IWACU 571

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IWACU N°571 – Vendredi 21 février 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Guide suprême du patriotisme

Une onde de choc à Kigobe

SÉCURITÉ

AU COIN DU FEU

Echanges à Kirombwe

SOCIÉTÉ

Avec P.7

Agathonique Barakukuza

P.9

Des restes humains de 6 mille victimes de 1972 déjà découverts

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LA DEUX

Vendredi, 21 février 2020 - n°571

Editorial

En hausse

Sur le vif

En coulisse

Coronavirus, le ministère de la Santé recense les Burundais résidant en Chine

Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

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es pourparlers entre le Rwanda et l’Ouganda devraient avoir lieu ce vendredi 21 février à un poste de leur frontière commune. Ils font suite à d’autres initiés dès le début de ce mois. C’est le cas de la rencontre de Kigali le 14 février où un accord, pour améliorer leurs relations, a été obtenu sous l’égide du ministre angolais des Affaires étrangères et du vice-Premier ministre de la R.D. Congo. Le 2 février, les présidents rwandais Paul Kagame et ougandais Yoweri Museveni se sont rencontrés à Luanda en présence de leurs homologues angolais João Lourenço et congolais Félix Tshisekedi, pour « avancer vers la paix, la stabilité, le bon voisinage et le rétablissement de la confiance mutuelle. » Apparemment les lignes bougent, un acquis de la détente, de la coexistence pacifique, semble se profiler à l’horizon pour les deux pays. Ce réchauffement dans les relations du Rwanda et de l’Ouganda qui se regardaient en chiens de faïence depuis des mois- s’accusant mutuellement d’espionnage et d’ingérence politique-soulève un débat au niveau de l’opinion burundaise. Pourquoi de telles initiatives de médiation ne sont pas prises dans le conflit entre le Burundi et le Rwanda ? Depuis 2012, les relations entre les deux « cousins germains » ne sont pas au beau fixe, c’est un secret de polichinelle. Elles se sont même fortement détériorées. Cette brouille diplomatique se fait malheureusement au grand dam des populations, sous plusieurs aspects interdépendants. Le principe du « linkage », cher à Henry Kissinger. Les avatars des relations entre les deux pays n’ont que trop duré. Pourtant, ils sont tous membres des organisations régionales et continentales. Entre autres la CEPGL, le CIRGL, l’EAC, l’Union africaine. Pourquoi ce conflit ne semble-t-il pas les préoccuper et brillent par l’inaction, la passivité ? A l’instar de Lourenço et Tshisekedi, pourquoi aucun chef d’Etat ne prend-il l’initiative d’organiser des pourparlers entre ses homologues burundais et rwandais ? De toutes les façons, la stabilité et la prospérité des deux pays représentent un atout pour la région et tout le continent. A l’inverse, les effets collatéraux des crises ne manquent pas de les affecter, les impacter. Toutefois, il faut la volonté au plus haut sommet des autorités du Rwanda et du Burundi. L’histoire nous apprend que, pour répondre aux aspirations des populations, Mutara I du Rwanda et Mutaga II du Burundi se sont rencontrés dans la localité d’«uTwicara-bami twa Nyaruteja » au sud du Rwanda pour résoudre les différends qui les opposaient. Pourquoi ne pas marcher dans leurs pas ?

Sylvère Bankimbaga,

Mardi 18 février 2020, le ministère de la Santé demande aux personnes qui ont les leurs en Chine de ne pas les rapatrier. Le gouvernement chinois va les assister. En outre, elles doivent déclarer leurs identités, les écoles fréquentées et les villes de résidence au ministère. Cette mesure concerne également ceux qui sont récemment rentrés.

La REGIDESO perd 45% de la production en eau à Bujumbura

©Droits réservés

Marcher dans les pas de Mutara I et Mutaga II

Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga

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dministrateur-adjoint à la Bancobu, pour avoir été élu président du Club des dirigeants de banques et établissements de crédit d’Afrique, lors des journées annuelles de ce Club tenues les 13 et 14 février à Bamako.

Jeudi 20 février 2020, une coalition des partis politiques dénommée KIRA BURUNDI a déposé son dossier au ministère de l’Intérieur pour demander agrément. Ladite coalition regroupe quatre formations politiques à savoir RANAC, CDP, FDS-SANGIRA et PAJUDE.

Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza Edouard Nkurunziza

La vétusté des conduites et stations de pompage et des installations endommagées par des effondrements de terrain, suite aux pluies diluviennes sont parmi les facteurs qui entraînent la perte de 45% d’eau potable produite à Bujumbura par la REGIDESO. Annonce faite par la Regideso, mardi 18 février 2020.

KIRA BURUNDI, une coalition pour les élections 2020

Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima

En baisse

Des inconnus,

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our avoir lancé une grenade à bout portant sur une veuve en commune Mugina de la province Cibitoke dans la nuit du 18 février.

Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société: Clarisse Shaka Jérémie Misago Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza

ANNONCE

Equipe technique: Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

AVIS DE RECRUTEMENT UNDP – Trois postes, BURUNDI (Trois postes)

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Le Programme des Nations Unies pour le Développement au Burundi (PNUD) recrute pour le compte de son Projet Services Energétiques Ruraux pour la Résilience de la Population au Burundi - SERR – PNUD Burundi.

Titre

Un(e) Expert(e) National(e) Infrastructure

Grade

SB-5

Durée

Une année avec possibilité de renouvellement

Un chiffre

Type de contrat

Date limite de réception des candidatures

Contrat de Service

Le 26 février 2020

Toutes les informations y afférentes se trouvent sur le site global du PNUD : http://jobs.undp.org/. La soumission des candidatures se fait uniquement en ligne via le site http://jobs.undp.org/ Les candidatures féminines qualifiées sont fortement encouragées.

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est le nombre des bureaux de vote prévus pour les élections 2020

Source : Commission Electorale Nationale Indépendante

Une pensée

« En pays d'exil, même le printemps manque de charme. » Proverbe russe


L'ÉVÉNEMENT

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Polémique sur le statut de ‘Guide suprême du patriotisme’ Ce mercredi 19 février, à Bujumbura, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi mettant en place le statut de ‘Guide suprême’ en dépit des critiques de l’opposition.

cins, etc », a répondu Aimée Laurentine Kanyana.

"Risque de confusion"

L

"Un président salué par son peuple" S’exprimant à son tour, la ministre Aimée Laurentine Kanyana a pris le contre-pied des affirmations du député Banciryanino. « Une sécurité totale depuis 2005, la construction de routes, la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, une souveraineté économique… En somme, avons-nous un président au bilan très positif et salué par son peuple », a estimé la ministre de la

Fabien Banciryanino : « Les députés qui ont initié ce projet de loi sont des cireurs de pompe.»

Justice sans omettre de qualifier les propos de M. Banciryanino d’«indignes pour un député de la nation ». De son côté, la députée Godeberthe Hatungimana s’est interrogée sur les implications de ce projet de loi. « Si le chef d’Etat actuel hérite de ce titre de ‘Guide suprême’, qu’en sera-t-il de son successeur si celui-ci est aussi jugé apte à être médaillé de la sorte ? Portera-t-il le titre de ‘Guide suprême suprême’ ? » La députée a tenu également à questionner la pertinence d’une loi « portant statut pour une seule personne » alors que l’Assemblée nationale a vocation à proposer « des projets de loi communs ». « Il n’y a aucune invraisemblance à examiner une loi portant sur un seul individu ou des groupes d’individus au sein de la société.

L’Assemblée nationale examine parfois des projets de loi portant

statut des médecins alors que tous les Burundais ne sont point méde-

Aimée Laurentine Kanyana : « Il n’y a aucune invraisemblance à examiner une loi portant sur un seul individu ou des groupes d’individus au sein de la société. »

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a tension était vive à l’hémicycle de Kigobe. En cause, l’examen des amendements du nouveau projet de loi instaurant le statut de ‘Guide suprême du patriotisme’ en faveur du président Pierre Nkurunziza. Le député Fabien Banciryanino s’est inscrit en faux contre ce projet de loi en faveur d’un chef d’Etat « qui n’a rien fait de positif pour le pays ». « En quinze ans de règne, on a assisté à des choses abominables, à tel point qu’un tel projet de loi s’avère fort inapproprié en faveur du président actuel ! Que d’assassinats, que des corps jetés dans les rivières tandis que d’autres ont été enterrés après mutilation ! Est-ce un tel bilan qui justifierait le statut de ‘Guide suprême’ ? Est-ce là un modèle pour ses successeurs ? », s’est interrogé le député Banciryanino. Et de poursuivre. « Vous appelez ‘Guide suprême du patriotisme’ un président dont le régime est responsable de l’exil de milliers de Burundais qu’il a, à un certain moment, qualifié de ‘’Mujeri’’ (chiens faméliques errants) dans ses discours ? Estce un langage à la hauteur d’un « Guide suprême » ? Un président qui a suspendu les activités d’organisations de défense des droits de l’Homme, qui a fermé des lieux de culte, provoqué des dissensions dans plusieurs partis d’opposition ? » Et ce n’est pas tout comme critiques, d’après le député Banciryanino, qui a estimé que « l’actuel président pourrait plutôt faire l’objet de poursuites judiciaires », a-t-il enchaîné avant de qualifier les députés qui ont initié ce projet de loi de « cireurs de pompe ».

Anglebert Ngendabanka : « Depuis son accession au pouvoir, les Burundais cohabitent harmonieusement dans leur diversité ethnique et politique.»

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Quant à Terence Manirambona, député et porte-parole du CNL, il a rappelé que le président actuel avait déjà été décoré du titre de ‘Guide suprême du patriotisme’ au sein de sa formation politique et que partant de là, avec ce projet de loi, il y a risque de confusion entre ce qui appartient au parti CNDD-FDD et ce qui relève du pays. Absolument pas, a réagi instantanément Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée nationale, qui a argué qu’il y a une nette séparation entre ce qui appartient au parti au pouvoir et ce qui est du ressort de l’Etat. A l’Assemblée nationale, les députés agissent au nom de la nation et que par ailleurs, ils n’appartiennent pas tous à la même mouvance politique. « Le président actuel est à l’origine de la paix et la réconciliation qui règnent actuellement. Depuis son accession au pouvoir, les Burundais cohabitent harmonieusement dans leur diversité ethnique et politique », a avancé de sa part le député Anglebert Ngendabanka qui s’est félicité d’un président « qui a grâcié de nombreux détenus ». M. Ngendabanka a également vanté un président ‘qui a sauvé le pays in extremis’ à l’issue de la crise de 2015. « Si le putsch de 2015 avait réussi, où en serait aujourd’hui notre pays ? ». Pour le député Ibrahim Uwizeye, instaurer le titre de ‘Guide suprême’, c’est « récompenser un président qui a bien servi son pays ». Et de compléter que ce titre servira d’exemple aux successeurs du président actuel. De l’avis du député Zénon Ndaruvukanye, le président Pierre Nkurunziza est resté debout malgré toutes les tentatives de déstabilisation engagées contre lui. « A l’extérieur du pays, se sont formés des groupes soutenus par ‘les ennemis du pays’ mais qui furent combattus et vaincus vaillamment sous l’égide du président Nkurunziza », a déclaré Ndaruvukanye. A la suite des débats, sur 108 députés présents, 91 ont voté pour le projet, 14 se sont abstenus et 3 ont voté contre. Notons que ce projet de loi a prévu l’établissement d’une journée nationale du patriotisme qui aura lieu chaque année au mois de juillet et qui sera présidée par ‘le Guide suprême du Burundi’. Alphonse Yikeze


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POLITIQUE

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Du passé composé au futur simple

Vae victis

Malgré leurs matériels rudimentaires, les Burundais ont pu résister plusieurs années aux Allemands. Harcelé, traqué, le roi Mwezi Gisabo finira par capituler. Il ‘’signe’’ le traité de Kiganda. « Une imposition, une humiliation », commentent des historiens. Débat.

