IWACU 566

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IWACU N°566 – Vendredi 17 janvier 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Cossesona, la pieuvre ?

POLITIQUE

SOCIÉTÉ

AU COIN DU FEU

Loi communale : des innovations jugées opportunes

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Avec Boris Saint-Evrard Mucowintore

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Inondations à Gahahe: focus sur une famille éprouvée

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LA DEUX

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Vendredi, 17 janvier 2020 - n°566

Editorial

En coulisse

Sur le vif

4 édition du festival « Buja Sans Tabou » e

Mention très bien à la CNIDH Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

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Un lot de 750 000 livres bloqué en Tanzanie Ces livres destinés à équiper 50 Centres de Lecture et d’Animation Culturelle(CLAC) sont bloqués au port de Dar-Es-Salaam, depuis mars 2019. C’est le ministère de la Culture qui devait régler les frais de transport de 15000 USD comme convenu avec l’association Kira Burundi ayant collecté ces livres. Cette association envisage de chercher un autre pays preneur.

De nouvelles filières à l’Université du Burundi L’Université du Burundi ouvre son année académique le 20 janvier courant avec trois nouvelles filières, a annoncé François Havyarimana, recteur de l’UB. Il s’agit de la socio-anthropologie, journalisme et communication, administration et cartographie foncière. Cette dernière sera ouverte au nouveau campus de Buhumuza en province Cankuzo.

Sixte-Vigny Nimuraba, président de la CNIDH,

Ours Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction: Guibert Mbonimpa Rédaction

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our son implication dans la résolution du conflit entre la Cossesona et les syndicats des enseignants Sepeduc et Sygepebu.

En baisse

Diane Hakizimana, © Droits réservés

e torchon brûle entre la Coalition spéciale des syndicats des enseignants pour la solidarité nationale(Cossesona) et d’autres qui n’en font pas partie. Le principal point de discorde est le montant retenu mensuellement sur les salaires des enseignants. Pour ce consortium, la cotisation de 500 Fbu prélevée sur le salaire des enseignants est faite dans un esprit de solidarité nationale pour aider les plus nécessiteux. Ceux qui s’y opposent dénoncent une contribution obligatoire qu’ils qualifient de vol, de détournement de fonds. Ils estiment qu’ils sont saignés à blanc. «Nous contribuons aux élections, nous cotisons à l’INSS et la Mutuelle de Fonction Publique, etc. Pas question de continuer, de toucher encore une fois à notre salaire. » La détention dans les cachots de deux leaders syndicaux qui s’opposent à la logique de Cossesona envenime la situation. Gérard Niyongabo, représentant national du Syndicat des enseignants et professionnels de l’éducation (SEPEDUC) et Antoine Manuma, représentant national du syndicat SYGEPEBU (Syndicats général des enseignants et des professionnels de l’éducation du Burundi) sont accusés d’« imputations dommageables. » Leurs sympathisants dénoncent une intimidation, une politisation, une immixtion des pouvoirs publics, une discrimination antisyndicale. Pour eux, leurs chefs seraient plutôt victimes d’une pétition qui se faisait signer par des enseignants pour dire non au retrait forcé des 500 francs par mois sur les salaires. Un syndicat est une association de personnes dont le but est de défendre les droits et les intérêts sociaux, économiques et professionnels de ses adhérents. L’adhésion est libre et volontaire, c’est un choix. On s’y affilie sans crainte d’intimidation ou de représailles pour améliorer les conditions de travail. Contribuer à la solidarité nationale est une bonne action, un acte patriotique. Mais cela doit se faire dans un cadre approprié, avec le consentement des concernés. Le caractère obligatoire ne doit pas être ressenti. Au Burundi, l’enseignement est le principal secteur de la fonction publique qui compte le plus d’employés. Sa gestion exige une sagesse, un grand sens de responsabilité. Les syndicats ne devraient pas s’engager dans un bras de fer qui risque de faire trembler les murs de l’institution. Qu’ils privilégient le dialogue social, la concertation. Je salue et encourage la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, Cnidh, qui s’est saisie du dossier, qui écoute les parties en conflit pour trouver un terrain d’entente, sortir de l’engrenage afin de ne pas s’engouffrer dans un tunnel sans issue. Coup de chapeau ! Que d’autres institutions lui emboîtent le pas.

La Troupe Lampyre organise la 4e édition du festival « Buja Sans Tabou » sous le thème « Théâtre et Histoire », du 17 au 23 février 2020 à Bujumbura. Une occasion de découvrir, entendre, questionner, et investir l’histoire des quartiers Buyenzi, Bwiza, Ngagara, Nyakabiga, Bwiza et asiatique.

En hausse

Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza, Edouard Nkurunziza Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société et Culture: Clarisse Shaka, Environnement : Rénovat Ndabashinze

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our avoir volé un enfant de moins de trois mois en zone Kamenge.

Sport et Santé : Hervé Mugisha Equipe technique : Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

Un chiffre

COMMUNICATIONS GROUP «Pour toutes vos publicités, édition et impression»

IMPRESSION OFFSET ET NUMÉRIQUE FINITION, INFOGRAPHIE ET PRÉ-PRESSE

30 millions USD est le montant du don octroyé par la Banque mondiale au ministère de la Santé publique pour le projet relatif à la petite enfance et la maîtrise démographique.

Source : Ministère de la Santé publique.

Flyer Carte de visite Dépliant Livret

Affiche Brochure Papier en tête Magazine

Papier Autocollant Bloc-note Calendrier

Quartier INSS, Av.Mwaro N°18, Tél:22 27 82 21

Une pensée

« L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple. » François Bayrou

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L'ÉVÉNEMENT

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Cossesona, le syndicat qui fait arrêter les syndicalistes

Accusés d’ «imputation dommageable», deux représentants des syndicats Sygepebu et Sepeduc sont emprisonnés à Bujumbura. A l’origine, la résistance de ces syndicats à adhérer de force dans la Cossessona, la coalition des syndicats des enseignants. C’est la panique chez les autres affiliés… Par Edouard Nkurunziza & Rénovat Ndabashinze

De gauche à droite, Gérard Niyongabo et Antoine Manuma, les deux représentants des Sepeduc et Sygepebu.

L

es deux syndicalistes, désormais prisonniers, n’auraient jamais pensé que cela allait prendre une telle ampleur. Gérard Niyongabo et Antoine Manuma, successivement représentants nationaux du Sepeduc et du Sygepebu peu avant leur arrestation, pensaient débattre avec le représentant légal de la Cossessona, Victor Ndabaniwe. La discussion au sujet du retrait mensuel de 500 BIF sur les salaires de tous les enseignants était animée. Selon les témoignages, Victor Ndabaniwe, était alors tenant d’un «forcing compréhensible». Les deux syndicalistes eux avançaient une autre opinion privilégiant « le choix et la volonté» pour intégrer un syndicat. Bref, la liberté d’association. Le patron de la Cossessona leur opposait une «solidarité à tout prix». «Ndabaniwe disait que tous les enseignants, membres ou non de la Cossessona, doivent contribuer pour le bien de tout le monde», rapporte un témoin. Pas question de se soustraire de cette bonne initiative, expliquaitil. D’après lui, le Cossessona a aussi réclamé des avantages pour tous les enseignants sans exception aucune. Il évoquait notamment la réclamation et la lutte sans

merci contre les disparités salariales dont les premières victimes étaient des enseignants. Sauf que Gérard Niyongabo et Antoine Manuma savaient que lors de ces réclamations, Cossessona n’avait pas encore vu le jour...

Une pétition, la goutte qui fait déborder le vase Dans ce débat, Victor Ndabaniwe semblait ne pas comprendre pourquoi seuls Sepeduc et Sygepebu ne veulent pas adhérer

dans cette coalition qui compte pourtant déjà les 7 autres syndicats des enseignants. Les deux demeuraient en effet intransigeants : «L’adhésion à une organisation syndicale est personnelle et le virement permanent d’un mon-

tant du salaire d’un employé est conditionné au consentement de tout un chacun, lui-même attesté par une signature.» Le débat a continué à qui mieux mieux… Mais Niyongabo et Manuma, tous les deux de nature hostiles à toute décision non consensuelle selon les témoignages, ont menacé de porter plainte devant la justice si Cossessona retire unilatéralement les 500 BIF des salaires. Avant cette étape néanmoins, ils ont voulu savoir s’ils n’auraient pas tort. «Personne ne peut et ne pourra retirer de l’argent sur nos salaires sans notre consentement, faute de quoi, toutes les mesures prévues par la loi seront envisagées.» : cette pétition est lancée lundi 30 décembre indistinctement aux enseignants affiliés aux deux syndicats, à ceux syndiqués ailleurs ou non syndiqués. Très vite, la pétition va recueillir plusieurs signatures, les représentants de la Cossessona sont furieux contre ces représentants des Sepeduc et Sygepebu décidés à torpiller le projet. Leur persécution va commencer.

Des arrestations en cascade Cyriaque Manirakiza, le syndicaliste emprisonné à Muramvya.

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Antoine Manuma est arrêté mercredi 8 janvier vers 18 h, non


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L'ÉVÉNEMENT

loin des bureaux de la province de Rutana. Au même moment, en province Mwaro, Gérard Niyongabo se fait arrêter à Ndava. Les informations recueillies au chef-lieu provincial de Rutana soutiennent qu’Antoine Manuma a été arrêté par le chef des services de renseignements en cette province. Ce dernier aurait expliqué au prévenu qu’il est arrêté sur plainte de Victor Ndabaniwe et Emmanuel Mashandari, respectivement président et vice-président de la Cossessona. Il a été ensuite emmené manu militari au cachot du commissariat de police de Rutana. Ceux qui ont assisté à cette arrestation ont alerté sa famille. Désarroi et panique générale dans cette famille qui ne s’était pas encore remise de l’emprisonnement d’Antoine Manuma en 2015. Panique et désespoir encore une fois, en cette soirée du 8 avril, surtout que les mobiles de cette arrestation sont inconnus. Un membre de la famille qui a voulu garder

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Les deux seront conduits, deux l’anonymat s’étonne : « Incomjours plus tard à Bujumbura. préhensible que Mashandari soit Infraction ? « Imputation domparmi les commanditaires de cette mageable ». arrestation. Il était depuis longDans l’entretemps, Cyriaque temps parmi les principaux amis Manirakiza, représentant provinde Manuma.» cial du Sepeduc à Muramvya sera Selon leurs proches, des memarrêté lundi 13 janvier. Cet enseibres de cette famille restent gnant de Maths au encore traumatisés. Dans cette fra- « Incompréhensible Lycée Commude Shombo, trie de 5 enfants, le que Mashandari nal en commune et cadet, aujourd’hui soit parmi les province Murammalade, refuse de prendre des médi- commanditaires de vya est détenu au de caments. «Quand cette arrestation» commissariat police de Muramsa mère tente de vya. Contraireles lui administrer, ment aux deux autres syndicaliil lui répond qu’il ne peut pas les stes, il est accusé d’ «atteinte à la prendre tant que son père n’est pas sureté intérieure de l’Etat». là. C’est ce dernier qui les lui donnait d’habitude». Chaque matin, Une crise qui ne date pas au petit déjeuner, il refuse de d’hier… prendre le pain. «Il exige qu’il soit Selon les informations recueilservi par son père». lies auprès des membres des Le second-né de la famille, deux syndicats, la crise remonte depuis sa visite au commissariat en 2017. En réaction à la crise de police de Rutana, n’a pas pu alimentaire déclarée dans cergérer l’emprisonnement de son taines communes de la province père. «Il pleure à chaque souveKirundo, suite à la sècheresse, nir».

