IWACU 577

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IWACU N°577 – Vendredi 3 avril 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

3e cas de Covid-19

Et la suite ?

ÉCONOMIE Brarudi/SYLITRAB : le fossé s’élargit

DROITS DE L’HOMME P.7

Un journaliste d’Iwacu menacé de mort par un élu

AU COIN DU FEU Avec P.8

Gaspard Kobako

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LA DEUX

Vendredi, 3 avril 2020 - n°577

Editorial

En coulisse

Sur le vif

SYNAPS plaide pour sa protection Covid-19 : Pour que la peur ne prenne pas toute la place Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

O

n est en plein dedans, le coronavirus est dans nos murs. La menace est bien réelle. Deux cas ont été recensés, avérés positifs à Bujumbura. Le ministre de la Santé l’a déclaré lors d’une conférence de presse, ce 31 mars. Dès l’annonce, l’angoisse, l’anxiété et la peur ont gagné les Burundais. « Quelle est la suite ? », une question qui continue à hanter plus d’un. Les réseaux sociaux ont empiré la situation en diffusant souvent de fausses informations. Il y a une surexposition à l’information sur la transmission de cette épidémie. On a l’impression chacun s’érige en expert en matière de virologie et d’épidémiologie. N’importe qui avance un avis sur tout sans avoir nécessairement de connaissances sur ce sujet hautement médical. Ce qui désoriente, déroute surtout le citoyen lambda. Une enquête menée par Iwacu montre que certains commencent à quitter Bujumbura pour l’intérieur du pays. Pour eux, les deux personnes testées positives ont été dans des banques, des restaurants, des bistrots, au port… « Sans doute que la plupart des citadins sont déjà atteints, ils sont dans la phase de l’incubation du virus. » La stigmatisation, la réprobation envers certaines personnes qui auraient été en contact avec « les deux malades » commençaient à s’installer. On tend vers une “totale psychose”. Je salue le ministre de la Santé qui vient de couper court à cette situation. Dans un point de presse de ce 2 avril, il vient d’informer le public que seule une personne a été testée positive parmi les gens qui ont été en contact avec les deux premiers cas. Un troisième cas donc. Merci monsieur le ministre pour cette précision. Le coronavirus est présent au Burundi. C’est dommage. Pour le moment, le plus important, ce n’est pas de paniquer, de s’alarmer, de chercher des boucs émissaires. La peur peut annihiler davantage les prises de décisions rationnelles. L’heure est plutôt à la mobilisation et à la sensibilisation. Avec des mots simples, expliquer la transmission du covid-19, la prévention et la lutte contre sa propagation. La tâche n’incombe pas seulement au gouvernement ou à d’autres officiels. C’est une affaire de tous de faire respecter les consignes des autorités sanitaires et politiques, tout en sachant que la charité bien ordonnée commence par soi-même. On est tous vulnérable, mais l’on peut éviter la contamination, en faisant preuve de comportement responsable, civique et collectif. Ensemble, bannissons le scénario fataliste et pessimiste pour que la peur ne prenne pas toute la place chez les Burundais.

Le Syndicat National du Personnel de la santé (SYNAPS) demande au gouvernement de veiller à la disponibilité des équipements pour la protection individuelle des médecins et infirmiers contre cette pandémie. Son président voudrait également du gouvernement qu’il créée un centre national de prévention et de contrôle de l’infection.

En hausse

Bunge FC,

P

our avoir remporté le championnat de Beach Soccer, édition 2019, organisé dimanche 29 mars.

Bientôt à Gitega, le ministère des Droits de l’Homme D’après Martin Nivyabandi, ce déménagement vient répondre à cette nécessité de servir efficacement et équitablement la population. Parmi les raison du choix de la capitale politique, sa proximité avec les autres provinces. Les jours d’audience sont fixés mardi et jeudi.

De nouveaux noms pour les infrastructures publiques Le porte-parole du président de la République a indiqué, vendredi 27 mars, qu’à partir du 1er juillet, certaines infrastructures de la mairie de Bujumbura et de la capitale politique porteront les noms d’illustres disparus et de certaines « légendes » encore vivantes.

Ours Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction: Guibert Mbonimpa Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa

En baisse

Le(s) assassin(s) de Damien Kazungu et son fils,

P

our avoir tué à la machette Damien Kazungu et son fils Ezéchiel Dusabe, de la commune Bwambarangwe en province Kirundo, dans la soirée de mardi 31 mars.

Annonce

Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza, Edouard Nkurunziza Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société et Culture: Clarisse Shaka, Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Equipe technique : Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

Un chiffre

COMMUNIQUE DE RECRUTEMENT NORWEGIAN CHURCH AID (NCA), en collaboration avec INTERCONTACT SERVICES, recrute onze (11) collaborateurs H/F : 1. 2.

Manager Finance, HR & Administration basé à Bujumbura Coordinateur du Programme Climate Smart Economic Empowerment (CSEE) basé à Bujumbura 3. Coordinateur du Programme Climate Resilience WASH basé à Bujumbura 4. Technicien en énergie pour le programme Climate Smart Economic Empowerment (CSEE) basé à Kirundo 5. Technicien en cuisson propre basé à Kirundo 6. Assistant au Programme Climate Smart Economic Empowerment (CSEE) basé à Kirundo 7. Coordinateur du Programme Peace Building & Advocacy basé à Bujumbura 8. Assistant au Programme Peace Building & Advocacy basé à Kirundo 9. Assistant Comptable basé à Kirundo 10. Coordinateur Logistique basé à Bujumbura 11. Assistant Logistique basé à Kirundo Les TdRS complets ainsi que la composition du dossier de candidature sont postés sur le site : www.intercontactservices.com dans la rubrique Offres d’emploi. Les candidats intéressés doivent obligatoirement soumettre leurs dossiers de candidature à travers les liens fournis dans chaque appel à candidatures, avant le 9 avril 2020 à 23:59, heure de Bujumbura.

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2343 est le nombre d’abandons scolaires à Muramvya au premier trimestre de l’année scolaire 2019/2020.

Source : Direction provinciale de l’enseignement de Muramvya

Une pensée

« La solidarité est l’espoir du vivre ensemble dans une société démocratiquement durable. » Gabrielle Henry


L'ÉVÉNEMENT

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Covid-19 : la bataille ne fait que commencer…

Avec trois cas déjà déclarés de Covid-19, le Burundi est plus que jamais sur le pied de guerre. 50 lits avec respirateurs sur tout le territoire national, l’opinion se demande si le Burundi est suffisamment armé pour faire face à cette pandémie.

U

ne femme de 26 ans a été testée positive au Covid19. C’est l’annonce faite par le ministre de la Santé, Thaddée Ndikumana, à l’issue d’un point de presse tenu ce jeudi 2 avril dans la soirée. Le ministre a révélé que des tests avaient été effectués sur vingttrois « personnes contacts » des deux patients récemment testés positifs au Covid-19. M. Thaddée Ndikumana a ensuite déclaré que sur ces vingt-trois personnes dépistées, vingt-deux ont été testées négatives. « Un seul cas est revenu positif. Une jeune fille de 26 ans qui cohabitait avec un des deux patients récemment testés positifs », a précisé le ministre Ndikumana. Cette patiente, d’après le ministre, est actuellement suivie au ‘’Centre de traitement du Covid19’’ à la Clinique Prince Louis Rwagasore. « Son état général est bon », a souligné le ministre. C’est un ministre de la Santé, d’habitude très à l’aise avec la presse, qui, lors de l’annonce des deux premiers cas de malades testés positifs au Covid-19, ce mardi 31 mars, a semblé quelque peu crispé, évasif…Sans doute mesure-t-il la tâche titanesque qui l’attend. Cette nervosité semble attester qu‘au plus haut niveau, la situation n’est pas entièrement sous son contrôle malgré les assurances. En témoigne aussi, sa dernière sortie médiatique dans la soirée du mercredi 1er avril, s’empressant de rassurer la population : « Les usagers de la Clinique Prince Louis Rwagasore ne doivent en aucune manière avoir peur d’être contaminés. Puisque toutes

D’après certains experts, le Burundi devrait s’équiper davantage.

les dispositions ont été prises pour séparer le centre de traitement du Covid-19 avec les autres services de soins de l’hôpital ». Et de préciser : « Le travail d’identification et de mise en quarantaine des cascontacts des 2 personnes testées positives au Covid-19 se poursuit normalement.» Malheureusement, se désole H.N, un expert en santé publique, cette mobilisation est loin de suffire, tant que persistent certaines habitudes. Pour lui, plus que jamais, il est grand temps que les autorités habilitées décrètent des mesures claires empêchant le rassemblement des gens dans des endroits susceptibles d’accueillir beaucoup de monde. Idem pour les transports en commun. « C’est bien que la prière affermit la foi.

Mais, à ce stade, à tous les échelons, les administratifs se doivent d’éviter d’être laxistes et comprendre l’urgence de la situation ». Si besoin, cet expert n’exclut pas la pulvérisation quotidienne de tous les bus assurant le transport en commun. Les frontières poreuses de certaines provinces avec les voisins (RDC, Tanzanie, Rwanda) sont l’autre maillot faible dans la lutte. « Une bombe à retardement au plus vite qu›il faut désamorcer au risque de voir la maladie se propager à l’intérieur du pays ». Malgré les cas déjà avérés, soutient Alain, chauffeur d’une ONG : «Il reste une large frange de la population qui ne veut pas se plier aux mesures d’hygiène.» Pour lui, une preuve à suffisance qui montre qu’à l’instar des cen-

tres urbains, une importante sensibilisation doit être entreprise.