L

a résistance contre les Allemands prendra sept ans, de 1896 à 1903. Invités à débattre sur ce thème : « Traité de Kiganda : du choc de deux pouvoirs/dominations à la capitulation », des jeunes expliquent cette situation. « Les Burundais étaient des guerriers, des braves », soutient Ernest Mugwaneza, un jeune licencié en Histoire. Il parle d’une résistance farouche. Des affrontements vont avoir lieu. Il évoque celui de Ndago, le 5 juin 1899, où environs 15 mille Badasigana (nom des combattants du roi Mwezi Gisabo) auraient péri. Puis vient la ‘’guerre de onze jours’’. Selon lui, cette dernière s’est passée du 30 avril au 10 mai 1900. Les lieux des combats se situaient principalement dans les zones entourant la capitale royale de Muramvya telles Banga, Teza et Bukeye. Malgré des pertes humaines importantes, les Badasigana réussissent à préserver la vie du roi. « Il restera protégé pour ne pas tomber dans les mains des envahisseurs. En effet, le principal objectif des Allemands était de le capturer». Lambert Hakuziyaremye, étudiant en socio-anthropologie, décrit les Burundais comme des grands forgerons, des artisans : « Ils avaient une technicité poussée de fabrication des arcs, des flèches, etc. Ce qui leur permettait d’être de grands chasseurs.» C’est même grâce à ce matériel traditionnel que les Burundais avaient réussi à résister contre les précurseurs des colonisateurs. Le cas des esclavagistes à l’instar de Mohamed Ibn Khalfan alias Rumaliza (1886) et des mission-

Vue partielle des jeunes invités au débat.

naires. « L’unité entre les Burundais a facilité aussi la résistance», ajoute M.Hakuziyaremye. Ce que soutient Emelyne Hakizimana, chercheure, qui souligne que l’ennemi ne va pas avoir facilement des informations sur les secrets du pouvoir. De son côté, Gordien Diomède Nahishakiye rappelle que le roi Mwezi Gisabo avait hérité d’un royaume fort, bien organisé militairement. « Avec ses guerres de conquêtes, Ntare Rugamba a agrandi le pays. Ce qui signifie que les Burundais avaient pu vaincre d’autres royaumes avant leur annexion».

La désunion, prélude à l’échec Malgré la détermination, la bravoure, les Badasigana seront vécu. « Un échec qui résulte de la supériorité allemande en armes », commente Alida Graciella Iteriteka, chercheure. Face aux fusils automatiques, les Badasigana n’étaient munis que de flèches, lances, arcs, etc. « A un certain moment, après sept ans de résistance, ils seront fatigués». Apollinaire Ndayisenga, jeune licencié, lie cet échec aux divisions internes : « Les Allemands se sont appuyés sur les mécon-

tents, ceux qui étaient contre le roi.» C’est le cas de Kilima qui se réclamait fils du roi Ntare Rugamba et Maconco, le gendre du roi Mwezi Gisabo. Les conflits successoraux entre Mwezi Gisabo et Twarereye (Twarereyingoma) et plus tard entre les descendants du Prince Ndivyariye (fils aîné de Ntare Rugamba) ont affecté l’autorité du roi. Des conflits qui vont aboutir à la naissance du conflit BeziBatare. Ainsi des foyers de dissidence apparaissent dans un pays censé être contrôlé par un seul roi. Pour Richard Nkurunziza, les Alle-

mands vont exploiter cette frustration en leur faveur. Par ailleurs, en raison des tricheries qui vont déboucher à l’intronisation de Mwezi Gisabo, le mystère selon lequel le roi naît avec les semences’’ va être démystifié. A cause de ces divisions internes, les envahisseurs vont finalement accéder aux secrets royaux, parvenir à contrôler les déplacements du roi et le localiser. « A leur tour, les anti-royalistes vont affermir leur pouvoir, leur autorité », analyse M.Ndayisenga. Rénovat Ndabashinze

Le Traité de Kiganda, une imposition

L’historien Denis Banshimiyubusa.

SL’historien Denis Banshimiyubusa indique que de 1902-1903, les Allemands vont mener une expédition punitive contre le roi. Des attaques se multiplient sur tous les axes, les capitales royales. Finalement, le roi sera obligé de sortir de sa cachette pour signer le Traité de Kiganda, le 6 juin 1903. Mais pour cet historien, il ne s’agit pas d’un traité au vrai sens du terme, car il supposerait un dialogue préalable, des négociations entre deux parties. Le roi a été obligé, contraint. « C’est la raison du plus fort. Le roi a trop cédé». Selon M.Banshimiyubusa, le roi a été rabaissé. « Imaginez-vous un roi qui accepte de payer une amende de 424 vaches? C’est dégradant aux yeux de ses sujets qui le prenaient comme un immortel». Les routes que le roi accepte de tracer ne va pas mener aux capitales royales, mais chez les missionnaires de Mugera, Muyaga, etc. Ce qui les

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rend puissants et leur confère une mainmise sur les communautés. L’exemple de ‘’Gatsindiye’’, le tambour battu à Mugera par les missionnaires et qui retentit sur presque toute la région environnante de la Mission. Juste une façon de montrer que les tambours royaux ne sont pas les seuls puissants, respectables. Ce traité va renforcer les antiroyalistes qui vont recevoir des domaines à gérer. Cette fois-ci, le roi n’a plus le monopole de décision. Par exemple, pour désigner des gens aux postes à responsabilités, il soumet une liste de proposition aux Allemands pour rejet ou accord. Néanmoins, cet historien trouve que le roi Mwezi Gisabo a été sage en signant ce traité : « Il a jugé bon de reconnaître la défaite au lieu de continuer à voir son peuple se faire massacrer.»

R.N.


POLITIQUE

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Et le "roi" du CNL arriva…

V

int le temps de l’homme qui convoqua les symboles de protection du pays et du pouvoir pour se lancer dans la course à la présidentielle. Une lance et un bouclier ainsi qu’un tambour sont offerts à Agathon Rwasa, lors du congrès extraordinaire du CNL, tenu à Bujumbura, dimanche 16 février. Une tribune pour écorner l’image du parti de l’Aigle sans le nommer. Le challenger du "choix de l’Eternel" fustige les dirigeants « qui confondent la démocratie avec la victoire électorale » et appelle « ceux qui prétendent être vainqueurs à priori de respecter le verdict des urnes car la voix d’un officier de l’armée ou de la police équivaut à celle d’un ministre, d’un chômeur, d’un gardien de vache ou d’un cultivateur ». Samedi 8 février 2020, sur la colline Burarana en commune Bururi, le gouverneur de Bururi a remis au candidat fraîchement élu pour porter les couleurs du Cndd-Fdd à la présidentielle, au nom de la population de la province, un don de 6 vaches et vivres divers. La province Bururi se serait-elle transformée en "Nevaland", tombée dans l’escarcelle du candidat du changement dans la continuité?

Les autorités locales en prennent aussi pour leurs grades. Le candidat élu du CNL a exhorté les dirigeants du pays à cesser « les agissements malveillants consistant à malmener les citoyens par des décisions administratives arbi-

traires ». L’occasion de stigmatiser l’indifférence dont feraient souvent preuve « les gouvernants en fonction » au regard du vandalisme des permanences du CNL aux quatre coins du pays. Autre cible du président-candi-

dat du CNL, une justice qui aurait une propension à « condamner des victimes au lieu des criminels». Au détour d’une mise en garde, il galvanise ses troupes pour mieux mobiliser le jour J, le cas échéant : « Au moment où le pro-

cessus électoral est enclenché, il y a des gens qui pensent toujours à la fraude électorale au lieu de chercher à répondre aux préoccupations de l’heure qui tiennent à cœur les citoyens burundais. Les citoyens n’accepteront pas qu’ils parviennent à cette sale besogne.» La transparence du scrutin présidentiel, de sa tenue à la proclamation du vainqueur, et la gestion de l’après résultats provisoires enverraient des signaux positifs que les exilés politiques métaboliseraient en lueur d’espoir. Un préalable à la reprise de la pleine coopération avec les partenaires techniques et financiers traditionnels. Une dynamique à rebours de celle qui a marché si loin dans la crise politique que de faire demi-tour serait aussi pénible que de poursuivre. C’est une présidentielle à haut risque tant est si bien que la détermination de gagner du nouveau parti du leader historique des FNL le dispute à la volonté du système de ne pas perdre le pouvoir. Guibert Mbonimpa

Jérémie Ngendakumana, persona non grata? L’ambassade du Burundi en Ouganda a refusé d’octroyer des laissezpasser à Jérémie Ngendakumana et ses compagnons qui rentraient de l’exil. Nombre de politiques dénoncent une politique de deux poids deux mesures.

P

eu avant son retour, l’ancien président du CNDD-FDD, Jérémie Ngendakumana, avait déclaré à Iwacu: « Je rentre au Burundi comme un politicien qui va participer aux élections. Mon souhait est d’apporter ma contribution dans l’édification d’un Burundi paisible, démocratique et respectueux de l’Etat de droit. » Un souhait qui n’a pas été exaucé par l’Ambassade du Burundi en Ouganda. «Ce mercredi 12 février 2020, nous avons pris l’avion avec Bujumbura comme destination finale. N’ayant pas de passeports valides, nous avons effectué une escale à Kampala pour demander un laissez-passer auprès de l’ambassade du Burundi en Ouganda», indique Jérémie Ngendakumana. Ce dernier était avec d’autres hommes politiques,

à savoir Pamphile Muderega, Melchior Simbaruhije, Dismas Nduwayo, Vincent Gahungu et Dénis Hakizimana. «Jeudi 13 février, nous avons remis les photos passeports après avoir complété les formulaires de demande. La secrétaire a rapidement préparé nos laissez-passer et les a remis à l’ambassadrice, Épiphanie Kabushemeye Ntamwana, pour signature.» Coup de théâtre. «Vendredi 14 février au matin, nous sommes retournés à l’ambassade pour récupérer les laissez-passer. Mais nous avons trouvé une instruction écrite, datée, signée par l’ambassadrice, nous interdisant l’accès au bâtiment de l’ambassade».

