il y a ceux qui cherchent véritablement des réponses et ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour se décharger. Dans le second cas, on parle de personnes qui se sentent en insécurité et cherchent à vérifier si ce qu’elles vivent est normal. En dévoilant leur situation à un public précis, sur tel ou tel groupe Facebook, elles s’attendent à ce qu’on valide, ou non, leur ressenti. Cette insécurité est souvent liée à un sentiment de honte, et c’est pour cette raison que ces personnes préféreront se tourner vers les conseils d’inconnus plutôt que vers ceux des proches qui les entourent. Cela permet aussi de ne présenter que son point de vue sur la chose, alors qu’en thérapie on doit apprendre à se confronter aux arguments « adverses ».

Vous avez plus d’une fois été contactée en privé par ces mêmes personnes qui écrivent des messages anonymes : la situation est-elle alors différente du ressenti que l’on avait en lisant le message initial ? Tout à fait. Très souvent, dans les messages qu’ils postent sur les réseaux, les gens n’expriment que leur point de vue. Après avoir été taguée, j’essaie

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toujours de répondre de la manière la plus objective possible, sans émettre de jugements, sans prendre parti (par exemple dans le cas d’un conflit entre un homme et une femme). Il faut bien comprendre que les commentaires sur les messages postés sur les réseaux sociaux, ces « conseils », répondent à une situation où l’on ne voit qu’un seul côté. Mais souvent, je continue en privé à communiquer avec la personne qui a publié un post de façon anonyme, et je lui demande à ce que l’on parle au téléphone. À ce moment-là, les barrages tombent et l’histoire paraît très différente. Prenons un exemple qui revient souvent : une femme en désaccord avec son mari pour une raison X ou Y et qui, à cause de cela, envisage de ne pas aller au mikvé. Elle demande aux filles du groupe ce qu’elles en pensent. Les réponses fusent dans tous les sens, entre celles qui la condamnent de commettre une faute très grave et celles qui lui disent qu’elle a bien raison d’utiliser ce moyen pour punir son mari. Mais parfois, en parlant à la femme au téléphone, on se rend compte que ce sont les commentaires qui ont enflammé la discussion et qu’il faudrait tout simplement réinstaurer une bonne communication dans le couple, sans recourir à des ultimatums. Rien qu’en répétant l’histoire à la personne au téléphone, elle-même va me corriger et, finalement, le niveau des flammes va baisser. Ensuite, plus au calme, elle arrivera à prendre sa décision de se rendre ou non au mikvé.

John Gottman, un thérapeute américain spécialisé dans les relations de couple, a nommé « les quatre cavaliers de l’Apocalypse », ces quatre attitudes qui détruisent à petit feu un couple : la critique, le mépris, la contre-attaque et la fuite. Et il se trouve que ce sont aussi des attitudes extrêmement présentes sur les réseaux sociaux : imaginez les effets dévastateurs…

Comment expliquez-vous la dissonance entre la présentation d’une vie « parfaite » sur les réseaux sociaux et ces innombrables cris du cœur sous couvert de l’anonymat ?

Le monde des réseaux sociaux a créé un nouveau statut : les « influenceurs », ces personnes qui ouvrent soi-disant les portes de leur vie privée, ces vies apparemment parfaites, afin de pouvoir vendre des produits ou des services. Pour plaire à son

public, il faut présenter un monde très édulcoré et se réinventer une réalité. Cette présentation d’un monde idéal ne veut pas dire que dans la vraie vie tout va bien et que l’effet terrible de ces « quatre cavaliers de l’Apocalypse » dont nous avons parlé plus tôt va être atténué – au contraire. Plus on passe de temps sur les réseaux sociaux, plus on risque d’être pris au piège. En tant que « yoetset Halakha », vous avez été formée à donner des réponses aux questions qui touchent au domaine des règles de la pureté familiale. Est-ce que les cas publiés anonymement sur les réseaux sociaux ont une influence sur vos décisions halakhiques ?

Le monde de la Halakha est bien plus vaste qu’on ne le croit. Très souvent, le Talmud entre dans des discussions qui paraissent déconnectées du sujet, mais qui en fait apportent énormément d’éléments pour résoudre des cas particuliers. Parfois, les posts et leurs commentaires m’apportent eux aussi de nouveaux éléments auxquels je n’avais pas pensé ; et grâce à eux, des décisions rabbiniques qui a priori n’avaient pas de rapport peuvent entrer en jeu dans la réflexion qui permettra de donner une réponse au cas particulier. Ces conversations m’ouvrent une nouvelle fenêtre sur les défis auxquels la femme et le couple juif du XXI e siècle sont exposés, et c’est entre autres pour cela également que j’essaie d’être à l’écoute de ce qui se dit sur les réseaux sociaux. n

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Le mikvé : une arme pour faire réagir le mari en cas de crise dans le couple ?

Monopoles : Wissotzky boit la tasse... de thé ?

Pour la première fois depuis vingt ans, une société a été reconnue en situation de monopole par l’Autorité israélienne de la concurrence : d’après cette dernière, Wissotzky détient le monopole sur le marché des thés verts et des infusions, sa part dans les ventes de ces produits aux détaillants étant supérieure à 70 %.

La décision de l’Autorité de la concurrence est une première depuis vingt ans. Elle est motivée par le fait que la position de force de la marque sur ce marché précis lui permet de pratiquer des prix bien au-dessus de ceux des fournisseurs concurrents : « La force du marché a permis à Wissotzky de conserver une position dominante et stable pendant plusieurs années. Les concurrents ont eu du mal à se développer et à augmenter leurs ventes, même lorsqu’ils proposaient des prix plus bas que ceux de Wissotzky et même lorsque de nouvelles marques très populaires à l’étranger sont entrées sur le marché israélien. » Désormais, Wissotzky sera donc soumise aux règles appliquées aux gros fournisseurs, comme l’interdiction d’interférer dans les prix proposés aux consommateurs ou de donner des consignes quant à la présentation de ses produits en rayons. Ces règles sont destinées à limiter le poids de la société en situation de monopole en Israël. Néanmoins, force est de constater que malgré le fait que l’importation de thés est libre, et que des marques comme Rami Levy et Carrefour proposent des boîtes de 25 sachets à 6 ou 7 shekels, le consommateur israélien préfère le thé Wissotzky, même s’il le paie quatre fois plus cher.

Casser les monopoles qui dominent le marché israélien et qui sont à l’origine des prix élevés à la consommation est le cheval de bataille du ministre de l’Économie Nir Barkat. Il a exigé de toutes les grandes sociétés la publication de leurs comptes, afin de comprendre si les prix particulièrement hauts qu’ils pratiquent sont justifiés par leur comptabilité. La première société à avoir reçu cette demande est CocaCola ; quinze autres ont reçu une requête similaire de la part du ministère de l’Économie.