Un arsenal loin de suffire Avec quatre extracteurs (machines servant à tester le Covid-19) de l’INSP dont deux à mesure de faire 96 tests en même temps toutes les 3 heures et deux autres capables de traiter 32 échantillons, si l’on s’en tient aux propos de M. Ndikumana, diagnostiquer la maladie ne serait pas un problème. Malheureusement, déplore l’expert en Santé publique interrogé par Iwacu, ce discours est loin de refléter la réalité tant le nombre de laborantins aptes à faire ces tests est loin d’être suffisant. Idem pour l’accessibilité des gens de l’intérieur du pays à des

centres de dépistage. « Au risque d›abandonner leur poste d›attache, il est clair qu’avec trois laborantins à mesure d’effectuer le test de PCR, l’on ne peut se targuer d’être suffisamment préparés pour faire face à beaucoup de cas ». Comme les extracteurs à 32 échantillons sont mobiles, estime-t-il, il devrait y avoir des équipes de laborantins mobilisables dans chaque province. « Cela préviendrait les complications de la maladie puisque les dépistages se feraient en temps réels ». Quid de la capacité d’accueil en cas d’hospitalisation ? Autour de 50 lits équipés (respirateurs compris) sur tout le territoire national. Des experts de l’OMS, s’exprimant sous anonymat, sont unanimes : Un nombre très insuffisant. « Si nous tenons compte des habituelles projections pour se préparer en cas de pareille pandémie, ce chiffre est 24 fois inférieur aux prévisions ». Une question d’arithmétique. Prenant l’exemple de la ville de Wuhan (Chine) dont la population est estimée à 12 millions (population équivalente à celle du Burundi), 10% de cette population a contracté la maladie. 80% de cette population y ont résisté à la maladie et n’ont donc pas développé des symptômes susceptibles d’être traités à l’hôpital. Sur les 20% restants, 5% ont vu leur état se dégrader au fil du temps, développant une détresse respiratoire. Cette dernière a entraîné l’utilisation de respirateurs mécaniques. La ville a fait feu de tout bois pour trouver 12 000 lits avec respirateurs. D’après cet expert, ce chiffre correspond à l’effectif de lits dont devrait disposer le Burundi pour faire face au Covid19. Hervé Mugisha

Des projections qui font peur

Les risques de propagation de la maladie sont assez élevés, suite à la malnutrition qui affecte plus de la moitié des enfants âgés de 0-59 mois

A ses débuts, considérée comme une maladie dont les victimes sont principalement des gens âgés (généralement plus de 60 ans), les décès d’adolescents (France et Belgique) ainsi que celui d’un bébé de six mois (aux USA), montrent que la maladie peut frapper tout le monde. Un taux de létalité, d’après les études de l’OMS, qui va croissant quand les défenses immunitaires sont amoindries. Eu égard à cette situation, laisse entendre C.N, un statisticien contacté, cette

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maladie fera des ravages énormes au Burundi, si jamais elle venait à se généraliser sur tout le territoire national. Allusion faite au taux de malnutrition chronique avoisinant les 60% chez les enfants âgés de 0-59 mois dans plusieurs localités de l’intérieur du pays. Avec 30 % de la population burundaise dont l’âge est compris entre 15 -25 ans, ce statisticien ne cache pas que c’est la jeunesse qui serait frappée de plein fouet.

H.M.


L'ÉVÉNEMENT

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La quarantaine pour les voyageurs, une mesure chancelante Pour faire face au Covid-19, le ministère de la Santé a notamment annoncé il y a plusieurs semaines, la mise en quarantaine pour les voyageurs arrivant des pays affectés par la pandémie. Une mesure dont l’application laisse entrevoir des failles énormes.

U

.T. est arrivée de Belgique le 16 mars pour le deuil d’un proche. Quatre jours plus tôt, le ministère de la Santé a décrété que les passagers en provenance de tous les pays de l’Union Européenne seront placés en quarantaine. U.T., comme d’autres voyageurs, sera ainsi transférée à l’hôtel Méridien Source du Nil. « Des membres du personnel soignant dotés de masques venaient nous prendre la température le matin et le soir », raconte cette femme d’une quarantaine d’années. U.T. précise que les repas étaient servis dans les chambres. Cependant, selon cette Burundaise établie en Belgique, une légèreté s’observait dans le respect de la

distanciation sociale de la part des pensionnaires de l’hôtel. « Beaucoup de gens là-bas n’éprouvaient pas l’envie de rester confinés dans leurs chambres respectives. Du coup, comme tout le monde voulait sortir ‘’pour prendre de l’air’’, nous nous retrouvions souvent dehors, à plusieurs ! ». Toutefois, la mère de famille juge que « les autorités sanitaires ont fait de leur mieux dans la prise en charge des personnes confinées à cet hôtel». L.J. est un jeune burundais effectuant ses études secondaires au Rwanda. « Quand nous avons appris le premier cas de coronavirus au Rwanda, nous nous sommes dépêchés de rentrer au Burundi. Nous formions un groupe de 24

Hôtel Méridien Source du Nil. Une partie des passagers en provenance des pays affectés par le Covid-19 sont confinés ici.

élèves, tous de la même école », raconte cet adolescent. Mais ce retour sera jalonné d’obstacles. « A notre arrivée à la frontière, nous avons été stoppés net par des militaires rwandais » Pour le groupe, c’est un retour à leur établissement, escortés par les soldats rwandais. L.J. et ses amis ne renoncent pas pour autant à retourner dans leur pays natal. Au bout de six jours, ils retentent un départ vers le Burundi. Bingo ! Cette fois-ci, les

militaires rwandais les laissent franchir la frontière qui sépare les deux pays. A ce moment-là, les autorités burundaises n’ont pas encore décrété la fermeture des frontières avec les pays voisins, tous déjà atteints par le coronavirus. « Aucune mesure de confinement ne nous a été appliquée à notre arrivée sur le sol burundais. On nous a juste pris la température et il nous a été ensuite permis de regagner nos familles

», témoigne cet adolescent. L.J. révèle ensuite que d’autres personnes ont pu franchir la frontière burundo-rwandaise le même jour, sans être soumises à un isolement. « Quand nous avons constaté que le confinement nous a été épargné, nous avons pris le soin de prévenir d’autres personnes qui, à leur tour, se sont empressées de rentrer au Burundi. Certaines avaient déjà fait marche arrière en direction de Kigali », affirme l’élève. Alphonse Yikeze

Les prix des denrées alimentaires grimpent en flèche

Suite à l’annonce de cas positifs au COVID-19, les prix de certaines denrées alimentaires sont en hausse. Les consommateurs sont angoissés. Les commerçants, eux, soutiennent que leurs stocks sont vides.

M

ercredi 1er avril, au lendemain de la déclaration du ministre de la Santé, il s’observe des mouvements d’achat frénétiques de denrées alimentaires non périssables. Au marché City Market communément appelé chez Sion, les citadins viennent s’approvisionner et remplissent des sacs de produits alimentaires. « C’est vraiment compliqué », se plaint Jeannette, une femme rencontrée sur la place. Elle fait savoir que les commerçants profitent de cette pandémie pour augmenter les prix des produits. les prix qui flamber sont ceux des produits alimentaires de première nécessité tels le riz, le haricot et l’huile de cuisine. Cette situation inquiète Jeannette. « 1 kg de haricots appelés Kinure qui s’achetait 1600 BIF avant la déclaration de la pandémie est passé à 2300 BIF » D’après elle, le prix des haricots jaunes qui était à 2200

BIF, se vend actuellement à 2700 BIF le kilo. Les haricots de type « Kirundo » s’achètent aujourd’hui à 2000 BIF le kilo alors qu’ils se vendaient à 1600 BIF le kilo le 31 mars, Pour l’instant, cette femme qui peinait déjà à joindre les deux bouts avant la pandémie, se retrouve dans une situation délicate et a du mal à cacher sa tristesse. « J’étais venue me procurer 10 kg de riz et 10 kg de haricots. Mais j’ai découvert que mon budget n’est pas suffisant » Cette maman défend ne pas vouloir laisser ses enfants mourir de faim. « Je n’achèterai que la moitié de ce que j’avais prévu. » Et d’ajouter que si elle avait assez d’argent, elle se constituerait un stock de vivres. « De toutes façons, personne ne sait quand ce coronavirus va s’arrêter ».

Les consommateurs angoissés Divine est aussi dans le désarroi. Elle veut acheter de l’huile de cui-

Un étal de marchandises au marché Bujumbura City Market dit « Chez Siyoni ».

sine appelée « Golden ». Mais, elle constate que le prix de ce produit a augmenté : « En une seule nuit, le prix d’une quantité de 5 litres est passé de 22 mille à 27 mille BIF. » Aujourd’hui, conclut-elle, seuls ceux et celles qui disposent de moyens peuvent s’en procurer. Pour elle, les faits sont têtus. Les personnes aisées se préparent au pire en cas de propagation du Covid-19. Mais les pauvres, quant à eux, en manque d’argent, ne peuvent se le permettre.

Selon un commerçant rencontré à ce marché, cette hausse est provoquée d’une part par les consommateurs eux-mêmes. Plus la peur du coronavirus se répand, plus les consommateurs se ruent vers les marchés pour constituer des réserves d’urgence. Les stocks se vident, et les commerçants ne peuvent répondre à la demande. Or, la situation continuera probablement de s’aggraver, les importateurs assurant ne pas en avoir fait de commande.

Gaston Sindimwo : « Ceux qui aident à sortir les personnes mises en quarantaine sont assimilables à des criminels.» « Ceux qui aident à sortir les gens qui sont en quarantaine, trois ou quatre jours après, tout en versant des pots-de-vin, sont assimilables aux criminels », a lancé Gaston Sindimwo, premier vice-président de la République. C’était ce jeudi 2 avril dans une interview accordée à Iwacu. M. Sindimwo souhaite la fermeture des frontières. « Le personnel travaillant aux

frontières doit rentrer et travailler chez lui. », a tranché le candidat de l’Uprona à la présidentielle. Pour le premier vice-président de la République, c’est la meilleure des solutions pour se prémunir contre le coronavirus. Il appelle également les forces de l’ordre à être vigilantes pour l’intérêt du peuple

burundais. « Sinon, ils seront poursuivis par la loi », a-t-il prévenu. Quant aux Burundais vivant à l’étranger et voulant rentrer durant cette période, il leur demande de s’en abstenir. « Ils devraient attendre une date ultérieure pour rentrer au pays », a-t-il ajouté.

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Dorine Niyungeko

Selon lui, lorsque les stocks baissent, les prix montent parce que les articles les moins chers se vendent plus rapidement. Les consommateurs n’ont donc d’autre choix que de finir par acheter ces mêmes produits à des prix plus onéreux. D’autre part, les commerçants peuvent profiter du déséquilibre entre l’offre et la demande pour hausser les prix. Ils peuvent aussi les faire grimper par le fait des fournisseurs. Cela étant la conséquence de la hausse des coûts au niveau de la chaîne d’approvisionnement. En gros, le stress engendré par le coronavirus suscite la rareté d’un certain nombre de produits. Par voie de conséquence, un vice se profile : la spéculation. Le commerçant appelle ainsi le gouvernement à suivre de près l’évolution des prix afin d’endiguer la spéculation pouvant survenir du fait de cette pandémie. Pierre Claver Banyankiye


POLITIQUE

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Chronique sur les messages de haine « Les discours monopolisant la souffrance due au événement du passé peuvent conduire aux cycles de violence » Les discours monopolisant la souffrance due aux événement du passé peuvent amener d’autres qui sont touchés à adopter des positions radicales. Acher Niyonizigiye, professeur d’université et expert en leadership, préconise la réconciliation pour éviter le spectre de la violence.

U

n des groupes antagonistes se fait seule victime et ne veut pas comprendre la souffrance des autres. « Les membres de ce groupe se considèrent comme seuls victimes en soutenant que les autres sont des bourreaux. Il se développe une opposition dans la société entre victimes d’une part et bourreaux d’autre part », explique Acher Niyonizigiye, professeur d’université et expert en leadership. Comportement similaire, souligne-t-il, lors de discours contradictoires autour des dates sombres de l’histoire ou une lecture divergente des faits historiques. « Au Burundi deux dates sont souvent évoquées notamment 1972 et 1993. Un groupe concerné par l’une ou l'autre des deux tragédies veut faire croire qu’il est le seul à avoir souffert».