«C’est incompréhensible» Pour l’ancien président du parti de l’aigle, Gitega ne veut pas que les hommes politiques rentrent au pays pour participer aux élections. «C’est quand même atypique de voir un Etat qui refuse à ses citoyens de rentrer dans leur propre pays». L’ancien président de la République, Sylvestre Ntibantunganya, n’en revient pas : « C’est la preuve qu’il y a des contradictions au sein du parti au pouvoir.» Depuis ce refus, l’ancien président ne cesse pas de s’interroger : « Si le gouvernement s›est déjà inscrit dans

Jérémie Ngendakumana et ses compagnons interdits de fouler le sol burundais.

cette logique de permettre le retour des exilés politiques non poursuivis par la loi à l’instar d’Anicet Niyonkuru et ses acolytes du CDP, pourquoi en priver les autres ? » D’après lui, c’est une preuve qui montre à suffisance qu’il y a des divergences de vue sur certaines questions au sein du parti au pouvoir. A l’approche des échéances électorales, il perçoit des signaux qui ne sont pas de bon augure. «Nous pensons que ce n’est pas le gouvernement du Burundi qui

est à l’origine de ce refus», réagit Abdoul Kassim, président du parti UPD Zigamibanga, avant d’ajouter : «Nous pensions que les portes sont ouvertes pour tout Burundais qui veut rentrer.» Phenias Nigaba, porte-parole du parti Frodebu, indique qu’ils ont mal accueilli cette décision : «On dirait que les portes sont ouvertes pour les uns et fermées pour les autres. Les paroles doivent être suivies par des actes.» Pour lui, des mobiles politiques se cachent derrière ce refus. «On

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s’interroge toujours sur les raisons de ce refus. C’est incompréhensible qu’on empêche une personne qui n’est pas poursuivie par la justice de rentrer chez lui. Rentrer, c’est le droit le plus absolu pour chaque Burundais», commente Simon Bizimungu, secrétaire général du CNL. Iwacu a cherché l’ambassadeur Bernard Ntahiraja, assistant du ministre des Relations Extérieures, sans succès. Fabrice Manirakiza


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ÉCONOME

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Fermeture des bureaux de change

Les importateurs dans le désarroi Certaines banques sont en manque de devises. Elles ne servent pas aux clients la somme de devises demandée. Les commerçants sont angoissés. La BRB promet d’intervenir.

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tenant lieu. Le cas échéant, le document de prise en charge. Cette catégorie est privilégiée. Les devises sont accordées conformément aux directives de l’autorité compétente fixant les barèmes et les modalités d’octroi des ordres et des frais de mission officielle. Pour les ONG et les sociétés privées, le montant maximal ne dépasse pas 10.000 dollars américains par voyage. Billet d’avion, le passeport, ou tout autre document sont également requis aux particuliers qui veulent voyager. La somme de devises accordée est fixée à 5000 dollars. 10 000 dollars par voyage est l’enveloppe allouée à tout homme d’affaires qui veut des importations des biens et services. Ce commerçant doit également présenter à la banque des documents de voyage et le titre de commerce.

Les importateurs sont confus Malheureusement, les clients rencontrés sur place témoignent qu’ils ne reçoivent pas les montants affichés. Le plafond est fixé. Chaque client ne doit dépasser le montant de 1.000 USD. Jean, un commerçant est dans le désarroi« J’ai besoins 6 000 dollars. La banque ne m’accorde que 1000 dollars ». Ce dernier indique qu’il veut acheter des devises pour importer des marchandises en Ouganda. D’après cet importateur, la fermeture des bureaux de change

Jean Ciza : « La BRB va appuyer les banques commerciales comme elle le fait habituellement.»

ne fait qu’empirer une situation déjà mauvaise. Les devises étaient chères, mais elles étaient disponibles sur le marché. « Nous n’avons pas de choix. Nous allons fermer nos échoppes et nos enfants vont mourir de faim. », Selon lui, les faits sont têtus. Les banques commerciales n’ont pas de matelas de devises suffisantes pour suppléer les bureaux de change. Ce dernier se dit inquiet par cette situation. En conséquence, il faut s’attendre à la rupture de stock des produits importés et à la hausse des prix. Cet homme d’affaires soulève un autre problème sérieux. « Désormais, je ne peux pas acheter les devises sur le marché noir», révèle-t-il. Il craint de s’attirer la foudre de la BRB. Sur ce point, le gouverneur de la BRB a souligné que tout importateur aura à justi-

fier la provenance des devises. Cependant, sur cinq banques visitées, deux servent des devises à leurs clients. D’autres font savoir qu’elles n’ont pas de liquidité en devises. « Nous vendons les devises que nous achetons aux clients. Pour le moment, les caisses sont vides.», témoigne l’un des employés de la banque commerciale sous couvert d’anonymat.

Certaines banques en manque de devises Cette source révèle que les banques commerciales n’ont qu’une seule source de devises. Les transferts venus de l’étranger. Ce canal ne fournit qu’une somme insignifiante par rapport à l’enveloppe nécessaire. Car, la majorité de clients qui reçoivent régulièrement de transferts a ouvert leur compte en devises. Ce

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ardi, 18 février, 9h 45 à la BCB (Banque de Crédit de Bujumbura). Plus d’une dizaine de personnes s’assoient devant le guichet du bureau de change. D’un coup, un jeune homme pressé s’adresse au bureau de change. « Puis-je avoir des devises s’il vous plait ?» La guichetière lui demande de remplir le formulaire de demande de devises, d’y attacher tous les documents requis et d’attendre qu’on l’appelle. Déçu, ce client n’a pas compris pourquoi il doit constituer un dossier pour acheter de devises « Sous autres cieux, les opérations de change ne se font pas comme ça. Les taux de change sont affichés dans les banques commerciales. Tu entres, on te sert et tu rentres.». Ce dernier donne l’exemple de l’Ouganda. Là-bas, l’achat ou la vente des devises n’est pas un casse-tête. Le contrat d’achat ou de vente est vite conclu entre l’agent de la banque et le client. L’un des clients sous couvert d’anonymat fait savoir que ceux qui veulent vendre les devises n’ont pas de problèmes. Mais pour s’approvisionner en devises, c’est un véritable parcours du combattant. Il faut patienter. Léo se dit fatigué « Nous perdons du temps et le montant accordé est trop petit. » Il confie qu’il est venu chercher 1500 USD pour envoyer les frais de scolarité à son petit frère qui fait l’université au Kenya. La guichetière lui a signifié que chaque client ne doit pas dépasser le montant de 1.000 USD. Désespéré, il indique avoir déposé son dossier à la Bancobu lundi. Faute de documents, il n’a pas été servi. 10h 20, à la Bancobu, une vingtaine de clients s’attroupe devant le guichet de change. Certains ont les yeux braqués sur l’écriteau « le fonctionnement du bureau de change Bancobu » Ce document énumère les documents requis selon le motif d’achat de monnaies étrangères. Il précise également le montant maximal. Il y trouve trois catégories d’acheteur : ceux vont en mission professionnelle, les touristes et les hommes d’affaires. Pour les missions gouvernementales, les documents exigés sont entre autres, l’ordre de mission, le billet d’avion et le passeport ou tout document

qui leur permet de retirer l’argent en monnaie étrangère. Selon lui, la BRB demande aux banques commerciales d’accomplir une mission impossible : vendre des devises qu’elles n’ont pas dans les caisses. Normalement, la Banque centrale devrait fournir aux banques commerciales des devises. Chose qui n’est pas faite. Ce banquier révèle qu’une grande partie des comptes en devises sont gérés par la banque centrale. La loi des Finances publiques pour l’exercice 2016, rappelle-t-il, l’Etat retire aux banques commerciales la gestion des comptes en devises des organisations non gouvernementales. L’article 14 de cette loi stipule que tous les comptes en devises des entités et projets de l’Etat et ceux des ONG recevant de l’aide extérieure doivent être ouverts à la BRB. En outre, cet article concerne également les entreprises et coopératives minières. Ces dernières doivent ouvrir les comptes en devises au niveau de la BRB pour rapatrier les recettes minières. À cela s’ajoutent les comptes en devises des sociétés qui exportent les cultures de rente comme le thé et le café. «Alors, où les banques commerciales puiseront-elles des devises pour servir leurs clients aussi nombreux ?», s’interroge notre source.

La BRB tranquillise Le gouverneur de la BRB, Jean Ciza, promet d'intervenir. « La BRB va appuyer les banques commerciales comme elle le fait habituellement pour financer l’importation des produits stratégiques comme le carburant et médicaments, etc. ». Cela dans le but d’assurer la couverture des besoins réels ressentis par la population. Au sujet de l’insuffisance des devises dans les banques commerciales, le gouverneur explique qu’il y a une bonne partie des devises qui passaient par les bureaux de change et dans le « souterrain » sans transiter par les banques commerciales. D’après lui, l’analyse des rapports des importations révèle que les hommes d’affaires s’approvisionnant sur le marché parallèle ont un volume d’importation presque équivalent à ceux qui sont passés par le marché officiel. « Il y a des devises qui circulaient dans le noir » Pierre claver Banyankiye

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SÉCURITÉ

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Kanyosha

«Attaque rebelle » à Muyira. Un reportage inachevé Des hommes armés auraient été signalés mercredi 19 février sur la colline Kirombwe de la zone Muyira en commune Kanyosha de la province Bujumbura. Il y aurait eu même des affrontements entre eux et des éléments de la police et de l’armée dépêchés sur les lieux. Dans la foulée de l’information, des reporters d’Iwacu s’y sont rendus pour un reportage qu’ils n’ont pas pu achever. Récit. Par Edouard Nkurunziza, Abbas Mbazumutima et Fabrice Manirakiza

L

es journalistes de la rédaction ne semblent pas tous unanimes sur le départ de l’équipe des reporters sur le lieu de l’attaque dans les hauteurs surplombant la ville de Bujumbura, à quelques kilomètres du campus Kiriri. Certains journalistes ont encore fraîchement en mémoire le départ en octobre dernier de leurs quatre confrères à Musigati, puis leur arrestation et leur incarcération à Bubanza. C’était pour un reportage pareil. Pauvres journaleux, ils ne semblent pas d’accord. D’autres penchent plutôt à la réduction de l’équipe pour diminuer l’effectif des victimes en cas d’une réédition de Musigati. Les trois reporters, fiers et déterminés, se désignent, prennent leurs cartes de presse, leurs calepins, vérifient le niveau des batteries des enregistreurs et de l’appareil photo et briefent le chauffeur sur l’itinéraire. Dans quelques minutes, nous prenons le chemin escarpé et serpentant vers le campus Kiriri puis la piste caillouteuse vers Muyira. Première alerte, un pick-up bondé de militaires lourdement armés nous doublent au niveau de l’entrée du campus Kiriri.

En route pour Kirombwe… Il pleut dans le ciel de Bujumbura. Sur cette route vers Kavumu, nous roulons à petite vitesse. Il faut observer le moindre mouvement. Des personnes, des véhicules. Nous ne connaissons pas Kirombwe. Mais il nous paraît que ce n’est pas du tout loin du campus Kiriri. S’il y a échanges de tirs vers 11 heures nous disonsnous, c'est qu’il peut y avoir d’ores et déjà une situation anormale, sortant de l’ordinaire. Il n’y a pas de monde sur cette route pourtant très fréquentée. Nous nous disons que c’est peutêtre à cause de cette fine pluie. Mais, même pas de véhicules. Ce n’est pas normal.

