IWACU 576

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IWACU N°576 – Vendredi 27 mars 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Covid-19

La menace plane, malgré tout

POLITIQUE

AU COIN DU FEU

Gitega : Des Imbonerakure sèment la terreur

P.6

Avec Vital Bambanze

SOCIÉTÉ P.13

Plus de 2500 rapatriés à deux mois des élections

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LA DEUX

Vendredi, 27 mars 2020 - n°576

Editorial

En coulisse

Sur le vif

En hausse

Suspension des travaux d’extraction des carrières à Isare Covid-19. Le Burundi retient son souffle Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

L

es Burundais sont-ils capables de prévenir, gérer et éradiquer le coronavirus ? Quel plan de riposte dispose-t-on en cas du Covid-19 ? Des questions, des inquiétudes fusent de partout sur les réseaux sociaux, les médias nationaux et internationaux. Des commentaires bourrés parfois d’ironie mordante, des dénigrements, des ragots se font entendre. « Le pays ne disposerait ni de réactifs ni d’équipements de laboratoire encore moins des compétences pouvant diagnostiquer le virus du Covid-19. » Le gouvernement rassure que l’Institut national de la santé publique est outillé et compétent pour faire des diagnostics adéquats. Jusqu’au moment où nous mettons sous presse la présente édition, aucun cas de coronavirus n’est officiellement avéré, recensé sur le territoire burundais. Dans un communiqué adressé aux ambassadeurs, aux chargés d’affaires et aux consuls burundais ce 25 mars, le ministre des Affaires étrangères le confirme. Même sur le cas d’un couple d’un homme et de son épouse suspectés d’être infectés par le Covid-19, « les résultats de l’analyse se sont révélés être négatifs. » Mais un cas risque de bouleverser la situation. Selon la ministre tanzanienne de la Santé, à Kagera, un camionneur qui a transité par la frontière de Kabanga séparant le Burundi et la Tanzanie a été testé positif. Combien de temps et où a-t-il séjourné au Burundi ? Avec quelles personnes est-il entré en contact ? Le gouvernement doit urgemment mener une enquête sur l’identité de cet individu. S’il s’avère qu’il a été en contact avec des gens au Burundi, le ver serait déjà dans le fruit. Il nous faut rester calme mais l’heure est à la vigilance et à la solidarité collective. Sans paniquer, il me semble que les Burundais doivent changer de comportement. Certes, des mesures de protection et d’hygiène préventive recommandées par le gouvernement commençaient à être observées et respectées, notamment le lavage régulier des mains. Mais hélas, quid du partage du chalumeau à l’intérieur du pays ou pendant les cérémonies traditionnelles même à Bujumbura, de la bouteille de bière au goulot que l’on s’échange allégrement, de cette cigarette roulée qui passe amicalement d’une bouche à l’autre ? Le gouvernement devra renforcer les mesures déjà prises dans le cadre de la prévention. Aux grands maux, les grands remèdes, si effectivement le camionneur cité par les autorités tanzaniennes a contaminé d’autres personnes sur le sol burundais, il faudra alors prendre d’autres mesures en phase avec la nouvelle situation. Pour le moment, les Burundais, nous retenons notre souffle.

Dans le but de protéger la ville de Bujumbura, le ministre de l’Energie et des Mines a suspendu, mardi 24 mars, jusqu’à nouvel ordre, les travaux d’extraction des carrières sur le site Nyamabuye-Kwigere, dans la commune Isare de la province Bujumbura.

Arrivée du don de Jack Ma octroyé au ministère de la Santé Mercredi 25 mars, le porte-parole du ministère de la Santé publique a confirmé la réception du don du milliardaire chinois Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, pour faire face au coronavirus : kits de tests du Coronavirus, masques et combinaisons de protection.

Un point de dépistage du coronavirus à l’hôpital Roi Khaled Un point de dépistage du coronavirus a été installé, mercredi 25 mars, à l’hôpital Roi Khaled de Kamenge, grâce au soutien de l’OMS

L’Atrabu,

Ours Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction: Guibert Mbonimpa

P

our avoir installé des tippy-tap sur les parkings des véhicules en mairie de Bujumbura afin de contribuer à la prévention du Covid-19.

En baisse

Les bourreaux de Joseph Nyabenda,

P

our l’avoir assassiné, dans la nuit du samedi 21 mars, alors qu’il gardait son champ de tomates sur la colline Gahongore, en commune et province Bubanza.

Annonce

Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza, Edouard Nkurunziza Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société et Culture: Clarisse Shaka, Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Equipe technique : Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

Un chiffre

Avis de recrutement L’ONG «CREOP-Jeunes « Création des opportunités pour les Jeunes au Burundi » est une ONG locale engagée dans la promotion de l’employabilité et l’encadrement des jeunes. Pour atteindre ses objectifs, CREOP – Jeunes est en partenariat avec des entreprises publiques et privées qui accueilleront les jeunes en tant que stagiaires professionnels ou en tant que volontaires pendant une durée de 6 à 12 mois afin que ces derniers reçoivent une formation qui leurs permettra d’être embauchés dans les mêmes structures ou ailleurs. Pour son projet «Increasing women’s employment opportunities»; CREOP – Jeunes en partenariat avec l’Imprimerie HOPE DESIGN désire recruter 8 jeunes filles ayant une formation fondamentale ou post-fondamentale âgées de moins de 35 ans. Les huit candidates sélectionnées recevront les frais de déplacement et de repas chaque fin du mois. Le présent projet vise l’amélioration de l’employabilité des filles ayant un niveau de formation fondamental ou post fondamental en situation de chômage y compris handicapées et les femmes célibataires dans le secteur secondaire et tertiaire. Les candidates intéressées se feront inscrire au bureau National de CREOP-Jeunes sis Rohero II avenue Moso Numéro 22 ( juste à côté de l’agence de l’imprimerie Hope Design). Les documents à présenter sont: 1. Un bulletin de la classe précédente, certificat ou diplôme certifié de fin de cursus 2. Lettre de demande de stage adressé à Madame la Coordinatrice Nationale de CREOPJeunes Burundi 3. Deux personnes de référence. La date limite des inscriptions est fixée au 3 Avril 2020. Pour Plus d’informations appeler au +257 79 463 048 E-mail: info@creop-jeunes.org

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382 279 est nombre de réfugiés burundais dans les pays limitrophes et autres pays de la région jusqu’au 29 février 2020.

Source : Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés Une pensée

« Le savoir est le plus intellectuel des virus, dommage qu’il ne soit pas très contagieux. » Adrien Verschaere


L'ÉVÉNEMENT

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Covid-19 : la menace de plus en plus pesante

Pour être prêt en cas d’apparition de personnes infectées, le gouvernement multiplie les démentis de tout bord contre les fake news qui fleurissent sur la toile … Depuis que la pandémie a frappé aux portes des pays voisins, à tous les échelons, le gouvernement est mobilisé. Dossier réalisé par Hervé Mugisha, Félix Nzorubonanya et Alphonse Yikeze

D

u ministre de la Santé publique en passant par le ministre des Relations extérieures au secrétaire général et porte-parole du gouvernement, depuis début janvier 2020, tout le monde est mobilisé. Certes, on sent une peur généralisée mais en aucune manière la population ne doit y céder « tant la main du Très Haut reste de notre côté », a rappelé Prosper Ntahorwamiye, porte-parole et secrétaire général du gouvernement, dans son communiqué du 25 mars. « Une exception, toutefois, qui ne doit pas nous entraîner à baisser la garde », reconnaît-il. Avec une dizaine d’autres pays, le Burundi reste le seul pays qui n’a pas encore enregistré de cas de patients souffrant du Covid-19. Depuis l’apparition de cette pandémie, le ministère de tutelle, en plus de la vulgarisation des mesures préventives (le lavage des mains avec du savon, éternuer dans le creux du coude ou utiliser des mouchoirs à usage unique, etc.), a renforcé la surveillance sur tous les points d’entrée au Burundi. Des mesures qui sont allées crescendo avec l’apparition de la maladie dans les pays voisins (Rwanda, RDC). En témoigne, la sortie du ministre de l’Intérieur. Sans plus de précisions sur les mesures à prendre pour faire face au coronavirus, Pascal Barandagiye appelle les gouverneurs à « surveiller les points d’entrée sur toutes les frontières ». Dans la foulée, le secrétaire général et

Des passagers de bus priés d’effectuer leur hygiène manuelle avant d’entrer.

porte-parole du gouvernement, Prosper Ntahorwamiye, annoncera la suspension de toutes les missions officielles à l’étranger jusqu’à nouvel ordre. Ce qui

serait d’ailleurs difficile avec tant d’aéroports fermés en Afrique et ailleurs. Face à la poussée du coronavirus partout ailleurs, le ministère de la

Santé a allongé la liste des pays de provenance concernés par la mise en quarantaine : « En complément à la mesure de mise en quarantaine de tous les passagers en prov-

Thaddée Ndikumana : « La mesure de confinement est étendue à tous les passagers en provenance de l’Union européenne et ceux qui y ont séjourné durant les 14 jours précédant leur entrée au Burundi.»

enance de 7 pays, dans le but de la prévention de cette pandémie, nous portons à l’opinion nationale et internationale que ladite mesure est étendue à tous les passagers en provenance de l’Union européenne et ceux qui y ont séjourné durant les 14 jours précédant leur entrée au Burundi ». Aux yeux de l’opinion, toutes ces mesures renforcent le sentiment que la pandémie approche à grands pas. Faisant encore partie des pays de Priorité 3 (catégorisation de l’OMS pour des pays où le virus ne s’est pas encore déclaré, NDLR), un épidémiologiste sous le sceau de l’anonymat soutient : « A tout prix, le gouvernement doit renforcer son niveau d’alerte. A l’instar des autres pays, créer un fonds d’appui pour lutter contre cette maladie ».

Un confinement loin de suffire

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ace au drame sanitaire qui frappe le monde, progressivement, les Burundais semblent de plus en plus prendre conscience du danger. Pourtant, comme d’habitude, de grands rassemblements se sont observés le week-end du 21 mars lors de cultes du dimanche notamment et certains fidèles ne se sont pas privés de se donner la main, ou se serrer pour de longues accolades. Durant la messe, la traditionnelle accolade entre les fidèles pour se souhaiter « la paix du Christ » chez les catholiques n’a pas été faite et, pour communier, les fidèles ne reçoivent plus l’hostie dans la bouche, mais exclusivement dans la main. Pourtant, la distance conseillée est d’observer au moins 1,5m.

Une mention spéciale pour les gestionnaires des parkings de bus à Bujumbura qui ont fait un gros effort : les clients sont priés de se laver les mains avec du savon avant d’entrer dans le bus. Il y a même une sorte d’agent chargé de rappeler cette règle aux récalcitrants qui semblent négliger ou ignorer la consigne. La peur a fait flamber les prix des masques. Il est passé du simple au double. « Les stocks se sont épuisés il y a de cela quelques jours suite à une forte demande dépassant l’offre. De préférence, nous servons nos fidèles clients un lot de 50 masques pour la coquette somme de 58.000 francs burundais. Avant cette pandémie de coronavirus, le même lot était vendu à 35.000 francs », confie un employé d’une pharmacie de gros.

Freddy Mbonimpa : « Si l’urgence s’impose, fermer certains lieux de loisirs rassemblant beaucoup de monde ne sera pas contre-productif. »

Au cours d’une réunion avec les professionnels des médias et le monde du showbiz, mardi 24

mars, le maire de la ville Bujumbura a indiqué que si l’urgence s’impose, fermer certains lieux

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de loisirs rassemblant beaucoup de monde ne sera pas contreproductif.