Po u r M . Niyo n i z i g iye , l’utilisation de ces discours est la manifestation des effets psychologiques de la souffrance subie. Ces traumatismes courtcircuitent la rationalité. En outre, il fait savoir qu’il peut s’agir d’une manipulation politique pour arriver à des intérêts sectaires. « C’est une façon de faire prévaloir leur souffrance pour exiger des traitements de faveur. Donc des privilèges non mérités».

Des conséquences néfastes « Les personnes dont la souffrance a été sous-estimée cherchent à défendre leur dignité. Ils peuvent poser des actes violents s’ils en ont l’opportunité. Des cycles de violence et vengeance entre les communautés s'installent», prévient l’expert.

Acher Niyonizigiye : « Les personnes dont la souffrance a été sous-estimée cherchent à défendre leur dignité.»

Il observe un renforcement de l’identité basée sur le sentiment victimaire : « Quand on fonde son identité sur le sentiment victimaire, elle devient tordue. Dans ce cas, la réconciliation n’est pas possible.» Acher Niyonizigiye préconise une réconciliation réussie pour

sortir de ce cercle vicieux. « Il faut que la vérité éclate au grand jour. Cette dernière permettra d’éviter la globalisation et mettre fin à cette monopolisation de la souffrance». Il interpelle les leaders à s’investir dans le renforcement

de l’unité et la bonne cohabitation. Et de conclure : « Une fois la réconciliation accomplie, il y aura une génération saine qui ne subira pas le même sort.». Jérémie Misago

Le patriote ne proclame pas son patriotisme…

L

e ministre de la Santé publique a communiqué, dans l’après-midi du jeudi 2 avril, l’existence d’un troisième cas testé positif au Covid-19. L’argument religieux d’ « un pays qui a donné à Dieu la première place » avait déjà fait pschitt dans la soirée du mardi 31 mars, à l’annonce des deux premiers cas. La Confédération des Syndicats du Burundi (COSYBU) a adressé une déclaration au ministre de la Fonction publique, du Travail et de l’Emploi sur la pandémie du Covid-19. Solidarité est le maître-mot implicite dans cette recommandation au gouvernement : « Il faut mettre en place des infrastructures décentes et hygiéniques d’isolement et rendre gratuits les soins liés à cette pandémie ainsi que les frais liés à la mise en quarantaine (hébergement et restauration). » Parmi les annonces précédentes du ministre de la Santé publique relatives à la prévention du coronavirus, une mesure barrière contre la solidarité nationale: les Burundais regagnant le bercail et les étrangers résidant au Burundi à leur retour devront prendre en charge les frais

liés à leur mise en quarantaine. La solidarité fait peuple, transcende la précarité économique et les failles du politique. Elle renvoie au but ultime du politique : le souci du bien commun.

« Je suis Burundais, rien de ce qui affecte mes compatriotes ne m’est étranger », devrait être la devise des patriotes de tous bords. A tout seigneur, tout honneur. Le parti politique du « Guide

suprême du patriotisme » devrait donner le la. Les autres formations politiques, notamment les plus représentatives, marcheraient dans son sillage. A moins de deux mois des premières éché-

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ances électorales, ceux qui ont les reins solides n’auraient pas des oursins dans la poche pour financer un fonds d’aide pour les personnes mises en quarantaine. Lequel serait géré par le ministère de la Solidarité nationale. Ce faisant, les politiques feraient d’une pierre deux coups : rendre ses lettres de noblesse à la politique et remorquer les entreprises qui ont pignon sur rue et toute âme charitable qui a à cœur d’aider son prochain. Du reste, seule la transparence sans aucune zone d’ombre dans la gestion de cette pandémie pourrait contribuer à tarir les sources des infox circulant sur les réseaux sociaux. Elle donnerait des munitions létales à ceux d’en haut qui s’évertuent à lutter contre. C’est le prix à payer pour ne pas faire du surplace, tel un hamster qui accélère indéfiniment sans aller nulle part. Le patriote ne proclame pas son patriotisme. Il bondit sur toute occasion de venir en aide à ses compatriotes. Quoi qu’il lui en coûte, quitte à reporter les élections générales sine die à l’instar de l’Ethiopie. Guibert Mbonimpa


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ÉCONOMIE

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Le coronavirus ruine le business Avec la fermeture des frontières suite au covid-19, les commerçants, hommes d’affaires et autres déclarants en douane sont frappés de plein fouet.

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5 jours après la fermeture des frontières de Gatumba et Ruhwa suite au COVID 19, les effets commencent à se faire sentir. Cette mesure réduit à néant certaines activités économiques. Mardi 31 mars, le parking de plus de 25 agences de transport reliant Bujumbura et la RDC est désert. Conducteurs, rabatteurs et petits commerçants paient cher la fermeture de la frontière. Désemparé, Jean Paul, vendeur des cartes de recharge rencontré sur place se lamente : « Avant la fermeture des frontières, je réalisais un chiffre d’affaires de 150 mille BIF par jour. Mais, depuis le 15 mars, je n’ai encaissé que 20 mille BIF.» Pour Ismail, un rabatteur originaire de la zone Buyenzi, la situation s’empire jour après jour. « Depuis la mise en application de cette mesure, je consomme mon épargne », témoigne-t-il. Ce dernier confie avoir économisé plus 250 mille BIF à partir du mois de septembre dernier. Il indique que cette enveloppe ne peut pas couvrir ce mois d’avril. Ce métier, précise ce père de famille, était ma seule source de survie. Sa femme n’a pas d’emploi. « Nous qui vivons au jour le jour, nos familles mourront avant que nous soyons confinés », prédit ce jeune homme. Les commerçants des vivres tirent également le diable par la queue. « Regardez ! Il n’y a pas de mouvements. Les commerçants sont désœuvrés. Ils sont assis en groupe devant les échoppes », assure N.T. Il déplore l’absence des clients dont la majorité était d’origine congolaise.

Le parking de transport en commun du Bujumbura City Mark est désert.

cosmétiques, etc. Il révèle aussi commencent à grimper. Les prix qu’il perd doublement : « Les des huiles employées dans la Congolais étaient cuisine s’affolent. « Le stock se réguliers. Ils acheUne boîte d’huile taient à bon prix. « Golden » de 5 vide. Car nous Par exemple, au litres coûte 25 début mars, ils n’importons plus .» mille BIF. Miachetaient un kg du mars, la même riz à 2500 BIF alors que les clients quantité était vendue à 20 mille locaux ne paient qu’entre 1900 et BIF. 2000 BIF.» Venant, un vendeur de produits Ce dernier s’inquiète du manque cosmétiques subit les mêmes du marché d’approvisionnement conséquences. Ce mois a été pour certains produits impor- particulièrement difficile pour tés, notamment l’huile de cui- lui : « Rien ne marche vraiment! sine. « Le stock se vide. Car nous Hier, toute la journée je n’ai même n’importons plus». pas empoché 10 mille BIF. Je passe Cet homme d’affaires fait savoir une semaine sans gagner 100 mille que les prix de certains produits BIF. »

Selon lui, cette situation est intenable. Avant la fermeture des frontières, il gagnait plus de 1millions par semaine. Quant au loyer de ce mois, si rien ne change, il craint de ne pas pouvoir s’en acquitter. Les petits commerçants des produits importés souffrent des effets de cette pandémie. Sous couvert d’anonymat, un vendeur des habits importés de l’Ouganda est dans le désarroi : « Mi-mars, je devais me rendre à Kampala pour m’approvisionner. Suite aux mesures de mise en quarantaine annoncées par l’Etat, j’ai abandonné ce voyage. » Aujourd’hui, son stock est

Le chiffre d’affaires en berne D’après ce commerçant grossiste, ce marché sert de point d’approvisionnement pour les petits commerçants d’Uvira. Ici, explique-t-il, les vivres et certains produits sont moins chers par rapport aux tarifs affichés à Uvira. Pour le moment, son business tourne au ralenti : « Je connais une perte de plus de 1 million depuis douze jours. » Il ne voit pas comment il paiera le loyer à la fin du mois. Ce commerçant indique que les Congolais achetaient du riz, des pommes de terre, de la viande, de l’huile, des habits, des produits

Quelques consommateurs au marché Bujumbura City Market

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presque vide. Pour la troisième semaine consécutive, il n’a rien vendu. « Ce business est mon gagne-pain. Chaque semaine, il me rapportait entre 200 et 300 mille BIF ». Découragé, ce commerçant ne sait où donner de la tête. Selon lui, il ne peut pas pour l' instant subvenir aux besoins familiaux. Si cette situation perdure, sa famille risque de s’enfoncer dans la misère.

« Les commerçants n'importent pas » « Nous ne pouvions rien faire face à cette situation. J’ai pensé à investir dans le commerce des vivres. Ce n’est pas aussi stable », confie cet homme d’affaires. Pour lui, il ne lui reste plus qu’à dépenser son capital et s›en remettre à Dieu. Les conséquences du Covid-19 se font aussi sentir sur les déclarants en douanes. « Cette pandémie nous coûte cher », témoigne un jeune déclarant sous couvert d’anonymat rencontré au port de Bujumbura. Depuis le début de la pandémie de coronavirus, les affaires sont au point mort. « Les commerçants n’importent plus et nous ne déclarons presque pas ». Avec l’épidémie du coronavirus, précise-t-il, les importateurs ne voyagent plus vers Dubaï et la Chine pour importer des marchandises. Avant le Covid-19, grâce à son agence en douane, il pouvait subvenir à tous ses besoins. Pour le moment, désœuvré, il n’encaisse rien. Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les affaires tournent au ralenti. Le propriétaire de cette société déplore déjà une perte de plus de 1,5 million BIF. Pierre Claver Banyankiye


ÉCONOMIE

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La Brarudi accusée de licenciements abusifs Les travailleurs de la Brarudi dénoncent des licenciements abusifs des leaders syndicaux. Le président du Syndicat libre des travailleurs de la Brarudi (SYLITRAB) a été licencié sans préavis et sans indemnités. La direction l’accuse d’un usage abusif de l’exercice du droit syndical. Un climat malsain règne dans cette entreprise.

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ous avons appris cette décision avec consternation. C’est une mesure inique et arbitraire. Je compte faire des recours. Nous avons déjà entamé une procédure administrative. Si elle s’avère sans issue, nous allons commencer la procédure judiciaire. Je pense que la Brarudi va répondre à la justice même si elle n’aime pas la confrontation par manque d’arguments », réagit Dieudonné Nizigiyimana, président du SYLITRAB. Vendredi 27 mars dernier, une lettre signée par l’administrateur directeur général (ADG) annonce le licenciement sans préavis et sans indemnités pour faute lourde. «A notre grande surprise, vous avez fait un usage abusif de l’exercice du droit syndical en violant notamment les dispositions du Code du Travail et du Règlement d’Entreprise de la Brarudi. Ce qui n’est pas un exercice correct du droit syndical», écrit l’ADG de la Brarudi. Selon la Brarudi, les syndicats ont l’obligation «de respecter les lois et les règlements en vigueur, notamment dans le domaine des relations professionnelles».