Cossessona a prélevé unilatéralement à tous les enseignants, une somme de 2000 BIF, en mars et en avril. A l’époque, les enseignants semblaient le comprendre en raison de la compassion qu’inspirait cette catastrophe naturelle. L’incompréhension ne tardera pas. Suite à l’ «opacité» de la gestion du montant collecté, différents syndicalistes ont introduit des plaintes. «Nous avons demandé le total du montant collecté, les dépenses faites et le solde qui reste dans les caisses », indique un des représentants du Sepeduc. Cossessona n’a pas su néanmoins répondre aux doléances. 2017 est passé, 2018 également. Des prélèvements unilatéraux reviendront dans les mois de février et mars 2019 pour, expliquait Cossessona, « assistance sociale. » Un retrait mensuel et à la source de 2500 BIF durant les deux mois selon toujours nos sources. Elle avançait notamment la nécessité d’appuyer les

enseignants qui se retrouvent dans « l’obligation de se faire soigner à l’étranger. » Une opération qui a révolté les enseignants, pour la plupart non membres de la coalition, avec en tête ceux des syndicats Sepeduc et Sygepebu. En réaction, Sepeduc a porté plainte, septembre 2019, au niveau du ministère de la Fonction publique. Des doléances qui n’ont pas eu de suite. Le Sygepebu écrira à son tour début octobre au même ministère avec les mêmes plaintes. En réponse, ce dernier leur dira que l’adhésion à un syndicat est volontaire et personnelle et la cotisation consensuelle. La déclaration par la Cossessona, en novembre 2019, d’un prélèvement mensuel de 500 BIF sur les salaires de tous les enseignants a été perçue comme un couteau qu’on tourne dans la plaie, commente un des représentants de la Sygepebu.

Réactions • L’action de la Cnidh saluée

• « Pas de dialogue en cours »

S

elon Egide Nkeshimana, viceprésident du Syndicat des enseignants professionnels de l’éducation (Sepeduc), les enseignants saluent l’initiative de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (Cnidh) d’organiser une rencontre avec la Cossesona. Mardi, 14 janvier, cette commission a réuni les deux syndicats (Sepeduc et Sygepebu) et cette coalition pour trouver une solution au différend via un dialogue. Pour lui, la CNIDH a constaté qu’il y avait des zones d’ombre dans l’opération de retenues de 500BIF faites sur les comptes des enseignants sans leur consentement. Insistant sur l’emprisonnement des trois syndicalistes, le vice-président du Sepeduc demande leur libération : « S’ils ont commis une infraction, ils peuvent comparaître librement.» Ce syndicaliste déplore même le fait que ces trois personnes ne sont pas accusées d’une même infraction. Et de préciser que Cyriaque Manirakiza, le syndicaliste de Muramvya est accusé d’‘’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat’’. Avec ces arrestations et emprisonnements, M.Nkeshimana souligne que les enseignants travaillent dans la crainte d’être arrêtés Réagissant sur les demandes de contribution à une urgence sociale, ce syndicaliste ne mâche pas ses mots : « C’est au chef de l’Etat de décréter une urgence sociale pour que l’on puisse contribuer. L’on ne sait pas si la Cossesona a remplacé le gouvernement.» Ainsi, il demande que la signature de la pétition des enseignants non favorables à la retenue de 500 BIF soit faite en toute sécurité. «Nous demandons qu’aucun ensei-

gnant ne soit plus arrêté pour avoir signé la pétition». La Cnidh a mis en place une commission pour travailler ce dossier. Son rapport est attendu fin de cette semaine.

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D’après Emmanuel Mashandari, vice-président de la Cossessona, il n’y a pas de négociation en cours entre les deux syndicats et sa coalition. « Ils sont allés sur les réseaux sociaux et ont écrit n’importe quoi». Il rejette cette idée selon laquelle la Cossessona a accepté de retirer la plainte. Interrogé sur l’arrestation et l’emprisonnement de Cyriaque Manirakiza, représentant du Sepeduc à Muramvya, il affirme qu’il n’en est pas informé. « Nous, nous avons porté plainte seulement contre ces deux qui se trouvent ici à Bujumbura». Pour lui, il faut attendre la décision de la justice.


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L'ÉVÉNEMENT

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ECLAIRAGE

Célestin Nsabimana : « Les questions syndicales se résolvent par les négociations et les concertations» Emprisonnement des syndicalistes, adhésion à un syndicat, retrait à la source des salaires, intimidations à l’endroit des enseignants non membres de la Cossessona, Célestin Nsabimana, président de la Confédération des syndicats du Burundi (COSYBU) fait le point.

Q

ue dites-vous sur l’emprisonnement des trois syndicalistes ?

C’est dommage que des syndicalistes soient emprisonnés surtout sur plainte d’autres syndicalistes. C’est cela qui fait mal. Pire encore, l’emprisonnement a eu lieu alors que nous étions dans des pourparlers pour trouver une solution au différend. Que savez-vous sur ce conflit et les différents protagonistes ? C’est en rapport avec la cotisation que la Coalition demande à ses affiliés. Nous voulions faire rencontrer toutes les parties. J’avais été contacté par le président de la Cossessona et le président de la confédération des syndicats libres du Burundi qui est aussi membre de cette coalition. Egalement, les deux syndicats non encore membres de la Cossessona à savoir Syndicat des enseignants professionnels de l’éducation (Sepeduc) et Sygepebu m’ont contacté. Nous avions fixé une rencontre au 15 janvier 2020, à 8 h 30 pour harmoniser les points de vue. Qu’est-ce qui s’est passé ? D’abord, moi-même je soutiens l’initiative de la Cossessona. La solidarité est une très bonne chose. Certains syndicats ont accepté d’adhérer avec des conditionnalités : ils ont besoin de savoir quel sera le mode de mise en œuvre de cette solidarité. Comment est-ce que la contribution sera retirée, payée et gérée ? Payée ? Et ils ont raison. De notre côté, nous avions même avancé plus loin. Nous proposions que la première étape soit de faire adhérer tout le monde à cette idée. Puis l’élargir

toucher, le concerné doit être à d’autres secteurs, la santé, remercier la Commission natioconsulté individuellement et l’agriculture, etc. Enfin, aller vers nale indépendante des droits donner son avis favorable. une solidarité santé pour tous les de l’Homme (Cnidh) pour son travailleurs. Comme implication dans la c’est le cas pour les Qu’en-est-il de l’adhésion à résolution de ce conflit. « L'adhésion autres pays, nous un syndicat ? Sous sa houlette, , nous est volontaire. avons échangé en toute pourrions créer des Tout coopératives pharElle est volontaire. Tout transparence avec ceux maceutiques. Et ce, adhérant, tout de la Cossessona qui ont adhérant, tout affilié le fait sans dans le cadre de forcing. Pour les cotisations, il d’enclencher le affilié le fait accepté l’économie solidaire. donne son autorisation pour processus de retrait de Et le dialogue a été sans forcing. » la plainte. J’attends la que le syndicat bénéficie de sa court-circuité. Par contribution. réponse d’Emmanuel surprise, trois syndicalistes ont Mashandari, vice-président de été emprisonnés. Quel est votre commentaire cette coalition qui avait promis sur ce phénomène où des de s’investir. Qu’avez-vous fait après ? défenseurs des droits des travailleurs font emprisonner Parmi les points de diverJ’ai appelé le président de la Cos- gence, il y a la question de d’autres syndicalistes ? sessona. Il m’a dit que ces syndi- retrait de cotisation à la source. calistes essaient de les traîner Est-ce légal de faire cette opéraC’est dommage. Avant dans la boue via les réseaux tion sur un salaire de quelqu’un c’étaient les services de l’Etat sociaux, qu’ils les ont injuriés. Et sans son accord ? qui faisaient peut-être arrêter il m’a affirmé que lui et son vicedes syndicalistes. président Emmanuel Mashandari Maintenant les choLe salaire d’un « Le salaire ont porté plainte à la Police judi- employé est sacré. Il ses tournent autred’un employé ment. Ce sont des ciaire. faut y toucher avec syndicalistes qui son consentement est sacré. Il Quelle a été emprisonner écrit et signé. Même faut y toucher font votre réaction ? d’autres syndicalidans nos contribuavec son stes C’est vraiment tions syndicales, Je lui ai répondu : c’est votre surtout ceux qui consentement étonnant. Les quesdroit le plus élémentaire, mais sont à la fonction syndicales écrit et signé. » tions on était dans les négociations. publique, ils sigse résolvent par Je vous conseille de suspendre nent eux-mêmes, les négociations et la plainte et qu’on poursuive la mettent leurs noms, le numéro la concertation et pas par la médiation. S’ils vous ont injurié, matricule et le montant à cotiser. police. Et c’est cela qu’on avait c’est à titre individuel. Ici, je dois Le salaire est individuel. Pour y commencé.

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Certains enseignants se disent intimidés par des administratifs pour adhérer dans la Cossessona. Qu’en dites-vous ? C’est déplorable. Je demande aux administratifs de ne pas se mêler des questions syndicales. Ils représentent l’employeur. C’est un clin d’œil que je leur fais. Il faut interdire cette ingérence de certains directeurs communaux ou provinciaux de l’éducation dans les affaires des syndicats. Qu’est-ce que vous demandez concrètement pour ces syndicalistes ? Nous demandons leur libération immédiate et sans condition. La coalition Cossessona a le droit de porter plainte. Mais, est-ce que c’est vraiment du flagrant délit pour que les gens soient détenus ? Est-ce qu’ils ne pouvaient pas répondre aux convocations librement ? Je ne pense pas que les trois syndicalistes allaient s’enfuir ou quitter le pays à cause de cette plainte. Si j’ai bien lu le Code pénal, la détention est une exception. Il y a la présomption d’innocence.


POLITIQUE

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Administration communale

Des innovations saluées L’Assemblée nationale a adopté, la semaine dernière, un projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi portant organisation de l’administration communale. Les politiques apprécient ce projet de loi qui, selon eux, va redynamiser le développement et l’administration dans les communes.

