L'An Vert n°2

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N°2 L’An Vert Vert -- octobre novembre 2018 N°1 -- L’An 2018

L’AN VERT HEXAGONE Les Lyonnais marchent pour le climat, la Métropole traîne BRÉSIL Un « Trump tropical » aux manettes du poumon du monde

DOSSIER

Rapport du GIEC

C’est maintenant ou jamais

2,50€


Édito : Chaud devant !

p.2

Vu et revue : Tempête Leslie : le changement climatique coûte déjà cher p. 3

L’AN VERT

Dossier

: Rapport du GIEC : maintenant ou jamais p. 4 à 6

Chaud devant !

Brésil : Un « Trump tropical » aux manettes du poumon du monde p. 7

En 2015, lors de la COP 21, les puissants de ce monde semblaient avoir pris le train du sauvetage de la Terre. S’accordant autour d’un ralentissement drastique des émissions de gaz à effet de serre, les 195 pays signataires des accords de Paris se félicitaient d’une limitation de la hausse des températures à +1,5° d’ici 2100. Or, lorsque trois ans après un groupe de chercheurs du GIEC mettent le nez dans ses accords et analyse les efforts déjà fait, il y a de quoi donner des sueurs froides (enfin plutôt chaudes) à notre chère planète. Et un, et deux, et trois degrés… voire plus ! Les scientifiques sont formels, si les nations continuent sur ce rythme, plus que quelques décennies et vous pourrez dire adieux aux belles plages de sable fin de plusieurs centaines d’îles du Pacifique. Mais attention, tout n’est pas fichu ! Sous son air inquiétant, le rapport du GIEC garde espoir mais alerte le monde comme a pu le faire en son temps un certain François : « Le changement c’est maintenant (ou jamais) ! ». Mais comment faire ? Où va le monde ? Les équipes de l’An Vert ont essayé de mettre au clair ces questions pour ce second numéro. Bonne lecture !

L’instantané : Lac de Van : le nouveau désert de Turquie p.8/9

Animaux : Blake Fischer : il dé-

missionne de son poste après l’envoi de photos choc p.10

Hexagone

: Les Lyonnais marchent pour le climat, la Métropole traîne / Zéro Waste France porte plainte contre des fast-foods concernant le tri des déchets p.11

Vite dit

p.12

Clément Granon

« Il n’y a pas une semaine où il n’y a pas un recul sur l’écologie et on comprend mieux la démission de Nicolas Hulot, il avait pressenti cette dégradation », Ségolène Royal, lundi 22 octobre sur RTL

Directeur de publication : Patrick Girard Rédacteur en chef : Clément Granon Community Manager : Clément Granon, Sophie Repoux Twitter de l’An Vert : @LAn_Vert Secrétaire de rédaction : Clément Granon, Sophie Repoux, Valika Robert Rédaction : Thibault Ajaguin (@ThibaultAjaguin), Arthur Blet (@ arthurblet), Prescillia Boisseau (@PrescilliaBoiss), Matéo Dufour, Léa Dubuc (@dubuc_lea), Clément Granon (@GranonClément), Fleurestine Jaffrelot (@fleurjaffrelot), Morgane Juvany, Grégoire Noally (@ greg_nly), Sophie Repoux (@lapattenoire), Mickaël Robert (@mickaëlrobert12), Valika Robert (@valikarobert) Maquettiste : Matéo Dufour / Sophie Repoux Locaux : 47 rue du Sergent Michel Berthet, Lyon, 69009

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Tempête Leslie : le changement climatique coûte déjà cher