Le 29 juin, Nir Barkat a déposé une proposition de loi visant à démanteler les grands monopoles et conglomérats du marché israélien – « c'est le début le début d’un processus historique », a-t-il déclaré. n

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Antiquités subaquatiques

Certains fouillent sous terre, d'autres sous la mer, comme Emmanuel Nantet, historien et archéologue sous-marin, spécialiste des ports et des navires antiques, enseignantchercheur à l’Université de Haïfa depuis 2017 dans le Département des civilisations maritimes et membre de l’Institut Leon Recanati des études maritimes (École d’archéologie et des cultures maritimes). Il est – très honorable performance – l’un des vingt-quatre récipiendaires israéliens, et le seul distingué en archéologie, d'un prestigieux financement du Conseil européen de la recherche, d'un montant d’environ 2 millions d’euros sur cinq ans, dédié à son projet : « SHIPs : Ships Harbouring In Ports ». LPH l'a rencontré, sur la terre ferme…

LPH : En quoi consiste ce projet que le Conseil européen de la recherche a décidé de financer ?

Emmanuel Nantet : C’est un projet d’étude des ports antiques de la Méditerranée, en France, en Italie et en Israël, qui vise à établir une méthodologie pour les comparer. Cette approche implique la nécessité de prendre en compte les navires pour comprendre le fonctionnement du système portuaire, c'est-à-dire de comparer la vivacité économique des ports en fonction du nombre de navires qui pouvaient y ancrer et de leur tonnage. Cette méthodologie pourrait un jour servir à étudier des ports au-delà de la Méditerranée.

Que doit mettre en lumière cette étude ?

On sait bien sûr que les ports étaient en connexion les uns avec les autres, reliés par les navires. En étudiant les navires qui y ancraient, leur nombre et leur taille, ainsi que la profondeur des ports, nous pourrons alors établir un classement des ports méditerranéens et mieux comprendre les échanges commerciaux dans l’Antiquité.

Pourquoi le sujet de votre étude intéresse-t-il l'Union européenne ?

Car l'Union européenne s'intéresse à la Méditerranée, et ce, d'autant plus quand il s'agit de sujets transversaux – contrairement, par exemple, aux fouilles que je réalise dans le port de Tibériade, qui ne portent que sur un site particulier.

C'est le port de Césarée qui fait l'objet de vos recherches en Israël : que sait-on de l'importance qu’avait cette ville dans les échanges maritimes ?

On sait que là où l'on a l'habitude de se promener, de s'installer à une terrasse, se trouvait le port fondé par Hérode en l’an 22 avant notre ère et utilisé ensuite pendant une centaine d'années, jusqu'à ce qu’il disparaisse sous les eaux durant les millénaires qui ont suivi. Et puis il y avait d'autre zones de mouillage, un peu plus éloignées, qui auraient également accueilli des bateaux.

Comment pouvez-vous l'affirmer ?

Car en 2017, à peine un mois après m'être installé en

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Israël, j'ai mené une fouille sous-marine sur l'épave d'un navire dans une zone éloignée du port d'Hérode. Il y a peut-être d'autres zones encore qui ont servi au mouillage de navires à l'époque antique ; et si c’était avéré, cela voudrait dire que le port de Césarée avait une capacité plus importante que celle qu’on a estimée jusqu'à présent.

Qu'avez-vous appris en fouillant cette épave ? Compte tenu de sa taille, la coque devait être celle d'un gros navire de commerce datant probablement de la période romaine, sans doute des premiers siècles de l'ère commune. C'est une fouille très intéressante car jusque-là, l'essentiel des navires de cette époque fouillés en Méditerranée correspondent à des unités bien plus petites. Dans le cas de cette épave, il pourrait s'agir par exemple d'un navire de commerce qui aurait transporté du blé depuis l'Égypte vers l'Italie afin d'approvisionner Rome, car il était essentiel pour les empereurs d'en assurer le ravitaillement afin d'y maintenir l'ordre. Cet approvisionnement entraînait la mobilisation d'un très grand nombre de gros navires.

Sait-on pourquoi ce bateau a été retrouvé au large de Césarée ?

A-t-il coulé ou a-t-il été abandonné ? On ne le sait pas. Quoi qu'il en soit, cette découverte apporte un éclairage sur l'insertion du Levant Sud dans les échanges maritimes internationaux en Méditerranée dans l'Antiquité. Son étude permettrait de mieux comprendre les transferts de marchandises depuis et vers Israël, et sa connexion avec le reste de la Méditerranée à l'époque des empires romain, byzantin et islamique. Cette subvention européenne devrait justement me permettre d'apporter des réponses à de nombreuses questions non encore résolues.

En quoi les fouilles archéologiques subaquatiques sont-elles différentes des fouilles sous-marines ?

Les fouilles sous-marines sont celles qui se rapportent aux mers et aux océans. Les fouilles subaquatiques, elles, se rapportent aux eaux intérieures – lacs, fleuves, rivières, ruisseaux. Bien que l’utilisation de techniques de plongée soit commune aux deux domaines, leurs milieux naturels diffèrent et impliquent d'adapter les méthodes de prospection et de fouille.

Vous vous intéressez également au lac de Tibériade : que cherchez-vous à comprendre ? Ses fluctuations, qui ont eu des conséquences essentielles sur le développement des sites établis

autour du lac. Mais il m’importe aussi de sensibiliser les gens à la nécessité de préserver cet atout patrimonial qui attire les touristes et qui a une importance économique considérable pour la région. En travaillant sur le bord du lac, j'ai découvert jusqu'à 80 centimètres de déchets amoncelés. Une meilleure connaissance du lac, et notamment de l'évolution de son environnement au cours des derniers millénaires avant qu'il ne soit contrôlé par un barrage construit à Degania, contribuera à la protection de la mer de Galilée.

Était-ce la première fouille archéologique subaquatique en mer de Galilée ? Exactement. Le lac avait donné lieu à des prospections, mais c'est bien la première fois que l'on mène une fouille subaquatique en mer de Galilée. La montée du niveau de l'eau, au cours des trois dernières années, a submergé de nombreux sites se trouvant sur son rivage, notamment des ports et divers sites de débarquement qui étaient auparavant exposés à terre puisque le niveau de l'eau avait considérablement baissé au cours des dernières décennies. Divers relevés subaquatiques ont été réalisés au cours des dernières décennies ; mais l'ampleur des fouilles a été limitée, car la Direction des eaux – Rechout HaMayim – a imposé de sévères restrictions et interdit aux plongeurs d’utiliser des aspirateurs à sédiments.

La coopération franco-israélienne en matière d'archéologie maritime antique est-elle fructueuse ? En fait, elle se résume à mes propres relations. Elle souffre d'un manque de fonds, et peut-être d'intérêt. De nombreux plongeurs français ont participé aux fouilles de l'épave romaine. Cependant, sur les bords du lac de Tibériade, une coopération fructueuse existe avec l'Université de Perpignan, où je dispense des cours et dirige les mémoires de nombreux étudiants. Mais les autorités françaises en Israël, comme le consulat de France, le Centre de recherche français à Jérusalem ou encore l'Institut Français, sont au courant de mes recherches.