L

a campagne électorale pour les élections de 2020 approche. L’exécutif et le législatif s’activent pour mettre en place tout l’arsenal juridique nécessaire pour le bon déroulement du scrutin. La Loi fondamentale est là. Le code électoral est dans les mains de tous les compétiteurs. Il reste la loi sur l’organisation de l’administration communale afin que ces compétiteurs puissent arpenter les pentes des milles et une colline pour séduire l’électorat. Un projet de loi y relatif a été présenté et défendu, jeudi dernier, par Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur, devant les députés à l’hémicycle de Kigobe. Dans son exposé des motifs, le ministre Barandagiye évoque le souci d’harmoniser la loi portant organisation de l'administration

communale avec la Constitution en vigueur. Et d’ajouter qu’une telle loi vient répondre aussi au souci d’une bonne gestion des communes. La grande innovation est que « la commune est administrée par l’administrateur sous la supervision et le contrôle du conseil communal ». Auparavant, tient-il à rappeler, la disposition stipulait que « la commune est administrée par l’administrateur et le conseil communal ». « Du flou, on ne voyait pas celui qui était redevable », fait-il observer. Et d’ajouter, par ailleurs, que les conseils communaux devront refléter la diversité ethnique et de genre de leur électorat. Le projet de loi prévoit un mandat de cinq ans renouvelable pour l’administrateur communal.

Pascal Barandagiye : « L’expérience nous a montré que les communes dirigées par les administrateurs ayant un niveau universitaire ont eu moins de problèmes.»

« Nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs ».

Niveau universitaire exigé S’agissant du niveau universitaire exigé aux administrateurs, le ministre Barandagiye répond que c’est dans le cadre de redynamiser le développement de la commune. Selon lui, il y a des matières qui demandent un certain niveau de compréhension. Et de conclure : « L’expérience

nous a montré que les communes dirigées par les administrateurs ayant un niveau universitaire ont eu moins de problèmes.» Pascal Barandagiye estime qu’il y a des compétences qui manquent pour une bonne gestion de la commune. Ainsi, il propose l’introduction d’un secrétaire exécutif permanent qui serait de niveau universitaire. Un véritable technicien de l’administration qui s’occupera d’une façon régulière et surtout permanente de la

gestion de la commune. « Il ne sera pas tenté par des positionnements », espère-t-il. Pour lui, s’il y a des compétences, les caisses de la commune seront renflouées. « Nous espérons qu’il y aura des changements significatifs au niveau des recettes ». Répondant aux préoccupations des députés à propos du personnel qualifié de pléthorique, le ministre Barandagiye les tranquillise : « Il n’y a pas de personnel pléthorique. C’est dans le souci de faire face aux questions de gestion d’une commune dans le cadre de la décentralisation. Celle-ci doit être progressive.» Et de préciser que les attributions dudit nouveau personnel seront précisées dans le manuel de procédure administrative et financière, 5e édition, à élaborer aussitôt après la promulgation de la loi. Le nouveau personnel, ajoutet-il, a été introduit pour transformer la commune en un véritable pôle de développement. Par ailleurs, l’administration communale doit être un gouvernement local à part entière. «Nous avons voulu doter la commune de personnes compétentes pour redynamiser son développement ». Félix Haburiyakira

Réactions • « Il n’y aura pas de dérive autoritaire »

• « Il faut une équipe dirigeante performante »

I

l y avait des crocs-en-jambe entre l’administrateur communal et le conseil communal », fait observer Pierre Claver Nahimana, président du Frodebu. Pour lui, la commune doit être un véritable pôle de développement. Mais, déplore-il, cet objectif n’a pas été atteint dans certaines communes. Et de saluer l’introduction d’un poste de secrétaire exécutif permanent. « Il va s’occuper de la gestion quotidienne de la commune

et des questions de développement au moment où l’administrateur s’attèlera aux questions politiques et administratives ». Interrogé s’il n’y a pas

de risque de dérive autoritaire de la part de l’administrateur, M. Nahimana se veut rassurant : «La hiérarchie est là pour veiller sur ses prestations. »

• Renforcer l’autonomie de gestion » «Les innovations contenues dans ce projet de loi sont pertinentes », se réjouit Simon Bizimungu, vice-président du Cnl. De prime à bord, M. Bizimungu salue la limitation des mandats pour l’administrateur communal : «Certains prenaient les communes pour leurs propriétés privées.» Du

Kefa Nibizi, président du Frodebu Nyakuri, indique que le législateur a tiré des leçons des législatures précédentes : «Plus de la moitié des administrateurs communaux avaient été démis de leurs

fonctions par les conseils communaux qui avaient un pouvoir contraignant sur eux.» Il fallait corriger ces manquements pour protéger la fonction de l’administrateur. Quant au poste de secrétaire exécutif permanent, M. Nibizi estime qu’il faut renforcer l’administration pour qu’elle soit performante. « Nous sommes d’avis qu’il y ait une structure qui fasse le suivi régulier du fonctionnement de la commune ». En outre, Kefa Nibizi apprécie positivement le niveau universitaire exigé pour l’administrateur et le secrétaire exécutif permanent. « La commune est une entité administrative décentralisée, proche de la population. Il faut qu’elle soit gérée par une équipe dirigeante performante ».

• « Il y aura un changement significatif »

reste, il se félicite de la hausse du niveau d’études tant pour les administrateurs, les secrétaires exécutifs permanents, les chefs de zones et les comptables. «Nous cheminons vers une autonomie de gestion des communes. Mais à condition que la loi soit mise en application et surtout respectée ».

«L’administrateur va travailler dans la tranquillité », indique Kassim Abdoul, président de l’Upd-Zigamibanga. L’administrateur sera le seul redevable. A propos de la hausse du niveau d’études pour certains personnels de la commune, M. Kassim espère qu’il y aura un changement significatif dans sa gestion. Mais,

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nuance-t-il, cela ne signifie pas que le développement sera automatique. « Tout dépendra d’une bonne orientation du gouvernement ». M. Kassim estime que le mandat de l’administrateur peut être renouvelé, s’il fait preuve de compétence. F.H.


POLITIQUE

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Du passé composé au futur simple

S’unir pour être fort Diverses sources s’accordent à dire que c’est Ntare Rushatsi, le fondateur du Burundi. Pourquoi ? Qui sont les acteurs clés ? Y’a-t-il eu des résistances ? Qu’en pense la jeunesse ? Débat.

A

l’école, nous apprenons que le Burundi vient du verbe ‘’Kurunda’’. Un nom qui apparaît avec la venue de Ntare Rushatsi Carambarantama », défend Providence Niyogusabwa, lauréate de l’Université du Burundi, Département des langues et littératures africaines. S’exprimant, ce 9 janvier 2020, lors du débat des jeunes autour du thème : « Rôle et statut des clans dans la fondation de la monarchie au Burundi.» Elle souligne qu’avant ce roi, il y avait de petits royaumes sans administration centralisée. Chaque royaume étant composé d’un clan dirigé par un roitelet. « A la tête de chaque clan, il y a un chef clanique ou roitelet». Ainsi, raconte cette jeune femme, le roi Ntare Rushatsi décide de les mettre ensemble pour former un royaume fort, uni, appelé Uburundi. Il le dote d’une administration centralisée, d’une organisation militaire, etc. Mme Providence ne doute pas que c’est de là que même le Kirundi a pris la forme actuelle comme une langue. Pour sa part, Ernest Mugwaneza, un jeune licencié en Histoire affirme qu’il est difficile de répondre avec exactitude de quand date la fondation du

Burundi. « Même des historiens ne donnent pas des précisions. Ils émettent des réserves. Ils parlent d’Uburundi de Nyaburunga. Ce qui sous-entend que l’existence du Burundi est à situer avant Ntare Rushatsi. » M.Mugwaneza ajoute que d’autres écrivains indiquent que Ntare Rushatsi aurait rassemblé les différentes principautés, différents roitelets pour former le Burundi. « Mais, ils ne montrent pas avec précision d’où est venu ce roi. Les uns disent qu’il serait venu du Buha, d’autres du Rwanda (cycle de Kanyaru), du Ciel, d’une termitière, de la Kibira, etc » Pour lui, le grand mérite de ce roi est qu’il a pu mettre ensemble les différents clans et instaurer une administration centralisée. De son côté, Apollinaire Ndayisenga, un autre jeune licencié en Histoire, le foyer originel du Burundi actuel serait situé dans le Bututsi. Lui aussi déplore le fait que les historiens, ne montrent pas avec précision comment ce roi est arrivé au pays : « On fait recours aux récits légendaires. »

La survie et la sécurité Selon Mme Providence, avant Ntare Rushatsi, les relations entre certains clans n’étaient pas bonnes. « Ils ne pouvaient pas s’échanger des époux ou épouses. Parce qu’il existerait des clans porte-malheurs, des clans stériles, etc. » A un certain moment, raconte-t-elle, la pluie aurait tari. Par conséquent, il y a eu la sécheresse et la famine sur une longue période. Ces malheurs deviennent alors un danger commun. « C’est à cette époque que Ntare Rushatsi serait venu, accompagné de Kiranga, d’un faiseur de pluie et un sorcier». Miraculeusement,

Vue partielle des jeunes invités au débat

ce deuxième aurait fait tomber la pluie. Et les plantes repoussent. « Ntare est venu en libérateur. » Le fait de partager une même langue, culture, bien évidemment avec quelques petites nuances, a facilité la réunification, selon M.Mugwaneza : « Si au Bututsi, on parlait le français, à Buyenzi, l’allemand, etc, je ne pense pas que la réunification aurait été facile et rapide.» De son côté, Fidèle Bavumiragiye, un autre invité dans le débat estime que la naissance du Burundi est le résultat d’un consensus entre différents clans. « Il doit y avoir eu un leader qui a rassemblé ces roitelets parce qu’ils avaient des intérêts communs, des menaces communes. » Richard abonde dans le même sens.

Il évoque le rôle des rites religieux, du troc dans ce processus d’unification. En effet, expliquet-il, ces clans échangeaient des produits vivriers, artisanaux, etc. « Ils avaient des rites presque semblables. » D’autres n’écartent pas l’hypothèse de soumission. Cas d’Eric Hakizimana, un jeune licencié en Histoire qui pense que Ntare Rushatsi aurait soumis par force ces roitelets. « Il s’est imposé. Et ces roitelets n’avaient pas le choix que de se soumettre». Une idée d’ailleurs partagée par Dr Eric Ndayisaba, historien. Pour lui, Ntare Rushatsi est venu en force et il a résolu certains problèmes qui hantaient ces clans comme la sécheresse, la famine, etc. « Il est venu répondre

aux aspirations de la population». La cohabitation a été bonne après cette réunification, soutient Alexis Nsabiyera, un étudiant en Psychologie à l’Université du Burundi. « A la cour royale, les clans avaient des fonctions. Et d’ailleurs, on ne signale pas des résistances. » D’après lui, des conflits éclatent avec l’’instauration’’ des ethnies. Et Lambert Hakuziyaremye, un autre étudiant à l’Université du Burundi, de signaler que Ntare Rushatsi avait même mis en place un système judiciaire pour prévenir et résoudre les conflits. « Une organisation aussi militaire pour défendre le pays en cas d’agression». Rénovat Ndabashinze

Le point du vue d’un historien Aloys Batungwanayo, historien, affirme que ce sont des clans importants tels Abajiji, Abahanza, Abashubi qui sont à la base de la fondation de la monarchie au Burundi. Ils sentaient le besoin d’être forts, protégés. Selon lui, beaucoup d’écrivains disent que Ntare Rushatsi Cambarantama serait un Muhanza. Et il aurait été intronisé par les Bajiji. Et à la cour royale, différents clans avaient des tâches propres à eux. Mais, ce chercheur signale que différents auteurs indiquent que ces roitelets n’ont pas cessé immédiatement d’exister. Ce qui signifie que Ntare Rushatsi était le roi des roitelets. M.Batungwanayo pense que la réunification n’a pas rencontré beaucoup de résistance excepté le roitelet Ruhinda. Ce dernier a été vaincu et a fui vers Buhangaza (région située aujourd’hui en Tanzanie). Beaucoup de récits sur cette période sont légendaires, d’autres se trouvent dans

les écrits des colonisateurs. Insistant sur les ‘’Ganwa’’, il signale que le prince (Umuganwa) Charles Baranyanka précise bien que ce mot renvoie aux descendants du roi sur le trône. C’est-à-dire que si Roi Ntare Rushatsi ou Mwezi Gisabo est roi, ses descendants deviennent automatiquement des princes. « Car, il leur donnait des régions à gouverner. » A la tête des régions restantes, raconte M.Baranyanka, il plaçait d’autres fidèles appelés aussi Abaganwa (Princes). Et quand un Ntare cédait le trône, il était succédé par un Mwezi. Les anciens dignitaires (princes) non reconduits étaient directement appelés ‘’Abatahire’’. Pour le chercheur Batungwanayo, il est difficile de dire que les princes constituent un clan à part.