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L'ÉVÉNEMENT

« Certes, jusqu’à maintenant, aucune mesure allant dans ce sens n’a encore été prise, mais, si l’urgence s’impose, nous verrons dans quelle manière agir », a fait savoir Freddy Mbonimpa. Mieux, dans le milieu des affaires, pour l’intérêt général de la population, la mesure semble faire l’unanimité, comme l’a témoigné Omar, gérant de Safi Beach, un endroit situé près du lac Tanganyika, très prisé par les jeunes. Pour lui, tant que cela peut

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aider, il se dit prêt à se serrer la ceinture.

Des conséquences en cascade Pas de mouvements de clients ou de voyageurs comme à l’accoutumée au marché dit ’’Bujumbura City Market’’ communément appelé ’’Kwa Siyoni’’. Certaines agences de voyages desservant les villes d’Uvira et de Bukavu à l’est de la RDC ayant leur siège à l’intérieur de ce marché, sont fermées. Mais cer-

tains agents ouvrent les bureaux, histoire de tuer le temps, disentils. Suite à la décision de fermeture des frontières par mesure préventive contre le coronavirus, les commerçants congolais ne se bousculaient plus dans ce marché pour écouler leurs produits et s’approvisionner en denrées alimentaires. Selon un employé d’une agence de voyages Bujumbura-Bukavu rencontré dans la matinée de ce mardi 24 mars, cette mesure est

un mal nécessaire : « Nos agences ferment les unes après les autres, mais il est primordial de stopper par tous les moyens la propagation du coronavirus ». Les vendeurs de chaussures d’occasion dans ce marché indiquent que la majorité de leurs clients étaient des Congolais. Ils regrettent que ces jours proches de la fête de Pâques, leurs fidèles clients ne viendront pas acheter des chaussures. Mais conscients du danger que représente le covid-19, ces com-

merçants évitent de se plaindre : « La santé avant tout ! », a lancé l’un d’entre eux. Le constat est le même pour les dépôts de boissons de la Brarudi se trouvant dans ce marché, les grossistes qui se bousculaient, il y a encore quelques semaines, sont devenus rares. « Les clients viennent à compte-goutte, car la majorité de nos clients venaient du Congo », a indiqué un des gestionnaires de ces dépôts de produits Brarudi rencontrés.

Rumonge

Le calvaire des personnes mises en quarantaine Isolées depuis une semaine, des voyageurs en provenance de la RD Congo font face au manque de nourriture, de lieux d’aisance, de couvertures, de médicaments… Leurs familles demandent que les besoins vitaux soient garantis.

E

lles sont au nombre de 146. Des hommes, des femmes et des enfants. Tous des ressortissants Burundais qui sont rentrés de la République démocratique du Congo où ils étaient partis à la recherche de travail. Certains cultivent la terre, d’autres sont des pêcheurs, des petits artisans et d’autres font le petit commerce entre la province Rumonge et le Sud-Kivu. Originaires des différentes provinces du Burundi, ces gens sont arrivés au port de Rumonge, lundi 23 mars. Sur le coup, les autorités administratives et sanitaires de la province de Rumonge ont décidé de les mettre en quarantaine afin de voir s’ils ne sont pas porteurs du coronavirus. Sans moyens financiers, ils ont indiqué ne pas être en mesure de payer les chambres d’hôtel. Les autorités administratives et sanitaires de la province de Rumonge ont alors décidé de les mettre dans une salle de réunion de la commune Rumonge.

Le petit commerce tourne au ralenti au niveau du port de Rumonge.

Des conditions de vie déplorable En plus de ne comporter aucune chambre, cette salle n’a que deux latrines sans eau. Pire, on n’y trouve ni couverture ni moustiquaire, encore

moins de matelas ou de nattes. Mardi 24 mars, en plus de quelques moustiquaires et de bidons, mais sans savons, ladite salle a été alimentée en eau potable. Leurs familles demandent aux autorités administratives et sanitaires de les placer dans un

endroit qui réunit les conditions minimales de vie, à l’instar des endroits qui servent de quarantaine dans d’autres provinces. Contacté, le médecin provincial de la province sanitaire de Rumonge a indiqué avoir mis en pratique toutes les recomman-

Les échanges commerciaux paralysés

Le petit commerce tourne au ralenti au port de Rumonge. A titre d’exemple, deux bateaux chargés du sel en provenance de la Tanzanie viennent de passer deux jours sans être déchargés. A l’origine : les recommandations pour se prémunir du Covid-19. Et depuis, les conséquences socioéconomiques de

cette pandémie sont nombreuses. Les défenseurs des droits de l’Homme demandent qu’il y ait beaucoup de séances de sensibilisation afin que toute la population soit consciente du danger lié au coronavirus.

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dations du ministère de la Santé publique visant à se prémunir contre cette pandémie du coronavirus. Il lance un appel à toute la population à mettre en pratique les règles d’hygiène.


L'ÉVÉNEMENT

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ECLAIRAGE

« Les Burundais doivent se réveiller ! » Face à la menace du Covid-19, Iwacu a rencontré Martin Manirakiza, médecininfectiologue à l’hôpital Roi Khaled, qui appelle les Burundais à une vigilance accrue.

La situation difficile que traverse notre trésor public permettra-t-elle au pays d’engager les moyens qu’il faut pour parer au coronavirus ? Je ne m’inquiète pas à ce niveaulà, car je pense qu’il n’y aura pas besoin de moyens financiers supplémentaires. A titre d’exemple, l’oxygène et les médicaments contre la fièvre existent en quantité suffisante. Et même dans le cas inverse, je ne pense pas que de grosses sommes en termes de milliards seront requises.

L

e système sanitaire burundais est-il apte à faire face au coronavirus ? Nous ne sommes peut-être pas prêts autant que les Européens ou les Asiatiques, mais à notre façon, nous sommes en mesure de faire face à un éventuel cas de coronavirus. Des dispositifs de confinement ont été adoptés à l’endroit des voyageurs en provenance des pays déjà affectés par la pandémie et cela dans des endroits précis où ils feront l’objet de surveillance pendant quatorze jours. Le personnel soignant existet-il en nombre satisfaisant pour affronter la pandémie ? Le personnel soignant n’est jamais suffisant même dans les pays développés qui observent eux-mêmes une carence en la matière. En ce qui nous concerne, on essaiera de s’y prendre comme on le fait tous les jours. Je pense que le personnel soignant présent ici peut prendre en charge les cas qui pourraient se manifester. Qu’en est-il de la formation du personnel soignant au niveau de l’hôpital Roi Khaled en termes de lutte contre le coronavirus ? Une formation est en train justement d’être mise en place pour cette semaine et la suivante et

portera sur la prévention et le contrôle de l’infection en milieu de soins. Elle est destinée à tout le personnel soignant (médecins, infirmiers, …). J’en profite également pour préciser que les patients atteints de Coronavirus ne sont en rien des cas particuliers par rapport à d’autres malades. Même si le Covid-19 fait du bruit dans le monde entier, c’est une pathologie qui, la plupart du temps, produit des symptômes de la grippe - souvent du rhume - et c’est donc le type d’affections que tous les médecins peuvent prendre en charge. Dans très peu de cas - autour de 2% - le corona-

virus se présente sous des formes sévères, caractérisées notamment par l’apparition du syndrome de détresse respiratoire et là-dessus aussi, tout médecin formé a la capacité d’effectuer la prise en charge de cas y liés. Le seul souci qui mérite attention, c’est la protection contre ce virus au sein du personnel soignant. Quid des places pour accueillir les patients atteints de Covid-19 au sein de votre structure ? Un espace est en train d’être aménagé dans notre établissement hospitalier pour d’éventuels cas de coronavirus.

Serait-il pertinent, au stade actuel, de fermer les établissements scolaires, limiter les rassemblements publics tels les rencontres sportives, les meetings politiques ou les offices religieux ? A ce stade, comme l’a signalé le ministre de la Santé, aucun cas de coronavirus n’a encore été signalé sur le sol burundais. Du coup, je ne vois pas comment on pourrait fermer les marchés ou limiter les rencontres sociales ! Par contre, il faut renforcer les mesures de prévention en mettant en place des points de lavage au niveau de tous les endroits susceptibles d’accueillir plus d’une personne. Aussi, toute personne qui présente des symptômes grippaux est priée de se mettre à l’écart ou au mieux, de rester chez elle pour éviter de contaminer les autres s’il advenait qu’elle soit porteuse de la pandémie du coronavirus. Que diriez - vous aux Burundais qui prennent ce virus à la légère ? Les Burundais doivent se réveiller et prendre conscience de la menace que représente ce virus

! Et pour cela, nos dictons ancestraux du style ‘Les noirs ne peuvent mourir de saleté’, doivent-il être bannis. Le problème d’accès à l’eau potable présent dans certains coins du pays ne risque-t-il pas d’être une entrave à l’opération ‘’mains propres’’ dans le cadre de cette lutte préventive contre le Covid-19 ? Ce problème d’accès à l’eau potable se situe le plus souvent dans des centres urbains, contrairement au milieu rural où l’eau qui coule des différentes sources et rivières est assez propre. Et pour cela, j’interpellerais la Regideso pour qu’il n’y ait pas des coupures d’eau dans les villes surtout avec la menace que fait peser le coronavirus. Que demanderiez-vous aux autorités publiques pour une meilleure prévention contre le Covid-19 ? Appliquer des mesures strictes de contrôle des frontières (Entrées et sorties des personnes). Renforcer la sensibilisation en rapport avec ‘les gestes-barrières’ : lavage des mains récurrent, recommander aux gens de ne pas tousser ou éternuer en public et s’il faut le faire, d’user du creux de son coude plutôt que ses mains et ensuite, pour les personnes présentant des symptômes grippaux, d’éviter d’aller à la rencontre des autres. Et à ceux et celles parmi mes concitoyens qui ont accès à des masques de protection, je leur conseillerais de s’en servir.

Ebola et Covid-19, des jumeaux ? Le Dr Martin Manirakiza révèle que l’Ebola et le Coronavirus sont deux virus différents. L’infectiologue précise que l’Ebola appartient à la famille des Filoviridae tandis que le Coronavirus appartient à celle des coronaviridae. Quant aux symptômes, soutient ce professionnel de santé, ceux-ci sont aussi à l’opposé l’un de l’autre. Le médecin spécialiste affirme qu’à part la toux qui se manifeste pour les cas d’Ebola comme pour le coronavirus, celui-ci s’en prend à l’appareil respiratoire alors que l’Ebola attaque tous les organes humains. Le Dr Manirakiza déclare par la suite que le Covid-19 n’engendre jamais des saignements alors que le syndrome hémorragique est une particularité de l’Ebola et fonde sa gravité. Le médecin-soignant du CHUK aborde ensuite la question de la létalité qui distingue ces deux pathologies. « En général, le Covid-19 ne tue pas sauf pour le cas de quelques patients qui souffrent de maladies chroniques ou qui sont soumis

à des traitements qui affaiblissent les défenses immunitaires de l’organisme, sans oublier les patients âgés de plus de 75 ans » Et de souligner, par la même occasion, que « l’Ebola tue énormément et touche tout le monde autant.» L’infectiologue Manirakiza souligne également que la seule ressemblance entre les deux pandémies se situe au niveau du mode de transmission qui se fait généralement par le contact manuel. « Un malade de l’Ebola peut transmettre sa maladie à son entourage lors de ses quintes de toux. », complète-t-il. Martin Manirakiza revient aussi sur les bienfaits de l’hygiène manuelle permanente. « Si les règles d’hygiène manuelle demeurent respectées, cela limitera fortement l’impact d’autres maladies comme la Fièvre typhoïde, le Choléra, l’Amibiase, la Dysenterie, … », analyse ce docteur. Répondant à ceux qui pensent que la non apparition de l’Ebola au Burundi – en dépit de sa forte

présence en RDC encore récemment – serait ‘’le signe’’ que le Covid-19 demeurera absent au Burundi, le Dr soignant à l’hôpital Roi Khaled fait une mise au point. « D’abord, il faudrait savoir que quand il y a eu des flambées d’Ebola en RD Congo, les autorités de ce pays voisin ont pris la décision d’effectuer un suivi strict des mouvements venant des villages atteints vers ceux non encore atteints par le virus. » Ce médecin spécialiste poursuit son propos sur les populations de l’autre côté de la frontière qui auraient pris au sérieux les mesures d’hygiène qui leur avaient été prescrites, notamment le lavage manuel. « Tout cela a empêché en grande partie l’apparition de l’Ebola au Burundi. » A l’instar de cela, le Dr Manirakiza ajoute que des contrôles aux frontières ont aussi permis d’empêcher qu’il y ait des cas d’Ebola au Burundi.