Mais quelques hommes, un peu inquiets, rentrent chez eux dans les collines surplombant le campus Kiriri, l’ancien Collège du Saint-Esprit. «Vous rentrez ? Il paraît que la situation n’est pas bonne là-haut ? » Ils répondent Les affrontements entre des combattants et des forces nationales auraient eu lieu sur la colline par un hochement de tête. Kirombwe. Non loin, un jeune homme marche sous la pluie. «Bonjour. jusqu’aux dents nous dépassent pensives. Une autre femme, sac Chemin faisant, après avoir Où vas-tu comme ça ? ». Il va au en grande vitesse, phares allumés. dans sa main gauche, visiblement parcouru environ 500m, nous centre appelé Kwipera, non loin Nous contemplons les collines à la trentaine, s’abrite sous une rencontrons deux autres pick-up de Kirombwe. Nous lui propo- l’horizon, nous nous demandons feuille de bananier qu’elle porte plein de militaires. «Mais si on sons de le déposer chez lui. «Deux laquelle est Kirombwe parmis avec son bras droit. Avec elle, un arrivait un peu loin que Kwipera, camions militaires ces montagnes à garçonnet avec une petite saco- en tout cas ce n’est pas suffisant et une dizaine de perte de vue. Et che jalousement accroché dans le comme reportage, il faut d’autres « Dans les pick-up de l’armée puis, enfin, nous dos ainsi qu’une fillette en kaki, témoignages, des gens qui ont vu témoignages, des débarquons au sachet noir dans ses mains. Les ces hommes armés». et de la police se gens nous parlent centre Kwipera… deux enfants, certainement frère Le débat est lancé. Dans les sont dirigés vers Muyira, sur les et sœur, se regardent, silencieux, témoignages, des gens nous parDes fugitifs des rebelles qui hauteurs surplomindifférents aux gouttelettes de lent des rebelles qui se réclament se réclament bant la localité de Des dizaines de pluie qui s’écrasent durement sur publiquement du FNL. D’autres publiquement du gens, des femmes leurs têtes. Kirombwe. Nous se disent combattants du CNL. avons appris qu’il pour la plupart, Nous prenons des photos. Un Des rebelles du CNL, du FNL ? FNL. D’autres se y a eu une attaque s’amassent petit peu devant nous, un homme Nous nous disons qu’il convient rebelle. Ceux qui disent combattants à petit par-là, en au teint brun, chemise longues de foncer, arriver plus loin. Le du CNL.. » ont attaqué se groupes. « Ce sont manches carreautée, nous scrute, reportage, c’est regarder et voir, disaient tantôt ceux qui fuient les nous fixe attentivement comme écouter et entendre, sentir, etc. membres du CNL, tantôt membres combats sur les collines », indique s’il a quelque chose à nous dire. La décision est prise. Il nous faut du FNL, on n'en sait rien », confie un homme de la localité. «Il nous faut faire vite et vider les absolument arriver ou au moins notre compagnon. Devant une boutique, trois lieux, on ne sait jamais». Nous approcher Kirombwe. Au loin, Avant d’atteindre Kwipera, deux vieilles femmes en pagnes décidons de rebrousser chemin nous observons de belles colpick-up avec des militaires armés s’asseyent, toutes mélancoliques, vers Bujumbura. lines, des marais, etc. Kirombwe se trouve parmi elles. Une femme nous indique une colline perdue au milieu des autres où est juché un établissement en étages. «C'est l’établissement secondaire de Kirombwe». Nous refaisons donc demitour. L’endroit le plus proche de Kirombwe, c’est le centre Muyira. Nous partons vers là. Très vite, nous repassons par le centre Kwipera. Des jeunes gens regardent notre voiture, éberlués. Ils s’interrogent peut-être sur ce «nouveau» véhicule dans les parages. «Les gens de la localité connaissent sûrement les véhicules desservant ces localités. Nous sommes déjà repérés, tant pis, de toutes les façons, nous voulons des témoignages», lance l’un de nous. L’homme à la chemise carreautée se met de nouveau à scruter notre véhicule «station wagon». Des fugitifs de la colline Kirombwe et celles avoisinantes rassemblés au centre de Kwipera. Nous roulons, un brin inquiets.

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SÉCURITÉ

La route est jonchée de monde mâle, non sans défiance. Au bout du trajet, juché au sommet d’un ravin, un jeune homme regarde au fond d'un marais comme s’il guettait quelque chose. Et puis, une moto nous dépasse. Le regard de l’homme que la moto embarque pénètre profondément dans notre véhicule comme s’il vérifiait quelque chose. Nous remarquons qu’il s’agit de l’homme à la chemise carreautée qui nous a longtemps fixés à Kwipera. « Il nous a suivis », constaterons-nous plus tard.

L’arrestation Enfin, un camion aux couleurs de la police. Puis, un, deux, cinq pick-up alignés. C’est le centre Muyira. Nous nous disons que nous sommes peut être arrivés au lieu des affrontements. Le type qui vient de nous dépasser à moto devise silencieusement avec un officier

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de police. A leur hauteur, alors que nous allons manœuvrer pour retourner à Bujumbura, ce dernier demande à notre chauffeur de couper le moteur. «Qui êtes-vous ? On ne vous connaît pas», instruit-il. La question est inquiétante. Exprimée comme telle, elle donne l’idée qu’il détient d’autres informations sur nous. Nous nous disons que c’est le type de tout à l’heure qui vient de nous balancer. « Des journalistes », lui répond enfin l’un de nous. « Vous travaillez pour quelle radio ? » En chœur, nous lui disons que nous sommes du Journal Iwacu. Il baisse la tête, pensif, un espace d’une minute de silence. Et il nous demande nos documents de service. Avec un militaire qui le rejoint soudain, ils vérifient minutieusement nos badges, nous les rendent avant de nous laisser rebrousser chemin. Mais à peine démarrons-nous que l’officier de police nous arrête de nouveau, reprend nos badges

et les emporte. Vers où ? Pour en son sur le dos, ses mains ne cesfaire quoi ? Nous ne le saurons sent de trembler. «J’étais venue à jamais. Kirombwe pour un enterrement. Nous attendons le sort, la suite Par après, nous sommes allés de nos badges. Dans l’entretemps, au marché pour la réception. Il derrière notre voiture, une voix était aux environs de 11 heures. d’homme gronde : " Iwacu, touLe marché était vide. Alors qu’on jours Iwacu ". Les badges nous allait commencer, des amis sont serons remis après un bout de venus nous dire qu’ils viennent temps. de voir des comL’homme qui battants. Dans un « Une voix les ramène tient premier temps, tout de même à d’homme gronde : on pensait à une les accompagner " Iwacu, toujours mauvaise blague». d’une injonction, Tout d’un coup, Iwacu ". » sèche, sévère: Jeanine voit des «Partez très vite. gens qui courent Qu’on ne vous revoie plus dans les partout. Les quelques hommes et parages ». Et nous voilà repartis femmes venus au marché vident pour Bujumbura. C’est penles lieux. Elle et ses amis détalent dant ce chemin retour que nous également. Pas de chance. «Nous aurons les témoignages des fuginous sommes retrouvés nez à nez tifs en provenance de Kirombwe. avec eux. Une dizaine à quelques Une dizaine de combattants, mètres de nous. Certains avaient des armes. Ils avaient plusieurs une trentaine… bagages. Ils disaient qu’ils sont du Jeanine (nom d’emprunt) FNL. Pas d’uniformes militaires, de semble agitée. Avec son nourrissimples habits».

Jeanine se jette dans un caniveau. «Par après, plusieurs militaires sont arrivés. Ils étaient avec le chef de zone Muyira. Ils nous ont dit de rentrer. Nous avons eu très peur». Les coups de feu retentiront juste après quelques minutes. «Les habitants de Kirombwe se sont réfugiés sur les collines Muyira, Nyamurumbi et Mboza». Un autre habitant de Kirombwe indique que ces combattants étaient au nombre de 35. «On ne sait pas d’où ils sont venus. Il n’y avait pas de rumeurs faisant état d’une présence de combattants». Selon des sources contactées à Muyira, des tirs sporadiques se faisaient toujours entendre à la tombée de la nuit et même pendant la nuit de ce mercredi à jeudi. Quelques habitants des collines surplombant la ville de Bujumbura le confirment.

ÉDUCATION

Frais d’assurance et de sport scolaire : le flou total Les écoles publiques sont obligées de payer des frais d’assurance et de sport pour chaque élève. Mais en cas de besoin, les élèves ne sont pas pris en charge. Parents et responsables d’écoles parlent d’une gestion opaque.

L

es établissements publics post-fondamentaux prélèvent sur les frais de scolarité de 7.000 BIF, 135 BIF d’assurance et 1500 BIF, les frais de sport pour chaque élève par an. Selon un directeur d’une école secondaire publique de la commune Muha, les 135 BIF sont versés sur le compte « contribution parents et assurance » à la Bancobu. « Nous ne connaissons ni le gestionnaire de ce compte ni la maison d’assurance». Si l’école sollicite des documents scolaires au ministère de l’Education, elle doit lui remettre les bordereaux de paiement de ces frais, d’après ce responsable. Quand survient un accident à l’école, un problème se pose. « Nous sommes désemparés, car nous ignorons l’assureur», assuret-il. L’établissement est obligé d’appeler un parent pour venir récupérer son enfant. « L’école ne fait que remettre aux parents la déclaration de reconnaissance de l’accident. Après, c’est aux parents de se débrouiller».

Pour certains directeurs, les élèves ne sont pas pris en charge en cas d’accident, alors que l’assurance est payée régulièrement.

Alors que les élèves sont assurés. Concernant les frais de sport, ce directeur déplore que lors des championnats interscolaires, ce sont les établissements qui s’occupent de presque toutes les dépenses. Déplacement, rafraîchissement, frais de mission, etc. Le ministère n’assure que le transport des joueurs en cas de déplacement en province et le paiement des arbitres. Il signale que son établissement peut verser comme frais de sport plus de 2 millions BIF par an.

« Où va cet argent ? » La directrice du Lycée municipal Rohero, Gertrude Simbananiye, indique que quand un élève a un accident, l’école recommande

aux parents d’aller demander à Socar. « Socar ou Ucar », hésitet-elle. Mais l’assureur ne paie pas la totalité des soins, assure cette responsable d’après sa propre expérience. Quant aux frais de sport, cette directrice affirme que les 1500 BIF par élève sont versés sur le compte « sport scolaire » géré par la direction provinciale de l’enseignement (DPE) mairie. Malheureusement, déplore Mme Simbananiye, c’est l’établissement qui se débrouille pendant tous les matches. La direction provinciale n’interviendra que pour le transport, lors de la finale. Ces responsables d’écoles disent qu’ils n’en peuvent plus. Ils sont endettés. « C’est un casse-tête. Au

point de souhaiter que notre école perde le match pour ne pas continuer à dépenser», confiera l’un d’eux. Le défenseur des droits des enfants, David Ninganza, également président du comité de gestion d’une école publique à Bujumbura, ‘’en a par-dessus la tête’’. Son enfant s’est cassé un bras à l’école, il n’a pas encore eu d’assurance. « Tous les parents me demandent de plaider pour eux. Mais je n’ai pas encore eu de réponse. Nous ne connaissons pas l’assureur». Il confie avoir déposé sa plainte à la CNIDH. « Où va tout cet argent ? » Le Directeur provincial de l’enseignement mairie, Patrice Tuhabonyimana, rejette ces

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accusations. Concernant les frais d’assurance, il affirme qu’en cas d’accident, le directeur appelle la DPE pour s’informer de la maison d’assurance, celle-ci change souvent. « Sauf les directeurs paresseux, ils savent tous comment cela marche. Nous faisons des réunions régulièrement». Il fait savoir que pour le moment, l’assureur est BIC. Pour la prise en charge sportif, le DPE mairie parle d’un « mensonge ». Quand les matches se déroulent en province, les élèves sont logés à l’internat. Sinon, le rafraîchissement et autres charges sont assurés par le ministère. Clarisse Shaka


AU COIN DU FEU

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Avec Agathonique Barakukuza Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Agathonique Barakukuza.

