IWACU 575

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IWACU N°575 – Vendredi 20 mars 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Intolérance politique

Les Inyankamugayo mis à rude épreuve

POLITIQUE

SOCIÉTÉ

Candidatures aux législatives : le verdit de la Ceni

P.6

Rapatriement forcé des adeptes d’Eusébie

AU COIN DU FEU Avec P.10

Excellent Nimubona

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LA DEUX

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Vendredi, 20 mars 2020 - n°575

Editorial

Sur le vif

En coulisse

Suspension des missions officielles à l’étranger

Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

U

n fléau, une épidémie «inéluctable», une pandémie qui se dessine. Le coronavirus occupe tout l’espace médiatique et les réseaux sociaux, domine tous les sujets. Vraie information, « fake news »… L’Organisation mondiale de la santé parle d’ «infodémie massive», exagération quant à sa propagation, sa prévention, le nombre de pays affectés, le bilan des cas avérés. Cette situation génère une sorte de fatalisme, voire une psychose. Des gens sont tourmentés, agités, déconcertés, confus. Surtout que des pays voisins sont déjà contaminés. L’autorité politique et sanitaire, l’administration, les Eglises sont mobilisées à la sensibilisation, aux mesures préventives. Des mesures «barrières» sont encouragées: se laver les mains régulièrement, ne pas se serrer la main, ne pas s’embrasser … Le gouvernement suspend l’octroi des visas pour le Burundi jusqu’à nouvel ordre et les missions officielles à l’étranger. Des initiatives à saluer. Comment faire pour que ces mesures et recommandations soient réellement suivies par l’ensemble des Burundais? Nous risquons d’être victimes de nos croyances, nos mentalités, de l’ignorance de certains. Qui n’a pas entendu les gens soutenir avec conviction que « la peau noire des Africains est immunisée contre ce coronavirus » ? Ou ce musulman du quartier Nyamugari à Gitega qui défend bec et ongles que c´est une punition divine pour les non croyants. « Ce geste de lavage rituel de purification du corps que nous faisons avant chaque prière suffit pour nous protéger contre cette maladie.» Certains veulent en faire un débat politique. Sauf que la pandémie ne peut surtout pas se traiter politiquement. Le coronavirus est notre ennemi commun, il ne crie pas gare. Ce serait trop tard. Son combat doit être une affaire de tous, un effort collectif. Nous partageons tous la responsabilité de prévenir sa propagation. N’attendons pas qu’il y ait un cas recensé, avéré. J’en appelle par ailleurs au civisme de chacun pour sensibiliser sur les propriétés de ce virus et la manière de s’en prémunir, de contenir l’épidémie sans créer la panique. Marchons dans les pas d’António Guterres, patron de l’ONU qui, dans son message contre le covid-19, appelle à sa lutte sans alarmisme : « L’heure est à la prudence, pas à la panique. A la science, pas à la stigmatisation. Aux faits, pas à la peur. Même si elle a été qualifiée de pandémie, c’est une situation que nous pouvons maîtriser. »

Ouverture des stations de lavage des sogestals de Ngozi et Kirimiro Le ministre de l’Agriculture, Déo-Guide Rurema, a annoncé que les stations de lavage des sogestals de Ngozi et Kirimiro vont ouvrir les portes en date du 25 mars 2020. Par la même occasion, le ministre Rurema a déclaré que le premier paiement des caféiculteurs s’effectuera avant le 10 mai 2020.

Interruption de l’octroi des visas pour les étrangers Jeudi 19 mars, le ministre des Affaires étrangères, Ézéchiel Nibigira, a déclaré que, dans le souci de prévenir l’apparition du Covid-19 au Burundi, l’octroi des visas est temporairement suspendu au niveau de tous les consulats et ambassades du Burundi à l’étranger.

Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga

L’équipe Fofila-PF de Ngozi, ©Droits réservés

Covid-19 : luttons sans alarmisme

Dans le cadre de la prévention contre le coronavirus, le gouvernement a, à partir du lundi 16 mars, décidé de suspendre l’ensemble des missions officielles à l’étranger « jusqu’à nouvel ordre », exception faite pour « les cas de missions hautement stratégiques et importantes appréciées et autorisées par les plus hautes autorités du pays.»

En hausse

P

our être sacrée championne du championnat de football féminin, édition 2019, avec 52 points.

Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye

En baisse

Des personnes non encore identifiées,

P

our avoir assassiné Méthuselah Nahishakiye, le responsable du parti CNL de la colline Migera, commune Kabezi de la province Bujumbura.

ANNONCE

Sécurité : Fabrice Manirakiza Edouard Nkurunziza Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société: Clarisse Shaka Jérémie Misago Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza Equipe technique: Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

Un chiffre

AVIS DE RECRUTEMENT INFINITY GROUP recrute un Head of Commercial Banking pour le compte d’une banque locale. Les termes de référence complets ainsi que ce communiqué peuvent être consultés sur le site : www.esoko.bi, ou la page Facebook : @InfinityGroupBurundi ou au bureau d’INFINITY GROUP situé au 7, Avenue de France, Immeuble Ruhara, 2ème étage. Les dossiers de candidature (CV, CNI, Lettre de motivation, Attestations de service, Diplômes, Attestations, Certificats) devront être envoyés dans un seul document PDF à l’adresse recrutement@infinitygroup.bi et doivent porter la mention « Recrutement Banque locale – Head of Commercial Banking ». La date limite est fixée au plus tard le 23 Mars 2020 à 23 :59 (GMT+2).

34 milliards BIF est l’enveloppe que l’Etat accordera à l’Office pour le Développement du Café au Burundi (ODECA) d’ici au 31 mars 2020.

Source : Ministère de l’Environnement

Une pensée

« Plus une religion est fausse, plus ses adeptes combattent avec fanatisme. » Franz Werfel

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L'ÉVÉNEMENT

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Cendajuru/Busoni

Intolérance politique : un phénomène inquiétant

Deux maisons des membres du Congrès national pour la liberté (CNL) ont été incendiées sur la colline Gashirwe de la commune Cendajuru en province Cankuzo. Des Imbonerakure ainsi qu’un député du Cndd-Fdd sont pointés du doigt. Des Imbonerakure sont aussi accusés d’avoir brûlé une maison d’un militant du CNL en commune Busoni de la province Kirundo. Iwacu est allé à la rencontre des victimes et des autorités locales. Par Edouard Nkurunziza, Fabrice Manirakiza, Félix Nzorubonanya et Mariette Rigumye

J

’étais endormi dans ma chambre quand j’ai vu des flammes au-dessus moi. J’ai vite alerté mes parents et nous sommes sortis de la maison», raconte Jérôme Nyabenda, le fils de Liboire Rwasa, un habitant de la colline Gashirwe, zone Nyamugari en commune Cendajuru. «Nous n’avons pas pu voir ces criminels. Il était aux environs de 11 heures. Ce sont nos voisins qui nous ont aidés à éteindre l’incendie jusqu’à une heure du matin», ajoute Liboire Rwasa. «Nous craignons une nouvelle attaque», renchérit sa femme, Immaculée Bayadonde. La famille Rwasa vit dans la vallée de la rivière Rumpungwe. Leur maison est en toit de chaume. «C’est pourquoi elle a brûlé aussi vite». Liboire Rwasa et son épouse regardent ce qui reste de leur maison, ils sont au bord des larmes. «Les Imbonerakure disent que ce n’est pas encore fini», raconte Liboire Rwasa. La famille veut déménager. «Nous n’avons pas où aller. On aimerait revenir après les élections. Nous craignons pour notre vie.» Pour les voisins de la famille, les auteurs sont connus : «Ce sont les Imbonerakure. Cette famille a été menacée depuis longtemps parce qu’elle est membre du CNL», témoigne un voisin. «Des fois, des Imbonerakure viennent danser devant leur maison en chantant ‘’Tuzobamesa’’ (on va les lessiver)». Leurs lieux familiaux avec le président du CNL seraient à l’origine de ces intimidations. «Mon père et le père d’Agathon Rwasa sont frères», indique Immaculée Bayadonde. «Nous sommes menacés parce que nous sommes membres du CNL», ajoute son mari.

Immaculée Bayadonde dit craindre une nouvelle attaque.

réagir. «Il faut demander à l’administrateur communal. J’ai déjà transmis le rapport.» Interrogée, Béatrice Nibaruta, administrateur de la commune Cendajuru, botte en touche. «Pourquoi vous voulez toujours parler de ce qui s’est passé à Gashirwe ? Il y a autre chose à dire. Sur ce dos-

sier, je n’ai pas de commentaire». Paulin Sindayigaya, représentant du parti Cndd-Fdd en commune Cendajuru, balaie d’un revers de la main ces accusations. «Les Imbonerakure ne sont pas impliqués dans cette affaire. D’ailleurs, on pensait que cet incendie était un accident. Nous vivons en harmonie

avec les autres membres des partis politiques». Les militants du CNL dans cette commune eux se disent persécutés. «Normalement, on n’avait pas de problèmes avec les autres partis politiques. Mais, les choses ont commencé à se gâter sur la colline Rukoyoyo lorsque nous avons

Un homme est pointé du doigt : Anglebert Ngendabanka Selon Liboire Rwasa, aucune autorité n’est arrivée sur les lieux à part le chef de colline. «L’administrateur communal était au courant ainsi que le commissaire communal de la police ». Dans la foulée de cette nuit, la maison de René Miburo a été également incendiée. «Lui aussi est un membre du CNL», dit un voisin de la famille. Joseph Mpanuka, chef de zone Nyamugari, n’a pas voulu

Anglebert Ngendabanka balaie du revers de la main toutes ces accusations.

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ouvert notre permanence. C’était le 9 février de cette année.» Selon ces Inyankamugayo, leur drapeau a été volé après une semaine. «D’après nos informations, ceux qui ont incendié les deux maisons à Gashirwe sont venus de la colline Rukoyoyo. C’est le député Anglebert Ngendabanka qui a donné l’ordre. Il est originaire de cette localité.» Selon des militants du CNL, ce député est derrière toutes ces intimidations et menaces à leur encontre. «Lorsqu’il n’est pas dans les parages, tout est calme. Il suffit qu’il mette les pieds à Cendajuru pour que la situation se dégrade. Il est à l’origine de toutes ces exactions.» D’après eux, il organise des réunions nocturnes avec des Imbonerakure. «Il dit qu’il va éradiquer le virus Corona qui est le CNL. D’après lui, les membres du CNL deviennent de plus en plus nombreux. Il a dit qu’il va passer deux mois à Rukoyoyo afin de mâter les opposants.» Contacté, le député Anglebert Ngendabanka se dit attristé d’entendre ces accusations. « Ce sont des mensonges pour ternir mon image. S’ils ont des preuves, qu’ils portent plainte devant la justice ». Il indique que sa mission est de protéger la population plutôt que de la maltraiter.


