

Un réserviste au cœur de la jungle
L’arrivée en Guyane et le début des exercices
| Sergent Quentin Szumski, Fusiliers Mont-Royal et Servir
N.D.L.R. L’hiver dernier, sergent Quentin Szumski a séjourné pendant huit semaines en Guyane française pour effectuer le stage Jaguar, un stage de commandant de peloton (PON) en milieu équatorial. Donné par le 3 e Régiment étranger d’infanterie (3 REI) de la Légion étrangère, ce stage se classe parmi les plus difficiles au monde. Servir publie ici le premier article d’une série de quatre.
Le Jaguar se compare aux formations données à Manaus au Brésil ou à Lanceros en Colombie. II s’agit de huit semaines de formation sous la gouverne des instructeurs du Centre d’entraînement en forêt équatoriale (CEFE). Le stage se divise en quatre phases, inégales en longueur.
T0 : la semaine d’acclimatation
À Kourou, nous nous acclimatons au 3 REI. On apprend les systèmes d’armes que l’on utilisera, la navigation, les communications et l’évacuation sanitaire, principalement par brancardage. La mise en condition est immédiate et à la manière de la Légion : nous sommes debout de 4 h 30 à minuit, sous une chaleur excessive. Les nuits sont difficiles. On se réveille constamment en sueur, notre lit de camp trempé. Les installations sont rustiques et une poubelle d’une centaine de litres fait office de chasse d’eau. Le déjeuner se résume à un bout de pain, une viennoiserie et un verre d’eau. Chaque déplacement est l’occasion de faire le tour extérieur de la base à la course.


T1 : l’aguerrissement
C’est la phase la plus connue, la plus médiatisée et la plus dure physiquement et mentalement. Elle débute le dimanche soir, à 19 h. Jusqu’aux petites heures du matin, nous entendons des coups de clairon. Chaque fois, il faut se rassembler à l’autre bout de la base en moins de deux minutes et accomplir une tâche. Un retard ou un manquement aux directives nous vaut une punition.
Après les premiers coups, nous déshabiller et nous allonger sur nos lits n’était plus une option. On s’étendait par terre en attendant le prochain coup du destin. Vers 4 heures, une course rapide de 8 km en habit de combat, le « treillis », mais sans chemise nous a permis de finir secs comme des raisins à cause de la température et de l’humidité. Ont suivi un test de nage sur place avec treillis et armement, et deux longueurs de piscine. Une dizaine de personnes ont échoué par manque d’entraînement ou d’épuisement.
Nous sommes ensuite partis pour le CEFE. Deux heures de bus pendant lesquelles il était interdit de dormir. L’instructeur a usé de son sens de l’honneur et de sa créativité pour nous garder éveillés. L’épaule de mon binôme, un Indien commandant de compagnie de Gurkhas, a subi mes coups pendant plus d’une heure en raison de sa pauvre résistance à la fatigue ! L’instructeur nous a fait crier notre numéro de candidat à haute voix, en ordre chronologique et à l’envers, pendant plus de 90 minutes. Je ne me suis jamais senti aussi stupide !
À destination, on a découvert les courbes d’élévation guyanaises pendant un bon 4 km avant d’arriver au centre. Au niveau jungle, les courbes sont très fortes, sur de courtes distances. À mi-parcours, une petite station pour ramper dans de la boue orange et liquide nous attendait. Une fois que chaque personne, son équipement et son armement ont été bien colorés, nous sommes repartis sur une montée interminable de plusieurs centaines de mètres. Arrivés tout en haut, au centre, nous avons déposé nos sacs et débuté des tests physiques comme les push-ups, pull-ups, set-ups, montées de corde sans les pieds et autres !
Les connaissances s’additionnent
Nous avons eu des leçons sur les animaux, les végétaux et la survie (feu, chasse, pêche, etc.). Après cette phase et au terme de celle de combat, nous aurons expérimenté des périodes de survie et différentes pistes à obstacles. Nous aurons également reçu des leçons sur la traverse de coupure humide avec corde (traverse de rivières avec cordes et mousquetons), les brancards aquatiques ou la nage commando dans le courant. Nous aurons aussi appris à faire une quinzaine de nœuds, utiles pour se déplacer dans l’eau, sécuriser nos armes ou faire des brancards.
Durant la présente phase, chaque soir, c’est la même routine : lessive et toilette personnelle à la rivière, nettoyage des armes et de l’équipement collectif, souper, traitement des blessures, soins des pieds et bivouac (non tactique) pour ensuite nous reposer jusqu’à 4 h 30. À 5 h 30, il fallait avoir déjeuné, s’être rasés et être prêts pour l’inspection !
Dans la prochaine édition de Servir : la seconde partie de la phase d’aguerrissement.
Qui est Quentin Szumski ?
Le sergent Quentin Szumski s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes en 2015. À l’époque, son but était d’avoir un emploi étudiant pendant qu’il effectuait ses études universitaires. Il a choisi de devenir fantassin au sein des Fusiliers Mont-Royal.
Il a tellement aimé son expérience que neuf ans plus tard, il est toujours membre de l’unité de réserve montréalaise. À temps plein au régiment depuis la fin de ses études et il est présentement affecté à la cellule des opérations régimentaire depuis 5 ans.
Depuis le début de sa carrière militaire, le militaire a participé à un déploiement national lors la pandémie de la COVID -19 (Opération LASER) et un déploiement à l’étranger (Opération IMPACT Roto 6, au Liban). Il a aussi eu l’opportunité de participer à la compétition internationale de reconnaissance Canadian Patrol Concentration en tant qu’adjoint de section.
Le stage Jaguar est une réalisation dont il est particulièrement fier et une expérience dont il dit être revenu changé. Nunquam Retrorsum est la devise des Fusiliers Mont-Royal. Sergent Quentin Szumski l’incarne : il ne recule jamais.