V

Votre rêve de bonheur ? Voir tout Burundais disposer d’un revenu qui lui permet de couvrir ses besoins de première nécessité. Marcher dans les rues de Bujumbura et les autres villes et campagnes du Burundi, sans devoir me soucier des mains tendues pour mendier.

otre qualité principale ? Il n’est pas facile de se juger. Si je suis obligée de le faire, je crois que c’est l’humilité. Votre défaut principal ? C’est toujours difficile de se juger soi-même. C’est sans doute la lenteur. Souvent quand je marche, quand je travaille, mon entourage me reproche de ne pas être rapide.

Votre plat préféré ? Le « Mukeke » accompagné de légumes.

La qualité que vous aimez chez les autres ? La franchise.

Votre chanson préférée ? La chanson intitulée « En chantant » de Michel Sardou. C’est une chanson qui invite à envisager la vie avec humour. Et c’est effectivement « plus marrant et moins désespérant », comme le dit l’auteur de cette chanson, quand on fait ce que l’on doit faire « en chantant », en essayant de se décontracter.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? La malhonnêteté. La femme que vous admirez le plus ? Chiara Lubich (22 janvier 192014 mars 2008), la militante catholique italienne, fondatrice du mouvement des Focolari. C’est une femme qui prônait l’unité de la famille humaine. Un monde uni, où la règle est d’aimer son prochain comme soi-même. Elle a consacré sa vie à cet idéal, en posant des actes concrets. L’homme que vous admirez le plus ? Mahatma Gandhi. J’aime sa sagesse et sa philosophie de nonviolence. Votre plus beau souvenir ? Le jour où j’ai appris que j’ai réussi au concours national. Je devais chaque matin faire plusieurs kilomètres à pied pour me rendre à l’école, et il faisait souvent très froid. J’avais donc tant souhaité cette réussite, qui devait marquer la fin de ces longs parcours matinaux. Votre plus triste souvenir ? La mort de mon père. J’avais des projets pour lui. Un jour, j’apprends qu’il est décédé avant que je ne puisse les réaliser. C’était dur de l’accepter ! Quel serait votre plus grand malheur ? Ne pas pouvoir accompagner mes enfants jusqu’à l’âge adulte.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? La signature de l’Accord d’Arusha, le 28 août 2000. Après tant d’années de guerre fratricide, signer un accord constituait un espoir pour un avenir paisible du pays. La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 1er juillet 1962, la date de l’indépendance. Etre libéré de la « chicotte » et bien d’autres contraintes qui étaient exercées par les colonisateurs sur les Burundais, c’est le rêve de tout Burundais qui est devenu réalité ce jour-là. La plus terrible ? Le 13 octobre 1961, date de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore. Voir le leader qui a tant lutté pour l’indépendance mourir juste au moment où il venait de gagner, c’est comme une mère qui décède juste après l’accouchement. Un évènement terrible pour le nouveau-né qu’était le Burundi indépendant !

Le métier que vous auriez aimé Votre lieu préféré faire ? au Burundi ? Quand j’étais encore jeune, je Ijenda. Un climat frais pour voulais exercer le métier d’avocat. travailler ou se reposer. En plus Défendre les gens qui n’ont pas la ce n’est pas loin de la ville de possibilité de se Bujumbura pour « La démocrtie défendre devant s’approvisionner en la justice. Parce denrées de diverses suppose qu’il arrive qu’une sortes. notamment le personne perde un procès ou des biens respect des droits Le pays où vous auxquels il devait aimeriez vivre ? de la personne avoir droit, à cause Le Burundi. Il humaine, la de l’ignorance des y a du soleil et de tolérance, lois et des procéla pluie sur toute dures. Un désagrél’année. Il ne fait la liberté ment qui peut être jamais trop froid, évité ou atténué d’expression et de jamais trop chaud, mouvement.» avec l’aide d’un si l’on compare avec avocat. d’autres pays. En plus, les gens que Votre passe-temps vous croisez sur le chemin vous préféré ? saluent, acceptent de temps en Regarder un film policier genre temps de causer avec vous et de Derrick. Je suis particulièrerire. ment intéressée par le processus d’interrogatoire pour la recherche Le voyage que vous aimeriez de la vérité. L’analyse des faits et faire? gestes. Comment remonter, à parUn voyage vers la terre sainte. tir de l’entourage d’une victime ou Visiter le pays de Jésus Christ. d’un autre point x, jusqu’à découLes endroits où il a vécu, les lieux vrir la vérité. où il a accompli des miracles.

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Quelle radio écoutez-vous ? Je n’ai pas vraiment de préférence particulière. Mais comme je n’ai pas le temps d’en écouter beaucoup, je fais un tri. Pour celles qui émettent à partir du Burundi, j’écoute la radio nationale, la radio Isanganiro ou la radio Rema FM. Pour les radios étrangères, j’écoute la RFI ou la BBC. Cela me permet d’avoir plus ou moins le topo de l’actualité internationale. Avez-vous une devise ? Oui. Ne pas faire aux autres ce que je n’aimerais pas qu’ils me fassent. Cela permet d’éviter de faire du mal aux personnes que nous côtoyons. Votre définition de l’indépendance ? Pour moi, l’indépendance rime avec autonomie, la liberté de décider et d’agir, mais aussi la responsabilité. Votre définition de la démocratie ? Un système de gouvernance basé sur la délégation des pouvoirs du peuple aux élus, à travers les élections, et sur la redevabilité des élus envers ceux qui les ont élus. Cela suppose notamment le respect des droits de la personne


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AU COIN DU FEU

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Bio express

humaine, la tolérance, la liberté d’expression et de mouvement. Votre définition de la justice ? Des lois équitables, réalistes et bien respectées. Si vous étiez ministre de la Communication, quelles seraient vos deux premières mesures ? L’opérationnalisation du fonds des médias. Ensuite prévoir des renforcements de capacité obligatoires pour les journalistes qui commencent la carrière, quitte à leur permettre d’exercer effectivement après une évaluation qui atteste qu’ils ont les compétences requises. Si vous étiez ministre du Genre, quelles seraient vos deux premières mesures ? Consentir plus de moyens à la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). Car à mon avis quand elles se produisent en famille, elles engendrent toutes sortes de violences dans la communauté. Et cela constitue une grosse entrave au développement. Ensuite, j’orienterais beaucoup plus les actions de prévention

N

des VSBG dans les familles directement. Car la justification profonde du comportement d’un individu, c’est sa famille nucléaire. Là où il a passé ses dix premières années. Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ? Absolument. L’homme naît naturellement bon comme disait J Jacques Rousseau. Et cela peut se

constater si l’on observe les enfants. Quelqu’un qui a toujours vécu dans un endroit où l’on fait du bien ne fera que du bien. Quant à celui qui évolue avec des personnes qui font du mal, il finira par apprendre à faire du mal à son tour. Pensez-vous à la mort ? Oui, naturellement. Chaque fois que j’accompagne un parent ou un

ami décédé, cela me rappelle que mon tour viendra un jour. Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui direz-vous ? Merci de m’avoir donné la vie et de m’avoir gardée jusqu’à ce jour. Ensuite je lui demanderais pardon pour toutes les fois où je n’ai pas agi suivant sa volonté.

ée dans la province Bujumbura rural en 1968, Agathonique Barakukuza est une femme engagée dans la promotion du genre. Journaliste à l’Agence Burundaise de Presse (ABP) depuis 25 ans, cette mère de 5 enfants est titulaire d’un diplôme de Licence en Sciences de l’Education et d’un Master Complémentaire en Genre, Institutions et Sociétés (GIS). Cette consultante en genre a été présidente de l’Association burundaise des femmes journalistes (octobre 2012février 2017) et Présidente du Réseau des Femmes des médias d’Afrique des Grands lacs (RFMGL), de 2011 à 2015.

Propos recueillis par Clarisse Shaka

SANTÉ

Pré-éclampsie : ce fléau pour les femmes enceintes

U

ne étude du ministère de la Santé a identifié la prééclampsie comme 2e cause de mortalité maternelle après l’hémorragie. Cette étude de 2019 rapporte 184 décès maternels survenus entre la 25e et 40e semaine d’aménorrhée pour la majorité des femmes enceintes. L’éclampsie (crise convulsive suite à la pré-éclampsie) représente près de 10% après l’hémorragie (plus de 70%). D’après le gynécologue Salvator Harerimana, la pré-éclampsie ou la toxémie gravidique est une hypertension artérielle supérieure à 14/9 associée à une protéinurie (forte présence de protéines dans les urines) qui survient chez les femmes enceintes au-delà de 20 semaines d’aménorrhée (4 à 5 mois de grossesse). L’origine essentielle de cette hypertension est une anomalie

à travers le placenta, l’organe qui permet les échanges entre la mère et l’enfant, selon ce gynécologue. Ces échanges ne se font pas bien. Par conséquent, il y a un retard de croissance de l’enfant car le fœtus ne reçoit pas assez de nutriments pour se développer. « L’organisme maternel essaie alors d’augmenter la pression pour pouvoir faire passer les nutriments dans le placenta. C’est là où la tension monte». Dr Harerimana parle d’une pathologie grave à la fois pour la mère et le bébé. L’hypertension entraîne chez la mère un problème cardiaque, rénal, hépatique et même cérébral. Et si le cerveau est atteint, elle fait une crise convulsive. C’est là que l’on parle de l’éclampsie. Le plus grand risque est le décès maternel. « C’est aussi grave pour le bébé car si les échanges ne se font pas bien, il n’y a pas de croissance. Et quand l’hypertension se prolonge, le fœtus meurt».

La prise de tension régulière, le seul moyen de prévention L’ultime moyen de prévention de cette complication, pour ce gynécologue, est la prise de tension régulière, du moins à chaque consultation prénatale, c’est-à-dire au moins une fois le mois. Au début, cette maladie ne présente aucun signe. « Ce

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Cette hypertension qui survient après le 4e mois de grossesse est la 2e cause de mortalité chez les femmes enceintes au Burundi, selon une étude récente. Le point sur cette complication grave à la fois pour la mère et le fœtus.

La pré-éclampsie a été identifiée comme 2e cause de mortalité chez les femmes enceintes au Burundi.

n’est que la prise de la tension qui va montrer que les chiffres sont élevés». Toute hypertension qui survient pendant la grossesse n’est pas une pré-éclampsie, clarifie Dr Harerimana. Si l’hypertension survient avant 4 mois de grossesse ou sans protéines dans les urines, il s’agit d’une hypertension chronique ou gravidique.