Entre «mensonges» et «droit syndical» Cette entreprise accuse ce syndicaliste d’avoir, dans les différentes lettres adressées à l’Inspecteur général du Travail notifiant un préavis de grève, fait état d’accusations, dénonciations calomnieuses et imputations dommageables à l’endroit de son employeur. Entre autres ‘’accusations inexactes et mensongères’’ : la politique sournoise visant la diminution des salaires du personnel existant, la diminution des salaires des employés, la suppression des équipes de production, la déviation de la mission première de la Brarudi avec une volonté à peine déguisée de faire fermer irréversiblement la Brarudi, le travail intelligent de sape de l’actuel ADG aux intérêts obscurs, l’actuel ADG qui a décidé de renvoyer les employés à contrat indéterminé pour les remplacer par les sous-traitants, l’ADG qui harcèle les employés et les renvoie par après, la Brarudi déterminée à supprimer le syndicat des travailleurs en son sein, etc. Selon cette entreprise, ces accusations sont sans preuve et elles sont constitutives d’actes d’improbité et nuisent à la répu-

tation de l’entreprise, ce qui est constitutif de fautes lourdes. «Dire que je suis personnellement responsable des lettres du syndicat est absurde. J’avais le mandat de l’Assemblée générale du SYLITRAB. Je leur ai demandé d’ouvrir plutôt des discussions avec le syndicat afin de trouver des solutions aux problèmes qui minent l’entreprise», indique Dieudonné Nizigiyimana. D’après lui, la direction de la Brarudi oublie qu’il a été élu président du syndicat au vu et au su de tout le monde. «Les correspondances que nous avons échangées avec la direction m’étaient adressées en tant que président du syndicat. D’ailleurs, ce qui est étonnant, c’est que la direction n’a présenté aucune preuve pour démentir ce que le syndicat a dit».

Dieudonné Nizigiyimana : «J’avais le mandat de l’Assemblée générale du SYLITRAB.»

syndicales. Il m’accuse d’avoir divulgué un message professionnel». Le message disait qu’il y a 12 opérateurs en provenance de Gitega qui vont travailler à la place de ceux qui vont faire la grève. «C’est de l’injustice notoire. Licencié quelqu’un après 25 ans de «La Brarudi n’est plus un loyaux services pour un message, paradis, c’est un enfer» c’est incroyLe 20 mars dernier, able ! Ce n’est « Ce qui est Jean Bosco Buyonga, pas une formule travailleur de la Bra- étonnant, c’est que que j’ai dévoilé rudi depuis 25 ans à un concurla direction n’a et chef de la section C’est de présenté aucune rent. marketing au sein du la rancune vu preuve pour syndicat, a lui aussi qu’ils n’ont pas été licencié sans pré- démentir ce que le pu me licencier en 2013 à cause avis ni indemnités. syndicat a dit.» des revendicaChassé pour un mestions syndisage envoyé dans un groupe WhatsApp du syndicat. cales qu’on avait engagées». Pour «Je suis victime de mes actions lui, c’est un licenciement abusif

car il y avait d’autres sanctions à prendre. Selon des témoignages à la Brarudi, d’autres membres de la section syndicale ont écopé d’une mise à pied pour 5 jours. «Tous sont victimes d’etre membres des organes dirigeants du syndicat», confie un travailleur de l’entreprise. «Tous ces licenciements visent à supprimer notre syndicat car aujourd’hui notre syndicat n’a pas de président ni de vice-président. Tous les leaders du syndicat sont en train d’être malmenés et pourchassés. Ils veulent nous réduire au silence. La Brarudi est devenue un enfer», renchérit un autre travailleur de la Brarudi. Selon les travailleurs de la Brarudi, l’administrateur directeur général fait tout cela par colère. «Il a été remplacé, mais il n’y a pas

La Brarudi accuse Dieudonné Nizigiyimana d’avoir fait un usage abusif de l’exercice du droit syndical

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encore de remise et reprise. C’est incompréhensible qu’il continue à licencier les employés alors qu’il a déjà été remplacé».

Le licenciement érigé en mode de gouvernance? Pour nombre de travailleurs de la Brarudi, ils sont mal cotés. «En cas d’une petite faute, un travailleur est licencié sans préavis», raconte un employé. « L’intention est de diminuer l’effectif des travailleurs. De plus, la direction s’en prend à ceux qui ont une longue expérience dans l’entreprise. Peutêtre que c’est pour récupérer certains avantages», ajoute un autre. «Le licenciement est devenu une règle de gouvernance à la Brarudi. Les travailleurs ne devraient pas avoir peur. Je pense que la justice finira par trancher en faveur de la vérité que nous défendons», ajoute Dieudonné Nizigiyimana. «Au lieu d’ouvrir les discussions avec les travailleurs, l’employeur s’est empressé de les licencier. Ce qui se passe à la Brarudi n’est pas normal. Ce qui transparaît est que l’employeur Brarudi ne veut plus de syndicat dans son entreprise alors que la loi le permet», souligne Gilbert Nyawakira, président de la Confédération Syndicale du Burundi (CSB). Et de citer la Constitution du Burundi en son article 37 qui stipule : «Le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier, ainsi que le droit de grève, sont reconnus.» Pour Gilbert Nyawakira, la Brarudi ne devrait pas mettre en avant la force, mais plutôt le dialogue. «Nous allons approcher le ministère de la Fonction publique ainsi que le Conseil d’administration de la Brarudi afin d’examiner la légalité des licenciements des leaders syndicaux. Nous allons aussi saisir l’Organisation internationale du Travail.» Fabrice Manirakiza


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DROITS DE L'HOMME

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Un journaliste d’Iwacu menacé de mort par un député Dans un communiqué sorti le 29 mars 2020, la direction du journal Iwacu se dit préoccupée par les menaces de mort proférées à l’endroit d’un de ses journalistes par le député Anglebert Ngendabanka élu dans la circonscription de Cankuzo. La Cnidh dit avoir entamé des enquêtes.

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e journal Iwacu se dit consterné par des propos menaçants un de ses journalistes. Il dit détenir les preuves que ces menaces émanent d’un député élu dans la circonscription de Cankuzo. Ces preuves seront communiquées à la justice au moment opportun. Selon ce communiqué, le député Anglebert Ngendabanka menace d’éliminer physiquement ce journaliste. En effet, précise le communiqué, le député n’a pas apprécié qu’il soit cité dans un article d’Iwacu paru dans le numéro 575 faisant état de frictions entre des militants de deux partis politiques. Pourtant, poursuit le même communiqué, Iwacu, fidèle à la déontologie et au principe sacré

Sixte Vigny Nimuraba : « Nous pensons que ce journaliste a le droit de saisir la justice.»

de l’équilibre de l’information, avait donné la parole au député qui avait réagi aux allégations. Par ailleurs, le Groupe de presse Iwacu s’étonne des menaces de mort de la part d’ un élu du peuple qui devrait, au contraire, défendre et encourager les journalistes et la liberté d’expression. En outre, le Groupe de Presse Iwacu affirme avoir déjà référé le cas de cet élu du peuple au président de l’Assemblée nationale. Le journal demande que ces

menaces contre le journaliste cessent et tient le député Anglebert Ngendabanka responsable de toute atteinte à l’intégrité physique du journaliste cité dans ses menaces.

« Personne n’est au-dessus de la loi » « Nous avons reçu une correspondance de la part du journal Iwacu faisant état des menaces de mort qui pèsent sur un de ses journalistes », affirme Sixte Vigny

Nimuraba, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (Cnidh). Il précise que sa commission a déjà entamé des enquêtes et a déjà aussi alerté d’autres instances habilitées pour que quelque chose soit fait. Et de faire observer qu’il n’est pas permis que quiconque soit intimidé lorsqu’il est en train de faire son travail. « Personne n’est au-dessus de la loi. Nous pensons que ce journaliste a le droit de saisir la jus-

tice. Nous osons espérer que cette dernière va faire son travail ». M. Nimuraba conseille tout journaliste à faire son travail tout en respectant les règles du métier. Il reconnaît que les journalistes ont leurs propres techniques de collecter les informations. Selon lui, si un journaliste fait son travail d’une façon professionnelle, il ne devrait pas s’inquiéter. « Si quelqu’un t’intimide alors que tu dis la vérité, tu ne devrais pas avoir peur », rassure-t-il, avant d’ajouter : « Que personne ne brandisse sa position pour violer la loi. Quiconque commet une infraction, il en répond individuellement.» Par ailleurs, le président de la Cnidh exhorte les Burundais à garder le calme en cette période où les élections approchent. Pour lui, la période électorale est une période normale comme tant d’autre. Mais le respect de la loi reste de rigueur. « Après les élections, la vie continue. Les citoyens ne devraient pas s’inquiéter, outre mesure. Que chacun reste serein et vaque à ses activités dans le calme tout en respectant la loi ». Interrogé si la commission va rendre public les conclusions de ces enquêtes, le président de la Cnidh dit que l’enquête continue : « Nous continuons notre travail, mais comme nous avons saisi les instances habilitées, nous pensons que celui qui sera coupable pourra en répondre.» Félix Haburiyakira

SOCIÉTÉ

Conflit de leadership dans le site de Mubone Le responsable du camp des déplacés de Mubone déplore un conflit de leadership qui règne dans ce site, depuis samedi dernier. D’après lui, le chef de quartier de Mubone est derrière ce conflit.

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undi 30 mars, dans la zone Buterere au nord de la capitale, le soleil frappe fort sur les tentes du site des déplacés de Mubone. La vie semble normale, malgré les mésententes qui règnent entre les responsables de ce site. «Tout remonte au week-end dernier, lorsque Hermès, surnommé pasteur, a réveillé les gens au milieu de la nuit pour leur annoncer que le chef de quartier tiendra une réunion, dans la matinée de ce dimanche», raconte Innocent Nzeyimana, le responsable de ce site des déplacés de Mubone. D’après lui, l’objectif de cette rencontre est de nommer le nouveau responsable de ce site. M. Nzeyimana confie que son parcours scolaire limité et sa petite taille sont parmi les pre-

mières raisons de sa destitution. « Dans une réunion qu’il a tenue dans la matinée de ce samedi même, le chef de quartier a demandé comment une personne de sa stature avec un niveau d’étude bas et qui n’est même pas à mesure de siéger avec les hauts dignitaires, peut-elle être leur responsable ». Innocent Nzeyimana révèle que ces derniers jours, il a découvert certaines fraudes pratiquées à l’intérieur du site. D’après lui, son challenger, Hermès Ndikumasabo se permet de signe des papiers de certains sinistrés. Et de confier aussi qu’il y a également des affinités entre Hermès et le chef du quartier de Mubone. Ce responsable indique que ce conflit a engendré des mésententes entre les sinistrés venus

Un conflit de leadership règne depuis samedi dernier au sein du camp des sinistrés de Mubone

des quartiers Mubone et Buterere et ceux qui sont venus du quartier Kinama. « Les gens venus de Kinama ont commencé à lancer des pierres sur les tentes des déplacés venus des quartiers de Mubone et Buterere ». Innocent Nzeyimana s’inscrit en faux contre toute personne qui veut s’ingérer dans l’administration du site dont il est charge. Et il informe qu’il craint pour sa sécurité.

