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Les pieds en Israël,

Le président Shimon Peres avait déclaré un jour : « L’espace est un pont entre les nations. » C’est dans cette logique que l’Agence spatiale israélienne (ISA) conduit des coopérations fructueuses avec de nombreuses agences à travers le monde : la NASA (USA), la Jaxa (Japon), le CNES (France), l’ESA (Europe), l’ASI (Italie), le CSA (Canada), l’AEM (Mexique), l’ISRO (Inde)… Uri Oron, directeur de l’ISA, se félicite de « ces coopérations avec des agences étrangères, qui présentent de nombreux avantages pour un petit pays comme Israël : les relations entre les industries spatiales locales et internationales, le partage des coûts de développement, l’accès à des systèmes de pointe et des normes de R&D les plus avancées… » Il ajoute : « La coopération dans le domaine de la miniaturisation des satellites et des sondes est cruciale car cela ouvre la voie à une multitude d’applications commerciales. »

Israël a signé en janvier 2022 les accords Artemis. Dirigés par les États-Unis, ces accords consistent en une liste de principes et de règles pour l'exploration et l'utilisation civiles, à des fins pacifiques, de la Lune, de Mars, des comètes et des astéroïdes, sur et sous leur surface. Les États partenaires d’Artemis acceptent que leurs activités civiles d'exploration spatiale soient encadrées. C’est une première : l'Université de Tel Aviv a lancé un nanosatellite grâce au lanceur Falcon 9 de SpaceX, depuis le cap Canaveral, ouvrant la voie à la construction d’un réseau de communication optique et quantique depuis l'espace.

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Recherche fondamentale

Mike Kaplan a été l'un des initiateurs et des planificateurs du projet du télescope James Webb à la NASA. Il a travaillé en étroite collaboration avec SpaceIL, l’ISA et l'industrie aérospatiale israélienne. Citoyen israélien durant sa mission, Mike Kaplan est ensuite retourné aux États-Unis en 2015, où il travaille sur de nouvelles missions spatiales et des systèmes de satellites météorologiques dans des entreprises comme Raytheon.

En 2026, la NASA lancera la première mission du télescope spatial d’Israël ULTRASAT (ULtraviolet Transient Astronomy SATellite – « satellite pour l’astronomie des phénomènes transitoires dans l’ultraviolet »). Ce petit satellite à but astronomique offrira un champ d’observation exceptionnel pour étudier des événements dans l’univers, tels que les résidus d’explosion de supernovae qui portent les éléments essentiels à la vie, ou les fusions d’étoiles à neutrons (astres composés de neutrons maintenus ensemble par la gravitation).

Lors de la Semaine de l’espace, le président Yitzhak Herzog a cependant rappelé qu’« il ne s’agit pas seulement d’atteindre de nouvelles planètes, mais aussi de sauver et de protéger notre foyer, la Terre, face au plus grand défi qu’elle ait jamais connu : le réchauffement climatique ». n

Professeur Noah

Dana-Picard :

Observer l’espace

nous rapproche du Créateur.

Le professeur Noah Dana-Picard, Juif orthodoxe, président de la chaire Roland et Astrid Dana-Picard pour « l’éducation, les mathématiques et le judaïsme » au Jerusalem College of Technology (JCT) dont il a été président, est une sommité mondiale. Membre de la Fédération internationale d'astronautique (IAF), il forme des étudiants en maîtrise aux technologies spatiales et participe à des projets de recherche sur l'observation de la Terre et les origines de l’univers. Il a fait son Alya en 1990 avec son épouse « pour retourner sur la Terre que HaChem nous a donnée ». Pour Noah Dana-Picard, qui organise plusieurs fois par an des conférences « Torah et science », l’étude des lois qui régissent le cosmos nous rapproche du Créateur.

LPH : Vous dites que contempler les phénomènes naturels lointains est une mitzva. Pourquoi ?

Professeur Noah Dana-Picard : L’observation des astéroïdes, des étoiles filantes ou des éclipses nous enseigne l’amour de la Création. Le cosmos est le laboratoire que Dieu a mis à notre disposition. Nous devrions tous être en état de curiosité intense par rapport aux Créations divines, même si certains secrets resteront insondables. Maïmonide (Traité des Huit chapitres) écrit : « Observe, étudie, approfondis ta compréhension de Son œuvre. À travers Sa Création, tu peux t’approcher de ton Créateur. » Les sages disent : « Quiconque a la capacité d’étudier les mathématiques et l’astronomie doit le faire. » (Traité Chabbat, 75b). En mars 2022, en Californie, des astronomes ont identifié la comète C/2022 E3 (ZTF), dont la dernière visite remonte à 50 000 ans. L'étude des comètes a apporté beaucoup d'informations sur le système solaire, sur l'eau qui a rendu possible la vie sur Terre. Le deuxième matin de Roch HaChana, les Séfaradim récitent le poème de Rabbi Yehouda Halevi sur les constellations et la puissance divine.