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POLITIQUE

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Nyarusange

Pour le foncier ou le politique ? Après la disparition de Sylvère Baribonekeza, un responsable du CNL dans la commune Nyarusange, Mélanie Bankuwabo, sa femme, craint à son tour pour sa vie. Elle et ses enfants sont sous menaces d’Imbonerakure, dont son beau-frère qui voudrait s’accaparer de la terre du défunt. Iwacu s’est rendu à Bikingi, sa colline de résidence.

C

’est un calvaire qu’elle traverse depuis longtemps. Avant la disparition de son mari en mars 2019, Claude Hakizimana et Dieudonné Havyarimana, ses deux fils majeurs, étaient aussi introuvables. «Il y a quelques années », raconte un voisin. « Avant qu’ils ne disparaissent, leur oncle amenait sans cesse des Imbonerakure faire des fouilles-perquisitions dans leur ménage, prétextant qu’il regorge de malfaiteurs. Ils ont fini par s’enfuir, et on ne les a plus revus».

La disparition de Baribonekeza… Cette double « disparition » servira de prétexte pour d’incessantes arrestations de Sylvère Baribonekeza. Soupçonné de complicité avec des rebelles, ce chargé de la mobilisation du CNL dans la section NyarusangeMakebuko est arrêté puis emprisonné, à trois reprises, au cachot de la commune Nyarusange. «Son frère l’accusait d’avoir envoyé ses deux fils dans une rébellion». Rien de tel néanmoins, selon les voisins de feu Baribonekeza. « Philippe Baransokoroza, comme les autres Imbonerakure de sa localité, avait une dent contre son frère, uniquement sur base de leurs divergences politiques », estiment certains. « Surtout des spéculations sur la terre », affirme un membre de la famille du défunt. Philippe Baransokoroza brandissait le cachet politique pour manipuler d’autres Imbonerakure… Au cachot, toutes les trois fois, il en sortait néanmoins une semaine après, faute d’accusateurs. Mais viendra le jour j. «A un moment, son frère a changé de stratégie car il voyait que la carte de la prison ne tenait pas». C’était un mercredi, se rappelle Nadine (pseudo), une voisine. Des inconnus ont investi le domicile de Sylvère Baribonekeza, au milieu de la nuit. « Nous avons entendu des cris », témoignet-elle, ajoutant que « ceux qui dormaient ont rapporté avoir eu à faire avec 9 jeunes hommes dont 8 en uniforme policière ». Ils avaient défoncé les portes, s’étaient introduits puis avaient

enlevé le chef du ménage. D’après elle, dans la foulée, ceux qui étaient dans la maison ont confié avoir reconnu Philippe Baransokoroza, parmi les attaquants. Sylvère Baribonekeza a été conduit à la sous-colline Gasivya. Selon les témoignages, c’est là que ses bourreaux vont l’embarquer dans une voiture pour une destination inconnue. «Nous ne l’avons plus revu depuis», se désolent ses proches.

Le tour de sa femme Dès le lendemain de cet enlèvement, l’épouse du désormais porté disparu va se confier aux différentes autorités administratives et policières en vue de la recherche de son mari. Sans succès. Les trois enfants qui restaient En commune Nyarusange, Mélanie Bankuwabo et ses enfants disent vivre sous menaces des à la maison vont attendre en vain Imbonerakure le retour de leur père. Neuf mois d’angoisse et de dése- pendant les jours de Noël. Et la des Imbonerakure, le nom de témoigne un habitant de la spoir dans la famille. Et puis en famille à adopter le cache-cache, Mélanie Bankuwiha ne manque localité. «Il la menaçait comme à chaque tom- jamais en effet. Ils l’accusent quoi la disparition de son mari d é ce m b re , un couteau « Il l’a rencontrée chez bée de la nuit. d’avoir poursuivi l’objectif de son ne lui avait pas laissé de leçon. Il dans la plaie. «S’ils dorment mari, en faisant la propagande exigeait d’elle d’aller remettre à elle, à son domicile, et ici aujourd’hui, pour le CNL. Selon des l’administration les documents à sources con- lui a dit de s’attendre au demain c’est ailD’ailleurs, Dieudonné Havyari- base desquels son mari faisait la cordantes, pire, si elle ne rejoignait leurs». mana, un de ces Imbonerakure, mobilisation si jamais elle voulait le domicile Il faudra atten- finira par menacer verbalement sauver sa peau», ajoute un autre. pas le Cndd-Fdd.» de Mélanie dre janvier 2020 la veuve. « Il l’a rencontrée chez Selon ses proches, Mélanie Bankuwiha pour s avo i r elle, à son domicile, et lui a dit Bankuwiha a aujourd’hui perdu commence à se faire accoster l’objet de ces visites nocturnes. de s’attendre au pire, si elle ne le nord et le sud. Elle craindrait par des inconnus dans la nuit, Lors des réunions organisées par rejoignait pas le Cndd-Fdd », surtout pour la vie de ses enfants. Mais en tout cas, elle n’entendrait pas intégrer le parti au pouvoir. «Il faut que tout organe compétent vole à son secours », demandent ces témoins. Interrogé, l’administrateur de la commune Nyarusange dit ne pas être au courant de l’affaire. « Nous ne pouvons pas connaître cette situation tant que la victime ne s'est pas encore confiée à nous », a expliqué Ferdinand Nkurikiye, avant de nous raccrocher au nez. Pour sa part, le chef du CnddFdd à la colline Bikingi, assure que des conflits fonciers opposent Mélanie et son beau-frère, ajoutant néanmoins ignorer si la veuve subirait des intimidations de quelque Imbonerakure que ce soit. «Je vais enquêter. Si je trouve qu’il y a des Imbonerakure qui la menacent, je les traduirais devant la justice». Edouard Nkurunziza Fabrice Manirakiza Ferdinand Nkurikiye: « Nous ne pouvons pas connaître cette situation tant que la victime ne s’est pas encore confiée à nous »

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POLITIQUE

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Giheta

Des Imbonerakure font-ils la pluie et le beau temps ? Les Inyankamugayo de la zone Kabanga en commune Giheta de la province Gitega se disent persécutés par un groupe d’Imbonerakure. Des menaces, des intimidations, des perturbations des activités du CNL. Des Imbonerakure sont aussi accusés de faire des exercices physiques avec des chansons de menace à l’encontre des opposants.

C

e groupe composé des Imbonerakure sévit sur les collines Kibimba et Musama de la zone Kabanga. Il est dirigé par Libère Minani, un démobilisé et membre du Cndd-Fdd», confie des militants du CNL. D’après eux, ils font aussi des exercices physiques le soir et tous les jours sur la route Gitega-Bujumbura. «Certains portent même des tenues militaires ou policières. Ils courent avec des gourdins». Selon les militants du CNL, ces jeunes chantent des chansons de menace en l’encontre des opposants politiques. «Ils disent que celui ne va pas voter pour l’héritier aura des gros problèmes. Le candidat du Cndd-Fdd Evariste Ndayishimiye est originaire de cette zone. Nous pensons que c’est pour cela que les Imbonerakure de cette zone sont

plus virulents que ceux des autres localités». D’après les Inyankamugayo, ils sont terrorisés par ce groupe. «Nous ne fermons pas l’œil de la nuit. En un mot, le Cndd-Fdd ne veut pas que le CNL s’installe dans la zone Kabanga. Dans les autres zones, nous n’avons pas de problèmes». Le 1 mars dernier, poursuivent-ils, l’administrateur communal, Alexis Manirakiza, avait autorisé une réunion du CNL sur la colline Kibimba mais il a été obligé de la suspendre à cause de la pression que ces Imbonerakure ont exercée sur lui.

Des activités du CNL perturbées «Lorsque le CNL demande l’autorisation d’organiser une

En commune Giheta, les Inyankamugayo se disent persécutés par des Imbonerakure

réunion ou d’ouvrir une permanence, l’administration nous l’accorde sans problème», confie un militant du CNL. Le seul hic, poursuit-il, cette même administration passe à côté et incite les militants du parti au pouvoir à perturber les activités. « C’est ce qui s’est passé lorsque nous avions une réunion sur la colline Nyamugari. Parfois ils utilisent même les administratifs à

la base. Quand nous brandissons l’autorisation de l’administrateur communal, ils nous disent d’aller faire des réunions chez lui». Les Inyankamugayo accusent Libère Minani et un certain Nathanaël, tous des militants du parti de l’aigle ainsi que des Imbonerakure de la zone Kabanga. «Lorsqu’ils voient un intellectuel participer dans des réunions du CNL, ils vont chez lui

pour l’intimider. Ils le menacent de le tuer ou de le licencier. Plusieurs militants intellectuels ont déjà fui la zone». Ils pointent également du doigt Léonidas Ntakarutimana, chef du parti Cndd-Fdd en commune Giheta. «Il est derrière toutes les perturbations de nos activités. Il fait la pluie et le beau temps avec l’aide de l’administration». Dans la zone Kabanga, les Inyankamugayo ont peur à l’approche des élections. «Nous sommes en train de confectionner les listes de nos mandataires politiques lors des élections. Une fois que ces listes tomberont dans leurs mains, nos militants risquent de passer un mauvais quart d’heure». Interrogé, Léonidas Ntakarutimana n’a pas voulu s’exprimer sur la question de la perturbation des activités du CNL. «Je n’ai rien à dire sur ça». Concernant les intimidations des Imbonerakure et les exercices physiques ainsi que les chansons qui menacent les opposants, il indique qu’il ne peut pas s’exprimer pour le moment. Iwacu a essayé de joindre le chef de zone Kabanga sans succès. F.M. E.N.

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » Pour justifier son refus de toutes les candidatures aux législatives de Kira-Burundi, la CENI a mobilisé deux articles de la Constitution dont l’interprétation est sujette à confusion.

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’annonce par la Ceni, mercredi 18 mars, des résultats des dépôts de candidatures à la députation est une véritable douche froide pour la coalition Kira-Burundi. Aucun des dossiers de candidature aux législatives présentés par la coalition n’a été admis par la Ceni. A l’issue d’une conférence de presse tenue, lundi 23 mars, Aloys Baricako, président de la coalition Kira-Burundi, a informé que parmi les deux motifs avancés par la Ceni pour rejeter tous les dossiers de candidature de cette coalition aux législatives et communales, figure ‘’la formation d’une coalition politique avec des indépendants’’. Du côté de Kira-Burundi, c’est la stupéfaction : « Nous n’avons aucun candidat indépendant au sein de notre coalition.» Des sources contactées au sein de la coalition nous ont révélé que les candidats indépendants dont parle la Ceni, sans jamais les citer nommément, sont des transfuges du parti Uprona non gouver-

nemental. Il s’agit entre autres de Tatien Sibomana, Evariste Ngayimpenda, le député Fabien Banciryanino, des personnalités phares de l’opposition burundaise.