Un réserviste au cœur de la jungle
L’aguerrissement se poursuit
| Sergent Quentin Szumski, Fusiliers Mont-Royal et Servir
N.D.L.R. L’hiver dernier, sergent Quentin Szumski a séjourné pendant huit semaines en Guyane française pour effectuer le stage Jaguar, un stage de commandant de peloton en milieu équatorial. Donné par le 3 e Régiment étranger d’infanterie (3 REI) de la Légion étrangère, ce stage se classe parmi les plus difficiles au monde. Servir publie ici la seconde partie de son récit.
La phase d’aguerrissement du stage Jaguar est la plus connue, la plus médiatisée et la plus dure physiquement et mentalement. Elle se déroule au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE).
Nous avons commencé notre deuxième phase de survie avec une mise en condition de deux heures où nous avons vidé nos sacs et présenté chaque article à l’instructeur. Il s’agissait d’une fouille complète où l’on a retiré un article à la
fois de notre personne, veste tactique et sac à dos, en faisant des pushups ou la marche du prisonnier en attendant les autres pendant deux heures. Une fois tout le matériel contrôlé, nous n’avions plus accès qu’à certains articles pour la survie. Ça s’est terminé par une course en caleçon, avec des bottes sans lacets, jusqu’à la rivière où nous avons enlevé notre dernier morceau de linge pour nous assurer que personne ne tricherait pendant la survie.
Nous serons affamés pendant les trois prochains jours
Nous nous sommes déployés, allégés, avec un kit de survie, des bottes sans lacets, une machette, une bouteille d’eau vide et une bonne déshydratation ! Cette phase a duré trois jours. On nous a évalués sur nos capacités à construire un abri de peloton, un radeau et une table de boucanage, ainsi qu’à faire un feu de signalisation et du trappage. Pas facile à accomplir avec peu d'eau et aucune nourriture
Les patrouilles de reconnaissance nous ramenaient très peu de fruits. Aucun gain avec la pêche et le trappage. Lors de la dernière journée, moyennant une promesse de virement Interac, des pêcheurs nous ont légué trois poissons et un caïman. Je n’avais jamais vidé un poisson de ma vie ni même un caïman ( !), mais je l’ai fait pour le dîner avant notre extraction. Une fois les instructeurs arrivés, nous avons dû nager pendant une heure avec notre radeau, le tout suivi de la piste à obstacles Pécari pour nous remettre en condition.
L’épreuve de la piste Jaguar a été difficile. Chaque obstacle est un casse-tête où, à tour de rôle, les candidats sont évalués comme chef de groupe. La piste s’exécute avec un sac de patrouille contenant un bidon d’eau et une arme factice bleue. Pour la plupart des obstacles, nous sommes immergés dans la boue jusqu’à la taille ou nous sommes dans les arbres. On souffre pendant 5 à 6 heures en se demandant si l’on arrivera un jour à la fin. Malheureusement, nous avons dépassé l’entièreté des obstacles. Notre groupe a donc échoué en raison des pénalités.
L’épreuve ultime a été la piste Brancardage où nous avons porté un brancard de 70 kg sur 400 mètres, avec un de la boue jusqu’au nombril. Certains ont dit que cela avait été le défi le plus difficile de leur vie, car ils sentaient qu'ils allaient mourir coincés dedans. La boue était tellement dense et profonde qu'aucune technique ne fonctionnait. Il fallait sortir sa hargne pour accomplir chaque petit pas et avoir la chance de tomber sur une racine. Après deux heures à nous débattre, il nous restait environ 100 mètres à parcourir. Notre groupe a échoué à l’épreuve.