Il se termine par l’injonction « וילעפ רוקח », « Étudie les œuvres de Dieu », car Dieu est Roi de la Terre, du cosmos et des mondes spirituels. La science se trouve dans la Torah elle-même, et elle aide à étudier la Création. Il n’y a pas de contradiction entre l’âge de l’univers, le Big Bang, la science et la tradition juive. Les découvertes du télescope spatial à infrarouge James Webb nous rapprochent de Dieu.

La sonde lunaire Beresheet a-t-elle ouvert un nouveau champ d’étude de la Torah ? Absolument. Comment établir le respect de la Halakha dans l’espace ? Le contrôle en temps réel de l’orientation de Beresheet, projet civil et privé, durant le chabbat, a conduit Ariel Gomez, ingénieur systèmes diplômé du Jerusalem College of Technology et membre de l’équipe de SpaceIL, qui a participé à l’élaboration du projet et à la supervision de la trajectoire, à interroger le rav Shraga Dahan, ancien élève du JCT, qui s’est lui-même tourné vers le rav Yitzhak Yosef. Voici leurs réponses, rapportées par SpaceIL à la NASA et à SpaceX, la firme d’Elon Musk qui fournissait le lanceur : « Le décollage et l’arrivée sur la Lune ne devraient pas avoir lieu moins de deux jours avant chabbat et aucune manœuvre ne peut être menée durant le chabbat. » Il a fallu calculer une nouvelle trajectoire et organiser une permanence en salle de contrôle. Un clavier composé de relais optiques et conçu sur le principe halakhique du « grama » (travail indirect) a été développé par un chercheur du JCT, le docteur Shimon Mizrahi. Le 11 juin 2019, Ariel Gomez et le rav Dahan ont expliqué aux étudiants du JCT comment envoyer et gérer un vaisseau dans l’espace, ainsi que la dimension juive de la mission. À bord de Beresheet, il y avait un Tanakh et des Tehilim lll Le même phénomène peut provoquer deux effets contraires. Làbas, à 58 millions de kilomètres du Soleil, l’attraction est gigantesque. BepiColombo pourrait être avalé par le Soleil. Dans la deuxième bénédiction de la Amida, on dit « Mélekh mémite ouMe'hayé » en un seul souffle. Dieu n’est pas « Mélekh mémite », un Dieu qui fait mourir, ni « Mélekh me'hayé », un Dieu qui fait vivre, Il est les deux à la fois, « Mélekh mémite ouMe'hayé » (Paracha Haazinou, Deutéronome 32, 37). Dans l’espace, c’est pareil.

Comment votre théorie des contraires se manifestet-elle dans la Torah ?

Dans l’espace, il n’y a ni haut ni bas. Deux caractéristiques opposées peuvent coexister. Prenons un exemple : en octobre 2018, le vaisseau BepiColombo a été lancé en direction de la planète Mercure, la plus proche du Soleil. Le voyage va durer sept ans, deux sondes se placeront sur deux orbites autour de Mercure. En route, le vaisseau passera plusieurs fois près de Vénus et de Mercure. Leurs champs de gravitation seront utilisés, non pour accélérer la sonde, mais pour orienter ou freiner et placer le vaisseau en orbite autour de Mercure.

Pour la première fois, la Semaine de l’espace, à TelAviv, a consacré des conférences aux trous noirs. Que dit la Torah à leur sujet ?

Ces astres hyperdenses ont une masse de plusieurs tonnes qui tiendrait dans une boîte d’allumettes. On ignore ce qui se passe à l’intérieur. Ils avalent tous les objets – comètes, étoiles, astéroïdes… – qui passent à leur portée. Mais rien n’y tombe en ligne droite.

Les corps tournent en spirale autour du trou noir, en se rapprochant de la surface. En fin de processus, ils tombent violemment, ce qui provoque l’éjection très rapide de matières perpendiculairement au disque. C’est ainsi qu’on les a identifiés. David Elbaz, du Commissariat à l’énergie atomique (CEA, France), a montré que les trous noirs ont créé les galaxies. C’est la théorie des contraires : ils engloutissent tout mais donnent naissance aux galaxies. Pourquoi sont-ils là ? Quelle est leur mission ? Qu’y a-t-il au-delà d’un trou noir ? Pour les rabbins, aucun doute : la présence divine dans l’univers se cache derrière l’obscurité (le trou noir ?). Dieu a fait connaître « un aspect de Sa sagesse », mais découvrir le reste exige des efforts et de la émouna. Dieu peut une chose et son contraire. Comme le dit le Maharal de Prague (Netsa'h Israël) : « Il est Un, pas 1 d’un décompte qui s’arrêterait là, mais Il est Un. Tout le reste est multiple. » n

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