R.N.


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POLITIQUE

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Présidentielle, c’est qui le « bon » profil ?

S

’aligner sur la ligne de départ de la course à la présidentielle pour mettre en œuvre quelles propositions de valeur? Sur base de quel diagnostic de la situation du pays, secteur par secteur? Un simple catalogue de pratiques de mauvaise gouvernance, de violations des droits de l’Homme, de restrictions de l’espace politique à mettre au passif du parti au pouvoir et de son nouveau candidat, lui aussi comptable? Cela conduirait à se contenter d’un cautère sur une jambe en bois en guise de proposition. Déceler et oser s’attaquer à la véritable cause racine des symptômes - la qualité du leadership actuel est aussi un effet -, après avoir soulevé les strates des problèmes structurels et conjoncturels, c’est l’intelligence et le courage politiques en action. Miser sur sa jeunesse ou sa virginité politique, nourrissant l’espoir de forger son destin présidentiel en renversant la table, serait le gage d’une vacuité de la pensée politique. Laquelle est l’antichambre de la politique du y’a qu’à, prétendant pouvoir réussir là où les autres ont échoué. Ainsi le périmètre du

champ politique se circonscrirait aux effets d’annonce. Lire, aller à la rencontre des compatriotes aux quatre coins

du pays, multiplier les contacts, rechercher des connaissances… Pendant que d’autres se contentent de vivre. Ainsi se prépare

un candidat qui se veut porteur de propositions de valeur. Pour propulser le pays sur les rails du décollage économique

et du développement durable. S’engager dans la course à la présidentielle, c’est aller à la rencontre de son peuple pour converser. C’est avoir à dire pour que son peuple retrouve la foi en la politique. C’est distiller l’espoir dans les esprits que le politique peut transformer le quotidien. Gagner l’attention de son peuple se travaille sur le long cours - pas à la vitesse du son -, se mérite. La réduire à un tremplin pour lancer sa carrière politique ou se muer en candidat-marionnette pour donner le change sur l’ouverture de l’espace politique, c’est dévaluer la fonction présidentielle. Le culte de l’homme fort incarnant le changement est le ressort de la présidentielle, pour l’heure, au Burundi. Gagne la présidentielle - dans les conditions normales de température et de pression - celui qui est porté par une déferlante. En 1993, Melchior Ndadaye avec son parti Sahwanya-Frodebu restaure la démocratie. En 2005, Pierre Nkurunziza, leader du Cndd-Fdd, clos le chapitre de la guerre civile en 2003. Le 20 mai 2020, à qui le tour? Guibert Mbonimpa

Chronique sur les messages de haine

« Par déshumanisation, des violences de masse s’ensuivent et provoquent la destruction de la société » Certains discours tenus par les leaders politiques peuvent embraser la société. Jérôme Niyonzima, journaliste et coordinateur média au Search for common ground, nous éclaire sur la déshumanisation, souvent utilisée en période électorale.

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ue peut-on entendre par déshumanisation ? Par déshumanisation, on entend une communication qui déshonore, qui fait perdre la dignité humaine, le caractère humain à un individu, à un groupe de personnes. Ce langage se caractérise par un vocabulaire qui n’est pas propre à l’humanité. C’est-à-dire que des qualificatifs d’un animal ou d’un objet sont collés à une personne. Parfois, ce sont des mots grossiers. Des vocabulaires codés destinés à déshonorer la personne en question. Un exemple d’un langage déshumanisant ? Des gens traités de serpent. C’est traduire la rancune, la haine. Cela

sidérés comme des animaux, ils perdent automatiquement leur valeur humaine. Et si quelqu’un veut les écraser, il va se justifier par le fait d’avoir tué un serpent. Tertio, ces gens qui subissent cette discrimination ne se laissent pas faire. Ils cherchent à ce que leur dignité soit reconnue. Des violences de masse s’ensuivent et provoquent la destruction de la société.

signifie qu’une personne va être traitée de la manière dont on traite le serpent. Qu’il n’y a rien de bon en elle. C’est une mauvaise image. Quand est-ce que ce langage est souvent utilisé? Cette forme de communication se manifeste essentiellement chez les acteurs politiques. Elle est utilisée entre membres de groupes ou lorsque des intérêts sont en jeu. Ils ont l’impression que se partager ces derniers est impossible. C’est également entre deux catégories de personnes en conflit, notamment les incompréhensions du passé non résolues. Ils pensent que sans ternir l’image des autres,

ces derniers risquent de s’emparer de ce dont ils ont besoin. Quelles en sont conséquences? Il peut y avoir trois types de conséquences. Primo, c’est la discrimination des gens indexés. Ils

perdent tous leurs droits et faveurs auxquels ils peuvent aspirer en tant que citoyens de la nation. Ils sont considérés comme des vauriens. Secundo, c’est l’élimination physique de certains individus. Si les membres d’un groupe sont con-

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Que faut-il faire pour prévenir un tel langage en plein processus électoral ? Les membres de toutes les catégories sociales doivent s’abstenir de faire aux autres ce qu’ils ne veulent pas subir. Qu’ils comprennent que ces conséquences peuvent se répercuter sur eux et leurs groupes. Les acteurs politiques doivent être sensibilisés aux inconvénients des discours tenus en public. Ils devraient plutôt présenter des projets de société efficaces pour gagner l’électorat. Propos recueillis par Jérémie Misago


ÉCONOMIE

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La campagne café 2020-2021 est mal partie Les employés craignent le pire

31 stations de lavage de la Sogestal Kirimiro n’ont pas encore débuté les travaux pré-campagnes. Les caféiculteurs sont inquiets. Les employés des usines de lavage prédisent le pire. Chronique d’une catastrophe annoncée.

C

ette situation n’a jamais existé dans l’histoire de la campagne café », le verdict sans appel d’un producteur de café rencontré lundi 14 janvier à l’usine de lavage de Nyanzari sur la colline Songa de la commune de Gitega. L’usine de Nyanzari offre l’image d’une infrastructure abandonnée. Entre les tables de séchage, complètement usées, les herbes grouillent. Autour des cuves et du canal de gradage, des cultures verdoyantes de maïs. Le canal de gradage transportant les grains dépulpés de la dépulpeuse aux cuves de fermentation est en mauvais état : des trous sont visibles. Visiblement, les travaux préparatoires de la campagne café 2020/2021 ne sont pas pour demain. Excepté Luka, un caféiculteur, originaire de Songa, les lieux sont déserts. Interrogé, Luka confirme ce que tout visiteur soupçonne : la campagne s’annonce mal. « Je ne sais pas si cette usine va acheter notre récolte ou pas », lâche Luka. Le producteur confie qu’il s’est fait enregistrer pour écouler

Les tables de séchage de la station de lavage de Nyanzari en mauvais état.

sa production à la station. Après l’inscription, il a reçu un numéro. Mais personne ne le reçoit depuis la semaine dernière.

Les agriculteurs s'inquiètent Luka dit que les grains du café commencent à mûrir. D’ici un mois, il espère vendre les prémices. Mais à la vue de cette usine à l’arrêt, il est inquiet. À la Sogestal Kirimiro, un des gestionnaires des stations de lavage rencontré confirme les craintes des producteurs de café. «La station de Nyanzari n’est pas un cas isolé. Les activités préparatoires n’ont pas encore commencé dans 31 usines de lavage de la Sogestal Kirimiro». « Du jamais vu dans l’histoire de la campagne café », lâche

CNAC alerte M

êmes inquiétudes à la confédération nationale des caféiculteurs du Burundi (CNAC murima w’Isangi). Dans son intervention, lors de l’atelier organisé portant sur le lancement de la campagne café 2020-2021. « Les Sogestal achetant plus de 70% du café ne se préparent pas pour collecter la récolte du café», s’inquiète Macaire Ntirandekura, chargé de la plaidoirie. Les gestionnaires des Sogestal ont reçu des lettres de mise en demeure. Le gouvernement leur demande de payer les dettes et les arriérés de salaires des employés endéans huit jours. Faute de quoi, le contrat qui lie les Sogestal et le gouvernement sera résilié A ce que je sache, poursuit ce représentant des caféiculteurs, les Sogestal n’ont ni remboursé les dettes ni payé les employés. « C’est clair. Ils ne peuvent pas se lancer dans la préparation de la campagne », constate Macaire Ntirandekura. Ce représentant des caféiculteurs alerte. Aujourd’hui, aucune activité n’est entreprise dans les stations de lavage. « Nous ne sommes pas à la veille de la campagne

notre source. Dans la campagne précédente, précise-t-il, plusieurs travaux d’entretien se sont clôturés avec la troisième semaine du mois de janvier 2019. La situation est perdue, d’après lui. « Nous sommes très en retard. Même si nous commençons les travaux aujourd’hui, nous ne pourrons pas rattraper le temps perdu». Il égrène les problèmes : l’entretien des dépulpeuses exige plus de temps. Et certaines pièces, notamment les disques, sont réparés à Bujumbura. Or, les techniciens ne sont pas encore venus les prendre. Normalement, ils auraient déjà testé les dépulpeuses. Ainsi, les stations de lavage ne peuvent pas collecter et transformer la récolte de la cerise à temps. L’installation et le montage

de ces disques dans 31 stations de lavage prendront au moins 2 mois. Pour K.L, un technicien spécialisé, personne ne sait si les motospompes acheminant l’eau dans les dépulpeuses fonctionnent ou pas. Autre souci : aucune usine n’a fait l’essai de pompage. Si les motopompes ne font pas monter l’eau, les dépulpeuses ne peuvent pas tourner suite au manque d’eau. Dans ce cas, il faudrait acheter une nouvelle motopompe. Ce technicien fait savoir aussi que le réservoir d’eau de son usine s’est fissuré depuis l’année dernière. Ils ne peuvent donc rien faire sans eau. Et la réhabilitation ce réservoir prendra du temps. Il faut d’abord chercher les techniciens et faire la commande des matériaux de construction.