La phase d’aguerrissement se
termine
Cette phase s’est terminée par la journée synthèse de l’aguerrissement, exclusive au stage Jaguar. Dès l’aube, on commence par l’évaluation de la piste combinée chronométrée : nager à travers la rivière, courir une montée pour atteindre la piste Liane, exécuter la piste Liane, courir en descente jusqu’à la piste Pécari et l’exécuter. Aucun dîner et on poursuit avec des évaluations : identifier des plantes, allumer des feux sous une légère pluie, traverser une coupure humide. On nous fournit ensuite un GPS et un point de ralliement, ce dernier étant situé à deux heures de pirogue ! Une marche avec ruck sack de deux heures suit où nous affrontons, à contre-courant et avec pagaies, un marécage et des courbes de niveau. Nous arrivons finalement au CEFE après une montée de 90 minutes en forêt pendant laquelle nous avons brancardé un collègue.
Après cette grosse journée sans approvisionnement calorique, nous avons découvert que le supposé barbecue à la fin de la phase n'était qu'une fausse rumeur. Nous sommes revenus à la réalité avec des rations et le nettoyage des armes jusqu’à 3 heures du matin.
À ce stade-ci de mon expérience, mes constats étaient les suivants :
• L’environnement est extrêmement agressif.
• Nous souffrons de plusieurs infections durant cette phase.
• L’hygiène est plus importante que tout.
• L’humidité est extrême ; nous sommes toujours mouillés et en sueurs.
• Dès que je bois, l'eau ressort immédiatement en sueur.
Dans la prochaine édition de Servir : la phase de combat
Les instructeurs
« Afin de soumettre constamment les stagiaires à une pression mentale et physique, les instructeurs sont très exigeants et rudes », explique le sergent Quentin Szumski. « La méthode Légion pour le stage Jaguar, c’est “on te le montre une fois et c’est tout”. Ensuite, tu es censé avoir acquis la compétence et la restituer sans erreur ». Le réserviste poursuit en indiquant que les instructeurs, surtout les adjudants-chefs, sont des machines de guerre physique et mentale. « C’est une armée plus rustique où les priorités sont l’excellence des compétences et détruire l’ennemi. Le reste semble être secondaire. »



Un réserviste au cœur de la jungle
Le début des missions évaluées
| Sergent Quentin Szumski, Fusiliers Mont-Royal, et Servir
N.D.L.R. L’hiver dernier, sergent Quentin Szumski a séjourné pendant huit semaines en Guyane française pour effectuer le stage Jaguar, un stage de commandant de peloton (PON) en milieu équatorial. Donné par le 3 e Régiment étranger d’infanterie (3 REI) de la Légion étrangère, ce stage se classe parmi les plus difficiles au monde. Servir publie ici la troisième partie de son récit.
Nous entamons la T2, c’est-à-dire la phase combat. Nos salles de classe étant devant la lisière de la jungle, nous avons commencé par les leçons sur les manœuvres tactiques, suivies des pratiques en direct. Presque quotidiennement, nous avions des cours de C4 (le cours de combat sans arme français) à saveur Légion. Un bon deux heures d’entraînement pour se réveiller, rien de mieux pour commencer une bonne journée après une nuit passée dans le clos !