Les fouilles en Israël sont-elles significatives dans le monde de l'archéologie sous-marine ?

Tout à fait. Les fouilles d'anciens vestiges engloutis au large des côtes israéliennes, notamment d’anciens ports du pays et des épaves des nombreux navires qui sillonnaient la Méditerranée orientale, contribuent de façon majeure à la réflexion en archéologie portuaire et en archéologie navale. Israël se distingue par le dynamisme de ses recherches en archéologie sous-marine. n

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DÉCOUVERTE D'ISRAËL

Yaël König, écrivaine à fleur de peau

LPH : Quel souvenir avez-vous de la Tunisie ?

Yaël König : Je me souviens très bien de tout alors je n’avais pas 8 ans au moment de notre départ. Un matin, je me suis levée, j’ai mis mon baigneur dans mon lit pour qu’il m’attende, puis nous sommes partis chez mes grands-parents. J’étais étonnée parce qu’il y avait de l’effervescence, j’ai vu ma grand-mère paternelle pleurer… Je ne suis plus jamais retournée voir mon poupon. Je ne comprenais rien, je ne savais rien – ce qui n’est pas bon, on doit dire les choses aux enfants, même si c’est dur. Mon enfance a été contrariée, j’ai manqué de manifestations d’amour. Mon père voulait m’appeler Yaël, ma mère voulait Joëlle, ma mère a gagné. En 1982, j’ai fait les démarches pour ajouter le prénom Yaël à mon état civil.

Êtes-vous toujours marquée par ce départ ?

Ma mère me disait : « À mon époque, tu sais, la psychologie… » Je lui ai toujours répondu que s’il n’y avait pas la psychologie, il y avait tout de même

le ressenti. En Tunisie, ma mère était enseignante et mon père possédait une entreprise de location de voitures. J’ai appris plus tard que mon père travaillait pour les services secrets, qui voulaient maintenir le protectorat français sur la Tunisie : il était ciblé, nous devions partir. Ma mère a été nommée directrice d’une école à Soucelles, un petit village à côté d’Angers, qui n’avait jamais vu de Juifs. La rupture était totale.

Comment avez-vous développé votre passion pour l’écriture ?

Déjà en Tunisie, ma mère m’avait appris à lire et à écrire. Je ne sais pas comment est venue cette passion, je sais juste qu’elle est là. Elle m’a sauvé la vie, car j’ai connu des moments terriblement durs. Ma mère n’avait que 31 ans à notre départ, elle a fait une longue dépression ; j’en ai beaucoup souffert et j’ai beaucoup écrit. J’ai reçu le premier prix d’écriture à neuf ans et l’Académie française m’a décerné le Grand prix de poésie alors que je n’avais que 16 ans.

Quelle vie juive aviez-vous à Soucelles ?

Nous étions seuls, le reste de notre famille n’est arrivé qu’en 1962 à Paris. Mon père faisait sept heures de route pour aller acheter de la viande cacher à Belleville. Je n’ai pas vécu de judaïsme, à part dans mes premières années, alors je cherchais à comprendre.

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À l’occasion de la sortie de son dernier livre, Mère à fleur de peau, LHP a rencontré l’écrivaine Yaël König. Dans cette autobiographie, elle raconte son douloureux déracinement dans un petit village français à la fin des année 1950 et sa relation tumultueuse avec sa mère. Interview.

J’ai écrit au grand-rabbin de Paris, Ernest Gugenheim, et nous avons eu une conversation épistolaire sur le judaïsme.

Pourquoi avez-vous mis du temps à sortir votre premier livre ?

Je n’ai jamais cessé d’écrire mais je ne me sentais pas encore digne d’être publiée. J’ai enseigné la littérature et je suis devenue proviseure d’un lycée à Nice. J’ai travaillé comme journaliste à Radio France. J’ai ensuite animé l’émission littéraire Au fil des pages. Un éditeur rencontré à cette occasion a accepté de publier mon premier roman.

Vous avez ensuite écrit un livre sur Ilan

Halimi…

Tu es ma référence, et pourtant le modèle à ne pas suivre.

Tu es mon grand amour, et pourtant nous ne nous sommes dit qu’une seule fois « je t’aime ».

Tu es conquise par mes éclats de rire, et pourtant tu pleures d’abandon et d’exil. Tu es aimée, admirée par des générations familiales, et pourtant tu restes tellement seule…

Tu es d’une incroyable force, et pourtant les déceptions t’ont laminée. Tu es sublime et tu l’es restée. Malgré tout.

Extrait du livre Mère à fleur de peau

Oui, lorsque j'ai eu connaissance de ce drame, j’ai décidé de faire un livre : Ilan Halimi, le canari dans la mine, qui a paru en 2006 chez Yago, ma maison d’édition. J’ai eu accès aux procès-verbaux, j’ai interrogé le petit copain de l’appât. J’ai aussi rencontré Ruth Halimi. Nous avons offert l’argent du livre à l’école Hattie Friedland pour enfants sourds juifs, chrétiens et musulmans à Jérusalem. J’ai obtenu le parrainage de la Ville de Paris et l’école, qui allait fermer faute de crédits, a pu rester fonctionnelle.

Comment définiriez-vous votre écriture ?

Mes livres sont souvent des cris où les mots font l’amour entre eux. L’écriture, c’est mon amie qui se rappelle tout le temps à moi. Dans Fresca, [NDLR : son premier roman publié, couronné du Prix des Bibliothécaires] je raconte l’histoire vraie de la mort de ma tante et de mon petit cousin. Après l’enterrement, le personnage de mon oncle pense : « Vivement que je rentre, que je puisse me hurler la tête contre les murs ! » Lors de la traduction du livre dans d’autres langues, tout le monde a cru qu’il s’agissait d’une coquille.

Comment s’est passée votre Alya ?

Je suis arrivée en Israël en 2016 mais du fait de nombreux événements personnels tragiques, je n’ai pu m’installer durablement à Tel Aviv qu’en 2022. Je me disais : « Est-ce que je ne mérite pas Israël ? » Lors de mon Alya, j’ai offert le manuscrit d’un de mes livres, Les Juifs de San Nicandro, à une conseillère du ministère de l’Intégration ; et quelques mois plus tard, j’ai reçu le Prix des écrivains francophones israéliens du ministère israélien de l’Intégration. C’est ma conseillère d’Alya qui avait envoyé le livre au jury !

Que diriez-vous aujourd’hui à la petite fille que vous étiez à Soucelles ?