VU ET REVUE

La plus forte tempête depuis 170 ans, des vents à 170 kilomètres heure, 80 millions d’euros de dégâts, 14 morts, les chiffres pleuvent dans la presse internationale après le passage de la tempête Leslie sur le Portugal, l’Espagne et le sud de la France. Et, selon les climatologues, il faudra s’y habituer. Quelques jours après le passage de la tempête Leslie, de grands quotidiens portugais, Correio da Manhã, Destak ou encore Diario de Coimbra consacrent plusieurs de leurs Une au coût des dégâts occasionnés. Au-dessus ou au-dessous des photos de bords de mer retournés, dans les interviews des sinistrés, on pose la même question : combien vont coûter les travaux ? Après les ravages des incendies de 2017, Une route complètement détruite par les inondations à Trèbes, dans l’Aude 15 octobre 2018 /© France 3 LR attisés par le passage de l’Ouragan Ophélia non loin des côtes portugaises, le pays doit de nouveau se mobiliser. Et c’est ce qu’il semble prêt à faire. Dans les journaux, on se félicite des alertes données suffisamment tôt et de la prudence des habitants qui permettent au Portugal de ne déplorer aucun mort. Par ailleurs, Destak indique, ce 18 octobre, que le gouvernement va organiser un recrutement exceptionnel en vue des travaux publics de reconstruction ainsi qu’une levée de fonds de 10 millions d’euros pour les communes les plus impactées. Un coût humain douloureux

Côté français, c’est également l’heure du bilan. Humainement beaucoup plus lourd : 14 morts. Le Parisien, FranceInfo, OuestFrance, LaPresse, tous rappellent que, malgré l'essoufflement des vents depuis leur entrée dans les terres, il est tombé, en quelques heures, l’équivalent d’environ trois mois de pluie sur le sud de la France. Les inondations inévitables ont tout emporté. France3 insiste sur les chiffres : 1 000 kilomètres de routes touchées, 4 ponts détériorés, 5 communes encore privées d’eau potable, 17 collèges fermés à cause des infiltrations. Et tout comme au Portugal, on se demande combien cela va coûter. Emmanuel Macron a annoncé, de son côté, un déblocage de 80 millions d’euros. Par ailleurs, sur FranceInter, certains urbanistes aimeraient que la reconstruction se fasse avec moins de bétonisation qu’ils estiment responsable d’une forte amplification des dégâts. En Espagne, la presse, mobilisée autour des 12 morts lors des inondations à Majorque, s’étend moins sur Leslie. La tempête a fait moins de dégâts qu’au Portugal et en France mais deux morts quand même, titre El Mundo. El Pais et ABC, de leur côté, détaillent les dégâts occasionnés de manière relativement localisée : plusieurs rivières ont débordé en Catalogne et des coupures d’électricité ont eu lieu un peu partout en Tarragone. Si l’Espagne espérait un peu de répit, El Mundo annonce l’arrivée d’une nouvelle “goutte froide”, nom donné à cette fameuse “poche froide” qui, si elle rencontre l’air chaud et humide de la Méditerranée, peut déclencher un épisode chaotique. LeFigaro effectue un bilan plus large en parallèle du rapport du Giec : quelles que soient les préventions, les événements climatiques extrêmes vont s’amplifier à cause du réchauffement de la Méditerranée, “l’intensification des pluies est d’environ 20% sur la zone méditerranéenne depuis 50 ans”. Sophie Repoux

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DOSSIER

La fonte des glaciers accélère. ©MB

Rapport du GIEC : maintenant ou jamais Un rapport du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), a été publié le lundi 8 octobre, à l’intérieur duquel, des chercheurs alertent le monde sur les risques d’un réchauffement

climatique trop élevé. Une évolution brutale des températures pourrait être lourde de conséquences, mais], les experts restent optimistes. Cependant, il faut agir vite !