Une fois la matière passée, les missions évaluées ont commencé sous le même format de procédure de bataille que lors de nos cours de carrière. La seule différence : il n'y a pas de blocs d’heures précises alloués à chaque candidat. Tu peux avoir une mission d'une demi-journée ou d'une journée, selon le verbe de mission et les déplacements à faire. À cause de la barrière linguistique, seuls les francophones (les Français, moi-même et le Belge) ont agi à titre de commandant de peloton, à l’exception des deux officiers des forces spéciales espagnoles qui ont pu faire leur mission dans leur langue.
J'ai passé mon évaluation de commandement sur une embuscade délibérée d’une section ennemie patrouillant sur un sentier. On a aussi effectué des champs de tir bushlanes live progressifs avec des cibles semblables à nos Lockheed Martin, et du tir de nuit avec lunettes de vision nocturne. De façon progressive, nous les avons commencés en trinôme pour atteindre un niveau avec plusieurs sections incluant simulations de blessés et booby trap.



avec une insertion en pirogue, suivie d’un long parcours à pied et d’une extraction sous contact en pirogue avec notre réponse en tir réel. À aucun moment nous ne devions nous retrouver avec un enrayage causé par un chargeur vide. Il fallait toujours faire une vérification de chargeur ou une transition avec le 9 mm avec une réponse en tir réel.
Nous allons subir les mauvais traitements de notre ennemi
Le gros bloc suivant a été le module SERE Bravo (Survie, Évasion, Résistance et Extraction). Il s’agissait d’une simulation de patrouille perdue en territoire ennemi. L’exercice a commencé par une procédure de bataille (un ordre de mission) jusqu’au déploiement en pirogue. Ensuite, les instructeurs nous ont inspectés et nous ont laissé l’équipement minimal : une bouteille d'eau vide, un briquet, un kit de survie, un hamac tactique, un coupe-coupe (machette), une ration de survie et nos armes. Une fois partis, on s’est fait embusquer sur les pirogues. Chaque section a dû rejoindre plusieurs points d'extractions, dispersés sur de longues distances, qui ont été compromis et surveillés par l’ennemi pendant trois jours.
Pendant tout ce temps, nous mangions des morceaux de notre ration de survie, en soupe, que nous partagions le soir. Le deuxième jour, nous sommes tombés sur une tortue. Cela apporte un peu de réconfort, mais c’est très peu nourrissant pour une dizaine de personnes. Sans compter le goût peu extraordinaire. Le troisième jour, nous avons trouvé un paquet de semoule d'ail, un oignon et des sachets de sucre dans un abri d'instruction en pleine jungle. La chance nous a apporté une collation de fortune. Lors du dernier point d'extraction, dans un village "abandonné" servant au trafic de nourriture par les orpailleurs, nous avons réussi à faire du chantage avec le gardien des lieux pour avoir une boîte de lentilles et un peu de riz. Ce fut la fin de la partie survie. La partie capture de l’exercice commençait !

maximal. Un par un, nous nous sommes fait interroger. Nous avons suivi les procédures de capture de l’OTAN et nous avons été remis dans le conteneur.
Environ une à deux heures plus tard, on nous a déplacés en haut sur le camp. On nous a fait faire des tours, prendre des positions inconfortables et l’on a rapidement vu le médecin pour une vérification rapide de notre état de santé après les trois jours de survie. Ensuite, on nous a emmenés dans un garage pour expérimenter la position que j’ai baptisée le dauphin mort. Nous étions allongés sur le bras et la hanche du même côté, notre corps faisant un arc de cercle avec l’autre bras dans le dos. Cela a duré assez longtemps pour qu’on se demande si notre bras allait survivre !
Pour finir, on nous a installés en position assise, sans support et menottés à un collègue. J’estime que nous sommes restés comme ça un minimum de six heures. Pour nous empêcher de dormir, nos ravisseurs aimés nous ont versé des verres d'eau froide dessus ou nous ont arrosés au tuyau.
Mon manque de flexibilité a encore plus amplifié la souffrance de mes jambes, mes fesses, du bas de mon dos. La peau de mes mains était complètement fripée et j’avais un début de mycose sur le postérieur. L'ennemi nous a offert une gorgée d'eau à deux reprises durant la nuit et un petit biscuit comme déjeuner. À 5 h 30, nous avons entendu de la musique enregistrée, des chants légionnaires, en provenance du centre. Merci pour le repère temporel ! Environ une heure plus tard, on nous a entassés dans