Continue à écrire, tu as raison de le faire, c’est une partie essentielle de toi. Cela va t’apporter beaucoup de bienveillance, celle que tu n’as pas reçue… n

LPH N° 999 43 LIVRES ET VOUS

La sixième habitude des gens efficaces : cherchez à créer des synergies

Le terme « synergie » vient du grec « synergos », qui signifie « travailler ensemble ». Il désigne l'interaction entre au moins deux « choses » dont les effets combinés sont supérieurs à la somme de leurs effets respectifs (« un plus un est supérieur à deux ») : la situation qui en résulte est meilleure que celle proposée à l’origine. Dans la nature, la synergie est partout : « Si vous plantez deux plantes l’une à côté de l’autre, leurs racines s’entremêlent et améliorent la qualité du sol afin que les deux plantes se développent mieux que si elles étaient séparées. » Autre exemple : la naissance d’un enfant est le fruit d’une synergie entre l’homme et la femme.

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PAR HAGIT BIALISTOKY
La synergie est meilleure que mon chemin ou votre chemin. C’est notre façon.

Dans le domaine du travail, l’association de différentes compétences au sein d’une équipe donne naissance à une nouvelle force, alors que chacune d’elles prise séparément ne pourrait pas aboutir au résultat final.

Stephen Covey nous dit que si nous la comprenons bien, la synergie est un des objectifs les plus importants de notre vie. Malheureusement, nous avons tendance à rester fermés à ce principe hautement efficace qui « nécessite une sécurité personnelle et une ouverture énorme, ainsi qu’un esprit d’aventure ».

Selon Stephen Covey, face à une alternative, il existe presque toujours une troisième possibilité, et si nous pensons « gagnant-gagnant » (habitude 4) et que, par une écoute empathique nous cherchons vraiment à comprendre ceux qui nous entourent (habitude 5), nous pouvons généralement trouver une solution qui sera meilleure pour toutes les parties concernées. Nul ne peut être compétent dans tous les domaines, et les lacunes de l’un sont compensées par les forces de l’autre. Par exemple, une personne extravertie qui coopère avec une personne introvertie pourra aller plus loin. Les personnes vraiment efficaces acceptent qu’elles ont des limites ; et en présence d’une différence de point de vue, elles reconnaissent qu’elles ne savent pas tout et apprennent de l’autre, sans penser qu’il ne connaît rien ou se trompe. Cela demande de l’humilité et du respect d’autrui, ainsi qu’une compréhension de la richesse existante dans la mutualité des relations.

Que voyez-vous dans le dessin ci-contre ?

Nous distinguons tous des traits noirs et blancs, mais les uns verront une jeune femme qui regarde sur le côté tandis les autres verront le profil d’une vieille dame – et nous avons tous raison ! Car nous sommes différents et chacun perçoit la réalité à sa manière. Celui qui ne voit que la jeune femme mais qui comprend qu’un autre voit la vieille dame pourra lui demander de l’aide pour voir la réalité sous un nouvel angle. Dans ce cas-là, au lieu d’investir toute son énergie dans la défense de son propre point de vue, il crée une atmosphère propice à la synergie. Si deux individus voient la même chose, leur relation n’aura que peu d’intérêt.

Les résultats de la synergie sont généralement spectaculaires et les problèmes qui étaient

sources de querelles se résorbent en quelques heures ou quelques jours. Les solutions auxquelles on aboutit ne sont pas des compromis mais des solutions synergiques, qui seront toujours meilleures que celles proposées par les différentes parties.

La prochaine fois que vous vous trouvez confrontés à un désaccord, faites un effort pour comprendre quelles sont les préoccupations de l’autre et cherchez ensemble une manière originale de satisfaire les deux côtés. C’est à ce moment-là que vous saisirez l’image de la situation dans son entier. n

Hagit Bialistoky – Coach de vie et thérapie émotionnelle

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LPH N° 999 45
CONSCIENCE

HaShomer HaChadash : protéger le véritable héros israélien

Le 13 janvier 2007, Shaï Dromi, un agriculteur dans le Néguev, voit des voleurs s'approcher de ses champs. Ce n'est pas la première fois que des visiteurs mal intentionnés tentent de pénétrer sur ses terres ; il a déjà subi plusieurs actes criminels et ne dort plus la nuit pour veiller sur son exploitation. Cette nuit-là, il tire sur deux des malfaiteurs : l'un ne survivra pas, l'autre sera gravement blessé. Dromi est placé en garde à vue. Un débat naît alors au sein de la société israélienne autour de la question de la légitime défense de ces agriculteurs

très souvent victimes de vols et de dégradations. Parmi les personnes qui vont aider Dromi à être acquitté du chef

d'accusation d'homicide se trouve On Rifman

(photo ci-contre). Son action va aboutir à la modification de la loi pénale afin d'innocenter les personnes dans le cas de Shaï Dromi. Cette expérience fait comprendre à Rifman la nécessité de créer une structure pour venir en aide à ces agriculteurs. Avec un ami, Yoel Zilberman, il crée l'association HaShomer HaChadash (« Le Nouveau Gardien »).

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© HaShomer HaChadash

LPH : HaShomer HaChadash est-il né d'un sentiment d'abandon ?

On Rifman : Je préfère dire qu’Hashomer HaChadash est né de la volonté de transformer une crise en opportunité. Mes grands-parents étaient tous les deux des combattants du Palma'h et j'ai grandi avec les histoires du Palma'h. On m'a inculqué l'idée que c'est grâce à l'agriculture que notre pays a pu se développer. Puis, j'ai intégré une école de préparation militaire avant d'effectuer mon service au sein de la Sayeret Matkal [l’unité d’élite de l’État-major de Tsahal]. Là, j'ai rencontré mon ami Yoel Zilberman, dont le père élevait du bétail en Galilée. Il était souvent victime de vols, mais aussi de violences physiques. On essayait tout simplement de lui prendre sa terre.

Nous sommes tous les deux laïques et nous avons partagé ces années de préparation militaire avec des sionistes religieux qui nous ont encore davantage confortés dans l'idée de l'importance de la Terre d'Israël. À travers les enseignements de Manitou, nous avons commencé à connaître notre héritage, le judaïsme, et à comprendre le lien profond entre le peuple d’Israël et sa terre.

D'une manière générale, j’ai constaté que les Israéliens délaissaient de plus en plus l'agriculture, et que les terres étaient investies par des travailleurs étrangers ou volées par des Bédouins, qui construisaient dessus illégalement. Entre la violence, le vandalisme et le délaissement des terres,

l'agriculture israélienne est en danger, les terres nous échappent. Et l'État laisse faire !

C’est pourquoi, avec Yoel, nous avons décidé de créer une structure qui replace l'agriculture en tête de nos intérêts, et qui ramène la jeune génération vers la terre.

Votre but est donc double : protéger les agriculteurs et promouvoir l'agriculture qui ancre notre présence sur cette terre ?