Les tables de séchage sont également en mauvais état. « Leur réparation est un travail de longue haleine. Une équipe de quatre personnes répare seulement deux tables de séchage par jour». Chaque usine compte au moins 200 tables. Pour les réparer en 25 jours, il faut au moins 16 ouvriers. Pour l’instant, la Sogestal n’a pas de matériaux nécessaires notamment les planches. « Elle devrait faire une commande. Ce qui prendra aussi du temps », poursuit-elle Habituellement, la Sogestal achète des planches. Elles sont stockées dans la cour de la station de lavage de Nyanzari. Toutes les stations venaient s’y approvisionner. Aucune planche en vue. Enfin, cet employé de la Sogestal Kirimiro indique que les usines n’ont pas encore commencé d’inscription des caféiculteurs. D’habitude, les caféiculteurs viennent s’inscrire dans les stations de lavage au mois de décembre. D’après lui, fin janvier de l’année dernière, presque toutes les usines avaient terminé l’inscription. A la mi-janvier de l’année dernière, il avait déjà enregistré plus de 500 caféiculteurs. Les conséquences de tous ces problèmes sur la production du café et les revenus des caféiculteurs sont inévitables. Les employés de la Sogestal Kirimiro sont très pessimistes sur la campagne 2020-2021.

café 2020-2021. Nous sommes en pleine campagne. Où les caféiculteurs vont-ils écouler leur production ?» Président de l’alliance des stations de lavage au Burundi Coffee Washing Station Alliance (COWASA) ne mâche pas ses mots : « Je ne peux pas mentir. Nous ne sommes pas en train de nous préparer à la campagne. » Ce dernier avance qu’ils ne savent pas le contenu de la stratégie de redressement et de la redynamisation du secteur café initié par le gouvernement. Selon cet homme d’affaires, aucun entrepreneur rationnel ne peut ouvrir son usine de lavage avant la fixation du prix du café cerise. Mwikomo Boniface, conseiller économique à la Deuxième vice-présidence et président du conseil d’administration de l’Autorité de Régulation de la Filière, fait savoir que le président n’a pas encore signé ladite stratégie. « Excusez-moi, je ne peux pas vous dire les détails de ce document». Pierre Claver Banyankiye

Macaire Ntirandekura « Nous sommes en pleine campagne. Où les caféiculteurs vont écouler leur production ? »

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ÉCONOMIE

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Sogestal Kirimiro

Les employés crient au secours Les employés sont dans l’angoisse. Ils n’ont pas été payés depuis l’année dernière. Or, la majorité du personnel ne vit que de ce salaire. Ils ont des familles à prendre en charge. Le désarroi est total.

N

ous sommes condamnés à mourir ici. Le gouvernement viendra nous enterrer d’ici peu », se lamente N.T, un ouvrier spécialisé à la station de lavage de Ruvubu. Ce dernier confie que la Sogestal lui doit 18 mois d’arriérés de salaire, soit, 1 260 000 BIF. Remonté, ce père de sept enfants, fait savoir qu’il s’est donné corps et âme : « Imaginez-vous passer 18 mois dans le froid nocturne de ce marais, sous les piqûres des moustiques sans toucher un sou. » Mine renfrognée, un autre père de quatre enfants expose son calvaire. Depuis le mois de septembre 2019, ces enfants ont été renvoyés de l’école faute de matériels et de frais scolaires. Pour le moment, il craint que sa famille ne meure de faim et de maladie. Pour lui, rien ne peut justifier ce retard de salaire. A la radio, explique cet employé, le ministre de l’Agriculture a déclaré que la récolte a été bonne et le café burundais a été primé pour sa bonne qualité. Comment expliquer ce paradoxe ? Son collègue M.N, ne mâche pas ses mots : « L’Etat nous a abandonnés ou bien, il ne se soucie pas de nous. » Ce dernier est dans le désarroi. Il est sous pression. Sa femme ne comprend pas comment son mari dit qu’il n’a pas encore touché son salaire alors que les caféiculteurs ont reçu leur part. «Elle m’accuse d’entretenir des concubines». Pire, ses créanciers menacent de le traduire en justice. Ils ne croient pas qu’une personne peut passer deux ans sans percevoir son salaire. Ces employés se disent délaissés par les responsables de l’usine. Ils ne savent pas à qui confier leurs problèmes. Le gérant de cette usine vient de passer plus de six mois sans y mettre les pieds. Ces derniers se disent pris aux pièges. Ils ne peuvent pas quitter la station pour chercher un autre emploi de peur qu’un vol soit commis dans cette usine et que cela leur retombe dessus. Ces employés ne sont pas seuls

La station de lavage de Ruvubu.

dans ce chemin de croix. Plus de 80 ouvriers n’ont pas reçu leurs rémunérations.

Des réclamations fondées, mais… D’après l’un des gérants des stations de lavage de la Sogestal Kirimiro, sous couvert d’anonymat, les frustrations de ces employés sont fondées. La Sogestal ne les a pas approchés pour expliquer pourquoi leur salaire tarde. « Si la personne qui te doit de l’argent t’expliquer pourquoi il n’a pas honoré son engagement. Cela montre sa bonne foi. C’est récon-

fortant », fait-il observer. Ce responsable fait savoir que plus de 4000 employés, 4000 ouvriers ordinaires, ne savent pas à quel saint se vouer. Ils réclament 13 mois d’arriérés de salaire. «Je dois plus de 6 millions BIF aux 200 ouvriers ordinaires». Ce gestionnaire raconte avec tristesse comment l’un de ses ouvriers a tenté de se suicider le mois dernier. Ses enfants sont malades et d’autres ont été renvoyés de l’école. A propos des accusations des employés qui se disent délaissés par les gestionnaires, ce respon-

sable ne nie pas les faits : « Nous avons honte d’y retourner. Nous leur avons menti à plusieurs reprises. Notre conscience nous accuse.» Certains hommes ont été chassés par leur femme. Pour le moment, ils ont déménagé. Ils survivent aux stations de lavage. D’autres sont malades. Ils ne peuvent pas se faire soigner. « Pensezvous que c’est facile d' aller voir des personnes dans de telles situations?» Par ailleurs, ces gestionnaires craignent pour leur sécurité. « Les ouvriers nous accusent de

ne pas plaider en leur faveur ». D’après une source proche de la Sogestal Kirimiro, cette société doit à 240 employés contractuels 1.117.000.000 BIF d’arriérées de salaire. Plus d’une centaine d’ouvriers travaillant sans contrat réclament au moins 120 millions.

Pourquoi la Sogestal ne paie pas ses employés ? Selon une autre source proche de la Sogestal, les prêts que les Sogestal avaient contractés auprès des banques en 2018 ne sont pas encore remboursés. Ainsi, au cours des deux dernières campagnes, les Sogestal ont remboursé les banques. D’après cette source, la dette n’a pas été totalement remboursée. Les Sogestal n’ont pas remboursé les banques de l’année passée parce que les prix ont fortement chuté sur le marché international. Le prix d’un kilogramme de café vert est passé de 210 à 85 cents. Par ailleurs, le gouvernement avait fixé le prix d’un kilogramme du café cerise à 500BIF sans tenir compte de cette chute. «Ce prix était supérieur au prix de vente ». Dans tous les cas, ce problème de financement n’est pas récent. Il ne date pas de 2008. Juste après la privatisation. Avant cette réforme, il y avait un fonds de stabilisation du prix du café. En cas de chute du prix du café vert sur le marché international, cette caisse remboursait les banques qui avaient prêté aux sociétés dépulpeuses. Aujourd’hui ce fonds n’existe plus. Il a été liquidé avec l’OCIBU en 2007. Pierre Claver Banyankiye

Sogestal Kirimiro

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AU COIN DU FEU

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Avec Boris Saint Evrard Mucowintore Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Boris Saint Evrard Mucowintore.

V

Le métier que vous aimeriez faire ? Le journalisme. Quand je regarde les nouvelles que je donne sur les réseaux sociaux et comment on me suit, je me dis que ça aurait été mieux si j’avais été journaliste.

otre qualité principale ? L’honnêteté. Quand quelqu’un me cause du tort, tout haut, je lui dis ce que je pense. Par vous -mêmes, vous pouvez le remarquer, sur les réseaux sociaux, je n’utilise jamais des comptes anonymes, j’assume ce que je dis et s’il m’arrive de me tromper je demande pardon.

Votre passe-temps préféré ? Échanger avec les amis. J’aime échanger avec les gens sur des sujets variés, tels que la politique burundaise. Mais aussi, les rencontres fortuites me fascinent. Avec le monde qui est devenu un village, on apprend beaucoup des autres.

Votre défaut principal ? La confiance. Je suis une personne qui communique avec les gens de tous les coins des cinq continents. Parmi eux, nombreux sont ceux que je n’ai jamais rencontrés. Des fois, il arrive qu’une personne me demande de l’aider pour un quelconque « fundraising » afin d’aller se faire soigner ou soigner un de ses parentés, par exemple. Le hic : quand la mission est bien accomplie, par après, je ne reçois pas de feedback. La qualité que vous préférez chez les autres ? La créativité. Je suis très émerveillé lorsque je vois certaines gens, surtout mes compatriotes, qui cherchent à innover malgré le manque de moyens financiers. Cela me pousse à me remettre en cause, à me demander si je ne peux pas faire comme eux voire mieux qu’eux. Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? Le mensonge. La femme que vous admirez le plus ? Kyria Irera. C’est une fille que j’ai rencontrée en 2010 et nous sommes devenus des amis. Après, j’ai su qu’elle est tombée enceinte. Elle a fait de moi son confident. Certes, elle n’avait aucune envie d’avorter ou d’abandonner ses études, mais pour une jeune pentecôtiste (Église Pentecôte), en plus qu’elle était encore mineure, pour elle, c’était dur à encaisser. Au lieu de tomber dans la dépression, elle s’est accrochée, elle a gardé le sourire. Aujourd’hui, c’est une belle maman de 25 ans. La façon dont elle a surmonté toutes ces épreuves pour être là où elle

Votre lieu préféré au Burundi ? L’ex-marché central de Bujumbura. Chaque fois que je suis au New-York Times Squares, je me rappelle cet endroit. Une place, si je peux me permettre servait à tâter « le poul de la vie du pays ».

est aujourd’hui a été pour moi une autre source d’inspiration. D’ailleurs, je viens d’écrire une chanson inspirée de son histoire. C’est une dédicace à toutes les filles et femmes, dont les petits amis ont nié la paternité de leurs enfants.

en charge. Là-bas, j’y ai fait deux semaines. Une joie immense. En fait, c’était comme si je vivais mon rêve. Je me rappelle qu’à mon retour, je suis allé voir Aloys Niyoyita, alors journaliste au studio IJAMBO. Il m’a dit : « Petit, tu es chanceux! » J’ai passé tout un mois à chanter à mes amis : « J’ai vu Ziggy Marley!!! »