dans la rivière. On nous a emmenés dans un village et l’on nous a transmis un autre point d’extraction à pied, à trois kilomètres à vol d’oiseau. Cela nous a pris cinq heures, sans aucun équipement, sans eau ni nourriture pour rester dans l’esprit de l’exercice.
La synthèse finale de combat sans arme
Immédiatement après l’extraction finale du SERE Bravo, nous sommes revenus au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE). Nous avons grignoté ce qui se trouvait dans nos sacs pendant qu’on s'équipait pour la synthèse finale de C4 (combat sans arme) avec rucksack, ce qui correspond à la 4e journée du scénario. Le tout a commencé par une course de la plage vers la pente abrupte qui mène au centre, suivie de stations d’exercice physique, de mises en situation et des combats finaux. À certaines stations, quelques staffs se sont amusés à nous donner des coups pleine puissance pour essayer de nous mettre K-O. Personnellement, n’ayant pas de protecteur buccal, je suis resté debout, mais j’ai eu mal aux dents.
Une fois l’exercice terminé, place au réconfort : pour le souper, les instructeurs nous ont amené une soupe faite maison et du jus de fruits.
Dans la prochaine édition de Servir : la dernière étape du stage Jaguar
Pour lire les deux premiers chapitres du récit de sergent Szumski
Quelques constatations :
• Ce n’est pas tous les pays qui investissent dans les compétences de soldat de base de leur officier. C’est dur de garder son sangfroid avec certains candidats du stage qui n’ont pas conscience d’être dangereux avec les arcs de leurs armes.
• C’est une phase très axée sur le leadership, le commandement et la prise d’initiative. La plupart des étrangers qui ne comprennent pas la langue ne s’impliquent presque pas.
• La fatigue commence à être chronique.
• On saute souvent des repas à cause des missions et on devient complètement accro aux aliments sucrés dans les rations.

Un réserviste au cœur de la jungle
Le stage arrive à sa fin
| Sergent Quentin Szumski, Fusiliers Mont-Royal et Servir
N.D.L.R. L’hiver dernier, sergent Quentin Szumski a séjourné pendant huit semaines en Guyane française pour effectuer le stage Jaguar, un stage de commandant de peloton (PON) en milieu équatorial. Donné par le 3 e Régiment étranger d’infanterie (3 REI) de la Légion étrangère, ce stage se classe parmi les plus difficiles au monde. Servir publie ici la dernière partie de son récit.
Nous sommes maintenant rendus à la phase synthèse de notre stage, la T3. Elle est constituée d'un exercice de cinq jours en Martinique, suivi d’un exercice régimentaire de quatre jours à Cacao, en Guyane française. Pour la première partie, la préparation et le set d’ordres ont été donnés au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE) du 3 REI situé
à Kourou, en Guyane. On pourrait ainsi commencer les ordres de missions à notre sortie de l’aéroport, une fois arrivés en Martinique. Nous nous sommes déplacés en avion militaire. Durant les cinq jours, on n’a pas croisé d’environnements comparables à ceux que nous avions connus en Guyane. Il s’agissait plus d’une savane sèche, impénétrable, et présentant des courbes d'élévation constantes, très abruptes. On devait se déplacer en secteurs civils, sur les sentiers et sur les routes. Le principal défi, en dehors des missions qui se sont succédé sans arrêt, a été l’accès à l’eau. À quelques reprises, on a dû rationner l’eau des jerrycans. Il faisait tellement chaud et sec que notre sueur et nos habits mouillés séchaient immédiatement.

de fin de cours à Kourou, sur le terrain de parade du 3 e Régiment étranger d’infanterie. On aperçoit le sergent Quentin Szumski portant son uniforme canadien (avant-dernier de la rangée).

