Hors serie AJ Mag Jeuid 3 Ocotbre 2024

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Jeudi 3 octobre 2024

1er Tichri 5785

HORS SÉRIE

7 OCTOBRE 2023

UN AN APRÈS

Faire le bilan pour se reconstruire

Tout stopper, tout arrêter pour honorer et consacrer le temps nécessaire à cette année de deuil. Oui, on en parlera partout à la télévision, à la radio, dans les journaux. Et à la fin de cette semaine, lorsque débutera l’office de Yom Kippour, nous verrons encore danser ces chiffres devant nos yeux : 7.10. Mais grâce à cette profusion mémorielle, nous serons peut-être un peu réparés, reconstruits, parce que nous aurons eu l’espace-temps nécessaire pour nous recueillir et affronter cette immense peine qui nous a sauté à la gorge depuis le 7 octobre. Une peine à laquelle nous n’avons pas suffisamment consacré d’attention, dont on nous a privés parfois, car toute cette année il a fallu absorber toujours plus d’injustice, de détails traumatisants, de dangers toujours plus forts, plus grands, plus effrayants. Nous avons également tenu à rester debout, à aller travailler, à sourire à nos enfants, à faire du sport et même à aller à des spectacles, parce que nous ne voulions pas donner à l’ennemi ce qu’il attendait plus que tout : nous voir nous effondrer.

Ce 7 octobre, nous nous recueillerons en pensant à nos morts, à nos blessés, à nos 'hatoufim, nos otages. Nous rendrons aussi hommage à nos soldats qui depuis un an font le plus grand ménage que le pays ait jamais entrepris. Faut-il rappeler les éliminations des têtes de l’hydre terroriste, et surtout celle, au moment où nous clôturons ce magazine, de Hassan Nasrallah ? Coïncidence de calendrier (mais entre nous, qui croit encore aux coïncidences ?) : le pays sera donc bien plus propre en ce saint chabbat de Yom Kippour qui nous est offert pour nous « nettoyer ». Lavé des infamies perpétrées par nos ennemis qui tombent jour après jour, Israël souffrira encore – car rien ne pourra nous consoler des pertes et des tortures, de l’absence et des blessures – mais il sera sur le chemin de la reconstruction. Pour se reconstruire, il est nécessaire de faire le bilan. C’est l’objectif de ce magazine hors-série qui tente de faire un état des lieux un an après, sans prétendre être exhaustif. Un bilan précoce, parce que nous devons faire preuve de patience. Avec le temps, le peuple de l’éternité n’a-t-il pas réussi à vaincre les plus grandes nations ? Là aussi nous y arriverons, et encore plus efficacement si nous parvenons à nous affranchir des concepts occidentaux dont les modèles ne sont pas adaptés à cette région du monde ni à l’ADN du peuple d’Israël. Pardonner à l’autre revient à se libérer d’un lourd fardeau. En cette veille de Yom Kippour, saurons-nous pardonner à nos dirigeants cette faille géante qui a brisé de nombreuses certitudes en nous ? Parviendrons-nous à voir dans cette sombre épreuve historique la lumière qui doit nous mener vers une souveraineté reconquise grâce à la victoire définitive que nous sommes en train de remporter sur nos ennemis ancestraux ?

5 Temps messianiques

6 Journal d’une guerre

14 12 dates pour 12 mois de captivité

18 Daniel Saada : « Dans la guerre de la communication, nous sommes en situation de faiblesse »

22 L’onde de choc économique du 7 octobre

26 Des mesures sociales pour un peuple ébranlé

30 De l'union retrouvée du 7 octobre au retour des clivages

33 Un peuple de « superhéros »

36 Guérir

40 Ces people qui ont le courage de soutenir Israël

42 La culture en temps de guerre, vecteur de résilience

44 Quand le tourisme devient militant

sommaire Hors-série

spécial un an après

48 Les Ranson de la guerre

50 Dans les coulisses du Shin Bet

56 La solitude du chef

58 Quatre exploits d'Israël parmi tant d'autres...

60 Vers la victoire au Nord

62 L’esprit Gour Arié

66 Perspectives...

68 Secrets du temps : la fonction divine des otages

Temps messianiques

Nous participons à la venue du Machia'h, c'est une évidence. Depuis le 7 octobre, le peuple juif est UN, un collectif qui survit et vit pour construire l'éternité d'Israël. La dimension d'œuvrer pour l'ensemble du peuple n'a jamais été aussi forte. Maïmonide nous indique que le messie viendra dans un temps qui verra la reconstruction du Temple, la réelle souveraineté d'Israël et le retour des exilés. Aujourd’hui, la souveraineté d'Israël sur sa terre se ressent au quotidien et le retour des exilés est possible ! Pour cela, il faudra que nous aidions nos frères et sœurs du monde entier à trouver le courage de nous rejoindre. Malgré les politiques et la presse, personne ne fera revenir le peuple en arrière. Les mécanismes ont changé. La jeune génération ne laissera pas les aigris et les pessimistes le faire replonger dans ses anciennes querelles, elle n'acceptera plus les plaintes de ceux d'entre nous qui sont constamment à la recherche du mauvais chez l'autre. C’est dans cet esprit que les jeunes de Tsahal poursuivront le travail au Nord pour que nos réfugiés puissent rentrer chez eux. Les temps ont changé. Après la Shoah, les Juifs rescapés n'avaient pas où aller. L'ONU avait alors voté le plan de partage de la Palestine pour que l'Europe soit débarrassée des Juifs errants. Aujourd'hui, nous sommes chez nous et nous n'avons besoin ni des nations indifférentes ni de l'ONU pour vivre. L'influence juive aux USA continuera à jouer son rôle afin que l'Oncle Sam continue à apporter son aide. La France, elle, vend son âme au diable en déposant une motion contre Israël au Conseil de sécurité de l'ONU suite aux actions menées au Liban, chose qu'elle n'avait pas faite contre les Palestiniens après le 7 octobre. À nous de les ignorer et de poursuivre nos efforts afin que les Juifs de France la quittent. Cette année aussi, le soir de Roch HaChana, nous tremperons nos aliments dans le miel. Incroyable symbole de résilience, il ne périme pas et ruisselle sur notre terre. Il en est un des symboles – alors que, étonnamment, il provient d'un insecte

non cacher : l'abeille – car sa force tient à son pouvoir de transformation : dans sa capacité à transformer le dard de l'abeille en douceur, le non cacher en cacher. Le kibboutz Yad Mordechaï, dans le Sud, est un des plus grands producteurs de miel. Il porte le nom et transmet à travers les générations les valeurs de celui qui était le commandant de la révolte du ghetto de Varsovie : Mordechaï Anielewicz. Lorsqu'après la Shoah, on a demandé à son second, Marek Edelman, pourquoi Anielewicz était le chef, il a répondu : « Parce qu'il en avait envie ! » Le 7 octobre, le kibboutz Yad Mordechaï a une nouvelle fois été un symbole de résistance. Des dizaines de terroristes ont été éliminés par les jeunes de Tsahal commandés par Arnon Zamora, za"l, qui est malheureusement tombé en héros quelques mois plus tard lors de la libération de certains de nos otages, dont Noa Argamani. Nous marchons sur ses pas, guidés par nos incroyables jeunes. Eux aussi, comme Anielewicz, sont nos leaders. Pourquoi ? Parce qu'ils en ont envie ! Parce que leur foi en ce peuple est inébranlable.

En souhaitant que tous soient inscrits dans le Livre de la vie. n

Des milliers de drapeaux sont brandis par des Israéliens au passage du cortège qui conduit l'officier des forces spéciales de Tsahal Arnon Zamora à sa dernière demeure. © Flash90

Journal d’une guerre

Raanana, Israël, 7 octobre 2023. Nous sommes réveillés au petit matin par les alertes aux missiles. J’entends les hurlements de mon fils qui dormait dans la soucca. Je me précipite pour essayer de le calmer et nous rentrons tous dans le mamad, la pièce blindée. Ne sachant pas ce qu’il se passe (c’est la fête, nous n’avons pas les informations), nous décidons de nous rendre à la synagogue où nous savons que quelques personnes restent connectées.

Sur le chemin, les rues sont presque vides, les rares passants que nous croisons sont sortis promener leur chien ; ils nous regardent comme des extraterrestres. À la synagogue, nous commençons à comprendre que nous avons été attaqués dans un festival de musique, sans toutefois saisir l’étendue de la situation.

De retour à la maison, les invités n’arrivent pas. Je commence à recevoir des appels. Au début, je ne réponds pas, puis, craignant le pire (mon père est en France et le numéro est français), je finis par répondre : c’est une chaîne française qui me demande de travailler avec eux pour couvrir les événements ; ils arrivent ce soir. Je ne pose aucune question et décide de me connecter à un site d’information, ce que mon mari désapprouve en ce jour de chabbat…

Je rejoins cette première équipe le 7 octobre au soir à Tel Aviv dont les rues sont vidées de leurs habitants. Sur le boulevard Rothschild jusqu’à HaBima, le théâtre national, où

d'habitude règne l’effervescence qui caractérise cette ville, nous ne croisons pas un chat. Déjà les sirènes nous envoient nous réfugier dans les abris.

8 octobre. Nous sommes en route pour aller à Sdérot, une ambulance croise notre chemin : on vient de tirer sur la personne qu’ils transportent, les terroristes sont encore là. L’équipe se tourne vers moi : c’est à moi de décider. Je décide de faire demitour, nous allons à Ashkelon où nous arrivons de justesse à l’abri antimissiles, avant les explosions qui dureront une dizaine de minutes. Dans l’abri, nous sommes une quinzaine de journalistes. Un Indien essaie de poursuivre son live au rythme des explosions ; il parle très vite, il a l’air terrorisé, le flot de mots incompréhensibles qui sort de sa bouche est aussi insupportable que le bruit des explosions qui ne s’arrêtent pas. Après lui avoir demandé poliment plusieurs fois de se taire, une journaliste finit par perdre patience et lui crie : « Ta gueule ! ». Cela me

fait sourire – ce sera la dernière fois avant bien longtemps. Enfin nous pouvons concentrer notre attention sur le bruit des missiles – et nos battements de cœur. En sortant de l’abri, nous trouvons la tête d’un missile à deux mètres… Nous allons à la station Lahav 433, où l’on a demandé aux familles des participants du festival Nova de venir avec des brosses à cheveux ou tout ce qui est susceptible de contenir des traces d’ADN, pour identifier les corps… Jamais je n’oublierai les visages des gens que nous avons croisés devant la station, déchirés d’angoisse et de douleur : une sœur dont les deux autres sœurs et le frère se sont rendus au festival et dont il n’ont pas de nouvelles depuis, une femme qui a réussi à dresser une liste partielle des participants manquants ou sains et saufs, et qui demande que la police coopère avec elle – elle hurle, elle pleure, elle implore… Les cris et les larmes me déchirent les tripes. Déjà se mettent en place des tables avec de l’eau, des fruits, des gâteaux, des habitants des alentours arrivent et déposent

Be'eri : scènes d'horreur suite au massacre du 7 octobre. Un kibboutz décimé par des terroristes sanguinaires. À droite, un véhicule équipé d'une mitrailleuse lourde abandonné par les terroristes après de violents combats avec les soldats de Tsahal.

ce qu’ils ont apporté, ils essaient d’aider comme ils peuvent ; à l’intérieur, le hall est bourré de monde. De temps en temps une policière descend, accompagnée de quelqu’un d’autre – qui estce ? Une assistante sociale ? –, elle appelle des personnes et remonte

dans l’ascenseur avec elles. Est-elle venue leur annoncer le pire ? Je ne le saurai pas, tout le monde est occupé, personne ne peut répondre à nos questions.lll

© Anne da Costa
© Anne da Costa

lll Je n’ai encore rien vu de cette guerre et déjà mon cerveau se déconnecte de mon cœur. Il faut être professionnelle mais j’ai envie tout à la fois de pleurer, de vomir et de crier.

Le soir, la journaliste propose que nous dormions à Ashkelon. Je lui explique que c’est de la folie. Nous finissons par dormir à Ashdod. Depuis notre baie vitrée au onzième étage, nous voyons des « feux d’artifice » de missiles sur Ashkelon toute la nuit, ou du moins jusqu’à ce que je m’endorme devant ce « spectacle » d’une envergure inimaginable – jamais plus je ne pourrai regarder un feu d’artifice comme avant…

9 octobre. Nous parvenons à nous rendre à Sdérot. La première chose qui me frappe, ce sont les magnifiques champs de coton à l’entrée de la route 232, puis, dans un des premiers virages, les couleurs flamboyantes de la végétation au bord de la route. Le contraste avec la zone de guerre dans laquelle nous nous apprêtons à entrer est fulgurant. Les rues sont vides, les quelques voitures que l’on croise sont criblées de balles, d’impacts de grenades ou de missiles, je ne sais pas ; par la suite, j’apprendrai à les reconnaître. L'escadron de l’armée que nous croisons ne nous adresse pas la parole. Les soldats sont en formation et ils s’arrêtent, l’arme à l’épaule et un genou à terre, à la recherche de terroristes. C’est seulement à cet instant-là que je réalise que JE SUIS LE TÉMOIN D'UNE GUERRE !

Une vieille dame hurle de son balcon : « Aidez-nous ! On n’a pas de quoi manger, on ne peut pas sortir, on n’a pas de médicaments ! » Mon premier réflexe est de monter la rassurer mais je ne peux pas, je

Un bénévole de Zaka épuisé et dépassé par l'horreur à laquelle il est confronté. Les bénévoles de l'association ont pour mission d'identifier les victimes de sinistres et attentats conformément aux normes éthiques et religieuses liées au respect des défunts. © Flash90

suis en mission. Je me rends donc au dernier étage, où un jeune homme a accepté de nous parler. Il ouvre la porte, il pousse le canapé qu’il avait mis devant, il s’excuse, il a peur que des terroristes essaient de rentrer. Nous ne sommes pas arrivés depuis cinq minutes que nous sommes interrompus par une alerte. Nous n’avons que dix secondes pour nous mettre à l’abri, nous dit-il. Nous courons au mamad ; nous y resterons pendant les trois prochaines alertes suivantes, qui se succèdent, et c’est là que l’interview se déroulera. Nous descendons voir le voisin qui, alors qu’il se tenait à sa fenêtre, a été la cible d’un terroriste ; il nous montre l’impact de la balle. Encore

deux alertes et nous quittons la ville dans la précipitation. J’avais prévu d’aller rendre visite à une amie d’enfance barricadée chez elle mais les GPS sont brouillés, pas moyen d’y arriver. Elle est directrice d’école. Par la suite, elle me racontera que le papa d'une petite fille qui est en classe de CP a été tué.