Oui, mais il faut comprendre qu'il s'agit des deux faces d'une même médaille. Les agriculteurs ne sont pas suffisamment protégés parce qu'ils ne sont pas considérés à leur juste valeur. Lorsque des cas de vol ou de vandalisme sont signalés à la police, la plupart du temps ils ne sont pas résolus ; on les classe pour cause de « manque d'intérêt général ». En d'autres termes : la police nous fait comprendre que le vol de quelques vaches n'a pas d'importance face à des affaires de meurtres qu'elle doit résoudre. Or nous pensons qu'il est très important de se préoccuper des vols de bétail, des incendies de cultures et autres intimidations envers les agriculteurs. Il en va de notre présence sur cette terre. Ceux qui évoluent dans la high-tech, qui font de l'argent et qui vendent ensuite leurs sociétés à des étrangers sont perçus comme des héros. Mais le véritable héros israélien, c'est l'agriculteur qui plante quotidiennement des graines et produit de la nourriture saine pour son peuple.

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Nous avons des équipes qui se relaient la nuit pour surveiller un champ ou un troupeau, afin de permettre à l'agriculteur de dormir tranquille.
HaShomer HaChadash

Votre action est-elle aussi politique ?

Nous ne sommes pas un lobby. Nous participons parfois aux débats à la Knesset, lorsque nous savons que nous pouvons apporter une expérience issue du terrain qui permettra d'ajuster correctement les textes de loi à la réalité. Nous avons par exemple participé à la rédaction d'une loi contre les intimidations et le chantage dont sont victimes les commerçants et les agriculteurs de la part de groupes mafieux qui les menacent d'incendier leurs champs ou leurs commerces s'ils ne se plient pas à leur volonté. D'après un sondage que nous avons commandé, 75 % des commerçants et agriculteurs interrogés ont déclaré avoir été victimes de ces méthodes. C'est intolérable !

Notre action n'est pas dirigée contre une population en particulier, mais en faveur des agriculteurs. Ainsi, nous aidons aussi les Bédouins et les Arabes lorsqu'ils se trouvent dans la détresse. Nous nous battons contre les délinquants qui ruinent les récoltes, détruisent le travail de toute une vie et cherchent à voler des terres.

Concrètement, quelle est votre action sur le terrain ?

Notre association est composée de volontaires – ils sont aujourd'hui plus de 2000 du Nord au Sud –qui apportent une assistance aux agriculteurs en détresse. Nous avons des équipes qui se relaient la nuit pour surveiller un champ ou un troupeau, afin de permettre à l'agriculteur de dormir tranquille. Nous apportons aussi un soutien à ceux qui sont confrontés à des actes de violence. Nous ne remplaçons pas la police, nous n'en avons pas l'autorité, mais nous portons assistance là où nous le pouvons. Nous mettons également en valeur le travail agricole en aidant les agriculteurs dans leur travail et en organisant des visites de groupes. Ainsi, nous faisons découvrir la terre, sa valeur, son importance, à des Israéliens et à des touristes, qui parfois effectuent un volontariat. Mais même s’ils se contentent de venir voir, ils se souviennent toujours longtemps de cette expérience.

Les cas de violence sont-ils très courants ?

On en déplore au moins trois ou quatre par semaine. Nous avons lancé ces dernières semaines une campagne pour aider deux jeunes agriculteurs qui ont pris la suite de leur entreprise familiale, vieille de cent ans. Ils élèvent des vaches laitières et comptent parmi les producteurs de lait les plus importants

du pays. Ils ont mis au point des techniques et une nourriture bien particulière pour leurs vaches, qui produisent des résultats étonnants. Dans la nuit du 11 mars dernier, à 2h du matin, toute leur réserve de nourriture pour les deux années à venir a été incendiée. Les dommages se chiffrent à plusieurs millions de shekels. La police a conclu à un incendie volontaire, mais trois mois plus tard aucune piste n'est encore envisagée.

Une de vos volontaires, Reut Amichaï, 17 ans, a allumé un flambeau cette année lors de la cérémonie de Yom HaAtzmaout. Elle était accompagnée d'un agriculteur de plus de 90 ans. Que représente pour vous cet instant ?

Une semaine avant Yom HaAtzmaout, Yoel et moi avons été contactés pour allumer un flambeau

La terreur agricole en chiffres

Actes criminels subis par les éleveurs sur un an

Éleveurs de bétail 23

Apiculteurs 17

Horticulteurs 15

Propriétaires d'oliviers et de vignes 14

Éleveurs de volaille 14

Éleveurs de poissons 12

Type de criminalité

Le type de criminalité le plus répandu dans le domaine agricole est les petits vols, qui représentent 66,8 % des actes criminels enregistrés. Vient ensuite le vandalisme – 46,1 % des actes criminels enregistrés –, puis les invasions des terrains agricoles

– 36,1 % – et les vols plus significatifs : 34,8 %

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au nom d'HaShomer HaChadash. Pour nous, il était évident qu'il fallait que ce soit un ou une de nos volontaires et un agriculteur qui allument ce flambeau. La plupart de nos volontaires sont des jeunes adolescents qui ont entre 15 et 18 ans. Ils sont très motivés. Dès qu'un agriculteur a besoin d'aide, ils sont là. Je ne devrais pas le dire trop fort, mais parfois ils manquent même l'école pour cette mission. Alors que les jeunes de cet âge sont le plus souvent occupés à sortir et à se distraire, eux consacrent la plupart de leur temps à prêter main forte aux agriculteurs. Ils se sont d'ailleurs surnommés « les pigeons », ayant souvent entendu dire que c'est ce qu'ils sont puisqu'ils ne profitent pas de leur temps libre pour s'amuser. Eh bien, eux revendiquent le fait d'être des « pigeons » et en sont fiers !

Les incendies criminels représentent 12,9 % des actes criminels dont sont victimes les agriculteurs. Enfin, les intimidations et le chantage en représentent 6,2 %.

Coût des dégâts

Les types de criminalité les plus rares sont ceux qui font le plus de dégâts sur le plan financier. En moyenne, voilà ce que coûtent annuellement les dommages à chaque agriculteur touché par :

n Incendies : 573 180 shekels

n Intimidations/chantage : 120 500 shekels

n Vols significatifs : 63 209 shekels

n Vandalisme : 28 361 shekels

n Petits vols : 18 103 shekels

n Invasions des terrains agricoles : 11 089 shekels

Il est important de souligner qu'il arrive que des agriculteurs soient victimes de plusieurs formes de criminalité en même temps.

Données relatives aux plaintes déposées à la police

41 % des agriculteurs victimes de terreur agricole ne portent pas plainte à la police. 64 % d'entre

Êtes-vous satisfait des résultats que vous obtenez et optimiste pour la suite ?