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L'ÉVÉNEMENT

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Busoni

Persécution pour sorcellerie, litige foncier ou opinion politique ? Le représentant zonal du CNL à Mukerwa en commune Busoni de la province Kirundo a fui son domicile après avoir échappé à une exécution. Menacés, bon nombre d’autres militants de ce parti en cette zone restent cloîtrés chez eux, de peur d’être tabassés ou pire, tués. Mais là aussi, ils ne sont pas à l’abri des attaques.

Q

uand Iwacu le rejoint dans l’endroit où il se réfugie, mardi 17 mars, cela fait exactement 12 jours qu’il est entré en clandestinité. Emmanuel Coyitungiye, le représentant du CNL en zone Mukerwa, porte une chemise à carreaux et un pantalon de sport. Ses habits sont sales. « Ce ne sont que les seuls qui me restent. J’étais habillé comme ça quand j’ai pris la fuite jeudi 5 mars »…

La fuite Ce jeudi-là, aux environs de 11h, Emmanuel Coyitungiye apprend, au centre Mukerwa, qu’un cadavre d’une personne a été déposé devant son domicile. Sa femme et sa sœur ont déjà pris la fuite. « Un ami m’a prévenu que je vais me faire tuer si je me hasarde d’arriver chez moi. Ceux qui ont déposé le cadavre avaient des machettes et des gourdins sur eux ». Aucune autre solution, il va se réfugier chez une parenté habitant une colline frontalière de Mukerwa, en commune Vumbi. C’est de là qu’il apprendra que le cadavre était celui de l’épouse de Gérard Ndikumagenge, son oncle maternel. Ce dernier aurait accusé son neveu d’avoir ensorcelé sa femme. «Il le chargeait de cette mort suite à un litige foncier qui les oppose », soulignent des habitants de Mukerwa. Emmanuel Coyitungiye parle plutôt d’un prétexte pour pouvoir le chasser de la zone. «Gérard Ndikumagenge a été instrumentalisé par Anatole Rugemintwaza, le chef de cette zone, qui ne veut pas de moi ». Parmi ceux qui avaient investi son domicile, Emmanuel pointe du doigt Gérard Ndikumagenge, Kabeba et Muganwari, tous des Imbonerakure de cette colline… C’est à partir de sa cachette qu’il va se confier à l’administration, à la police et à la justice. Mais dans l’entretemps, dans l’aube du 6 mars, une autre mauvaise nouvelle lui parvient. Sa maison a été incendiée vers 22 h, tout ce qui était à l’intérieur, dont une motocyclette, deux vélos et des chèvres, pillés. Renate Kamatamo, sa grand-mère qui vivait là, a été aussi grièvement blessée par les attaquants. Ses plaintes n’aboutiront finalement à rien, du moins jusqu’à présent. Sur demande

du conseiller du gouverneur, l’administrateur communal de Busoni emmènera Emmanuel et sa femme jusqu’à la commune. Mais là, ils ne bénéficieront d’aucune assistance, ils n’ont rien à manger. Après trois jours, ils vont décider de retourner chez le gouverneur. Celui-ci les embarquera lui-même le lendemain dans une réunion de pacification à Mukerwa. Sauf que rien ne sera fait, hormis un message d’apaisement de la part du gouverneur. «Nos bourreaux étaient aussi présents dans la réunion et ils se moquaient de nous. Nous avons décidé de regagner notre cachette à Vumbi». Ils n’auront plus la chance d’y rester. Selon les témoignages, ils vont être refoulés par les administratifs de la colline où ils s’étaient repliés. « Ils leur ont dit qu’ils ne peuvent pas rester là tant qu’ils sont du CNL. Même celui qui leur avait donné l’hospitalité a été menacé». Ils vont changer de cachette, de Vumbi à la commune Kirundo. La famille Coyitungiye ne sait plus à quel saint se vouer. Elle demande à toute autorité compétente de voler à son secours.

Les simples militants ne sont pas épargnés Domitien Nkezabahizi et Régis Ndacayisaba, des Inyankamugayo de la colline et zone Mukerwa ont vécu un cauchemar, le soir du dimanche 8 mars. Ils sont voi-

Emmanuel Coyitungiye se dit persécuté.

sins. D’après eux, c’est vers 19h30 qu’une armada d’Imbonerakure conduite par Gérard Setomanzi, chef de sous-colline, investit le domicile de Nkezabahizi. Ce soir, les enfants de Régis Ndacayisaba ne sont pas rentrés tôt comme d’habitude. Inquiet, il se rend chez son voisin pour vérifier s’ils ne seraient pas là. Les attaquants arrivent juste après son arrivée. Et, sur ordre de Setomanzi, les Imbonerakure se jettent sur les deux Inyankamugayo. «Il a sifflé trois fois, c’était un signal ». Le temps d’un bras de fer avec Ndacayisaba, Nkezabahizi reçoit des coups, mais parvient tout de même à entrer dans sa maison et à fermer. Certains des envahisseurs le poursuivent en vain. Ils essaient de forcer la porte, les fenêtres, toujours sans succès. Dans l’entretemps, Ndacayisaba est en train d’être tabassé. Parmi ses bourreaux, il reconnaîtra

Mbonimpa alias Rwembe, Kadeberi, Anicet Karangwa et Kamariza, tous des Imbonerakure de sa colline. A un moment, certains parmi ses bourreaux vont porter main forte à l’équipe qui force la porte. Ndacayisaba en profite, se sauve et s’enfouit à toutes jambes. Devant sa porte, outre les visages repérés par Ndacayisaba, Nkezabahizi distinguera aussi les voix de Muvuzankima et Bazizane, d’autres Imbonerakure de Mukerwa. « Rwembe a menacé que si je ne sors pas, il va incendier ma maison. J’ai retenu mon souffle, je savais qu’on pouvait me tuer si je sortais ». Ce mardi 17 mars, Régis Ndacayisaba porte encore les stigmates du passage à tabac. Son front présente encore une enflure au-dessus de l’œil gauche. Ces Inyankamugayo ont porté plainte. Cependant, ils disent n’avoir pas eu de suite. « L’OPJ qui

Domitien Nkezabahizi et Régis Ndacayisaba déplorent que leurs bourreaux n’aient pas été inquiétés.

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a instruit notre dossier a fini par abandonner, disant qu’il n’était pas en mesure de faire comparaitre les auteurs ». D’après eux, pour se moquer d’eux, leurs bourreaux ont tourné le couteau dans la plaie. « Ils sont allés saccager nos champs. Ils ont abattu les bananeraies. Ils ont ensuite menacé nos familles. Nos femmes nous ont déjà quittés». D’après les témoignages, à Mukerwa, les Inyankamugayo restent cloîtrés chez eux depuis longtemps. « C’est une consigne, nous devons essayer d’éviter au maximum des affrontements avec les Imbonerakure ». L’administrateur de la commune Busoni affirme être au courant de la question d’Emmanuel Coyitungiye et de sa famille. Toutefois, Albert Hatungimana rejette catégoriquement toute dimension politique dans ce dossier. Il parle d’un litige foncier avec des suspicions de sorcellerie. Selon lui, l’oncle d’Emmanuel Coyitungiye voudrait, avec des complices, le chasser pour s’accaparer de sa terre. Joint au téléphone ce jeudi, ce responsable administratif affirme s’être saisi de la question. «Nous étions ensemble tout à l’heure avec ces victimes. Je leur ai donné hospitalité pour cette nuit. Demain, je ferai une descente à la colline pour résoudre ce problème ». S’agissant du cas de Domitien Nkezabahizi et Régis Ndacayisaba, Albert Hatungimana indique qu’il n’en sait rien. Pour sa part, Anatole Rugemintwaza, chef de zone Mukerwa, soutient que personne n’est en train de persécuter ces deux Inyankamugayo.


L'ÉVÉNEMENT

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Nyanza-lac

Regain de l’intolérance politique Six responsables du parti Cnl dans cette commune sont sous les verrous depuis une semaine. Ils sont accusés de participer à une réunion illégale. Un membre de ce parti a été grièvement blessé par machette.

L

’intolérance politique prend de l’ampleur à la veille des élections. A Nyanza-lac, elle se manifeste par le rétrécissement de l’espace politique, des arrestations arbitraires et des actes d’intimidation dirigés contre les membres des partis de l’opposition, comme l’indique Gordien Habarugira, responsable du parti C dans cette commune. D’après lui, des actes d’intimidation, des traitements cruels inhumains et dégradants, bref des violations des droits de l’Homme ne cessent d’augmenter. Il précise qu’un jeune homme du nom de Samuel Bankuwiha membre du parti Cnl a été grièvement blessé par machette par des personnes non encore identifiées. « Elles ont trouvé ce jeune homme dans son salon de coiffure sur la colline de Mvugo ce lundi 16 mars et l’ont blessé par des coups de machette. » Le matin, ce jeune coiffeur agonisait et a été amené directement à l’hôpital de Kibuye en province de Gitega. Il demande à la police de mener des enquêtes

plus fouillées pour retrouver les auteurs et les traduire en justice.

Des arrestations arbitraires Il indique en plus que six responsables de ce parti au niveau des zones sont détenus au cachot de la police accusés de participer à une réunion clandestine et illégale dans le quartier de Bukeye en commune de Nyanza-lac. Il qualifie ces arrestations d’arbitraires visant à restreindre l’espace politique au parti Cnl en procédant à l’arrestation de ses responsables. Il demande leur libération afin de jouir comme d’autres citoyens des libertés publiques. Il dénonce des vols et des passages à tabac commis par des jeunes du parti au pouvoir en patrouille sur la colline Mugerama à la sous-colline Gitara dimanche 15 mars vers 20 heures. Ces jeunes se sont introduit dans le bistrot d’un certain Jean Marie Nsabimana et ont commencé à tabasser les gens qui étanchaient leur soif avant de les prendre argent et téléphones en les traitant d’ennemis du pays. Trois personnes dont le propriétaire du bistrot et deux autres ont

Vue du bureau communal de Nyanza lac.

porté plainte à la police contre le chef de ces jeunes du parti au pouvoir et attendent le dénouement de l’enquête de la police. Il y a plus d’un mois il y a eu une tentative d’incendier une permanence du parti CNL dans le quartier Bukeye de la ville de Nyanza-lac. Il demande une réunion urgente entre les parties prenantes au processus électoral

afin qu’il y ait un environnement sain, propice à des élections libres, transparentes, apaisées et inclusives. Les autorités administratives indiquent que les membres des différents partis politiques cohabitent bien sauf quelques cas isolés et quiconque transgresse la loi est arrêté et puni. Elles demandent aux responsables de ne pas confondre faire la politique et les

infractions de droit commun qui continuent à être réprimées et la responsabilité pénale est personnelle. Signalons que Nyanza-lac est une commune stratégique pour les partis politiques en compétition, car la moitié de l’électorat de la province de Makamba vit dans cette circonscription.

Le responsable du CNL à Migera assassiné Après l’assassinat de Méthuselah Nahishakiye, responsable du parti CNL sur la colline Migera, commune Kabezi, 12 personnes ont été arrêtées pour des raisons d’enquête. Iwacu a fait le suivi.