Des textes de loi élusifs Pour la Ceni, Kira-Burundi a violé les articles 81 et 86 de la Constitution en ayant intégré des indépendants en son sein. Un argument vivement balayé par les représentants de l’alliance politique, qui précisent que les candidats ciblés par la Ceni disposent chacun d’une carte de membre de l’une ou l’autre formation politique constituant Kira-Burundi (Pajude, FedesSangira et Ranac). A supposer que le groupe de candidats de Kira-Burundi pointés du doigt par la Ceni soit constitué d’indépendants, voici ce que révèle le contenu des deux articles 81 et 86 de la Constitution mentionnés par la Ceni. L’article

Les membres de la coalition Kira-Burundi / Pierre-Claver Kazihise, président de la Ceni.

81 stipule : « Les partis politiques peuvent former des coalitions lors des élections, selon des modalités fixées par la loi électorale. » Cette coalition réplique s’y être conformé. C’est au niveau de l’article 86 repris dans l’article 128 du code électoral - que le flou s’installe : « Une loi détermine les conditions dans lesquelles un indépendant exerce et cesse ses activités politiques. Dans tous les cas, aucune coalition d’indépendants ne peut être autorisée. »

Dans le cas où Kira-Burundi abriterait en son sein des candidats initialement indépendants, le dernier passage de l’article 86 du texte constitutionnel n’aide pas à mettre les points sur les i. Qu’a voulu signifier le législateur quand il parle de ‘’coalition d’indépendants qui ne peut être autorisée’’ ? Est-ce une coalition formée uniquement d’indépendants? Ou estce une coalition formée de gens issus de partis politiques et d’indépendants ? Au regard de

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textes légaux aussi équivoques sur ce point de discorde, les lectures de la Ceni et de la coalition politique dirigée par Aloys Baricako sont irréconciliables. En octobre 2011, qualifiant le programme du candidat François Hollande (élu président l’année suivante), Martine Aubry (ancienne ministre et ancienne secrétaire du parti socialiste français) a employé cette expression devenue célèbre : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.» Alphonse Yikeze


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POLITIQUE

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Chronique sur les messages de haine « Les discours qui prêtent à confusion peuvent provoquer les violences » Jacques Bukuru, consultant en communication et médias, explique que les discours ambigus des leaders politiques peuvent embraser la société. Il les invite à être des apôtres de la paix.

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ans un contexte de concurrence politique, les leaders politiques peuvent tenir des discours différents sur le même thème en fonction du lieu et des interlocuteurs. Dans ce cas, il est difficile de différencier le vrai du faux, de savoir leur véritable position», explique Jacques Bukuru, ancien journaliste et consultant en communication et médias. Pour lui, la prise de parole est révélatrice de la personnalité de quelqu’un. Si à chaque instant, dit-il, un leader change de propos sur un même thème, c’est le signe de sa versatilité. « Des leaders politiques, des acteurs qui changent en fonction de leurs interlocuteurs ne sont pas dignes d’être leaders», dixit l’ex-

président sud-africain Nelson Mandela. Jacques Bukuru explique que ces discours sont motivés par la quête de leurs intérêts catégoriels. Il peut s’agir d’intérêts électoralistes ou de moyens matériels aux dépens de principes de vie. Ils sont là pour se servir à tout prix, mais pas pour servir la population.

Un risque de violence? D’après ce journaliste chevronné, quand ils sèment la confusion, ils influencent négativement les gens et les amènent à adopter des positions radicales. «S’il s’agit d’évènements du passé, une histoire douloureusement vécue par la population, il y a risque de rupture identitaire. Cette situation peut conduire les gens à se rentrer dedans». Selon ce consultant, cette communication politique renferme une vérité qu’il faut tenir avec des pincettes. Il appelle la population à ne pas tomber dans le piège des acteurs politiques qui les entraînent dans des actes de violence pour leurs intérêts sectaires. Il invite également les acteurs politiques à privilégier l’essentiel, la sauvegarde de la paix et la sécurité : « Il faut éviter toute parole

Jacques Bukuru: « Si à chaque instant, un leader change de propos sur un même thème, c’est un signe de sa versatilité»

ou acte pouvant provoquer la violence. On n’a pas intérêt que la population soit divisée. L’intérêt commun doit primer.»

Jacques Bukuru tient à rappeler que les médias ne doivent pas être des porte-parole de camps antagonistes. « Il leur faudra faire

des investigations pour la manifestation de la vérité pour une réussite du processus électoral», conclut-il. Jérémie Misago

« L’embrigadement des jeunes provoque généralement des violences de masse » En période électorale, les jeunes risquent d’être embrigadés avec pour conséquence des violences de masse. Aloys Batungwanayo ancien journaliste et consultant indépendant, appelle les jeunes à la responsabilité.

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ue doit-on entendre par embrigadement des jeunes ? L’embrigadement des jeunes est une sorte de planification pour les embarquer dans une voie déjà tracée. Souvent, c’est le fait de politiciens. Comme ils n‘ont pas la capacité d’atteindre leurs objectifs sans l’aide des jeunes, ils procèdent à la manipulation. Les jeunes manipulés n’auront pas le temps d’y réfléchir, ils vont adhérer sans réserve. Quand est-ce que ces jeunes sont le plus exposés ? C’est dans les moments de tension. Ces dernières peuvent être des élections. Aujourd’hui, il y a des politiques qui briguent des postes électoraux. Le parti CNDDFDD peut gagner les élections de 2020, mais certains militants de ce parti peuvent les perdre. Il en

est de même pour le parti CNL. Tous pensent à leur contrat de cinq ans et ont peur. Ils se disent qu’ils n’ont d’autre choix que de se servir des jeunes. Remarquons que les acteurs politiques n’ont pas toujours été des adultes. Le Prince Louis Rwagasore, leader de l’indépendance, avait 29 ans et d’autres caciques de l’Uprona étaient des jeunes. Birori, Ntidendereza du PDC et Micombero qui a renversé la monarchie en 1966. C’étaient tous des jeunes qui en ont embrigadé d’autres. Quelles peuvent être les conséquences ? Les conséquences sont néfastes pour les jeunes et la société. Lorsqu’un politique utilise des jeunes et que lui atteint à son résultat escompté, il les abandonne. Si une manifestation

dégénère, ses véritables initiateurs se dérobent. Certains jeunes sont emprisonnés et d’autres tués. En 1972, les jeunes de la JRR ont été manipulés pour commettre des violences et à leur tour, ils ont été massacrés. Ils sont victimes dans un projet dont ils ne maîtrisent pas les contours. D’autres jeunes sont enrôlés pour prendre des armes. Cet embrigadement conduit généralement à des violences de masse. En plein processus électoral, que faut-il faire pour prévenir l’irréparable ? Les jeunes constituant près de 70% de la population doivent apprendre du passé. Ils doivent réfléchir sur le contexte actuel et dire non à la manipulation pour ne pas retomber dans le piège. Quant aux politiciens, ils devraient s’abstenir de toute incitation à la violence, présenter des projets de société à défendre devant l’électorat. Ils ont été jeunes et probablement manipulés. Au lieu de leur faire subir ce qu’ils ont subi, un partage d’expérience est nécessaire afin d’éviter l’irréparable.

Quid du rôle des médias ? Le politique qui manipule les jeunes peut solliciter les médias. Il cherche à ce que sa position, son plan soit entendu par le maximum de jeunes. Il revient aux professionnels des médias de

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traiter les informations professionnellement. Se souvenir de la responsabilité sociale du journaliste. Propos recueillis par Jérémie Misago


POLITIQUE

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Du passé composé au futur simple

«Les ethnies ne devraient pas être une source de conflits!» Autour de plusieurs questions, les jeunes des quartiers sud de la capitale ont débattu sur un sujet intitulé : « La problématique de l’ethnisme au Burundi». Un débat intéressant avec des idées divergentes.

Pour Abdoul Niyonkuru, il n’y avait pas d’ethnie au Burundi, lors de la royauté. «Le roi était le père de la Nation (Sebarundi). Les ethnies sont l’émanation de la colonisation. C’était pour diviser les Burundais. Ce qui divise les Burundais, ce ne sont pas les ethnies, mais plutôt les intérêts des uns et des autres. Les ethnies ne posent pas de problème».

Quid des conséquences de cette ethnicisation de la société

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orsqu’on parle des ethnies, je comprends par-là les différences entre les personnes», lance Félicité Niyomwungere, chercheuse. «Moi, j’entends un Hutu, un Tutsi et un Twa», ajoute Alexis Bigirimana, étudiant. C’est l’avis aussi d’Aloys Ndakoraniwe, journaliste indépendant. «On a commencé à parler des ethnies au Burundi avec la venue des colonisateurs. Avant la colonisation, on parlait plus de clans». Sur la question de savoir si réellement les ethnies existent au Burundi, les langues ont commencé à se délier. «D’après ce qu’on nous a enseigné dans les écoles, les ethnies existent au Burundi», indique Félicité Niyomwungere. «Au Burundi, il y a une seule ethnie, celle des Burundais car nous partageons la même langue et les mêmes coutumes. C’est difficile de différencier les gens. Souvent, on dit que les Hutu ont de gros nez, mais il y a aussi des Tutsi qui en ont», ajoute Alexis Bigirimana. Denis Bukuru abonde dans le même sens. Même son de cloche de la part de Thierry Mukeshimana. «Au Burundi, il y a une seule ethnie. Toutefois, politiquement, nous avons 3 ethnies et c’est écrit même dans la Constitution».

Les jeunes des quartiers sud de la ville de Bujumbura ont discuté sur la problématique de l’ethnisme au Burundi.

Les ethnies existent réellement au Burundi ? «En Belgique, il y a des Wallons et des Flamands. Peut-être que c’est venu par là. Quand les Belges sont arrivés, ils ont voulu différencier les Burundais comme chez eux», tente une explication Axel Keza, un jeune étudiant. «Il y a une mauvaise graine que les colons ont planté dans les cœurs des Burundais. Cela va nous prendre plusieurs années avant qu’elle ne disparaisse», évoque Aloys Ndakoraniwe. Claudine Ndayishimiye, étudiante, trouve aussi que les ethnies n’existent pas. «Par exemple, en Tanzanie ou en RDC, les gens d’une même ethnie vivent dans une même région à l’écart des autres. Ils se marient entre eux. Ce qui n’est pas le cas au Burundi. Les Tutsi peuvent se marier avec les Hutu».

Floride Icimpaye, une jeune femme de Kanyosha, a un autre avis : «Les ethnies existent au Burundi. La preuve, c’est qu’on en parle beaucoup sur nos collines. Je l’ai entendu depuis mon enfance. On nous disait que seuls les Tutsi sont propriétaires des vaches et non les Hutu. Je trouve que c’est toujours le cas. Depuis que je suis enfant, c’est toujours ancré dans mon esprit». Marie Rose Hakizimana, une jeune femme de la commune Muha, nuance : « Un Tutsi du sud ressemble à un Hutu du nord. Pour moi, il n’y a pas d’ethnie. Par exemple dans la ville de Bujumbura, tous les Tutsi n’ont pas de vaches». Ernest Simbananiye, un jeune de Kanyosha, se dit confus avec l’histoire des ethnies : «J’ai grandi en sachant que ma mère et mon

père ne sont pas de la même ethnie. Alors, je suis de quelle ethnie? C’est pourquoi je n’accorde pas beaucoup d’importance à ces histoires.»

