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2 – Aujourd’hui, un retour progressif au réemploi

Les matériaux ou éléments de construction utilisés en réemploi étaient principalement : - Les moellons, les pierres de taille, et les briques ; - Les éléments de sol que sont les carreaux de terre cuite, les dalles et les pavés de pierre ; - Les éléments de bois de charpente et de menuiserie ; - Les éléments de ferronnerie (rampes, balcon, grilles) ou des structures métalliques (charpente) ; - Les éléments de couverture, de divers types de tuiles, d'ardoises, et de lauzes. Les pratiques historiques du réemploi, telles que décrites précédemment, ont subi un déclin certain suite aux révolutions industrielles. Celui-ci s’explique, en partie, par l’avènement de matériaux et de techniques issus d’une industrie au service de la construction, peu adaptées au réemploi et faisant concurrence aux pratiques historiques .

2 – Aujourd’hui, un retour progressif au réemploi :

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Le réemploi dans l’histoire préindustrielle était une évidence. Le monde du bâtiment et des matériaux étaient alors basé sur une économie de moyen où les ressources naturelles étaient plus difficiles d’accès et exploitées localement. Les révolutions industrielles ont fait entrer nos sociétés occidentales dans une ère d'apparente abondance en repoussant les limites des problématiques de transports et d’accès aux ressources.

L’ère industrielle n’a pas que impacté nos méthodes de production et de consommation mais aussi l’Homme en tant que tel. « Hyper-spécialisé pour les besoins du système, il se retrouve déraciné, sans créativité »30 (ILLICH 2003)

Une destruction des liens sociaux entre les humains. Cette séparation peut se ressentir dans les relations au niveau des différentes méthodes de travail actuelles. La division des tâches affectent la vision globale de la plupart des acteurs, ils sont hyper spécialisés dans une discipline précise. Réussir à concentrer toutes les compétences et ainsi tout les acteurs concernés dans un but commun relève du périple. Ainsi remettre en place un système de construction « ancien », comme le réemploi, liant plusieurs compétences, donc plusieurs acteurs, peut s’avérer beaucoup plus difficile dans la pratique que dans la théorie.

30 ILLICH Ivan, La convivialité, éd. Seuil, 2003, 158 pages

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Cependant, à partir des années 1970, impulsé par le mouvement « hippie », une prise de conscience générale sur les limites des ressources naturelles de la planète, pousse certains architectes à réfléchir sur leur manière de construire. Aux États-Unis notamment, apparaissent quelques collectifs tels que celui de Michael Reynolds et ses « earthships »

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. Des habitats écologiques et économiques, énergétiquement indépendants et tournés vers une organisation de partage : ceux qui ont été aidés pour construire leur maison aident à leur tour la construction des autres maisons.

Illustration 12: Photographie de M. Reynolds devant sa première "earthship" construite en boîte d'aluminium recyclées, en 1972, dans le désert de Taos au Nouveau-Mexique ©Build Green Illustration 13: Photographie exemple d'un chantier d'une "earthship" avec des pneus comme matériau réemployé ©Build Green

Illustration 14: Photographie de M. Reynolds devant une "earthship" plus récente, construite avec plus de matériaux recyclés que les précédentes ©Build Green

31 EARTHSHIP BIOTECTURE by Michael Reynolds, Présentation des earthships, Site web

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S’ajoute à cela, dans l’un des états les plus pauvres des États-Unis, la création d’une formation universitaire à Auburn, basée sur la frugalité et le réemploi : Rural Studio

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Ses professeurs et ses élèves expérimentent, à partir de 1993, le réemploi pour les populations défavorisées, avec un budget limité. Le réemploi s’impose comme une nécessité pour répondre à une demande urgente. Cependant l’étudiant est projeté dans une réalité bien différente des ateliers de studio classique et ces principaux outils sont la débrouillardise, l’expérimentation et le prototypage.

Illustration 15: Photographie où aparaissent Samuel (dit Sambo) Mockbee (1944-2001) et D.K Ruth (1944-2009), les co-fondateurs de Rural Studio

© Rural Studio

Illustration 18: Photographie de la Glass Chapelle, construite à partir de pare-brise de voitures, en 2000 par des étudiants de 5ème années, pour la communauté

© Timothy Hursley Illustration 16: Photographie de la Music Man House, construite en 2003 par des étudiants de deuxième année

© Timothy Hursley

Illustration 17: Photographie de la Music Man House, construite en 2003 par des étudiants de deuxième année

© Timothy Hursley

32 RURAL STUDIO, Présentation de Rural Studio, Site web

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Ces deux entités américaines démontrent les possibilités de se détourner du système linéaire et que l’économie circulaire fonctionne, à l’époque des « trente glorieuses » et d’une population qui ne réalisait pas encore les impacts de son mode de vie sur son environnement.

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Finalement, les principales raisons du retour au réemploi sont :

- La raréfaction des ressources en matières premières, dont le secteur de la construction est un important consommateur. L’épuisement des ressources est une réalité, surtout pour les matières minières et minérales, mais aussi dans les ressources dites renouvelables (à partir du moment où leur consommation excède leur capacité de renouvellement).

- L’accumulation des déchets. Le bâtiment est en France le plus gros producteur de déchets et son bilan carbone est important. La question de la prévention, de la gestion de la production de déchet et de la pollution qu’elle engendre est importante. Ce secteur d’activités a un coût environnemental et économique important.

- Une mode du vintage et un certain intérêt pour les matériaux dit « authentiques », à cela s’accompagne la mode du « Do It Yourself » = fait le toi-même, avec de la récupération de matériaux et du détournement d’objets. C’est une vraie niche dans la filière du réemploi, avec la récupération de matériaux dits « nobles », anciens, chez des antiquaires.

- Le retour à une forme de bons sens et à la signification de la notion d’économie, c’est-à-dire une meilleure répartition et administration des richesses matérielles et naturelles. La diminution de la production des déchets, la raréfaction des ressources et la protection des écosystèmes sont des justifications au réemploi. Cela évite de remplacer une industrie chimique impactant l’environnement par une autre industrie, basée sur une matière première renouvelable, qui paraît meilleure, mais qui sur le long terme engendrera une surexploitation d’un matériau. Par exemple une surproduction et une mauvaise gestion du bois de construction peut avoir un impact négatif sur les forêts de production et leur environnement.

33 AMSING Tatiana, Le réemploi, mutation du cerveau de l’architecte ?, Mémoire de Master d’Architecture, ENSAP Lille, Mai 2016, 140 pages

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- L’évolution rapide des règles professionnelles et de la réglementation, en thermique notamment, qui rendent obsolètes des matériaux relativement récents et en bon état. Cela gaspille de la matière qui pourrait être utilisée car de très bonne qualité et souvent neuve. On parle ici de stocks invendus, ou qui ne peuvent plus l’être à cause de l’évolution des normes. Ce sont des fort potentiels de réemploi à l’heure actuelle.

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