Â

gé de 25 ans, Méthuselah Nahishakiye, le responsable du parti CNL (congrès national pour la liberté) sur la colline Migera, commune Kabezi dans la province de Bujumbura a été assassiné dans la nuit du 16 mars. Son corps a été criblé de balles. Selon les informations recueillies auprès d’un proche de la famille, le 17 mars, feu Nahishakiye a été assassiné pour des raisons politiques et sa mort était visiblement planifiée. Ce proche révèle qu’il y aurait eu, dimanche dernier, une

Selon des témoignages, l’assassinat de Méthuselah Nahishakiye avait été bien planifié.

réunion visant à l’éliminer. « Quelques administratifs à la base et les jeunes du parti au pouvoir de la localité, auraient pris part à cette réunion ». Emmanuel Nyandwi, chef de la colline Migera, réfute les allégations avancées par la famille de feu Méthuselah Nahisha-

kiye. D’après lui, le défunt a été assassiné suite aux conflits fonciers entre sa famille et ses cousins, du côté paternel. Six personnes ont été arrêtées pour des raisons d’enquête. Cependant, les informations recueillies ce jeudi 19 mars, auprès du responsable du parti

CNL, dans la commune Kabezi, 12 personnes ont été arrêtées au lendemain de l’assassinat de Méthuselah Nahishakiye. Raphael Nsabimana précise que parmi ces 12 personnes emprisonnées, il y a 11 militants du CNL dont le responsable zonal à Migera. Parmi les 12 personnes arrêtées

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au lendemain de l’assassinat de Méthuselah Nahishakiye, 7 ont été libérées : les uns sont libres depuis ce 17 mars. Il ajoute que les 5 autres qui n’ont pas été libérées, sont les cousins du défunt. La famille de feu Méthuselah Nahishakiye confie qu’elle vit dans la peur. Elle signale que le défunt avait confié à sa famille que les jeunes du parti au pouvoir ne cessaient pas de proférer des menaces à son encontre. « Nous demandons que la justice soit faite et que les vrais responsables de cet assassinat soient punis », confie M.V. Jean Marie Ndayishimiye, le chef de la zone Migera assure que la cohabitation entre les membres des différents partis politiques est bonne. Méthuselah Nahishakiye a été assassiné dans la nuit de ce 16 mars, aux environs de 19 h, alors qu’il rentrait à la maison. Le défunt a reçu plusieurs balles à la tête, au niveau des côtes, sur la poitrine et au niveau des jambes.


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POLITIQUE

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Candidatures aux législatives : la Ceni rend son verdict

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Pierre-Claver Kazihise : « L’approbation des dossiers de candidature ne donne pas le feu vert pour la propagande.»

a Ceni a dévoilé, mercredi 18 mars, les résultats des candidatures à la députation. Plusieurs formations politiques ont été priées d’aller revoir leur copie. Parmi les dossiers rejetés figurent ceux de la Coalition Kira-Burundi avec comme tête de proue, l’ancien chef d’Etat Domitien Ndayizeye. Ce rejet concerne toutes les provinces. Les dossiers de candidatures à la députation du parti PalipeAgakiza de Casimir Ngendanganya et le parti MPH (Mouvement des patriotes humanistes) de Paul Nick Casimir Nicayenzi et Haruna Nkunduwiga, ont également été rejetés. Et c’est aussi pour toutes les provinces du pays. Le président de la Ceni, PierreClaver Kazihise a fait savoir que les candidats dont les dossiers n’ont pas été acceptés, ont la possibilité de faire recours auprès de la Cour constitutionnelle. Selon lui, ils ont deux jours pour le faire comme le prévoit le Code électoral. La Ceni a rappelé que l’approbation des dossiers de candidature ne donne pas le

feu vert pour la propagande, un avertissement pour les partis dont les dossiers ont été acceptés. Il s’agit du Cndd-Fdd d’Evariste Ndayishimiye, le parti CNL d’Agathon Rwasa et l’Uprona qui a mis en avant Gaston Sindimwo, le premier vice-président de la République. D’autres formations politiques ont vu leurs dossiers de candidature à la députation acceptés partiellement. Pour le Sahwanya-Frodebu, c’est dans 17 provinces, le FNL, c’est également dans 17 provinces, le Sahwanya-Frodebu Nyakuri, c’est dans 13 provinces. L’APDR ne sera présent que dans 7 provinces, le SangwePader dans 4 provinces et l’UPDZigamibanga dans 3 provinces. Pour le CDP, les dossiers de candidature à la députation ont été acceptés dans 2 provinces, idem pour le FPN-Imboneza. La coalition Copa, c’est dans 6 provinces. Les dossiers de candidature à la députation pour 18 indépendants ont été également approuvés. Chimène Manirakiza

Réactions • Tatien Sibomana : « Gaston Sindimwo et Abel Gashatsi sont des mercenaires du Cndd-Fdd »

I

l n’y a aucun doute. Pour Tatien Sibomana, candidat-député venu de la coalition Amizero y’Abarundi, le premier vice-président de la République, Gaston Sindimwo et le président de l’Uprona, Abel Gashatsi, seraient de mèche avec le Cndd-Fdd pour empêcher la coalition Kira-Burundi de s’engager dans la bataille électorale. « Nous avons toutes les raisons de penser que Gaston Sindimwo et Abel Gashatsi ont servi de mercenaires pour le compte du parti au pouvoir en vue d’écarter Kira-Burundi des élections législatives étant donné que, dans le passé, ce sont les mêmes personnages qui furent les fers de lance de l’éclatement de l’Uprona

au profit du Cndd-Fdd». Et de mettre en garde ‘’la clique Gaston Sindimwo’’ : « Vous nous empêchez de nous faire élire, mais vous ne nous empêcherez pas de voter ! Si vous avez l’audace de croire que les militants historiques de l’Uprona vous feront cadeau de leurs voix, faute de mieux pour les représenter, vous vous mettez le doigt dans l’œil ! » Tatien Sibomana avance également que « le changement peut passer par d’autres forces politiques, à l’instar de Kira-Burundi », tout en précisant « être prêt à mener des discussions avec toutes les forces aspirant au changement dans le pays».

• Gaston Sindimwo : « Le malheur entraîne toujours la recherche de boucs-émissaires ! »

Interrogé par Iwacu, le premier viceprésident de la République s’inscrit en faux contre les accusations portées par son ancien compagnon de l’Uprona : « Nous ne sommes pas comptables du rejet de leurs dossiers de candidature par la CENI. Au contraire, sommes-nous compatissants au vu de ce qui leur arrive.» Répondant sur la prétendue crainte de voir triompher des transfuges de son parti, Gaston Sindimwo estime ne pas craindre la victoire de personnali-

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tés « mortes politiquement » et « qui passent d’un parti à un autre ». Désignant l’attitude de Tatien Sibomana à son égard, le vice-président Sindimwo parle de ‘’haine et rancune’’. « Le malheur entraîne toujours la recherche de boucsémissaires », tranche le candidat à la présidentielle de l’Uprona. Alphonse Yikeze


POLITIQUE

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Du passé composé au futur simple

Le pouvoir royal dilué Avant la colonisation, le roi est maître dans son royaume. Assisté par ses conseillers, il décide pour le pays. Cependant, avec les colonisateurs, le roi a vu ses pouvoirs se réduire comme peau de chagrin. Débat.

C

’est en 1917 que le Burundi va tomber sous la domination belge. Vaincus lors de la Première guerre mondiale, les Allemands sont obligés de céder leurs colonies », indique Alida Graciella Iteriteka, chercheure. Et pour gouverner, il signale que ces derniers ont appliqué l’indirect ruler (administration indirecte). Un système qui consiste à laisser au roi et aux institutions locales le pouvoir dans les affaires coutumières. Aloys Ndakoraniwe, un autre invité au débat, signale que ce système était tel que le roi devait sentir que son salut était conditionné par la présence allemande. « Par ce système, les institutions locales étaient maintenues et respectées». Les Allemands l’ont d’abord appliqué dans le Tanganyika territory et c’est à partir de 1905 que ce système s’est appliqué au Burundi sous l’initiative du gouverneur Von Götzen. Pour James Ndayizigiye, un jeune du Centre Jeunes Kamenge, les Allemands étaient doux. « Le roi et ses délégués avaient une certaine considération et pouvaient prendre des décisions». Ce qui rejoint l’idée de M.Ndakoraniwe qui trouve que l’autorité allemande avait un certain degré de considération des peuples colonisés, une volonté de respect mutuel.

Contrairement aux Allemands, les Belges vont appliquer le direct ruler (administration directe). James Ndayizigiye estime que les Belges vont diluer le pouvoir royal : « Le roi n’avait plus droit de décision, sa personnalité a été dévalorisée. Il était réduit à un simple sujet.» Pour Alexis Bigirimana, un autre jeune du Centre Jeunes Kamenge, cette administration directe a scandalisé les Burundais qui avaient une estime pour le roi. Elle était caractérisée par le non-respect de l’organisation politique et sociale des peuples colonisés, la destruction des fondements de la monarchie burundaise, le mépris de l’autorité royale et la destruction des bases philosophiques, politiques, sociales et culturelles du Burundi.

« Ils sont les mêmes » Pour Belinda Iradukunda, une étudiante à l’Université du Burundi, les colonisateurs sont les mêmes. Même du temps de l’indirect ruler, explique-t-elle, on dit que le roi était là pour gouverner, mais il ne régnait pas. Or, avant l’arrivée des colonisateurs, cette jeune étudiante rappelle que le roi assurait les deux fonctions : gouverner et régner. « Il était le garant de la sécurité, du développement de son pays». Audrey Akimana, elle aussi

Vue partielle des participants dans le débat au Centre Jeunes Kamenge.

