IWACU 564

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IWACU N°564 – Vendredi 3 janvier 2020 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

15 ans pour une blague sur WhatsApp

POLITIQUE Du passé composé au futur simple : la jeunesse s’interroge sur son passé

AU COIN DU FEU P.4

Avec Lambert Nigarura

P.19


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 3 janvier 2020 - n°564

En coulisse

En hausse

Sur le vif

Alain Guillaume Bunyoni désormais «Maréchal» Quand l’humour devient réquisitoire Par Abbas Mbazumutima Directeur adjoint des rédactions

L

e réquisitoire de 15 ans d’emprisonnement pour les quatre journalistes d’Iwacu et leur chauffeur, assorti d’une demande du Ministère public d’être frappée d’une incapacité électorale temporaire et de la saisie de leur matériel, véhicule, appareil photo, enregistreurs, téléphones portables, chargeurs, carnets de notes jusqu’aux cartes nationales d’identité, fait froid dans le dos. Lors de cette annonce, le public est resté pendant un bon moment sonné, sans voix, à l’issue de cette audience publique du 30 décembre 2019 dans une des salles du Tribunal de Grande Instance de Bubanza. Pourtant, l’assistance avait été convaincue par les arguments des 5 prévenus et leurs avocats. Le ministère public n’avançait qu’un seul argument : le message de la journaliste du service politique au Journal Iwacu envoyé à un collègue disant que ‘’l’équipe se rend à Musigati pour soutenir les rebelles’’. C’est tout. Aucun autre message compromettant n’a été trouvé dans son téléphone passé au crible par les services de renseignement. La journaliste, très expérimentée et juriste de formation a expliqué que ce message était juste de l’humour noir, juste pour rigoler, décompresser, qu’il y a même un autre, non considéré par le ministère public, - on ne saura jamais pourquoi -, disant que ‘’l’équipe se rend à Musigati pour en découdre avec ces gens qui veulent perturber la paix et les élections’’. Ce message qui prend à contre-pied le premier, brandi par le ministère public, prouve à suffisance que ma consœur même quand elle lance des blagues, le respect du principe d’équilibre des propos pour ne pas dire de l’information, est toujours dans ses réflexes. Les avocats expliqueront que la ’’complicité avec les rebelles’’ avancée par le ministère public ne se justifie pas, qu’elle ne peut pas se concevoir après les faits puisque ces journalistes sont partis à Musigati des heures et des heures après les affrontements, vers 13h pour collecter des témoignages de la population refugiée au chef-lieu de la commune après les tirs nourris entendus à l’aube. Leur travail sur terrain sera de courte durée : 8 minutes ! La police a débarqué pour embarquer sans ménagement ces journalistes. Leur calvaire venait de commencer. Le reste est connu. Un autre détail sur le professionnalisme de la journaliste Agnès Ndirubusa a frappé le public. La journaliste avait fixé pendant le trajet vers Musigati des rendezvous pour des interviews avec le premier vice-président notamment, le porte-parole de l’armée et d’autres autorités afin de faire un article équilibré, complet, à paraître le vendredi de la semaine fatidique. «Au commissariat provincial, je ne réalisais pas que nous étions déjà arrêtés. Je voyais déjà mon papier, différents angles et intervenants, des photos de la population obligée de fuir les affrontements avec leurs témoignages, le côté humain quoi », me confiera, avec des larmes dans la voix, une semaine après son incarcération avec ses collègues. Un papier qui ne paraîtra jamais. Voilà, celle que le ministère public présente comme « complice des rebelles » : une journaliste obsédée par la recherche de la vérité, l’équilibre de l’info. Si Agnès est complice de quelque chose, elle est complice de la recherche de la vraie information. Une journaliste dans l’âme. Il ne me reste qu’une petite prière : «Fasse Seigneur que les juges disent le droit, rien que le droit, qu’ils n’aient d’injonction que celle de la loi, de leur conscience professionnelle». Amen.

La police de Rugombo,

L’ancien commissaire de police chef (CPC) Alain Guillaume Bunyoni, ministre de le Sécurité publique, a été élevé mardi 31 décembre au grade de commissaire de police général, équivalent de maréchal dans l’armée. Quant aux commissaires de police principaux, André Ndayambaje et Godefroid Bizimana, ils sont désormais des CPC, équivalent de lieutenant général dans l’armée.

L’arbitre burundais Georges Gatoto sélectionné par la CAF

Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa

P

our avoir saisi 611 pagnes d’origine congolaise non dédouanés, jeudi 26 décembre, sur la colline Mparambo II, commune Rugombo, en province Cibitoke.

La banque agricole pour bientôt Le président de la République a annoncé, mardi 31 décembre, dans son message à la nation, qu’une banque agro-pastorale sera bientôt mise en place pour faciliter les crédits aux agriculteurs et aux éleveurs. Parmi ses avantages, les crédits ne seront pas conditionnés à une quelconque hypothèque.

Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga

Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza Edouard Nkurunziza

En baisse

Les administratifs à la base à Rugombo,

P

our avoir fermé les yeux face à la contrebande des pagnes en provenance de la RDC.

Georges Gatoto est le seul burundais sélectionné par la CAF pour arbitrer le championnat d’Afrique des nations (CHAN 2020) qui se tiendra au Cameroun à parti du 4 avril prochain. Il sera parmi les 20 arbitres centraux.

Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société: Clarisse Shaka Jérémie Misago Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza

ANNONCE

Equipe technique: Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

AVIS DE REPUBLICATION DE POSTE PNUD – Deux Analystes Financier(e)s (Paludisme, VIH et Tuberculose), pour le compte de l’Unité de Gestion du Programme du Fonds Mondial au Burundi (Deux postes) Le Programme des Nations Unies pour le Développement au Burundi (PNUD) recrute pour le compte de l’Unité de Gestion du Programme du Fonds Mondial au Burundi, Deux Analystes Financier(e)s (Paludisme, VIH et Tuberculose), Bujumbura, BURUNDI

Titre

Grade

Durée

Type de contrat

Deux Analystes Financier(e)s (Paludisme, VIH et Tuberculose)

SB-4

Une année avec possibilité de renouvellement

Contrat de service

Date limite de réception des candidatures Le 06 octobre 2019

Toutes les informations y afférentes se trouvent sur le site global du PNUD : http://jobs.undp.org/. La soumission des candidatures se fait uniquement en ligne via le site http://jobs.undp.org/ . Les candidatures féminines qualifiées sont fortement encouragées.

Un chiffre

117863 est le nombre des nouvelles personnes inscrites lors de l’enrôlement partiel des électeurs.

Source : Commission Electorale Nationale Indépendante

Une pensée

« C’est parce que je veux la souveraineté nationale dans toute sa vérité que je veux la presse dans toute sa liberté. » Victor Hugo

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L'ÉVÉNEMENT

Vendredi, 3 janvier 2020 - n°564

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Victimes d’une blague sur WhatsApp 15 ans de prison requis pour une blague. Le réquisitoire est lourd pour les 4 journalistes d’Iwacu et leur chauffeur : 15 ans et d’autres peines encore. Le ministère public ne se base que sur un message d’Agnès Ndirubusa pour incriminer toute l’équipe. Retour sur cette audience du 30 décembre 2019 au Tribunal de Grande Instance de Bubanza.