Depuis 1988, le GIEC établit des bilans à Dans ce document de 400 pages, nous travers des travaux réalisés par des milretenons que cela entraînerait de vériliers de chercheurs, analysant notamment tables catastrophes naturelles (canicule, l’évolution du climat, ses conséquences, ses inondations etc…), affecterait la produccauses et ses solutions. Depuis 2015 et les tion agricole, notamment celle du blé en accords de Paris sur le climat, la hausse des Afrique, réduisant ainsi notre quantité de températures est au cœur de tous les débats, nourriture mondiale. À + 3°C, les milieux et l’avenir de notre planète inde vie de certaines espèces aniquiète les professionnels concermales ou végétales pourraient La température nés. La température moyenne s’est être anéanties. Les récifs coralréchauffée de 1°C au 20ème, avec moyenne s’est réchauf- liens disparaîtraient à 99 % et une nette accélération entre 1950 la fonte de la banquise arctique fée de 1°C au 20ème fonderait tout les 10 ans au lieu et 2000. Aujourd’hui, on annonce 1,5°C d’ici 2030 à 2052. Atteindre de tout les siècles. Mais ce n’est ce seuil de température serait un désastre pas tout, certaines populations seraient enpour l’avenir de notre planète : il en menacore plus vulnérables à la pauvreté, car cercerait l’équilibre. Ecosystème, biodiversité, taines terres seraient rendues incultivables. de nombreuses d’espèces animales et végéDe plus, les scientifiques se questionnent. tales seraient mises en péril. En cause, les Cette hausse pourrait-t-elle atteindre les émissions de gaz à effet de serre qui restent 2°C d’ici 2100 ? L’impact serait d’autant plus à ce jour une des plus grandes causes du désastreux : le niveau des mers augmenteréchauffement climatique. rait à un tel point qu’il menacerait certaines régions du globe, certains pays pourraient Catastrophes naturelles et disparitions être rayés de la carte. Des villes comme d’espèces sont à prévoir Bangkok, Malé ou même San Francisco seraient menacés. C’est pour cette raison qu’il En clair, quelles seraient les conséquences est important de limiter le réchauffement d’un tel seuil de température sur notre plade la planète à 1,5°C. Tout est encore posnète ? sible mais, comme le disent les experts, il est nécessaire de se dépêcher.

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Réduire les émissions de gaz à effet de serre, planter des forêts, changer nos comportements, permettrait d’envisager un avenir plus dégagé. Conjuguer des efforts communs afin de parvenir à sauver la planète, tel est le souhait de nombreux pays qui s’allient dans cette lutte contre le réchauffement climatique.

Pour encourager les Etats à revoir à la baisse leurs ambitions, l’accord a mis en place une réévaluation de ses engagements tous les cinq ans. Mais cette mise en place a ses limites, le prochain cycle de révision ne sera obligatoire qu’à partir de 2019. Mettre fin aux « énergies fossiles », « pétrole » et « charbon »

Il n’est pas trop tard pour réagir

La situation climatique mondiale prend un tournant alarmant, pour s’en tenir à leurs engagements, les pays ayant signés l’accord doivent impérativement changer de façon considérable leur manière de fonctionner. Les Etats-Unis, deuxième pays qui pollue le plus, se sont retirés des accords dès la prise de pouvoir de Donald Trump. Ce qui pose un vrai problème depuis plus d’un an, pour ne pas dépasser de 1,5°C la température moyenne de la terre, objectif donné par le GIEC. Ce dernier indique que si de gros changements ne sont pas adoptés très vite la température moyenne de la terre atteindra les 5,5°C à la fin du siècle. Le Brésil, pays émergeant, menace de quitter l’accord de Paris si Jair Bolsonaro prend la tête du pays, le 28 octobre prochain. Depuis 1950, la planète subit une hausse de 0,17°C chaque décennie, pour remédier à cela Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue française, pense qu’il faudrait « Contenir le réchauffement exige des actions très ambitieuses dans tous les domaines énergie, industrie, gestion des terres, bâtiments, transports, urbanisme, ce qui signifient un changement radical de comportements et de modes de vie. ».

Infographie de l’accord de Paris. ©AFP

Un accord universel

L’accord de Paris, né le 12 décembre 2015 à l’issu de la COP 21, est le premier accord universel sur le climat entré en vigueur le 4 novembre 2016. Il regroupe, en 2015, 197 pays qui s’engagent tous pour une baisse de leur production de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, qui provoque depuis des années un réchauffement de la planète. Le premier objectif de cet accord est de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C » par rapport aux niveaux préindustriels (1750-1850), pour que les risques de changements climatiques ne s’aggravent pas. Malheureusement les objectifs de baisse des émissions de GES ne risquent pas de baisser étant donné que selon les chiffres des émissions de chaque pays on devrait atteindre une augmentation de 3°C des températures globales, avant 2030 si les mesures prises ne sont pas adoptées.