Le vrai traitement de la prééclampsie est l’accouchement, la complication étant due au placenta. Il faut alors séparer la mère et l’enfant, explique ce médecin. Et si le fœtus n’atteint pas 28 semaines (6 mois), l’enfant n’aura pas de chance de survivre. Ce médecin relève quelques facteurs de risque : une grossesse à un âge avancé ou précoce (avant

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18-20 ans), le diabète, l’obésité, etc. Le bilan du Programme national de la santé de la reproduction (PNSR) 2017 renseigne que le taux de consultation prénatale a régressé, depuis 2015. Il est de 89,3% en 2017 alors qu’il était de 95,4% en 2016 et 106,8% en 2015. Clarisse Shaka


SOCIÉTÉ

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Site de Ruvubu

Des restes humains de plus de six mille personnes déjà excavés La CVR a présenté, vendredi dernier, le premier bilan de la phase d’exhumation des restes humains sur le site de Ruvubu Un bilan accablant, selon le président de la CVR. Un bilan différemment apprécié par les politiques.

A

u cours d’un café de presse du 14 février 2020, Pierre Claver Ndayicariye, président de la CVR, a fait savoir que des fosses communes ont été exhumées sur la colline Bukirasazi, commune Shombo, province Karusi. Selon lui, 18 fosses communes datant des tueries massives commises en 1972 ont été découvertes. La CVR a été renseignée sur cette triste réalité lors des dépositions faites par les citoyens burundais et à travers la littérature et les mémoires des chercheurs universitaires. Les témoins oculaires confirment que les tueries visaient des gens aisées : des enseignants de l’école primaire, des professeurs des écoles secondaires, des religieux, des religieuses, des ministres, des hauts cadres de l’Etat, des militaires, des gendarmes, des commerçants, des personnes possédant des biens matériels importants comme des maisons en tôle, des vélos, des bananeraies. Et de préciser que les victimes étaient majoritairement d’une même ethnie. Mais d’autres ont péri à la suite de conflits interpersonnels ou de règlements de compte. Durant deux mois, de mai à juin 1972, racontent les mêmes témoins, des victimes ont péri en provenance non seulement des

Pierre Claver Ndayicariye : «La Commission reste ouverte à toute personne qui souhaiterait l’éclairer sur cette période sombre de notre passé.»

communes proches de l’endroit où se trouvent actuellement les fosses communes, mais aussi des contrées lointaines comme Muyinga, Karusi, Ngozi et Ruyigi. Les personnes arrêtées étaient ligotées et conduites à pied aux cachots des chefs-lieux des communes où elles passaient quelques jours, a précisé Pierre Claver Ndayicariye. Et d’ajouter que les personnes arrêtées étaient conduites dans des camions réquisi-

tionnés à cet effet et sous escorte militaire à la prison de Gitega ou à la rivière Ruvubu. Par ailleurs, fait savoir M. Ndayicariye, une certaine jeunesse fortement politisée était chargée des arrestations, sur ordre des autorités locales (administrateurs, conseillers). Les notables collinaires ont été complètement débordés. Après arrestation, souvent sur base d’une liste préétablie, les victimes

étaient d’abord acheminées vers la prison centrale de Gitega pour y être tuées et des camions les ramenaient, morts ou agonisants, pour être achevées et jetées dans des fosses communes. Le président la CVR affirme que des conditions indicibles de séjour à la prison de Gitega ont été décrites par certains prisonniers de l’époque. Selon les témoins, certains prisonniers mourraient par étouffement à cause de l’exiguïté des cellules. Ils étaient privés de nourriture et soumis à un régime de bastonnades avec des gourdins ou d’autres traitements inhumains et dégradants avant d’être acheminés dans les fosses communes de la Ruvubu. Aucun procès, ni jugement n’a été organisé. En outre, les informateurs parlent de la période de 1972 avec amertume. Ils n’hésitent pas à engager la responsabilité de l’Etat pour la simple raison que les tueries étaient l’œuvre des agents de l’Etat burundais. «Parmi les vœux exprimés par les déposants, il y a une demande que le pays ne tombe plus jamais dans les tueries comme celles de 1972 et que les ossements en cours d’exhumation puissent être enterrés en toute dignité », a annoncé le président de la CVR. Et de souligner que les

Quelques restes humains déterrés dans les fosses communes sur le site Ruvubu.

Réactions

familles des victimes réclament le soutien moral et matériel de la part de l’Etat.

Des découvertes macabres Au dixième jour des travaux, raconte M. Ndayicariye, les équipes de la CVR avaient déjà excavé 6032 victimes. En plus des ossements, elles ont retrouvé des habits pour hommes et femmes, des chaussures, des chapelets, des chaînettes, des lunettes, des douilles de fusils, des balles de fusils, etc. Au-delà de ces découvertes, la CVR fait un triple constat sur le site de la Ruvubu. Il s’agit de la douleur, du silence et de la souffrance. Douleur du calvaire enduré par les victimes. Douleur des familles qui ont été empêchées de pleurer les leurs ou de faire le deuil. Douleur de toute une nation à qui des tueries ont enlevé des forces vives. Silence pendant plus de 47 ans des familles qui ne s’étaient jamais plaintes nulle part.

Des perspectives «La Commission reste ouverte à toute personne qui souhaiterait l’éclairer sur cette période sombre de notre passé et sur les autres fosses communes liées aux différentes crises que le pays a connues », a fait savoir M. Ndayicariye. Par ailleurs, il tranquillise ceux qui réclament un monument aux morts. « La commission voudrait rappeler qu’il est prévu l’érection, sur des sites identifiés, des monuments de la réconciliation et de la mémoire aux niveaux national, provincial et local ». Et d’indiquer que si le site de la Ruvubu devait abriter un monument, cela proviendra d’un dialogue avec les responsables des institutions nationales. En outre, des audiences seront organisées publiquement ou à huis clos. Objectif: en savoir davantage sur les causes profondes des crimes du passé et le rôle joué par les uns et les autres. Félix Haburiyakira

• « La CVR est loin d’être impartiale »

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n ce qui concerne les événements tragiques de 1972, l’Uprona fait partie des premières victimes», affirme Gaston Sindimwo. Selon lui, l’Uprona a perdu beaucoup de ses membres lors de ces événements sanglants. «Dans ce cas, comment peut-il être à la tête de l’organisation des massacres destinés à exterminer ses propres militants», s’interroge M. Sindimwo.

Gaston Sindimwo parle de ‘’montages montés de toutes pièces pour ternir l’image de l’Uprona et réveiller les vieux démons du passé’’. « Quand cette crise de 1972 a éclaté, elle a emporté la vie des Hutu comme des Tutsi. Il ne faut pas se voiler la face, la CVR n’est pas impartiale ». Le Premier vice-président de la République fait savoir que les calculs politiques dans la perspective des élections de 2020 expliquent la sortie médiatique de cette commission. «A l’Uprona, nous nous demandons pourquoi la CVR profite de cette période pré-électorale pour présenter certains protago-

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nistes comme des victimes et les autres comme des bourreaux. L’objectif est de sortir la carte ethnique pour attirer l’électorat». D’après Gaston Sindimwo, il y a une certaine peur, le parti Uprona, jadis considéré comme parti à majorité tutsi, accueille et recrute aujourd’hui des membres de l’ethnie majoritaire. Pour lui, il y a tout simplement des spéculations politiques et la CVR est en passe d’être instrumentalisée dans ce sens. «C’est très regrettable car cette commission doit travailler pour réconcilier le peuple burundais et non le diviser ».


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SOCIÉTÉ

Vendredi, 21 février 2020 - n°571

• « Le moment n’est pas opportun »

• « Je n’y vois aucune main du pouvoir »

D’emblée, Phénias Nigaba, porte-parole du Frodebu, fait savoir que la CVR a été mise en place en violation de l’Accord d’Arusha. La CVR n’est pas le produit d’un consensus. M. Nigaba estime que la commission ne travaille pas en toute indépendance. D’où le risque d’instrumentalisation. Pour lui, la CVR devrait sursoir à l’exhumation des fosses communes en cette période préélectorale. « Le moment n’est pas opportun. Les esprits sont surchauffés ». Le porte-parole du parti du héros de la démocratie fait un clin d’œil à la CVR : « Que la Cvr soit impartiale et cherche la vérité pour tous les Burundais.»

AU COEUR DU PAYS

Région Centre

Kefa Nibizi, président du Frodebu Nyakuri, salue le travail déjà accompli par la CVR : « Le travail de la CVR a permis de connaître la vérité sur les fosses communes dans le site de Ruvubu.» Pour lui, l’exhumation des fosses communes rentre dans les attributions de cette commission. « Cette exhumation a aidé les jeunes générations à connaître la réalité et à soulager les familles des victimes ». Et de poursuivre : « C’est aussi une leçon pour les présumés bourreaux. La vérité finira par éclater.» M. Nibizi ne partage pas l’avis de ceux qui assurent que le moment n’est pas opportun : « La compétition politique qui s’annonce ne peut pas gêner le travail de la CVR.» Le candidat à la présidentielle de 2020 soutient que la CVR travaille en toute indépendance : « Je n’y vois aucune main du pouvoir.» F.H.

Gitega

Inquiète pour ses quadruplés Violette Habonimana, une mère qui a donné naissance à quatre enfants, aujourd’hui dans les couveuses à l’hôpital régional, s’inquiète déjà de leur survie.

sances qui s’ajoutent aux autres trois enfants. En plus de ne pas posséder assez du lait maternel, elle a un sain qui est malade depuis la naissance de son deuxième enfant. « Mon mari est cultivateur et ne pourra pas trouver du lait pour les quatre », affirme Violette tout en demandant aux âmes charitables de lui venir en aide.

De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

Rare d’avoir des quadruplées

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epuis dimanche 16 février, Violette Habonimana, jeune mère de 34 ans de Gishubi a été l’objet de curiosité à l’hôpital régional de Gitega où ses quatre bébés sont mis dans les couveuses. Cette mère n’a pas accouché comme on pouvait le penser par césarienne. Elle a ainsi donné vie à l’hôpital de Ntita à quatre garçons à 8 mois de grossesses qui pèsent entre 1,750 et 1,300 kg. « Les enfants sont en bonne santé, ils ont une bonne chance de survivre», a précisé le service de néonatologie. Dans son lit d’hôpital, loin de sa colline natale, Violette Habonimana essaie de garder son calme malgré les douleurs et les inquiétudes pour ses enfants prématurés. Epuisée, elle reste dans son lit scrutant du regard chaque personne qui entre dans la pièce. A Gitega, elle reste sur toutes les lèvres des citadins qui se demandent comment cette paysanne pourra faire avec les quatre bébés nés prématurément. Rencontrée à l’hôpital dans la salle commune d’accouchement, Violette hésite de parler de ses problèmes sur micro. Peu à peu, elle a pris le courage entre ses deux mains pour révéler ses sentiments. Commençant par sa joie d’avoir

Violette Habonimana : « Mon mari est cultivateur et ne pourra pas trouver l’argent pour acheter du lait pour les quatre »

réussi à mettre au monde quatre enfants, elle a fini de lâcher le morceau : « C’est un don de Dieu et je ne

peux rien changer. Mais l’avenir nous le dira si ce n’est pas un cadeau de trop.» Pour cette femme, tout n’est

pas rose dans sa famille. Elle indique que les moyens sont limités pour subvenir aux besoins de ces nouvelles nais-

Les quatre nourrissons après leur naissance à l’hôpital de Ntita

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D’après le médecin directeur de l’hôpital régional de Gitega, c’est un cas très rare, aussi dangereux d’accoucher plus de deux enfants à la fois. Il est conseillé d’aller dans une structure de santé bien équipée pour réussir ces accouchements. D’après lui, ce sont des grossesses à risque, à la fois pour la mère et pour les bébés. « Le plus gros danger est bien sûr la prématurité. Si alors la mère n’est pas suivie par un médecin, des conséquences fâcheuses peuvent s’en suivre. » C’est pourquoi les médecins conseillent aux femmes de ne pas accoucher à la maison comme le faisaient nos grands-mères mais venir plutôt à l’hôpital pour faire des consultations. Le Dr Jacques Nduwimana affirme qu’ils feront tout pour que ces enfants survivent. Mais avec une nuance : « Je doute de la suite à la maison car cette famille semble démunie pour subvenir aux besoins de ces quatre bébés !» Pour le moment, les bébés de Violette Habonimana sont dans les couveuses gratuitement, mais le plus dur à venir c’est quand ces nourrissons seront sortis de ces appareils clos, vitrés, aseptiques à température et oxygénation constantes.