I

l est presque 9 heures quand plusieurs silhouettes vertes entourées d’autres formes en bleue descendent en marche synchronisée le sentier séparant le TGI Bubanza et la prison de Bubanza, un bâtiment érigé sur une petite colline. Au fil des minutes, les figures se précisent. Il s’agit bien de prisonniers escortés par des policiers. Ces gardes ne les quittent pas des yeux. Il y a comparution. Quand ces compagnons d’infortune arrivent devant le Tribunal de Grande Instance de Bubanza, ils sont accueillis par leurs proches. Les 4 journalistes du Groupe de Presse Iwacu se retrouvent au milieu de leurs collègues et d’autres confrères. Une séance de fortes accolades chaleureuses s’en suit. C’est un moment de joie, de répit pour ces 4 reporters emprisonnés depuis plus de deux mois. Mais le sourire arboré est en demiteinte. Il y a un brin d’inquiétude sur leurs visages. Leur chauffeur, Adolphe Masabo, désormais prévenu libre, essaie de les réconforter discrètement. «Il faut garder la tête haute.» Ce sont les mots de tout ce monde des médias venu suivre cette première comparution de ces journalistes d’Iwacu arrêtés à Musigati le 22 octobre 2019. Petit rappel : la police les embarque 8 minutes après leur arrivée dans cette commune où ont été rapportés des affrontements entre un groupe de rebelles et les Forces de l’ordre. Ces reporters n’auront pas le temps de recueillir des témoignages de la population apparemment désemparés suite aux tirs nourris entendus à l’aube. Les policiers assurant la garde de ces prisonniers ne les quittent pas d’une semelle, ces hommes en uniforme viendront gâcher ce moment de grâce. Finies les blagues pour détendre l’atmosphère. Ils les conduisent vers une salle d’attente du Tribunal de Grande Instance de Bubanza.

qualifié, … sont là aussi assis sur des bancs. Ces derniers portent tous des menottes. Les 4 journalistes et leurs collègues sont pensifs, ils échangent peu, ils se murmurent quelques phrases, le directeur des rédactions au Groupe de Presse Iwacu, tente de lire un journal, mais curieusement il ne quitte pas la première page. Visiblement, il est aussi perdu dans ses pensées. Un des photojournalistes présents confie que croiser le regard de ces collègues assis sur le banc des accusés en attendant le début du procès, le met mal à l’aise. Ce temps sera un peu long, plus deux heures avant l’arrivée des juges et du substitut du procureur. Quand ils entrent enfin dans cette salle, tous en toges noires, toute la salle se lève. Après la lecture des différentes affaires à l’ordre du jour et la vérification de la présence des différents prévenus, les 3 avocats des 4 journalistes d’Iwacu et de leur chauffeur se mettent de part et d’autre de leurs clients. Il est 11 heures et quart. L’audience commence. Epaulés par leurs avocats, tous les 5 clament haut et fort leur innocence. Même Christine et Egide qui n’élèvent pas leurs voix, avancent leurs arguments pour se faire bien entendre.

…sur le banc des accusés

Les peines demandées laissent le public sonné

entre Agnès et un confrère. Pour rigoler, Agnès à écrit à un journaliste qu’elle se rend à Musigati ’’pour appuyer la rébellion’’. «C’est un ’’élément matériel’’ Le réquisitoire prononcé à l’issue d’une audience publique d’environ prouvant la complicité des 4 jourdeux heures sera terrible. Le public nalistes d’Iwacu et leur chauffeur restera effaré, groggy. L’affaire sera avec les rebelles», charge le submise en délibéré, les juges ont au stitut du procureur de Bubanza. Selon lui, en se rendant à Musiplus 30 jours pour se prononcer. A part ces 15 a n s gati, dans les environs du lieu des d’emprisonnement pour ces 5 affrontements, ils se servent de présumés, le substitut du pro- leur qualité de journaliste pour cureur de Bubanza, Jean Marie ’’recueillir et diffuser des informations sujettes à Vianney Ntamikevyo demandera que ces 4 « La complicité renforcer la rébeljournalistes d’Iwacu et ne peut pas se lion’’. «Ils ne sont pas leur chauffeur soient frappés d’incapacité concevoir après poursuivis comme journalistes, mais électorale temporaire. les faits. » pour les faits leur Il propose également la saisie de leur matériel : véhicule, reprochés », poursuit Jean Marie appareil photo, enregistreurs, télé- Vianney Ntamikevyo. Il invoque phones portables, chargeurs, car- les articles 38 et 609 du Code nets de notes et cartes nationales pénal. d’identité. Depuis leur arrestation, Stupéfaits, tous les collègues la voiture, garée en plein air est en d’Agnès Ndirubusa, auteur de train de pourrir sous la pluie. cette blague, disent devant la Au cours de l’audience, le barre ignorer cet échange. «La ministère public insistera sur rédaction d’Iwacu ne décide un message WhatsApp échangé d’envoyer des journalistes à Musigati que vers midi, après un message du gouverneur de Bubanza, repris par Le Renouveau sur Twitter, tranquillisant sa population, que la situation est maîtrisée».

« Aucune intention de nuire »

« Nous venons clamer notre innocence » Par après, ces policiers amèneront ces journalistes poursuivis pour ’’complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat’’ dans la salle des audiences. Des prévenus accusés de viol, de vol

Clément Retirakiza : «L’espoir d’un acquittement est permis.»

Agnès Ndirubusa, juriste de formation et journaliste senior, responsable du service politique à Iwacu expliquera que ce message avec un confrère est à placer au registre de l’humour noir pour déstresser. «Nous avons notre propre langage et il ne faut pas dissocier ce message de son contexte et le prendre mot pour mot. Si une maman dit à son enfant qu’il va le tuer, tout le monde sait qu’elle ne le fera pas», se défendra-t-elle. Et ce n’est pas tout, «le Ministère public ne brandit que ce message en omettant un autre où je dis que ’’nous allons en découdre avec ces gens qui veulent perturber la paix et les élections’’ (Tugiye gutuza abo

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bantu bashaka guhungabanya amahoro n’ugutoba amatora) ». Rappel, après leur arrestation, les journalistes sont sommés de donner leurs téléphones et leurs codes d’accès. Les services de renseignements analyseront ces appareils pour tomber sur ce message. Elle demandera au Ministère public, - sans recevoir une explication convaincante -, de produire des preuves montrant qu’elle est en ’’contact avec ces rebelles’’. «Passé au crible, mon téléphone ne donnera aucun message prouvant que je suis en contact avec ces gens». Quand les avocats prennent la parole, ils invoquent, la Loi de la presse, le Code pénal, la Loi fondamentale et la Déclaration universelle des droits de l’Homme ratifiée et intégrée dans la Constitution de la République du Burundi. Il sera question de prouver que leurs clients ne sont poursuivis que pour des faits non infractionnels. «Ce sont des journalistes, ils ont le droit de recueillir des informations sur tout le territoire national. Se rendre à Musigati n’est pas une infraction». Dans leur plaidoirie, les avocats de la défense diront que la complicité avancée par le Ministère public ne tient pas. «Elle ne peut pas se concevoir après les faits, plus de 6 heures après les affrontements puisque ces journalistes arrivent à Musigati vers 13 heures. Il n’y a pas d’intention de nuire». Le Ministère public ne peut pas prouver que le fait de se rendre à Musigati en vue de récolter des informations signifie apporter une aide aux rebelles, diront les avocats. Par ailleurs, aucune mesure d’interdiction de se rendre sur les lieux ne sera édictée. Selon Me Clément Retirakiza, un de ces avocats, il y a lieu d’espérer qu’après délibération des juges, le Tribunal de Grande Instance de Bubanza va les libérer. Abbas Mbazumutima


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POLITIQUE

Vendredi, 3 janvier 2020 - n°564

DU PASSE COMPOSE AU FUTUR SIMPLE

Ce passé qui déroute la jeunesse Les jeunes sont assoiffés de connaître l’histoire de leur pays. Une façon de couper court avec les préjugés, la globalisation et de prévenir l’instrumentalisation de la jeunesse. Une clé pour une réconciliation réussie et un futur prometteur. Débat.