L’homme que vous admirez le plus ? Président Vladimir Poutine. Son Votre plus triste souvenir ? aptitude à rester ferme et précis Le décès de ma mère sur ses décisions, sa propension à croire Quel serait votre plus « J’assume ce en ses forces et sa grand malheur ? que je dis et capacité à garder la Désormais, membre dignité dans toutes s’il m’arrive de du team management les circonstances, me tromper de Laurette Tetero (vicmême quand il se torieuse de Primusic, je demande édition 2019), mon plus sent seul, me faspardon. » cine. Ceci me semgrand malheur serait le ble indispensable non aboutissement de pour une personne ou un pays ses rêves. Celui de ne pas avoir qui cherche à se développer. une carrière internationale. Je ne sais pas si c’est de la malédiction ou Votre plus beau souvenir ? autre chose, mais tous les lauréats Le dîner avec la famille du Primusic et autres artistes qui Bob Marley (ses enfants et sa partent à l’étranger, s’éclipsent… grand-mère) 2005 en Éthiopie. J’ai eu l’opportunité d’aller à Le plus haut fait de l’histoire l’anniversaire de Bob Marley burundaise ? .C’est l’UNICEF qui m’avait pris Signature des accords d’Arusha :

le 28 août 2000. Pour moi, une date indélébile. Lorsque les anciens combattants se trouvaient encore dans des camps de cantonnement attendant la démobilisation, j’ai eu l’opportunité de passer dans deux camps pour sensibiliser sur le VIH/SIDA. Et regarder de près ces gens que nous croyions monstrueux, assis devant moi, m’écoutant attentivement, m’a ému. Tout compte fait, je me dis que ces accords étaient « oints », comme aiment le dire si souvent les protestants. La plus belle date de l’histoire du Burundi ? Le 5 février 1994 : date de l’investiture du président Cyprien Ntaryamira. Ce qui m’a le plus marqué, c’est son discours quand il insistait beaucoup sur la discipline. A mon avis, une qualité à tout prix qu’il faut développer dès le bas âge. La plus terrible date de l’histoire du Burundi ? L’assassinat du président Ndadaye Melchior, le 21 octobre 1993

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Le pays où vous aimeriez vivre ? Le Burundi. Certes, avec les réseaux sociaux, on essaie de suivre de près ce qui s’y fait, mais, ce n’est pas la même chose. Je ne souhaite pas rentrer seulement, je rêve d’apporter ma pierre à l’édifice d’un Burundi meilleur. D’ailleurs, je demanderais aux autorités qui vont lire cet entretien de me confier l’organisation de MissBurundi et de Buja fashion week. Avec mon expérience dans l’événementiel, je pense être à la hauteur. Le voyage que vous aimeriez faire ? En Espagne, précisément, à Madrid. C’est un rêve d’enfant : visiter le mythique stade du Real de Madrid : Santiago-Bernabéu. La raison est simple : je suis un fan invétéré de ce club. Votre plat préféré ? Uburobe n’umukeke wumye (pâte de manioc froide et poisson Mukeke séché). En tant que natif de l’Imbo, je ne crois pas qu’il y ait un plat aussi bon que celui-là. Votre chanson préférée ? Umugabo w’ukuri de Canco


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AU COIN DU FEU

Amissi. Les paroles de cette chanson sont d’une sagesse inouïe.

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Votre définition de la justice ? C’est le respect de la loi, de la personne humaine et une distribution équitable des ressources nationales

Quelle radio écoutez-vous ? Radio ISANGABIRO pour l’émission Trouvez-vous les jeunes investis, sensiMOSAIQUE et Buja fm pour l’émission bilisés dans la lutte contre le VIH/SIDA ? Hits Connection. L’émission Mosaïque Non. J’échange souvent avec beaucoup de parce qu’on invite des politiciens qui jeunes qui contractent le VIH du jour au jour. traitent différents sujets de la vie du Malheureusement, chaque fois, je constate pays. Quant à ce qui est de Hits Connecune imprudence notoire. Il suffit de voir les tion, c’est un baromètre de l’industrie chiffres des grossesses non-désirées qui ne musicale burundaise. Depuis que je suis cessent pas d’enfler. Ils doivent comprendre dans le team management de Tetero, que ce virus est encore là, cela me permet de connaître il rôde dans les parages. Si les astuces pour être un bon «C’est un rêve manager. d’enfant : visiter je vis avec le VIH depuis 35 ans, ça ne veut pas dire que le mythique tout le monde peut vivre Avez-vous une devise ? Créativité - détermination stade du Real de longtemps avec ce virus. - ponctualité. Madrid : Santiago- J’ai eu la chance d’avoir accès à un bon traitement, Bernabéu. . » ce qui n’est pas donné à Votre souvenir du 1er juin tout le monde. Eu égard à 1993 ? tout cela, j’estime que la prudence doit être Pas vraiment. de mise. Votre définition de l’indépendance ? Selon vous le gouvernement est-il sufÊtre autonome dans l’exercice de son fisamment investi dans cette lutte ? pouvoir et dans ses travaux. Mais, fautJe trouve que le gouvernement fait de son il que l’indépendance aille de pair avec mieux. Il suffit de voir combien décroissant l’autonomie économique. va le taux de séropositivité. Votre définition de la démocratie ? Si vous étiez ministre de la Santé pubC’est un système de gouvernement lique et de la lutte contre le SIDA, quelles dont le socle doit être la séparation seraient vos premières mesures ? des pouvoirs et où chaque citoyen est Je ne sais pas si cela un jour fera partie jugé dans le strict respect de ses droits de mes responsabilités. Mais, d’emblée, je et devoirs et non pas pour ce qu’il est.

proposerais une loi stipulant que chaque couple qui met au monde un enfant même s’il n’est pas marié, ait les mêmes responsabilités devant la loi qu’un couple marié. S’il se désiste, qu’il soit puni conformément à la loi des coupables. Ceci permettrait d’éradiquer les crimes et violences à l’égard de l’enfant.

Bio express

Si vous étiez ministre de la Jeunesse et Sport quelles seraient vos deux premières mesures ? Mettre en place dans toutes les écoles des professeurs qualifiés et qui sont capables de détecter les jeunes talents. Croyez-vous en la bonté humaine ? Oui Pensez-vous à la mort ? Oh absolument que oui! En ce moment, trois choses me viennent à l’esprit : - Le souvenir que les gens garderont de mon vivant. -L’ héritage que je vais laisser à mon pays. - Et la pertinente question : « Irai-je au paradis ? » Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous? Je lui dirai un grand merci pour sa grandeur et son amour sans limite.

C

onnu pour être le 1er jeune à avoir assumé publiquement sa séropositivité, Boris est né à Ngagara, le 20 avril 1984. Un pas, si l’on s’en tient à ses dires, lui a ouvert de nombreuses portes. Fondateur du Réseau National des Jeunes vivant avec le VIH/ Sida (RNJ+), le natif de Ngagara est aussi connu pour ses prises de position sur différents sujets qui intéressent la vie du pays sur les réseaux sociaux. Très impliqué dans l’événementiel, de son Canada(Montréal) où il vit, Boris a déjà organisé plusieurs évènements rassemblant des Burundais vivant au Canada. Actuellement, il est membre du team management de Laurette Tetero (la gagnante du concours Primusic 2019). M. Mucowintore est l’aîné d’une fratrie de trois garcons et d’une fille.

Propos recueillis par Hervé Mugisha

ANNONCE

Avis de recrutement : Un (e) Auxiliaire de l’administration Dans le cadre de la mise en œuvre et le suivi de son programme, l’ONG Service Chrétien International pour la Paix - EIRENE voudrait recruter un(e) auxiliaire de l’administration pour son bureau de Coordination qui se trouve à Bujumbura RoheroII, avenue Kunkiko n°35. A. Conditions 1.

2. 3. 4.

Le poste est ouvert à toute personne de nationalité burundaise ou étrangère détenant un permis de travail au Burundi. Nous encourageons particulièrement les femmes à poser leur candidature. Les dossiers incomplets ne seront considérés Uniquement les personnes présélectionnées seront contactées Tous(tes) les candidats(es) sont invités(ées) à mentionner leurs contacts (email et téléphone) et le numéro de sa carte d’identité (CNI)

B. Attributions : Sous la supervision du responsable de l’administration, le (la) auxiliaire de l’administration utilisera 100% de son temps pour : 1. assurer la conduite des véhicules de service pour les courses du bureau de la Coordination à Bujumbura;

2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.

faire le suivi de l’entretien et des documents fiscaux et administratifs du parc automobile de la Coordination et de tous les projets collaboratifs ; faire le suivi des carnets de bords des véhicules de la coordination et des projets collaboratifs ; gérer l’inventaire du matériel et du petit stock de la coordination EIRENE Grands Lacs gérer l’archive de la coordination gérer les courriers de la Coordination (Banque, poste, REGIDESO, ONATEL, Ministères et autres partenaires d’EIRENE) appuyer l’organisation des ateliers et autres rencontres internes gérer et faire le suivi des visas et des agréments des expatriés avec leurs familles

C. Qualifications, compétences et expérience requises 1. 2. 3. 4. 5.

avoir au moins un diplôme « Humanité Général » avoir permis de conduit de catégorie B et avoir des expériences de conduire des voitures « jeep » avoir une expérience d’au moins trois ans dans un poste similaire disposer des notions de base et expériences dans la mécanique des véhicules avoir une bonne maîtrise écrite et orale du français

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6.

disposer des bonnes notions dans Microsoft word et excel 7. avoir des bonnes manières et être conscient(e) de ses devoirs 8. avoir un esprit de travail en équipe 9. adaptabilité à un environnement multiculturel 10. être disponible immédiatement Toute personne intéressée par ce poste est priés d’envoyer son dossier comprenant : D. Contenu du dossier 1. 2.

Un CV actualisé et signé (maximum 2 pages) Une lettre de motivation adressée à Monsieur le Représentant régionale d’EIRENE Grands Lacs (max 1page) 3. Copie de diplôme certifiée conforme à l’original et attestation de services 4. Coordonnées de trois personnes de référence Tout autre document qui pourrait aider à valider les éléments du C.V Les dossiers seront envoyés en digital aux adresses suivantes : • eirene-grandslacs@eirene.org • finances.eirenegl@cbinet.net Date limite de réception des dossiers de candidature : le 26 janvier 2020


SOCIÉTÉ

Vendredi, 17 janvier 2020 - n°566

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Inondations à Gahahe : une famille inondée d’épreuves Les pluies du dimanche 12 janvier ont laissé des maisons des quartiers Carama et Gahahe détruites. Sur les traces d’une famille éprouvée.

U

ne grande maison, un bon travail dans une institution publique, un mari et six enfants adorables. Thérèse était une femme comblée avant la catastrophe du 12 janvier qui a presque tout emporté dans sa maison. Aujourd’hui, c’est une maman des plus désespérées, malheureuse, rencontrée, ce mardi 14 janvier. 19h, Thérèse sort enfin de son lit où elle vient de passer toute la journée, déprimée. Elle a demandé un toit, avec son petit garçon de 3 ans, chez une amie du même quartier. Ce cadet est traumatisé. Il est en pleine crise d’asthme. Il pleure tout le temps. « Maman rentrons chez nous. Allons voir Papa… » Thérèse se prépare, met son joli ensemble de pagne, presque le seul vêtement qui lui reste. Elle va voir ses enfants qui vivent séparément. Ils n’ont plus de domicile fixe. Elle quémande, chaque jour, un toit. Aujourd’hui, chez un voisin. Demain, chez un membre de la famille. Elle doit passer dans chaque famille pour s’assurer que les enfants ont passé une bonne journée. « Maman où sont les autres ? » lui demande son fils. Il s’inquiète pour ses frères et sœurs. « Maman, apporte-moi une brosse à dents s’il te plaît… » 20h et des poussières, il commence à se faire tard... Elle n’a pas encore vu les autres enfants. Elle le prend sur elle et lui répond en soupirant : « D’accord mon chéri, je te l’apporte tout de suite. »

Aucune assistance Thérèse doit aussi passer voir son mari qui est resté dans la maison inondée. Elle s’est transformée en un chantier. Elle n’est plus clôturée. La cour et la terrasse, jadis cimentées, se sont transformées en un sol détrempé et glissant. Quelques autres maisons d’à côté sont aussi détruites. A l’intérieur de la maison, l’eau a laissé place à des amas de boue qui se sont entassés jusqu’au niveau des fenêtres. Les meubles sont détruits. « Tous les stocks de nourriture ont été emportés, il ne nous reste rien », confie cette mère, les larmes aux yeux. L’endroit dégage une mauvaise odeur. « Probablement des poules et souris qui sont morts sous la boue », glisse le chef de famille. Ce dernier, tout trempé de boue, vient de faire quelques travaux

Gahahe, une maison inondée par les pluies du 12 janvier et abandonnée par son propriétaire.

Le caniveau d'1m 80 de profondeur s'est transformée en une rue.

dans la maison. Au milieu des amas de boue, un petit lit de fortune. « Je suis un père de famille. Je ne peux pas quémander un toit, je dois garder la maison, malgré tout. » Le 22 décembre dernier, ils ont vécu la même situation. Les eaux avaient envahi la maison. La famille avait même commencé à retaper la maison et acheter quelques biens qui étaient abî-

més. Le matériel scolaire, des habits… Mais tout a été emporté de nouveau. La maîtresse de maison affirme qu’ils avaient déjà utilisé environ 400 mille BIF. D’après le mari, quelques ménages avaient réussi à louer une machine pour enlever les amas de boue dans les rues. Les travaux avaient commencé, le même dimanche des intempéries. « Tout est encore détruit»,

désespère-t-il. Cette famille affirme que la Croix-Rouge et certaines ONG sont passées par là. Mais aucune action.

Une bombe à retardement… Cette maison, l’une des plus touchées par les inondations, se trouve à quelques mètres du caniveau où coule la rivière Gas-

enyi. Profond d’1m 80, d’après Thérèse, ce caniveau est rempli de sable et de cailloux. Or, quand la pluie tombe, le caniveau était censé transporter les eaux vers le bassin construit à quelques mètres. Mais désormais les eaux dévient vers les maisons d’à côté. Ces victimes confient qu’une commission avait été nommée pour s’occuper du curage de ce caniveau. Mais rien n’est encore fait. « Nous continuons de subir des malheurs alors que l’argent est là». Ces familles menacées sont en train de cotiser, à peu près 60 mille BIF par ménage, pour totaliser les 4 millions BIF requis pour le curage de ce caniveau afin de limiter les dégâts. 74 ménages sont concernés. Ils totalisent aujourd’hui environ 700 mille BIF. « Si rien n’est fait dans l’urgence, tout le quartier Carama sera inondé». Cette famille estime que ces inondations ont pour origine la mauvaise canalisation de la rivière Gasenyi. Des travaux réalisés par la société Abutip. Ces ménages crient au secours. A chaque coup de tonnerre, tout le quartier s’alarme. « Avant, la pluie était une bénédiction pour la population. Nous dormions bien quand il pleuvait. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus fermer l’œil». Le ministre en charge de la gestion des catastrophes, Alain Guillaume Bunyoni, a affirmé, mercredi 15 janvier, que certains de ces victimes ont fait des constructions illégales. « Pas d’émotion. Ils retourneront d’où ils sont venus. » Il précise que ceux qui sont dans la légalité vont être assistés et réinsérés dans leurs maisons. Clarisse Shaka

Quelques victimes en train de déménager, elles abandonnent leurs maisons.

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AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

Vendredi, 17 janvier 2020 - n°566

Gitega/Giheta

Plus de 20 tonnes d’huile d’avocat invendues

Depuis 2019, les agriculteurs d’avocats de Giheta n’arrivent plus à écouler leurs produits. L’usine de l’Associazione Amici Dell Africa ‘’Dutezanye imbere’’ qui achetait la plus grande partie de leur récolte pour extraire de l’huile est à l’arrêt. Elle a dans ses cuves des méventes de plus de 20 tonnes d’huile d’avocat. ducteur pointe du doigt une faible visibilité, les taxes ainsi que le coût d’exportation. « En attendant le développement du marché local, nous aurions pu les exporter mais les taxes et les frais de transport freinent toute amélioration possible de la situation. L’huile produite au Burundi est de loin la meilleure que celle venue d’Europe ou ailleurs. Mais c’est très cher de l’acheminer jusqu’ au Dares-Salaam ou au Kenya.»

De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

I

mplantée à Murayi commune Giheta depuis 2007, l’usine de transformation semi-industrielle Associazione Amici Dell Africa « Dutezanye imbere » fait partie des pionniers dans la promotion de l’huile d’avocat fabriquée au Burundi, avec de la matière première locale. Aujourd’hui, les machines sont à l’arrêt, 50 travailleurs sont au chômage. En attendant le déboucher, des dizaines de tonnes d’huile attendent dans les cuves hermétiquement bien fermées. « C’est un niveau qui devient critique puisque si on ne vend pas l’huile, l’argent ne rentre pas. On doit arrêter d’acheter les avocats de nos clients, mettre au chômage technique les travailleurs d’ici deux mois voire même toute une année », a expliqué Renato, le propriétaire d’usine. Selon lui, la cause de cette fermeture est due en grande partie à des tonnes d’huiles invendues et cela date des mois. Comme il

Région Sud

Elle assiste impuissamment Renato, le propriétaire, expliquant le fonctionnement des machines

l’indique, les Burundais habitués à consommer d’huile de palme ou de coton ne savent pas les bienfaits de l’huile d’avocat. D’après cet initiateur, c’est de l’ignorance, l’huile d’avocat est différente des autres huiles. L’avocat est le fruit qui contient la plus grande teneur en matières grasses de tous les fruits et légumes connus. L’huile extraite contient donc une bonne base d’acides gras insaturés et de vitamine E.

L’huile d’avocat est également connue pour préserver le système cardiovasculaire et avoir un effet régulateur sur l’insuline. On recommande de l’intégrer dans le régime alimentaire des personnes souffrant de diabète de type 2. « Utilisée crue, elle est aussi délicieuse dans les salades et dans le riz ou les légumineuses », ajoutet-il. A part la concurrence avec les huiles importées, le pro-

Aux alentours de Murayi ainsi qu’a Giheta, la population est déboussolée. Leurs avocats ne trouvent plus de preneur comme à l’accoutumée. La seule solution qu’ils ont, c’est de les laisser mûrir sur l’avocatier ou les brader chez les commerçants qui les vendent à Bujumbura. L’idée d’une fermeture de cette usine est un scénario catastrophique aussi bien au niveau du climat social qu’économique. L’ensemble des actions doit s’étendre à une régulation des conditionnalités en matière d’importation des autres huiles et aussi à veiller à ce que

l’huile importée soit de grande qualité. « Avec l’usine, tout le monde a planté deux ou trois avocatiers chez lui. C’était un bon business mais aujourd’hui les avocats sont trop nombreux jusqu’à ce que même les porcs ne les mangent plus », déplore Jacqueline rencontrée à Murayi venue s’enquérir des nouvelles de l’usine. Que ce soit à Murayi ou au chef-lieu de la commune Giheta, la situation est la même, personne ne veut plus acheter un avocat. « Comme il y a trop de sacs d’avocat à amener vers Bujumbura tout le long de la route de Giheta jusqu’à Kibimba, les chauffeurs ont majoré le prix de transport. Un sac était à 10. 000Fbu, maintenant même à 15.000Fbu il arrive que les chauffeurs n’acceptent pas. Sans oublier aussi que les prix de vente ont chuté», souligne Egide. Aujourd’hui ce qui est sûr dans la ville de Gitega où ces fruits étaient très chers, ils sont vendus comme des arachides. Au grand bonheur des citadins qui ne manquent plus un avocat pour garnir leurs tables à manger.

Bururi

Reprise de l’exportation des produits Brarudi Après six mois de suspension de l’exportation des produits Brarudi . Les commerçants burundais et congolais sont satisfaits mais le consommateur local se plaint de la rareté et la cherté de certaines boissons. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

D

es camions de la société Brarudi se suivent pour déposer les boissons au port de Rumonge destinées à l’exportation vers les différentes localités du sud Kivu en République démocratique du Congo. C’est surtout les boissons Amstel et Primus qui sont exportées. Des pirogues assurant le transport de ces produits se sont multipliées, des gens sont nombreux à ce port, le commerce y est florissant. Les mouvements transfrontaliers ont augmenté et il y a pour le moment de l’ordre car ce sont des commerçants qui collaborent avec la Brarudi qui ont le monopole d’exportation, a indiqué le responsable du port de Rumonge. L’autorité maritime

portuaire et ferroviaire enregistre des recettes à travers les taxes et autres redevances perçues sur les bateaux qui accostent à ce port. N.A, un cambiste, se réjouit de la reprise de l’exportation de ces produits car l’activité commerciale était morose au port de Rumonge. Maintenant, la majorité des Congolais viennent à Rumonge pour s’approvisionner en produits Brarudi et apportent certaines marchandises comme le poisson, le manioc, le charbon et les planches. Amissa Nahayo, une femme qui tient un restaurant à ce port se dit très satisfaite par la reprise de l’exportation des produits Brarudi car elle avait fermé son restaurant. « Sans exportation des produits Brarudi, les activités commerciales sont au ralenti et les conséquences touchent beaucoup de personnes même les services qui

Les produits Brarudi avant le chargement dans des pirogues et des bateaux

perçoivent des taxes et impôts à ce port », a-t-elle martelé.

Satisfaction mitigée Gaspard Berahino, un petit consommateur local et amateur d’Amstel rencontré à ce port indique qu’on ne peut pas trouver cette boisson dans les cabarets et bistrots de la ville. « Même si les produits exportés sont achetés en dollars il faut penser aussi

à satisfaire la clientèle locale pour plus d’équité. » Il demande au ministère du Commerce en collaboration avec la Brarudi de bien réguler la commercialisation de ces produits pour satisfaire la demande locale. Georges Gahungu qui tient une buvette dans la ville indique qu’il s’observe une pénurie des boissons Amstel et des limonades. « Nos clients ne savent plus à quel saint se vouer. Il faut une distri-

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bution équitable de ces produits. Sinon, on risque de voir toute la production exportée en foulant au pied les droits du consommateur local. » Sachez que ces produits Brarudi sont exportés vers les petits centres se trouvant sur le littoral du lac Tanganyika, dans le territoire de Fizi au sud Kivu, Ubwari, Mboko, karamba et kazimiya et aussi dans la ville de Kalemie.


