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A - Le meilleur processus de réalisation d’un projet en réemploi, en France, en 2020, pourrait-il être un exemple pour la Réunion ?

CHAPITRE III – DES DYSFONCTIONNEMENTS QUI RETARDENT LE TERRITOIRE RÉUNIONNAIS

A - Le meilleur processus de réalisation d’un projet en réemploi, en France, en 2020, pourraitil être un exemple pour la Réunion ?

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Pour expliquer le processus le plus simple et efficace pour faire du réemploi en 2020 dans l’état français, nous allons reprendre les explications de Raphaël Fourquemin, et de Nicolas Peyrebonne. Comme nous avons pu le constater précédemment, deux études de cas mettent en valeur leurs travaux : la maison individuelle de Raphaël Fourquemin et le projet de Faré à Longoni de l’agence d’architecture de Nicolas Peyrebonne, Co-Architecte. Ils ont expérimenté le réemploi pour deux maîtrises d’ouvrage différentes (public et privé), dans deux localisations et climats différents (la métropole et Mayotte) et pour deux types de projets différents (une maison individuelle / un faré de projet). Pourtant, on trouve de grandes similitudes dans leurs processus de mise en place du réemploi dans leurs projets. A cela, s’ajoute notre troisième cas d’étude, la crèche Justice, accompagné par le collectif d’architectes Bellastock. Leur procédé pour réemployer des matériaux dans un projet est clair et précis, il nous permet de visualiser une base de données pour mettre en place ce « meilleur processus de projet ». En complément, des informations données dans les interviews de Morgane Moinet, Malek Dhabi, et Antoine Perrau. Nous essaierons d’établir une explication type du meilleur processus de réalisation d’un projet en réemploi, en France, en 2020.

1- La ressource :

Il y a deux moyens d’avoir des ressources en matériaux de constructions en réemploi : - avoir une association ou une entreprise du type ressourcerie ou recyclerie à proximité du futur chantier, avec un stockage de matériaux dans lequel l’équipe d’architectes peut venir piocher selon les besoins et les envies du projet. ou - le projet comprend un chantier de réhabilitation ou de démolition à proximité ou il est lui-même une réhabilitation, une rénovation ou une future démolition. On pourra alors récupérer la matière réemployable directement sur place et la remettre en œuvre sur le chantier.

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À partir de ce moment, on effectue un diagnostic ou une étude ressource. Cela permet de créer un inventaire du potentiel matériau que l’on a à disposition. Une étude ressource consiste à décider quel matériau va être conservé, démantelé et stocké, et quel matériau sera considéré comme déchet et donc traité comme tel (déchetterie, recyclage, destruction). Elle doit être la plus précise possible. Elle se décompose en deux temps : d'une part sur site, avec le relevé direct, et en second temps, des recherches complémentaires pour plus de précisions. On va constituer nous-même notre « magasin », notre base de données. Dans le cas d’une réhabilitation ou d’une démolition, on relève l’intégralité des matériaux qui constitue le bâtiment, aussi bien sur le gros œuvre, le second œuvre, l’aménagement et l’équipement. Une fois que cela est fait, de manière bien structurée, récapitulée sous forme de tableau68, répertoriant les quantités, les dimensions, l'état, la valeur en équivalent neuf, son volume, son poids, sa valeur sur le marché de l'occasion, les potentielles idées de réemploi avec les DTU (document technique unifié), et les différentes pistes de ré-utilisation, avec la liste des points à tester. On a une étude ressource complète qui nous permettra d’avancer correctement dans un futur projet de réemploi. Le quantitatif et le volume sont à effectuer prioritairement, puisqu'une fois que tous les matériaux sont démontés, il faut les stocker, et donc connaître la place nécessaire. 2 – Un bilan de la future opération et la réalisation des fiches techniques : Une présentation globale au maître d’ouvrage des plans de conception, des matériaux neufs et réemployés, du prix total, et de la main d’œuvre requises, est nécessaire pour ensuite aller discuter avec le bureau de contrôle. Pour faciliter la discussion avec un bureau de contrôle, il faut au préalable réaliser des fiches techniques sur chaque matériau ou lot de matériaux, et les possibilités de leurs mises en place dans un nouveau projet sous différentes formes. Ces fiches techniques vont avoir deux objectifs : - permettre à l’artisan qui travaillera sur le projet, de savoir ce qu’il a comme matériaux à sa disposition, comment va t’il les mettre en œuvre, et si cela remplit les objectifs techniques à atteindre, et donc de le rassurer sur la possibilité de l’emploi de ces matériaux avec les normes techniques et réglementaires imposées. Il pourra alors déposer sa décennale sur ce travail. - argumenter et convaincre le bureau de contrôle de l’absence de danger à utiliser du réemploi dans ce projet. C’est aussi pour cela qu’une étude ressource avec un inventaire très précis est obligatoire afin de faciliter et valider cette étape. À l’heure actuelle, la validation des matériaux de réemploi par