C

’est vraiment nécessaire et important de mener un débat, d’échanger sur l’histoire de notre pays », affirme Apollinaire Ndayisenga, lauréat de l’Université du Burundi, département d’Histoire. Le 23 décembre dans un débat sur « la nécessité de débattre sur le passé du Burundi», ce jeune historien explique que c’est une bonne occasion de s’enrichir mutuellement, de partager des connaissances sur le passé : « Cela devient beaucoup plus bénéfique, instructif quand les interlocuteurs sont de différentes ethnies.» D’après lui, l’ethnisme a été un grand catalyseur du passé douloureux. Félicité Niyomwungere, lauréate de l’Université du lac Tanganyika, juge elle aussi important d’échanger sur le passé du Burundi. Beaucoup de gens, y compris des jeunes, en souffrent : « Ce débat peut guérir les esprits. Les gens extériorisent ainsi leur douleur, leur vécu. Et cela libère. » N’ayant pas vécu directement ce passé douloureux, cette jeune fille souligne que même les jeunes souffrent des traumatismes, des atrocités subies par leurs familles. Pour elle, ce passé est globalement marqué par des guerres, des massacres interethniques, etc. Blaise Izerimana, étudiant à l’Université du Burundi, dit qu’il faut faire le distinguo. D’après lui, c’est surtout pendant la période postindépendance que ces événements malheureux se sont produits et multipliés. « C’est opportun d’en débattre. Mais de façon méthodique, prudente. Car, c’est difficile d’échanger autour d’un passé noir. Il faut d’abord préparer les esprits». Il déplore que cette partie de l’histoire ne soit enseignée que

superficiellement dans les écoles. «C’est à cette époque que la question ethnique a pris le devant. Nous avons besoin d’en savoir plus». Idem pour Ernest Mugwaneza, jeune licencié en Histoire. Il affirme que la période postcoloniale est « noire. » Il se réfère à certaines dates telles 1965, 1972, 1988,1993, etc. Pour sa part, Fidèle Bavumiragiye, un jeune éducateur dans le système éducatif burundais, le programme donne plus d’importance aux pays occidentaux. Ce qui justifie l’urgence d’avoir une version commune de l’histoire du Burundi et enseignée dans les écoles. Providence Niyogusabwa, étudiante à l’Université du Burundi, croit que cette méconnaissance de notre histoire explique les méfiances persistantes entre les jeunes : « Des Hutu accusent globalement les Tutsi qu’ils sont à l’origine de

Vue partielle des jeunes participants au débat.

leur malheur, des massacres. Et vice-versa.»

Des histoires individuelles La tradition orale, les écrits, les nouvelles technologies de l’information, etc. « Il existe différentes sources auxquelles les jeunes font recours pour connaître l’histoire du pays », témoigne Gilbert Nkurunziza, étudi-

Félicité Niyomwungere : « Ce débat peut guérir les esprits. Les gens extériorisent leur douleur, leur vécu. Et cela libère. »

ant à l’Université du Burundi, département d’Histoire. Ce jeune affirme donner plus de crédit aux apprentissages scolaires : « J‘ai des doutes sur les versions de mes parents, de mes proches. Par exemple, chaque fois, on me dit que c’est l’autre ethnie qui a commis des crimes. Jamais aucun mot sur la part de mon ethnie dans le passé douloureux.» Ce qui est très dangereux si le même langage est tenu aux enfants de l’autre ethnie. « Une preuve que d’autres massacres pourraient se produire. Sur base des préjugés, des histoires montées de toutes pièces, certains parents vont même décourager ou empêcher catégoriquement des mariages interethniques». De son côté, Emelyne Hakizimana, de l’Université Espoir d’Afrique conseille aux jeunes d’avoir le sens de l’analyse, de critiquer les sources. Selon elle, certains livres dits historiques reflètent l’ethnie de l’auteur : « Deux écrivains travaillant sur un même événement, une même période peuvent produire deux vérités diamétralement opposées. » Elle trouve que même les parents ne disent pas toute la vérité à leur descendance. « Ils cachent des choses. Ils ne donnent que la version positive pour eux». Ce qui n’empêche pas certains jeunes de donner la crédibilité

aux versions parentales. C’est le cas d’Olivier Iradukunda qui estime que tant qu’il n’y a pas encore une histoire commune, « vaut mieux s’aligner du côté de l’histoire racontée par ses parents, ses proches. » Et pour avoir une version consensuelle de l’histoire, il souligne que la justice doit faire son travail pour montrer qui est bourreau ou victime. Ce jeune pense que les discours des dirigeants peuvent être une autre source de l’histoire. Néanmoins, elle n’est pas importante: « Les discours changent avec les régimes. » Revenant sur la question de l’ethnie au Burundi, Providence Niyogusabwa n’y attache pas beaucoup d’importance : « Les Burundais partagent la même culture. Pas de langue, de mœurs propres à telle ou telle autre ethnie. Ce qui montre qu’il y a des non-dits.» Selon les dires de ses parents, cette jeune étudiante est Tutsi. « Mais qu’est-ce qui peut me prouver que parmi mes arrières grands-pères ou grand-mères, il n’y avait pas de Hutu, que je suis à 100% Tutsi ? » D’après elle, avec la tradition orale, il y a toujours des oublis, des ajouts, des omissions volontaires ou involontaires, etc. Rénovat Ndabashinze

La place aux modèles

Eric Hakizimana : « Le passé du Burundi n’est pas totalement noir. »

« Parler de l’histoire, les gens pensent directement au passé douloureux comme si rien de positif n’a été fait dans le passé », nuance Lambert Hakuziyaremye, étudiant à l’Université du Burundi. Il donne l’exemple de ces braves femmes et hommes qui, lors des crises, des massacres interethniques, ont risqué leurs vies pour sauver les autres sans distinction d’ethnie. « Lors des cérémonies commémoratives, il est important que ces modèles soient chantés, connus». Et ce, pour servir de modèle à la jeunesse et l’aider à ne pas prêter une oreille attentive aux idées divisionnistes et racistes.

Une idée partagée par Eric Hakizimana, étudiant à l’Université du Burundi : « Le passé du Burundi n’est pas totalement noir. Il y a eu des exploits, des guerres de conquête ou de résistance contre les colonisateurs. Des relations amicales ont toujours existé entre les Burundais. » Pour avancer, ce jeune trouve important d’avoir une version commune de l’histoire et d’avoir un sens de discernement.

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R.N.


POLITIQUE

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Rétro 2019

Une année pré-électorale riche en rebondissements

Gitega devenue capitale politique, Crash du Cnared, agrément du Cnl, suspension du Parcem, polémique sur la composition des Cepi et Ceci, démission de l’émissaire de l’ONU, l’actualité politique qui a jalonné l’année écoulée.