étudiante à l’Université du Burundi, observe que les Allemands n’étaient pas des enfants de chœur : « Ils étaient hypocrites. Dans les mots, ils disaient avoir laissé le pouvoir au roi, mais ce sont eux qui prenaient les décisions.» Elvis Nduwayo soutient qu’il n’y avait pas de différence entre les Belges et les Allemands : « Avant leur arrivée, le royaume était bien géré par les rois, la cohabitation était bonne entre les composantes de la société burundaise. Un ordre qui a été renversé avec les colonisateurs. » Et d’enchaîner : « Avec la politique de diviser pour

régner, l’exclusion d’une catégorie de la population, des privilèges accordés à une ou telle autre ethnie, des Burundais ont commencé à se rentrer dedans », détaille ce jeune. Reconnaissant qu’il y a eu des progrès dans le domaine socioéconomique, il souligne que les colonisateurs avaient des intérêts visés : le pillage des ressources naturelles et minières, l’exploitation de la main d’œuvre, etc. Malheureusement, déplore-til, il y a eu des Burundais qui se sont alignés derrière les colonisateurs pour bénéficier des faveurs. Quant à Diomède, un jeune chercheur, il est convaincu que

les colonisateurs n’ont réalisé aucune bonne action dans le pays : « Par exemple, l’installation des écoles ne visait pas l’intérêt des Burundais. Mais c’était pour avoir des collaborateurs pouvant les aider à asseoir leur domination. Ce sont eux qui choisissaient ceux qui vont fréquenter ces écoles.» Pour lui, même les routes tracées se dirigeaient vers les missions, leurs lieux de résidence, etc. « C’était aussi pour rendre facile le contrôle de tous les coins du pays». Rénovat Ndabashinze

Eclairage Selon le politologue Elias Sentamba, les Allemands ont appliqué l’indirect ruler pour deux raisons. Ils étaient moins nombreux pour remplacer tous les organes dirigeants en place. Ils devaient alors se faire aider par les noirs. Pour lui, ces Allemands ont été un peu malins. « Ils voulaient donc se donner du temps pour être nombreux». A ceux qui disent qu’ils étaient doux, il leur rappelle que les Allemands ont appliqué la politique de diviser pour régner. Pour affaiblir le roi Mwezi Gisabo, ils ont soutenu les rebelles comme Kilima et Maconco. Et après la signature du Traité de Kiganda consacrant la soumission du roi aux Allemands, ces derniers l’ont aidé à combattre ses anciens alliés à savoir Kilima et Maconco. En ce qui est de l’administration indirecte appliquée par les Belges, il rappelle que ceux-ci sont arrivés au Burundi en 1917. Vaincue lors de la 1ère guerre mondiale, l’Allemagne a vu ses colonies confier aux Le politologue Elias Sentamba. autres puissances. Le Burundi est tombé dans les mains des Belges qui étaient d’ailleurs présents au Congo. Et pour avoir une mainmise sur le pays, ils ont commencé par détruire les fondements de la société : le culte traditionnel religieux (Kubandwa), la suppression de l’Umuganuro (grand rassemblement national, une sorte de retraite gouvernementale), la diabolisation des Abagumyabanga (gardiens des secrets royaux parmi les conseillers du roi), le rôle d’Abishikira réduit à zéro, etc. Ces derniers étaient les

informateurs du roi, un véritable service de renseignement. Ils donnaient rapport directement au roi et échappaient au contrôle des princes, d’Abatware (chefs). Ainsi, le roi va rester seul et solitaire et ses pouvoirs fortement réduits. C’est alors que les Belges vont décider pour le pays. « Désormais, ce sont les nouveaux convertis au catholicisme, ceux qui savent lire et écrire qui vont être des proches des colonisateurs. L’école ayant déjà créé la distance entre eux et le reste de la population». Mais le grand bouleversement va s’opérer avec la réorganisation administrative initiée par la tutelle belge en 1925. Avec cette administration, presque tous les Hutu ont été exclus de l’administration, des postes de responsabilités, etc. « Ils ont été progressivement remplacés dans l’administration par les lauréats d’Astrida. Ces derniers étaient majoritairement des fils de Baganwa et des Tutsi». Avant l’arrivée des colonisateurs, toutes les composantes de la société étaient représentées dans les différents organes dirigeants. « Pour désigner telle ou telle autre personne à un tel poste, c’est l’appartenance clanique qui était mise en avant et pas l’ethnie. Les termes Hutu et Tutsi avaient un autre sens, contrairement à ce qui se dit aujourd’hui».

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R.N.


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POLITIQUE

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Face au coronavirus, le bon sens viral

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’Arabie saoudite a suspendu, mercredi 4 mars, le petit pèlerinage dans les lieux saints de l’islam pour prévenir la propagation du nouveau coronavirus. Ni les Saoudiens ni les ressortissants d’une terre où la croyance en Dieu est gravée dans le marbre de la loi ne se sont contentés de remettre leur destin entre les mains du Très-Haut face au Coronavirus. Dimanche 8 mars, le pape François a prononcé, depuis sa bibliothèque, sa traditionnelle prière de l’Angélus, retransmise en direct par vidéo, et non depuis sa fenêtre surplombant la place Saint-Pierre à Rome. Par cette décision, le Vatican a souhaité « éviter les risques de diffusion » du Covid-19. Quid de l’attitude des dirigeants politiques et leaders religieux du pays des mille et une collines où le Dieu unique en trois personnes figure dans le préambule de la Constitution du 7 juin 2018? La Communauté Islamique du Burundi (COMIBU) s’est fendue d’un communiqué, lundi 16 mars, recommandant aux Burundais de respecter les consignes sanitaires édictées par le ministère de la Santé publique. Son leader a aussi appelé les responsables des mos-

quées à organiser des prières pour implorer l’intervention d’Allah le Clément, le Miséricordieux. Quand une croyance religieuse n’entre pas en concurrence avec une connaissance, le ministère de la Santé publique a les coudées franches pour jouer pleinement son rôle de fer de lance dans la prévention contre cette pandémie. Dimanche 15 mars, son

titulaire a présidé une réunion d’urgence pour la préparation de la riposte contre le Covid-19. Le lendemain, il a dressé l’état des lieux de la prévention contre cette pandémie. Quand la science se cantonnant dans sa sphère de compétence sape les dogmes d’une des trois religions révélées, elle est superbement ignorée, mise en

mode veille. Car elle dérange, oblige à sortir de sa zone de confort où la ‘’certitude du salut’’ ou l’espérance règne en maître. Le judaïsme, le christianisme ou l’islam, le cas échéant, rogne ainsi la circonférence du champ d’action dans lequel est censé opérer l’esprit critique. La science a établi que l’Homme est apparu dans l’univers à l’issue

d’un processus historique beaucoup plus long que sa propre présence sur Terre. Mais la croyance en une création de l’Homme reste indéboulonnable chez les croyants. Elle prétend avoir le dernier mot par la capacité des fidèles à s’investir dans sa défense au point de rendre inaudible tout autre son de cloche. Or, « on mesure un savoir à sa validité et non pas à son origine », nous enseigne le philosophe arabe médiéval Averroès. L’idée de l’Homme comme résultat d’une évolution est alors réduite à une simple croyance. Et pour cause, cette connaissance, qui s’impose à nous, distille un poison mortel dans le cœur du sacré, faisant voler en éclats deux attributs divins, l’omnipotence et l’omniscience. « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ », annonce Galates 3, 28. Face à cette pandémie du Covid-19, il n’y a plus ni chrétiens ni musulmans, il n’y a plus ni athées ni agnostiques, car le bon sens devient la chose la mieux partagée quand l’instinct de survie s’en mêle. Guibert Mbonimpa

Chronique sur les messages de haine

« Un langage kamikaze provoque des violences de masse à grande échelle » Utilisé en cas d’antagonisme sociopolitique, le langage kamikaze peut provoquer des violences de masse. Désiré NiyonganjI, expert en communication nonviolente, préconise la retenue et un dialogue pour trouver un compromis.

Q

ue peut-on comprendre par langage kamikaze ? Un langage kamikaze est utilisé par un groupe en position de faiblesse en cas d’antagonisme socio-politique. Les membres d’un groupe humilié, disqualifié, menacé d’extermination sont emportés de colère et menacent à leur tour d’en découdre avec les membres d’un groupe opposé. Ils sont conscients qu’ils sont les grands perdants de cette oppo-

dialogue permanent pour trouver un compromis sur toute situation problématique. « La violence appelle la violence », disent les sociologues. Il faut donc un climat d’échanges et de dialogue afin de se rassurer mutuellement. Quant à la population, il importe qu’elle s’interroge pour prendre la meilleure option. Des personnes deviennent des fanatiques au point de passer à l’acte immédiatement sans en évaluer l’impact. Il faut penser, raisonner, puis réagir.

sition. Ils se disent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Pour eux le seul moyen de se faire entendre est d’engager un bras de fer. Quand est-ce que ce langage est utilisé? C’est un langage en vogue quand prévalent des conditions socio-politiques obscures. Les gens ne voient pas la finalité de ce qu’ils sont en train de faire. Prenons la période électorale. Dans certains pays, on connaît le candidat favori. Mais ailleurs, il est difficile de le constater, chacun se considérant comme tel. On se lance des piques. Du coup, il y a formation des blocs. Que peuvent être les conséquences ? Des membres du groupe indexé cherchent à se valoriser par tous les moyens. Ils passent à l’offensive. C’est une réaction suicidaire. Ils se disent qu’ils vont attaquer puis assumer la suite. Les membres du groupe en position de force se consolident et organisent la riposte. Sa réaction est souvent plus violente.

Des bagarres, une crise voire une guerre. La société est embrasée. De tels langages sapent tous les efforts de réconciliation. Si cette situation persiste, ce sont des violences de masse à grande échelle.

Que faut-il faire pour prévenir l’irréparable en cette période électorale ? Les leaders politiques doivent privilégier une communication non-violente et créer un cadre de

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Quid des professionnels des médias ? Ils ne sont pas en reste. Ils doivent faire preuve de professionnalisme. Diffuser des informations fouillées, vérifiées et recoupées. Eviter de tomber dans le piège des politiciens. Il ne devrait pas y avoir confusion entre acteurs politiques et professionnels de médias. En cas d’accusation gratuite, le démenti à lui seul ne suffit pas pour compenser le dommage causé. Propos recueillis par Jérémie Misago


ÉCONOMIE

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Kayanza

Où vendre le café washed déjà traité par les caféiculteurs ? Certains caféiculteurs déplorent le manque de marché d’écoulement du café cerise. Pour sauver une partie de la récolte, ils la traitent manuellement. La confédération des caféiculteurs « Bonakure » demande à l’Etat d’acheter le café washed. Le ministre fait savoir que les cerises ne sont pas encore mûres à Kayanza.

C

olline Kibingo, commune Kayanza. Il vient de pleuvoir. La première impression de tout visiteur est que la saison s’annonce bonne pour le café. Les plants de caféiers croulent sous les cerises rouges parci et par-là. Ce lundi 17 mars 2020, il est 1o heures. Une jeune femme fait la cueillette du café cerise. Mais elle est désespérée. Elle ne sait pas à quel saint se vouer. «Depuis début mars, j’encaisse une grande perte car les cerises mûres pourrissent et tombent par terre faute du marché d’écoulement.» D’après elle, la Sogestal indique qu’elle n’a pas encore reçu l’autorisation de collecte de café cerise. Face à cette situation, la femme n’a pas croisé les bras. Pour sauver une partie de la récolte, explique cette cultivatrice, elle a fait recourt à la méthode du traitement manuel du café. Une méthode est interdite par le gouvernement. La caféicultrice fait savoir qu’elle assumera la suite : « J’ai investi beaucoup d’argent pour l’entretien de cette culture, je ne peux pas rester main croisée lorsque les prémices pourrissent. » Par ailleurs, enchaîne-t-elle, je ne suis pas seule. Certains voisins font la même chose. Selon elle, entre les deux maux il faut choisir le moindre. Laisser sa production pourrir ou la traiter manuellement. Mêmes lamentations chez un autre cultivateur rencontré à la station de lavage privée, Munkaze coffee de la colline Kirema. Ce jeune homme raconte qu’il vient demander s’il peut amener sa production. La réponse est toujours la même : « Nous n’avons pas encore reçu la licence d’achat du café cerise. » Ce dernier confie qu’il a déjà pris la précaution : « J’ai déjà traité manuellement plus 50 kg de café cerise. Je n’avais pas de choix. » D’après lui, le gouvernement met les caféiculteurs dans la confusion. Car il leur interdit de traiter la production manuellement et traîne à leur donner l’autorisation de collecte du café. « Si le gouvernement choisit de punir ceux qui traitent manuellement le café en refusant d’acheter le café washed, je verse-

rai ma production dans le compostier». Et de soutenir qu’aucun cultivateur ne peut assister au pourrissement de sa récolte sans réagir.