Nous essayons de nous rendre aux abords des kibboutzim mais nous sommes bloqués par des barrages que l’armée a mis en place. Le soldat m’explique gentiment que même avec nos gilets pare-balles et nos casques, c’est trop dangereux, il y a encore des terroristes en planque. Nous roulons aux alentours des kibboutzim sans

pouvoir y pénétrer, nous voyons la fumée s’élever de certains d’entre eux, l’odeur de la fumée se mélange à l'odeur du sang… L’odeur de la mort…

Je filme les voitures carbonisées qui sont en train d’être évacuées et je vois un corps, puis un autre – je tourne la tête, je ne veux pas voir cela. Le porte-parole de Zaka m’explique que les corps des victimes ont déjà été évacués mais qu’il faut une unité spéciale pour vérifier que les corps des terroristes ne sont pas piégés. Lorsque, plus tard, j'irai interviewer la famille d’un soldat qui s’est suicidé, son collègue me montrera comment se passe la procédure – ces images me hantent jusqu’à aujourd’hui.lll

Keren Shem, la mère de Mia kidnappée par les teroristes du Hamas, lors de la

lll Chacun des prochains jours, au réveil, nous découvrirons un bilan d’une centaine de morts de plus que la veille, jusqu’à atteindre les 1200 morts ; et je me demande si l’on a vraiment découvert 100 morts de plus par jour ou si l’on a essayé d’épargner le peuple en lui annonçant l’ampleur de l’horreur petit à petit…

12 octobre. Après une première semaine, je rentre à la maison et je me rends compte que mes enfants étaient terrorisés à l’idée qu’il puisse m’arriver quelque chose. À Ashkelon et à Sdérot, les missiles ont explosé en plein air au-dessus de nos têtes et moi aussi j’ai eu peur, mais cela, je ne peux pas le leur dire. Depuis le début de la guerre, j’ai encaissé les coups comme un boxeur avant le knock-out. Ma fille est soldate ; elle a un poste technique. Le 7 octobre, elle était la seule de garde dans son unité, elle a dû se débrouiller toute seule jusqu’en début d’après-midi où elle a eu du renfort ; elle a passé quarante-huit heures sans dormir et est rentrée à la maison pour se rendre à l’enterrement d’une jeune fille de son âge, de son école, de sa classe… Je la regarde : elle est blême, elle a grandi d’un coup. J’essaie de la prendre dans mes bras mais elle aussi elle résiste, elle craint d’ouvrir la porte à ses émotions…

Au début de son service militaire, elle n’était pas contente de ne pas avoir été choisie pour être combattante dans l’armée, comme elle aurait voulu ; mais elle disait que cela aurait pu être pire. Je lui avais alors demandé quelle était la pire fonction et elle m’avait répondu : « tatspitanite ! » (observatrice). Je remercie le ciel qu’elle n'ait pas été choisie pour

ce rôle et mon cœur pleure avec celui de ces mères qui ont perdu ce qu’elles avaient de plus cher… Je croise souvent des mères de soldats combattants et je leur demande toujours comment elles dorment la nuit. Certaines répondent qu'elles ne dorment pas, certaines disent qu’avec le temps elles finissent par s’y habituer…

Pendant toute cette période de guerre, je continue à accompagner plusieurs équipes de journalistes étrangers en Israël ; quelquefois

Nous sommes tous coupables.
Si le Hamas n’avait
pas vu à quel point le peuple
était divisé, il n'aurait pas choisi d’attaquer.

ils comprennent la réalité, d’autres fois ils arrivent avec des idées préconçues. Je me replonge dans l’histoire et je répète comme un perroquet que nous ne voulons pas de cette guerre, que nous avons été attaqués, qu’ils ont tué des familles entières, violé et massacré des jeunes qui étaient juste allés danser, que nous n’avons pas le choix – mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Parfois j’ai quand même de petites victoires, ce qui me permet de garder espoir et de continuer. Le jour où nous allons interviewer la maman de Mia Shem, après le film du Hamas sur l’opération du bras de sa fille captive, je regarde cette petite femme essayer de garder sa contenance sur le canapé pendant que des journalistes du monde entier lui reposent les mêmes questions. Plus le temps passe, plus elle se courbe, sa douleur est terrible et je la ressens de l’autre bout de la pièce. Arrive notre tour : le journaliste que j’accompagne s’assoit et commence par lui demander si elle ne craint pas qu’avec les bombardements israéliens qui vont débuter, la vie de sa fille soit en danger. J’ai envie de le frapper mais je me retiens. Plus tard, lorsque je lui ferai la remarque, il s’excusera de son manque de tact – mais trop tard, le mal est fait. Après l’interview, je demande à la maman de Mia Shem si je peux la prendre dans mes bras ; elle esquisse un sourire et se laisse faire. J’ai l’impression de lui donner un peu de force dans cet échange et de prendre beaucoup de sa douleur. Ma fille termine l’armée et mon fils obtient le profil de combattant auquel il rêvait tant ; ce n’était pas gagné d’avance, il avait des problèmes de santé, il a fallu l’emmener chez plusieurs spécialistes qui, tous admiratifs de sa volonté d’être combattant, lui ont établi les certificats qu’il voulait… Il sera donc combattant ; et moi je me demande si je suis une mère qui est complètement folle de l’avoir aidé dans ses démarches ou juste une mère sioniste.

Je me rends à l’enterrement d’un soldat puis d’un autre, je ne les connais pas mais je suis effondrée, on dirait que toutes les émotions

que j’ai essayé de refouler pendant des mois explosent au bord de mes paupières, et je resterai de nombreuses semaines dans cet état, avachie sur mon canapé, pleurant à tous les bulletins d’information. Pour me changer les idées, je décide d’accompagner un groupe de volontaires pour faire des barbecues aux soldats ; leurs

sourires me redonnent espoir. Puis, un jour, je tombe sur une annonce pour les soldats en rééducation ; je commence à me porter volontaire, je rencontre les soldats estropiés par la guerre, mon cœur se brise encore plus et la colère monte. Comment est-il possible que ces jeunes de 19-20 ans soient maintenant handicapés à vie parce

qu’ils nous ont défendus ?! Mais donnez-moi une arme, apprenezmoi à tirer ! Je veux aller me battre à leur place !

Après avoir envoyé des dizaines de journalistes voir de leurs propres yeux les ravages causés par la brutalité des attaques dans les kibboutzim, je finis par m’y rendre aussi. lll

« Mon père bénit son petit-fils le jour de son enrôlement dans Tsahal. »
© Anne da Costa

lll Ce que je vois à Kfar Aza me plie en deux, les maisons sont criblées de balles par centaines, par milliers, déchiquetées par les missiles. Ils n’ont pas juste essayé de nous exterminer, ils avaient comme mission la destruction totale.

Quelques souccot sont encore debout ici et là ; curieusement, la plupart ne sont pas endommagées, alors que toutes les maisons alentour sont détruites. Cela me fait beaucoup réfléchir.

Je suis intriguée par le matériel de fouilles archéologiques autour du quartier des jeunes de Kfar Aza. On m’explique qu’un père dont le fils a été décapité cherche la tête de son fils pour pouvoir l’enterrer… Je crois avoir atteint les limites de l’horreur – mais je me trompe.

C’est dans les ruines des quartiers du kibboutz Be'eri que je me rends compte de mon erreur. Les maisons sont calcinées, leurs habitants ont été brûlés vifs à l’intérieur, leurs filles violées. Des quartiers entiers portent sur chaque entrée ces deux lettres en rouge dont j’aurais aimé ne jamais savoir la signification : décapités. Non, il n'y a pas de limite à l’horreur.

Tout le monde cherche des coupables. Le rapport des enquêtes à Be'eri accuse entre autres la première unité arrivée sur le terrain : douze soldats contre plusieurs centaines de terroristes. Ils n’avaient pas assez de munitions, ils n’avaient aucune chance, ils le savaient, et l’horrible choix qui s’offrait à eux était de mourir en héros ou de limiter les dégâts ; ils ont décidé de se replier à l’entrée du kibboutz pour empêcher les prochains terroristes de rentrer, décision stratégique avec laquelle ils devront – ceux d’entre eux qui ont survécu – vivre jusqu’à la fin de leurs jours.

Qui est vraiment coupable ? Cela dépend à qui on pose la question. Les Israéliens continuent de se déchirer. La gauche rejette la faute sur le gouvernement de droite, sur Bibi ; les parents des observatrices, sur l'armée qui ne les a pas écoutées ; l’armée, sur les renseignements qui ne l’ont pas prévenue ; la droite, sur le Hamas et l’Iran qui l’a armé ; les laïques, sur les religieux…

Nous sommes tous coupables. Si le Hamas n’avait pas vu à quel point le peuple était divisé, il n'aurait pas choisi d’attaquer.

Engel,

le 29 novembre 2023 dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu temporaire négocié entre le Hamas et Israël. On le voit ici dans le kibboutz Be'eri rendre un hommage aux otages encore en captivité. © Flash90

Le temps passe et c’est déjà la cérémonie de fin du lycée. En tant que présidente du comité des parents d'élèves, je dois écrire un discours : que dire à ces bacheliers de 18 ans que je connais depuis qu’ils ont 13 ans ? Ce ne sont plus des enfants qui sont devant moi mais des jeunes hommes qui m’écoutent sans broncher. J’ai envie de leur crier : je vous en supplie, faites attention à vous ! À la place, je leur dis que l’avenir d’Israël repose sur leurs épaules et que

nous comptons tous sur eux pour ressouder notre peuple… L’école les a poussés, depuis avant la guerre, à faire une année préparatoire de « mekhina » avant l’armée, afin de se renforcer ; et pour la plupart, ils ont choisi cette option. Ainsi, ils auront le droit de grandir encore un peu.

Mais pas toi, mon fils. Toi, tu m’as dit : « Je veux participer à cette guerre et défendre mon pays ! »

Alors voilà : juste avant la parution de cet article, tu entreras à ton tour dans les rangs de Tsahal ; et moi qui ai fait mon Alya par sionisme, moi qui t’ai inculqué les valeurs de ton pays, moi qui t’ai toujours encouragé à ne pas être un témoin passif, mais à t'engager et à donner le meilleur de toi, moi qui n’ai pas eu peur d’aller sur le terrain le 7 octobre, pour la première fois j’ai peur, et si j’avais la possibilité de partir à ta place, je le ferais.

Mais mon combat à moi, c’est de montrer notre réalité aux journalistes internationaux, et d’être aux côtés de ton père qui se bat depuis plus de trente ans contre ses traumatismes des guerres précédentes…

À vous toutes, mères et femmes de combattants, héroïnes invisibles de cette guerre, je dédie cet article. J’espère que je réussirai à être aussi forte que celles d’entre vous que j’ai croisées et qui se sont confiées à moi. Et toi, mon fils, va défendre ton pays, l’avenir d’Israël est sur vos épaules, mais je t’en supplie, ne deviens pas un héros ! n

Anne Da Costa Envoyez vos réactions à annedc4u@gmail.com

©Tous droits réservés à Anne da Costa Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’autrice, ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite.

Ofir
kidnappé par le Hamas et libéré

7/10/23

6h30. Le Hamas lance une attaque massive contre Israël. Sous les tirs d'environ 4300 roquettes, 6000 terroristes et civils palestiniens pénètrent en Israël depuis Gaza par la mer, les airs et la terre. Ils massacrent, violent et torturent 1189 personnes, dont 779 civils – 364 au festival Nova – ainsi que des soldats, policiers et agents du Shin Bet, et en enlèvent 252 vers Gaza, où 97 sont toujours retenues dont 33 estimées mortes.

Photo : Le site du festival Nova après l'attaque

Le Hamas libère sans contrepartie deux otages : Judith Ranaan, 59 ans, et sa fille de 17 ans, Natalie, toutes deux de nationalité américaine. Trois jours plus tard, Yocheved Lifschitz, 85 ans, et Nourit Kuper, 79 ans, originaires du kibboutz Nir Oz, sont également ramenées en Israël.

27/10/23

Lancement de l’incursion militaire de Tsahal à Gaza, avec deux objectifs annoncés : le retour des otages et l’éradication du Hamas. 300 000 réservistes sont mobilisés, Israël appelle à évacuer plus d'un million de personnes vivant dans la moitié nord de la bande de Gaza tandis que le Hamas leur ordonne de rester sur place. 342 soldats sont tombés depuis à Gaza pour la défense d’Israël, du peuple juif et du monde libre, et des milliers de terroristes ont été éliminés.

Photo : Judith Raanan lors de sa libération

30/10/23

La soldate Ori Megidish (en photo), 19 ans, de la 414e unité du Corps de collecte des renseignements, capturée le 7 octobre par le Hamas sur la base de Tsahal à Nahal Oz, a été libérée par les forces israéliennes après plus de trois semaines de captivité. En bonne santé, elle a pu retrouver sa famille, Elle est la première otage libérée par Tsahal. Fin février 2024, à sa demande, elle a réintégré l’armée au sein de la Direction des renseignements militaires.

Le corps de la caporale Noa Marciano, 19 ans, capturée sur la base militaire de Nahal Oz où elle servait dans une unité de collecte de renseignements, est retrouvé par les forces de sécurité israéliennes dans un bâtiment près de l'hôpital Al-Shifa à Gaza et ramené en Israël. D’après les services du renseignement, elle a été assassinée à l’intérieur même de l’hôpital par un terroriste du Hamas, Abdallah abu Reala, éliminé par Tsahal début septembre.

24/11/23

Le 24 novembre à 7h commence la trêve militaire à Gaza, conformément à l’accord passé entre Israël et le Hamas sous la médiation du Qatar. En sept jours, 105 civils seront libérés, dont 81 Israéliens, 23 Thaïlandais et un Philippin, en échange de la libération de 240 prisonniers palestiniens, et de l'introduction de carburant et d'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Photo : sur la « place des otages », les familles prient afin que leur proches soit libérés lors de la trêve avec le Hamas.

15/12/23

Trois otages âgés de moins de 30 ans, Yotam Haïm, Alon Lulu Shamriz et Samer Fouad Al-Talalqa, sont tués par erreur à Shuja'iyya, dans la bande de Gaza, par des soldats de Tsahal qui les ont pris pour des terroristes. Ils s’étaient avancés vers les soldats torse nu pour montrer qu'ils ne portaient pas d'explosifs, l’un d’eux avec un bâton surmonté d’un tissu blanc. L'enquête a indiqué qu’ils avaient erré cinq jours après avoir échappé à leurs geôliers.

Photo : Iris Haïm, la mère de Yotam

19/01/24 12/02/24

Kfir Bibas, kidnappé chez lui avec ses parents et son frère, au kibboutz Nir Oz, alors qu’il n’avait que 5 mois, célèbre ses 1 an en captivité sans que les organisations internationales et humanitaires ne s’en indignent. C’est le plus jeune otage du Hamas ; son sort ainsi que celui de sa famille sont inconnus. Son frère Ariel a eu 5 ans à Gaza le 5 août. Le Hamas a plus tard affirmé qu'ils avaient été tués lors d’une frappe aérienne de Tsahal à Khan Younès mais rien ne le confirme.

Fernando Marman (en haut), 60 ans, et Luis Har, 70 ans, deux IsraéloArgentins de la même famille enlevés le 7 octobre au kibboutz Nir Yitzhak par le Hamas, sont libérés lors d'une opération nocturne à Rafah, dans le sud de Gaza, menée par Tsahal, le Shin Beth et la police. Les forces ont fait irruption à 1h49 avec des explosifs dans l’immeuble où les deux hommes étaient détenus, avant de les exfiltrer sous les tirs ennemis et d’intenses bombardements.

Tsahal et le Shabak exfiltrent quatre otages de deux appartements au cœur de la bande de Gaza, sous des tirs massifs : Noa Argamani (en photo), Almog Meïr Jan, Andrei Kozlov et Shlomi Ziv. Cette opération porte désormais le nom d’« opération Arnon », en hommage à Arnon Zmora, inspecteur en chef de l’Unité du contre-terrorisme qui y a perdu la vie. Noa a ainsi pu retrouver sa mère Liora qui se battait contre un cancer du cerveau et qui est décédée trois semaines plus tard. Les otages ont rapporté avoir subi un lavage de cerveau et des traitements dégradants pendant leur détention.

Farhan al-Qadi, 52 ans, père de 11 enfants, l'un des six Bédouins israéliens enlevés le 7 octobre, est secouru vivant dans un tunnel dans le sud de la bande de Gaza, lors d'une opération conjointe de Tsahal et du Shin Bet. Il a raconté n'avoir été nourri que de pain et ne pas avoir vu la lumière du jour pendant des mois. Bien que le Hamas ait tenté de faire croire qu’il avait été libéré car il était musulman, il n'a bénéficié d'aucun traitement de faveur. Il est le premier otage vivant à avoir été sauvé d'un tunnel.

Tsahal découvre les corps de six otages dans un tunnel à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les victimes, Carmel Gat, Eden Yerushalmi, Hersh Goldberg-Polin, Alexander Lobanov, Almog Sarusi et Ori Danino, auraient été exécutées de sangfroid par balles deux jours avant l'arrivée des forces israéliennes. Ils étaient détenus dans des conditions inhumaines, souffrant de malnutrition, de déshydratation, ainsi que d'un manque d'air et de lumière, le tout sous une chaleur insupportable. Cette découverte a provoqué une onde de choc.

Daniel Saada : « Dans la guerre de la communication, nous sommes en situation de faiblesse »

On a souvent reproché à Israël de gagner les guerres sur le plan militaire mais de les perdre sur celui de la communication. Depuis le 7 octobre, une nouvelle manière de faire de la hasbara semble avoir fait surface. Daniel Saada, ancien ambassadeur par intérim d'Israël en France et au service de la diplomatie israélienne pendant trente-trois ans, nous livre son regard sur cette guerre de l’information presque aussi essentielle que la guerre sur le terrain.

AJ MAG : Est-ce que vous notez une évolution de la hasbara depuis le 7 octobre par rapport à ce qui existait lors des guerres précédentes ?

Daniel Saada : Le déferlement de critiques, de haine antisémite depuis le 7 octobre et la guerre qui s'en est suivie font que l'État se trouve dans une situation différente en ce qui concerne la hasbara. Nous sommes entrés dans un cycle d'urgence. Il a fallu s'adapter. Je note que le porte-parole de l'armée fournit un effort inédit dans sa communication, aussi bien vis-à-vis de la population et des médias israéliens que pour les médias étrangers. À travers un point presse régulier et une présence sur les réseaux sociaux en plusieurs langues, Israël parvient à faire passer des messages lorsque cela touche des faits qui ont des répercussions à l'étranger, ou en anticipant les réactions qu'il pourrait y avoir à l'étranger. Et il faut également mentionner l'excellent travail du colonel (rés.) Olivier Rafowicz qui est présent sur tous les médias francophones depuis le début de la guerre. Je n'ai pas le souvenir d'une telle organisation dans les précédentes guerres. Pendant la deuxième guerre du Liban, j'étais responsable presse à la frontière libanaise et cette stratégie de

communication vis-à-vis des médias étrangers n’existait pas. Le ministère des Affaires étrangères a aussi procédé à des adaptations compte-tenu de la situation. Il faut comprendre qu'aujourd'hui, la guerre de la communication se déroule essentiellement sur les réseaux sociaux.

La publication des vidéos des atrocités du Hamas, celles des otages en captivité ou de leurs enlèvements sert-elle la hasbara ?