Quand et d’où sont venues les ethnies alors? Selon Alice Ciza, chercheuse, les ethnies ont commencé en 1896 avec l’arrivée des colonisateurs. «Ils ont commencé à mesurer nos nez pour nous différencier». Alexis Bigirimana ajoute que les colonisateurs ont trouvé les Burundais unis avec une seule ethnie, mais avec plusieurs clans. «Il leur a été difficile de semer la zizanie entre eux. Ils ont utilisé les gens riches pour pouvoir arriver à leurs fins. Les Belges ont même donné des cartes d’identité sur lesquelles il était mentionné que vous êtes Hutu ou Tutsi. Les clans ont alors disparu».

Selon Aloys Ndakoraniwe, les colonisateurs ont destitué les anciens conseillers et autres collaborateurs du roi afin de promouvoir les hommes acquis à leur cause. «Cela a créé des frustrations parmi les Burundais, surtout ceux qui avaient des privilèges. Ce qui est à l’origine des conflits». Avec cette hiérarchisation de la société, indique Bernard Nzobanza, les Tutsi étaient convaincus que ce sont les seuls qui devaient gouverner. Pour Olivier Bakunduwukize, les colonisateurs ont travaillé avec la minorité tutsi pour arriver à leur politique de diviser pour régner. «Ce sont eux qui ont fait les études. Cette hiérarchisation est à l’origine de tous les maux qu’a connus le pays. Toutefois, on ne peut pas accuser seulement les Belges, les Burundais sont aussi responsables». Alexis Bigirimana abonde dans le même sens : «Il s’est observé une préférence pour les Tutsi. Ils ont été orientés dans des écoles d’administration (Astrida), tandis que les Hutu ont fait des écoles techniques. Les Tutsi sont devenus arrogants à cause de cette préférence. Et les Hutu étaient furieux. D’où les conflits que nous observons aujourd’hui.» Fabrice Manirakiza

Eclairage du politologue Elias Sentamba «Avant l’arrivée des colonisateurs, les Tutsi, les Hutu et les Twa existaient. Mais les Burundais n’y attachaient pas beaucoup d’importance. Les Burundais mettaient en avant les clans », assure le politologue Elias Sentamba. Les proches collaborateurs du roi provenaient de plusieurs clans qui étaient composés à la fois de Tutsi et de Hutu. «Les ethnies, telles que nous les connaissons aujourd’hui résultent de la loi de 1925, lors de la réforme administrative instaurée par les Belges». D’après le professeur Sentamba, ils ont hiérarchisé la population. «Ils ont décidé que les princes à savoir les descendants directs du roi seulement sont au-dessus des autres. Puis vient

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en deuxième position les Tutsi. Il fallait avoir 10 vaches pour devenir Tutsi. En troisième position venait les Hutu». Après la réforme de 1925, poursuit le professeur, les Belges ont créé une université à Butare au Rwanda appelée Astrida. «Ils ont ouvert une section politique. Pour y entrer, il fallait avoir un père Ganwa ou Tutsi qui a un poste dans l’administration. Les Hutu ont été envoyés dans des sections techniques». Et de rappeler que lors de la réforme de 1925, tous les Hutu ont été chassés de l’administration.

F.M.


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ÉCONOMIE

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Sogestal Kirimiro

Le personnel se dit victime de licenciement abusif Plus de 220 employés licenciés de l’ex-Sogestal Kirimiro sont dans le désarroi. Ceux qui ont consenti des prêts ont déjà reçu des lettres de mise en demeure. D’après le ministre de l’Environnement, ce dossier n’est pas la priorité du gouvernement.

V

oilà 19 mois que les employés de l’ex-Sogestal vivent dans la précarité, cumulant désormais près de 20 mois d’impayés de salaire. Une situation qui s’est dégradée, depuis vendredi 13 mars. « Nous avons reçu une lettre de résiliation de contrat de travail», se lamente un jeune homme rencontré dans la ville de Gitega, lundi 23 mars 2020. Ce dernier fait savoir que la lettre de résiliation est courte : « La décision de dissoudre la Sogestal Kirimiro est prise par l’assemblée générale des actionnaires. » Selon ce père de cinq enfants, ce licenciement a affecté plus de 220 familles. Mine renfrognée, il expose son calvaire. « L’Etat m’a mis dans la rue avec toute ma famille, alors qu’il me doit plus de 6 millions de BIF.» Depuis 2018, sa famille a continué à survivre parce qu’il a contracté des prêts, espérant rembourser à la fin du mois. Pour le moment, déploret-il, je ne suis plus crédible. « Mes enfants vont abandonner l’école, faute de moyens et toute la famille mourra bientôt de faim».

Le personnel est angoissé Même lamentations chez M.S., lui aussi ex-employé de ladite société dissoute. Ce dernier est dans le désarroi. Il indique qu’il a contracté un prêt de 10 millions BIF auprès du Fond de l’Habitat Urbain pour construire une maison tout en espérant rembourser cette somme au plus tard au début de l’année 2023. Pour réaliser ce projet, sa femme a également emprunté 5 millions BIF. « Suite aux arriérés de salaires, j’ai cessé de rembourser fin 2018. Au mois de décembre 2019, mon créancier m’a envoyé une lettre de mise en demeure». A cette date, les intérêts de retard s’élevaient à plus de 1 millions de BIF. A tout moment, précise-t-il, je peux me retrouver dans la rue. Car dans cette correspondance, le Fond de

La Sogestal Kirimiro dissoute.

l’Habitat urbain était clair : après 24 mois, il peut réaliser la garantie par la vente par la voie parée. Autrement dit, la réalisation de la garantie se fera par une vente à l’amiable par le créancier. Et de faire remarquer que le créancier a souvent tendance à se satisfaire d’un prix faible, si celui-ci lui permet de réaliser rapidement la garantie.

« Une dissolution illégale et non fondée » Le conseil d’entreprise rejette en bloc la faillite de l’entreprise avancée par l’Etat, l’actionnaire principal, pour dissoudre la Sogestal. Salvator Simbavimbere, viceprésident du conseil d’entreprise

de l’ex-Sogestal, soutient de la main d’œuvre. « Ces indiqu’aucune raison ne pourrait cateurs ont donné des résultats justifier la dissolution de cette satisfaisants», se félicite Salvator société : « La Sogestal n’était pas Simbavimbere. tombée en faillite. C’est faux. Cette En principe, le rendement de entreprise était en bonne santé café parche en café vert est de financière.» 20%: 5 kilos de cerises fournissent Ce représentant des employés 1 kilo de café vert. Pourtant, préde l’ex-Sogescise cet employé, tal se base sur pour la campagne « La Sogestal les indicateurs 2018-2019, 5 kg de l’entreprise. n’était pas tombée fournissaient 4,8 en faillite.» D’abord, pour kg de café vert, soit annoncer qu’une un rendement de usine de traitement de café est 96 %. « Comme les employés se en faillite, il faut vérifier trois sont donné corps et âme, lors de la principaux indicateurs. Il s’agit flottaison et du triage, nous avons du rendement de café parche en encaissé un surplus de 120 tonnes café vert, l’énergie utilisée dans le de café vert». traitement du café et la gestion M. Simbavimbere fait également remarquer que la dissolution de la Sogestal Kirimiro est illégale. Cette entreprise, explique-til, a été dissoute sans audit financier. « Pourquoi cette étude n’a pas été faite ? La raison est simple, ses résultats ne plaidant pas pour la dissolution.»

Les employés se disent victimes de licenciement abusif

Déo-Guide Rurema : « Cette question sera résolue après la campagne café 2020-2021.»

Même si la Sogestal Kirimiro avait eu des problèmes financiers qui pouvaient entraîner un licenciement économique, le vice-président du conseil de l’entreprise révèle que la loi aurait aussi été violée. En s’appuyant sur le code du travail en son article 18, ce représentant des employés fait savoir que l’employeur qui envisage de licencier plusieurs membres de son personnel pour des raisons économiques doit préalablement en informer par écrit le conseil d’Entreprise ou à défaut les représentants des travailleurs pour entendre leurs avis et sug-

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gestions sur les mesures appropriées à prendre. Chose qui n’a pas été pas faite. De surcroît, les employés n’ont pas reçu de préavis leur permettant de mieux préparer leur départ. Pour se dispenser de donner un préavis, on aurait dû accorder aux travailleurs une indemnité compensatrice. « C’est un licenciement abusif. Nous n’avons perçu ni indemnités ni arriérés de salaire et heures supplémentaires». Il tient à préciser que la Sogestal leur doit plus de 1, 3 milliard BIF. Ce représentant des employés a demandé à l’Etat, actionnaire principal avec 68%, de les établir dans leurs droits. Ces derniers demandent le paiement des arriérés de salaires et des heures supplémentaires prestées depuis 2015. En outre, ils réclament l’indemnisation pour le licenciement abusif. L’Etat doit également rembourser les prêts consentis et les intérêts de retard. Enfin, régulariser les employés licenciés alors qu’ils devaient aller en retraite cette année. Le cas échéant, ces employés font savoir qu’ils se pourvoiront en justice.

L'indemnisation n'est pas pour demain Lors d’un point de presse animé, mercredi 18 mars, par le ministre de l’Environnement, Déo-Guide Rurema, celui-ci a répondu que régulariser les employés licenciés n’est pas, pour l’heure, la priorité du gouvernement. « L’urgence est de trouver la solution aux problèmes auxquels font face les caféiculteurs. Cette question sera résolue après la campagne café 2020-2021». Par ailleurs, il rappelle que le ministre des Finances, via une correspondance, leur a notifié que la Sogestal est au bord du gouffre. Et de soutenir que ces employés avaient répondu qu’ils ne pouvaient pas continuer à travailler dans ces conditions. D’un côté, le ministre DéoGuide Rurema a précisé que l’Etat n’est pas le seul actionnaire qui indemnisera ces employés. Il suggère plutôt à ces employés de réclamer leurs indemnités auprès du conseil d’administration de la Sogestal, leur employeur. De l’autre, le ministre de l’Environnement fait savoir que l’Etat n’est pas prêt à débloquer l’argent. «Il faut d’abord une évaluation pour voir l’argent dépensé par les autres actionnaires. Car l’Etat a déjà décaissé plus de 41 milliards». Après, conclut-il, la vérité éclatera au grand jour. Pierre Claver Banyankiye


SOCIÉTÉ

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Ntahangwa

Intempéries : le chemin de croix des sinistrés Les autorités municipales comptent délocaliser les sites de déplacés victimes des inondations en dehors de Bujumbura. Très inquiets, ces derniers dénoncent une décision unilatérale.