A Kavumu, une coopérative achète du café sans autorisation Même si la Sogestal et certaines sociétés n’ont pas encore commencé la collecte du café cerise, la coopérative « Twaranyuzwe » située sur la colline Kavumu a déjà débuté l’achat du café Les cerise de café mûres sur la colline Kibingo. cerise. Jacqueline, un enfant sur le dos, fait savoir qu’elle n’empêche la coopérative de col- caféiculteurs indique que la coovient vendre 12 kg à 550 BIF le lecter la récolte des membres. Car pérative n’a bénéficié d’aucun kilo. « Même si une partie de ma ce sont ces membres eux-mêmes montant pour financer les activités de collecte de café. « Nous récolte est pourrie. J’espère que je qui achètent leur production. vendrai le reste». Il fait savoir que la collecte du avons utilisé le peu de moyens D’après Térence Bigirimana, café cerise a commencé vendredi dont nous disposons pour entreteprésident de cette coopérative, 14 mars. En une seule journée, la nir cette usine. » Pourtant, si l’Etat le choix de collecter coopérative a déjà ne débloque pas le financement le café sans autorisa« Il n’y avait acheté 296,5 kg de d’ici peu, la campagne café 2020tion du gouvernecafé cerise catégorie 2021 risque d’être perturbée. pas d’autres A et 76,5 kg de café D’après Arthémon Bizimana ment s’est expliqué moyens par deux raisons. cerise catégorie B. coordinateur technique de la D’une part, cette d’empêcher les M. Bigirimana confédération des caféiculteurs décision vise à éviter déplore que la coo- « Bonakure », l’Office pour caféiculteurs pérative n’ait pas de le Développement du Café la détérioration de de traiter la récolte dans les moyens de fonc- du Burundi doit accorder des champs. D’autre part, manuellement tionnement. Avant licences de collecte du café cerise certains caféiculteurs la reprise en main dans l’immédiat. Sinon, les caféile café. » commençaient à du secteur café par culteurs vont continuer à recourir cueillir et à déparcher l’Etat, le consor- au traitement manuel du café. le café cerise manuellement. tium des coopératives des caféi- Car, ils ne peuvent pas assister à « Il n’y avait pas d’autres moyculteurs avalisait les coopératives la détérioration de leur récolté. ens d’empêcher les caféiculteurs auprès des banques pour avoir les En outre, pour éviter le désde traiter manuellement le café. financements pré-campagne. ordre et les conflits entre les C’était d’acheter sa production». Pour le moment, l’Etat accepte usines qui achètent du café En outre, ce représentant des de financer cette campagne. cerise, l’Office pour le développecaféiculteurs fait savoir que rien Toutefois, ce représentant des ment du café du Burundi (ODECA)

Deo-Guide Rurema : « Dans la province de Kayanza, les cerises ne sont pas encore mûres. Nous commencerons la collecte le 25 mars. »

devrait publier la répartition des centres de collecte du café.

« Bonakure » suggère à l’Etat d’acheter le café washed M. Bizimana demande à l’Etat de penser à l’achat du café déjà traité manuellement appelé « café washed ». Sans quoi, indique-t-il, c’est une porte ouverte à la fraude. Les caféiculteurs devraient dans ce cas tenter de vendre à tout prix le café washed dans les pays limitrophes. Dans un point de presse de ce mercredi 18 mars animé par le ministre de l’Environnement, les journalistes ont demandé si le gouvernement achètera le café washed traité manuellement par les caféiculteurs. Sur cette question, le ministre Déo-Guide Rurema n’a pas vraiment répondu. Par ailleurs, il a balayé du revers de la main les témoignages des journalistes affirmant avoir recueilli des lamentations des caféiculteurs qui ont traité manuellement le café, faute de marché d’écoulement « Dans la province de Kayanza, les cerises ne sont encore pas mûres. Nous commencerons la collecte le 25 mars». Selon le ministre, seuls quelques caféiers précoces ont des cerises mûres. Ce n’est pas alarmant, le phénomène n’est pas nouveau, a estimé le ministre. M.Rurema indique que ceux qui disent que le café cerise manque de marché d’écoulement n’ont qu’un seul objectif désorienter les caféiculteurs et les autorités locales. vises qui circulaient dans le noir. Pierre claver Banyankiye

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SOCIÉTÉ

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Plus de 1600 Burundais refoulés de la RDC La République Démocratique du Congo a remis, mercredi 18 mars, au gouvernement burundais, les adeptes de la prophétesse d’Eusébie Ngendakumana expulsées de ce pays pour un séjour irrégulier. Ces adeptes réclament une protection.

C

’est aux environs de 9h. Très peu d’hommes, beaucoup de femmes et d’enfants de tous âges, embarqués dans plusieurs camions, arrivent à la frontière burundo-congolaise de Gatumba. Ils sont sous escorte d’une armada de policiers et militaires congolais armés jusqu’aux dents. Tout le monde a une écharpe bleue et toutes les femmes et filles ont un voile blanc sur la tête. Les deux symbolisant la paix, selon leurs propos. Des chants religieux se font entendre. Certains entonnent : « Nous rentrons dans une terre promise. Nous avons les cœurs joyeux.» D’autres encore chantent : «Jésus a ouvert les portes. Personne ne pourra plus fermer.» Mais ils sont maigres et épuisés. Le voyage aura duré 4 jours de Goma à Gatumba, selon leurs témoignages. Les activités habituelles à la frontière sont momentanément suspendues. On peut voir une longue file d’attente de véhicules et passagers des deux côtés. De l’impatience se lit sur leur visage. Des grognes fusent de partout.

Quid de l’accueil ? Ces adeptes de la prophétesse de Businde sont accueillis par les autorités burundaises dont, Nestor Bimenyimana, directeur général du rapatriement au ministère de l’Intérieur, Nadine Gacuti, gouverneur de la province Bujumbura, Jimmy Hatungimana, directeur général des migrations, et quelques représentants du HCR. Des camions les attendent, côté burundais sous haute sécurité policière et militaire. Ils débarquent un à un avec leurs effets. Certains pieds nus font la queue. Les agents sanitaires vérifient leur température avant d’être embarqués. Une sexagénaire refuse de subir le test et crie à haute voix : «C’est contre ma foi.» Ils sont acheminés à Gatumba dans une salle de réception dénommée « Cercle du centenaire de la commune Mutimbuzi ». Policiers et militaires les enregistrent. D’après eux, c’est pour

A l’arrivée, les adeptes d’Eusébie descendent du camion policier.

connaître leurs identités et leurs origines. Curieusement, d’autres policiers isolent les hommes et les interrogent. Autre constat, la police interdit aux familles et proches de s’approcher des leurs. Plusieurs militaires et policiers sécurisent l’intérieur et les alentours du cercle. Sur place, les agents de la Croix Rouge préparent de la nourriture pour eux. De l’eau est déjà là. Quelques tentes sont déjà installées.

« Nous sommes victimes de notre foi » « Nous sommes allés prier au Congo parce que l’Eglise catholique nous a empêchés de prier à Businde. Elle nous a persécutés », s’indignent certains refoulés. Ils disent craindre pour leur sécurité. Ils demandent une protection du gouvernement burundais. « Que nous puissions continuer à prier sur notre lieu saint. Nous sommes victimes de

notre foi ». Interrogés sur la rési- de retourner à Businde : «C’est dence d’Eusébie Ngendakumana, un lieu saint. J’adore la prophète ils disent ne pas connaître où se qui m’a aidée à connaître Dieu.» trouverait la prophétesse. Quant « Ce sont à leur façon de vivre, ces adeptes des irréguliers » confient qu’ils étaient obligés de travailler dans des champs ou «Ils sont accusés de vivre irréguménages des familles congolaises. lièrement sur le sol congolais », Interrogés sur leur présence à indique Kifara Kapenda Kiki, le Goma, ces adeptes indiquent maire adjoint de la ville d’Uvira, qu’ils étaient parqui a accompagné ces tis pour un pèleriadeptes d’Eusébie. Ils « Ils sont nage. sont ni demanaccusés de vivre ne J.N, est originaire deurs d’asile, ni de Gitega. Il va au irrégulièrement réfugiés reconnus par Congo en 2018. Il le HCR. Selon lui, ils sur le sol exerçait le métier sont venus en petit congolais.» de taxi-vélo avant nombre et se sont de rejoindre les installés à Goma, au autres adeptes de Eusébie. Il tient Nord-Kivu. « Après vérification, toujours à sa foi : «Je vais continuer nous avons remarqué qu’ils étaient à prier malgré la persécution.» des irréguliers d’où la nécessité de B.N. est originaire de la com- les rapatrier chez eux ». Et d’ajouter mune Mutaho. Elle commence qu’il ignore ce qu’ils étaient venus à fréquenter Businde en 2010. faire au Congo. « C’est un rapaElle jure de ne pas céder aux triement et non un refoulement », séquestrations : «Je n’entends pas martèle-t-il. abandonner ma foi. » Elle a envie Selon nos sources à Rumonge,

Nadine Gacuti, gouverneur de Bujumbura, assise au milieu, est venue accueillir les adeptes d’Eusébie.

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plus de 1547 adeptes ont été déplacés à bord de camions militaires et policiers, tard dans la nuit, vers le camp de transit de Makombe, colline Mutambara, zone Gatete, en province Rumonge. Selon les mêmes sources, les équipes de la Croix Rouge leur ont apporté de la nourriture. Mais les conditions d’hygiène laissent à désirer. L’on ignore les jours que ces personnes vont passer dans ce camp. Mais elles devront subir une formation patriotique avant de regagner leurs familles respectives, précisent nos sources.

En conflit avec les forces de l’ordre Ce n’est pas la première fois que les adeptes d’Eusébie Ngendakumana trouvent refuge en RDC. En 2017, 37 adeptes ont été tués dans des heurts qui les ont opposés à des militaires congolais. Quelques jours après le drame, ils ont quitté le Congo pour demander asile au Rwanda, mais ce dernier les a refoulés et remis au gouvernement burundais. Ils n’ont pas voulu obéir aux directives du HCR. Quelques-uns ont alors préféré reprendre le chemin de l’exil vers la RDC. Rappelons aussi qu’en 2013, au moins neufs adeptes de ladite prophétesse ont été tués dans des altercations avec la police burundaise qui avait interdit les prières. Son sanctuaire qui servait de lieu de pèlerinage et de prière pour ces adeptes a été détruit. Les autorités burundaises l’accusaient d’ « insurrection et d’incitation à la désobéissance civile ». Un mandat a été émis contre elle. Cette dernière a fui avec ses adeptes vers la RDC. Félix Haburiyakira


AU COIN DU FEU

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Avec Excellent Nimubona Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Excellent Nimubona.