AU CŒUR DU PAYS

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Cibitoke/Rugombo

Région Ouest

Contraints à travailler dans les champs en R.D.Congo Ces anciens occupants de terres appartenant autrefois à l’industrie agroalimentaire de Rugofarm dans la commune Rugombo ont fui le pays par peur de la prison. En RDC, ils cultivent des terres pour trouver les frais à rembourser aux banques contractées avant d’être expropriés par l’État. De notre correspondant Jackson Bahati

A

rrivé à la rivière Rusizi séparant la commune Rugombo de la province Cibitoke et le groupement d’Itara-Luvungi en République Démocratique du Congo, on observe un mouvement de Burundais qui migrent vers ce pays avec leurs enfants et leurs biens. De l’autre côté de la frontière, d’autres Burundais sont déjà à pied d’œuvre en exploitant les terres congolaises. Le kirundi est parlé dans les champs de riz, maïs, haricots, champs en bon état occupés par les Burundais dont la plupart ont fui la province Cibitoke après avoir été expropriés par l’Etat burundais. Selon ces Burundais rencontrés sur place, ils ont fui la province Cibitoke il y a deux mois de peur d’être emprisonnés

À l'oeuvre dans les champs congolais pour pouvoir rembourser les crédits des banques

car, en exploitant ces terres, ils avaient contracté des crédits auprès d’institutions financières. D’après Elysée Ndenzako, un Burundais trouvé au champ du riz qui a été exproprié de son champ de 10 hectares, il

avait contracté un prêt dans une banque. Ce père de 6 enfants âgé de 56 ans a jugé bon de quitter la province Cibitoke vers le Congo dans le groupement d’ItaraLuvungi, plaine de la Rusizi territoire d’Uvira, afin de voir com-

ment travailler et gagner de l’argent à rembourser.

Travail apprécié

tout dans les groupements d’ItaraLuvungi, Kakamba, Luberizi et Sange dans la plaine de la Rusizi. Les autorités locales de ces groupements saluent leur dynamisme. Un des chefs coutumiers du groupement de Kakamba, Jadot Sogoti Rusimbi promet son soutien et apprécie le fait qu’ils ne présentent aucun danger pour la sécurité du pays. Ces autorités congolaises appellent à nouveau les Burundais qui veulent vivre au Congo en cultivant à s’y rendre et surtout ceux qui veulent exploiter ces vastes étendues de terres car le pays va profiter de l’augmentation des vivres. Béatrice Nyabenda, directrice provinciale de l’environnement, agriculture et de l’élevage à Cibitoke demande aussi à ceux qui exploitent actuellement cette ancienne propriété de l’industrie agroalimentaire Rugofarm de respecter les normes de l’État de peur d’être expulsés de ces domaines.

Ces Burundais ont déjà exploité beaucoup de terres en RDC, sur-

ANNONCE

����� � ������������ – �ppui � la création d’entreprise L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Ambassade de France au Burundi (AFB) favorisent l’employabilité des universitaires en menant diverses actions, dont celles consistant à d��elopper la �ulture et la pratique de l’entrepreneuriat� C’est ainsi que l’Antenne Afrique des �rands Lacs (AA�L) de l’AUF, en partenariat avec l’AFB et avec la collaboration technique du Burundi Business �ncubator (BB��), lance pour la deu�i�me année consécutive un appel à candidatures pour la s�le�tion de ��� personnes qui ��n�fi�ieront entre jan�ier et no�e��re ���� d’un appui à la création d’entreprise, appui constitué de formations, compétitions, valorisations et accompagnements divers� Cet appui se fera dans le cadre du � Projet d’Appui à la Professionnalisation des �ni�ersit�s du ��rundi � (�A�UBU) de l’AFB mis en œuvre par l’AUF� �bjectif � faire na�tre au �urundi d’ici fin 2020 de nou�eau� entrepreneurs et e�plois, et donc de nou�elles entreprises et�ou de nou�eau� produits�ser�ices, �r�ce � un processus entrepreneurial structuré et éprou�é, objet de l’appui susmentionné� �ublic cible �

�alendrier (des principales activités) � ➢ �estion des candidatures (lancement, sélection et inscription des sélectionnés) � du �� au �� janvier �

Le public cible est constitué des personnes qui � ✓ sont étudiant(e)s ou dipl�mé(e)s universitaires � ✓ ont � idée/projet d’entreprise (à créer ou consolider) � ✓ recherchent essentiellement un appui technique (formations, accompagnements, valorisations, etc�) � ✓ sont suffisamment disponibles en ���� pour recevoir cet appui�

➢ �ormation de base en entrepreneuriat (classique et durable) � du � au �� fé�rier � ➢ �oncours d’idées ou de projets d’entreprises � entre le �� février et le �� mars � ➢ �ormation ����� (à l’élaboration de plan d’affaires) � du �� mars au �� avril � ➢ �oac�in� pour le démarrage des entreprises � de mi�mars à mi�novembre � ➢ �ormation �usiness �d�e (pour la gestion d’entreprise) � entre les � et �� juillet�

• �iens pour candidater en li�ne � https://bit.ly/2FIwDgN

ou

https://bit.ly/36D2Ima

• �élai de candidature � 22 jan�ier 2020 � •

Adresse d’information � papubu��20�auf�or��

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

�le�is ���������, �irecteur de l’AA�L�


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SPORT

Vendredi, 17 janvier 2020 - n°566

Volleyball

Les joueurs sont de retour sur les parquets Samedi 18 et dimanche 19 janvier, débutent le tournoi d’ouverture. Au vu des recrutements effectués par différentes équipes, une saison prometteuse.

A

près les débuts réussis de nouveaux adhérents, en l’occurrence Gacosmos et Bisoro Volley club, tous les spectateurs attendent leur confirmation. Preuve de ses ambitions, Gacosmos n’a pas lésiné sur les moyens. Pour sa 2e année dans l’élite, le 3e de l’année passée a revigoré son effectif. Il s’est attaché les services de l’ossature du club Rukinzo. Allusion faite à la venue des attaquants Richard alias Yaka, Innoncent, Eric etc. D’après ses fans, des recrues qui devraient compenser les départs vers Rukinzo de Ntwari. Pour nombre d’observateurs, une armada offensive qui permettra à l’arrière jeune garde de gagner en expérience. Idem pour Bisoro Volleyball Club. Pour cette année, la formation en provenance de Mwaro rêve grand. Comme en témoigne le recrutement de Bruce, Lionnel, tous anciens sociétaires de Bujumbura Uwezo Wa Ndani(BUN). « Des éléments aguerris qui, sans aucune difficulté, se fondront dans le moule de l’équipe », confie Charles

La course pour le titre s’annonce disputée.

Niyongabo, son coach. Arthur Baziri, secrétaire de l’AVAB, estime que cette nouvelle configuration rendra le championnat encore plus compétitif. « En plus du beau jeu, cela permettra la détection de nouveaux talents ». Les clubs tels que Amical Sportif de Bujumbura(ASB), Rukinzo, Muzinga, bien qu’ils restent de

sérieux prétendants pour le titre, cette saison, indique M. Baziri, ils devront batailler dur jusqu’au sacre suprême. Une particularité, pour cette saison, plusieurs équipes évolueront avec des joueurs issus des écoles de volleyball. Chez les filles, après un passage éclair, Rumuri ne sera pas de la partie. Cette année, la forma-

tion de l’Université du Burundi a préféré tirer un trait sur la compétition. Selon de nombreuses sources, c’est une conséquence de l’absence d’une pépinière capable de former de nouvelles joueuses.

Des abandons Autre nouvelle peu rassurante, New Colombe risque de ne pas

prendre part au championnat. Si l’on en croit certains témoignages, certaines joueuses avec l’aval de leur coach auraient décidé de quitter le navire pour former un autre club, Panthers Team. Sinon, Muzinga Dames, Gender Light Club et Les As seront de la partie. De retour dans les compétitions continentales, les équipes burundaises espèrent redorer le blason du volleyball burundais. «Une autre source de motivation qui fait que le championnat soit davantage palpitant», estime Anne, une supportrice. Toutefois, dans cette quête de retrouver ses lettres de noblesse, des efforts s’imposent. « Les finances des clubs sont exsangues. C’est une lacune de taille qui n’est pas prête d’être comblée si des sponsors ne viennent pas à notre rescousse», déplore-t-elle. A l’instar des clubs de la sousrégion, elle suggère que les entreprises soutiennent les équipes. « Cela leur permettrait de se faire connaître davantage ». Au programme, parmi les chocs de la journée de samedi : Gacosmos croise le fer avec Amical au terrain I de Toyota à Gikungu I à 9 h. Chez les filles, Gender Light Club sera opposé à Muzinga au terrain II de Toyota à 9h. Les finales se jouent dimanche le lendemain au terrain du département des Sports. Hervé Mugisha

Basketball Victorieux de la Somalie (106-86), mercredi 15 janvier, pour son 1er match, la sélection nationale a fait taire ses détracteurs. Pour son staff technique, un bon début qui augure de bonnes choses.

A

nticipatifs dans les phases de construction, communicatifs sur le terrain... N’eût-été les quelques pertes de balles au début de la rencontre, les protégés d’Olivier Ndayiragije, sélectionneur, ont signé une belle entrée dans le tournoi. Dès l’entame du match, toutes

les deux équipes désirent vite prendre les commandes. Les Burundais sont les premiers à ouvrir les débats. Après deux minutes de jeu, les protégés d’Olivier Ndayiragije mènent 15-9.Un sacré revers qui réveille les ardeurs des Somaliens. Grâce à un Jean et Guibert de gala, les Burundais maintiennent l’écart. Leur adresse sur 3 points et surtout leur communication en défense sonne le réveil de leurs coéquipiers. Alvin, en tête de liste, s’illustre par les contre-attaques. En manque d’inspiration, les Somaliens s’en remettent à Qaafaw. A lui seul, il score plus de 15 points en 1ère période. Un répit de courte durée puisque les Burundais

reprennent les commandes. De retour des vestiaires, le Burundi enclenche la vitesse supérieure. Grâce à une attaque remodelée, tout le banc des Burundais prend feu. A l’instar de Mbuyi qui va scorer plus de 10 points en troisième quart temps. Sonnés, les Somaliens vont multiplier des pertes de balles qui vont profiter à leurs adversaires. Le match se termine sur un écart de 20 points. Un bon début en attendant le test contre le Sud Soudan, jeudi 16 janvier. Au moment où nous mettons sous presse, le Burundi vient d'être étrillé par le Sud-Soudan (59-100). La sélection nationale tentera de se racheter face aux hôtes kenyans, ce vendredi 17 janvier 2020. H.M.

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Qualifications Afrobasket : belle entrée en matière du Burundi

Pour se qualifier, le Burundi doit remporter les matches restants.

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