Nous avons réussi à changer le sentiment des agriculteurs : ils savent qu'ils sont accompagnés. Ils sont des milliers, Juifs, Bédouins, Arabes, à nous solliciter, et nous sommes en mesure de répondre. L'avenir sera d'autant plus prometteur que nous réussirons à mobiliser de plus en plus de monde autour de nous. Chacun peut apporter sa pierre à l'édifice, que ce soit en aidant financièrement, en se portant volontaire sur le terrain ou en organisant des visites de groupes. n

Lien pour la campagne d’aide aux deux agriculteurs dont l'histoire est rapportée dans l'interview :

https://www.charidy.com/helpdani

Site internet de l’association : www.hashomer.org.il

eux avouent ne pas le faire parce qu'ils n'ont confiance ni dans la police ni dans la justice, et qu’ils sont par avance découragés d’entamer une procédure. Lorsque les agriculteurs portent plainte, seuls 17 % le font dans l'espoir de voir les auteurs des actes punis.

Efficacité de l'aide civile

Peu convaincus de l'aide qu'est susceptible de leur octroyer la police pour protéger leurs exploitations agricoles, de plus en plus d’agriculteurs se tournent vers des organisations comme HaShomer HaChadash. 27 % d’entre eux ont ainsi bénéficié de l'assistance de cette dernière en 2022, alors que 68 % des agriculteurs déclarent ne recevoir d'aide de personne. Chez les agriculteurs qui ont eu recours aux services de l’association HaShomer HaChadash, une baisse de 42 % des dégâts a été constatée entre 2021 et 2022. G B-I

Source : Rapport d’HaShomer HaChadash sur la criminalité, 2022

© Flash 90

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Photo du haut : Élevage de moutons dans le sud d'Israël Photo du bas : Élevage de bétail au kibboutz Merom Golan. Les petits veaux sont marqués afin de suivre l'évolution sanitaire du troupeau.

Massei

Quarante ans

Quelle belle paracha que celle qui clôt le Sefer BaMidbar ! Elle expose les frontières d’Eretz Israël qu’il reste à conquérir et dresse le récapitulatif des pérégrinations des Hébreux dans le désert durant quarante années. Le mot massaot évoque le voyage et sa dimension psychologique : être transporté physiquement et par une expérience transformatrice qui fait bouger les lignes d’une perception première. Mouvements physiques et mouvements de l’âme. Pérégrinations, avec tout ce que cela implique d’errance : déplacements incessants, trajets complexes dans un espace étranger et lointain. Tribulations : des mésaventures, revers et obstacles surmontés les uns après les autres, où le voyage et l’étape sont tout aussi importants. Toutes ces stations des Hébreux dans le désert, ces trajets et leurs étapes, sont donc autant un voyage du corps qu’un mouvement de l’âme qui a duré quarante ans. 40 est un nombre clé pour la mystique juive. 40, c’est la valeur de la lettre מ (mèm), première lettre du mot Mitzrayim, l’Égypte, dont il s’agit de sortir. Les Textes font souvent mention de ce nombre 40. C’est le nombre de jours qu’il faut à l’âme du bébé à naître pour descendre dans le monde jusque dans la matrice. 40, c’est aussi le nombre de jours qu’il fallut à Moïse pour recevoir

Pardès – le Verger – ce sont les quatre niveaux d’étude de la Torah. Ariela Chetboun met par écrit l’enseignement oral reçu de ses maîtres en Kabbala et 'Hassidout. Que cet éclairage vienne דייסב compléter ce que nous savions jusqu'ici.

les Tables de la Loi au mont Sinaï. 40 jours, 40 ans, une gestation de l’âme, une génération, le temps symbolique incompressible pour une sortie, une extraction douloureuse, un accomplissement complet, une révolution sur soimême. L’âme, l’être intime, passe par 40 dimensions différentes avant que d’atteindre le terme d’une évolution obligée, d’une maturation.

Nos Maîtres précisent : 40 années dans le désert pour 42 voyages/ étapes. Il faut donc, à l’âme exilée du Juif, passer par 42 dimensions différentes. La 'Hassidout rapporte que chacun d’entre nous connaîtra 42 voyages/étapes dans sa vie, comme des évolutions de l’âme et du corps dans leur rencontre avec le monde. Ces massaot sont ainsi des tribulations de l’âme. Ces 42 étapes peuvent être achevées en une vie, et sinon en plusieurs, d’incarnation en réincarnation. L’âme vient dans ce « désert » expérimenter le monde et s’expérimenter elle-même. Sur le plan collectif, les érudits estiment que nous sommes parvenus au stade d’évolution du Beit haMikdach, proche de la Délivrance.

Le temps de l’errance dans le désert est indispensable. En effet, Dieu sait que les Hébreux s’effraieront de la difficulté à conquérir Eretz Canaan directement après être sortis de l'esclavage. Il leur faut donc

un sas, une zone tampon. Cet espace-temps du désert est nécessaire pour qu’ils se renforcent, se construisent, et pour que leur désir de liberté, éteint par l’esclavage, se réactive. Le désert, exil de l’exil, matrice et préfiguration de tous les exils à venir, est en cela un lieu d’expériences unique, une étape essentielle pour le peuple juif entre l’exil (l’Égypte) et la Délivrance (Eretz Israël). n

Une année avec la Cabale. Secrets de l'Âme et du Temps

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UNE ANNÉE AVEC
CABALE
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À la rencontre de cinq femmes étonnantes

Si, tout au long de la Bible et en particulier dans le Pentateuque, nous avons l'occasion de voir évoluer des femmes à la personnalité hors du commun, cette sidra nous fait rencontrer cinq femmes étonnantes : les filles de Tselof'had, qui était un homme simple, père de cinq enfants, plus exactement de cinq filles car il n'avait pas eu de fils. À la mort de Tselof'had, ses terrains doivent être attribués (par un tirage au sort) aux différentes tribus, aux différentes familles. Les aînés recevront deux parts, les autres fils n'en recevront qu'une – mais pas les filles, car elles sont censées se marier et quitter leur famille pour celle de leur mari. Alors les cinq jeunes femmes se réunissent (le texte dit : « elles se rapprochèrent », ce qui, d’après les commentaires, signifie qu’elles partagent une même opinion) et présentent à Moïse l'objet de leur requête : « récupérer » l'héritage de leur père. Dans son extrême humilité, Moïse soumet cette requête à Dieu qui reconnaît qu'elles ont raison et leur donne leur part d’héritage.

Ceci vient d'abord nous enseigner que toute personne, homme ou femme, désirant quelque chose a le droit de déposer sa requête. Et l’on peut considérer que ce texte est précurseur dans la reconnaissance des droits de la femme. Si, dans les Pirkei Avot, il est conseillé à l'homme de ne pas prolonger une conversation avec une femme, ou

s’il semble qu’à certains égards notre tradition a parfois tendance à penser que la femme possède un esprit « léger », c'est uniquement parce que la femme est fine et intuitive – preuve en est que Dieu conseille à Avraham d'écouter les conseils de Sarah (« chéma beKola », « écoute sa voix »).