A

dopté par le conseil des ministres du 21 décembre 2018, le projet de loi portant fixation de la capitale politique et de la capitale économique a été examiné par les députés, lors d’une séance de questions-réponses au ministre de l’intérieur, Pascal Barandagiye. Les débats étaient plutôt houleux. Certains députés ont avancé que le projet de relocalisation des sièges des services administratifs à Gitega dort dans les tiroirs depuis une quarantaine d’années. « Sous la deuxième République, les autorités ont tenté de le réaliser, en vain », rappelle Fabien Banciryanino. D’après lui, le manque de moyens est à l’origine de cet échec. Pour ce député, le choix de Gitega comme capitale politique est un prétexte pour lever des fonds supplémentaires auprès de la population. « La population se démène déjà pour contribuer aux élections, demain, vous allez l’exhorter à contribuer pour construire Gitega ». Le ministre de l’Intérieur a tranquillisé. La fixation effective de la capitale politique à Gitega est un processus. «L’image de la capitale politique, nous n’allons pas l’avoir aussitôt après le vote». Il assure que le début d’un projet est toujours difficile. «Nous sommes venus demander le cadre légal». Il assure tout de même que Gitega est en mesure d’accueillir les services que le gouvernement a décidés de délocaliser. Pour rappel, cinq ministères sont concernés par ce déplacement. Notamment, le ministère de l’Education, celui de l’Intérieur, celui de l’Agriculture et de l’Elevage et le ministère de la Décentralisation, etc. Le gouvernement a prévu que la fixation de la capitale politique à Gitega soit effective d’ici 3 ans. Le projet de loi a été adopté, à raison de 108 voix pour et une voix contre.

Le Cnared, la montagne a accouché d’une souris L’année 2019 aura été marquée par l’éclatement de cette plateforme qui avait pourtant inspiré de l’espoir à sa création. Les défections se sont multipliées et des mots comme « déception », « échec » ont émaillé les déclarations diffusées par ceux qui ont décidé d’en finir avec la plateforme. Trois ans après sa création, ils sont plusieurs à reconnaître leur déception à l’espoir de constituer une alternative au pouvoir en place. Jérémie Minani du parti

ministère de l’Intérieur : « Nous avons accueilli la reconnaissance juridique de notre parti avec satisfaction. Parce que nous venons d’avoir le droit de faire la politique, comme il en est de même pour d’autres Burundais.» D’après lui, cet agrément est intervenu au moment où «nous venons de passer beaucoup d’années étant persécutés ». Il espère que ses membres et lui pourront exercer librement leurs droits : « Maintenant, nous pouvons jouir solennellement de notre droit sans que personne ne soit arrêté. Il n’y a plus d’obstacle.»

Présentation du calendrier électoral de 2020

Agathon Rwasa : « Nous venons d’avoir le droit de faire la politique, comme il en est de même pour d’autres Burundais. »

RDB, Jean Bosco Ndayikengurukiye du Kaze Fdd, Frédéric Bamvuginyumvira du parti Sahwanya Frodebu et Chauvineau Mugwengezo de l’Upd-Zigamibanga, tous n’ont eu de cesse de pointer du doigt la direction de la plateforme qui « s’est écartée des objectifs fixés lors de la création de la coalition ». Faux, leur a rétorqué Onésime Nduwimana, porteparole du Cnared, qui a indiqué que les raisons avancées par ceux qui font défection sont à chercher ailleurs. Pour lui, ils ont toujours saboté tout projet de développement de la coalition. « Qui n’a pas vu les lettres écrites pour dénoncer l’unification de l’opposition intérieure et extérieure (initiative de Nairobi et Entebbe)? » La direction du Cnared a également estimé que « ce clan voudrait faire un groupe indépendant, mais trouve qu’aussi longtemps que le CNARED existe, il serait difficile pour lui de percer d’où la stratégie de partir un à un. » Au cours d’une rencontre du directoire de la plateforme du 2 au 4 août, c’est la surprise générale. Le secrétaire exécutif de la plateforme, Anicet Niyonkuru, annonce sa volonté de rentrer au Burundi « pour se préparer aux élections de 2020 ». Les nombreuses réactions face à la déclaration de ce ponte du Cnared parlent d’une capitulation de la plateforme face au pouvoir de Gitega. Le 5 octobre, Anicet

Niyonkuru arrive à Bujumbura « pour une mission exploratoire ». Le 11 octobre, après une rencontre avec les militants de son parti (le Cdp), le ténor du Cnared repart pour revenir « définitivement » le 11 décembre accompagné d’une douzaine de militants rentrant d’exil.

Rwasa a eu son parti Le 14 février, le leader historique des FNL a finalement obtenu l’agrément de son parti politique. Il a été dénommé Congrès national pour la liberté (CNL). Il a salué cette décision du

«L’élection présidentielle, celles des députés et des conseils communaux sont cumulées et se tiendront en date du 20 mai 2020. La campagne électorale est prévue du 27 avril au 17 mai», a déclaré Pierre Claver Kazihise, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). C’était le 28 juin à Bujumbura lors de la présentation du calendrier électoral de 2020. Selon le président de la CENI, en cas du deuxième tour de la présidentielle, il sera tenu le 19 juin 2020 et le président élu prêtera serment le 20 août. L’élection sénatoriale se déroulera le 20 juillet 2020 avec une compagne du 27 juin au 17 juillet. Le dernier scrutin, celui des conseils collinaires, est prévu le 24 août.

Des démembrements de la Ceni loin de rassurer l’opposition

Le président de la République a annoncé, le 1er juillet 2019, la fin des contributions pour les élections de 2020

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155 membres de la Commission Electorale Provinciale Indépendante (CEPI) ont prêté serment le 1er octobre. Dans son discours, le président de la CENI, Pierre Claver Kazihise, a indiqué que ces nouveaux commissaires des CEPI ont été choisis dans 22 partis politiques, 21 associations de la société civile et sept confessions religieuses. Il a appelé ces commissaires à comprendre qu’ils ne font plus partie de leurs organisations d’origine. « Ils sont désormais membres de la grande famille CENI avec toutes les valeurs qui la caractérisent : indépendance, impartialité, intégrité, patriotisme». Quelques semaines après, ce sont 705 membres des Commissions Electorales Communales Indépendantes (CECI) qui furent sélectionnés, à raison de cinq membres par commune. Très vite, la composition des CEPI et CECI a soulevé la polémique au sein de l’opposition. D’après cer-