Fleurestine Jaffrelot et Morgane Juvany

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DOSSIER

Le deuxième objectif majeur est d’atteindre zéro émission nette de CO2 (gaz, charbon, pétrole), ce qui consiste à devenir neutre en carbone d’ici 2050. Requière donc la mobilisation de nombreux moyens, à commencer par la réduction à la source de l’empreinte carbone. Un des manquements majeurs du texte, est qu’aucun des mots « énergies fossiles », « pétrole » ou « charbon »ne soient mentionnés. Alors que ceux-ci constituent la première cause du changement climatique, soit 65% des GES mondiales.


DOSSIER

Hourcade : Il faut « un minimum d’harmonisation entre pays » pour l’avenir du climat

Suite à la parution du rapport du GIEC paru le 8 octobre, les spécialistes ont montré leurs inquiétudes concernant le réchauffement climatique. Jean-Charles Hourcade, Directeur de recherche au CNRS, membre actif du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007 a accepté de nous livrer son témoignage. Que doit-on retenir du rapport du GIEC ?

En termes d’impact, il y a une réelle différence entre 1.5°C et 2°C de réchauffement. Cela veut dire que tout demi degré de réchaufJean-Charles Hourcade, Directeur de recherche fement compte et que s’orienter vers 3°C ou 4°C comme on le fait au CNRS. © JCH aujourd’hui nous expose à de mauvaises surprises. Ensuite, pour atteindre 1,5°C les conditions devraient concerner toute la planète, tous les secteurs. Elles exposent à des choix drastiques, qui vont de l’augmentation de l’énergie nucléaire en passant par des réformes fiscales de grande ampleur (une taxe carbone mais pas seulement) et ce, dans la quasi-totalité des scénarios publiés jusqu’à ce jour. De plus, plutôt que de s’attarder sur la possibilité de respecter les 1,5°C de réchauffement, les 2°C de l’accord de Paris voire 2°5 C sont possibles. Les débats, doivent porter sur les conditions à réunir pour qu’une action vigoureuse soit enclenchée. Pour cela une redirection forte des flux financiers est nécessaire, de l’ordre de 2,5 % de l’épargne mondiale. Quant à savoir à quel niveau de réchauffement cette action vigoureuse nous permettra de plafonner, personne ne le sait vraiment. Le GIEC ne l’évoque pas. On peut paraphraser un vieil adage « nul besoin d’être sûr de réussir pour entreprendre ». Alors que Donald Trump a annoncé son retrait de l’accord de Paris en Juin 2017, d’autres potentiels futurs chefs d’État, (Bolsonaro au Brésil), menacent d’en faire autant. Est-ce que l’avenir du climat peut se jouer sur des négociations de rang internationale ?

C’est en effet un des nœuds du problème. La transition « bas carbone » (consiste à créer une société utilisant le moins d’énergies fossiles) implique une redirection massive de l’épargne mondiale qui doit s’investir moins sur le foncier, l’immobilier ou les produits spéculatifs et davantage sur les infrastructures « décarbonées ». Cela passe par des réformes fortes du système financier international tel qu’il a été façonné à la fin des années 90. De même, la fiscalité restera une affaire de souveraineté nationale. Mais il n’y aura pas de basculements fiscaux de grande ampleur sans un minimum d’harmonisation entre pays, par exemple, pour maîtriser les questions des distorsions de compétitivité internationale. Des politiques climatiques réellement efficaces passent par la réforme des mécanismes de coopération multilatérale qui ont été construits dans le dernier demi-siècle, et seraient bloquées par leur démantèlement. Enfin, il y a la question de la coopération Nord-Sud quand on sait qu’environ plus de 60 pays en développement sont privés d’accès au financement. À l’échelle nationale, ne faut-il pas aussi revoir notre mode de développement, comme l’a suggéré Nicolas Hulot lors de sa démission ?