Les missions se succédaient et nous prenions le contrôle d’objectifs civils d’envergure. Nous avons fini avec une phase défensive au Centre nautique d'entraînement en forêt (CNEF), du 33e Régiment d’infanterie de marine. Lors de cette dernière mission, j’ai été évalué comme adjoint de peloton. Nous avons rationné les munitions, car nous ne pouvions compter que sur la dotation initiale reçue dans l’avion. Pendant les cinq jours, nous ne pouvions pas être ravitaillés.
De retour en Guyane pour l’affrontement final
Une fois l’exercice terminé en Martinique, nous sommes retournés en Guyane en avions militaires pour nous déployer immédiatement à Cacao sur l'exercice régimentaire.
Il s’agissait d’un exercice de type Force on Force du peloton Jaguar contre une compagnie du 3 REI. Il s’en est suivi une multitude de manœuvres offensives et défensives. Bien que les membres du 3 REI étaient les gentils dans le scénario, donc les gagnants par défaut, on se faisait battre assez facilement. Leur cohésion et leurs compétences ont suscité notre respect.
Lors des derniers jours, nous avons eu accès à leur véhicule haute mobilité ainsi qu’aux transports de troupes. Suite à la dernière mission, vers 1h du matin, nous avons eu une cérémonie par le feu et nous avons reçu les t-shirts du cours. Cependant, cela ne nous garantissait pas d’obtenir notre brevet. Il y avait une dernière réunion d’instructeurs, le dernier
jour, pour mettre à jour les notes et performances de chaque candidat par phase, durant l’entièreté du stage.
Une fois la cérémonie terminée, on a eu un petit moment de cohésion avec les instructeurs (bières et cigarettes). Sans surprise, le stage n’était pas encore terminé. À 3 heures du matin, nous étions encore en train de nous laver dans le lac de la commune (c’était mérité !) et à 6 heures, nous étions debout pour démarrer la journée qui se terminerait par le dîner régimentaire à Cacao. De retour à Kourou, nous avons entamé le nettoyage des armes, la remise de l’équipement et ce fut la cérémonie de brevet le dernier jour.
Au terme de cette longue expérience, quatre candidats n’ont pas reçu le brevet, un s’est retiré de manière volontaire et un autre a dû se retirer pour des raisons médicales.
Selva !
Quelques constatations :
• 8 semaines, c’est long !
• Toute une expérience de vie.
• On revient avec des infections et des bobos.
• On garde contact avec les meilleurs camarades. !
Lors de la parade de fin de cours, un des instructeurs attache le badge jaguar sur l’uniforme de sergent Quentin Szumski.
« J’ai ressenti de la joie et une certaine fierté d’avoir fini le stage, mais surtout énormément de respect envers cet instructeur qui était responsable de la phase combat. Tous les instructeurs sont des adjudants-chefs et c'est celui-ci qui nous a donné les leçons de tactiques. C’est un tacticien et un instructeur hors pair, qui forge le respect par son expérience, sa présence et son aura. »
Merci à vous !
Si j’ai réussi le Stage Jaguar, c’est grâce à plusieurs personnes :
• Mael Belcourt, moniteur en conditionnement physique et sport aux Programmes de soutien du personnel. Il m’a entraîné à la natation au Collège militaire royal de Saint-Jean. Pendant deux mois, à raison d’une ou deux fois par semaine, il m’a proposé de dures séances d’entrainement à la piscine. Il est un coach très compétent. J’étais un des meilleurs nageurs du stage et mon niveau de préparation était bien supérieur au niveau requis pour cette itération.
• Adjudant Benoit Toillon, adjudant des opérations et PSFR aux Fusiliers Mont-Royal. Aussi détenteur du brevet du Stage Jaguar, il a tout fait pour que je sois sélectionné et il a réussi à obtenir la position. Par la suite, il m’a offert du suivi et son temps. Il m’a prodigué ses conseils et aiguillé pour que je puisse passer au travers.
• Ma chaîne de commandement à l'époque, le commandant des Fusiliers Mont-Royal, lieutenant-colonel Dominique Pilon, et le commandant adjoint, major Serge Turcotte. Ils ont accepté cette opportunité et ont soutenu ma candidature.
• Les instructeurs du 3 REI pour m’avoir transmis leur savoir et leur esprit de guerriers indéfectibles. Des remerciements aussi pour nous avoir poussés dans nos retranchements comme personne ne l'avait jamais fait avant.