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POLITIQUE

taines formations politiques, cette commission a privilégié le parti Cndd-Fdd dans le choix des membres de ses démembrements. Selon Térence Manirambona, porte-parole du Congrès national pour la liberté (CNL), le parti a eu 17 places sur 153, soit une représentation nationale de 11% dans les Commissions électorales provinciales indépendantes (CEPI). Il est en plus représenté à 10%, soit 65 sur 595 au niveau des commissions électorales communales indépendantes (CECI). Ce responsable politique a fait également savoir que leurs représentants dans ces démembrements subissent tout le temps des pressions. «Le parti a adressé une correspondance à la CENI pour lui signifier toutes les manœuvres faites par le parti au pouvoir et ses alliés pour destituer ou porter des fausses accusations aux candidats présentés par le CNL. » Quant au parti CNDD, il s’est indigné de « la mise à l’écart » de cette formation dans la composition des CEPI et CECI. « Notre parti n’a obtenu aucun siège dans les CEPI. Nous avions envoyé une correspondance à la CENI, mais nous n’avons reçu aucune réponse. Ce scénario s’est renouvelé lors de la sélection des commissaires des CECI », a déploré Jean-Claude Irakoze, secrétaire exécutif du parti. Et pourtant, poursuit-il, la CENI nous a longtemps rassurés qu’aucun parti politique ne manquera de représentants dans ces structures. Dans le parti Sahwanya-Frodebu, c’est la même indignation. Le parti a eu sept représentants au niveau des CECI dans les provinces Kirundo, Muramvya, Rumonge, Makamba, Karusi, Bururi, Cankuzo ainsi qu’une représentante dans la CEPI Muramvya. « Les CEPI et les CECI, affiliées au Cndd-Fdd à plus de 80%, ne peuvent pas rassurer le Frodebu qui y est absent », a lancé Léonce Ngendakumana, vice-président du parti. « Il n’y a pas de lacunes proprement dites. Certaines organisations auraient aimé avoir plus de personnes qui intègrent ces commissions. Malheureusement, le nombre de places est limité », a rétorqué Pierre Claver Kazihise, président de la CENI. Il a estimé que la CENI a fait son travail correctement. Pour lui, ces partis politiques qui se plaignent doivent comprendre qu’il n’y a pas assez de place au sein des CEPI et CECI pour tous leurs militants à la recherche d’emploi. Dans la foulée, il a invité les formations politiques d’opposition à s’impliquer dans les activités de la CENI. « Nous voulons travailler en toute transparence avec eux pour mettre fin à la méfiance ».

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Prestation de serment des membres des Cepi, le 1er octobre 2019.

Suspension du Parcem Dans une ordonnance du 3 juin, le ministre de l’intérieur, Pascal Barandagiye, a reproché à cette organisation de s’être « toujours écartée de ses objectifs tels que consignés dans ses statuts et s’active plutôt à ternir l’image du pays et de ses dirigeants dans le but de troubler la paix et l’ordre public ». Et d’ajouter lui avoir adressé de multiples avertissements. Dans une interview accordée à Iwacu, Faustin Ndikumana, président de Parcem, a affirmé que la ligne directrice de Parcem n’a pas bougé, depuis sa mise en place : « On vient de boucler 10 ans d’existence. C’est la première fois qu’une telle accusation nous est adressée. Là où le bât blesse, c’est que ces accusations ne sont étayées

ni par un exemple concret de message ni par une déclaration écrite ou verbale.» Et d’ajouter que le gouvernement ne s’était jamais plaint jusque-là contre Parcem pour avoir été sali par ses déclarations. « Aujourd’hui, je ne comprends absolument pas le contenu du message de suspension».

A la veille des élections, la fin des contributions mal aimées A l’occasion du 57e anniversaire de l’indépendance, le président de la République a donné le coup de sifflet final de la collecte des contributions. Cette collecte qui a permis d’engranger le gros du budget du prochain scrutin, avait fait l’objet de vives critiques. Estimée volontaires par Gitega,

des voix s’étaient pourtant élevées pour dénoncer le caractère obligatoire de cette collecte. Selon Tharcisse Gahungu, président de la confédération des syndicats du Burundi, Cosybu, ces mesures avaient été prises sans concertation avec les fonctionnaires. Par ailleurs, des abus autour de la collecte s’étaient multipliés. Dans certaines communes, la population s’est plainte de ne plus avoir accès au service public à moins de présenter la preuve de la contribution. A quelques mois des élections, avec la paupérisation, il fallait à tout prix mettre fin à cette mesure impopulaire génératrice de malaise et de frustration. Une manière de rentrer dans les bonnes grâces de la population.

Michel Kafando a rendu son tablier L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Burundi, Michel Kafando, a annoncé sa démission lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, tenue le 30 octobre, au cours de laquelle il a fait part d’« une montée de l’intolérance politique et des atteintes aux libertés civiques et politiques » dans le pays. Réagissant au micro d’Iwacu, Zénon Nimubona du parti PARENA a estimé que cette démission s’inscrit dans une longue tradition de conflits entre les instances de l’ONU et le parti CNDD-FDD qui n’aurait jamais voulu que l’ONU exerce son rôle d’arbitre dans le processus de paix et de sécurité au Burundi. « Ce pouvoir prend prétexte de la souveraineté nationale pour exclure ou pousser à la sortie tous les envoyés spéciaux de l’ONU. Donc, c’est normal que s’étant senti entravé dans l’exercice de ses fonctions, M. Kafando ait pris la décision de partir ». Du côté de l’UPRONA, Abel Gashatsi a dit que le désormais ex-émissaire de l’ONU n’a pas rempli sa mission objectivement : « Le parti UPRONA a toujours dénoncé les rapports biaisés de l’ONU, notamment sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. Pas étonnant qu’à chaque rapport publié, le peuple se pressait dans la rue, certains samedis, pour exprimer son indignation.» Il a souligné qu’un envoyé spécial de l’ONU doit être en odeur de sainteté auprès des autorités du pays pour exercer efficacement sa mission. Alphonse Yikeze

Faustin Ndikumana : « Je ne comprends absolument pas le contenu du message de suspension. »

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ÉCONOMIE

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Rétro 2019

L’économie va de mal en pis L’année qui vient de s’écouler, 2019 a été une période de toutes les difficultés et de tous les maux : la pénurie de réserves en devises, la pénurie du ciment, l’endettement public inquiétant… Tels sont les grands événements économiques ayant marqué l’année dernière.

C

ette année a été caractérisée par un manque criant de devises. Depuis le 5 mai, les prix des devises sur le marché parallèle ont atteint des taux record. Des prix jamais atteints depuis janvier0 2019. Sur le marché officiel et parallèle, la monnaie burundaise a continué de dégringoler par rapport à l’euro et le dollar sur le marché officiel. Un euro s’échangeait contre 3.230 BIF à l’achat et 3.250 à la vente. Un dollar valait 2.920 BIF à l’achat et 2.960 BIF à la vente. Entre septembre et d’octobre, la BRB a revu la réglementation de changes en vigueur depuis 2011. « Le capital minimum exigé pour ouvrir un bureau de change passe de 50 à 100 millions de BIF », a annoncé Jean Ciza, gouverneur de la Banque de la République du Burundi(BRB). En outre, le bureau de change doit acquérir un logiciel de gestion auprès de la BRB. Ce dernier coûte 2.000.000 BIF. Les changeurs doivent également remettre au client un bordereau attestant l’achat ou la vente des devises. Une autre nouveauté. Les changeurs sont tenus à créer une association professionnelle à laquelle ils ont tous l’obligation d’adhérer. Ces derniers ont un délai d’une année pour se conformer à cette réglementation. D’après le patron de la BRB, cette nouvelle réglementation concerne également les importateurs des biens et services. Pour souscrire une assurance des marchandises, ces importateurs doivent demander une dérogation auprès de l’Agence de Régulation et de Contrôles des Assurances (ARCA). L’enveloppe de paiement en espèces des importations a été amenuisée. Elle passait de 40.000 à 5.000 dollars américains. Mais l’importateur est autorisé à déposer sur sa carte 10.000 dollars américains. Le gouverneur de la BRB a expliqué que cette baisse vise à limiter la circulation des espèces en devises. Avec, cette nouvelle réglementation de changes, les hôtels perdent la qualité de changeur agréé. Ils ne peuvent accepter que des paiements en devises des nonrésidents. M. Ciza a tenu à préciser que cette réglementation des changes est