V

Votre définition de la justice ? La justice, c’est reconnaître et respecter les droits d’autrui.

otre qualité principale ? Je suis positif.

Votre défaut principal ? Souvent, je donne raison à l’autre même quand il me fait du mal.

Si vous étiez ministre de la Communication, quelles seraient vos deux premières mesures ? Exiger aux médias burundais de diffuser 80% des contenus locaux. Puis professionnaliser les structures de communication tant publiques que privées.

La qualité que vous aimez chez les autres ? L’honnêteté. Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? Vouloir du mal aux autres.

Si vous étiez ministre de la Culture, quelles seraient vos deux premières mesures ? Instaurer une politique de promotion des modèles culturels. Mettre en place et professionnaliser les métiers du secteur artistique et socioculturel.

La femme que vous admirez le plus ? Mon épouse. Elle est honnête, sincère et directe. L’homme que vous admirez le plus ? Je crois que si l’on me posait cette question il y a une année, la réponse serait différente. Mais aujourd’hui, je suis certain que ma réponse sera la même à jamais. L’homme que j’admire le plus est un écrivain américain des années 1800, Napoléon Hill. Grâce à son ouvrage « Plus malin que le Diable », désormais je sais qui je suis. Votre plus beau souvenir ? Le jour où j’ai signé mon contrat de travail à la Radio Isanganiro. Mon rêve est devenu réalité. Votre plus triste souvenir ? Très difficile à croire, mais c’est la réalité. C’est le jour où celui que je considérais jusque-là comme mon propre père m’a regardé en face et m’a dit : « Je ne suis pas ton père, ta mère t’a menti.» Je préfère le citer dans ses propres mots pour que vous compreniez à quel point cela a été un coup de poignard. Quel serait votre plus grand malheur ? Que les Burundais se rentrent dedans une fois de plus pour cette histoire d’ethnie. Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? Le début de la démocratie, dès les années 90.

Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ? Oui j’y crois. La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 15 juin 1993, quand la Cour constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs de la présidentielle. La plus terrible ? Le 21 octobre 1993, le jour du coup d’Etat contre le président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye. Un évènement qui a marqué le début de la guerre civile au Burundi. Le métier que vous auriez aimé faire ? Celui que j’exerce, communicateur. J’aime communiquer avec mon corps. Parler à un public large et impacter positivement le monde qui m’entoure. Votre passe-temps préféré ? Le sport. Votre lieu préféré au Burundi ? Les bords du Lac Tanganyika. Le pays où vous aimeriez vivre ? Le Burundi. D’abord parce que je suis fier de mon pays. Ensuite la vue, le climat et la nature de

ce pays sont extraordinaires. Le Burundi est naturellement beau. Le voyage que vous aimeriez faire ? Franchement j’ai un agenda de voyages à faire et je crois que je vais les faire. Votre rêve de bonheur ? Servir la société à travers mes talents et mon expertise. Votre plat préféré ? Le Mukeke du Lac Tanganyika. Votre chanson préférée ? « Forever young » d’Alphaville, un groupe de rock allemand. Quelle radio écoutez-vous ? La radio burundaise RFM (Radio Fréquence Menya). Avez-vous une devise ? Toujours authentique. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? J’étais à la maison et je me rappelle avoir dansé avec mes frères pour célébrer l’information sur la victoire du président Ndadaye.

Votre définition de l’indépendance ? Pour moi, l’indépendance c’est quand un pays prend la responsabilité de gérer ses affaires. Votre définition de la démocratie ? C’est quand le peuple a la liberté d’élire, sans aucune pression, ses dirigeants par les urnes.

Pensez-vous à la mort ? Oui. Mais j’y penserai beaucoup plus à l’âge de la vieillesse, quand le corps sera amorti. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Merci pour tant de belles choses que tu m’as données. Propos recueillis par Clarisse Shaka

Bio express

N

é en 1977 dans la province Rumonge, Excellent Nimubona est titulaire d’un diplôme de licence en Informatique. Aujourd’hui directeur de la Radio Fréquence Menya (RFM), il entre dans le monde de la communication en 2004 où il intègre la radio Isanganiro. Il s’investit dans la promotion de la musique burundaise. Excellent Nimubona apparaîtra dans un film tanzanien Cupa Nyeusi aux côtés des stars du cinéma tanzanien notamment la célèbre « Oprah », Irène Uwoya de son vrai nom. Depuis 2008, cet entrepreneur culturel s’impose comme

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présentateur de grandes scènes culturelles, notamment Pam Award, Miss East Africa, Festibuk en RDC (Bukavu), SICA au Bénin, Soirée de Gala de Bruxelles en 2010, etc. En 2012, il quitte la radio pour intégrer la société de téléphonie mobile Econet-Leo en tant que responsable des relations publiques. Un poste qu’il occupera pendant 2 ans avant de rejoindre le monde de la banque à Finbank comme Directeur marketing, ventes et détails. C’est en 2018 qu’il décide de voler de ses propres ailes. Il preste désormais comme consultant en communication en plus de diriger la RFM.


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega

Coronavirus :des rumeurs dangereuses Malgré les efforts de l’administration et les services sanitaires pour sensibiliser la population à se protéger en se lavant régulièrement les mains avec du savon, certaines personnes surtout dans les quartiers populaires continuent de prendre à la légère les mesures prises. De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

D

epuis peu, devant chaque bureau, dans les milieux publics, un seau d´eau et du savon sont placés devant l’entrée. Souvent, un gardien ou un agent de sécurité oblige toute personne qui arrive de se laver d’abord les mains. Des précautions qui parfois font jaser certains. « Où est alors la nourriture pour manger. Depuis ce matin c’est la dixième fois qu’on m’oblige de me laver les mains», plaisante un quinquagénaire envers le gardien d’un bar restaurant. Pour la population, cette pandémie publiée dans tous les pays est un danger pour la population burundaise qui prend souvent à la légère certaines précautions d’hygiène.

Région Ouest

« Ntamurundi yicwa n’umucafu, na ebola yaradusize (littéralement : la saleté ne tue pas un Burundais, même ebola ne nous a pas atteints) », affirme une femme qui regarde de loin un seau d’eau posé devant un magasin. Au centre-ville, dans les quartiers, les hommes et les femmes continuent de se serrer la main en se saluant, des embrassades et se donnent des bises comme à la normale. Interviewés, la plupart d’entre eux affirment qu’ils oublient souvent de se laver les mains, que ce n’est pas dans leurs habitudes. Se serrer la main, c’est comme une tradition. « Imagine que tu rencontres une parenté et tu refuses de lui serrer la main ou l’embrasser. Il te prendra pour un orgueilleux ou un impoli. Il y a encore de quoi faire pour changer », indique une enseignante. Et un autre d’abonder

Une femme se lavant les mains devant l’entrée d’une école de la ville de Gitega

dans le même sens : « Nos coutumes nous tueront. Personne ne veut prendre au sérieux cette menace ! »

De fausses informations prises pour vérité Dans les quartiers populaires, autour d’une tasse de café ou d’un

verre de bière, des hommes lancent souvent des affirmations gratuites qui font froid dans le dos. « La peau noire des Africains est immunisée contre ce coronavirus. Les blancs n'ont pas de la mélanine, c’est pourquoi ils l’attrapent facilement », raconte un homme attablé dans un res-

taurant au quartier Nyamugari à la deuxième avenue. « Il suffit de boire du thé ou du café chaud pour que le virus soit tué», estime un autre. Non loin de ce restaurant, un groupe d´hommes qui entendent l’appel du muezzin pour la prière de midi, eux aussi alimentent les mêmes rumeurs. « C´est une punition divine pour les non croyants. Ce geste de lavage rituel de purification du corps que nous faisons avant chaque prière suffit pour nous protéger contre cette maladie », soutient un homme d’une trentaine d’année. Curieusement, tout le groupe qui est avec lui semble approuver cette théorie. « L´histoire nous a montré que les musulmans ont été toujours épargnés par des épidémies »,poursuit son ami vendeur de café. En attendant, l´administration et la province sanitaire continuent de sensibiliser tous les chefs de service, les détenteurs d’hôtels, de restaurants, les hommes d´églises, etc de sensibiliser la population aux mesures d’hygiène pour se protéger contre ce virus.

RDC-Sange

Plus de 1400 réfugiés burundais en moins de 2 semaines Ils sont rassemblés au centre de transit pour les réfugiés dans la localité de Sange en RDC. L’intolérance politique, la pauvreté, les règlements de comptes sont entre autres raisons qu’ils avancent. Les responsables du site n’ont pas des solutions dans l’immédiat. De notre correspondant Jackson Bahati

A

u centre de transit des réfugiés burundais de Sange, plaine de la Rusizi territoire d’Uvira en République Démocratique du Congo, il y a 1465 demandeurs d’asile en moins de deux semaines. Ce site est situé à une quinzaine de km de la rivière Rusizi, frontière burundo-congolaise, des provinces Cibitoke et Bubanza. Des enfants et leurs mères sont assis devant le bureau pour demander quoi mettre sous la dent. Ils affir-

Les enfants au site de transit de Sange

ment mener une vie de misère. Certains réfugiés rencontrés dans ce site disent qu’ils ont fui leurs voisins parce qu’ils les ont menacés pour des mobiles politiques. Une mère de 5 enfants dit qu’elle a marché à pied depuis la province de Makamba pour y arriver, elle a fait toute une semaine. Selon cette mère, elle a été assistée par d’autres réfugiés.

« Sinon, cette famille allait mourir suite à la famine », témoignent d’autres réfugiés. Même son de croche chez Jean Marie Nsabiyumva, âgé de 65 ans. Il vit dans ce site de transit depuis deux semaines en provenance de la province de Bujumbura. Selon lui, l’intolérance politique entre le parti du Congrès national pour la liberté (CNL) et le Cndd-Fdd l’a

poussé à quitter le pays avec ses amis.

Les autorités d’Uvira préoccupées Ces demandeurs d’asile indiquent que le manque de nourriture et des médicaments dans ce centre de transit s’observe. Toutefois, ils demandent qu’ils soient reconnus

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comme réfugiés le plus tôt possible pour être conduits dans les camps. « Nous avons demandé aux autorités hiérarchiques que les réfugiés vivant dans le site de transit de Sange rejoignent les camps et nous attendons toujours leur décision», a précisé Ndabwirwa Walula Rukarisha, le chef du groupement de Sange, en colère. Selon cette autorité, ces réfugiés vivent sans aucune assistance. D’autres risquent d’être victimes de maladies de malnutrition, a déclaré Ndabwira Walula. Freddy salum, le responsable de la commission nationale pour les réfugiés se dit sidéré des conditions de vie que mènent ces réfugiés d’autant plus que parmi eux, il y’ a ceux qui ont plus de 2 ans vivant dans ces conditions. Il déclare que la présence de ces réfugiés dans cette localité constitue aussi un danger pour la société et surtout les problèmes d’hygiène. Pour cela, il promet de rencontrer les autorités de ce territoire afin de pouvoir prendre des mesures adéquates pour que ces demandeurs d’asile soient transférer aux camps des réfugiés.