68 Exemple type de tableau, en annexe, p.163

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un bureau de contrôle est sinequanone pour la validation du projet par les assurances. Pour que le bureau de contrôle soit convaincu et valide l'idée du réemploi, il faut lui fournir des données fiables, sures et précises, en accord avec les réglementations. 3- Des tests en partenariats avec des bureaux d’études :

Une fois que le bureau de contrôle accepte l'idée d’utiliser du réemploi, on engage des phases de tests. Le bureau de contrôle peut valider l'essai du matériau, cependant il faut prouver par une batterie de test qu’il est résistant. C'est un échange qu'il ne peut y avoir qu'entre l'architecte, le bureau de contrôle, et le maître d'ouvrage. Ils définiront ainsi la batterie de tests pour une sélection des matériaux qui validera l'intégralité du stock.

« On ne teste qu'une ou deux pièces représentatives. Cela n'enlève pas tout les risques, mais il faut se sortir de la tête que le risque zéro n'existe pas. »69

On crée ainsi un « passeport » pour les matériaux qui permet d’ouvrir la discussion, car à l’heure actuelle du processus les bureaux de contrôle et les assurances peuvent être encore réticents au réemploi et se rétracter.

4 – Test validés et début de chantier

Les tests sont validés par les bureaux de contrôles, puis les assurances valident leurs engagements et les appels d’offres aux entreprises peuvent être envoyées et le chantier peut démarrer. Si les tests ne sont pas validés par le bureaux de contrôle, le projet ne peut pas voir le jour. C’est à l’architecte et au maître d’ouvrage d’être assez convaincant et précis pour que cela soit possible.

Si c’est nécessaire, comme dans le cas des réhabilitations, un appel d’offre pour déconstruire le bâtiment et récupérer toutes les pièces doit être effectué. Les matériaux doivent être acheminés de manière propre, pour qu’ils ne soient pas abîmés, et de préférence dans une zone de stockage à proximité du chantier. Cela peut être l’entrepôt d’une association ou d’une entreprise mis à disposition, une ressourcerie, une recyclerie, voire certaines déchetterie enclines à louer leurs locaux, ou même sur la zone du chantier. Il faut un endroit sûr pour éviter toutes dégradations et pertes de matériaux, car à cette période d’avancement du projet, on ne sait pas exactement combien de temps les matériaux vont rester dans la zone de stockage.

69 Interview Raphaël Fourquemin, retranscription en annexe

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La mise en place du réemploi dans la construction est avant tout administrative. La réalisation de l’étude ressource est primordiale pour les architectes. Elle est cruciale pour convaincre le maître d’ouvrage, mais aussi les bureaux de contrôle, les bureaux d’études et les assurances. Ces trois derniers acteurs sont les décisionnaires de la réalisation du projet. Ainsi les projets en réemploi sont fortement liés aux talents de négociateur de l’architecte et à sa capacité à convaincre, mais aussi à une administration encline à leurs mises en place.

« il y a un travail entre le maître d’œuvre (l’architecte) qui propose ses solutions de réemploi au bureau de contrôle, le bureau de contrôle qui commence à donner un avis, puis rentre dans la danse assez tôt, l'assureur (qui dit oui mais pose ses conditions) et puis ça fait des boucles, et ils se mettent d'accord sur une solution. Et très souvent il y a des choses qui ne se font pas dans le réemploi parce que soit ça bloque dans ce circuit là, soit tout simplement, il n’y a pas assez de ressources. »70

Cependant, comme l’explique Malek Dhabi, le seul vrai décisionnaire, celui qui aura le dernier mot, sera toujours le maître d’ouvrage :

« Parce que le maître d’ouvrage s’il est convaincu il peut lui-même négocier avec l'assureur et se permettre de dire "si vous assurez pas, je trouve un autre assureur". L’architecte lui ne peut pas dire à l'assureur " si vous ne voulez pas, on en prends un autre". L'assureur de l'ouvrage sera convaincu si le maître d’ouvrage est convaincu, et il pourra convaincre aussi le bureau de contrôle qu'il paie. Dans le circuit le maître d’ouvrage va payer trois personnes : l'architecte, les bureaux de contrôles et l'assurance. Donc s’il y en a un qui peut mettre de l'huile dans les rouages c'est bien le maître d’ouvrage. L'architecte en tout cas se doit toujours d'être force de propositions »

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70 Interview Malek Dhabi, retranscription en annexe 71 Interview Malek Dhabi, retranscription en annexe

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Illustration 70: Schéma récapitulatif de la mise en place du meilleur processus pour faire un projet de réemploi de matériaux de construction en France en 2020 © Léa Soulat

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