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ette opération concerne les occupants de deux sites installés en commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura. Il s’agit de Mubone, zone Buterere et Uwinterekwa dans la zone Gihosha. « Selon le maire de la ville, bientôt, nous allons être déplacés vers un autre endroit », confie Innocent Nzeyimana, responsable du site de Mubone. Il parle d’une décision prise sans consentement, sans avoir eu l’occasion d’exprimer leurs souhaits. Désemparé, ce père de famille trouve cette mesure inopportune. « Le problème d’abri ne se pose plus dans notre site. Des tentes sont là de la part des bienfaiteurs.» Il ajoute que bientôt, les élèves vont commencer les examens : « Est-ce que nos enfants vont abandonner l’école ? Comment l’administration va gérer cette question ? ». Dans ce même site, un autre sinistré des intempéries originaire du quartier Mugaruro rappelle que la majorité des occupants ne vit que de l’agriculture. Leurs champs ne sont pas loin de leurs parcelles. Logé dans ce site, ce déplacé affirme qu’il parvient à entretenir leurs ‘’domaines ‘’ en attendant la saison sèche pour réhabiliter ou reconstruire leurs maisons anéanties par les vents et courants d’eau. A Uwinterekwa, ce sont les mêmes lamentations. Kabura, un des déplacés de cette localité ne doute pas que cette décision va empirer leur situation. D’après lui, la plupart d’entre eux exerce de petits métiers dans la ville de Bujumbura : taxi-vélos, commerçants, veilleurs, etc. Malgré que leurs maisons aient été partiellement ou totalement détruites par les pluies, d’autres y possèdent des parcelles. « Au lieu de nous conduire dans un autre endroit, il faut plutôt qu’ils nous aident à construire de nouvelles maisons.» Cet homme, la cinquantaine, se demande pourquoi ces autorités ne dévoilent pas cette nouvelle destination.

Le site de déplacés de Mubone, zone Buterere, commune Ntahangwa.

désemparés. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. « On dirait le chemin de la Croix. Quand cette catastrophe s’est abattue sur moi, j’ai perdu la tête. Après, les autorités ont trouvé où nous caser. Nous avons poussé un ouf de soulagement », raconte, déboussolé, un père de famille déplacé d’Uwinterekwa. Avant de poursuivre : « Et voilà, le même calvaire commence. Nous sommes des nomades. Le malheur ne vient jamais seul.» Vivant d’un petit commerce dans un des quartiers de Bujumbura, il parvient aujourd’hui à avoir de quoi nourrir sa famille. Il doute de sa survie après la délocalisation. Ses trois enfants seront contraints d’abandonner l’école. Radjabu Ndikumana, un autre

déplacé de Mubone dit que ces voilà, je venais d’avoir une tente délocalisations répétitives ris- pour m’abriter et on annonce la quent de l’épuiser. Lui et sa famille délocalisation vers un endroit ont récemment été installés dans inconnu. » ce site. Ils croyaient enfin trouver Les autorités sont un lieu de repos avant de pouvoir catégoriques reconstruire une autre maison. «Avec les inondations de décem« Ces sites doivent être délocalibre 2019, ma maison, les ustensiles, sés. Leurs occupants doivent être le matériel de couchage, … tout a mis dans un endroit en dehors de été balayé. » Heula ville », tranche reusement, il n’y Antoine Ntemako, « Quand un tel général a pas eu de pertes nombre de gens est directeur humaines. de la Police de la M.Ndikumana, rassemblé dans un protection civile. propriétaire de la même lieu, dans de S’exprimant sur maison anéantie, ondes de la telles conditions, les va trouver refuge radio Isanganiro, dans une famille c’est très risquant. » ce mardi 23 mars, amie. Ce qui ne va il souligne que ces pas durer. Il laisse ses enfants au déplacés sont désœuvrés. « La banc de l’école dans cette famille fainéantise s’y installe de plus en et regagne le site de Mubone. « Et plus. »

« Le malheur ne vient jamais seul » Que ce soit à Mubone, ou à Uwinterekwa, les sinistrés sont

Antoine Ntemako : « Des irréguliers ou d’autres personnes viennent s’installer dans ces sites sans qu’elles aient été touchées par ces intempéries. »

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Il signale par ailleurs que des irréguliers ou d’autres personnes viennent s’installer dans ces sites sans qu’elles aient été touchées par ces intempéries. Cette autorité trouve qu’il est vraiment imprudent de laisser ces personnes dans cette vie en promiscuité avec les ravages que le coronavirus fait dans le monde. Freddy Mbonimpa, le maire de la ville de Bujumbura corrobore. Pour lui, la délocalisation est une nécessite. Alors qu’il avait annoncé cette opération pour mercredi 25 mars, le maire de la ville indique que c’est le Conseil national de la sécurité (CNS) qui s’en occupe. « C’est cette organe qui peut donner toute la lumière sur ce processus.» Iwacu a essayé de joindre le secrétaire permanent du CNS, en vain. Pour Ernest Nduwimana, Chef de zone Buterere, cette décision est vraiment salutaire. « Quand un tel nombre de gens est rassemblé dans un même lieu, dans de telles conditions, c’est très risquant. L’hygiène y est précaire.» Il ajoute que l’administration zonale avait déjà fait cette proposition. Cet administratif avoue que la gestion d’un site des déplacés donne du fil à retordre. Par ailleurs, il estime qu’avec la pandémie de coronavirus, il est presqu’urgent qu’ils soient casés ailleurs. Il précise que le site de Mubone abrite plus de 700 ménages venant des quartiers Mugaruro, Buterere et Kinyankonge et certains quartiers de la zone Kinama. Interrogé sur le lieu de délocalisation, il signale que la question est en train d’être gérée au niveau du Conseil national de sécurité. Rénovat Ndabashinze


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SOCIÉTÉ

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La CVR est sous le feu des critiques La CVR, procède, depuis le mois de janvier, à l’exhumation des restes des personnes tuées en 1972. Un travail qui est déjà interprété différemment par les politiques et la société civile. Mais qu’en disent d’autres acteurs ?

L

es avis sont partagés quant au contexte pendant lequel ces exhumations s’opèrent. « Idéalement, une telle initiative devrait être lancée dans une période où les gens sont prêts à accueillir les vérités qui vont être mises à nu », fait observer, Acher Niyonizigiye, professeur d’universités en leadership. Pour lui, le moment n’est pas idéal vu le contexte actuel des querelles politiques qui sont en cours. Il estime qu’on aurait pu attendre des circonstances plus propices. Interrogé sur la préparation des esprits, M. Niyonizigiye pense que certains esprits ont été préparés. « Vu les douleurs des gens, la CVR ne peut pas se lancer dans un tel travail sans une certaine préparation ». Mais il observe que tous les esprits n’ont pas été préparés. « Il y a des gens qui ont décrié la mise en place de la CVR. Il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec ce qui se fait ». Selon lui, ces gens disent que c’est une affaire politique. Et ils doutent que le processus puisse conduire à la réconciliation. Des craintes qui ne sont pas partagées par Eric Ndayisaba, professeur d’histoire dans les universités. Il estime que le moment est opportun : «C’est le moment, si ce n’est pas tard.» Et d’expliquer : « Il y a des gens qui détiennent la vérité sur certains événements, mais qui ont un âge avancé. Ce sont des témoins oculaires, mais demain on ne les trouvera pas. Il y a risque que ces témoignages tombent dans les oubliettes.» Toutefois, le professeur Ndayisaba tranquillise : « Il n’est jamais trop tard quand il s’agit de chercher et de connaître la vérité. Il faut de la patience pour connaître la vérité et pour arriver à la réconciliation.» Par ailleurs, Eric Ndayisaba fait savoir que le contexte électoral ne peut pas freiner le travail de la CVR. « Les élections viennent et passent. Le travail de la recherche de la vérité est au-delà des élections. » En outre, certaines personnes s’inquiètent que l’exhumation puisse raviver les rancunes. M. Ndayisaba interpelle la CVR à dépasser le contexte des polémiques. De son côté, M. Niyonizigiye juge normal

Acher Niyonizigiye : « Idéalement, une telle initiative devrait être lancée dans une période où les gens sont prêts à accueillir les vérités qui vont être mises à nu.»

l’apparition des rancunes. Il recommande à la CVR de bien les gérer : «Si la CVR s’est bien préparée, il y a moyen aussi de bien gérer ces rancunes de telle sorte que les gens puissent être émotionnellement guéris.»

Quid des mécanismes de gestion des traumatismes ? Le professeur Ndayisaba exhorte la CVR à faire preuve d’objectivité et d’impartialité. Il demande à la CVR d’interroger les gens pour savoir s’ils sont prêts à pardonner ou s’il y en a qui l’ont déjà fait. Le professeur Niyonizigiye, quant à lui, fait savoir qu’il y aura l’expression des traumatismes. Selon lui, tout commence par la

vérité. « Quand la vérité est con- faut une thérapie psychologique nue, il faut s’attendre à ce que les pour que cette phase puisse leur personnes explosent parce qu’elles permettre de libérer cette boule ont conservé cela émotionnelle qu’ils durant long- « Ces traumatismes avaient conservée temps dans des vont se manifester en eux durant circonstances où toutes ces années. par des il ne leur était pas C’est cette libéracomportements permis de savoir tion qui va conréellement ce qui duire à la guériirrationnels.» s’était passé ». son.» D’après lui, ces traumatismes Par ailleurs, cet expert en leadvont se manifester par des com- ership suggère de confronter portements irrationnels, par des les victimes aux offenseurs afin pleurs, une colère incontrôlable. que les victimes puissent avoir Il suggère à la CVR de chercher l’opportunité d’exprimer leurs des psychologues, des gens vrai- douleurs à ceux qui ont causé ment bien préparés pour accueil- leurs souffrances. Une occasion lir ces gens. Et de prévenir que pour les offenseurs d’exprimer le stress émotionnel risque de leurs regrets pour ce qu’ils ont déborder. Et de renchérir : « Il fait. M. Niyonizigiye estime que ce

mécanisme peut conduire aussi à la guérison, à la réconciliation. Et de prévenir que cela doit être fait d’une façon très prudente : «Certains gens peuvent réagir d’une façon imprévisible. Il faut donc des précautions.»

« Les victimes doivent être rétablies dans leurs droits » Le professeur Ndayisaba insiste sur la recherche de la vérité. Selon lui, des gens passent des journées à Ruvubu, à Mashitsi, pour voir si un élément pourrait témoigner de la présence des leurs enterrés là-bas. « Il y a une sorte de thérapie sociale». Le professeur Niyonizigiye, quant à lui, reste confiant : « La CVR a la capacité de rétablir les victimes dans leurs droits, mais pas tous leurs droits ». Pour lui, certaines victimes ont besoin d’une compensation, une sorte de symbolique pour les réconforter. « Il faut amener les gens qui ont causé du tort aux autres à faire une sorte de restitution symbolique pour exprimer leurs regrets et leur volonté de se réconcilier avec leurs victimes ». Pour rappel, la CVR est dans sa 2e phase d’exhumation des ossements humains sur certains sites. Après le site de Ruvubu, en province Karusi, les travaux se déroulent actuellement dans la commune Giheta, province Gitega, sur les sites de Mashitsi et Mutobo. Selon le président de la CVR, Pierre Claver Ndayicariye, le bilan total de la 1ère phase est de 7348 personnes tirées des 8 fosses communes sur le site de la Ruvubu. Félix Haburiyakira

Eric Ndayisaba : « Il y a risque que ces témoignages tombent dans les oubliettes.»

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Avec Vital Bambanze Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Vital Bambanze.

V

otre qualité principale ? La détermination. Quand je suis engagé dans telle ou telle activité, je n’aime pas l’échec. Je n’aime pas la solitude. J’aime être entouré par les autres.

engagée dans la lutte pour les droits des autochtones Batwa. Une communauté considérée comme une population de seconde zone à voir comment on traite les questions des Batwa où la Constitution consacre 60% d’Hutu et 40% de Tutsi dans le partage du pouvoir. Je pensais que faire le droit pourrait m’aider à accomplir mes rêves. J’ai même pensé à initier un mouvement rebelle pour défendre les droits des Batwa mais j’ai vite compris qu’on peut défendre les droits des autres en passant par la voie pacifique.