SPORT

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Football « Aucune injonction à recevoir ni de l’ACBAB ni de la FEBABU » Afin de mieux défendre leurs intérêts, les arbitres du ballon orange ont créé, samedi 7 mars, l’ANAB. Ils soutiennent que cette association contribuera au développement de la discipline. Rencontre avec son président, Franck Bujeje.

P

lus de 50 ans que ce corps des arbitres existe, pourquoi la création de l’association des arbitres nationaux du Burundi(ANAB) ? Vaut mieux tard que jamais, diton. Après plus d’un demi-siècle, nous avons compris qu’il nous fallait un cadre de dialogue concerté, une tribune pour porter loin nos doléances, partager notre savoir. Ainsi contribuer au développement du basketball burundais. Aussi faut-il dire que les différends au sein de la fédération de basketball du Burundi (Febabu) nous ont fait prendre conscience de la nécessité de raffermir nos rangs parce que les sollicitations de tout bord sont légion. Dans ce conflit, nombre de supporteurs déplorent le partipris de certains parmi vous? C’est une des raisons à l’origine de la création de ce cadre de dialogue. Si c’est l’un d’entre nous

qui s’égare, nous devons être en mesure de le corriger. Les membres sont prévenus : celui qui enfreindra le règlement sera sévèrement puni. Quid de ce que seront vos relations avec l’ACBAB ? Nous n’allons plus tolérer leur ingérence. En tant que corps indépendant, nous n’avons aucune injonction à recevoir ni de l’ACBAB ni de la Febabu. Ces organes doivent comprendre que nous sommes leurs partenaires. Pour le développement de la discipline, le respect mutuel s’impose. Nous devons travailler en étroite collaboration. Par rapport aux autres pays de la sous-région où situer l’arbitrage burundais? Un palier reste à franchir. Nous n’avons qu’un seul arbitre international. De surcroît, le niveau des arbitres des associations de

l’intérieur du pays laisse à désirer. Un défi qui ne pourra être relevé que si chacun des partenaires y met du sien, à commencer par la Febabu. Sur les 14 associations qui la composent, seules trois semblent fonctionnelles. Une preuve que sans les compétitions, les

stages, les formations, l’arbitrage ne peut pas se développer. Par rapport à l’actuel conflit au sein de la Febabu, quelle est votre position ? Pour l’intérêt de la jeunesse, les parties antagonistes doivent

ANNONCE

Avis de recrutement de deux Secrétaires d’Ambassade

La Société Nile General Services désire recruter deux secrétaires d’Ambassade de la République de Turquie au Burundi. Les dossiers de candidature qui devront comprendre : une lettre de motivation manuscrite adressée au Directeur de Nile General Services, une photocopie du diplôme universitaire certifié conforme à l’original, les attestations de services rendus, un cv détaillé incluant 3 personnes de référence et tout autre document jugé utile par le candidat seront envoyés par courriel à l’adresse suivante: recrutement@immogreatlakes.com ou déposer directement à son bureau sis à Rohero 2, Boulevard de l’indépendance numéro 23 ( en face des bureaux du barreau de Bujumbura) au plus tard vendredi le 03/04/2020 à 17 h 00. Seules les personnes présélectionnées seront contactées. Le profil du candidat peut être visité sur le site web : www.intercontactservices.com Les éventuelles précisions peuvent être obtenues en téléphonant au 75 886 886 ou au 79 515 555

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s’asseoir ensemble et trouver une issue à la situation. Au regard de la loi, aucune partie n’est en mesure de revendiquer quoi que ce soit. Elles savent pertinemment qu’elles ont enfreint la loi. Propos recueillis par Hervé Mugisha


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PUBLIREPORTAGE

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Le genre, dans les préoccupations du FIDA au Burundi Les projets financés par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA-Burundi) ont tenu, vendredi 13 mars à Bujumbura, une rencontre, à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme. Une journée d’échange de vœux, d’autoévaluation sur la promotion de la femme, en toute pompe. Récit.

L

’ambiance est festive, ce vendredi, dans Kiriri Garden. La salle est riche en couleurs. De différentes provinces, le personnel des différents projets financés par le FIDA. Ils sont venus, des hommes et des femmes, endimanchés, parés de beaux pagnes. Car le rendezvous a un double objectif en effet. Outre l’échange de vœux du nouvel an, c’est la célébration, au sein des personnels de ces projets, de la journée dédiée aux droits de la femme. D’ailleurs, devant cette assemblée, une banderole accrochée au mur rappelle sans cesse la défense et la protection de ces droits : « Levons nous tous pour la réalisation des droits des femmes ». La charité bien ordonnée commence par soi-même. Dans une présentation partagé par Jeanne Bitsure, responsable genre au PNSADR-IM, un des projet financés par le FIDA fait observer : « Au niveau des projets appuyés par le FIDA au Burundi, les faibles initiatives en rapport avec l’égalité et l'équité de genre est plus orientée vers les activités sur terrain alors que ce devrait aussi se matérialiser au niveau des Projets en tant qu’Organisations ». Les chiffres sont en effet un peu alarmants. Les représentations du staff féminin dans ces projets oscillent en effet entre 0 et 30%. Selon elle, même les initiatives orientées vers les activités de terrain se heurtent des fois à la culture burundaise « la société burundaise, marquée par le patriarcat qui attribue à l’homme tous les pouvoirs, demeure une problématique qui nécessite des stratégies et approches appropriées ». Et d’ajouter que, sur le terrain, de faibles capacités des équipes de mise en œuvre des projets en matière de l’équité genre se fait sentir. Jeanne Bitsure appelle ainsi à une vision large vis-àvis des forces productrices de la société, tout en développant un esprit innovant qui dépasse les considérations socio-culturelles partisanes de l’exclusion et de la discrimination. « Les femmes possèdent des potentialités qui ne sont pas suffisamment mises en valeur, d’où d’énormes pertes pour le pays », conclut-elle, rappelant que « la finalité du partage équitable du pouvoir et des responsabilités entre les hommes et les femmes est de bâtir une société plus juste, plus humaniste, plus démocratique,

plus participative et inclusive pour un développement durable ».

« Derrière chaque grand homme, il y a une femme »… Dans la salle aussi, la fameuse troupe théâtrale « Ninde ». Le théâtre s’ouvre sur un sketch d’une femme misérable qui quémande après que les richesses familiales aient été dilapidées par son époux. Compatissante, Buyeye (une femme voisine) tente en vain de lui offrir une aumône. Son mari, Runahi, l’en empêche brutalement. Buyeye n’a pas droit aux revenus du ménage… La suite de la scène renforcera cette exclusion de l’épouse aux avoirs familiaux. Runahi chasse sans ménagement des membres d’une coopérative locale d’épargne qui veulent recruter sa femme. Il la poursuivra partout pour l’empêcher de suivre ces idées de coopérative. Sauf que, maligne, Buyeye fera tout, par le cache-cache, jusqu’à ce qu’elle intègre l’association. Les conséquences corrigent mieux que les conseils. Dans l’entretemps, Runahi tombera malade. Un moment plein d’inquiétude et de désespoir pour lui. Il n’est pas en mesure de se payer les soins médicaux. Conscient de sa situation de précarité, il se refuse d’aller chercher ces soins. Mais les voisins l’emmènent malgré lui. La dernière saynète met en scène Runahi, guéri mais dans le désarroi, au sortir d’hôpital. Il est préoccupé par les frais qu’il doit payer contre les médicaments reçus. D’ordinaire courageux, il

La rencontre avait mobilisé le personnel des différents projets financés par le FIDA

pleure toutes les larmes de son corps à ses voisins. Sauf que contre toute attente, il va recevoir un message de surprise. Une information qui le rassure. Il apprend que, bien qu’il se fût opposé au projet de coopérative, sa femme a pu adhérer et constituer, petit à petit, une épargne. C’est cette dernière qui va payer le dû de l’hôpital. Le théâtre se ferme dans une extase. Runahi apprend que « derrière chaque grand homme, il y a toujours une femme ».

Promouvoir l’entrepreneuriat de la femme rurale, à tout prix Devant l’assemblée aussi, en parallèle à la banderole, un court métrage qui défile à tout instant. Il met en scène des femmes rurales qui ont réussi à entreprendre grâce aux projets financés par le FIDA au Burundi. Ce vendredi, le FIDA a d’ailleurs organisé un concours de projets innovants initiés depuis peu grâce à ces projets qu’il finance... En lice, dix candidates au total. De jeunes femmes et filles. Elles sont originaires de différentes provinces du pays. Des projets de cordonnerie, de fabrique des souliers, d’élevage de poules, de fabrication de l’huile d’avocats, de tissage, etc. sont défendus

devant un jury mixte pendant une soixantaine de minutes. Le concours s’inscrit dans le cadre du projet de création des emplois en faveur des jeunes ruraux, EJR. Il vise la promotion de l’entrepreneuriat féminin. Prenant la parole, François Xavier Nsabimana, chargé de programme pays du FIDA au Burundi, déplorera que l’insertion socioéconomique des femmes rurales constitue l’un des défis majeurs au développement du pays. A la fin de la compétition, trois prix sont décernés aux meilleures candidates. Le premier avec une valeur de 5 millions de Bif est offert à Brigitte Bukuru, une femme qui détient une fabrique de sandales. Le second de 3 millions de Bif à Ciella Akimana, éleveuse de poules et le 3è, d’une valeur de 2 millions à deux jeunes femmes twa exerçant dans la couture et tricotterie. « Il ne s›agit pas des liquidités, ces prix vont financer les fonds de roulement, nous leur offrirons des équipements qui équivalent à ces prix », précisera Yvette Manirakiza, chargée de la section emploi des jeunes ruraux au sein du Burundi business Incubator, BBIN, qui a suivi et coaché ces concourantes.

Trois candidates aux projets innovants ont reçu des prix

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Le FIDA augmente son allocation financière au Burundi Le FIDA-Burundi entend désormais assurer l’égalité des chances entre l’homme et la femme dans l’accès et la jouissance de toutes les opportunités mises à la disposition des ménages ruraux par les projets qu’il appuie, dixit M. Nsabimana, soulignant qu’une stratégie genre vient d’être mise en place pour ce faire. Le FIDA, au Burundi depuis 1980, a déjà financé 13 projets. Les interventions des projets qu’il finance sont principalement orientées dans l’augmentation de la production vivrière et laitière, la protection de l’environnement, la finance rurale, la nutrition, la création des emplois pour les jeunes et, aujourd’hui, en tenant compte de l’égalité genre. François Xavier Nsabimana salue le travail abattu par ces projets, parlant de meilleures performances enregistrées en 2019 comparées aux années antérieures, notamment en prenant en compte les représentations des femmes. Il a précisé que les femmes sont représentées à environ 40% dans les différentes organisations de producteurs dont les coopératives et dans leurs organes dirigeants « Le FIDA reconnaît et récompense ces performances en augmentant son allocation financière au Burundi »

François Xavier Nsabimana salue le travail abattu par les projets financés par le FIDA


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Une pierre à l’édifice de l’employabilité des jeunes L’ONG KIYO a organisé ce jeudi 12 mars 2020, une journée annuelle des clubs de paix.