AU CŒUR DU PAYS

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Région Ouest

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Cibitoke

Bonne cohabitation entre les partis politiques Des réunions tenues une fois par mois entre l’administration et les partis politiques, les activités communautaires seraient à l’origine de cette entente des partis politiques.

« On ne doit pas se prendre pour des ennemis »

De notre correspondant Jackson Bahati

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ans la province Cibitoke, il y a actuellement 11 partis politiques agréés qui sont sur terrain et se préparent aux élections de 2020. Il s’agit de : Cndd-fdd, Cnl, Uprona, Sahwanya-frodebu, Frodebunyakuri, Parena, Apdr, PalipeAgakiza, Adr, Mrc-Rurenzangemero et Fnl. Actuellement, ils vivent en parfaite harmonie et chaque parti organise des réunions en toute sécurité. Les responsables de ces partis politiques contactés par Iwacu disent

Région Sud

Le gouvernesur de Cibitoke satisfait de la cohabitation pacifique des partis politiques dans sa province

que cette cohésion sociale vient de la décision du gouverneur de cette province de les réunir une fois par mois. Une occasion d’échanger et de se lancer plutôt dans des activités de développement. Ils indiquent que cela fait trois mois qu’ils ont adopté la culture de la paix et de la cohé-

sion sociale dans cette province. D’après un responsable du parti CNL, il n’y a plus de permanences de partis politiques brûlées, de querelles entre les jeunes de partis politiques. Coté Parena, le représentant de ce parti dit qu’actuellement, il n’y a plus de jeunes d’autres partis politiques

qui déstabilisent leurs activités. Le représentant provincial du parti Cndd-fdd salue plutôt cette bonne cohabitation. Albert Nsekambabaye précise avoir pris des mesures à l’égard de tout membre de son parti qui envisage de perturber les activités d’autres partis politiques.

C’est du moins la déclaration de Joseph Iteriteka, le gouverneur de la province Cibitoke qui félicite ces partis politiques d’avoir compris le bon sens de vivre ensemble dans la paix et la sécurité. M. Iteriteka souligne que cette éducation à la culture de la paix découle de réunions organisées au moins une fois le mois avec les partis politiques et les résultats sont aujourd’hui très remarquables. Cette autorité provinciale dit qu’ils doivent comprendre que la période électorale est un temps normal et personne ne doit en aucun cas déstabiliser les activités d’un autre parti politique. C’est pour cette raison que la cohabitation entre les partis politiques dans la province Cibitoke est au beau fixe pour le moment. Le gouverneur félicite ces partis politiques pour leur participation aux activités de développement communautaire, pilier du développement de la province. Il espère que cette situation restera la même pendant et après les élections.

Rumonge

Six corps sans vie découverts en moins de deux mois Certains n’ont pas été identifiés. Les associations de défense des droits de l’Homme demandent des enquêtes plus fouillées afin que les circonstances de leur mort soient élucidées. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

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rois corps sans vie ont été trouvés flottant sur le lac Tanganyika depuis le mois de janvier, selon des sources proches de la fédération des pêcheurs du Burundi et confirmées par les autorités administratives. Le dernier corps a été retrouvé lundi 17 février dans les eaux du lac Tanganyika près du port de pêche de Rumonge. Ce dernier n’a pas été identifié, selon le président de la fédération des pêcheurs. D’après une autorité administrative locale, le corps a été directement inhumé après le constat de la police car il commençait à se décomposer. Les deux autres corps sans vie découverts dans le lac Tanganyika ont été identifiés comme étant ceux des pêcheurs qui seraient morts accidentellement suite à la noyade. La police a procédé à des

arrestations de personnes pour des raisons d’enquête. Au cours du mois de janvier, deux corps sans vie ont été découverts flottant sur des rivières Murembwe et Dama. Vers la mi-janvier, un autre corps sans vie a été découvert dans la rivière Dama près de la localité de Ruhora en commune de Burambi. Il a été identifié comme étant celui d’un enseignant connu sous le nom d’Alexis Ngendakumana de l’école fondamentale de Muhanda II en commune de Burambi. Les circonstances de sa mort ne sont pas élucidées. Certaines sources locales parlent d’une mort par noyade dans cette rivière alors que d’autres sources parlent d’un meurtre. Au début du mois de janvier, un jeune homme qui venait de terminer ses humanités générales est retrouvé mort au bord du lac Tanganyika près de la localité de Gitaza en commune de Muhuta.

Certains des corps sans vie ont été retrouvés dans cette partie du lac Tanganyika

Accidents ou criminalité ? Certains responsables des associations de défense des droits de l’Homme ainsi que certaines personnes rencontrées dans la ville de Rumonge demandent que des enquêtes fouillées soient menées afin de savoir s’il s’agit d’accidents ou de cas de meurtres. Pour eux, c’est inquiétant d’enregistrer 6

corps sans vie dans une période de moins de deux mois. Les services chargés des enquêtes doivent travailler d’arrache-pied pour déterminer les circonstances de la mort de ces personnes surtout que certains corps n’ont pas été identifiés. La police indique que les enquêtes sont en cours et les autorités administratives demandent à la population de rester

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sereine et de donner toute information dont,elle disposerait à la police pour un bon aboutissement des enquêtes. Des réunions de sécurité doivent être tenues pour informer la population de l’attitude à prendre surtout que le Burundi s’achemine vers les élections générales afin d’éviter toute rumeur ou manipulation politicienne.


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SPORT

Vendredi, 21 février 2020 - n°571

Football

« Les sanctions, c’est pour qu’un arbitre se ressaisisse et non pas pour être à banni à vie » devoirs de maternité les obligent à faire une croix sur leurs carrières. De surcroît, il leur est alors difficile de retrouver leur fraîcheur physique. Aussi,faut-il ajouter l'absence d'instructrices qualifiées dans certaines provinces. À mon avis, un énorme frein à l’origine de leur faible engouement.

Un arbitrage loin de faire l’unanimité depuis le début de la phase retour de la Primus ligue, des interrogations en rapport avec le choix des arbitres, etc. Désiré Gahungu, président de la commission en charge de l’arbitrage à la FFB fait le point.

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es fans constamment doutent de l’impartialité des arbitres … C’est la beauté du football. Sur le terrain, il y a toujours un gagnant et un perdant .Même quand les deux équipes font match nul, il y en a une qui en profite. Ceci pour dire que des grognes ne peuvent pas manquer en fonction du résultat. Et dans la plupart des cas, les arbitres sont les boucsémissaires. Toutefois, je dois reconnaître qu’un arbitre peut parfois faire une mauvaise appréciation. Mais pour éviter pareils désagréments, après chaque match, nous faisons des mises au point. Et chaque mois, des stages de recyclage à leur endroit sont organisés. D’une façon générale, nos arbitres s’en sortent bien. Il suffit de voir combien va croissante leur cote au sein de la Confédération africaine de football(CAF).

Des sanctions sont- elles prévues en cas d’erreur délibérée? Le code disciplinaire est clair. En fonction de la faute dont l’arbitre est coupable, il peut être suspendu jusqu’à deux ans. Actuellement, il y en a 4 qui reviennent d’une sanction. Dans de telles circonstances, ledit code veut qu’il soit rétrogradé en division inférieure. C’est notamment le cas lorsqu’une collusion est avérée afin que telle équipe gagne. Pourquoi les sanctions sontelles tenues secrètes? Lorsqu’un arbitre est puni par la commission nationale en charge de l’arbitrage au sein de la Fédération de football du Burundi(FFB), c’est pour qu’il se ressaisisse et non pas pour être banni à vie. En tant qu’instance chargée de les évaluer, on se doit de les protéger. C’est dans cette logique que les sanctions sont tenues au grand secret. Mais, je ne doute pas qu’un fan averti peut remarquer que tel arbitre est hors circuit.

Dans d’autres pays, avant chaque rencontre, on annonce le trio arbitral. Qu’est-ce qui vous en empêche ? Nous nous efforçons d’être au même niveau que les autres pays. Cependant, je dois avouer que nous n’en sommes pas à ce stade. Dans les pays développés, grâce aux sponsors, publicités qui coulent à flot, les arbitres ont un standard de vie élevé qui éloigne d’eux la tentation d’accepter un

pot-de-vin. Une situation aux antipodes de la nôtre. Si chaque fois les noms des arbitres étaient connus d'avance, on risquerait de voir tel dirigeant d’un club approcher tel arbitre pour le soudoyer. Quid de l’arbitrage féminin ? Nous avons 5 arbitres internationales (2 centrales et 3 assistantes). Mais, il faut reconnaître que les défis ne manquent pas. Les

Comment devient-on arbitre international? C’est la régularité. Tu dois gravir les échelons, passer par toutes les divisions inférieures possibles (division cadets, D3), tout en multipliant de bonnes prestations. Lorsque tes prestations font l’unanimité de tes pairs, via un sondage d’opinion (des présidents des clubs, les fans, etc), tu peux officier dans l’élite (2e et 1ère division). Après une certaine période sous observation, la commission nationale des arbitres statue sur ton éligibilité à la CAF. Et lors d’une session tenue annuellement, ladite commission soumet ton nom à la CAF. Tu dois convaincre les instructeurs de la CAF à travers une série de tests physiques (exercices cardio, etc). Propos recueillis par Hervé Mugisha

Boxe

Un grand test attend le Burundi

C

’est un véritable challenge qui attend Ornella Havyarimana et Nestor Nduwarugira. Face aux boxeurs maghrébins et ouest-africains, les deux Burundais tenteront de décrocher une médaille, synonyme d’une qualification pour l’olympiade prévue dans la capitale nippone. « Une sacrée tâche, mais à notre portée », estime Ornella. Et pour ce rendez-vous, ils comptent aller le plus loin possible. « A tout prix, faire bonne figure et dédire les pronostics qui nous collent sans cesse le statut de victimes expiatoires du tournoi », clame Nestor. Alignée dans les 51 kg, sur papier, Ornella semble être à mesure de décrocher le précieux sésame. Mais pour y parvenir, avance Joseph Nkamicaniye, chef de la délégation, faudra-t-il

qu’elle gère au mieux ses appuis en défense et choisisse bien son timing pour attaquer. D’après lui, une mission possible à condition qu’elle remporte le 1er match. « Après, je ne doute pas qu’elle malmènera ses adversaires ». Idem pour Nestor. Bien qu’il soit aligné dans les 69kg et plus, une catégorie de poids à la portée des professionnels marocains et algériens, les chances restent de mise. Loin des désagréments survenus à Libreville en mai 2019 où la délégation burundaise avait été retenue à l’hôtel, suite aux frais d’hébergement impayés, M. Nkamicaniye tranquillise : « Hormis le séjour pris en charge par la fédération internationale de boxe, le Comité National Olympique a mis les bouchées doubles pour que nous soyons dans les meilleures

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Du 20 au 29 février, deux boxeurs burundais participent au championnat continental de la discipline à Dakar. Objectif : arracher les billets qualificatifs pour les JO 2020 de Tokyo.