Oui bien sûr, toute transformation d’ampleur, comme celle que nous avons connue après-guerre implique à la fois les modes de consommation, les styles technologiques et nos modes d’occupation de l’espace. Et on en parle peu, mais des biens de consommation plus durable et la fin de la civilisation du jetable, on touche ici à la mode… En revanche, il faut mettre l’accent sur les mécanismes permettant de soutenir des évolutions différentes. Ils résident pour beaucoup dans un cadre économique, financier et légal réorientant très rapidement les choix d’infrastructures dans l’énergie, les transports et l’habitat. Revoir notre mode de développement c’est absolument nécessaire, et c’est ce qu’on doit retenir de la démission de Nicolas Hulot, il faut passer du domaine de l’appel général au débat plus prosaïque sur les choses à changer sur-le-champ. Sinon, on ne fera qu’aggraver le sentiment d’impuissance. Grégoire Noally

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Un « Trump tropical » aux manettes du poumon du monde ?

C’est avec un discours populiste et provocateur que Jair Bolsonaro, député de la première circonscription de Rio, a rassemblé 46,03 % des votes lors du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne. Le candidat du Parti social-libéral (PSL) qui veut ”nettoyer le pays des élites corrompues” a notamment fait campagne sur l’insécurité et la corruption. Conservateur de droite pour ses soutiens, populiste et nationaliste pour ses détracteurs, Jair Bolsonaro est surnommé par certain le ”Trump tropical”. Un surnom qu’il doit à la manière dont il a mené sa campagne mais aussi pour ses idées, notamment sur l’aspect environnemental.

Jair Bolsonaro veut sortir des accords de Paris

Le député de Rio l’a déclaré, le Brésil quittera l’accord de Paris sur le Climat s’il est élu. Prenant exemple sur les Etats-Unis, il souhaite affirmer son autonomie et une proximité avec Trump qu’il voit déjà comme un potentiel allié géopolitique. Dans cette campagne, les thèmes liés à l’’environnement n’ont été que peu abordés et laissés au second plan. Pourtant, cette élection pourrait avoir de graves conséquences sur l’avenir du Brésil et du monde. En effet, en 2015 la COP 21 avait acté entre chaque signataires une réduction des émissions de CO2 de manière à ”limiter la hausse des températures à 1,5 %”. Le Brésil, produit 2,48% du gaz à effet de serre mondial et se place comme la sixième puissance la plus polluante en 2015. Pourtant, dans ses discours, le candidat d’extrême

BRESIL

Alors que Jair Bolsonaro, candidat de l’extrême droite brésilienne, est en passe de devenir président du Brésil, son élection pourrait avoir de graves conséquences sur l’environnement.

Après avoir essuyé une tentative d’assassinat en septembre dernier, Jair Bolsonaro est maintenant à deux doigts de planter un coup de couteau symbolique dans l’accord de Paris de 2015. ©Veja Abril

droite a très souvent qualifié les enjeux autour du gaz à effet de serre de ”fables”. S’affranchir de cet accord permettrait à l’Etat brésilien de ne suivre que ses propres règles. Le candidat Bolsonaro souhaite créer ”un grand marché du gaz naturel” pour mettre en concurrence les entreprises privées et publiques, ce qui profitera, selon lui, aux consommateurs. De plus, le parti social-libéral souhaiterait réduire la part des énergies fossiles du pays, dont l’entreprise d’Etat Pretobras a l’exploitation exclusive. Cette position laisse entendre une privatisation de l’entreprise, premier employeur du pays. De plus, il propose aux petits producteurs de pratiquer une ”exploitation non-conventionnelle” du gaz brésilien, ce qui ouvre la voie à l’exploitation intensive des réserves de gaz de schiste du pays. L’Amazonie retient son souffle .

Nous l’aurons compris, le candidat de l’extrême-droite brésilienne n’est pas pro-environnement, même s’il souhaite le développement des énergies renouvelables, notamment dans les régions du sud. Dans son programme, il a

