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VIP+. Rencontre avec François Berléand
from Racines #03
VIP+V ENTEALA PROPRIE T E « Je n’ai que la mémoire du bon»
Actuellement sur scène aux Bouffes Parisiens, François Berléand voue une passion aux meilleurs bordeaux et a collaboré à la création d’une cuvée languedocienne solidaire.
Votre grand-père a été le premier à éveiller votre goût pour le vin. Comment s’y est-il pris ? En me faisant déguster, très jeune, de grands pomerols. Lui-même y avait été initié par sa belle-fille, une Bordelaise qui s’y connaissait et avait ses entrées dans les meilleurs châteaux. De tous les conseils qu’il m’a dispensés, je garde avant tout celui de «savoir goûter». Chaque fois que je me sers un verre de vin, je commence par le respirer. Puis j’en garde une petite gorgée en bouche, longtemps. Une fois qu’il a bien tapissé mon palais, je l’avale. Et j’avoue qu’avec les bordeaux, il y a toujours un petit quelque chose qui me dit que je vais aimer.
En quoi votre cave vous ressemble-t-elle ? Elle est rigolote… J’ai commencé à la constituer en 1979. Moyennant 2 000 francs [environ 300 euros, ndlr] – ce qui n’était pas rien ! –, j’avais exclusivement acheté des millésimes 75 ou 76. Plus tard, au début des années 90, j’ai pu m’offrir de grands bordeaux en primeurs – Château Angélus, Château La Lagune… – dont il me reste plusieurs bouteilles. À l’époque, on trouvait encore du Petrus à 250 francs [environ 38 euros, ndlr] ! Par la suite, j’ai découvert les vins de Bourgogne, le mâcon. Quels qu’ils soient, j’aime l’idée de pouvoir les garder en cave plusieurs années. Ne serait-ce que pour ce petit suspense qui consiste à savoir, lorsque vous le débouchez, comment il a évolué… et s’il est bouchonné ou non !
Votre passion pour les bordeaux éclipset-elle votre amour pour les languedocs ? Les premiers sont des vins d’assemblage qui peuvent me plaire instantanément ; les seconds correspondent à mon penchant très prononcé pour la syrah et les vins très chargés en alcool, jusqu’à 15 ou 16 degrés. Il a suffi d’un dîner chez les frères Pourcel, à Montpellier, arrosé d’un Château PuechHaut, pour m’ouvrir aux vins du Sud. Depuis, je les apprécie de plus en plus. Le Clos des Truffiers, La Grange des Pères, le Roc d’Anglade, Le Roc des Anges, le Domaine de l’Hortus ou le blanc minéral et iodé de La Falaise font partie de mes cuvées préférées. J’ai eu la chance de pouvoir goûter beaucoup de vins, mais je n’ai que la mémoire du bon.
Une histoire particulière vous lie au domaine du Clos des Fées. Racontez-lanous. Il y a environ un an, son propriétaire, Hervé Bizeul, m’a parlé d’une association de soutien aux agriculteurs en grande détresse. Pour leur venir en aide, nous avons décidé de créer ensemble une cuvée spéciale, 100 % syrah, qui a vu le jour en septembre. Tous les bénéfices de cette toute petite production (1 600 bouteilles) seront reversés à l’association.
BIO EN BREF
1952 1979
2000
20112012
2021 Naissance à Paris. Première apparition au cinéma dans Martin et Léa, d’Alain Cavalier. César du meilleur acteur dans un second rôle pour Ma Petite Entreprise, de Pierre Jolivet. Succès dans le rôle-titre de Quadrille, mise en scène par Bernard Murat. Joue au théâtre dans 88 Fois l’infini, d’Isabelle Le Nouvel, aux côtés de Niels Arestrup.
Au moment des tournages, vous arrive-t-il de faire « l’école vigneronne » ? Lorsque je me trouve dans le Bordelais, j’en profite toujours pour visiter au moins un domaine. Cette région se découvre à travers ses châteaux et y dénicher un bon vin n’est pas très compliqué. Et puis, il y a le hasard… Comme ce jour où, à Bordeaux, je suis ressorti d’une boutique mi-cave, mi-librairie avec une bouteille à 8 euros offerte par le patron. «Vous goûterez ça avec vos amis ce soir !». On l’a ouverte. Il s’agissait d’un Château Marjosse 2007 fait par Pierre Lurton. Le lendemain, j’y retournais pour en acheter 10 caisses !
En plus de délier les langues, pensez-vous que le vin scelle des amitiés ? Le problème, avec le vin, c’est que beaucoup de gens n’y connaissent rien ! Je ne parle pas de culture encyclopédique, mais de cette faculté à différencier le bon du mauvais. Pendant des années, j’ai organisé des dîners avec des amis réalisateurs et comédiens, tous gastronomes. Habitant au cinquième sans ascenseur, je remontais toujours de la cave avec ce qu’il fallait d’excellents vins, à la hauteur des mets. Un soir, je me suis étonné qu’aucun ne m’ait jamais complimenté sur le choix des flacons. J’ai donc fait une expérience en transvasant mes meilleurs millésimes dans des bouteilles de piquette… et inversement. Personne ne s’en est rendu compte ! Pire : tous ont préféré ce mauvais vin aux grands crus classés ! Il n’y a qu’avec François-Xavier Demaison, notamment, que je peux apprécier la chose, car c’est un fin connaisseur.
En tête à tête avec vous-même, quelle bouteille ouvrez-vous ? Tant qu’à faire, une Romanée-Conti ! La Tâche, sans hésiter.
Que vous apporte la possibilité d’acheter du vin en ligne ? J’ai déniché quelques pépites en Languedoc et Côtes-du-Rhône grâce au site Ventealapropriete. Longtemps, pour les bordeaux ou les bourgognes, je me suis fourni directement chez les vignerons. Aujourd’hui, j’apprécie de pouvoir passer commande en ligne, de me faire livrer et de tout entreposer dans ma cave.
À quelle bouteille décerneriez-vous le César du meilleur vin ? À La Porte du ciel (Château La Négly). Dégusté pour la première fois à l’aveugle, un soir, vers 18h30. Cinq heures plus tard, après un dîner au restaurant et deux autres vins, je l’avais encore en bouche. Un choc gustatif incroyable qui me fait dire aujourd’hui que l’on peut se prendre des claques avec des très grands vins comme avec des petits !