Les boxeurs burundais sont attendus au tournant

conditions. De quoi couper court aux rumeurs à une réédition de la situation. » Pour accroître leurs chances de qualification, M.Nkamicaniye demande au ministère des Sports

de faire feu de tout bois pour qu’ils ne ratent aucune compétition. « A l’instar d’autres disciplines comme l’athlétisme, il faut mettre toutes les chances de notre côté ». Plus de 231 boxeurs en provenance de plus

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de 39 pays prennent part à cette compétition. Ils se disputent 33 places qualificatives réparties en 13 catégories. H.M.


CULTURE

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Buja sans tabou

La lundiose se dissipe au rythme du théâtre Du 17 au 23 février, Bujumbura vibre au rythme du festival de théâtre « Buja sans tabou ». Iwacu vous fait vivre la première soirée de cette 4e édition, au quartier Bwiza, centrée sur l’historique des premiers quartiers de la capitale.

A

u bar 5/5, un endroit très couru les lundis, s’était donné rendez-vous, lundi 17 février, les amoureux du théâtre. Il a abrité la première soirée de « Buja sans tabou », le festival de théâtre biennal sous le thème : théâtre et histoire. Il est 18h au 5/5, quartier Bwiza au centre de la capitale. Le parking est déjà plein. Quelques véhicules à la plaque diplomatique s’aperçoivent. Le public s’est bien installé à l’intérieur, hâte de découvrir l’histoire du quartier Bwiza, depuis l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui, à travers le 6e art. Avant la présentation de la pièce, un homme âgé, qui a vu naître le quartier Bwiza, dans les années 1950, fait un petit brief-

La scène de Buja sans tabou, lors de la première soirée à Bwiza, au bar 5/5.

ing au public. Il parle d’une forte communauté congolaise qui habitait ce quartier à ses débuts. 19 heures, c’est l’heure tant attendu. Dans une pièce sombre embellie par un jeu de lumière, les jeunes acteurs de la « compagnie ouf » remplissent la scène dans un geste très rapide : une mère qui tresse les cheveux de sa fille, à proximité les sœurs qui font la vaisselle, la cuisine… Les enfants qui courent, les poules qui déambulent ici et là… Un remake du quartier Bwiza d’aujourd’hui. Ensuite, les acteurs font un saut dans le temps, en 1910-1915, avec la colonisation, l’époque du Rwanda-Urundi. Dans la

peau des Congolais qui se faisaient recruter par les colons au Burundi, les jeunes acteurs plantent le décor de la vie à Bujumbura à l’époque coloniale. Puis remontent dans les années 1950-60, quand le quartier Bwiza est né, et où vivait une forte communauté congolaise. Des jeunes du quartier qui se disputent les putes au bar, qui insultent les Blancs dans un parfait mélange de français, swahili et lingala. La dernière scène marquera l’indépendance du Congo puis du Burundi. Sur fond de chansons d’indépendance, les danses congolaises et burundaises s’entremêlent pour constituer

une parfaite fin de la pièce sous les applaudissements du public.

Un coup de chapeau… Certains spectateurs se sont perdus à un moment. Ils n’ont pas bien compris l’histoire et la langue, surtout les étrangers présents comme l’ambassadrice des Pays-Bas au Burundi : « Je pouvais sentir les émotions, c’est le plus important. Et l’idée générale de l’histoire. » Un homme âgé attire l’attention parmi la foule. Il s’est déplacé de Gihosha à Bwiza pour soutenir son fils, acteur. « C’était compliqué de comprendre au début.

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Mais au fil du temps, j’ai compris que les acteurs décrivaient la vie du quartier Bwiza depuis l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui. » Sauf qu’il aurait voulu qu’ils jouent beaucoup plus en kirundi. « J’avais du mal à comprendre ce mélange de français et de lingala… » C’est le contraire pour une jeune française qui vient d’assister à tout le spectacle. Elle semble s’être bien amusée. « J’ai presque tout compris de l’histoire, c’est vraiment génial, le théâtre burundais », lance, enthousiaste, cette enseignante à une école privée de Bujumbura. Le festival Buja sans tabou est né en 2014. Son objectif est de célébrer le théâtre en brisant le tabou, d’après Freddy Mbonimpa, représentant de Buja sans tabou. « Cette 4e édition est particulière. Nous découvrons l’histoire de la ville de Bujumbura. Les jeunes ignorent l’histoire des quartiers, c’est dommage. Ils ne l’apprennent pas à l’école. » Et d’enchaîner : « Bujumbura a une nouvelle génération qui a soif de savoir comment est né le quartier dans lequel elle a grandi… » Ce festival verra aussi la découverte des quartiers Buyenzi, Asiatique, Ngagara et Nyakabiga. Clarisse Shaka


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Revue annuelle de la première année de mise en œuvre du Programme de pays du PNUD-Burundi Le bureau du PNUD au Burundi, sous le leadership du Ministère des Finances, du budget et de la coopération au développement, a organisé un atelier ce mardi 18 février 2020. La revue annuelle du Programme de pays 2019-2023, exercice 2019 et les perspectives pour l’an 2020, étaient à l’ordre du jour.

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egroupement de 234 artisans dont 191 femmes dans des coopératives artisanales, une assistance juridique et judiciaire à plus de 2241 personnes vulnérables et indigentes, l’aménagement sur une longueur de plus de 600 mètres de la rivière Ntahangwa et l’installation des stations hydro météo automatiques dans cinq communes sont quelques-unes des réalisations accomplies par le PNUD (Programme des nations unies pour le développement), au cours de la première année d’exécution de son programme de pays. Dans son discours, Nicole Flora Kouassi, la Représentante résidente du PNUD au Burundi, précise que ces réalisations étaient basées sur trois priorités : le développement des moyens des subsistances, le meilleur accès aux services judiciaires, administratifs et l’amélioration de la résilience aux changements climatiques. Et de souligner que quatre catégories de population ont été ciblées : les femmes, les jeunes, les déplacés, les réfugiés et les vulnérables. La représentante du PNUD précise que l’objectif principal de cette revue, c’est de mesurer avec toutes les parties prenantes les progrès obtenus dans la mise en œuvre du programme pour l’année 2019 et d’élaborer les perspectives pour l’exercice 2020. Et de rappeler que le programme pays du PNUD est un instrument de coopération programmatique entre le gouvernement burundais et le PNUD. D’après elle, ce programme aide le pays à accomplir ses projets du plan national de développement 2018-2027. La Représentante résidente du PNUD remercie toutes les différentes parties prenantes pour leurs implications dans la mise en œuvre des projets et pour la

Les perspectives pour l’exercice 2020

Nicole Flora Kouassi, Représentante résidente du PNUD, remercie toutes les différentes parties prenantes pour leurs implications dans la mise en œuvre des projets

bonne collaboration qui a régné durant la première année de mise en œuvre. Le gouvernement burundais salue les projets réalisés par le PNUD au cours du premier exercice du Programme de pays 2019-2023 Annonciate Nshimirimana, la Directrice générale de la planification et de coopération au sein du Ministère des finances, du budget et de la coopération au développement économique confie que pour que le gouvernement arrive à couvrir tous ses efforts de développement, il a besoin d’une intervention de sa population, mais aussi des partenaires au développement. De ce fait, elle salue le PNUD pour son implication dans la réalisation des priorités du Plan National de développement du Burundi 2018-2027. Juvénal Bigirimana, gouverneur de la province Rumonge, l’une des provinces bénéficiaires des appuis du PNUD, salue les projets réalisés dans sa province. Comme projets réalisés, il cite

la réintégration des 134 ménages victimes de catastrophes naturelles réinstallés dans le village rural intégré (VRI) de la colline de Mayengo, en zone de Kigwena et de 40

autres ménages de la communauté d’accueil. Et d’ajouter que grâce à l’intervention du PNUD ces ménages ont des maisons solides.

Dans sa présentation, MarieAnge Kigeme, cheffe de l’unité « Développement durable et croissance inclusive » au sein du PNUD précise que les futures actions seront menées sur les trois priorités du Programme de pays : le Développement des moyens de subsistances ruraux non-agricoles pour la croissance économique, l’amélioration de l’accès à des services administratifs, sanitaires et judiciaires de qualité et l’amélioration de la résilience aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles. Dans les listes des résultats à réaliser en 2020 figurent, entre autres, l’accès aux actifs financiers à plus de 11 mille vulnérables, le renforcement des capacités des instances judiciaires pour traiter au moins 700 cas signalés de VBG et la mise en place d’un centre intégré de prise en charge holistique des VBG à Rumonge. Sur le point de l’amélioration de la résilience aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles, Mme Kigeme indique la mise en place d’un système d’alerte précoce de gestion des catastrophes dans cinq communes : Busoni, Kirundo, Bwambarangwe, Nyanza-Lac et Isare.

Recommandations

Annonciate Nshimirimana, Directrice générale de la planification et de coopération au sein du Ministère des finances, salue le PNUD pour son implication dans la réalisation des priorités du Plan National de développement du Burundi 2018-2027.

La Représentante résidente du PNUD et la DG de la planification et de coopération au sein du Ministère des finances au milieu des participants.

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

Les participants et participantes qui ont pris part à cette revue annuelle du programme de pays du PNUD, exercice 2019 ont donné plusieurs recommandations, dont : • la mise en place d’un mécanisme de suivi régulier des projets du Programme de pays du PNUD ; La prise en compte des écoles des métiers dans les interventions du PNUD au niveau de l’artisanat. Et d’interpeler les administrations locales à s’approprier les résultats de leurs provinces. A l’invasion des criquets qui s’observe dans ces jours dans les pays de l’Afrique de l’Est, les participants de l’atelier portant sur la revue annuelle du programme pays du PNUD, n’ont pas manqué à demander à cette organisation de mettre en place un mécanisme pour lutter contre ces criquets. Signalons que cette revue annuelle a vu la participation des représentants des différents ministères et institutions étatiques, partenaires du PNUD sous le leadership du ministère des Finances lors de cet atelier, les représentants des différents ministères.


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