Votre défaut principal ? Je me chauffe vite. Mais, cela est comblé par ma qualité. Après avoir analysé la situation, je me redresse vite. La qualité que vous préférez chez les autres ? J’aime une personne qui accomplit ce qu’elle promet. Une personne qui ne tergiverse pas. Une personne qui se connaît, qui connaît les autres et qui collabore avec ces derniers.

Votre passe-temps préféré ? J’aime la lecture, surtout les ouvrages qui parlent des révolutions, les guerres, les grands leaders comme Che Guevara. Les ouvrages qui parlent d’Hitler, Staline. J’aime les documentaires sur la vie du monde, les changements climatiques, les peuples des forêts.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? Je déteste le mensonge. La femme que vous admirez le plus ? Ma mère, qui après la mort de mon père, m’a éduqué seule. Elle m’a inculqué des valeurs humaines et m’a intégré dans la société. Je n’ai rien manqué. J’admire sa responsabilité et ses engagements. Tout ce que je fais est puisé dans l’éducation qu’elle m’a donnée. Quel est l’homme que vous admirez le plus ? J’admire Che Guevara. Il était engagé à défendre la vie des autres, à lutter contre les injustices malgré ses maladies et ses fatigues. Il a quitté son pays pour défendre les personnes opprimées dans d’autres pays qui n’étaient pas le sien. Il est mort en train de défendre les intérêts des personnes avec qui il ne partageait pas la même nationalité. Mais il jugeait bon de défendre la valeur et les droits de toute personne sur terre. Votre plus beau souvenir ? Le jour où j’ai appris que j’ai été reçu au concours national en 1989. Une joie que j’ai partagée avec mon cousin Charles Masabo. Nous étions les seuls deux Batwa à réussir à ce Concours cette année. Ce qui a

étonné et choqué d’autres ethnies. Dans les années 80, il n’était pas facile de réussir à ce Concours qui donnait accès à l’école secondaire. C’était une étape très importante. Franchir cette étape vous attirait une admiration, de l’estime. Vous deveniez un véritable « Mushingantahe », un intellectuel en devenir. Votre plus triste souvenir ? La mort de mon père quand j’étais en bas âge. Quel serait votre plus grand malheur ? Mon grand malheur serait d’être emprisonné parce je suis surpris en train de détourner les biens de la communauté Batwa que je suis en train de servir. Mon grand malheur serait aussi de faillir à mes engagements, c’est-à-dire la promotion des Batwa. En tant que défenseur des droits humains, mon grand malheur serait de fermer les yeux face aux violations des droits de qui que ce soit.

l’Indépendance. Ceux qui ont Le plus haut fait de l’histoire lutté pour cette dernière ont comburundaise ? L’avènement de la démocra- pris qu’il fallait que les Burundais, tie. L’accession à la magistrature eux-mêmes, gèrent la chose pubsuprême d’un président démocra- lique. tiquement élu, Melchior Ndadaye. Un président élu en grande partie La plus terrible ? par des paysans. Les choses ont Il y en a plusieurs. Mais pour été bouleversées. Cet événement moi, les plus marquantes sont a tourné l’image l’assassinat du héros « Cet événement de l’Indépendance, de l’histoire du Burundi. a tourné l’image le prince Louis RwaC’est un grand gasore, le 13 octobre de l’histoire du 1961. Et l’assassinat du événement, d’une Burundi. » façon générale, et héros de la démocraparticulièrement tie, le président Melpour la communauté Batwa. C’est chior Ndadaye, le 21 octobre 1993. le président Ndadaye qui a été le La mort de mon père m’a aussi premier a déclaré que parmi les marqué. changements à opérer, il allait prendre en considération la quesLe métier que vous auriez aimé tion des Batwa, en l’occurrence, faire ? Et pourquoi ? la question foncière, l’éducation, Dans mon cursus scolaire, je l’intégration de cette communauté rêvais d’être historien pour condans les instances de prise de déci- naître et comprendre ce qui se sion. Il avait pris un engagement passe au niveau national et interque tous les Burundais doivent être national. Mais cela n’a pas été traités au même pied d’égalité. accompli. Je me suis tourné du côté du La plus belle date de l’histoire droit dans le but de défendre ma burundaise ? personne et les droits de l’autre C’est l’accession du Burundi à surtout en tant qu’une personne

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Votre lieu préféré au Burundi ? Ma province natale, Kirundo tout en soulignant que je visite d’autres lieux. Mais Kirundo a des particularités. Il y a beaucoup de sites touristiques et cinq lacs dans cette province. J’aime visiter ces lacs. Une occasion de partager avec ceux qui sont de notre enfance. Le pays où vous aimeriez vivre ? Le Burundi. Certains disent la Suisse mais j’ai remarqué le contraire. J’ai eu l’occasion de visiter ce pays et d’y séjourner à plusieurs reprises. J’y ai fait un stage de six mois au HautCommissariat des droits de l’Homme. Je m’y rends pour les réunions. J’y ai été plus de vingt fois, mais j’ai remarqué que le Burundi reste le plus beau pays. On partage la vie sociale. J’ai été dans plus de 50 pays, mais je me sens à l’aise quand l’avion atterrit à Bujumbura. Le voyage que vous aimeriez faire ? L’Australie.


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Votre rêve de bonheur ? C’est vivre dans une société où les droits des Batwa sont respectés. Je suis confiant qu’un jour on pourra vivre dans un pays où les Batwa vont participer dans toute la vie nationale. Dans un pays où une Constitution ne consacre pas les quotas ethniques. Je rêve de vivre dans une société où tout citoyen se sent chez soi.

ler français. Si maintenant les médias viennent nous tendre le micro, c’est que nous avons des ouvertures. Avant, il n’y avait pas de Batwa ayant terminé l’Université. Maintenant, nous avons des cadres dans différents ministères, des députés et sénateurs. Des potentialités, il y en a. Si ce n’est pas moi ou d’autres Batwa, mes enfants pourront briguer la magistrature suprême.

Votre plat préféré ? Des repas sans huile. La banane mélangée au haricot ou le manioc mélangé au haricot et un peu de légumes. Votre chanson préférée ? Les slows français. J’aime la chanson « Détermination ». Quand j’étais encore dans les résidences universitaires, je devais l’écouter avant d’aller dans les auditoires. Et de retour mêmement. Quelle radio écoutez-vous ? Maintenant, c’est la RFI. Mais avant, c’était la RPA. Avez-vous une devise ? L’honnêteté. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? Je me souviens qu’à l’époque ma mère était membre de l’Uprona. Après la proclamation de la victoire du Frodebu, des gens sont venus déposer des masses d’herbe chez nous dans la cour. Je ne sais pas si elle avait commis une erreur en participant dans un parti politique. Votre définition de l’indépendance ? C’est l’autodétermination des peuples, l’autogestion. Les colons sont venus nous inculquer des valeurs et ont annihilé les nôtres. On devait marcher et consommer à la Belge. On devait oublier ce que j’appelle les cultures indigènes qui étaient considérées comme des religions des animistes. Donc, il fallait couper le Burundais ou le Noir de ses racines traditionnelles. Bref, l’indépendance c’est le recouvrement de la dignité, la capacité des Burundais à gérer leur propre pays. Votre définition de la démocratie ? Un gouvernement du peuple par le peuple. J’insiste sur la bonne gouvernance. Je considère la démocratie comme un chèque en blanc signé par le peuple pour le donner aux dirigeants pour que ces derniers le conduisent vers une bonne destinée. La démocratie implique la gestion saine des biens de l’Etat, le partage équitable du pouvoir et des biens entre tous les citoyens. Votre définition de la justice ? C’est la reconnaissance de l’égalité de tous les citoyens devant la loi. C’est le vivre

ensemble, le respect mutuel entre grands et petits. Les deux ont le devoir de bien gérer la chose publique, c’est-à-dire promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance et surtout préparer le terrain pour les générations futures.

mon devoir de veiller à un certain équilibre dans la société. Je m’attèlerais à désengorger les prisons pour plus de respect des droits humains. Je me pencherais à résoudre les litiges fonciers et les irrégularités liées à l’expropriation. Je ferais des équilibres dans le corps judiciaire sans oublier de punir ceux qui sont coupables de corruption.

Si vous étiez ministre des droits de l’Homme, quelles seraient vos deux premières mesures ? Et si vous étiez président de la La première serait de donner la République, quelles seraient vos valeur aux vulnérables et faire un deux premières mesures ? plan qui va dans le sens du dévelD’abord, le président de la oppement qui ne laisse personne République est le père de la derrière. Ces nation. M’appuyant personnes vulle principe de la « Rendre justice sur nérables sont, pérennité du pouaux victimes des voir, c’est d’analyser entre autres, celles vivant avec injustices du passé des injustices du handicap, les Rendre justout en évitant la passé. peuples autochtice aux victimes globalisation . » des injustices du tones. Je mettrai surtout en avant passé tout en évil’avenir des enfants démunis, tels tant la globalisation et la tenles enfants en situation de rue, les dance de dire que tel a fait ceci orphelins. En tant que ministre, il parce qu’il appartient à telle serait de mon devoir de donner ou telle ethnie. Je créerais une un sens à la vie de ces enfants. société égalitaire. Je consoliderais La seconde serait d’interpeller la coopération internationale. On mes collègues, chacun en ce qui ne peut pas nager seul dans un le concerne, pour faire en sorte océan. Il faut la complémentarité. que le Burundi recouvre son Il faut importer les valeurs des image dans le concert des nation- autres et exporter les nôtres afin aux. de construire une société qui va dans le sens de la mondialisation. Si vous étiez ministre de la Je ferais une réforme foncière Justice, quelles seraient vos pour que les grandes étendues deux premières mesures ? non exploitées appartenant à une J’ai goûté à la prison. J’ai été poignée de gens soient cédées à témoin du calvaire qu’endurent ceux qui n’en ont pas. les détenus. Des prisonniers qui croupissent en prison des années Peut-on s’attendre à une durant sans être jugés. Quelqu’un candidature de la commuvole un régime de banane et nauté Batwa briguant le faupasse dix ans en prison. Celui qui teuil présidentiel ? vole un milliard y passe le temps Le monde évolue. Tout que dure la rosée. En tant que change. On ne pensait pas ministre de la Justice, il serait de qu’un mutwa pouvait par-

Le premier mutwa à accéder à l’université. Quel sentiment ? Et quelle a été la réaction des autres étudiants ? Commençons par l’école primaire. C’est là où j’ai commencé à comprendre que je suis différent des autres. Quand mon père nous a amenés (moi et mon grand frère) à l’école, nous pensions que nous allions vivre en harmonie avec les autres enfants. Mon père nous accompagnait chaque matin. A son départ, d’autres écoliers commençaient à nous battre parce que nous parlions un kirundi différent des autres. C’était un calvaire. En classe, on nous a interdit de nous asseoir avec les autres enfants. Nous l’avons dit à notre père et il est venu nous construire un petit banc en bambou. Noun n’avions pas accès à l’eau du robinet. Il y avait des gens qui veillaient à ce qu’aucun mutwa ne boive cette eau. Nous recourions à l’eau du ruisseau. Mais malgré cela, on a pu tenir et réussir au concours national, moi et mon cousin Masabo, les deux seuls Batwa. Il était premier de la classe et moi le huitième. Ce qui a étonné et choqué tout le monde. Au lycée de Mukenke, le même

dénigrement a continué. Nous ne pouvions pas nous servir à table avant les autres. Mais heureusement, il y a un encadreur qui a mis fin à cette pratique. A l’Université, les étudiants ont commencé à dire que je suis un menteur. Ils disaient qu’un Mutwa ne peut pas réussir au concours national. Ils avançaient que je suis un hutu ou un tutsi qui se fait passer pour un mutwa. A cette époque, il y avait un mouvement associatif qui commençait à militer pour la promotion des droits des Batwa. Mais je dois dire que je n’ai pas été dénigré à l’Université. En première candidature, j’ai connu un problème de logement parce que les nouveaux étudiants n’avaient pas droit aux chambres. Croyez-vous à la bonté humaine ? J’y crois fortement. Nous sommes créés à l’image de Dieu. C’est une interpellation. Nous avons le devoir de donner un sens à la vie. Le partage doit être mis au premier rang. Pensez-vous à la mort ? Absolument. Mais pas à la résurrection. Je sais bien qu’un jour je vais mourir, mais je vais rester vivant selon les actions que j’ai posées sur terre. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Je ne peux pas comparaître devant Dieu parce que selon les Saintes Ecritures, je ne peux pas gagner le procès. Propos recueilli par Félix Haburiyakira

Bio express

D

e l’ethnie Twa, Vital Bambanze est né le 21 juillet 1972 à Shore, commune Gitobe, province Kirundo dans une famille de six enfants dont quatre garçons et deux filles. Il fait ses études primaires dans sa commune, à l’école primaire Kagazo et réussit au Concours national en 1989. Au secondaire, il fréquente les lycées de Mukenke et Don Bosco et entre à l’Université du Burundi en 1998. Il est diplômé de l’Université du Burundi en langue et littérature africaines. Il est membre fondateur de plusieurs associations militant pour la promotion des droits de l’Homme parmi lesquelles « Unissons-nous pour la promotion des Batwa » (UNIPROBA), une association créée en 1999 et dont il a été coordinateur à plusieurs reprises.