Julien Manirakiza, chef de quartier Mubone, réfute tous les propos avancés par Innocent Nzeyimana. Et d’affirmer qu’il est déjà au courant de ce conflit qui est entre Hermès Ndikumasabo, dit pasteur et Innocent Nzeyimana, l’actuel responsable de ce site. Cependant, il informe qu’à ce conflit, il ne peut rien faire. Car de ces deux hommes, personne n’est encore venue

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déposer sa plainte, auprès de lui. Signalons que le site des déplacés de Mubone est occupé par les sinistrés venus de Kinama qui sont sous la responsabilité d’Hermès Ndikumasabo, et des quartiers Mubone et Buterere, qui reconnaissent M. Innocent Nzeyimana comme chef et qui est aussi l’actuel responsable de ce site. Audrey Mariette Rigumye


AU COIN DU FEU

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Avec Gaspard Kobako Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Gaspard Kobako.

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Le métier que vous auriez aimé faire ? Et pourquoi ? A l’école primaire, je m’identifiais à mes enseignants. Chemin faisant, quand je suis allé au secondaire, j’avais toujours l’idée de m’identifier à mes enseignants. Finalement, je suis devenu enseignant. Mais, dans mon deuxième choix quand je me préparais pour entrer à l’Université, j’avais souhaité être journaliste parce que j’écoutais le journal parlé, surtout en français, ça me séduisait. A l’époque, il n’y avait pas plusieurs médias mais ceux qui donnaient les nouvelles à la radio étaient des grands frères. Je pensais que je pouvais être journaliste. Mais, je ne regrette pas de ne pas être devenu journaliste. Il y a des journalistes tendancieux. Un défaut énorme parce que personnellement je déteste par-dessus tout être influencé par qui ou quoi que ce soit. D’ailleurs, on me reproche souvent d’aimer dire ce que je pense et ce, dans des termes souvent directs.

otre qualité principale ? Une écoute active. J’aimer écouter les gens. Mais, aussi je pose des questions. Votre défaut principal ? Je ne supporte pas que quelqu’un me fasse mal. Et parfois, je réagis au stimulus. La qualité que vous préférez chez les autres ? J’aime que les gens s’identifient à moi. On a tendance à se prendre comme une référence. Chez les autres, j’apprécie l’humilité, la modestie. Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? C’est quand quelqu’un pense qu’il est meilleur plus que les autres, le maître à penser. La femme que vous admirez le plus ? La mienne. Comme le disait un de mes professeurs, la belle femme se trouve dans la maison de chacun. Bref, j’admire celle que j’ai choisie. Quel est l’homme que vous admirez le plus ? Nelson Mandela. J’ai eu l’occasion de le côtoyer, de l’écouter quand il était médiateur dans le conflit burundais. Il nous a prodigué des conseils. En tant que médiateur, il nous a révélé des choses que personne n’aurait osé dire. Il nous prévenait du danger qui nous guettait si nous ne signions pas l'accord d'Arusha. Par son sens du pardon, il reste un modèle. Malgré les années passées en prison, il est parvenu à pardonner ses tortionnaires. Ce n’est pas tout le monde qui le ferait. Votre plus beau souvenir ? Je suis un peu dubitatif. Entre mes innombrables doux souvenirs de ma tendre jeunesse et lorsque j’ai demandé la main à mon épouse. Après plusieurs années et des hésitations, elle a accepté. Cela nous a marqué. Des fois, on se remémore ce temps, ça nous amuse. Cela a été une persévérance positive pour moi.

Votre plus triste souvenir ? Lorsque j’ai été amené à reprendre l’année académique 1988- 1989. Non pas parce que j’étais moins intelligent, mais, parce que mon professeur l’avait décidé ainsi. J’étais en 2e licence dans le département de Géographie. Tout le monde savait qu’il ne jurait que par me voir échouer. Heureusement, je n’ai pas gardé de rancune envers lui. Injustement, j’ai repris l’année académique. A quelque chose malheur est bon, dit l’adage. Je me dis que l’incident a forgé ma personnalité et a contribué pour que je devienne la personne que je suis maintenant. L’autre souvenir, c’est quand j’ai vu en 1972 deux de mes enseignants à l’école primaire embarqués dans des camions dits « Majelus » pour ne plus revenir. Cette image reste gravée dans ma mémoire. L’autre, c’est l’assassinat du président démocratiquement élu Melchior Ndadaye. Une perte immense.

Cependant, j’avoue que cela a Quel serait votre plus grand ouvert les yeux des Burundais malheur ? Ça serait de quitter cette terre qui ne pouvaient pas s’exprimer. avant que le Burundi ne recou- Aujourd’hui, ce fait a permis un vre la paix, la sécurité et surtout la débat contradictoire. démocratie. A mon avis, ces valL’autre haut fait c’est eurs ont été mises à rude épreuve l’Indépendance chèrement depuis le retour du multipartisme. acquise et au prix du sang. Les Certes, aujourd’hui, il y a un pas Burundais doivent s’enorgueillir. franchi. Cependant, nos actuels C’est un fait historique reconnu leaders politiques et irréversible. doivent faire le dis- « Ça serait de quitter N’en déplaise à tinguo. La démocraceux qui pourcette terre avant tie ne signifie pas raient dire qu’ils que le Burundi ne ont fait ça de l’existence de plusieurs partis polirecouvre la paix, la leur propre initiques , par contre, sécurité et surtout la tiative. un espace politique démocratie. » libre, non verrouillé La plus où les compétiteurs belle date de se mettent à l’action en jouissant l’histoire burundaise ? de leurs droits civils et politiques C’est la victoire de la démocratie dans la plénitude, dans la sécurité en 1993. sans avoir peur d’être persécutés du jour au lendemain. La plus terrible ? C’est la mort du héros de Le plus haut fait de l’histoire l’Indépendance, le prince Louis burundaise ? Rwagasore, le 13 octobre 19961. C’est le retour de la démocratie. C’est aussi l’assassinat du héros de Hélas, elle a duré le temps d’une la démocratie, président Melchior rosée. Juste une centaine de jours. Ndadaye, le 21 octobre 1993.

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Votre passe-temps préféré ? Je suis touche à tout en matière sportive. Jeune, je jouais au football mais comme je n’aimais pas recevoir des coups de pieds, j’ai réalisé que le football n’était pas mon fort. J’ai joué au basketball mais j’étais excellent au volleyball sur tous les numéros. J’aime la natation et je la pratique avec toute ma famille. Après 34 ans au volleyball et avec mon âge (bientôt la soixantaine) maintenant, je fais de la marche. J’appartiens à un club, « Les amis de la Montagne », le plus ancien club des marcheurs au Burundi et qui est affilié à la fédération africaine des marcheurs. Votre lieu préféré au Burundi ? La campagne. Quand je prends mon congé, je me rends à la campagne. Facilement, je peux y séjourner pendant deux semaines. Je pratique les activités agro-sylvo-pastorales sur la colline Mutangaro, à Rutovu, ma commune natale.


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AU COIN DU FEU

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Le pays où vous aimeriez vivre ? Mon pays, le Burundi. C’est un beau pays. Il est la somme des paysages de plusieurs pays africains. Les Sud-africains m’ont dit que le Burundi est le résumé de leur grand pays parce que vous pouvez trouver tous les climats sur un petit espace (27834 km2). Vous y rencontrez cinq régions naturelles différentes. C’est une grande richesse. Plus important, c’est la qualité des produits issus de notre sol. C’est riche et varié. Bien sûr, faut-il bien les transformer pour leur conservation. Le voyage que vous aimeriez faire ? Au Canada. Et cela pour deux raisons. D’abord, ce sont les Frères de l’Instruction chrétienne du Canada qui m’ont éduqué les premiers. J’ai gardé un bon souvenir. La deuxième raison, c’est que mon épouse étudie au Canada. Elle y a fait sa maîtrise. Elle vient d’y faire son doctorat ce n’est pas encore conclu. Elle avait souhaité que j’aille assister à sa défense n’eût été cette pandémie du coronavirus. Mais la cause n’est pas perdue. Votre rêve de bonheur ? Le bonheur est relatif. Mon bonheur serait de vivre heureux avec ma famille et avec toutes ses ramifications. Voir mes enfants terminer leurs études, fonder leurs foyers, avoir des petits fils et petites filles, même des arrières enfants. Votre plat préféré ? Une alimentation équilibrée, contenant des protéines, lipides, lucides tel qu’appris à l’école. Mais eu égard à mon âge, je préfère un repas végétarien. Il est moins tentant. Il est léger. Votre chanson préférée ? J’aime la country music. Elle est reposante. Mais, vous savez, il y a certaines préférences qui évoluent avec les époques. Dans mon jeune âge, il y a des auteurs qui m’ont marqué dont les chansons restent en moi. C’est Nana Mouskouri et Georges Moustaki. Quand une de leurs chansons passe et que mon enfant tente de tourner le bouton, je lui dis : « Attendez, ça c’est ma belle époque (rires) ». Quelle radio écoutez-vous ? La RFI Avez-vous une devise ? Une justice juste. Une justice qui dit le droit. Il ne suffit pas qu’il y ait une justice, mais, faut-il qu’elle soit encore juste. Il faut que le

rendent coupables des détournements en répondent devant la loi en rétrocédant les biens mal acquis et remettent aux ayants droit l’argent et les biens détournés. -J’opérerais une réforme agraire profonde pour que le gaspillage des terres agricoles s’arrête . Tout cela pour permettre que les terres arables soient reconquises au détriment des constructions envahissantes et anarchiques. Croyez-vous à la bonté humaine? Je n’y crois pas tellement parce qu’il y a un adage qui dit « homo homini lupus », (l’homme est un loup pour l’homme). L’homme se comporte souvent de manière bestiale plus qu’un animal. La bonté c’est comme l’honnêteté, elle n’est pas de ce monde. Ce sont des valeurs qui doivent se construire.

corps de la justice rende la justice aux justiciables. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? C’est la victoire de la démocratie. Un souvenir de joie. En tant que témoin oculaire et auriculaire, c’était un triomphe des idées nouvelles, un espoir d’un Burundi nouveau à travers les 46 propositions défendues par le Frodebu.

pour le peuple et par le peuple. Ça dit tout. Le peuple se choisit ses dirigeants. Pour le peuple, c’està-dire, il en tire profit, le développement. Une démocratie qui ne conduirait pas au développement ne serait pas une démocratie. Les comportements contraires seraient la dictature.