révisée, d’une part pour adapter la réglementation des changes aux réalités du moment, d’autre part pour la correction des lacunes observées dans les mécanismes de suivi et de contrôle. Mercredi 18 septembre, au lendemain de la publication de la réglementation des changes révisée, l’activité de maisons de change était au point mort. Au centre-ville de Bujumbura, sur l’avenue de l’Amitié, trois maisons de change visitées, le tableau d’affichage de prix des devises ne faisait plus désormais partie du décor comme à l’accoutumée. La peur au ventre, les cambistes affichaient la volonté de respecter à la lettre les prix de la BRB. Un euro s’échangeait contre 2050 BIF à l’achat et 2093 à la vente. Un dollar valait 1870 BIF à l’achat et 1879 BIF à la vente. Personne n’achetait ou vendait de devises. Le constat était que les activités de ceux qui s’approvisionnaient dans les bureaux de change étaient paralysées. Les maisons de change disaient qu’elles ne détenaient pas de devises. Les cambistes s’indignaient. Il déplorait avoir encaissé un manque à gagner énorme. Les clients rencontrés sur place refusaient de céder leurs devises au prix fixé par la BRB. Ces derniers rebroussaient chemin sans vendre. Le taux de change était trop bas. Selon ces derniers, avec cette situation morose, la BRB devrait plutôt réduire le capital minimum pour encourager les maisons de change déstabilisées par le manque de devises. Peu de maisons de change auront un capital minimum de 100 millions BIF dans une année pour se conformer à cette nouvelle réglementation.

Jean Ciza : « Les réserves officielles ont diminué de 10,9% et couvraient 1,0 contre 1,7 mois d’importations de biens et services en 2017.»

D’après Jean Ciza, gouverneur de la BRB, ce faible niveau des réserves de change est principalement lié, d’une part à la suspension de dons courant, d’autre

part, à la diminution des dons en capital des partenaires extérieurs. D’après Faustin Ndikumana, l’expert en économie, c’est la preuve que le pays se trouve dans une situation économique fragile et délicate. Et de marteler que personne n’ignore que les réserves en devises sont vitales pour l’économie. Sans le stock adéquat, le Burundi serait dans l’incapacité de faire ses opérations quotidiennes à savoir l’importation et le paiement de la dette extérieure. M. Ndikumana va plus loin. Avec cette faible capacité d’importation, le pays fait face à un risque élevé. A tout moment, il peut se retrouver dans une situation de cessation de paiement « L’économie nationale est en danger. Le pays ne peut réaliser aucun projet de développement. » Par ailleurs, ces réserves de devises montrent que le gouvernement ne peut pas réaliser son plan national de développement 2018-2027. Le pays n’est pas capable d’importer les matières premières nécessaires pour mettre en œuvre ce projet costaud. Pour sauver le pays, Faustin Ndikumana appelle le ministère des Finances à intervenir rapidement : « Il faut contracter un prêt d’urgence pour renflouer le stock de réserves de change. » Ce qui permettrait aux investisseurs d’avoir des devises suffisantes pour importer.

Faustin Ndikumana : « L’économie nationale est en danger. Le pays ne peut réaliser aucun projet de développement. »

Pierre Claver Banyankiye

depuis longtemps. De 2014 jusqu’en 2018, les réserves en devises ont fondu de plus de trois quarts: de 317, 3 à 70 millions de dollars américains.

Les réserves en devises fondent comme neige au soleil 22 novembre 2019, la BRB a publié le rapport annuel 2019. Le stock des devises ne cesse de dégringoler. « Les réserves officielles ont diminué de 10,9% et couvraient 1,0 contre 1,7 mois d’importations de biens et services en 2017 », lit-on dans ce rapport. Cette publication montre que le stock de devises a battu un nouveau record. Elles restent à un niveau critique jamais atteint

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La dette publique explose La déprivatisation du secteur café, le barrage d’irrigation de Kajeke mal parti, la pénurie du ciment Buceco et la baisse du taux de crédit pour les secteurs porteurs de croissance figurent parmi les faits marquants de l’année dernière.

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edit rapport de la BRB indique que la dette publique ne cesse de s’accroître : « La dette publique a augmenté de 13,5%, passant de 2.426,1 à 2.753,5 milliards de BIF. Cet accroissement a porté aussi bien sur la dette intérieure (+17,6%) que sur la dette extérieure (+4,8%). Rapportée au PIB, la dette publique totale représente 45,8% en 2018, contre 43,6% en 2017. » Une situation inquiétante selon les économistes. D’après Prosper Niyoboke, enseignant à l’Université du Lac Tanganyika, cette augmentation de la dette intérieure est causée, d’une part, par la mauvaise affectation des ressources publiques. D’autre part, le manque de rigueur dans la gestion du budget et des finances publiques explique en grande partie l’accroissement démesuré de la dette. « La montée en flèche de l’endettement intérieur montre que le secteur privé est en souffrance ». D’après cet économiste, ces entreprises sont également sous pression de leurs prêteurs parce qu’elles peinent à rembourser les prêts contractés. Pour celles qui ne parviennent pas à tenir le coup, elles risquent de fermer. Ainsi, leurs employés se retrouveront au chômage. Du coup, il y a risque du ralentissement de l’activité économique et la réduction des recettes publiques s’en suivra. Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, ces dettes sont indues surtout qu’elles ne vont pas générer des intérêts. Il relève plusieurs conséquences sur l’économie. Selon lui, l’économie burundaise ne peut pas se relever avec une situation de dette à ce niveau. « Il y a risque grave de tomber dans la banqueroute, si nous ne sommes pas déjà dedans. Dans certains pays, c’est même une infraction grave pour les gestionnaires de l’Etat ».

il s’est désengagé depuis 1991. Non-paiement des caféiculteurs, non-rapatriement des devises, des structures de régulation mal règlementées sont les principales raisons avancées. En outre, les commissionnaires nationaux et étrangers profitent du café au détriment du caféiculteur et à l’insu du gouvernement. Sur ce point, les élus du peuple ont nuancé. Ce n’est pas seulement les commissionnaires, mais également les autres intervenants à l’instar de l’Intercafé, Cnac Murima w’Isagi et d’autres partenaires qui profitent de la commercialisation du café. Dans une note sortie à la fin du mois d’octobre, Cnac Murima w’Isagi a fait savoir que le réengagement de l’Etat n’est pas clair jusqu’à présent : « Le gouvernement devrait éclairer les agriculteurs. Au moment où la campagne de récolte du café approche, ils ne savent pas, entre les stations de lavage publiques et privées, où ils pourront vendre leurs récoltes.» Quid du sort des stations de lavage privées. «L’Etat doit montrer le sort réservé aux cultivateurs regroupés dans des coopératives quand l’Etat reprendra en main ce secteur», insistent les signataires de la note.

La promotion des secteurs porteurs de croissance ne rassure pas Au début du mois d’octobre, la Banque de la République du Burundi a pris des mesures visant à assouplir les conditions de refinancement des banques et des microfinances qui opèrent dans les secteurs porteurs de croissance. Il s’agit des secteurs agropastoral et industriel qui mettent un accent particulier sur les activités créatrices de valeur, la promotion des exportations ou le développement de la substitution aux importations. « Les établisse-

dépasse 35% dans certaines microfinances. Même s’il a salué la mesure prise par la BRB, M.Ciza reste sceptique : « La décision seule ne se suffit pas. Il faut des textes d’application qui détaillent comment les agriculteurs peuvent bénéficier de ce prêt.»