L'histoire juive est pleine d'exemples de femmes avisées qui ont su, comme les filles de Tselof'had, soulever un sujet qui a fait jurisprudence. Et l’histoire de ces cinq jeunes femmes fait penser au dicton français (Rachi s'est souvent inspiré de vocables en ancien français pour étayer ses commentaires) : « Ce que femme veut, Dieu le veut. » Force est de constater qu'en l'occurrence, Dieu a accédé à leurs vœux.

Le mérite de Pin'has

La volonté d'agir, d'imposer et de s'imposer, dans quelque domaine que ce soit, est louable et ne doit pas être d'emblée considérée comme outrecuidante tant que cette volonté et les actes qui en découlent sont centrés sur la foi en son Créateur que l'homme doit éprouver. C'est la raison pour laquelle l'acte de bravoure de Pin'has était un acte de kidouch HaChem. Un tel épisode exige un examen, une remise en question : l'homme peut-il, voire doit-il, pour imposer sa pensée, en arriver à des extrêmes de violence ? En fait, il faut faire l’effort de se glisser dans la peau du personnage, et d'abord procéder à l'analyse de l'événement : lorsqu'on sait que

les protagonistes n'ont pas eu la pudeur de contenir leurs pulsions, au point d'en arriver à se livrer à leurs ardeurs devant le Michkan, on peut comprendre la colère de Dieu face à un tel comportement : la violente réaction est venue sanctionner les contrevenants de manière aussi spectaculaire que l'acte auquel se sont livrés Zimri et Cozbi. D'autre part, ce fait prouvant que Pin'has était épris de Dieu au point de condamner à mort ce couple a eu le don de calmer la fureur divine.

La faute commise par Zimri et Cozbi a, dans une certaine mesure, voilé la lumière du monde, tout comme la faute originelle a privé le monde d'une certaine clarté – cette même clarté qui éclairait le Gan Éden et dont les premiers êtres humains bénéficièrent, mais dont l'homme, aujourd’hui, ne peut plus bénéficier car désormais il ne saurait supporter une telle luminosité et continuer à vivre. Cette lumière (רוא, « or », en hébreu) a une valeur numérique de 207. Pin'has devrait s'écrire pé-noun-'heth-samekh (סחנפ) mais, dans le texte de la sidra, il s'écrit pé-youd-noun-'heth-samekh, ce qui, fait remarquer Samson Raphael Hirsch, signifierait qu'il est venu, par son acte, exprimer la colère de Dieu, mais aussi que grâce à sa foi et son amour pour Dieu, Pin'has avec un youd a une valeur de 208 (207+1). Cela veut dire que sa foi en Dieu a permis à Pin'has de rétablir la lumière qui avait été voilée par tant d'impudeur. n

LPH N° 999 51 JUDAÏSME

Tamouz et le Cancer

Le signe du Cancer, « Sartane », en hébreu, correspond au mois de Tamouz (qui cette année a commencé le 20 juin et se terminera le 18 juillet), choisi parmi les douze mois de l'année pour véhiculer la lumière divine sur terre. C’est en effet en ce mois que furent données les premières Tables écrites par l'Éternel. Et c'est seulement à la suite de la faute du veau d’or commise en ce même jour que l'amertume a pris la place de la joie et qu’une sorte de faux contact a entaché ce mois, au point que la période de « Beïn HaMétsarim » – les trois semaines qui suivent le jeûne du 17 Tamouz –, ce qu’on traduit comme étant l'espace-temps « entre les étroitesses », a été marquée par de grand malheurs.

La brisure des Tables fut le point de départ de toutes ces crises, dont l'arrêt du « sacrifice perpétuel » (« corbane tamid », qui induit une faille dans le lien sain et continu entre l'Éternel et sa Création. Parmi tous les sacrifices que l’on faisait au Temple, celuici était le plus important, une importance liée à sa fixité : chaque jour, on offrait deux sacrifices perpétuels, l’un le matin, l’autre à l’approche du soir.

Lors du premier siège qu’imposèrent les Romains autour de Jérusalem, on put fournir des agneaux pour le sacrifice perpétuel jusqu’au 16 Tamouz ; le 17 Tamouz fut le premier jour où l’on fut dans l’impossibilité d’offrir ce sacrifice. C’est aussi le 17 Tamouz que la muraille de Jérusalem fut percée par les armées de Titus, que la Torah fut brûlée par les Romains et qu’une idole fut placée dans le Temple de Jérusalem.

Le mois de Tamouz est relatif aux yeux, c'est-à-dire aux épreuves liées au regard de l'homme. C’est en Tamouz que les explorateurs portèrent un regard négatif sur la Terre d’Israël, entraînant le peuple vers tous ses exils. Pourtant, la qualité intrinsèque de ce mois n'a pas été perdue, car malgré toutes les erreurs commises en Tamouz, il a néanmoins conservé son potentiel, et le flux d’abondance divine y est encore et toujours déversé, bien que d’une manière plus condensée.

Le Cancer est le signe astrologique du mois. Ce crustacé aquatique

le crabe – est craintif et se cache souvent entre les rochers où il passe une importante partie de son temps dans l’immobilité. Sa robuste carapace le protège des prédateurs potentiels. Les natifs de ce mazal ont généralement un comportement similaire. La carapace sous laquelle ils dissimulent leur personnalité leur permet de se protéger, mais elle peut aussi les desservir dans les relations sociales. Dotés d’une imagination débordante, le Cancer rêve souvent d’un monde idéal et sans violence.

La tribu correspondant au mois de Tamouz est celle de Réouven. Son équilibre se trouve dans le calme dont il doit faire preuve. Son regard risque souvent de le tromper et il doit donc tout faire afin de le corriger en le dirigeant vers le bien. Il pourrait alors développer des pouvoirs prophétiques. n

Rav Yoel Benharrouche, artiste peintre, enseignant www.orotvekelim.com

Horaires de Chabbat

Chabbat Pin'has

7 juillet 2023-18 Tamouz 5783 Jérusalem 19h08 20h30

Chabbat Matot-Massei

14 juillet 2023-25 Tamouz 5783 Jérusalem 19h06 20h28

Roch 'hodech Av

19 juillet 2023

Chabbat Devarim

21 juillet 2023-3 Av 5783

Jérusalem 19h03 20h24

Netanya 19h23 20h27

Jeûne du 9 Av (Ticha beAv)

27 juillet 2023

Chabbat VaEt'hanan

28 juillet 2023-10 Av 5783 Jérusalem

52 LPH N° 999 MAZAL TOV
Tel
Aviv 19h28 20h33 Netanya 19h28 20h33
Tel Aviv 19h26 20h30 Netanya 19h27 20h31
Tel Aviv 19h23 20h27
18h59
Tel Aviv 19h19 20h21
19h19 20h22
20h19
Netanya

De Noa'h à Pin'has

Cinq parachiot portent le nom d'un personnage

biblique : « Noa'h », « Yitro », « Kora'h », « Balak » et « Pin'has ». Chacun de ces cinq personnages porte un regard différent sur autrui et sur les événements dont il est le contemporain : nous avons l'indifférent, le solidaire, l'égocentrique, le malveillant et le justicier.