Votre définition de la justice ? Dire le droit sans contrainte ni distinction aucune ni parti-pris Qu’est-ce qui vous a motivé à pour autrui. Lorsque deux perquitter le Frodebu alors que vous sonnes se disputent un intérêt, étiez un militant de la première la justice doit se heure? mettre au milieu, En politique, il y « Dire le droit faire des investia une dynamique. sans contrainte ni gations, pouvoir Les partis politiques naissent, grandis- distinction aucune déterminer que sent et meurent. ni parti-pris pour telle est dans le vrai chemin, que Ils évoluent et se autrui. » telle n’est pas transforment. Nous dans le vrai. Non n’avons pas quitté le Frodebu, nous avons évolué plutôt pas en se laissant graisser la patte, non pas en se laissant corrompre, vers l’idéologie de Ndadaye. mais en regardant et en disant juste le droit. La justice doit être Votre définition de équitable et impartiale. l’indépendance ? C’est jouir de ses droits politiques, Si vous étiez ministre de civils et socio-économiques. C’est aussi ne pas dépendre du colonisa- l’Education, quelles seraient teur traditionnel. L’indépendance vos deux premières mesures ? -Je procéderai à la réinvis à vis de son compatriote, de son prochain qui affiche des comporte- troduction des matières ments similaires au colonisateur et qui ont été diluées avec le temps, par l’introduction de même pires que lui. L’indépendance devrait per- l’entrepreneuriat pratique, le mettre à chaque citoyen de jouir relèvement du niveau des édude ses biens, de se sentir libre, qués pour qu’ils soient comlibre dans sa pensée, dans sa façon pétitifs comme par le passé, au niveau national, régional et d’entreprendre et de s’associer. international ; Sans oublier la généralisation des TIC. Votre définition de la démocra-Je ferais la promotion de la tie ? C’est un système politique où les culture de l’excellence, en intercitoyens se choisissent librement disant la gestion du système ses dirigeants. Les citoyens se choi- éducatif à plusieurs vitesses sissent librement les programmes comme cela se fait de nos jours et non les individus. Tel que les (par le clientélisme, la juxtapoGrecs l’on définit : la démocratie sition, l’interventionnisme de est un gouvernement du peuple, l’autorité et syndicale même

dans la gestion salariale des fonctionnaires enseignants; l’esprit partisan etc.) Si vous étiez président de la République, quelles seraient vos premières mesures ? -J’abrogerais toutes les lois liberticides et réviserais la Constitution de la République pour en faire une Constitution durable à la lumière de celle des USA. -Je me ménagerais pour que la magistrature soit indépendante avec cette latitude de dire le droit et rien que le droit, avec la tolérance zéro pour ceux qui se font corrompre par des punitions exemplaires, allant de l’emprisonnement à la révocation -Je ferais en sorte qu’un audit soit réalisé en fin de mandat des dignitaires afin que ceux qui se

Pensez-vous à la mort ? La mort est là. Elle est inscrite. On naît, on grandit et à un moment donné on meurt. Victor Hugo disait que « L’on meurt comme l’on a vécu ». Mais, ça dépend de comment l’on s’est comporté. Evidemment, les morts ne s’équivalent pas. Il y a des morts subites, atroces. Après un long parcours dans la vie, il faut qu’on se repose. La mort est sur la trajectoire de quelqu’un. « Les morts ne sont pas morts » disait Birago Diop. Cela signifie que l’être humain se perpétue à travers sa progéniture, sa pensée. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? On ne peut pas mentir à Dieu. Je remercierais pour tout ce que j’ai accompli ici-bas sur terre et lui demanderais de me rendre jugement. Propos recueilli par Félix Haburiyakira

Bio express

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9 ans, Gaspard Kobako est originaire de la commune Rutovu, province Bururi. Il fait ses études primaires à l’école primaire de Rutovu. Au secondaire, il fréquente les lycées de Rutovu et Bururi. Il entre à l’Université du Burundi en 1982 et y décroche une licence en Géographie en 1990. Il détient aussi un DESS en Politique sectorielle et gestion des systèmes éducatifs obtenu en 2009 à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar. Il entame sa carrière professionnelle au ministère de l’Education dès 1987 comme enseignant, successivement au petit séminaire de Mureke, lycée Gatara, lycée islamique de Bujumbura. De 1993 à 1996, il est président de la

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Commission nationale chargée du retour, de l’accueil et de la réinsertion des réfugiés Burundais. De mai 2003 à août 2005, il est dans le gouvernement de transition, respectivement en tant que ministre des Travaux publics et celui de la Fonction publique. De mai 2007 à aujourd’hui, il est conseiller au département de l’Education préscolaire. Il est membre de plusieurs commissions ministérielles et membre fondateurs de plusieurs associations. En politique, M. Kobako est militant de la première heure du Frodebu. Dès 1995, il migre vers le Cndd, puis Cndd-Fdd, Kaze-Fdd où il occupe plusieurs postes de responsabilité.


ENVIRONNEMENT

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Le lac Tanganyika à la reconquête de sa zone tampon Des habitations, des lieux de détente, des routes sont inondés. Le lac ne cesse de reconquérir son espace. Terrifiés, certains propriétaires ont déjà déménagé, d’autres attendent impuissamment le pire.

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Kibenga-rural, zone Kinindo, commune Muha, la route menant vers Lacosta Beach ne passe plus. De belles maisons envahies par les eaux. Elles sont déjà désertées. Des chantiers en cours abandonnés. Les eaux du lac ne cessent de gagner du terrain. Elles ont déjà reconquis au moins 30m. Non loin de là, le Tribunal de Grande Instance et Parquet de la République en commune Muha. Des bureaux menacés, des lieux de détente inaccessibles. C’est le cas d’une maison sise sur l’Avenue Gitega, en face du building abritant les bureaux de l’UNICEF. Nous sommes dans la zone Rohero, en commune Mukaza. Les murs humidifiés sont sur le point de s’écrouler. L’Avenue du Bonheur n’est pas épargnée. L’entrée sud de Zion Beach est inaccessible. Chez ‘’Les Paillottes Bar’’, même scénario. Un des serveurs affirme que la clientèle ne cesse de diminuer. Un bloc de sanitaires est déjà inondé. La plage aménagée près du port de Bujumbura n’est pas à l’abri. L’eau a avancée d’au moins dix mètres. A Ku Mase, où transitent des déchets vers le lac Tanganyika, s’entassent désormais des sacs plastiques, des restes de nourriture pourris, des chaussures usés, etc. Au moins 10m de terrain qui était réservé aux clients du bar communément appelé Ku Mase a été envahi. « Le Tanganyika est rassasié et il vomit », ironise

Une partie de Ku Mase déjà envahie par les « vomissements » du lac Tanganyika.

un jeune homme croisé sur les lieux. Plus loin vers Kajaga, une situation similaire. Une grande partie de « Cap Town Beach » est infesté de déchets de plusieurs sortes charriés par le lac. Des câbles d’électricités enfouis. Plusieurs paillottes détruites.

Elles ont été démolies. Presque tous les déchets se sont déversés ici. » Les propriétaires des habitations sont inquiets. Aloys Batungwanayo signale que certaines familles ont déjà déménagé, d’autres attendent impuissamment le pire.

Quid des responsabilités ? « Les responsabilités sont partagées, certains ont construit à moins de 20m du lac », affirme M.Batungwanayo. D’autres sont venus construire après la promulgation du code de l’eau de 2012. Il

Les « agresseurs » en font les frais A Saga Vodo, zone Kinindo, commune Muha, les pertes sont déjà énormes. Le gérant du bar indique qu’il a dû se séparer de sept employés. Ils n’ont plus de clients. Idem à Lacosta Beach. Ses portes sont déjà cadenassées, depuis lundi 9 mars. Gustave Niyonizigiye, son propriétaire, affirme que suite à la montée des eaux du lac, ils ont été obligés de suspendre leurs activités. Il compte rouvrir son bar le 1er juillet. Sa clôture a déjà cédé. A Ku Mase, un des gérants de bar assure que la clientèle a diminué à plus de 90%. « Il n’y a plus de place où installer nos clients. Et plusieurs de nos constructions n’ont pas pu résister à l’eau.

Albert Mbonerane : « Aujourd’hui, le lac est surpris de voir des gens qui continuent à l’agresser. »

déplore le retard pour délimiter la zone tampon : « Ils l’ont fait quatre ans après la promulgation dudit code.» Il ne se fait pas trop d’illusion: « Le pire risque d’arriver. Que les gens s’y préparent. » Et de proposer un dialogue entre le gouvernement et les propriétaires. Quant à Albert Mbonerane, environnementaliste, il désigne l’Etat comme le premier responsable : « C’est lui qui a l’autorité de veiller au respect des textes de lois. » Ce qui ne signifie pas que les investisseurs sont autorisés à construire n’importe où et n’importe comment. « La Direction Générale de l›Urbanisme devrait suivre de près ce qui se fait. Et ce, en collaboration avec la Direction Générale en charge des ressources en eau. » Il estime que le lac donne un avertissement. Il rappelle que, pour le lac, la zone tampon est d’au moins 150m. « Aujourd’hui, le lac est surpris de voir des gens qui continuent à l’agresser». Rénovat Ndabashinze

Des effets du changement climatique Pour Tharcisse Ndayizeye, expert environnemental, ce qui se passe aujourd’hui est lié au changement climatique. Avec l’augmentation de la population, la ville s’élargit. Les constructions envahissent les endroits jadis occupés par les forêts, des lieux d’infiltration. « Ce qui entraîne l’imperméabilité du sol. Au lieu de s’infiltrer, l’eau arrive directement en grande quantité dans la plaine, la ville de Bujumbura. Elle n’alimente plus la nappe phréatique. » Plus on construit dans les Mirwa, prévient-il, plus la ville enregis-

trera beaucoup d’eau même en cas de petite pluie. Il déplore que beaucoup de constructions ne soient pas conformes au code de l’environnement. « Les services de l’Urbanisme devraient veiller au respect des lois en matière de construction ». Au Burundi, il estime qu’il y a un manque criant de prévisions : « Il faut voir si les canalisations faites sont capables de canaliser l’eau pendant un certain temps. Aujourd’hui, elles sont devenues très étroites, même bouchées.» Une situation qui survient lorsque le

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pays enregistre de fortes précipitations. Cet expert recommande de construire des ouvrages adaptés, durables. Et de faire des projections à long terme. Dans l’immédiat, il propose un inventaire de toute la population à risque. « Il faut les mettre à l’abri et leur proposer des solutions transitoires pour protéger leurs vies». Et sur le long terme, conclut-il, il faut penser à protéger la capitale économique en amont.

R.N.


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ENVIRONNEMENT

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Intempéries : A Musaga, la population se mobilise Avec les ravages des pluies diluviennes, la population de Kinanira II de la zone Musaga a pris l’initiative de déboucher les voies de canalisation qui traversent ce quartier. Cela permet d’éviter l’inondation des rues et des maisons.