La pénurie récurrente du ciment BUCECO

Festus Ciza : « La décision seule ne se suffit pas. Il faut des textes d’application qui détaillent comment les agriculteurs peuvent bénéficier de ce prêt.»

ments de crédit seront refinancés au taux de 2% pour le financement direct des projets. » a déclaré du gouverneur de la BRB, Jean Ciza. Dans sa déclaration, le gouverneur de la BRB a fait savoir que les établissements de crédit vont se refinancer à 1% auprès de la BRB et vont ajouter une marge de 2% pour le refinancement à des institutions de microfinance (IMFS). Selon la banque des banques, le taux d’intérêt maximal à appliquer au dernier bénéficiaire sera de 5% pour les microfinances. Pour les établissements de crédit

qui financent directement les projets, le taux est fixé à 6%. Pour le Forum des producteurs Agricoles du Burundi(FOPABU), c’est la satisfaction totale. Festus Ciza, vice-président du FOPABU, estime que cette décision du gouvernement vient secourir les agriculteurs associés dans des coopératives. « Nul doute que le secteur agricole fait face à un manque de financement. L’accès au crédit en est le principal obstacle». Il a fustigé que dans les banques commerciales, le taux varie entre 15 et 16%. Et de déplorer qu’il

La déprivatisation du secteur café critiquée Mardi 15 octobre, dans une conférence de presse, le ministre de l’Agriculture, Déo Guide Rurema, a déclaré que l’Etat veut reprendre les rênes du secteur café dont

Cette année a été caractérisée par la pénurie récurrente du ciment BUCECO. Le prix d’un sac de 50 kg est passé de 24500 BIF à 32000 BIF. Et ce n’était pas que le ciment produit localement qui se faisait rare. Celui dit Dangote l’était aussi. Le sac était vendu à 37 000 BIF contre 33 000 BIF en temps normal. Au mois de novembre, lors d’une réunion organisée par le maire de la ville de Bujumbura à l’endroit des commerçants, des administratifs, de la police ainsi que de la société BUCECO, Prosper Ndangamiye, chargé de la communication et de relations publiques au sein de cette entreprise, a fourni une explication : « Dans les mois passés, il y avait une pénurie de ciment parce que l’une de nos deux lignes de production était tombée en panne. Désormais, il n’y a plus de pénurie du ciment.» BUCECO a, par la suite, acheté des pièces de rechange. Ainsi, depuis mi-novembre, le ciment était de nouveau disponible dans tous les points de vente.

Barrage de Kajeke, toujours en ruine Jusqu’au mois d’août, le barrage d’irrigation n’était pas encore refait. Les travaux de construction ont englouti plus de 13 milliards BIF. Un lac de boue s’étend de la colline Kagirigiri de la zone Mitakataka jusqu’à Cabara de la zone Buvyuko. Pour rappel, la construction de ce barrage a commencé en 2009. Ce chantier avait été attribué aux entreprises ETAMCO, BTCE, BETUCO-PACIFIC. Les travaux devaient durer au maximum trois ans. Le ministère de l’agriculture a déclaré que toutes ces entreprises étaient défaillantes. Il était prévu que ce barrage puisse irriguer 1.013 hectares dans sa première phase. La zone allait s’étendre, par la suite, jusqu’à 2.813 hectares. Pour le moment les agriculteurs de Rugunga, Gihungwe et Busongo, qui auraient pu profiter de ce barrage hydroagricole, sont dans la désolation. La majorité ne vit que de la culture du riz et du maïs. Pierre Claver Banyankiye

Pour la société Buceco : « Désormais, il n’y a plus de pénurie du ciment.»

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Rétro 2019

Une insécurité grandissante à l’approche des élections Entre des affrontements opposant militants du Cndd-Fdd et du CNL, des cas de «disparition aux mobiles politiques », des attaques armées, sans oublier des biens des CNL détruits et leurs permanences vandalisées, le quotidien de nombre de Burundais en 2019 a traversé des périodes troubles marquées par les peurs, le désespoir, etc. Focus sur certains cas. Par Edouard Nkurunziza et Fabrice Manirakiza

Intolérance politique

Kirundo

L

a récente enquête d’Iwacu en province Kirundo fait état d’une intolérance politique qui semble généralisée dans cette province du nord du pays. Des passages à tabac des militants du CNL dont les auteurs sont, selon les témoignages, soit des administratifs à la base, soit des Imbonerakure. Là-bas, les Inyankamugayo, anciens membres du Cndd-Fdd, seraient les plus visés. A la colline Kiravumba de la commune Busoni, samedi 14 décembre, Emmanuel Coyitungiye, a été sévèrement tabassé par des Imbonerakure sous la conduite d’Anatole Rugemintwaza, le chef de la zone Mukerwa. Il était accusé de traiter de

Jérôme Misago, le rescapé de Mwenya.

chien les membres du Cndd-Fdd. En cette même commune,

quelques jours auparavant, des biens d’autres militants du CNL,

dont des vaches, des porcs et des cultures avaient été détruits. La vache de Bernard Habimana de la colline Sigu a été blessée à la machette avant d’être abattue le mardi 3 décembre. Les porcs de Benjamin Murondererwa, Berchmans Bicamumpaka, Félicien Nkezayabo, Daniel Minani et Théoneste Ndaruseheye ont connu le même sort, tandis que la bananeraie de Jean Pierre Ntahondi a été saccagée, dimanche 10 décembre. Des témoignages accusent des militants du CnddFdd, dont Onesphore Miburo, le vice-président du Cndd-Fdd en commune Busoni. En commune Gitobe, Célestin Simbarakiye a été tabassé, dimanche 15 décembre, par

des Imbonerakure sur ordre, chargent des sources à Gitobe, de Zappy Georges Ntahombaye, le représentant des Imbonerakure à Gitobe. Nzoyisaba, Virginie et Cogori de la colline Kanyinya en commune Kirundo, seraient également persécutés pour avoir quitté le Cndd-Fdd pour le CNL. Entre autres accusés, Ildefonse Niboye dit Nusu, le chef de cette colline. Même tableau à la colline Mwenya où Jérôme Misago a failli mourir dimanche 15 décembre, blessé à la machette par des inconnus «pour avoir quitté le Cndd-Fdd pour le CNL sans en aviser les organes de ce parti d’origine ». A Kirundo, les accusés ont tous parlé de mensonges et de montages.

Ngozi

Les communes Gashikanwa et Nyamurenza ont été le théâtre d’affrontements entre les Inyankamugayo et les Imbonerakure, respectivement en juillet et en novembre. Des blessés, des morts et des arrestations…

N

yamurenza. Le 10 novembre est entré dans l’histoire des habitants de la commune Nyamurenza en province Ngozi. Ce jour-là était surtout attendu par les Inyankamugayo de cette commune mais aussi par ceux des communes voisines. Le patron national du CNL devait procéder à l’inauguration de la permanence communale. Cette dernière n’aura pas lieu. Des affrontements ont éclaté un peu avant, entre des Imbonerakure et des militants du CNL se rendant aux cérémonies d’inauguration en provenance des communes voisines, notamment de Gashikanwa et Kiremba. Les principales échauffourées ont eu lieu aux collines Shoza et Jimbi. A Shoza, des militants du Cndd-Fdd tentaient de bloquer le passage à une foule d’Inyankamugayo de Kiremba, arguant que c’est une décision de l’administration communale. En fait l’administrateur communal avait décidé qu’il n’y ait pas de militant du CNL non originaire

de Nyamurenza qui participe aux cérémonies. A Jimbi, les Inyankamugayo ont été bloqués sur leur chemin de retour. Dans les deux cas, les militants du Cndd-Fdd, moins nombreux, ont été vaincus, certains tabassés. Néanmoins, Nestor Ntunzwenimana, un Inyankamugayo de la colline Ngoma en commune Gashikanwa, rentrant tout seul, a été arrêté, battu à mort par des Imbonerakure et a rendu l’âme le lendemain, à l’hôpital de Ngozi. Les échauffourées se sont suivies par des arrestations en cascade des militants du CNL, pour la plupart des représentants. Autour d’une trentaine ont été arrêtés et emprisonnés dans plusieurs cachots de la province Ngozi. D’autres, recherchés, sont entrés en clandestinité. Plusieurs personnalités dont des représentants du CNL au niveau national ont dénoncé un acharnement politique et déploré une justice de deux poids deux mesures. Gashikanwa. L’autre commune de la province qui s’est démar-