A

vec le but d’impliquer les jeunes dans le développement de leurs quartiers, l’ONG KIYO en collaboration avec FVS/Amie des enfants et JJB deux ASBL burundaises ont mis en œuvre le projet ‘’Empowerment social et économique des jeunes au service de la paix et de la cohésion sociale’ Sandrine Sangwe, la Représentante pays, a.i de cette ONG, indique que cette journée annuelle des clubs a été organisée dans le but de diffuser les résultats et les bonnes pratiques développées, acquis tout au long de la mise en œuvre de ce projet. Et de souligner que cette diffusion a été organisée à l’endroit des bailleurs de fonds, des autorités administratives et des partenaires du Burundi. Signalons que ce projet a été principalement financé par l’Union européenne et le Royaume de la Belgique en cofinancement. Il a été réalisé dans deux provinces, pendant deux ans et demi : 480 jeunes ont été ciblés en Mairie de Bujumbura

Pannel de certains jeunes bénéficiaires du projet de l'ONG Kiyo

et dans la province de Gitega. Le public présent lors de ces activités a salué les résultats réalisés par le projet. Pour eux, ce projet a apporté une pierre à l’édifice à l’employabilité des jeunes au Burundi. Cependant, certains des gens présents n’ont pas caché leurs inquiétudes en ce qui concerne la pérennisation de ce projet. À cette inquiétude, la Représentante pays a. i de KIYO a donné une réponse rassurante. Elle confie que dans le but d’assurer la

continuité du suivi de ces jeunes, des cadres mixtes regroupant les autorités locales et ces jeunes bénéficiaires ont été mis en place.

Témoignages des bénéficiaires Lors de ces activités marquant la journée annuelle des clubs de paix, les jeunes bénéficiaires, ont pu partager les expériences apprises. Sandrine INAMAHORO, de la zone Musaga, témoigne qu’avant de commencer la formation,

elle menait une vie précaire. Elle confie que grâce aux cours de savonnerie appris, elle gagne de l’argent pour nourrir son enfant et couvrir ses besoins personnels. Elle indique aussi que grâce à ce projet, elle a pu intégrer le club de paix de son quartier, dont elle occupe le poste de secrétaire. Ephraïm Nininahazwe, de la zone Musaga, bénéficiaire du projet, raconte qu’avant de suivre cette formation, il vivait dans une délinquance. Les liga-

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las étaient son passe-temps. Mais, aujourd’hui, il indique que grâce aux cours de réparation téléphonique acquis, le temps qu’il passait dans les ligalas, il l’utilise en réparant des téléphones mobiles. Et de confier que l’argent qu’il gagne, l’aide à subvenir aux besoins familiaux. Pour Ephraïm Nininahazwe, les compétences techniques acquises ne sont pas les seules à saluer. Il témoigne que grâce au projet, il a pu intégrer dans le club de paix de son quartier à travers lequel il contribue à la consolidation de la paix et de la cohésion sociale. La Représentante, a.i de cette ONG, comparant le niveau de vie de ces jeunes avant et après la formation, elle salue le niveau de vie atteint. Elle révèle qu’aujourd’hui, ces jeunes jouent un rôle important tant dans leurs familles que dans leurs communautés. Les activités marquant la journée annuelle des clubs de paix se sont clôturées par une foire-exposition des produits fabriqués par certains des jeunes bénéficiaires de ce projet. Les chaussures, bracelets, savons et paniers étaient à l’ordre de l’exposition.


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Vendredi, 20 mars 2020 - n°575

Le Burundi poursuit sa préparation à la riposte contre la Covid-19 Du 12 au 13 mars, tous les médecins provinciaux et chefs de district du pays étaient en pleine session de briefing sur la COVID-19 ou maladie du coronavirus qui touche déjà plus de 140 pays. L’atelier était organisé par le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le Sida, en collaboration avec le Bureau de l’OMS au Burundi. L’objectif ultime de cette activité était de permettre aux participants d’avoir une compréhension commune sur la préparation et la prise en charge d’un cas éventuel de la pandémie de la COVID-19.

L

’épidémie de la COVID19, désormais déclarée par l’OMS comme étant devenue une « Pandémie » a déjà emporté plus de 5800 vies et est désormais présente dans plus de 140 pays, d’après toujours l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’agence spécialisée onusienne classe le Burundi parmi les pays de Priorité 3 ; c’est-à-dire les pays dont « Le risque est très élevé. » Conjointement conduite par le Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA en collaboration avec le Bureau de l’OMS au Burundi, la session de briefing a été une opportunité pour les médécins chefs des districts et les médécins provinciaux, de découvrir et en savoir plus sur cette nouvelle pathologie. Prévention, prise en charge du Covid-19, surveillance épidémiologique et investigation des cas, la prise en compte de la communication sur les risques et l’engagement communautaire, la prévention et gestion des fausses informations… les médecins ont eu droit à tout ce qui est lié à ce nouveau virus « transmis d’une personne malade à une personne saine par des gouttelettes respiratoires lorsque la personne malade tousse, éternue ou parle près d›une autre personne », selon le Dr. Jim Thierry Ntwari de l’OMS. Quelques participants se frottaient déjà les mains à la clôture de cette session qui a duré deux jours. Richard Nimbona, médecin chef de district sanitaire de Mpanda, dans la province Bubanza, parle d’un briefing très utile pour lui. « Nous étions sous informés par rapport au nouveau coronavirus. » Il sait d’ores et déjà comment faire appliquer les mesures liées la prévention et la surveillance dans son district. Le Dr. Nimbona assure que son district, comme tous les autres, a déjà des acquis par rapport à la préparation à la Maladie à Virus Ebola. Il faut quelques ajouts pour coronavirus. Il parle déjà des systèmes de lavage disponibles sur presque toutes les structures de soins, les thermomètres... Il reste les laboratoires de diagnostic. Le matériel dans les lieux d’isolement identifiés dans quelques structures de soins proches des frontières fait aussi défaut. Le Représentant de l’OMS au

Pour une meilleure communication sur les risques

Tous les médecins provinciaux et chefs de districts sanitaires du Burundi ont répondu à la session de briefing sur le covid-19

Burundi, le Dr Walter Kazadi Mulombo, présent dans cette session, indique qu’il est temps d’être plus vigilant et plus offensif, d’accélérer les activités de préparation à la riposte contre la pandémie. Et de clarifier que ce briefing de deux jours a été organisé dans le but de permettre aux médecins chefs de district et médecins provinciaux, d’avoir une compréhension commune sur les attentes de l’OMS par rapport à la préparation et la prise en charge éventuelle par les pays. « Cet atelier est aussi une occasion d’avoir une meilleure com-

préhension de l’état réel de préparation des différents hôpitaux, centres de santé du pays afin d’aider le gouvernement à se préparer et à mobiliser les ressources nécessaires pour faire face à la maladie », affirme le Dr. Kazadi Mulombo.

Un pas déjà franchi… Le Représentant de l’OMS au Burundi rassure ; comme le Burundi était plutôt en avance dans la préparation contre la Maladie à Virus Ebola, il dispose déjà de certains acquis qui permettent au pays d’être un peu

Le représentant de l’OMS au Burundi appelle les Burundais à être plus vigilants face à la pandémie de coronavirus.

plus préparé à une autre urgence de santé publique comme le nouveau coronavirus. « L’OMS va continuer à accompagner le pays pour qu’il se prépare de mieux en mieux. » déclare-t-il. Le Représentant de l’OMS fait savoir que l’OMS est entrain de coordonner l’action de préparation et de réponse à travers le monde, et de tous les partenaires qui appuient le gouvernement. Car le Burundi, comme tous les autres pays, a été appelé à renforcer la préparation pour faire face à la pandémie. Le Dr Kazadi Mulombo invite ces médecins à se serrer les coudes, à ne pas céder à la peur. « Nous devons travailler en synergie pour nous assurer que toutes les structures de santé du pays ont le minimum requis pour faire face à la Covid-19. » Le ministère de la Santé et de la lutte contre le sida dresse quelques mesures déjà prises par le gouvernement. Le Dr Liliane Nkengurutse du service des urgences épidémiologiques parle de l’élaboration d’un plan de contingence et un plan de 72 heures qui n’est pas encore validé. La mise en place du comité de pilotage et de préparation, le même pour la Maladie à Virus Ebola, le Renforcement de la surveillance à l’Aéroport international Melchior Ndadaye de Bujumbura. Messages de communication sur les risques. Intensification des formations en Prévention et contrôle de l’infection (PCI). Identification des structures d’isolement, de prise en charge et de mise en quarantaine, etc.

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Le chargé de la communication du Bureau l’OMS a expliqué l’importance de la communication sur les risques en temps d’urgence qui est l’échange en temps réel d’informations, de conseils et d’avis entre les experts, les responsables communautaires, les décideurs politiques et les populations en situation de risque. D’après l’OMS, lors d’une épidémie, d’une pandémie, d’une crise humanitaire ou d’une catastrophe naturelle, une communication sur les risques efficaces permet aux populations à risque de comprendre les comportements à adopter pour se protéger. Le spécialiste en communication invite les médecins à faire attention aux « fake news », de vérifier avant de relayer toute information sur la pandémie. Et de souligner que les communautés, y compris la communauté des prestataires des soins, doivent être impliquées au cœur de toute intervention de santé publique, en particulier dans les situations d’urgence. Dr. Sandrine Kaze, médécin à l’Hôpital de District de Kamenge, dans le district sanitaire Mairie nord ne cache pas sa satisfaction après ce nouveau contenu censé doter les médecins des compétences dans la détection et la riposte contre les fausses informations sur les médias sociaux : « Nous entendions beaucoup de choses différentes sur covid-19. Beaucoup de rumeurs, de fausses informations sur les réseaux sociaux. Mais ce briefing nous aide beaucoup à connaître la réalité. » Le Dr. Kaze se félicite de quelques actions déjà menées dans son district dans lequel se trouve la principale porte d’entrée pressentie de la maladie : l’Aéroport international Melchior Ndadaye. Elle appelle les partenaires techniques et financiers du pays à tout faire tout pour outiller le Burundi afin de combattre ce fléau. Elle affirme que les différents districts étaient déjà préparés pour la maladie à virus Ebola, une préparation pas très différente pour la covid-19. Mais, d’après ce médecin, c’est loin d’être suffisant car coronavirus se répand très vite par rapport à la MVE.


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