M

ardi 31 mars. Il est 10 heures. Nous sommes dans le quartier Kinanira II de la zone Musaga au lieu-dit ‘’l’OTRACO’’. Des hommes sont occupés à déboucher le ravin qui borde la jonction de deux routes : le boulevard Mutaga et la route asphaltée qui longe le marché de Musaga. Grâce à des pelles, ils entassent sur la chaussée le sable accumulé dans le caniveau. « A chaque pluie, le ravin se remplit de sable et de pierres », témoigne Jean-Marie Ndayiragije tout en sueur dans son jean bleu et marcel blanc. Tout est parti, des constructions anarchiques entourant le ruisseau appelé Nyakuvumba, qui tire sa source dans les collines surplombant la zone Musaga. C’est ce qu’explique un habi-

Des travaux de débouchage d’une voie de canalisation s’effectuent au lieu-dit ’’l’OTRACO’’ à Kinanira II, zone Musaga.

tant des environs rencontré sur les lieux. : «Aucun caniveau n’a été aménagé aux abords de ces nouvelles constructions. Manquant de passage, les eaux de pluie se mêlent au Nyakuvumba qui descend en cascade de la RN7 - ramenant avec lui de grosses pierres, du sable et des morceaux d’arbres - jusqu’à la 12e avenue menant à Kanyosha.» Et de déclarer que le bouchage des voies de canalisation de cette localité entraîne l’inondation des rues et des ménages.

Pour de « vrais résultats », un autre habitant de ce quartier interrogé demande « le concours et le dévouement » de tous les citoyens concernés. « Les autorités ne viendront que renforcer les efforts de la population », conclut cet habitant de Kinanira II. Patrice Manirambona est chef de cellule à la 9ème avenue du quartier Kinanira II. Depuis peu, les habitants du quartier se cotisent - à raison de 2.000 francs burundais par ménage - en vue de

désobstruer les voies de canalisation qui traversent la localité (En raison des pluies diluviennes). « Un comité de six personnes a été mis en place et il est chargé d’établir un plan des travaux et le budget y correspondant», déclare Patrice Manirambona. Et de déclarer que la population répond plutôt favorablement à cet appel à dons : « Nous constatons que, même les gens qui n’avaient pas pris part à la réunion que nous avions organisée

le dimanche 22 mars - à l’issue de laquelle a germé cette idée de fundraising - se laissent convaincre par le projet.» M. Manirambona souligne que les autorités à la base ont été associées à ce projet. « Le chef de notre quartier a été prévenu. Mais en soi, c’est nous qui habitons le quartier et avons le devoir de le protéger », défend ce chef de cellule. Les premiers montants récoltés au niveau de la collecte n’ont pas tardé à servir. « Durant ce weekend, nous avons uni nos forces pour déboucher le ravin qui passe au niveau de la 12ème avenue. L’eau n’y passait plus du tout ! » Patrice Manirambona raconte que « la population a fait de son mieux pour désengorger le dit caniveau ». Obstacle rencontré ? « Il nous a été pratiquement impossible d’enlever les dallettes pour évaluer la profondeur de l’obturation de la voie de canalisation », soutient le chef de cellule Manirambona. Et à cet effet, de lancer un appel au gouvernement et aux bienfaiteurs pour que soit accordé à la population de cette localité un palonnier à ventouse à l’aide duquel les dallettes ci-dessus peuvent être soulevées. Alphonse Yikeze

RN1: Quand un éboulement de terrain bloque la circulation

L

es pluies torrentielles survenues dans la soirée du 27 mars ont provoqué l’effondrement d’un pan de montagne sur la RN1. Ces éboulements ont bloqué cet axe au niveau de la zone Benga en commune Isare de la province Bujumbura. Des engins mécaniques sont à l’œuvre pour que cet axe soit praticable. Ces éboulements ont emporté dans leur chute des maisons et des champs de manioc, de haricot et de palmiers à l’huile. Les habitants de la zone Benga affectés sont dans la désolation, leurs biens ont été emportés. Il est 12h, nous sommes sur la RN1 sur la colline Benga, zone Benga en commune Isare à plus d’une douzaine de kilomètres de Bujumbura. Des camions poids lourds, des bus et des voitures en direction ou en provenance de Bujumbura attendent et au fil des heures, la file s’allonge. Un bulldozer de l’agence routière du Burundi s’active depuis trois jours pour dégager les éboulements qui bloquent la circulation. C’est des tonnes de boue argileuse sur une centaine de mètres à déplacer. Des pluies torrentielles qui se

sont abattues sur la zone Benga, et les eaux en furie de la petite rivière Rusumo sont à la base de cette situation désastreuse.

Désolation pour les habitants de la localité Les temps sont durs pour les habitants de cette localité de Benga, ils ont tout perdu. Certains d’entre eux ne reconnaissent plus l’emplacement de leurs maisons encore moins de leurs propriétés. Ils appellent à l’aide. « Dieu merci, quand il a plu nous étions encore au marché le soir. Si c’était la nuit, personne n’aurait survécu. Nous vivons le calvaire car nous sommes sans abris. Nous errons ici et là pour chercher, une âme charitable qui voudrait bien nous loger et nous donner un peu de nourriture. Tous nos champs ont été emportés. Nous sommes démunis», déplore Joséphine Minani, désespérée. Spéciose Bizimana peine à raconter son calvaire. « J’étais dans la maison avec mes enfants. Quand nous avons constaté ces éboulements, nous sommes sortis en courant pour nous mettre à l’abri. On n’a rien sauvé. Nous vivons dans des difficultés indicibles», se désole-t-elle.

Un bulldozer s’active pour dégager la route.

Sylvestre Misigaro, conseiller collinaire de Benga a lui aussi été touché. De sa maison, il ne reste que des décombres. Il fait savoir qu’en tout 12 ménages ont été touchés. Il déplore également que personne n’ait volé à leur secours depuis la catastrophe. « Quand la gouverneure est venue constater les dégâts, elle nous a demandé de nous reloger à l’Ecofo de Benga.

Mais, côté aide, rien du tout ». Il demande aux âmes charitables de leur venir en aide. A quelques kilomètres de là, nous sommes au centre Kinama en commune Mubimbi. La même RN1 est en danger. Une partie s’est déjà effondrée. Des véhicules doivent s’arrêter, ou tout au moins ralentir afin d’éviter de tomber dans un grand ravin en pleine route.

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Il y a près d’un mois, à en croire les propos de la population environnante, cette partie commençait à afficher des signes d’effondrement. « Au fil du temps, avec la pression des véhicules, la situation s’est empirée. A l’origine, des eaux de pluie en provenance des montagnes ont détruit cette partie », raconte un jeune rencontré sur place. Jérémie Misago


SANTÉ

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Cancer du col de l’utérus : sur 537 femmes dépistées, 25 ont des lésions cancéreuses L’Association Burundaise pour le Bien-Être familial (Abubef) a présenté, mardi 31 mars, les résultats du dépistage du cancer du col de l’utérus effectué l’année dernière.

D

ans une conférence de presse animée ce mardi, la directrice exécutive de ce centre a annoncé que sur 537 femmes dépistées en 2019 par ses services, 25 présentaient des lésions précancéreuses, soit 4,65 %. Ce centre a pris l’initiative de faire plus de plaidoyer pour la prise en charge du cancer du col de l’utérus. C’est le type de cancer gynécologique très fréquent chez la femme. La directrice exécutive de l’Abubef, Dr Donavine Uwimana interpelle le gouvernement et ses partenaires à instaurer des politiques de prévention et de prise en charge afin que toutes les femmes puissent se faire dépister. Les résultats des dépistages effectués montrent que le cancer du col de l’utérus est une réalité au Burundi. « Si le cancer peut être évité par le dépistage, le can-

cer avéré est plus difficile à traiter et dans la plupart des cas finit par tuer la femme », indique-t-elle. Selon Mme Uwimana, même si le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers gynécologiques assez fréquent chez les femmes, il est évitable par la vaccination et le dépistage. Dans plus de 70% des cas, ce cancer, dit-elle, est lié à une infection virale sexuellement transmissible et très fréquente chez la femme ; qui infecte le col de l’utérus de manière permanente et durable. Elle provoque par la suite, des modifications de la muqueuse susceptibles d’évoluer vers un cancer. La directrice exécutive de l’Abubef explique que ces modifications de la muqueuse, appelées lésions précancéreuses se transforment en cancer pendant plusieurs années, parfois, c’est plus de 10 ans. «D’où l’importance de réaliser

Donavine Uwimana : « Le cancer du col de l’utérus est le cancer le plus évitable par un dépistage précoce des lésions précancéreuses.»

un dépistage précoce. Plus une anomalie est détectée tôt, mieux elle se soigne», a-t-elle insisté. Et de déplorer le fait que tout cas avéré est référé à l’étranger ce qui demande beaucoup de moyens. « Aucun mécanisme d’assistancemaladie ne prend en charge ce type de maladie ». Mme Uwimana attire l’attention du gouvernement et de ses

partenaires sur la nécessité de renforcer les politiques de santé intégrant la prévention et la prise en charge des cancers gynécologiques. « Le cancer du col de l’utérus est le cancer le plus évitable par un dépistage précoce des lésions précancéreuses. Toutes les femmes du Burundi devraient avoir accès au dépistage». Selon l’organisation mon-

diale de la santé, le cancer du col de l’utérus est le deuxième type de cancer qui tue beaucoup de femmes dans le monde. Au niveau national, pas encore d’étude qui retrace l’état des lieux de la prévalence du cancer du col de l’utérus. Jérémie Misago

CULTURE

DJ Fanny : du micro-trottoir au studio Fanny Nyamurangwa, connue sous « DJ Fanny », vient de s’offrir un studio pour sa chaîne tv en ligne. A la rencontre de cette jeune journaliste culturelle qui se démarque par sa créativité.

A

28 ans, Fanny Nyamurangwa vient d’ouvrir son propre studio moderne qu’elle a appelé DFTV (DJ Fanny télévision), installée à côté de son domicile, dans la zone Gasenyi. Cette Youtubeuse et journaliste à la RTNB que l’on avait l’habitude de voir dans la rue avec son micro sur les réseaux sociaux, donnant des interviews aux différents talents, peut désormais accueillir ses invités dans un beau studio, spacieux. Quatre micros branchés sur la table, des chaises tournantes, des murs insonorisés peints en blanc-rouge… Un studio qui a déjà créé trois emplois et une dizaine de stages en moins de deux semaines.

Le nouveau studio que DJ Fanny (au milieu) vient d’ouvrir.