Des Imbonerakure de Shoza qui avaient tendu une embuscade pour empêcher les Inyankamugayo de participer à l’inauguration d’une permanence à Nyamurenza.

quée dans l’intolérance politique est Gashikanwa. La semaine du 15 juillet a été un véritable chemin de croix pour les Inyankamugayo de cette commune, essentiellement ceux des collines Gitanga et Masasu. Après le passage à tabac de deux membres du CNL à Gitanga, dimanche 14 juillet, un certain Constantin Bavumiragiye et sa femme Marie Mukeshimana par un groupe d’Imbonerakure venus de la zone Gatobo, sous la conduite de Simon Nduwimana, le chef du parti Cndd-Fdd en com-

mune Gashikanwa. Il y a eu des affrontements entre ces jeunes et des Inyankamugayo qui se sont soldés par l’échec des attaquants en infériorité numérique. L’intervention de la police, par la suite, n’a fait qu’aggraver les choses. Car, le policier Libère Barengayabo, a été blessé à la machette par un certain Bararinda, un autre Inyankamugayo, qui essayait de se sauver alors qu’il allait être arrêté. La suite a été une véritable chasse aux Inyankamugayo des collines Gitanga et Masasu depuis

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le lundi 15 juillet. Ceux de Masasu (colline de la commune Kiremba voisine de Gitanga) étaient accusés d’avoir trempé dans ces affrontements en appuyant leurs copartisans de Gitanga. Des dizaines de gens ont été arrêtés tandis que d’autres ont pris fuite. Iwacu a été dans ces collines et a constaté une peur panique et une colère au sein de la population. Dans cette enquête, les deux reporters d’Iwacu ont été malmenés par la police de proximité et l’administration locale. L’enquête a été inachevée.


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SÉCURITÉ

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Muyinga Des affrontements entre militants du CNL et du Cndd-Fdd ont fait des morts et des blessés dans les communes Muyinga, Butihinda et Gasorwe de la province Muyinga.

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ugari. Le 18 août 2019 est une date sombre à Muyinga. Tant ce qui s’est passé à Rugari dans la nuit de ce dimanche est une horreur. Après les cérémonies d’ouverture de la permanence provinciale du CNL, les militants du CNL ont connu un calvaire. Les cérémonies avaient pris fin très tardivement et plus de trois cent Inyankamugayo allaient passer la nuit dans la permanence inaugurée. Les représentants provinciaux du parti avaient donné leur accord. Il rester le feu vert de l’administration et de la police. Mais les tractations entre les représentants du CNL et le commissariat de police de Muyinga ont échoué. Les trois cent hommes ont été sommés de quitter la permanence vers 23 heures. Parmi les trois centaines, plus de 250 étaient des ressortissants de Giteranyi sans aucun proche au chef-lieu de la province Muyinga. Et, dans cette nuit, ils ont décidé de retourner à Giteranyi, 60km à pied.

Ils ne feront pas un long trajet. Car à 16km, ils sont tombés dans une embuscade de malfaiteurs vers 00h16min au niveau de l’endroit dit Kwitongo, une brousse fait de plusieurs hectares d’eucalyptus en zone Rugari. Selon des témoignages, l’attaque aurait été perpétrée par une soixantaine d’hommes munis de gourdins. Les combats qui ont éclaté se sont soldés par un mort, Grégoire Nsavyumwami, et 8 blessés. Tous des militants du CNL. Parmi les agresseurs, trois ont été attrapés. Ils étaient tous membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir. Les représentants du CNL ont dénoncé une intolérance politique tandis qu’administration, police et Cndd-Fdd ont parlé de malfaiteurs qui ne doivent pas être vus sous l’angle de leur appartenance politique. Le verdict rendu contre les trois prévenus par le Tribunal de Grande Instance de Muyinga, début octobre, a été une peine à perpétuité…

Certaines des victimes de l’attaque de Rugari.

Gasorwe. Peu avant, mardi 13 août en commune Gasorwe, d’autres échauffourées avaient éclaté à la colline Masasu entre des Imbonerakure sous la conduite de Madjid Masabo, le chef de la zone Gasorwe et Amissi Mbonihankuye, le président du Cndd-Fdd en zone Gasorwe et des Inyankamugayo de Masasu. Prétextant un vol d’une chèvre par un militant du CNL, un certain

Saïd Habiyakare, des Imbonerakure avaient tenté d’arrêter «injustement» ce dernier, ce qui a donné lieu à de véritables affrontements. En infériorité numérique, les Imbonerakure avaient été tabassés, ce qui a coûté un emprisonnement à 7 Inyankamugayo pour «lésions corporelles volontaires graves» tandis que d’autres ont pris fuite. Butihinda. Le 20 avril, sur la

colline Rukira de la commune Butihinda, d’autres agressions avaient eu lieu entre des Imbonerakure et une coalition des membres du Frodebu et du CNL. Après une attaque surprise d’Imbonerakure conduits par Saïd Nyamarushwa (vice-président du Cndd-Fdd en commune Butihinda) au centre Nyarugunda qui avait fait quatre blessés, les Intakangwa (jeunes du Frodebu) et les Inyankamugayo se sont coalisés et ont combattu avec succès les envahisseurs. Les motos qui avaient amené ces derniers ont été endommagées. Par la suite, la persécution a été dure. Les Imbonerakure venus en renfort et pilotés par leur président provincial, un certain Shabani, sont passés de ménage en ménage chez des militants du Frodebu et du CNL. C’est à travers cette persécution que la vie d’Aloys Ncishubwenge, un vétéran du Frodebu, a été fauchée par des coups reçus tandis que plusieurs autres militants des deux formations ont été arrêtés et conduits à la prison de la province Muyinga. Entre autres, Adamon Nshimirimana et Révérien Nduwimana, respectivement représentants du CNL et du Frodebu à Butihinda.

Des cas de disparition… Iwacu a enquêté, en 2019, sur quelques cas de disparitions. Entre autres celui d’une quadruple disparition à Gitega, en mars, des militants du CNL et celle d’un proche d’Agathon Rwasa (président du CNL) en novembre à Bujumbura.

E

mmanuel Ndayishimiye, Olivier Ndayishimiye, Térence Manirambona étaient tous des militants du CNL qui travaillaient dans un secrétariat public au centre-ville de Gitega, dans le quartier Magarama. Les trois personnes ont été enlevées par des inconnus le 18 mars de même que Dieudonné Nduwayezu, un motard également militant du CNL qui transportait l’un d’eux. Tout a commencé par la disparition d’Olivier Ndayishimiye, pendant la journée du 18 mars. