Dégustation—Escapade
L’Alsace réinventée
Cette région aux multiples cultures a toujours lié son histoire à celle d’un art de vivre empreint d’hospitalité. Riche d’un terroir qui produit des vins d’une grande complexité, l’Alsace sait faire rimer « tradition » et « évolution ».
Une approche vertueuse Avant de prendre la route, il faut faire une première halte chez Thierry Schwartz, à Obernai, pour saisir ce paradoxe. Si le cadre est celui d’une maison historique, avec poutres apparentes et feu de cheminée, l’assiette guide les convives à travers une Alsace attentive aux enjeux écologiques qui ne s’embarrasse pas de fioritures : « Œuf dans l’œuf de monsieur Humbert », « Agneau d’herbes de Bassemberg », « Morilles des pins d’ici »… Autant d’intitulés qui désignent des produits sourcés aux alentours et travaillés sans artifices. « Dans cet esprit de soutien aux producteurs locaux, je revisite 52—
Racines
Ci-dessus : la salle de restaurant du Chambard, à Kaysersberg. À droite : l’hôtel 48° Nord et ses hytte (chalets).
Photos : Anne-Emmanuelle Thion ; David Emmanuel-Cohen
LES PREMIÈRES TRACES de la viticulture en Alsace remontent au Ier siècle avant J.-C. et les premiers écrits sur le sujet sont apparus au Moyen- Âge. Ce savoir-faire va gagner ses lettres de noblesse dès la Renaissance en ralliant des amateurs à travers toute l’Europe, dont certains n’hésiteront pas à faire le déplacement. Les prémices de ce que l’on appelle aujourd’hui l’œnotourisme étaient alors posées, avec des auberges dans chaque village du vignoble où se régaler de plats gourmands – flammekueche, baeckeoffe, spätzle… – tout en dégustant le fruit de la production viticole. En 1953, le vignoble alsacien va devenir le premier en France à se doter d’une route des vins. Le parcours s’étend sur 150 kilomètres, sillonnant les contreforts des Vosges et traversant 67 villages producteurs ainsi que 48 des 51 grands crus. Autant dire un voyage initiatique à travers un terroir très marqué par les blancs (riesling, pinots blanc et gris, sylvaner, gewurztraminer…), mais où les rouges (pinot noir) sont loin d’être en reste. Le périple est rythmé d’adresses – hôtels, restaurants, auberges, winstubs – qui participent de cette découverte. Et contrairement à l’imagerie de carte postale (souvent erronée) que l’on s’en fait, nombreux sont les établissements à avoir su capter l’air du temps pour entraîner la gastronomie alsacienne au cœur des enjeux de la modernité.