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prévu de supprimer le ministère de l’Environnement en donnant au nouveau ministère élargi de l’Agriculture les prérogatives du budget. Une décision qui selon les observateurs est due notamment au poids des lobbies avec qui Bolsonaro est ouvertement proche. Quant à l’Amazonie, poumon vert du pays et du monde, le ”Trump tropical” semble loin d’y faire cesser la déforestation, préférant les rendements des groupes agro-industriels, au détriment des populations autochtones qu’il souhaite obliger à ”s’adapter ou à disparaître”. Son arrivée au pouvoir risque de mettre en péril « l’activisme environnemental » mené au Brésil depuis le sommet de la Terre de 1992 organisé à Rio de Janeiro et le développement des biocarburants par le président Lula dans les années 2000. Si Jair Bolsonaro est élu, le Brésil devra faire face à un retour en arrière conséquent concernant les enjeux environnementaux, déstabilisant un peu plus le consensus mondial pour protéger notre planète. Réponse au second tour, le 27 octobre prochain. Arthur Blet et Clément Granon


L’INSTANTANÉ

Lac de Van : le nouveau désert de la Turquie. L’assèchement du Lac de Van s’est accéléré de façon dramatique ces derniers jours. Cette disparition alarmante de plusieurs centaines de kilomètres met en péril un écosystème majeur.. En seulement quelques jours, le plus grand lac de Turquie s’est asséché sur près de 150 mètres selon Rudaw Média Network. L’eau laisse désormais place à un désert aride et craquelé. Cet assèchement inquiétant serait dû à plusieurs vagues de chaleur au cours des derniers mois et à la surexploitation des eaux. Malgré tout, la disparition soudaine d’une si grande partie du lac est difficilement compréhensible, d’autant plus qu’en juin dernier la région enregistrait encore une montée des eaux grâce à une longue saison pluvieuse. Ces pluies importantes étaient parvenues à enrichir les réserves nutritionnelles du bassin. Le lac est particulièrement essentiel car, situé sur la route des grandes migrations, il permet à des centaines d’oiseaux de faire escale dans cette zone chaque année. C’est plus de 200 espèces d’oiseaux différentes qui ont été recensées dans ce secteur, une information de TRT, Radio Télévision de Turquie. Le lac constitue également le cinquième bassin aquatique en eaux douces de Turquie. Un titre bien compliqué à conserver si l’eau n’est plus présente. Si la situation ne progresse pas, on pourrait bientôt voir apparaître plusieurs vestiges découverts au fond du lac, comme un château vieux 3000 ans découvert l’année dernière à plus de 451 mètres de profondeur pendant que les milliers d’espèces qui côtoient ce lac disparaîtront. Bientôt comme en Iran ? Un scénario comparable à la mort programmée du lac salé d’Ourmia

en Iran, qui est aujourd’hui quasiment asséché. Le lac de 5000 km² en 1990 est tombé à 2000km² l’année dernière. Le manque d’eau affecte de plein fouet l’économie des quartiers attenants, ce qui implique que les habitants désertent les lieux. Les quelques résistants encore sur place doivent faire face à des tempêtes de sables qui étouffent la totalité des récoltes, les habitants se retrouvent dans l’obligation de creuser des puits, soit près de 11000 enregistrés. Là où l’on pouvait autrefois se baigner, il ne reste plus qu’une mer de sable et de sel. Les quelques baigneurs courageux doivent braver la chaleur, installer leur serviette sur des croutes de sel au bord d’une eau chaude. La baisse du niveau de l’eau accélère sa salinisation, avec plus de 30% de sel présent dans l’eau on assiste à une mort accélérée de la faune et de la flore de lac. Mickaël Robert

Vue aérienne du lac Van après une baisse du niveau de l’eau due aux conditions saisonnières, dans le quartier Enginsu de la province orientale de Van en Turquie, le 8 octobre 2018. ©OB

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L’INSTANTANÉ

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Blake Fischer : il démissionne de son poste après l’envoi de photos choc ANIMAUX

Sujet principal d’une polémique après son voyage en Afrique, Blake Fischer a décidé de démissionner lundi 15 octobre. Pour cause, le partage par mail de photos d’animaux tués de ses propres mains, alors qu’il occupait le poste de commissaire à l’Idaho (USA) destiné à assurer la protection de la faune et de la flore. « Animal super cool. Ils sont très nocturnes d’habitude, alors c’était vraiment unique », écrit Blake Fischer dans le contenu de ses mails. ©IS

“J’attends de chaque membre de mon administration l’exercice d’un bon jugement. Le commissaire Fischer n’y est pas parvenu. J’ai donc accepté sa démission”, déclare le gouverneur de l’Idaho Butch Otter devant les caméras du média local, l’Idaho Statesman. Le 15 octobre dernier, l’américain Blake Fischer livrait sa lettre de démission à Butch Otter. “Je m’excuse auprès des chasseurs et pêcheurs de l’Idaho que je devais représenter et j’espère que mes actions ne nuiront pas à l’avancée du département de la Pêche et de la Chasse de l’Idaho en termes d’intégrité et d’éthique”, écrit-il. Cet homme a été la tête apparente des derniers gros titres américains. Depuis quatre ans, Blake Fischer était un des sept commissaires du département de la Pêche et de la Chasse de l’Idaho, une institution de protection de la faune et de la flore. Mais sa passion pour la chasse lui a porté préjudice. A la suite d’un voyage il y a un mois en Namibie avec sa femme, les complications commencent. L’américain partage par mail à 125 de ses contacts, plusieurs clichés de lui, aux côtés de cadavres d’animaux, qu’il décrit avec fierté : “J’ai tué un léopard. Super cool”. On peut le voir poser avec une famille entière de babouins, une girafe, un léopard, un phacochère ou encore un impala. De la pétition à la démission

Parmi les destinataires se trouvaient ses amis et plusieurs de ses collaborateurs. Les images ont rapidement fait le tour du net. Les internautes se sont saisis de l’affaire. Et dimanche 14 octobre, une pétition en ligne demandant la démission de Blake Fischer a été lancée sur Change.org. L’ampleur de l’affaire fut si importante qu’elle s’est retrouvée entre les mains du gouverneur de l’Idaho, lui-même en faveur du départ du protagoniste. Le chasseur a donc accepté de se retirer de son poste, sans trop de regrets : “Je n’ai rien fait d’illégal. Je n’ai rien fait d’immoral. J’ai regardé la façon dont la loi du département de Pêche et de Chasse de l’Idaho gère tous les animaux pour l’Idaho, et comment chaque surplus d’animaux que nous remarquons sont destinés à la chasse, la pêche et à la capture. L’Afrique fait la même chose”, se défend-il auprès de l’Idaho Statesman.. Valika Robert et Thibault Ajaguin

C’est sourire aux lèvres que l’ex commissaire du département de la Pêche et de la Chasse, Blake Fishcher, pose avec une famille de babouins qu’il a tuée à coups d’arc de flèche.©IS

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Les Lyonnais marchent pour le climat, la Métropole traîne

C’est la deuxième Marche pour le Climat organisée à Lyon en cinq semaines. La prise de conscience citoyenne semble acquise avec une mobilisation ayant réuni par deux fois entre 10 000 et 15 000 participants. Mais le samedi 13 octobre, les citoyens attendaient de réels engagements de la part de la métropole de Lyon. En effet, la marche du 8 septembre avait abouti au vote, en conseil métropolitain, du vœu de cesser les investissements de la collectivité dans les énergies fossiles. Aussi, les organisateurs ont obtenu de la métropole une concertation citoyenne sur les différents volets du Plan Climat Air-Energie Territorial 20202030, censé établir la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre de la métropole. Alternatives Territoriales Grand Lyon, un des organisateurs contactés, explique néanmoins que les détails de l’organisation d’une telle consultation n’étaient pas établis, même si des ateliers sont prévus pour en discuter les contours.

Après 80 marches organisées en France et en Europe le 13 octobre, une nouvelle mobilisation à Lyon serait en cours de discussion selon Alternatives Territoriales Grand Lyon. © CG

Des engagements à demi-mesure

Assiégée lors de la dernière manifestation, la métropole donne de nouvelles réponses. Les premières actions du PCAT 2020-2030, seront soumises à un vote en mars prochain. Selon des informations de Lyon Capitale, une nouvelle rencontre entre les organisateurs et la métropole devrait être organisée. Mais attendue cette semaine, aucune suite n’a encore été donnée par la métropole. Cette dernière, si elle accepte d’impliquer associations et citoyens dans son Plan Climat, serait réticente à l’idée de rediscuter des objectifs de celui-ci et des mesures quant à la pollution de l’air. Prescillia Boisseau

Zéro Waste France porte plainte contre des fast-foods concernant le tri des déchets L’association contre le gaspillage alimentaire lance l’offensive. Le jeudi 18 octobre, Zéro Waste France porte plainte contre deux établissements des chaînes McDonald’s et KFC situés place de la République à Paris, pour « absence de tri des déchets en salle ».

Zéro Waste France porte plainte contre des fast-foods concernant le tri des déchets. ©Réponseconso.fr

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Après avoir observé l’absence de poubelles en salle et analysé les sacs une fois sortis du magasin, Zéro Waste France porte plainte, avec des photos à l’appui. Les deux établissements sont accusés de ne pas proposé de solutions de tri à ses clients, contrairement à une loi en vigueur depuis deux ans. « Le secteur de la restauration rapide est fortement producteur de déchets, pour la plupart recyclables », déclare par voie de presse Thibault Turchet, responsable des affaires juridiques de Zéro Waste France. « Il est urgent que ce secteur, et plus généralement les entreprises, respectent les réglementations qui leur sont applicables », conclut-il. A savoir qu’en France, seuls 79 restaurants McDonald’s possèdent un tri, contre 1 500 établissements ouvert sur le territoire. Concernant KFC, aucune solution de tri n’est mise en place dans l’hexagone. Les deux franchises risquent jusqu’à 75 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement. Comme quoi le non-respect du tri peut coûter cher. Léa Dubuc

HEXAGONE

À Lyon, la deuxième Marche pour le Climat et la biodiversité du 13 octobre a réuni plus de 10 000 personnes. .


VITE DIT

De Danone à l’Écologie, le grand écart d’Emmanuelle Wargon L’ex-lobbyiste de Danone, Emmanuelle Wargon, est devenue la nouvelle secrétaire d’État à l’Écologie. Mais le profil de la nouvelle nommée interpelle. Celle-ci défendait récemment l’utilisation de l’huile de palme dans les laits infantiles alors qu’elle occupait un poste de responsable en communication pour le groupe agroalimentaire français. De Danone, l’un des dix plus grands pollueurs de plastique au monde, au gouvernement où il faudra compenser le départ de Nicolas Hulot, la transition n’est pas évidente pour cette ancienne lobbyiste. La secrétaire d’Etat à l’écologie, Emmanuelle Wargon. ©EC

La mine d’or Nordgold en Guinée ou les pratiques discutées de la société Alors que la société russe Nordgold envisage d’ouvrir une mine d’or en Guyane, l’entreprise se heurte aux témoignages de villageois en Guinée, où la société gère déjà une mine, qui dénoncent les effets néfastes de l’exploitation sur leur quotidien. L’effet est d’abord désastreux pour la forêt, Les employés travaillent dans des conditions difficiles. ©DR où l’on coupe du bois en masse pour fabriquer les poutres placées dans les galeries des mines artisanales. Mais surtout, c’est extrêmement dangereux pour les orpailleurs eux-mêmes, dans une région où le climat tropical et les pluies diluviennes provoquent des éboulements fréquents, dans les galeries creusées avec les moyens du bord. Des techniques existent pour pomper rapidement l’eau en cas d’inondation, mais il y a quand même des morts.

Chine : une Lune artificielle pour se passer de lampadaires La Chine envisage d’envoyer dans l’espace un dispositif qui permettrait de refléter la lumière de la Lune. L’ambition est d’éclairer la ville de Chengdu pour la nuit. Le satellite géostationnaire serait équipé de grands panneaux solaires, qui permettraient aux 14 millions d’habitants de la commune de se passer de lampadaires et ainsi économiser beaucoup d’électricité. Ce projet, qui ferait des économies d’énergie, pourrait perturber le sommeil humain, selon certains biologistes. Par ailleurs, cela représenterait un danger pour la faune locale car le satellite désorienterait certains animaux comme les chauve-souris, oiseaux migrateurs et certains insectes. Ce dispositif économiserait de l’électricité. ©AFP

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