Lancée le 23 mars, cette télévision en ligne priorise la promotion des artistes burundais. Mais DJ Fanny a jugé bon d’ouvrir son studio avec une émission de santé, invitant un médecin pour répondre aux questions sur la maladie du Coronavirus qui destabilise le monde. Ce studio est le fruit d’un projet qu’elle avait à l’esprit depuis près de 4 ans. Son déclic pour se lancer ? Un chanteur tanzanien venu animer un concert au Burundi. Il publie sa photo sur Instagram, installé dans un studio d’une radio burundaise que

Fanny se garde de préciser. Les commentaires insultants de la photo étaient loin de faire honneur à notre pays, déplore cette journaliste. Ses compatriotes se moquaient de ce studio jusqu’à ce que le concerné enlève la photo. « Cela m’a fait tellement mal que je ne l’oublierai jamais. J’ai voulu faire la différence, créer un studio digne de ce nom. »

Une touche à tout… Joueuse de tennis dans l’équipe nationale depuis sa 7e année, puis danseuse dans des clubs mod-

ernes, ensuite DJ pour finir dans le journalisme culturel. Fanny croit avoir enfin trouvé la carrière dont elle a toujours rêvé. Elle commence à se faire une place dans le monde de la musique en rejoignant la RTNB en tant qu’animatrice de l’émission musicale Zinazopendwa, dès 2014. Elle venait de mettre un terme au métier qui lui a donné son surnom, DJ au club Archipel. « Les gens étaient surpris de voir une fille faire un métier réputé d’homme.» Elle se faisait parfois traiter de pute. Elle n’a pas supporté, d’autant plus

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qu’elle venait d’être recrutée à la RTNB. « Ma réputation était en jeu. » C’est en 2018 qu’elle décidera de créer « DJ Fanny 257 » sur You tube qui deviendra « DFTV 257 ». Sa chaîne compte aujourd’hui 29 mille abonnés avec 158 vidéos sur la rencontre des artistes, des évènements culturels locaux ou régionaux, des fêtes familiales, etc. DJ Fanny ne se limite pas au Burundi, contrairement à toutes les chaînes en ligne du pays. Elle va parfois en Tanzanie, au Kenya, etc. Elle cite notamment une émission faite avec le chanteur tanzanien assez connu, Alikiba. « Ma chaîne est passée de 7.000 à 19 mille abonnés après ma première émission en Tanzanie », se félicite-t-elle. Cette journaliste affirme qu’elle réalise tout ce travail grâce à ses propres moyens. Elle se réserve les détails du coût de son studio. Mais elle affirme qu’un seul micro lui a coûté environ 1.500 USD. Clarisse Shaka


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega

Spéculation autour des seaux et de l’eau Tandis que la population cherche activement à se protéger contre la pandémie de covid-19, les commerçants haussent les prix d’un seau muni de robinet et les propriétaires des maisons louées spéculent sur l’eau utilisée. De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

D

evant chaque porte d’une boutique, d’un magasin, d’un salon de coiffure, des bistrots, aux entrées du marché, des banques, etc, un seau d’eau et un savon sont mis à la disposition de toute personne qui entre et qui sort. Mot d’ordre obligatoire : lave- toi d’abord les mains. Une mesure saluée par tout le monde dans la ville de Gitega. Et pourtant, nombreux sont les commerçants et les propriétaires des maisons louées qui ont vu à travers cette réglementation un moyen de se remplir les poches. Au marché, une marchandise très recherchée n’est plus la nourriture mais plutôt un seau. Il y a moins d’un mois, ce récipient coûtait autour de 1 500 à 2 000 Fbu. Au jourd’hui, ce prix a triplé c’est - à -dire 6 000 Fbu et un petit robinet qui va avec est à

Région Sud

8 000 Fbu. Pour avoir cet ustensile, il faut se munir de 14 000 Fbu cash. « Les clients pensent que nous spéculons sur les seaux et les robinets mais nous ne gagnons pas beaucoup comme certains le pensent. Ce sont les grossistes qui ont haussé les prix. Si nous achetons cher, nous vendons cher aussi », explique Pascal, un vendeur au marché central de Gitega. Ce qui irrite les clients qui cherchent ces seaux et ces robinets, c’est que parfois ces commerçants veulent être à la fois vendeurs et plombiers et vendent souvent des robinets défectueux qui ne durent que deux jours. « Ils vous disent que c’est de la bonne qualité, mais comme on ferme et on ouvre tout le temps ça ne dure qu’une journée et on est obligé d’en acheter un autre », affirme Sébastien, un détenteur d’un bistrot au quartier Shatanya. Dans la mesure où ces objets sont devenus incontournables pour tout le monde dans la lutte

Une rangée de seaux d’eau et du savon devant les boutiques au quartier Musinzira

contre le coronavirus, les voleurs en font maintenant une affaire lucrative. Les enfants de la rue envahissent les quartiers jour et nuit pour chercher « ce petit machin » en cuivre qui se vend comme des petits pains. « Nous jouons au chat et à la souris avec les enfants de la rue. Dans un clin d’œil seulement, ils arrachent ces robinets et les rev-

endent à ces mêmes commerçants qui changent des prix à tout moment », déplore Amina une restauratrice.

L’appât du gain à tout prix Pour certains, aucune limite pour maximiser les bénéfices. Les propriétaires n’admettent pas que leurs locataires pay-

ent l’eau utilisée à la fin du mois comme c’était le cas. L’eau du robinet est payée cash par bidon. « Il y a deux jours, notre propriétaire de la maison nous a informés que dorénavant, l’eau ne sera plus incluse dans le contrat de loyer et que nous devons l’acheter autant que nous en aurons besoin », a déclaré Gilbert de Yoba. D’après ce dernier, son patron exige aussi que les robinets soient fermés de 8 heure jusqu’à 17 heures, le temps où il n’est pas à la maison. « C’est inhumain, il ne se soucie que de l’argent. Pour lui, nous utilisons beaucoup d’eau et la facture de la regideso serait trop salée », critique-t-il. Et pour les autres, le prix du bidon est revu à la hausse sans aucune explication. « Avant un bidon était à 50Fbu, mais il l’a fixé à 100 Fbu sans nous dire pourquoi », indique Athanase un boutiquier. Dans les places publiques comme les marchés, les propriétaires des échoppes et stands payent chaque jour 100 Fbu pour l’eau utilisée. Pour le moment, ce qui inquiète les uns et les autres, c’est cette mauvaise habitude qui commence à se manifester pour la gestion des eaux dans les ménages alors que la population en a besoin plus que jamais.

Rumonge

La montée du lac Tanganyika fait bouger des ménages Plus d’une centaine de ménages ont déjà déménagé dans les communes de Rumonge, Bugarama et Muhuta ces dernières semaines suite à la montée des eaux du lac Tanganyika. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

L

es fortes précipitations qui se sont abattues ces dernières semaines en province de Rumonge ont occasionné beaucoup de dégâts tant matériels qu’humains. Des sources recueillies sur place indiquent que le lac Tanganyika est monté de plus de 30 mètres causant des inondations et des destructions de maisons et des champs de cultures. Karawigina, le chef de quartier de Kanyenkoko de la ville de Rumonge précise que depuis deux semaines certains ménages se trouvant au bord du lac

Le lac est monté à plus de 50 m, les kiosques ont été abandonnés

continuent à déménager vers d’autres quartiers plus sûrs. Il dit qu’une soixantaine de ménages ont déjà déménagé de ce quartier et d’autres se préparent à le faire car leur vie est en danger . Certaines maisons se trouvant au bord du lac Tanganyika de ce quartier ont été détruites ou endommagées par la montée du lac. Ces maisons et autres constructions sont toutes érigées dans la zone tampon de 150m. Même constat en commune de

Bugarama où l’administrateur Joachim Manirakiza indique qu’une trentaine de ménages ont déjà quitté le littoral du lac Tanganyika pour aller s’installer ailleurs. Il précise que même la route nationale No 3 (route Bujumbura –Rumonge ) est menacée à certains endroits au niveau de sa commune suite à la montée du lac. Ce phénomène s’observe aussi au niveau de la commune Muhuta où à certains endroits cette route risque d’être

coupée. Les chauffeurs interpellent l’office des routes à prendre des dispositions urgentes pour protéger cette route d’une importance capitale dans les échanges commerciaux.

Respect du plan directeur d’aménagement et d’urbanisme Thomas Turagerekewe est responsable de l’antenne de l’urbanisme en commune de Rumonge. Il précise que pour

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les centres urbains, il y a un plan directeur d’aménagement et d’urbanisme auquel tout le monde doit se conformer pour lutter contre la naissance des quartiers anarchiques et autres constructions sans aucun plan de viabilisation .. Il interpelle surtout les autorités administratives et la population de se conformer à ce plan directeur d’aménagement afin d’éviter des catastrophes et autres problèmes. Le président du Sénat a demandé que toutes les personnes qui ont construit ou cultivé dans la zone tampon interdite puissent être chassées de cette zone. Ceci pour assurer leur sécurité et les prévenir des catastrophes et autres problèmes éventuels. C’était au cours d’une réunion tenue à Rumonge avec les responsables à tous les niveaux de la commune Rumonge ce mardi 31 mars. Sachez que certaines maisons, des kiosques, des boutiques et des lieux de loisirs comme le Tourist town beach au niveau de la ville de Rumonge sont inondées d’eau et sont inaccessibles.


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Région Ouest

AU CŒUR DU PAYS SOCIÉTÉ

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Cibitoke

L’extension de Buceco inquiète la population Les habitants proches de la Société Buceco qui produit du ciment demandent des indemnités et les autres craignent des maladies pulmonaires suite au gaz qui émane de cette usine.

Il n’y a rien à craindre

De notre correspondant Jackson Bahati

C

ette société Buceco se trouve à moins de 3 kilomètres du chef-lieu de la province Cibitoke, commune Rugombo. Elle fabrique du ciment dans cette commune depuis plus de 10 ans. La population des parages se plaint des gaz toxiques émis par cette entreprise qui peuvent provoquer des maladies pour leur santé. Lors de la réunion tenue ce lundi 30 mars par le 2ème vice-président, cette population a demandé des

Les propriétaires de ces parcelles veulent être indemnisés par la Buceco

indemnités afin de quitter ce lieu pour aller vivre dans un endroit non pollué. Elle redoute déjà les maladies probables liées à la mauvaise respiration..

Selon ces habitants, 1585 parcelles ont été aménagés par la Société Immobilière Publique « SIP » en sigle depuis 2011 sur la surface de 120 hectares du site

Karurama et presque toutes ces parcelles sont reconnues par leurs propriétaires mais ils ne savent pas pourquoi cette société n’a pas voulu les leur remettre.

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Ces habitants indiquent que certains ont déjà payé de l’argent à la « SIP » mais jusqu’à présent ils n’ont pas l’autorisation de bâtir. Ils demandent l’indemnisation car les parcelles semblent limitées compte tenu du nombre de personnes qui ont fait la demande. Le deuxième vice-président de la République, Joseph Butore, qui représente également la commission mise en place pour assurer les procédures d’indemnisation de cette population, rassure. Selon lui, toutes les dispositions nécessaires ont déjà été prises pour que ce travail soit bien organisé et demande à cette population d’être patiente. Le représentant de Buceco ne voit pas pourquoi il y a des plaintes. Il indique que les indemnités seront distribuées sans problème car même la société Buceco se préoccupe aussi de la vie de la population environnante.


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CULTURE

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