Sur ce plan, nous avons raté le coche. La guerre des images passe par l'émotion et l'affect. Nous n'avons pas été assez rapides. Nous aurions dû dès le 7 octobre utiliser les images filmées par les assassins eux-mêmes, pour montrer l'horreur. Nous n'avons pas compris que nous allions très vite nous retrouver accusés, nous pensions que l'ampleur des massacres était telle que le monde allait nous comprendre. Nous avons pris du temps, le film n'a été montré qu'un mois plus tard et en mettant de côté les images les plus difficiles. Nous l'avons diffusé de manière confidentielle à quelques parlementaires et quelques journalistes, alors que nous aurions dû inonder les

réseaux sociaux. Peut-être que cela n'aurait pas changé fondamentalement les choses mais nous aurions marqué quelques points. Nous avons oublié que nous sommes dans le monde de l'instantané : quelques heures après qu'il s'est produit, un événement appartient déjà au passé.

L'impact de ces images sur la société israélienne se traduit par une accentuation des clivages. Comment faire une bonne hasbara tout en ménageant le public israélien ?

L'une des explications du déséquilibre de la hasbara israélienne est que nous sommes une démocratie avec des opinions divergentes et un gouvernement qui est régulièrement attaqué. En face, il n'y a qu'une seule voix qui s'exprime, relayée par tous ses soutiens dans le monde. L'émotion que suscitent ces images à l'intérieur de la société israélienne se transforme en clivages, en disputes, et tout cela nous affaiblit. Mais allons-nous cesser d'être une démocratie pour avoir une meilleure hasbara ?

Il est important de montrer les conditions épouvantables dans lesquelles étaient détenus les six otages exécutés, quelle que soit l'ampleur de la critique interne. Il faut montrer l'atrocité de ce qu'il s'est passé le 7 octobre et de ce qui continue de se passer.

Malgré ces efforts et ces changements, le message d'Israël a du mal à prendre. Comment l'expliquez-vous ? Dans cette guerre autour d'un narratif, nous sommes en situation de faiblesse. C'est une guerre de chaque seconde ; et si notre narratif est juste et légitime, il n'en demeure pas moins complexe. Celui de nos ennemis, en revanche, est très simple. Regardez la mobilisation de l'ensemble des « bonnes consciences », des partis de gauche du monde occidental, autour d'une accusation toute simple qui tient en un seul mot : « génocide ». Ce simple mot, qui est une infamie, suffit à nous disqualifier rapidement.

Nous devons expliquer que les pertes civiles dans la bande de Gaza sont la conséquence directe de vingt années au cours desquelles le Hamas a installé une infrastructure terroriste au cœur de la population civile, une construction lente, systématique et très bien organisée d'un État terroriste. Tout ceci est trop complexe à développer.

Comment se fait-il que ce message ait aussi du mal à passer auprès des hautes instances internationales, des élites qui pourraient comprendre la complexité de cette situation ?

En effet, les instances dirigeantes sont censées ne pas réagir avec émotion, avec affect. Mais le regard sur Israël, dans le monde, n'est jamais un regard objectif.lll

Conférence de presse pour les médias étrangers au kibboutz Be'eri en présence d'otages israéliens libérés par les terroristes du Hamas © Flash90

lll Le débat est ouvert sur les raisons de cette absence d'objectivité ; cela peut être pour des raisons positives mais aussi pour des motifs malsains, liés au regard qui a toujours accompagné le peuple juif et qui aujourd'hui se porte sur Israël, ce que l'on peut appeler « le nouvel antisémitisme ».

J'ai été ambassadeur en Afrique pendant de longues années. Ce que vivent certaines populations en Afrique est incomparable avec ce que vivent les populations civiles de la bande de Gaza. Et pourtant, je n'ai jamais vu un gros titre ou une émission spéciale sur ce sujet, ni de décomptes réguliers des victimes. Je me suis souvent dit que si ces populations d'Afrique noire qui vivent la misère, la guerre, l'islamisme, des tragédies humaines, bénéficiaient ne serait-ce que de 10 % de l'attention dont jouissent aujourd'hui les Palestiniens, peut-être que leur situation serait totalement différente aujourd'hui. Il y a aussi une pression des nouvelles populations qui se sont installées en Occident, notamment en provenance des pays arabo-musulmans, sur le public et les gouvernements en Europe et aux États-Unis. Elles constituent un réservoir de voix pour la plupart des gauches occidentales et européennes qui se sont alignées de manière aveugle sur les positions anti-israéliennes et propalestiniennes. Il y a des idées simples pour conquérir cet électorat, la cause palestinienne en fait partie.

Alors la hasbara serait un combat perdu d'avance ?

Je ne suis pas de ceux qui pensent cela. Néanmoins, il est incontestable que nous pouvons mieux faire. Il faut continuer à professionnaliser le monde de la diplomatie. Notre narratif est peut-être difficile à exprimer sur les réseaux sociaux, mais pas impossible à transmettre. La hasbara n'est pas un combat vain ni perdu d'avance. J'ai été pendant trente-trois ans au service de la diplomatie israélienne, je n'ai jamais eu un moment de répit.

Qu'est-ce qui pourrait être amélioré ?

C'est surtout une question de moyens. Lorsque j'ai intégré le ministère des Affaires étrangères, à la fin des années 1980, c'était une époque où le Département hasbara était le plus important de cette administration ; il bénéficiait du plus gros budget du ministère. Mais au fil des restrictions budgétaires, cette part s'est réduite. L'idée s'est faite qu'Israël s'était normalisé, alors que pendant les premières années de l'État on avait conscience que l'existence d'Israël n'était pas un acquis, qu'il fallait l'expliquer. À l'ambassade d'Israël à Paris, à la fin des

Le porte-parole de Tsahal : une personnalité devenue incontournable

Daniel Hagari (photo ci-contre), le porte-parole de Tsahal, est devenu une célébrité incontournable dès les premières heures de la guerre, prenant la parole deux fois par jour pendant les premières semaines, puis une fois, avant de se faire plus rare et de réserver ses interventions aux événements exceptionnels. Il explique avec pédagogie les différentes manœuvres de l'armée et leurs résultats. Lors de cette guerre, Tsahal a compris qu'il était important de communiquer. Outre le porte-parole, l'armée israélienne possède des comptes X dans sept langues différentes. Tsahal a ainsi réussi à démonter presque instantanément la première grande fake news de cette guerre : le soi-disant bombardement par Israël d'un hôpital à Gaza ayant causé des centaines de mort. En réalité, les dégâts ont été causés par une roquette du Jihad islamique et il y a eu 50 morts. À travers tous ses canaux de publication sur les réseaux sociaux et dans plusieurs langues, Tsahal a immédiatement apporté les preuves qu'elle n'était pour rien dans ce bombardement, et la vérité a été rétablie.

années 1980, il y avait quatre diplomates en charge de la hasbara. Aujourd'hui, il y en a seulement deux, et qui ne parlent pas ou très mal le français ; et il en va de même dans le reste du monde. On a réduit les équipes, les moyens, parce qu’on croyait que l’on n’avait plus besoin de se justifier, et nous le payons aujourd'hui. Ce à quoi nous assistons est le résultat de ce désinvestissement.

Cette vision a été décrite par Shimon Peres lorsqu'il a pris les rênes du ministère des Affaires étrangères en 1992. Lors de la passation de pouvoir, à laquelle j'ai assisté, Peres a affirmé que désormais Israël n'avait plus besoin de hasbara – la hasbara est utile quand la politique est mauvaise, a-t-il dit.

Au moment d'Oslo, j'étais porte-parole de l'ambassade d'Israël à Paris. Alors qu'Israël faisait, en quelque sorte, ce que le monde attendait de lui – nous avions reconnu l'OLP, nous faisions la paix, nous acceptions de nous retirer de certains territoires –, je me souviens que je me disputais quand même avec les rédacteurs du Monde ou de Libération à cause de leur parti-pris. Cette politique de restrictions a connu son apogée entre 2015 et 2019, quand Netanyahou était à la fois Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Depuis, on essaie de redresser la barre, mais je connais les difficultés budgétaires d'Israël et je reste sceptique. n

Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay

L’onde de choc économique du 7 octobre

L’économie d’Israël, engagé dans un conflit multifronts, a dû affronter des défis inédits.

Douze mois d’hostilités avec le Hamas et le Hezbollah, assortis d’une offensive iranienne aux missiles et aux drones sans précédent sur le sol israélien, sans oublier les attaques lancées principalement en mer Rouge par les Houthis, auraient pu provoquer un effondrement économique dans l’État hébreu. Ce scénario ne s’est pas produit. Mais l’économie israélienne a été mise en difficulté. En mode combat, elle a affronté deux principaux défis.

L’emploi

« Au lendemain des attaques du 7 octobre, la mobilisation de 300 000 réservistes, qui ont dû quitter leurs universités et entreprises, a provoqué un choc sur le marché du travail », explique Dan Catarivas, président de la Fédération des chambres de commerce binationales. « Par ailleurs, ajoutet-il, les quelques 140 000 réfugiés internes (chiffre à la fin août – voir

encadré), qui ont dû évacuer les zones de conflit du Sud et du Nord, représentent un phénomène inédit. »

En outre, la décision de ne plus autoriser l’entrée sur le territoire des 140 000 Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui travaillaient majoritairement dans le BTP a paralysé les chantiers dans tout le pays – « même si des formules de rechange ont été trouvées », précise encore ce conseiller du patronat israélien. La filière de l’agriculture, qui repose sur 74 000 ouvriers agricoles dont la moitié sont étrangers (palestiniens et thaïlandais), a bénéficié dans un premier temps de l’afflux de milliers de volontaires israéliens. Le gouvernement israélien a également incité les Israéliens au chômage à se tourner vers l'agriculture, en doublant leur salaire au cours des trois premiers mois. Il a aussi enfin conclu un accord pour accélérer le recrutement de 10 000 ouvriers agricoles sri-lankais.

Éviter la chute de l’activité

« Globalement, la consommation privée s’est maintenue, grâce à l’argent versé aux réservistes et aux personnes déplacées », fait observer Dan Catarivas qui remarque que

Après soixante années d'activité sans interruption, l'entreprise Pri HaGalil a dû fermer ses portes pour cause de guerre. © Flash90

les exportations ont fléchi sans toutefois connaître de dégringolade. Certains pans de l’économie ont néanmoins été touchés de plein fouet : le tourisme est toujours à l’arrêt, les indépendants et les petites

entreprises ont accusé le coup, et la high-tech, moteur de la Start-up Nation, déjà affectée par la crise mondiale du secteur et le reflux des investissements américains, a montré des signes d’essoufflement.

Au deuxième trimestre 2024, d’après le centre de recherche IVC, les start-ups ont certes levé 2,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 65 % par rapport au trimestre

Le casse-tête des réfugiés internes

Au 21 août 2024, environ 143 000 résidents ont été évacués de leurs foyers – quelque 74 600 sont des communautés du Sud et 68 500 des communautés du Nord, selon une récente étude réalisée par le centre Taub, spécialisé dans les politiques sociales. Jusqu'à présent, environ 62 000 personnes évacuées sont rentrées chez elles, certaines dans des communautés toujours soumises à des restrictions sécuritaires. Environ 17 000 personnes évacuées séjournent dans des hôtels depuis plus de dix mois et environ 64 000 ont trouvé d'autres solutions de logement en dehors de leurs communautés d'origine. L’étude relève que si le taux de chômage est revenu à son niveau d’avant-guerre – aux alentours de 5 % – dans l’ensemble du pays, le taux de demandeurs d’emplois reste élevé dans les communautés évacuées. Toutefois, leur situation n’a rien d’homogène. Ces derniers mois, on a ainsi noté une tendance à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi à Sdérot, l’une des localités du Sud attaquées par des commandos du Hamas le 7 octobre, contre une tendance continue à la hausse à Kiryat Shmona, frontalière du Liban. N.H.

Des membres du kibboutz Nir Am, à la frontière de la bande de Gaza, emballent leurs affaires avec l'aide de volontaires. Logés dans un hôtel depuis le début de la guerre, ils s'apprêtent à retourner chez eux. © Flash90

lll précédent et un montant trimestriel le plus élevé depuis deux ans. Mais selon l’institut Rise, les deux tiers viennent d’une poignée de grosses levées d’entreprises du cyber, à l’image de Wiz, la pépite que convoitait Google pour 23 milliards de dollars, avant que les négociations ne tombent à l’eau cet été.

Sans surprise, et pour la première fois depuis des années, les agences

de notation financière ont dégradé la note de crédit de l’État hébreu. Après Moody's et S&P, Fitch a annoncé en août qu'elle avait abaissé la note d'Israël, estimant que le conflit à Gaza, qui a coûté plus de 50 milliards de dollars (soit 10 % du PIB israélien) pourrait durer jusqu'en 2025, avec des risques qu'il s'étende à d'autres fronts.

La prévision de croissance pour

2024 a également été révisée à la baisse à 1,6 % contre 3,1 % prévus initialement. Last but not least, les économistes s’inquiètent de l’emballement des dépenses publiques et de l’augmentation de nouvelles charges : les dépenses militaires, qui représentent 4,1 % du PIB, pourraient faire un bond de 50 % et atteindre 6 %. n

Nathalie Hamou

Des mesures sociales pour un peuple ébranlé

Depuis le 7 octobre, c’est un peuple entier qui, ébranlé, apprend à vivre avec la réalité de la guerre. Combien de familles écroulées ? endeuillées ? déplacées ? La guerre a plongé Israël dans une crise sans précédent, avec un nombre inégalé de victimes et une grande diversité de personnes touchées par le conflit. C’est aussi avec cette difficile réalité qu’a dû composer le gouvernement israélien pour soutenir les populations les plus éprouvées. Malgré les nombreux défis auxquels a dû faire face le pays, le volet social n’a pas été oublié par l’État qui a vite su mettre en place les mesures nécessaires aux victimes de la guerre.

Avant la guerre Glaives de Fer, le nombre de victimes du terrorisme s’élevait à 9000 personnes. Depuis le 7 octobre, 65 000 personnes sont venues s’y ajouter – un défi de taille pour le Bitoua'h Leoumi (la Sécurité sociale israélienne) et un budget sans précédent à prévoir (des milliards de shekels) : selon Amir Yaron, gouverneur de la Banque d'Israël, le coût de la guerre en Israël pour la période 2023-2025 pourrait en effet atteindre 250 milliards de shekels (environ 66 milliards de dollars).

L’État a fait preuve d’une réactivité assez remarquable, en s’efforçant de penser à chaque frange de la population touchée par la guerre.

Un soutien financier

En premier lieu, les processus pour « postuler » aux aides financières ont été facilités, comme l’explique Shlomi Mor, secrétaire du conseiller en matière juridique au Bitoua'h Leoumi : « Nous faisons tout ce qui est possible pour simplifier le processus pour les victimes, la bureaucratie a été considérablement réduite. » Les demandes d’indemnisations peuvent se faire en ligne sur le site du Bitoua'h Leoumi qui a dédié toute une page aux victimes de la guerre : publication des nouvelles mesures d’aide, accès à des formulaires digitaux, questions/ réponses…

Les résidents déplacés

Dès le lendemain de la guerre, l’évacuation des populations du Sud a débuté, et celle des habitants du Nord a suivi. Ils ont été logés dans des hôtels, des centres communautaires, des appartements habituellement destinés à la location à court terme ou chez des proches. Leur relocalisation a été prise en charge par l’État et/ou des indemnités de relocalisation leur ont été octroyées. Ces « mefounim », comme on les appelle en Israël, personnes déplacées dans leur propre pays, laissent derrière eux logement, travail, école… Une compensation financière est plus

qu’une nécessité. Des allègements fiscaux ont également été prévus pour ces résidents.

Les familles endeuillées

Les personnes endeuillées, à savoir, les conjoints, les parents et les enfants, sont également éligibles aux aides financières de la part du gouvernement. Mor explique : « Les familles endeuillées reçoivent plusieurs aides, dont une allocation mensuelle continue. Par exemple, les parents endeuillés reçoivent une allocation de 8200 shekels. Si les parents sont séparés, chacun reçoit 6600 shekels. Une veuve avec un orphelin a droit à une allocation de 12 300 shekels. lll

lll Une veuve avec sept enfants ou plus recevra une allocation de 22 500 shekels par mois. Les orphelins qui ne sont pas sous la garde d'un parent reçoivent une allocation séparée d'environ 5500 shekels. Ceux qui n'étaient pas mariés mais étaient fiancés reçoivent une allocation comme une veuve sans enfant pendant cinq ans après le décès, soit environ 9900 shekels. » De plus, les familles endeuillées peuvent bénéficier d’autres allocations et aides diverses, telles que la participation aux frais funéraires, des aides initiales après le veuvage, la prise en charge des frais de déplacement des membres de la famille endeuillée depuis l'étranger, ainsi que d'autres aides financières pour la couverture des frais de sépulture. Depuis le début de cette guerre, il y a à ce jour en Israël 177 veuves et près de 700 orphelins.

Les familles des otages

Un autre « groupe » soutenu par le gouvernement est celui des personnes enlevées et de leurs familles. « C’est une population que la loi israélienne ne connaissait pas jusqu'à présent. Il n'y avait pas de précédent. Dans ce cas, il y a eu un changement législatif substantiel et crucial au cours de ces mois, et un soutien très significatif du Bitoua'h Leoumi aux familles des personnes enlevées », précise Shlomi Mor. Les familles des personnes enlevées peuvent bénéficier d’allocations continues ainsi que d’une allocation familiale trimestrielle de 90 000 shekels. Ces allocations, en plus des pensions mensuelles selon la composition de la famille, peuvent atteindre jusqu'à 200 000 shekels, afin de les aider à subvenir à toutes les dépenses liées à la restitution de leur proche enlevé.

Les otages qui sont revenus de captivité ont reçu des aides spécifiques, dont un don unique de 50 000 shekels pour leur réintégration et une prise en charge complète des soins médicaux pendant trois ans (y compris les traitements relatifs aux problèmes de santé existant avant leur enlèvement).

Les réservistes

Avec l’enrôlement massif imposé par la guerre, les réservistes et leurs familles peuvent évidemment prétendre à des aides de la part du gouvernement. Les réservistes mobilisés ont ainsi accès à des primes pour leur service prolongé, à une compensation pour la perte de leurs revenus, au remboursement de certains frais liés au service militaire (transports, équipements) et à une prise en charge complète de leurs soins médicaux.

Les personnes blessées

Le nombre de personnes blessées est malheureusement incroyablement élevé et elles aussi peuvent bénéficier d’aides de la part du Bitoua'h Leoumi. Chaque victime d'actes de terrorisme pour laquelle un pourcentage de handicap a été reconnu (par une commission médicale) a droit à une couverture complète des soins liés à ses blessures et, dans certains cas, à une pension limitée dans le temps ou continue. « La commission médicale est une étape cruciale pour bénéficier d'une aide, car en plus de la possibilité d'une pension, elle permet un soutien et un accompagnement tout au long de la vie, et elle permet également de commencer un traitement. Nous

Un soldat réserviste en pleurs explique à des députés de la Knesset les difficultés qu'il rencontre pour maintenir sa vie de façon normale alors qu'il doit servir le pays.
Flash90

Qui pourra aider ces femmes et ces hommes hantés à jamais par les images horribles du front et par le souvenir de leurs frères de guerre ?

tenons à adapter le traitement à la blessure, car chaque personne est unique et chaque blessure est un événement : il y a des blessures psychologiques, des blessures physiques, et des combinaisons des deux. Tout peut arriver », explique Shlomi Mor.

Avant l’examen de leur dossier par la commission médicale, les victimes bénéficient d'une allocation mensuelle.

Pertes matérielles

La population israélienne paie un lourd tribut, non seulement sur le plan humain, mais aussi sur le plan économique. C’est pourquoi le gouvernement a fait le choix d’accorder des subventions aux entreprises directement impactées par la guerre. Les entreprises ayant réalisé en 2022 un chiffre d'affaires compris entre 12 000 et 400 millions

de shekels et ayant subi une baisse de revenus d'au moins 25 % en raison de la guerre peuvent être soutenues par l’État. Des aides sont également prévues pour les entreprises situées dans des zones spécifiques touchées par le conflit, y compris les entreprises touristiques. Des compensations ont aussi été mises en place pour les dommages matériels liés à la guerre, sous forme de remboursements pour les biens endommagés.

Soutien pshychologique

Un autre volet social déployé par le gouvernement, et non des moindres, est l’accompagnement psychologique des personnes affectées par la guerre. Des lignes d’écoute et des centres de résilience ont été mis en place à travers le pays. Pour aider au mieux les familles, les enfants, les soldats traumatisés

par le conflit, l’État prend en charge les thérapies nécessaires à leur rétablissement sous forme de consultations gratuites (ou prises en charge en très grande partie) proposées par des professionnels de la santé mentale. À ces aides du gouvernement viennent s'ajouter toutes les actions de bénévolat de la part d'associations israéliennes ou de Diaspora : dons, soutien psychologique, visite et distribution de cadeaux dans les hôpitaux, distribution de repas aux soldats, à leurs familles, achats d'équipements pour les soldats, aide aux agriculteurs du Sud, spectacles pour les enfants déplacés, activités pour les orphelins de la guerre, vacances subventionnées, etc. Les initiatives se comptent par centaines et démontrent la formidable solidarité qui sous-tend la société israélienne. n

De l'union retrouvée du 7 octobre au retour des clivages

La tragédie du 7 octobre a frappé

le pays alors qu'il était en train de se déchirer autour de la réforme judiciaire voulue par le gouvernement. Le peuple s'est alors uni autour de ce drame, laissant de côté toutes les divergences. Mais la trêve n'aura pas duré.

Dès les premières heures du 7 octobre, un nombre impressionnant d'hommes, munis seulement de leurs pistolets personnels, ont pris l'initiative d'aller porter secours aux habitants des kibboutzim et aux jeunes du festival Nova, attaqués par les terroristes du Hamas.

C'est le cas, par exemple, de « l’équipe d’Elhanan », qui était composée de trois membres de la famille Kalmanson, originaire de la localité d’Otniel en JudéeSamarie : Menahem Kalmanson, son frère Elhanan (za''l) et leur neveu Itiel Zohar. Les trois hommes se sont rendus à Be'eri et, sur place, se sont battus contre les terroristes. Ils ont évacué des dizaines d’habitants, revenant à chaque fois pour en sauver d’autres. Dans la dernière maison où ils sont entrés, un terroriste attendait en embuscade et Elhanan a été tué. « L'équipe d'Elhanan » a obtenu le Prix Israël de la bravoure pour son action. Lors de la remise du prix, Menahem Kalmanson a raconté : « L'un des moments les plus perturbants que j'ai vécus est quand on m'a posé la question : “Pourquoi êtes-vous partis vous porter au secours d’habitants d’un kibboutz, alors que vous êtes

des habitants de Judée-Samarie ?” La douleur que j'ai ressentie uniquement du fait qu'une telle question puisse exister me frappe jusqu'à aujourd'hui. »

L'ex-général Yaïr Golan, ancien député Meretz, a lui aussi décidé de partir immédiatement à la rescousse des habitants du Sud le matin du 7 octobre. Il s'est présenté au commandement sud et a demandé à être enrôlé. Il a reçu une arme et du matériel et s'est rendu au festival Nova. Il a contribué à sauver beaucoup de jeunes.

Ces héros du 7 octobre sont nombreux. Aucun ne s'est posé la question de savoir de quel bord politique, de quelle tendance religieuse étaient ceux qu'ils se sont précipités d'aller sauver.

La solidarité en branle

Sur le plan civil aussi, le peuple ne formait plus qu'un dans les semaines qui ont suivi ce samedi noir. Vu l'ampleur du drame, une foule d'Israéliens se sont retrouvés démunis comme les populations des kibboutzim évacuées ou les soldats réservistes mobilisés en catastrophe. La solidarité israélienne s'est mise en branle. Partout, des collectes de produits de première nécessité se sont organisées pour ceux qui en avaient besoin. La place Dizengoff à Tel Aviv, qui avait été la scène de querelles insupportables le jour de Kippour deux semaines plus tôt, s'est transformée en centre de tri et d'empaquetage pour les colis à destination des soldats et des personnes déplacées. Tout le monde s'y retrouvait, tous unis autour d'une même cause. Les vidéos de soldats se « plaignant », non sans humour, d'avoir trop à manger compte tenu de la générosité de toute la population, ont fait le tour de la Toile et ont redonné le sourire au peuple qui en avait grandement besoin. Hanna Cohen Alloro, habitante du mochav Shokeda, entre Be'eri et Netivot, se souvient de l'accueil qui leur a été réservé à l'hôtel près de la mer Morte où ils ont été évacués : lll

Des volontaires israéliens organisent un barbecue pour les soldats basés près de la frontière avec Gaza. © Flash90

lll « Dès que nous sommes arrivés, une pédiatre est passée entre toutes les familles et a noté tous les médicaments dont chacun avait besoin – dans la précipitation, quand nous sommes partis, personne n'avait pensé à cela. Elle a fait les ordonnances et s'est chargée de récupérer les traitements de tout le monde. » Et elle ajoute : « Des femmes orthodoxes sont venues nous voir et nous ont proposé de prendre notre linge pour le laver chez elles. »

Le retour des vieux démons

Le 7 octobre, les gigantesques manifestations contre la réforme judiciaire et contre le gouvernement qui avaient lieu tous les samedis soir depuis des mois ont cessé d'un coup. Ces querelles paraissaient soudainement futiles et tout Israël s'est réveillé groggy en se demandant si ces clivages n'avaient pas entraîné la catastrophe. Un gouvernement d'union a rapidement été mis en place afin de répondre à l'urgence de la situation.

Mais le terrible sujet des otages et du prix à payer pour leur libération a assez rapidement instillé de

nouveau l'esprit de la querelle au sein de la population israélienne. Le peuple a recommencé à se déchirer sur cette question si sensible et si douloureuse. Les vieux démons se sont réveillés et, avec eux, les appels à des élections anticipées. Le gouvernement d'union a éclaté le 9 juin, huit mois après le début de la guerre, avec le départ des ministres Gantz et Eizenkot. Le pays s'est progressivement de nouveau divisé en deux camps. Le mouvement est allé en s'accentuant au fil des semaines, les otages ne rentrant toujours pas à la maison et la question de la responsabilité du drame du 7 octobre prenant une place croissante dans le débat public. L'un des tournants a été l'assassinat de sang-froid de six des otages par les terroristes du Hamas fin août. Plusieurs manifestations ont été organisées pour réclamer un accord « à tout prix », réunissant des dizaines de milliers de personnes dans tout le pays, des chiffres que l'on n'avait plus vus depuis le 7 octobre. Un an après le pire pogrom antisémite depuis la Shoah, la société israélienne est fracturée. n

Guitel Ben-Ishay

Des familles de personnes kidnappées par le Hamas protestent à Tel Aviv le 13 septembre 2024. Ils demandent un accord immédiat pour la libération des otages et la démission du gouvernement. © Flash90

Un peuple de « superhéros »

« Tout le monde a l'air normal mais nous sommes un peuple de superhéros. Ce n'est pas un univers parallèle ou un film de Marvel, c'est notre histoire, celle du peuple d'Israël. » Ces mots, tirés d'une chanson écrite par Assaf Perry et Omri Glickman (groupe Hatikva 6), décrivent parfaitement les réservistes qui illustrent l’union sacrée dont est capable le peuple d’Israël quand il est en danger. Employés dans la high-tech, étudiants, enseignants,

lll Lui était en Inde quand il a entendu que la guerre avait éclaté en Israël : « Je me suis dit : il n'est pas question que je reste ici », et il est monté dans le premier avion. Comme lui, des centaines de jeunes Israéliens ont déplacé des montagnes pour rentrer se battre et répondre à l'appel du drapeau.

Le sergent-chef (rés.) Guilad Avineri est jeune marié : « Nous nous sommes mariés le 21 septembre. La guerre a éclaté alors que nous étions en voyage de noces. » Il se souvient : « Nous étions à l'hôtel en train de prendre le petit-déjeuner. Shlomi [l'officier de son unité de réserve – ndlr] m'appelle, il avait des sanglots dans la voix. Il me dit : “Guilad, c'est la guerre ! Viens tout de suite !” Mon épouse, bien sûr, était inquiète. Il y a eu quelques larmes. Mais cela ne faisait aucun doute, ni pour moi ni pour elle. Les guerres ne tombent jamais au bon moment. »

Le prix à payer

Ces réservistes, hommes et femmes, paient le prix de leur dévouement. Certains ne sont pas revenus de la guerre, d'autres sont blessés, tous subissent les conséquences économiques de leur absence pendant des mois. « Mon patron me demande quand je reviens », raconte Arié Linsker, réserviste sur le front sud, « je ne sais pas quoi lui dire ». Une situation délicate. Certains sont menacés de licenciement, voire ont déjà été renvoyés, les employeurs arguant du fait qu'ils ne peuvent pas continuer à faire vivre leurs entreprises sans main-d'œuvre. Pour remédier à cette situation, les ministères des Finances et du Travail ont signé une convention collective avec la Histadrout et le président du secteur des entreprises qui protège les réservistes contre le licenciement et offre un soutien financier aux employeurs. En outre, les conditions sociales des réservistes et de leurs conjoints ont été

améliorées et des bourses leur sont régulièrement versées, en plus de leur salaire qui est assuré par l'État. Mais pour les réservistes qui exercent une profession indépendante, la réalité est difficile, à l'image de celle de Haïm Singman, entrepreneur : « Mes revenus ont plongé. Je ne travaille plus. » Malgré les aides promises par l'État aux indépendants, ces derniers ont du mal à les percevoir, souvent en raison de lourdeurs bureaucratiques. Assaf Mor, thérapeute en médecine chinoise, témoigne de son quotidien de combattant réserviste : « Je termine une mission à 4-5h du matin. À 7h, j'ouvre mon ordinateur, je parle avec mon comptable, avec les banques, les autorités fiscales, pour tenter de sauver mon affaire. »

Des mesures sont encore à prendre pour soutenir sur le plan économique ces « superhéros » du quotidien israélien ; car sans eux, c'est l'effort de guerre qui risque de s'effondrer. n

Guitel Ben-Ishay

Les femmes combattantes ont abandonné enfants et mari (qui parfois est lui aussi à la guerre) pour protéger leur pays.

Guérir

Depuis le 7 octobre, le nombre de soldats blessés en Israël augmente quotidiennement. Face à cette situation, de nombreux centres de rééducation à travers le pays se mobilisent pour la réhabilitation des soldats. Ces centres, dont certains existent depuis plus de cinquante ans et d'autres ont été créés récemment, offrent des soins spécialisés et adaptés.

Au début de la guerre, les soldats originaires du nord du pays étaient contraints de suivre leur rééducation dans le centre du pays. Avec un investissement de plus de 2,5 millions de shekels, un centre de rééducation dédié aux soldats a été rénové à Haïfa à l’Hôpital espagnol qui est l’un des plus grands hôpitaux gériatriques d'Israël, possédant toutes les compétences nécessaires pour rééduquer les soldats, après des décennies de travail avec une population âgée.

Le Centre de réadaptation de l’hôpital Hadassah mont Scopus est le premier service de réadaptation fondé en Israël, dès 1940. Le centre dispose d’équipements de rééducation modernes et innovants. Il est affilié à la Faculté de médecine de l'Université Hébraïque et enseigne la médecine de réadaptation aux étudiants en médecine de cinquième année. Un nouveau centre a été inauguré en janvier 2024 afin d'offrir le meilleur traitement aux soldats originaires de Jérusalem et de ses environs : chambres spacieuses, jardins de guérison,

L'auteur-compositeur-interprète et soldat de réserve

Idan Amedi, grièvement blessé dans la bande de Gaza, donne une conférence de presse à sa sortie du centre médical Sheba le 25 janvier 2024. © Flash90

espaces dédiés aux rencontres avec les familles. Ce centre dispose de services spécialisés : un service de rééducation neurologique, un service de rééducation orthopédique et post-traumatismes médullaires. Le centre médical de réadaptation Loewenstein est le plus grand centre de réadaptation d’Israël. Il est mondialement reconnu pour son expérience de plus de cinquante ans. Le premier service a été inauguré en 1973 pour réhabiliter les soldats blessés pendant la guerre de Kippour. C'est à cette époque qu'a été ouvert le Département de rééducation des blessés cérébraux, qui traite en particulier les traumatismes crâniens causés par des activités militaires et des accidents de la route. En octobre 2013, une nouvelle aile, la Tour Hôpital Hellenberg, a été inaugurée et elle est considérée comme l’un des meilleurs services de rééducation au monde.

À Ichilov, le centre de réadaptation spécialisé pour les jeunes patients a été mobilisé en doublant ses capacités, compte tenu des besoins importants des blessés de guerre. Le programme « Bichvilem Plus » est une initiative conjointe de Ichilov et de la Loterie nationale, en collaboration avec Cisco, la Fondation Rashi, Shavim et Bezeq, pour aider les victimes de la guerre déclenchée après le 7 octobre à se réinsérer dans la société en les aidant à acquérir des compétences et un emploi parallèlement à leur rééducation. Lors d’un événement organisé le 24 mai 2024, plus de 100 blessés – soldats et civils – ont été inscrits à des formations. Le Centre de réadaptation de Tsahal, situé à Yaffo, est spécialisé dans le soin des traumatismes crâniens des soldats. Il a été créé en 1973 dans le cadre d'un projet de recherche conjoint de la Division de réadaptation du ministère de la Défense et du Département de psychologie de l'Université Bar-Ilan. Son principal objectif est une amélioration des conditions et de la qualité de vie du blessé et de sa famille. Ce centre favorise le développement personnel selon les capacités de chacun. Le concept de réadaptation se base sur l'hypothèse selon laquelle un environnement dynamique et stimulant crée des opportunités pour chacun. Ce centre de jour aide les soldats ayant subi un traumatisme crânien, selon un protocole personnalisé qui varie selon les besoins.

À l’Hôpital Reuth de Tel Aviv, chaque soldat bénéficie d’un programme de soins adapté à ses besoins fonctionnels et émotionnels, qui inclut le soutien et l’accompagnement des membres de sa famille. L'hôpital de jour de rééducation permet de conserver au maximum une autonomie de vie parallèlement à

des soins intensifs plusieurs jours par semaine. L'unité soigne les blessés souffrant de lésions de la moelle épinière, de traumatismes crâniens légers et modérés, de problèmes orthopédiques complexes, de lésions du système nerveux central ou périphérique, ainsi que des soldats souffrant de douleurs aiguës et chroniques, y compris de syndromes douloureux complexes. En plus des soins conventionnels, cet hôpital renferme un centre pour la santé sexuelle qui a une expertise dans la réadaptation sexuelle, en particulier pour les soldats souffrant d’un trouble de stress post-traumatique aussi bien physique qu’émotionnel, conjugal et social. En outre, la clinique de cannabis médical fournit un service de gestion de la douleur selon les critères du ministère de la Santé.

Le Centre médical Sheba accompagne les soldats blessés depuis des décennies, et il a traité des dizaines de milliers de victimes d’attentats et de guerres. Le chemin vers la réadaptation physique et mentale est long, et le centre se mobilise pour aider les soldats à revenir le plus rapidement possible à une vie normale, en particulier par un travail sur la communication et un accompagnement spirituel en plus de l’accompagnement physique.

blessures physiques, mais aussi sur l'accompagnement émotionnel des soldats et de leurs familles. Ils intègrent des activités sportives et sociales pour favoriser l'autonomie et prévenir l'isolement. Dans ces centres, des soldats de plusieurs générations échangent sur leurs expériences pour s’aider à régler les problèmes du quotidien.

Pour les familles francophones, Santé Israël centralise sur son site web les initiatives d'aide émotionnelle disponibles, qu'elles soient institutionnelles ou associatives, afin de faciliter l'accès aux ressources nécessaires durant cette période difficile.

Le ministère de la Défense
s’emploie depuis le début de la

guerre à développer ses services à destination des blessés de guerre.

Beit HaLochem : le premier centre Beit HaLochem a été créé à Tel Aviv en 1974. Il dessert environ la moitié de la population handicapée de Tsahal vivant dans le centre du pays. En 1985, le deuxième Beit HaLochem a ouvert ses portes à Haïfa, fournissant des services à la population handicapée vivant à Haïfa et dans le Nord. En 1994, Beit HaLochem a ouvert à Jérusalem pour les patients de Jérusalem et de sa région. Enfin, un quatrième centre existe à Beer-Sheva. Dès leur sortie des hôpitaux, les soldats mutilés sont orientés vers un Beit HaLochem pour poursuivre le processus de réadaptation. Ces établissements, qui ont pour principe de ne pas être assimilés à des institutions médicales, proposent des programmes de soins complets incluant la rééducation physique, le soutien psychologique, et l'aide à la réinsertion sociale et professionnelle. L'accent est mis non seulement sur le traitement des

Le Département de rééducation du ministère de la Défense a annoncé que depuis le début de la guerre Glaives de Fer le 7 octobre, 10 056 blessés avaient été enregistrés dans son service. Chaque mois, près de 1000 blessés supplémentaires viennent s’ajouter à ce chiffre. 35 % des 10 056 blessés se plaignent de traumatismes psychologiques tels que des angoisses, de la dépression, un post-traumatisme, des difficultés de réadaptation et de communication. 37 % souffrent de blessures aux membres inférieurs et supérieurs. Parmi les autres blessures souvent constatées : les blessures à la tête, aux yeux, à la colonne vertébrale… 68 % des blessés sont des réservistes, 51 % ont entre 18 et 30 ans, et 31 % ont entre 30 et 40 ans.

Le ministère de la Défense s’emploie depuis le début de la guerre à développer ses services à destination des blessés de guerre. Il a considérablement augmenté ses capacités pour pouvoir accueillir et traiter les plus de 10 000 nouveaux blessés, et travaille à améliorer encore les réponses qu’il leur fournit sur les plans physique et psychologique, notamment dans les fermes de rééducation sous sa propriété.

Selon l'avocat Idan Kliman, président de l'Organisation des handicapés de Tsahal, « d’ici la fin 2025, nous franchirons le cap des 100 000 blessés. » n

Sarah Sznabel

Sites Internet

des centres de rééducation

(Scannez le QR code pour accéder au site)

Hôpital espagnol

Hôpital Hadassah mont Scopus

Centre médical Loewenstein

Bichvilem

Hôpital Reuth

Ces people qui ont le courage de soutenir Israël

L'acteur américain Michael Douglas a été reçu à Jérusalem par le président de l'État d'Israël Itzhak Herzog et son épouse Michal le 2 juin 2024. © Flash 90

travers de ses créations et en apprenant l’hébreu. Elle a publié un manga sur Noa Argamani, otage israélienne à Gaza libérée en juin dernier. Parfois, le choix de ne rien dire est lourd à assumer. Taylor Swift fait l’objet de virulentes critiques pour son silence éloquent sur l’opération militaire à Gaza. Pour contrer les tentatives de boycott à l’Eurovision 2024, plus de 400 stars avaient demandé l’inclusion d’Israël, parmi lesquelles le chanteur britannique Boy George (qui, le 8 octobre, avait posté sur X : « Quand vous blessez des femmes et des enfants, votre cause est perdue. Je soutiens Israël »), l’actrice Helen Mirren ou le producteur Scooter Braun. Ils avaient déclaré : « L'industrie du divertissement rejette la diffamation d'Israël sur la scène musicale mondiale. Après le massacre de milliers d'Israéliens innocents, dont plus de 360 lors d'un festival de musique célébrant la vie, il est honteux de voir certains réagir de cette

manière. » Indigné par le pogrom du 7 octobre et la vague d’antisémitisme, Michael Rapaport, acteur, humoriste et réalisateur américain, défenseur des otages, d’Israël et de la communauté juive, se produira pour la première fois au Théâtre de Jérusalem et au Beit Ha'Hayal à Tel Aviv en octobre 2024. Enfin, mentions spéciales à Sofia Aram pour son discours à la Nuit des Césars, et à l’acteur français

Philippe Torreton pour sa tribune sur LinkedIn intitulée « Je suis juif » : « Le 7 octobre dernier, des terroristes ont atrocement massacré des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants pour l’unique raison qu’ils étaient juifs. Mais je vois un petit pays se dresser seul contre la barbarie islamiste. » n

Esther Amar

La CCFP (Creative Community for Peace), dont le président est David Renzer et le directeur exécutif Ari Ingel, est une organisation apolitique à but non lucratif qui combat l’antisémitisme et le boycott d’Israël dans les arts et les sports, et qui met en garde contre la propagande du Hamas. Au lendemain de l’attaque du 7 octobre, la CCFP a publié une lettre ouverte pour exprimer sa solidarité avec Israël et condamner le Hamas, signée par plus de 700 personnalités de Hollywood. En mai 2024, la CCFP a organisé un sommet contre l’antisémitisme et a accueilli, entre autres, Douglas Hemoff, l’époux de Kamala Harris, future candidate aux élections présidentielles américaines, pour inciter à entreprendre des actions collectives visant à défendre le peuple juif. En août 2024, la CCFP a lancé une pétition pour que les Emmy Awards retirent son prix à la « journaliste » palestinienne Bisan Atef Owda, membre du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), organisation désignée comme terroriste par les États-Unis.

La culture en temps de guerre, vecteur de résilience

Le pays s’est largement appuyé sur ses artistes pour communier, adoucir une réalité effrayante et amorcer une guérison commune. Tour d’horizon.

La rencontre s’est tenue le 19 juin dans le cadre d’une conférence sur l’avenir d’Israël organisée par l’Université de Tel Aviv, point d’orgue d’une année académique aussi brève que dramatique. Pour débattre de ce vaste sujet, des dizaines de décideurs, d’experts en sécurité, de professionnels des médias, de chefs d'entreprise et de chercheurs ont été conviés – sans oublier des personnalités telles que le cinéaste Avi Nesher, le musicien et interprète Idan Raichel ou la directrice du Théâtre Beit Lessin, Tzipi Pines, qui ont parlé de l'importance particulière que la culture et la création revêtent en temps de guerre.

« Tout comme l'économie est nécessaire à notre société, la culture fait partie de son éthos et vous rappelle ce pour quoi vous vous battez », a déclaré Avi Nesher dont l’avant-dernier film, L’image de la victoire, revisite la guerre d’Indépendance.

Pendant ces interminables mois de conflit, le rôle de la culture est-il de remonter le moral ou de critiquer ? Dans quelle mesure est-il possible de créer de l’art pendant une période de guerre prolongée ? Deux questions passionnantes parmi tant

d’autres qui ont été soulevées. Dans la foulée du 7 octobre, les événements culturels ont peu à peu repris, toujours accompagnés d’une minute de silence ou d’un message diffusé en voix off : « Lo mitraglim » – « on ne s’habitue pas » – au sort des otages à Gaza, à la douleur des Israéliens endeuillées, à l’angoisse des parents de soldats, à la tragédie

vécue par une nation entière. Mais en coulisses, les artistes n’ont pas failli à leur mission.

De manière bénévole, les musiciens interprètes ont accouru dans les hôpitaux pour réconforter les blessés, se sont produits dans les hôtels d’évacués des massacres comme dans les bases militaires, ont participé à des cérémonies

funéraires, ont composé ou interprété des chansons à la demande des soldats ou des familles de captifs. Dans son roman Place des otages (paru en septembre aux éditions du Cerf), la journaliste Valérie Abécassis qui, au lendemain du 7 octobre, est passée du rôle de responsable du magazine Culture de i24News à celui de correspondante de guerre, raconte finement cette mobilisation. En reportage au kibboutz Shefayim qui accueille les survivants de Kfar Aza, l’un des villages frontaliers de la bande de Gaza les plus touchés lors des massacres du 7 octobre, elle y croise « des acteurs, des starlettes, des “people” de Tel Aviv, venus rendre visite à des gens dont la vie a été pulvérisée ». Ce soir-là, une projection spéciale du film Running on the Sand, d’Adar Shafran, est organisée pour les personnes

déplacées avec un généreux cocktail, un geste du célèbre producteur de cinéma Moshe Edry. D’évidence, la scène artistique s’est rapidement mobilisée pour sensibiliser l’opinion et canaliser les émotions face au drame des otages. Le 6 novembre, à Tel Aviv, l’installation Empty Beds, de l'artiste israélien Eran Webber (voir photo), s’est dressée sur la place Habima, du nom du grand théâtre qui fait l’angle. Au pied de 241 lits d’enfants vides représentant les kidnappés détenus à Gaza par le Hamas depuis le 7 octobre, une centaine d’acteurs et de chanteurs se sont tenus à la tombée de la nuit, « à l’heure des histoires », pour lire un texte aux personnes enlevées. Des célébrités telle que Miri Mesika, Hana Laszlo ou Rona-Lee Shimon y ont mêlé leurs voix, leurs cris et leurs larmes. Puis la saison des festivals est arrivée et les contenus se sont adaptés aux circonstances si particulières. Au printemps, Docaviv, le grand rendez-vous du documentaire qui se tient à la Cinémathèque de Tel Aviv, a présenté le projet mémoriel Edut 710 dédié aux événements du 7 octobre. Lors de Docu.Text, organisé en août à la Bibliothèque Nationale d’Israël, le public a pu communier autour du documentaire de Yariv Mozer, We Will Dance Again, que son réalisateur est venu présenter avec des rescapés du festival Nova. Cet été, Jérusalem a accueilli le vénérable festival de poésie de Metoula qui, pour d’évidentes raisons sécuritaires, ne pouvait se tenir cette année dans la localité frontalière, sous le feu du Hezbollah libanais. « C'est aussi le moment de partager le pouvoir et la force », a déclaré le poète et rabbin Elhanan Nir, comparant

Sans vent » (Sdérot) : une installation sonore de Yaniv Shenzer, qui a pris les restes de missiles et les a transformés en instruments de musique © Yair Meyouhas

la période actuelle en Israël à une course de relais dans laquelle les Israéliens doivent partager leur espoir et leur énergie, « un peu comme des cartes à collectionner pour enfants ». Décalé au mois de septembre, le Festival d’Israël, la grande manifestation culturelle de Jérusalem, a lui aussi bouleversé sa programmation pour mettre à l’affiche des créations portées par des réalisateurs et des artistes de la bordure de la bande de Gaza ou des villages du Nord, avec une série de représentations prévues dans le Néguev occidental, à Sdérot, Ofakim, comme au sein du kibboutz Dorot. La résilience se trouvait encore au cœur d’une exposition présentée voilà peu au Musée des antiquités de Jaffa, dont l’affiche a placé à l’honneur le monument du Gardien bandé d’Ariane Littman, une artiste qui utilise des bandes stériles dans son travail. Son titre, Seule la sagesse du cœur réparera, constitue à lui seul tout un programme. n

Nathalie Hamou

«

Quand le tourisme devient militant

Chmouel Bokobza, guide touristique, fait le point sur les implications de la guerre pour le secteur touristique.

AJ MAG : Depuis le 7 octobre, le secteur touristique a été lourdement touché…

Chmouel Bokobza : Depuis le 7 octobre, notre peuple traverse une situation sans précédent. Bien que le secteur du tourisme en Israël soit habitué à des fluctuations liées aux questions de sécurité, il n’a jamais vécu une crise aussi prolongée auparavant. Le secteur touristique, qui s'apprêtait à connaître une année exceptionnelle, a vu son activité chuter brutalement. Avant le déclenchement des hostilités, nous espérions accueillir près de 3,9 millions de touristes en 2023, un chiffre proche des records de 2019. Malheureusement, après le début de la guerre, le nombre de visiteurs a fortement diminué, avec seulement 180 000 touristes pour les mois d'octobre à décembre, alors qu’on en attendait environ 900 000. De nombreux vols ont été annulés et les touristes ont préféré reporter, voire annuler leurs voyages par mesure de précaution.

Pourtant, il semble qu’un tourisme militant s’est développé. En quoi consiste-t-il et quels sont les pays les plus présents dans ce tourisme militant ? Beaucoup de délégations composées de journalistes, de députés, de diplomates ou de simples touristes sont en effet venues constater par elles-mêmes l'ampleur de la tragédie du 7 octobre. Nous aurions préféré que ce type de tourisme n'existe pas mais il contribue néanmoins de manière significative à faire connaître la gravité des événements au monde entier ; grâce à ces visites, de

nombreux pays où l'information est parfois mal relayée ont ainsi pu être mieux informés. Voir la situation de leurs propres yeux a un impact majeur sur ces personnes qui, de retour chez elles, peuvent influencer leurs communautés et améliorer la compréhension de ce qui se passe réellement ici. De manière générale, on constate une baisse radicale du nombre de touristes de tous les pays ; mais certains, comme la France, continuent de se démarquer par un nombre de visiteurs relativement plus élevé que d'autres.

Les groupes de jeunes ont-ils également été présents ?

Chaque année, différents groupes de jeunes arrivent en Israël dans le cadre de programmes sionistes tels que Bac Bleu Blanc, Taglit et Massa, qui visent à renforcer la connexion des jeunes avec Israël et son patrimoine. Cette année, en raison de la situation exceptionnelle,

ces jeunes ont exprimé un désir encore plus fort de s'impliquer et d'aider. J'ai moi-même encadré par exemple un groupe du programme Bac Bleu Blanc composé d'élèves du lycée Lucien de Hirsch, dont le séjour a été axé sur le bénévolat dans l'agriculture. Beaucoup d'agriculteurs ont perdu leur main-d'œuvre thaïlandaise à la suite des événements du 7 octobre, et ces jeunes ont contribué à combler ce manque. De plus, nous avons mis l'accent sur la visite aux blessés de guerre dans les hôpitaux, permettant à ces jeunes de se sentir connectés à la réalité israélienne avant de retourner en France.

Qu’en est-il du tourisme intérieur ?

Nous observons une diversification des offres. Par exemple, les visites des différents chouks, comme celui de Ma'hané Yéhouda à Jérusalem, connaissent un

À gauche : visite guidée dans les (faux) tunnels de Gaza... construits sur la « place des otages » à Tel Aviv afin de sensibiliser le public à l'horreur vécue par les otages dont beaucoup sont enfermés dans les tunnels Ci-dessus : des touristes assistent à un mini-concert sur la « place des otages » à Tel Aviv.

Photos : © Flash90

regain d'intérêt, notamment en cette période des Seli'hot où de nombreux guides organisent des visites pour des écoles, des familles ou des groupes d'amis. Aujourd'hui, le tourisme en Israël tend à se concentrer davantage sur des expériences spirituelles, émotionnelles ou culinaires, reflétant les besoins et les intérêts actuels de la population.

Malgré la guerre, de nouveaux sites ont-ils été inaugurés ?

Peu avant le Jour de Jérusalem, le quartier des maisons des prêtres (le quartier hérodien) dans la Vieille Ville de Jérusalem a été rouvert au public après deux ans de travaux de développement et de rénovation. Ce site, qui comprend un quartier résidentiel datant de l'époque du Second Temple et s'étendant sur une superficie de 2600 m², abrite de somptueuses maisons, des mosaïques exceptionnelles, des rues pavées et de nombreux mikvés. Découvert pour la première fois lors de fouilles archéologiques après la libération de Jérusalem et de la Vieille Ville au moment de la guerre des Six Jours, le site a été étudié par des chercheurs de l'Université Hébraïque sous la direction du professeur Nahman Avigad. lll

lll Les archéologues estiment que ce quartier servait de résidence aux riches prêtres qui travaillaient au Temple et qu'il a été construit à l'époque d'Hérode.

Cette conclusion est fondée sur l'emplacement du quartier, à proximité du Temple, ainsi que sur l'abondance de mikvés et d'outils en pierre découverts lors des fouilles, qui témoignent du strict respect des lois de pureté observées dans les maisons des prêtres. La grande richesse des habitants ressort de la taille de leurs maisons, dont certaines atteignent 800 m², ainsi que des somptueuses décorations et mosaïques qui les ornent.

Cette réouverture illustre de manière extraordinaire la dualité de notre existence actuelle : d'un côté, une terrible guerre qui ravage notre présent, et de l'autre, la véracité palpable de notre passé millénaire en ces lieux, un passé qui continue de s'affirmer avec force et fierté.

Le Nord, qui était un fleuron touristique, se remettrat-il de cette année de guerre ?

Le nord d'Israël, avec ses paysages époustouflants, ses sources naturelles et ses sites historiques tels que Tel Dan, Gamla et bien d'autres, a toujours été une destination prisée par les touristes. La région du Golan, avec le mont Hermon, est également connue pour ses vues panoramiques à couper le souffle. Nous sommes fiers de cette région qui représente un véritable paradis sur terre. Bien que le Nord soit actuellement bombardé quotidiennement par le Hezbollah, nous restons confiants : des jours meilleurs viendront. Nous espérons pouvoir bientôt accueillir de nouveau en toute sécurité des visiteurs dans cette région pour leur faire découvrir ces joyaux naturels et historiques dans des conditions plus sereines.

Malgré les Houtis, Eilat est-elle restée une destination privilégiée ?

Oui, malgré les menaces des Houtis, Eilat a réussi à maintenir son statut de destination privilégiée. Sa position géographique éloignée des zones de conflit direct a permis à la ville de continuer à accueillir des touristes, bien que le nombre de visiteurs ait diminué par rapport aux années précédentes.

Le secteur du tourisme a-t-il été aidé par l’État ?

En plus des contrats accordés aux chaînes hôtelières pour héberger les personnes évacuées des zones de conflit, l'État a également mis en place un mécanisme de dédommagement pour les guides

Une idée originale

Un code-barres au dos de la carte d’entrée à la frontière a été mis en place, dont la numérisation mène à une page d'accueil avec des recommandations en temps réel et un chat avec des représentants du ministère, pour aider les touristes à s’orienter et à se rendre sur des sites touristiques à travers le pays.

Le ministère du Tourisme a lancé un projet incitant les touristes à partager sur les réseaux sociaux les expériences positives enregistrées pendant leur séjour. Selon le ministre du Tourisme Haïm Katz : « De nos jours et même en temps normal, les touristes sont nos meilleurs ambassadeurs ! »

touristiques qui ont subi une baisse dramatique de leur activité. Ce mécanisme prévoit le versement d'une somme calculée en fonction des revenus qu'ils avaient générés à la même période l'année précédente. Bien entendu, cette compensation ne couvre pas entièrement les pertes réelles, car de nombreux guides avaient un planning bien rempli pour cette période avant que la situation ne se détériore. Cependant, ces aides offrent un soutien non négligeable, permettant aux professionnels du tourisme de traverser cette période difficile avec un minimum de sécurité financière.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Le secteur du tourisme en Israël est habitué à vivre au rythme des défis sécuritaires. Il est important de se rappeler que ce pays a attendu pendant 2000 ans d'être réhabilité par son peuple. Nos Sages, de mémoire bénie, nous enseignent que « la Terre d'Israël s'acquiert par les souffrances ». Nous sommes un peuple de croyants ; et nos ennemis, tout comme nous, savent que cette terre nous a été promise et que rien ne pourra ébranler cette promesse. Même si nous traversons actuellement l'une des périodes les plus difficiles depuis 1948, en tant que peuple qui sanctifie la vie nous sommes convaincus qu'un jour viendra où nous pourrons refaire cette interview au sommet des montagnes du Golan, avec une sécurité renforcée et une société encore plus solidaire. n

Propos recueillis par Yehouda Serezo

Les touristes viennent de tout Israël mais aussi de l'étranger pour se recueillir sur le site du massacre du festival Nova. © Flash90

Les ranson de la guerre

Chaque semaine, vous retrouvez ses caricatures dans Actualité Juive. Pour ce numéro hors-série, le dessinateur-humoriste Ranson fait partager aux lecteurs d'AJ MAG quelques pépites publiées pendant cette année de guerre.

Dans les coulisses du Shin Bet

Michael Kobi (ci-contre) est un ancien agent du Shin Bet et le principal enquêteur sur les unités du Hamas. En 1989, alors qu'il enquête sur l'enlèvement de deux soldats israéliens, une arrestation presque fortuite le conduit à démanteler un réseau de 520 terroristes du Hamas, parmi lesquels Ahmed Yassine et Yahya Sinwar qu’il interrogera longuement. AJ MAG a recueilli son témoignage édifiant.

AJ MAG : Comment êtes-vous parvenu à Ahmed Yassine et Yahya Sinwar ?

Michael Kobi : En 1989, je menais des enquêtes concernant l'enlèvement de deux soldats israéliens à Gaza : Avi Sasportas, za''l, et Ilan Saadon, za''l, enlevés en février et mai 1989. Durant la même période, j'ai arrêté trois personnes qui volaient des voitures en Israël pour les revendre à Gaza. Avec une Subaru qu'ils avaient volée au kibboutz Kissoufim, ils ont tenté de se rendre à Jabalia, À l'intérieur de la voiture, nous avons

trouvé des traces d'un des soldats ; plus tard, nous avons découvert qu'il avait été abattu par 22 balles dans cette voiture… Nous avons également trouvé un déguisement de religieux qu’ils avaient utilisé pour leurrer les soldats.

L’interrogatoire des voleurs arrêtés a mené à l’arrestation de 520 terroristes du Hamas dont Ahmed Yassine, leur leader, Yahya Sinwar et les commanditaires des enlèvements : Mohammed Nasser, cofondateur de la branche militaire du Hamas, et

Mahmoud al-Mabhouh, fondateur des brigades du Hamas Izz al-Din al-Qassam, éliminé en 2010 à Abou Dabi, par le Mossad présume-t-on – affaire connue sous le nom de « Dubaïgate ».

J'étais responsable des interrogatoires de Yassine, Sinwar et tout le quartier général du Hamas. Le Hamas est l’organisation la plus cruelle du monde, donc ce n'était pas un interrogatoire facile. On serait tenté de les comparer à des bêtes mais c’est trop flatteur, ils sont moins que des animaux. J'ai d'abord commencé à interroger Ahmed Yassine.

Quel portrait dresseriez-vous d’Ahmed Yassine ?

Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas, était très intelligent. Il savait tout sur les Israéliens, il avait lu beaucoup de livres sur les dirigeants d'Israël, il maîtrisait bien l'histoire de notre pays et il connaissait parfaitement le Coran. Il donnait des leçons, convainquant ses « soldats » qu'ils devaient commencer le djihad sans plus attendre et leur disant entre autres que c’était une bénédiction de violer des femmes israéliennes. Selon son interprétation du Coran, tous les Juifs devaient être tués à la machette.

Comment êtes-vous parvenu à communiquer avec lui ? Pour pouvoir l'interroger, j'ai dû apprendre le Coran, ce qui n'a pas été facile – il y a 114 chapitres dans le Coran et le dialecte du Coran n'est pas le même que le dialecte arabe moderne. J'ai dit à Yassine : « Si tu ne veux pas me parler de l'enquête, veux-tu parler de l'islam et du Coran ? » Mais j’ai posé une condition : je lui ai dit que nous allions faire une compétition, lui contre moi. Je lui poserais des questions sur l'islam : s'il connaissait la réponse, j'obtiendrais un point négatif, s'il ne savait pas, il aurait trois points négatifs. Le premier à obtenir dix points négatifs perdrait. S'il perdait, il devrait répondre à une question de mon enquête. Il a accepté. La première question que j'ai posée était de me donner un chapitre du Coran sans la lettre M. Il a été surpris par ma question ; il a donné une mauvaise réponse. Ma deuxième question était : quel est le plus court chapitre du Coran ? Il a encore donné une mauvaise réponse… Ma troisième question était : quel est le plus long chapitre du Coran ? Bien sûr, il savait, mais ensuite je lui ai demandé combien de chapitres il y avait, et il ne savait pas… Alors, j'ai pu poser une question et il a accepté de répondre parce qu'il admirait ma connaissance du Coran. J'ai organisé ma question de manière à obtenir des réponses à d’autres questions.

Des milliers de Palestiniens se sont déplacés pour assister aux funérailles du cheikh Ahmed Yassine à Gaza le 22 mars 2004. Le leader spirituel du Hamas a fait l'objet d'une élimination ciblée par Israël. © FLASH90

Quelles informations avez-vous obtenues ? Qu’il était le chef du Hamas à Gaza, qu'il avait ordonné que le djihad commence, qu'il avait 25 officiers à Gaza et que l'un d'eux était Yahya Sinwar. Ils étaient très organisés mais ils n'avaient pas de missiles comme aujourd'hui. Ils avaient commencé à construire les tunnels, peut-être une centaine de kilomètres à l'époque, lll

lll bien moins que les presque 800 kilomètres que nous savons exister depuis le 7 octobre. Il m'a donné une vue d'ensemble du Hamas : combien de personnes ils avaient, ce qu'ils leur enseignaient lors de leurs réunions. Pour garder le secret, toutes les réunions militaires du Hamas se tenaient dans des mosquées et là-bas ils échangeaient également des armes. Il m'a parlé des meurtres de Yahya Sinwar et de son rôle dans l'éducation, donnant des couteaux en caoutchouc à des enfants de deux, trois ans encore à la maternelle et leur disant qu'il les entraînerait à « tuer des Juifs ». À cinq, six ans, ils s'entraînaient avec des fusils et des armes en bois, et ensuite, vers treize, quatorze ans, il leur apprenait « comment devenir un chahid ». Il leur promettait qu'ils rencontreraient 72 vierges au paradis… J'ai alors entrepris l'interrogatoire de Sinwar.

Qui est Yahya Sinwar ?

Sinwar est un fanatique islamiste radical. Il est connu pour ses méthodes de torture cruelles contre ses opposants. Au début de l'enquête, il m'a demandé de le tuer parce qu'il voulait être un chahid. Je lui ai dit que je n'allais pas lui donner une mort facile. Je l'ai emmené dans la pièce où se trouvait Ahmed Yassine, et celui-ci lui a dit de répondre à mes questions et de ne pas s'inquiéter, que dans un an ou deux ils seraient à nouveau libres parce qu'ils enlèveraient d'autres Israéliens pour les libérer…

Comment se sont passés les interrogatoires ?

La première fois que Sinwar est entré dans la salle d'interrogatoire, j'ai pensé qu'il avait des yeux de meurtrier. Il ne souriait jamais. Il détestait les Juifs et « les infidèles ». Il voulait que tout le monde devienne islamiste. Le plan du Hamas était de commencer par le Moyen-Orient, en tuant tous les Juifs en Israël ainsi que les infidèles. Sinwar savait comment convaincre les foules et enrichir le Hamas de nombreuses recrues. Il m'a dit tout ce que j'avais besoin de savoir. Il m'a aussi décrit comment il avait massacré douze Palestiniens à la machette parce qu'il les soupçonnait de travailler pour nous ; il les a tous décapités. Inutile de préciser qu'aucun d'entre eux ne travaillait pour nous… C'est ainsi qu'il a obtenu son surnom à Gaza : « le boucher de Khan Younès ». Nous avons fouillé sa maison à Khan Younès, nous y avons trouvé la machette qu'il utilisait, ainsi que Mein Kampf, le livre d'Hitler. La charte du Hamas est basée sur ce livre.

Combien de temps l'avez-vous interrogé ?

Je l'ai interrogé entre 180 et 200 heures, sur environ trois mois, car il avait beaucoup de détails sur le Hamas que nous voulions obtenir de lui à ce moment-là. En 1989, ils planifiaient déjà les attaques qu'ils ont menées le 7 octobre 2023. Sinwar est devenu un leader en prison et il a recruté beaucoup de monde dans nos cellules. C'est

aussi à l'intérieur de notre prison qu'il a commencé à établir des contacts avec le régime iranien. Il a conclu un accord avec l'Iran pour obtenir de l'argent et des armes via l'Égypte. Ils utilisaient des pays comme le Yémen, le Soudan et la Libye pour traverser le désert jusqu'en Égypte, puis jusqu'à Gaza. Israël avait déjà un accord de paix avec l'Égypte mais l'Égypte fermait les yeux, mentant au monde entier. Le Qatar leur donnait aussi d'énormes sommes d'argent.

Que sont devenu les 520 détenus arrêtés ?

La plupart ont été condamnés à la prison à vie, mais comme l’avait prédit Yassine, Israël en a libéré beaucoup lors de trois accords distincts qu'ils ont conclus avec le Hamas. Lors du troisième accord, en 2011, nous avons libéré 1027 prisonniers du Hamas, dont Sinwar, contre un soldat : Gilad Shalit, qui a été le premier soldat israélien capturé à être libéré vivant en 26 ans. Malheureusement, on estime que plus de la moitié des otages aujourd’hui n’auront pas cette chance…

Nous avions tout ce qu'il nous fallait pour pouvoir nous défendre le 7 octobre, malheureusement nous ne l'avons pas utilisé. Il y a eu des erreurs et nous avons payé pour ces erreurs. n

Page de gauche : terroristes du Hamas capturés et incarcérés en attente de leur interrogatoire par les services de sécurité Ci-contre : Ismaïl Haniyeh, leader politique du Hamas récemment éliminé par Israël, accueille Sinwar à Khan Younès lors de sa libération dans le cadre de l'accord Shalit le 21 octobre 2011. © Flash90

L’accord Gilad Shalit

À l’époque, trois membres du cabinet israélien ont voté contre l'accord Shalit : Avigdor Liberman, Moché Yaalon et Uzi Landau. Yaalon a soutenu que les prisonniers retourneraient au terrorisme et déstabiliseraient la sécurité dans la région. Landau a averti que l'accord serait une grande victoire pour le terrorisme et qu'il encouragerait davantage d'enlèvements d'Israéliens. On considère que les terroristes libérés de l'accord Shalit ont été collectivement responsables de la mort de 569 citoyens israéliens. Si l’on comptabilise ceux des deux accords précédents, ils sont responsables de plus de 800 morts. A.D.C

Photo : le 24 octobre 2011, feu le président Shimon Peres rendait visite à Gilad Shalit, emprisonné pendant plus de cinq ans dans les geôles du Hamas. © Flash 90

Liste partielle des terroristes libérés en échange de Gilad Shalit

l Husam Badran : actuellement porte-parole du Hamas au Qatar

l Walid Abd al-Aziz Abd al-Hadi Anajas (36 peines de réclusion à perpétuité) : a participé à l'attentat du café Moment (2002), à l'attentat de l'Université Hébraïque (2002) et à l'attentat de Rishon LeZion (2002).

l Nasir Sami Abd al-Razzaq Ali al-Nasser Yataima (29 peines de réclusion à perpétuité) : condamné pour avoir planifié le massacre de Pessa'h 2002 où 30 civils ont été tués et 140 blessés

l Maedh Waal Taleb Abu Sharakh (19 peines de réclusion à perpétuité), Majdi Muhammad Ahmed Amr (19 peines de réclusion à perpétuité) et Fadi Muhammad Ibrahim al-Jaaba (18 peines de réclusion à perpétuité) : responsables de l'attentat contre le bus n° 37 à Haïfa en 2002

l Ahlam Tamimi (16 peines de réclusion à perpétuité) : a aidé à l'exécution de l'attentat-suicide du restaurant Sbarro (2001).

l Abd al-Hadi Rafa Ghanim (16 peines de réclusion à

perpétuité) : seul survivant de l'attentat-suicide du bus 405 Tel Aviv-Jérusalem, où il a saisi le volant d'un bus de la ligne Egged n° 405 et l'a précipité dans un ravin. 16 civils ont été tués dans l'attentat

l Muhammad Waal Muhammad Douglas (15 peines de réclusion à perpétuité) : a participé à l'exécution de l'attentat-suicide du restaurant Sbarro à Jérusalem (2001).

l Muhammad Taher Mahmud al-Qaram (15 peines de réclusion à perpétuité) : directement impliqué dans la planification et l'exécution d'une attaque de bus à Haïfa, lors de laquelle 15 Israéliens ont été tués

l Ahmed Mustafa Saleh Hamed al-Najar (7 peines de réclusion à perpétuité) : a dirigé un groupe militant qui a tué 3 Israéliens dans des attaques à l'arme à feu.

l Yahya Sinwar (4 peines de réclusion à perpétuité) : a participé à l'enlèvement de deux soldats israéliens en 1989. Fondateur de l'appareil de sécurité du Hamas à Gaza. Son frère a organisé l'enlèvement de Gilad Shalit en 2006.

l Abd al-Aziz Muhammad Amar (4 peines de réclusion à perpétuité) : a participé à l'exécution de l'attentat du café Hillel (2003).

l Ibrahim Sulaim Mahmud Shammasina (3 peines de réclusion à perpétuité) : a participé à l'assassinat de Ronen Kramni, Lior Tuboul, le chauffeur de taxi Rafi Doron et le soldat Yehoshua Friedberg.

l Amir Sa'ud Salih Abu Sarhan (3 peines de réclusion à perpétuité) : a tué trois Israéliens avec un couteau en 1990.

l Mahmud Muhammad Ahmed Atwan (3 peines de réclusion à perpétuité), Musa Da'ud Muhammad Akari (3 peines de réclusion à perpétuité), et Majid Hassan Rajab Abu Qatish (3 peines de réclusion à perpétuité) : militants ayant tué le policier israélien Nissim Toledano en 1992

l Muhammad

Ofir Rahum en prétendant être une jeune touriste américaine, et l'a conduit dans une zone reculée près de Ramallah où trois hommes armés palestiniens l'ont abattu à bout portant.

l Muhammad Abdul-Rahman Muhammad Zakut (1 peine de réclusion à perpétuité) : ouvrier du bâtiment à Tel Aviv, il a poignardé trois Israéliens, en tuant deux, lors de la fête de Pourim le 21 mars 1989.

Yussuf Hassan al-Sharatha (3 peines de réclusion à perpétuité) : chef du groupe militant qui a enlevé et tué les soldats israéliens Ilan Saadon et Avi Sasportas pendant la première Intifada

l Abd al-Aziz Yussuf Mustafa Salehi (1 peine de réclusion à perpétuité) : a participé au lynchage de Ramallah en 2000, où il a été photographié exhibant ses mains tachées de sang après avoir battu à mort un soldat israélien.

l Bassam Ibrahim Abd al-Qader Abu Asneina (1 peine de réclusion à perpétuité) et Riyadh Zakariya Khalil Asayla (1 peine de réclusion à perpétuité) : ont tué l'étudiant de yechiva Haïm Kerman.

l Fahed Sabri Barhan al-Shaludi (1 peine de réclusion à perpétuité) : a participé à l'enlèvement et au meurtre du soldat israélien Yaron Chen.

l Fuad Muhammad Abdulhadi Amrin (1 peine de réclusion à perpétuité) : a tué l'écolière israélienne de 15 ans Helena Rapp en 1992.

l Jihad Muhammad Shaker Yaghmur (1 peine de réclusion à perpétuité) : a participé à l'assassinat de Nachshon Wachsman.

l Mona Jaud Awana (1 peine de réclusion à perpétuité) : a attiré sur Internet l'étudiant israélien de 16 ans

l Tarek Ahmed Abd al-Karim Hasayin (1 peine de réclusion à perpétuité) : a effectué une attaque à l'arme à feu sur l'autoroute 6 en juin 2003, où la fillette de 7 ans Noam Leibowitz a été tuée.

l Yussuf Dhib Hamed Abu Aadi (1 peine de réclusion à perpétuité) : condamné pour avoir poignardé le soldat israélien Nir Kahana en 2005

l Sh'hadeh

Muhammad Hussein Sana'a (1 peine de réclusion à perpétuité) : a participé à l'attentat de la rue King George en guidant le kamikaze vers sa destination.

l Abdallah Nasser Mahmud Arar (1 peine de réclusion à perpétuité) : membre de la cellule du Hamas responsable de l'enlèvement et du meurtre de l'homme d'affaires israélien Sasson Nuriel en 2005

l Ahmed Jibril Othman al-Takruri (1 peine de réclusion à perpétuité) : a effectué une attaque au cocktail Molotov sur un bus à Jéricho, où une mère et ses trois enfants ainsi qu'un soldat qui a tenté de les secourir ont été tués.

l Alaa al-Din Radha al-Bazyan (1 peine de réclusion à perpétuité) : condamné pour avoir perpétré des attaques de tireurs embusqués et pour appartenance à un groupe terroriste

l Ali Muhammad Ali al-Qadhi (1 peine de réclusion à perpétuité) : membre d'une cellule du Hamas responsable de l'enlèvement et du meurtre de l'homme d'affaires israélien Sasson Nuriel en 2005

l Bushra al-Tawil (16 mois) : photojournaliste palestinienne. Elle a été réincarcérée en 2014 et a dû purger le reste de sa peine. A.D.C

Source : Wikipedia

La solitude du chef

La solitude du chef est souvent inévitable, quelle que soit la solidité apparente de son pouvoir ou le soutien dont il bénéficie. Entouré de conseillers, de ministres et d'institutions dont le rôle est de à l'aider dans ses décisions, il se retrouve finalement seul face à ses responsabilités. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou en fait l’expérience depuis le 7 octobre.

Il y a d'abord la solitude des grandes décisions. Même s'il consulte des experts, la responsabilité finale lui incombe. Chaque décision peut avoir des répercussions sur le pays. La pression psychologique est immense, surtout face à des enjeux complexes comme celui de la sécurité nationale. Puis la solitude face aux crises, notamment en temps de guerre, où le chef se sent isolé, même au cœur du pouvoir. Les critiques fusent de toutes parts : opposition, médias, public, et même du sein des alliés politiques. Le chef est vu comme le seul responsable de la gestion de la crise, même si celle-ci a pu ou peut échapper à son contrôle. Cette solitude est particulièrement marquante lorsque les décisions prises entraînent des pertes humaines. Le fardeau moral est alors immense, et il doit souvent le porter seul, derrière les portes de son bureau ou de sa chambre. Il y a aussi la solitude sur la scène internationale : les relations diplomatiques sont impitoyables et le chef sait qu'il ne peut compter que sur lui-même pour défendre les intérêts de son pays. Enfin, la solitude personnelle, liée au statut même de chef.

Être à la tête d'un pays signifie une exposition constante aux critiques, aux médias et aux attentes des citoyens, en raison des enjeux uniques auxquels le Premier ministre fait face. Un véritable exercice de funambule.

« Je ne peux pas vous raconter ce qu’il se passe dans les coulisses. Je suis seul face au monde, face au président américain », a déclaré Benyamin

Netanyahou au rav Elhanan Danino, père en deuil d’Ori enlevé le 7 octobre 2023 et exécuté avec cinq autres otages par le Hamas. Ce n’est pas la première fois que le Premier ministre, qui fêtera ses 75 ans ce 21 octobre, fait état de la solitude qui l’étreint depuis le début de la guerre contre le Hamas. Un « seul contre tous » qui fait bien entendu écho

au destin du peuple d’Israël durement éprouvé depuis un an.

Oui, mais Bibi est le chef et il doit à ce titre endosser la responsabilité.

De coûteuses campagnes de communication mises en œuvre par ses opposants n’ont d’ailleurs cessé de le lui rappeler : « Ata haRoch, ata hachem » – « Tu es à la tête, tu es coupable. »

Coupable de ne pas ramener les otages, de ne pas permettre le retour des déplacés, de distribuer de l’aide humanitaire, ou pas suffisamment, de poursuivre les combats à Gaza, ou pas assez fort, de vouloir conserver l’axe de Philadelphie et de ne pas l’avoir contrôlé plus tôt…

Sur la scène internationale, les critiques contre Netanyahou se multiplient. Comme beaucoup de dirigeants ayant dû régir des crises nationales, de Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale à George W. Bush après le 11 septembre, Netanyahou fait face à un sentiment croissant de responsabilité personnelle. Cette solitude, intrinsèque au rôle de chef, le pousse à des décisions complexes, sans doute parfois contradictoires avec ses propres convictions. Sans compter qu’un mandat d'arrêt à la demande du procureur de la Cour Pénale Internationale pourrait être émis contre lui, ce qui l’isolerait encore davantage sur la scène internationale.

L’avenir de Netanyahou semble incertain. Entre les accusations de corruption qui continuent de le poursuivre, la guerre contre le Hamas et l’incertitude sur le front nord qui met son leadership à rude épreuve, son mandat pourrait se terminer sur une note amère. Cependant, il n'est pas impossible qu'il sorte renforcé de cette période, en se présentant comme un chef ayant su gérer l'une des plus graves crises sécuritaires qu’ait connues le pays. n

Quatre exploits d'Israël parmi tant d'autres...

Opération Arnon

Le 8 juin, le feu vert est donné pour une opération particulièrement audacieuse à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, qui a permis la libération de quatre otages en vie : Noa Argamani (25 ans), Almog Meïr (21 ans), Shlomi Ziv (40 ans) et Andrey Kozlov (27 ans). Ils se trouvaient dans un environnement civil, dans deux bâtiments différents de trois-quatre étages, auprès de familles gazaouies payées par le Hamas. Les forces israéliennes ont donné l’assaut sur les deux cibles simultanément. Cette opération a été baptisée « Opération Arnon », en hommage à l'officier Arnon Zamora, za''l, qui a perdu la vie en sauvant les otages.

Deux des plus importantes figures du Hamas éliminées par Israël : Ismaël Haniyeh (à gauche) et Mohamed Deïf ©DR

Élimination de Mohamed Deïf

Le 13 juillet, Tsahal attaque le lieu où est retranché l'architerroriste et numéro 2 du Hamas, Mohamed Deïf. L’attaque a été réalisée au moyen de cinq bombes d’une tonne chacune, qui ont enseveli le complexe entier sous terre. Deïf avait échappé à sept tentatives d’élimination ciblée de la part d’Israël avant cette opération réussie. La confirmation de sa mort n'a été donnée par Tsahal que le 1er août. Le Hamas, de son côté, ne l'a jamais reconnue.

Élimination d'Ismaël Haniyeh

Le numéro 1 du Hamas pensait être à l'abri à Téhéran dans un appartement appartenant aux Gardiens de la Révolution. Lorsqu'il rentre se coucher après avoir assisté à la prestation de serment du nouveau président iranien, il ne sait pas que des agents secrets israéliens l'observent et qu'ils vont déclencher une bombe dans sa chambre, qui lui sera fatale.

La double attaque des beepers et des talkies-walkies du Hezbollah

Une véritable prouesse technologique et des services du renseignement : les 17 et 18 septembre, les beepers et les talkies-walkies des membres du Hezbollah explosent simultanément dans tout le Liban. Des milliers de personnes sont blessées, des dizaines tuées, et le réseau de communication du Hezbollah sérieusement mis à mal. Israël n'a pas revendiqué cette attaque mais les regards – et l'admiration, peut-on dire – du monde entier se sont immédiatement tournés vers le Mossad. n

Explosion d'un beeper porté par un membre du Hezbollah dans un magasin de fruits et légumes à Beyrouth

Guitel Ben-Ishay

Vers la victoire au Nord

Avec l’« opération beepers », suivie le 27 septembre par l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, Israël semble avoir mis fin à la guerre d’usure menée par le Hezbollah depuis le 8 octobre.

Dès le 8 octobre 2023, le Hezbollah s'est joint « par solidarité » aux attaques du Hamas contre Israël, intensifiant ainsi la violence le long de la frontière nord. Les forces du Hezbollah ont multiplié les frappes à l'aide de missiles et de drones, causant d'importants dégâts et la quasidésertion du nord du pays. Depuis lors, la situation dans cette région a été marquée par l’intensification des attaques depuis le Sud-Liban. Craignant des incursions des forces Radwan, les présidents des conseils régionaux des villes frontalières ont commencé à évacuer leurs habitants avant même les ordres officiels du gouvernement, affectant plus de 68 500 personnes et 45 localités. Selon les chiffres officiels communiqués en août par le bureau du Premier ministre, les attaques du Hezbollah ont causé 44 morts et 271 blessés, des centaines de milliers d’acres brulées et des dégâts matériels se chiffrant à plusieurs milliards de shekels. À cette date, on avait en outre enregistré 7500 roquettes et 200 drones.

Pendant des mois, le gouvernement et l’armée ont privilégié les combats à Gaza, hésitant à ouvrir un second front. Le Hezbollah en a profité pour attaquer au quotidien les villes du Nord, entraînant des dégâts phénoménaux (maisons détruites, etc.). Plus de 2500 demandes d’indemnisation pour des dégâts matériels sur des bâtiments ont déjà

été déposées mais la majorité des habitants n’ayant pu encore se rendre sur place pour constater les dégâts, on estime ce chiffre bien en dessous du bilan définitif.

Dans cette guerre d’usure, l’armée israélienne a d’abord adopté une politique de défense mesurée et une stratégie militaire visant à réduire le risque d’escalade vers une guerre que personne ne souhaite, le Liban étant dans une situation économique catastrophique, et Israël extrêmement mobilisé par un déploiement massif de ses troupes à Gaza et sur le front intérieur en Judée-Samarie. Cependant, le Hezbollah a interprété cette retenue comme une faiblesse, et intensifié ses attaques. Le 27 juillet marque un tournant : un missile du Hezbollah tombe sur un terrain de football de Majdal Shams, entraînant la mort de 12 enfants de la communauté druze. Israël riposte par la planification et la mise à exécution d’attaques ciblées sur les installations militaires et les leaders du Hezbollah, dont le fameux Ismaël Haniyeh. Mi-septembre, une audacieuse attaque attribuée au Mossad permet d’atteindre plus de 4000 membres du Hezbollah par le biais de l’explosion de leur beepers et talkies-walkies via lesquels ils communiquaient entre eux, l’organisation terroriste jugeant l’utilisation des téléphones portables trop risquée. Le 27 septembre, Israël élimine Hassan Nasrallah, un ennemi vieux de trente ans, proxy de l’Iran, dans son

bunker de la Dahya, à Beyrouth, ainsi que d’autres responsables de l’organisation terroriste. Ces opérations, dont on parlera longtemps dans les manuels de l’histoire d’Israël, ont prouvé au monde que l’État hébreu reste un adversaire fort, doté d’une incomparable supériorité technologique. C’est une humiliation totale pour le Hezbollah mais c’est aussi et surtout un regain d’espoir et de confiance pour les Israéliens. Quelques jours avant, Israël avait éliminé Ibrahim Aqil, le chef des opérations du Hezbollah (pour rappel, Aqil, dont la tête était mise à prix 7 millions de dollars, était le principal responsable du bombardement, en 1983, de l’ambassade des USA à Beyrouth, qui a fait 63 morts), et une dizaine d’autres chefs de la branche militaire de l’organisation terroriste. Selon certains spécialistes, plus de 50 % des capacités militaires du Hezbollah auraient été détruites par les frappes intensives de l’armée israélienne. L’opération Seder 'Hadach (« Nouvel Ordre ») a reçu le soutien des USA. Elle devrait imposer un nouveau scénario au Moyen-Orient, dont nous ne pouvons prévoir les conséquences à l’heure où nous écrivons ces lignes. Une chose est sûre : en se débarrassant d’un de ses plus féroces ennemis, Israël a fait renaître l’espoir dans le cœur de milliers d’habitants du Nord de pouvoir enfin réintégrer leurs foyers prochainement. n

Lors de son dernier discours télévisé, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est adressé à Israël dans une menace à peine feinte : « Avant tout, nous espérons qu'ils entreront sur le territoire libanais. » Une manière de dire : « On vous attend... » © Flash90

L’esprit Gour Arié

Chabbat matin, 6h30. Tout le monde est réveillé par la première alerte. De nombreuses rumeurs courent tout au long de la journée. Les stations de bus se remplissent au fur et à mesure de soldats appelés au front, dans une grande incertitude. Dès que chabbat se termine, j’allume la télévision et là : le choc, l’horreur, l’incompréhension. Difficile à mettre en mots. Le cœur et la tête sont incapables de gérer ce qu’ils voient.

J’entre immédiatement sur les groupes WhatsApp des différentes promotions du programme Gour Arié, pour savoir où chacun se trouve… Dans certains groupes, les élèves ont déjà commencé à poster des messages pour dire comment ils vont, où ils sont… Certains ne répondent pas, au début ça va quand même, on se dit qu’ils doivent sûrement être sur le front, sans téléphone.

Un jour passe, puis deux… Des rumeurs commencent à se répandre, et la terrible nouvelle s’abat et nous écrase de son poids, ma plus grande crainte depuis la création de la mekhina : notre très cher élève Nathane Haï Lyard, za''l, est tombé au combat en sauvant le village de Kerem Shalom chabbat matin. Nathane, le premier participant de la mekhina, Nathane, la mascotte de sa promo, toujours avec un sourire accroché au visage, toujours prêt à aider, un ami de confiance, celui qui mettait l'ambiance dans son ma'hzor (sa promotion). Nathane qui, en toutes circonstances, sortait sa guitare, se mettait à jouer et à chanter, entraînant tout le monde avec lui… Nathane : un homme au chemin clair, qui avançait avec tout son cœur et en toute humilité.

Après quelques jours de douleur, j’ai réalisé qu'on ne pouvait pas rester chez soi à ne rien faire, qu’il fallait participer à la guerre, et si ce n’était aux combats euxmêmes, alors au renforcement de l'arrière. À cette fin, nous avons ouvert un groupe WhatsApp d’anciens de Gour Arié qui n'étaient ni soldats en service ni réservistes : « Forts sur le front intérieur », et nous avons commencé à identifier où l'aide était nécessaire. Tous ceux qui recevaient des informations et des demandes

les envoyaient sur le groupe, et ceux qui le pouvaient se chargeaient des tâches à accomplir. Nous nous sommes mis au travail.

J’ai appris, notamment par une des anciennes participantes qui est revenue de France directement dans sa base de réserve, que nous avions d’anciens élèves qui étaient sur le front et manquaient de matériel. Alors, afin de leur fournir du matériel et de leur remonter le moral, nous nous sommes organisés et sommes allés leur rendre visite dans leurs bases de Tsahal, dans le Sud comme dans le Nord. En venant renforcer ceux qui se trouvaient sur le front, nous en sommes ressortis plus forts. Nous avons vu des soldats déterminés, motivés et prêts au combat, animés par un engagement total envers le peuple d’Israël.

Quelques jours plus tard, avec quelques anciens élèves, nous avons pris le chemin du mochav Prigan où nous nous sommes portés volontaires pour aider les agriculteurs dans leurs champs. À la fin de la journée de travail, l’un des agriculteurs nous a fait faire un tour du village vide de ses habitants. Le 7 octobre, Prigan a été attaqué mais a réussi à être sauvé grâce à la kitat konenout [équipe de renfort] du mochav voisin Shlomit. Il y a eu là-bas de durs combats entre les terroristes et l’équipe de renfort, mais finalement les terroristes se sont enfuis et pas une personne du village n’a été blessée. Lorsque nous sommes arrivés sur le lieu des combats, nous avons vu une maison sens dessus dessous, à moitié effondrée, criblée de balles. Les plats de chabbat se trouvaient encore sur la table de la cuisine. Cela a été un choc. L’un des responsables du village nous a raconté que c’est à cet endroit qu’est tombé un de mes amis d’enfance, qui faisait partie de la kitat konenout de Shlomit : Ruben Chicheportiche, za''l, qui, le samedi matin, sans hésiter un instant, s’est directement porté volontaire pour venir en aide au mochav Prigan. Ruben était un être rare, courageux et juste.

Je sais qu’énormément d’anciens participants de Gour Arié se sont déplacés aux quatre coins du pays afin d’approvisionner en matériel ceux qui en avaient besoin : sacs de couchage, matériel militaire, vestes pareballes… Certains se sont portés volontaires des semaines entières pour venir en aide aux agriculteurs du Sud (voir

photos ci-dessus). Quelle émotion de les voir si engagés dans leur mission pour le Am Israël ! C’est une mise en application des principes mêmes que nous enseignons et que nous cherchons à transmettre à Gour Arié.

Dans cette période si éprouvante, nous sommes allés dans le Shomron pour le mariage d’un de nos participants, un réserviste qui s’est marié dans la base dans laquelle il sert. Cela a été un mariage hors du commun, avec énormément de soldats, et une cérémonie débordant de joie et d’émotion pour célébrer la construction d’un foyer juif en Israël. Malgré toute la douleur que nous portions en nous, nous avons pu sourire et nous réjouir de nouveau. Nous n’avons pas laissé le désespoir s’emparer de nous. Nous relevons la tête, nous continuons à aller de l’avant en ajoutant une autre pierre à l’édifice du Beit HaMikdach . lll

© Yehouda SalamaGour Arié
© Yehouda SalamaGour Arié

Le 6 novembre 2023, a atterri à Ben Gourion un groupe de 25 jeunes auxquels nous avons réservé un accueil chaleureux.

du bas : une promotion du programme Gour Arié

lll Au milieu de ce chaos qui régnait dans le pays, je n’ai cessé d’être en contact avec des jeunes qui prévoyaient de participer au programme de cette année, qui a été reporté à cause de la situation.

Baroukh HaChem, tout le monde a fini par arriver : le 6 novembre, a atterri à Ben Gourion un groupe de 25 jeunes qui, malgré l’incertitude et les dangers, ont décidé de monter en Israël, de s’enrôler dans Tsahal et de prendre une part active à la guerre. Du sionisme à l’état pur. À cette date, l’aéroport était désert, et pour qu’ils ne se retrouvent pas dans une atmosphère triste à leur arrivée, nous leur avons réservé un accueil chaleureux, comme on sait le faire en Israël. Nous avons lancé sur les groupes WhatsApp un appel à venir à l’aéroport accueillir nos jeunes Français, et énormément de monde est arrivé. Ensuite, tout au long de l’année, les élèves se sont portés volontaires dans de nombreux domaines : bases militaires, agriculture, associations civiles… Aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont déjà enrôlés dans Tsahal.

BeEzrat HaChem, nous attendons cette année, après les Fêtes, le double de participants au programme : des jeunes qui veulent s’engager et vivre en Israël.

Nous avons vécu une année difficile et nous ne voyons toujours pas la fin du tunnel. Mais je veux terminer sur des paroles optimistes, une vision positive portée par la emouna et une grande espérance, en évoquant l'esprit d'unité, l'engagement de toute la société israélienne et de la Diaspora qui ont régné cette année en Israël, et

qui nous montrent à quel point le peuple d'Israël est vivant et fort.

Je crois fermement au pouvoir des Juifs de la Diaspora, à l’enthousiasme, à l’espoir, à la foi, à l’innocence que chacun d’entre eux apporte en immigrant en Israël. Je ne connais rien de plus émouvant que de voir un olé 'hadach qui arrive en Israël, surtout en cette période. Il ne comprend pas toujours la politique israélienne, les différences entre les kippot , la droite et la gauche. C'est simplement un Juif qui réalise son rêve et son destin de vivre en Terre d'Israël. Si simple et si complexe.

Soyons solidaires, c'est notre devoir envers les héros qui sont tombés. Nous devons nous montrer dignes d’eux et marcher dans leurs pas. n

Am Israël 'haï !

Yehouda Salama

Directeur du programme Gour Arié de préparation à l’armée israélienne pour les jeunes Juifs français Yehuda@betar.org.il

Photo
© Yehouda Salama - Gour Arié

Perspectives...

C'est attablé à l'un des innombrables cafés de Netivot que j'écris cet article. J'ai choisi celui qui se trouve au milieu du tout nouveau centre commercial, non loin de la fameuse tour Eiffel de Netivot (photo ci-contre) que tous les Israéliens connaissent aujourd'hui. Si déambuler dans le fameux « Paris Center » vous procure une sensation à la française, avec ses fausses colonnes qui rappellent vaguement les colonnes Morris et avec le fond musical alternant Aznavour, Brel ou Joe Dassin (au point qu'en fermant les yeux on se croirait sur Radio Nostalgie), le nouveau centre, lui, se nomme « London Center ». Les magasins entourent une splendide reproduction de Big Ben et ce sont les musiques les plus classiques des Beatles qui vous bercent. Le café où je suis installé en ce moment se trouve justement tout en haut de Big Ben et, de sa terrasse, on a une vue imprenable sur Netivot City qui compte aujourd'hui 80 000 habitants – une population qui a doublé en quatre ans ! Netivot et sa sœur cadette Sdérot, situées à quelques kilomètres l'une de l'autre, semblent depuis quelques années vouloir se disputer le titre de seconde capitale du Néguev, après Beer-Sheva et ses 250 000 habitants.

En contemplant le spectacle impressionnant de la vitalité de notre région, cinq ans jour pour jour après « le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah », on ne peut que constater que nous sommes témoins de l'un de ces nombreux miracles qui accompagnent notre peuple depuis maintenant huit décennies, et même sans doute l'un des plus émouvants. Quelle force ! Quel courage ! Quelle incroyable capacité de résilience ! Il y a à peine deux ans, les premières familles de Nir Oz réintégraient à leur tour leur kibboutz. Ce sont eux qui eurent le plus de difficulté à faire le pas. Comme on les comprend ! Ce sont eux qui furent les plus touchés, et la discussion entre les 'haverim fut vive : fallait-il retourner là où chaque sentier, chaque arbre, chaque maison rappelait d'horribles souvenirs aux survivants ? Fallait-il suivre l'exemple de Nirim, de Be'eri, de Nahal Oz, de Réïm et de Kfar Aza, dont les kiboutzim sont aujourd'hui encore plus beaux et encore plus grands qu'ils ne l'étaient le 6 octobre 2023 ? Finalement, même Nir Oz est donc presque intégralement reconstruit et

c'est d'ailleurs là-bas que se tient aujourd'hui même la commémoration officielle du massacre. Tout le gouvernement s'y trouve, un gouvernement qui a retrouvé la confiance du peuple depuis que la majorité des ministres, à commencer par le premier d'entre eux, est constituée par de jeunes patriotes de droite comme de gauche, membres pour la plupart de ce nouveau parti Tekouna créé par des soldats fraîchement démobilisés et qui est arrivé en tête aux dernières élections de 2025. Depuis le départ à Téhéran de Sinwar et la mort de Nasrallah, la croissance a repris. Les agences de notation financière ont redonné à Israël la note A+, les investisseurs sont de retour, le tourisme aussi. Et l’Alya bat chaque année ses propres records. Après de longues tergiversations, l'Arabie saoudite vient d'annoncer il y a quelques mois qu'elle acceptait enfin de se joindre aux

accords d'Abraham. Selon les observateurs, les derniers développements en Iran ont précipité la décision des autorités de Riyad. En effet, depuis plusieurs semaines, les manifestations organisées par les courageuses femmes iraniennes ont été rejointes par des dizaines de milliers d'Iraniens, jeunes et moins jeunes, encouragés sans doute par la victoire israélienne au nord comme au sud du pays. La très charismatique cheffe de l'opposition au régime des mollahs ne vient-elle pas d'annoncer que si ses troupes prenaient le pouvoir, leur première décision serait d'arrêter le programme nucléaire et de signer la paix avec Israël ? Inch Allah ! Bien sûr, tous les problèmes d'Israël ne sont pas encore réglés. En mai dernier, à la veille des émouvantes et incroyables festivités du 80e anniversaire de l'État, le gouvernement a annoncé qu'il rejetait la proposition faite par un certain nombre de partis de la coalition

Horaires de chabbat

Chabbat Yom Kippour

11 octobre 2024-9 Tichri 5785

Jérusalem 17h31 18h47

Tel Aviv 17h50 18h49

Netanya 17h50 18h48

Souccot

18 octobre 2024-16 Tichri 5785

Jérusalem 17h25 18h41

Tel Aviv 17h45 18h43

Netanya 17h44 18h43

Chabbat 'Hol HaMoed Souccot

16 octobre 2024-14 Tichri 5785

Jérusalem 17h23 18h39

Tel Aviv 17h42 18h41

Netanya 17h42 18h40

Chemini Atzeret – Sim'hat Torah 23 octobre 2024-21 Tichri 5785

Jérusalem 17h17 18h34

Tel Aviv 17h37 18h36

Netanya 17h36 18h35

Chabbat Berechit 25 octobre 2024-23 Tichri 5785

Jérusalem 17h15 18h32

Tel Aviv 17h35 18h34

Netanya 17h34 18h33

Passage à l’heure d’hiver le dimanche 27 octobre : il faut reculer les horloges d’une heure.

Chabbat Noa'h – Roch 'hodech 'Hechvan 1er novembre 2024-30 Tichri 5785

Jérusalem 16h09 17h26

Tel Aviv 16h28 17h28

Netanya 16h28 17h27

« Si le Temple de Jérusalem construit par le roi Salomon a été détruit à cause de la haine gratuite, rebâtissons-le au moyen de l’amour gratuit. » Rabbi Menachem Mendel de Loubavitch

de reconstruire les villages du Gouch Katif, à cause de l'opposition catégorique des Occidentaux et des Émirats qui, comme vous le savez, gèrent et financent en ce moment la reconstruction de la bande de Gaza sur la base de la reconnaissance par la nouvelle autorité gazaouite de l'État hébreu. Mais notons cependant que ce même gouvernement a malgré tout autorisé la reconstruction de Dougit, Nissanit et Elei Sinai, les trois yichouvim situés à l'époque au nord de la bande de Gaza, à quelques kilomètres d'Ashkelon.

N'empêche que si je vous avais raconté tout cela il y a quatre ans, en octobre 2024, alors que la guerre semblait interminable et que le moral n'était pas au beau fixe, vous m'auriez traité de doux et naïf rêveur… Comme quoi, tout est question de perspective… Arrêtez-moi si je dis des bêtises… n

Fait à Netivot, le 7 octobre 2028

Elie Kling klingelie@gmail.com

Secrets du temps

La fonction divine des otages

Nous avions oublié la haine éternelle qui nous poursuit depuis des millénaires, oublié ce que nous avaient raconté nos grandsparents séfarades sur le sort des Yahoudim en terres d’Islam, oublié les enseignements majeurs de nos Textes : la Terre d’Israël est destinée aux Benei Israël ; elle doit être conquise entièrement et défendue âprement.

Le Mal pur s’est déchaîné pendant que nous dormions du sommeil de l’oubli et nous a contraints à une guerre totale. C’est la fonction divine des otages, leur terrible rôle dans le Plan divin. Si nos ennemis n’avaient pas violemment capturé, détenu si longtemps, dans des conditions aussi odieuses, une telle quantité d’otages, aussi jeunes, aussi âgés, aussi beaux et innocents dans leur volonté de vivre en paix, nous n’aurions jamais pris les armes ! Nous n’aurions jamais unanimement décidé d’engager cette guerre ultime – le peuple entier, ses dirigeants et son armée. La haine absurde que nous subissons nous renvoie chaque jour davantage à la vérité : nous sommes le peuple juif et c’est uniquement sur cette Terre que nous pouvons nous défendre et exprimer qui nous sommes. Bas les masques : qui est vraiment qui ? Chaque nation tombe l’une après l’autre dans sa détestation d’Israël, comme un jeu de dominos géants.

Pardès – le Verger – ce sont les quatre niveaux d’étude de la Torah. Ariela Chetboun met par écrit l’enseignement oral reçu de ses maîtres en Kabbala et 'Hassidout. Que cet éclairage vienne

compléter ce que nous savions jusqu'ici.

Alors nous commençons à écouter les actualités comme on écoute la Meguilat Esther à sa deuxième lecture : en réalisant que chaque détail était en place sans que l’on s’en aperçoive ! In extremis, prenant conscience de notre périlleuse situation, priant le Ciel et, tous unis, nous battant l’épée à la main, nous comprenons que nous serons sauvés, plutôt que voués à la destruction. Nous réalisons que rien n’était fortuit et qu’il suffit de l’accepter pour ne pas désespérer. Il y a un sens à cette folie généralisée : le Plan divin de notre longue histoire.

Lire cette actualité du monde avec les lunettes qui donnent sa profondeur historique à l’instant construit ce que nos Sages nomment nos mo'hin, notre intellect. Considérer dans ses détails le fouillis des événements du monde avec bina (notre intelligence analytique) puis reconstituer un tableau d’ensemble de ces éléments avec 'hokhma (notre capacité de synthèse), voilà ce qui fonde le daat (la connaissance profonde des choses). Cette activité d’observation, d’analyse et de compréhension, ce sont les Sefirot supérieures du peuple. Nous sommes en train de comprendre. Voilà, nous redevenons juifs. Nous tombons la veste de l’exil qui nous engonçait. Regardez comme nous avons déjà changé ! Cette année, nous avons éprouvé tellement de peine, de peur pour les uns et les autres, de rage. Éprouvé un tel sentiment d’effroi, de solitude, de fol espoir, puis de soulagement, de joie quand un otage revenait. C’est tout l’Arbre de Vie que nous avons parcouru ces douze derniers mois. Avec quelle intensité nous avons vibré à l’unisson, traversé chaque Sefira de la structure divine !

Notre monde ancien basculera. Ce monde tout neuf, qui est déjà en germe en cette année 5784, sera extraordinaire, revivifié d’une liberté nouvelle.

Que n’avons-nous appris en une année de guerre ?! Nos fissures psychiques et nos ressources cachées ; à développer nos talents, notre 'Hessed qui ne demandait qu’à s’exprimer, à sublimer nos émotions dans l’action, le don, la prière, la lutte, l’entraide, la création. Nous sommes devenus forts comme des cuirassiers, tout de Gvoura bardés. Dans la tempête des sentiments, nous cherchons l’équilibre, la paix provisoire de Tiferet qui permet de tenir la distance, de conjuguer hypersensibilité et puissance ; Netsa'h, la victoire certifiée, la joie exubérante pour chaque bataille remportée. Il reste à inscrire ces acquis et ces mouvements de l’âme dans la permanence de notre structure personnelle et collective : Hod. À les transformer en actes, en écrits, en votes, en sanctions. Dans la pierre de Jérusalem de nos décisions fondamentales : Yessod. Un jour, nous entrerons de plain-pied dans la Malkhout, la réalité sans voile. Il a fallu Dix Paroles divines pour créer le monde, Dix Plaies pour frapper l’Égypte et en être libérés, Dix Commandements pour faire de nous une nation morale. Chaque fois, le Créateur fait traverser à la réalité Sa volonté par le prisme de ces dix énergies. Cette année,

Son peuple a passé par les dix états de Son Arbre de Vie : un monde neuf va naître ! Nos soldats s’agitent. Déjà, ils relèvent la tête et ils parlent. Quand ils rentreront, nous aurons tous changé. Nous ne voudrons plus de l’ancien monde. Les soldats voteront. Ils raconteront à leurs familles restées à l’arrière et elles voteront aussi. Notre monde ancien basculera. Ce monde tout neuf, qui est déjà en germe en cette année 5784, sera extraordinaire, revivifié d’une liberté nouvelle. Et de la même manière que l’État d’Israël est né de la force du désespoir au sortir de la Shoah, la beauté du monde qui vient sera à la mesure des souffrances que nous sommes en train de traverser, chacun de nous et tous ensemble, דייסב. n

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