L'indifférent

Le premier aura beau construire son Arche et devenir ainsi le père de la seconde humanité, celle de l'histoire postdiluvienne, il restera à jamais, dans la conscience de la tradition juive, celui qui n'a pas suffisamment pris la mesure de ses responsabilités. On ne décèle chez lui aucune tentative réelle pour sauver l'humanité menacée. Il n'essaie pas de prêcher la bonne conduite ni d'avertir le monde de la catastrophe qui se prépare, comme le feront plus tard les prophètes d'Israël. On ne l'entend pas non plus prier pour tenter d'annuler le décret céleste, comme le feront Avraham ou Moïse. Il construit son Arche et sauve ainsi sa famille proche (et le monde animal) dans ce qui semble bien être de sa part au pire de l'indifférence, au mieux de la résignation face au sort qui frappera bientôt ses frères humains.

Le solidaire

Le second ne se contente pas d'être le spectateur passif des événements dramatiques qui se déroulent à son époque.

« VaYichma Yitro » : Yitro est à l'écoute – le terme, dans le langage biblique, signifie davantage la

compréhension que la simple écoute. Interpellé par la sortie d'Égypte, il décide de rejoindre le destin de ce peuple singulier que dirige son gendre. Comprenant qu'une véritable révolution, qui marquera à jamais l'histoire de l'humanité, est en train de se jouer là, au bord du Nil et dans les sables du Sinaï, il renonce à ses respectables fonctions de prêtre de Midyan pour participer à l'aventure de cette nation d'esclaves affranchis.

L'égocentrique

Notre troisième personnage n'entend rien et ne voit personne. « VaYika'h Kora'h », « il prend », nous raconte le texte. Mais que prend-il donc ? « Lui-même ! », s'exclame Rachi en guise de réponse. Car la seule chose qui intéresse vraiment Kora'h, c'est Kora'h. Les autres ne sont que des pions dont il se sert pour atteindre son but. Onkelos traduira : « va-Etpaleg », « il se mit à part » – un terme qui, en ivrit moderne, signifie fonder un parti politique ! Sa relation aux autres est avant tout utilitaire. Ainsi, par exemple, rien n'aurait dû le rapprocher de Datan et Aviram. Les deux compères n'ont de commun avec lui ni le langage, ni les revendications. Mais pourquoi ne pas s'allier à eux, tant qu'ils lui sont utiles pour prendre la place de Moïse ? Tout cela, bien entendu, au nom du peuple et pour son bien ! Le démagogue populiste séduit son auditoire et l'entraîne dans sa chute.

Le malveillant

Balak, lui, n'entend pas, mais il voit : « vaYaar Balak ». Et ce qu'il

voit ne lui plaît pas. Il se sent menacé et concentre ses efforts à trouver le point faible de l'ennemi. Il envoie Bilam regarder Israël en changeant à chaque fois d'angle de vue : tout homme, tout peuple a un point faible, il finira bien par le trouver, pense-t-il, et en effet, il y arrivera en envoyant les filles de Moav séduire les hommes d’Israël.

Le justicier

Pin'has, comme Balak, voit. Il observe ce que Zimri et Kozbi font en public et cela le pousse à agir : il se lève – « vaYaar Pin'has vaYakom ». Ne supportant pas la profanation publique de la Loi, il n'hésite pas à faire luimême justice, évitant ainsi que le courroux divin ne s'enflamme davantage. Précisons toutefois que le geste de Pin'has mériterait une analyse rigoureuse indiquant les limites à l'intérieur desquelles il peut être toléré.

Que de chemin parcouru depuis Noa'h jusqu'à Pin'has, de l'indifférent du début du livre de Berechit jusqu'au justicier de la fin du livre de BaMidbar ! Si le premier annonce le déluge, le dernier intervient à la veille de l'entrée des Hébreux en Eretz Israël, comme si la Torah souhaitait nous enseigner que la société que le peuple est censé mettre en place en Eretz Israël, contrairement à celle de la période prédiluvienne, devra être basée sur la prise de conscience que finalement, nous sommes tous responsables les uns des autres.

Arrêtez-moi si je dis des bêtises…

LPH N° 999 53 LE KLING DU MOIS
klingelie@gmail.com
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Pour la crème :

Mille-feuille rapide

PRÉPARATION

l Mettre le lait à bouillir avec la gousse de vanille.

l Blanchir les jaunes d’œufs avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse, puis ajouter la maïzena et mélanger délicatement pour éviter que des grumeaux ne se forment.

l Incorporer le lait bouillant dans le mélange œufs-sucre-maïzena, puis verser le tout dans la casserole et la remettre sur le feu. Faire cuire en remuant avec une cuillère en bois jusqu'à ce que le mélange épaississe.

l Verser la crème pâtissière sur une plaque munie d'un film alimentaire, puis filmer de nouveau au contact et refroidir rapidement.

Pour le mille-feuille :

l Faire fondre le beurre au micro-ondes.

l À l'aide d'un pinceau, badigeonner une feuille de pâte filo de beurre, puis la recouvrir d'une deuxième feuille.

l Renouveler l'opération trois fois.

l Couper la superposition de pâte filo en 3 ronds, les placer entre 2 plaques et les enfourner à 220 °C pendant 4 à 6 minutes.

Montage :

Pocher votre crème pâtissière sur un rond de pâte filo, renouveler l'opération trois fois.

Petite astuce

Pour ne pas jeter les chutes de pâte filo, les mettre également à cuire, et après cuisson les émietter au-dessus du mille-feuille, puis saupoudrer de sucre glace : une super décoration et pas de gaspillage !

INGRÉDIENTS

• 1 paquet de pâte filo

• Beurre

• Sucre glace

Pour la crème pâtissière :

• 500 g de lait

• 90 g de sucre

• 90 g de jaunes d’œufs

• 30 g de maïzena

• 1 gousse de vanille/ arôme de vanille

• 50 g de beurre

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54 LPH N° 999 RECETTE
© Anaelle Maor

Détendez-vous !

Solutions des jeux page 54

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Bonjour,

Suite au décès de votre directeur technique, je me permets de vous adresser ma candidature pour son remplacement. Chaque fois que j’adresse ma candidature, on me répond qu’il n’y a aucun poste à pourvoir. Cette fois, vous ne pourrez pas argumenter de la sorte, vu que j’ai assisté aux funérailles du défunt afin de m’assurer qu’il était bien mort et enterré. Je vous joins donc à la présente mon curriculum vitae ainsi qu’une copie de son certificat de décès.

Dans l’attente de vous lire…

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