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Son accession à l’Université du Burundi lui ouvre les horizons. Il fait un stage de six mois à Genève aux Nations unies sur les droits de l’Homme où il obtient un certificat d’expert dans la défense des droits des peuples autochtones. En 2011, il a été élu membre du mécanisme des experts des NU sur les droits des peuples autochtones. Un des mandats des NU et a été président de ce mandat qui est du ressort du Conseil des droits de l’homme. Il est, actuellement, membre de l’instance des NU sur les questions des autochtones pour un mandat de trois ans. M. Bambanze a travaillé à la Commission nationale des terres et autres biens. Il a été sénateur représentant les Batwa de 2010 à 2015.


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Rapatriement 2020 : plus de 2500 rapatriés jusqu’ici Plus de 2500 Burundais ont été rapatriés, depuis janvier 2020. Mais l’objectif de 2.000 rapatriés par semaine est loin d’être atteint. En cause, les pluies qui détruisent les routes, assure le gouvernement.

Reste des réfugiés burundais dans les pays voisins jusqu’au 29 février

L

e Burundi accueille autour de 500 rapatriés, depuis la Tanzanie, chaque semaine, depuis le mois de février 2020, selon le Directeur général du rapatriement au ministère de l’Intérieur, Nestor Bimenyimana. Il a annoncé que 2.577 réfugiés en Tanzanie, soit plus de 1.400 ménages, sont rentrés, depuis le début de cette année jusqu’au 17 mars. La 2e réunion de la commission tripartite sur le rapatriement volontaire des réfugiés burundais en Tanzanie de novembre 2019, composée des gouvernements burundais et tanzaniens et du HCR, avait pourtant décidé de rapatrier 2.000 personnes par semaine. Le DG du rapatriement indique que les préparatifs sont toujours en cours, surtout du côté Tanzanie. « Le Burundi est prêt». Pour lui, les pluies qui abîment

Pays d’asile

Effectif

Tanzanie

168.109

Rwanda

73.779

RDC

47.172

Ouganda

48.119

Kenya

13.800

Mozambique

7.800

Malawi

8.300

Afrique du sud

9.200

Zambie

6.000

Total

382.279

Plus de 2.500 Burundais ont été rapatriés, depuis le début de cette année.

les routes sont le grand obstacle au respect de ce chiffre. Il donne l’exemple de la route qui mène vers le centre de transit Nyabitara, dans la commune Gisuru, province Ruyigi, qui est devenu impraticable. Les rapatriés sont donc accueillis dans les centres de transit de Gitara, province Makamba et Kinazi, province Muyinga. « Nous accueillons donc le minimum possible».

Des « retours nombreux » à la veille des élections M. Bimenyimana affirme que les réfugiés rentrent nombreux

à la veille des élections : « Nous accueillions une centaine de rapatriés avant le climat électoral. Aujourd’hui, c’est 500 ! » Il confie, toutefois, que les réticences ne manquent pas. Mais beaucoup ne sont pas liés aux élections, d’après lui. Certains veulent attendre la fin du calendrier scolaire ou la récolte de ce qu’ils ont cultivé. D’autres spéculent sur la réinstallation (départ pour un autre pays). Le HCR donne le chiffre de 2.547 rapatriés, depuis cette année, jusqu’au 20 mars. Au total, plus de 82 mille Burundais ont été rapatriés jusqu’ici

depuis la campagne de 2017. Quelques conclusions du dernier accord tripartite de novembre 2019 : le rapatriement volontaire jusqu’à 2.000 rapatriés par semaine. La poursuite de la réintégration réussie de tous les rapatriés d’une manière durable. Les parties se consultent sur les modalités innovantes et efficientes pour la fourniture d’une assistance à tous les rapatriés, dans les limites autorisées par le gouvernement du Burundi sur la base d’une nouvelle méthodologie de transferts monétaires. Les parties ont pris note qu’il y a des

rapatriés spontanés ayant besoin d’assistance pour se réintégrer et qu’un soutien sera fourni au niveau communautaire. Au moment où certains Burundais rentrent, d’autres continuent à fuir le pays. Plus de 1400 réfugiés burundais se sont retrouvés, il y a quelque jours, au centre de transit de Sange, à Uvira en RDC, à une quinzaine de kilomètres de la rivière Rusizi frontalière avec les provinces Cibitoke et Bubanza. L’intolérance politique, la pauvreté, les règlements de comptes sont entre autres les raisons avancés. Clarisse Shaka

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AU CŒUR DU PAYS CULTURE

Région Centre

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Gitega

Le prix de la farine de manioc grimpe Dans la ville de Gitega et ses environs, un kilo est vendu entre 700 et 1 000 Fbu. Les vendeurs de farine affirment que cette situation est créée par des spéculateurs venus de Bujumbura qui paient très cher et raflent tout sur le marché De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

A

u marché de Gitega, plus précisément à l’ endroit appelé communément Mukabasazi où on vend de la farine de manioc, les moulins sont à l’arrêt, les maniocs secs à moudre sont rares aujourd’hui. Du matin au soir, les vendeurs de la farine n’ont rien à faire. Dès le matin, ils attendent l’arrivée improbable d´un camion ou d’un vélo chargé de sacs de maniocs mais en vain. Ce mardi 24 mars, comme par hasard, deux vélos et une camionnette ont amené quelques sacs de maniocs secs sur les lieux. Au bonheur des fournisseurs, c’était une vraie vente aux enchères entre une dizaine de commerçants. « C’est à moi le grand sac, j’ai vu la voiture le premier », crie

Région Ouest

une femme tout en courant derrière le vélo. Autour de la camionnette, c’est la cohue totale, cinq, dix hommes, vingt femmes s’agglutinent autour du chauffeur qui feint de repartir pour rehausser le prix que proposent ces commerçants. « Je prends tous les sacs à 730 Fbu/kg , tu sais que tu es mon client depuis de longues dates », déclare Capitoline au chauffeur. Un cri venant de derrière retenti : je paie 750fbu le kilo, décharge tous les sacs devant mon magasin », insiste Caritas en s’agrippant sur la portière. « Je te donne 750 Fbu le kilo. » Pour ce mardi, c’était la dernière livraison.

Bujumbura veut tout rafler Actuellement, au marché, dans les boutiques des quartiers, un kilo de farine de mauvaise qualité est à 800 Fbu et celle qui

Une commerçante en train de casser les maniocs en vue de les moudre facilement

est passablement bonne entre 900 et 1 000 Fbu alors qu’il y a un mois elle était entre 600 et 700Fbu.On ne demande pas la couleur de la farine de manioc,

ni les grammes de farine que le commerçant aurait enlevés sur chaque kilo demandé. Chaque acheteur se contente de prendre ce qu’on lui donne pourvu

qu’avec ses 800 Fbu pour la farine noire, il puisse tromper la faim de ses enfants qui rentrent de l’école. Pour les boutiquiers, c’est l’aubaine. « Avant les clients préféraient la farine blanche mais maintenant qu’elle coûte cher, la couleur ou la qualité importent peu », constate Bernard, un épicier du quartier Gahera. D’après les fournisseurs de maniocs secs des commune Itaba, Makebuko et Bukirasazi, des commerçants provenant de Bujumbura y sont pour quelque chose. « Les clients de Bujumbura nous donnent une avance considérable et c’est cette somme d’argent que nous utilisons pour faire des stocks. Dans les contrats, nous leurs fournissons tous les maniocs secs que nous avons achetés», précise Sylvestre de Kagoma à Itaba. D’après lui, rien ne pourra les empêcher de vendre aux plus offrants. L’’administration assiste impuissamment à cette flambée de prix. Selon une autorité qui a requis l’anonymat, la province ne peut rien sur cette situation car fixer les prix sur les cultures vivrières n’est pas dans ses compétences.

Cibitoke

Les mesures contre le Covid-19 entravent le commerce transfrontalier Toutes les activités commerciales sont paralysées à la frontière Ruhwa commune Rugombo depuis deux semaines. C’est après la fermeture de ses frontières avec les pays voisins à savoir la R.D.Congo et le Rwanda où s’observe déjà la pandémie. L’administration met en garde aux contrevenants. De notre correspondant Jackson Bahati

L

a frontière de la Ruhwa est fermée. Ces commerçants ne savent actuellement à quel saint se vouer. Les commerçants s’inquiètent de l’avenir de leur famille une fois que la situation ne change pas. Une femme propriétaire d’un restaurant précise qu’après la prise de cette mesure, les clients ne viennent pas manger. En conséquence, son stock de nourriture est déjà pourri. Elle estime qu’elle aura des difficultés à avoir le minerval et les frais des soins de santé pour les enfants. D’autres commerçants rencontrés sur place indiquent qu’ils comptent quitter cet endroit pour aller travailler au chef-lieu de la commune Rugombo et Cibitoke, d’autres à Bujumbura.

Vu que cette mesure semble difficile à supporter, les commerçants de la frontière de Ruhwa demandent à l’administration et aux services de santé de faire face à ce problème comme ils l’ont fait pour le cas de la maladie d’Ebola en implantant des dispositifs de soins à la frontière.

Des mesures préventives C’est ce que soutient Joseph Iteriteka, gouverneur de la province Cibitoke. Il rappelle à la population que le Coronavirus annoncé au Rwanda et en République Démocratique du Congo a déjà affecté plusieurs personnes. Il souligne que cette mesure a été prise dans le but d’éviter la propagation de ce virus au Burundi. En partenariat avec le directeur du bureau provincial de la santé à Cibitoke, les sensibilisations sont en train d’être menées sur

Les activités commerciales sont paralysées

toutes les collines des communes de la province Cibitoke afin que la population soit au courant de cette maladie et de prendre des mesures d’hygiène.

Notez que la même situation s’observe à la frontière de la Rusizi à la transversale 6 de la colline Kaburantwa commune Buganda et celle de Rubenga en

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commune Rugombo pour aller au R D Congo. Depuis dimanche 22 mars, le commerce transfrontalier est suspendu.


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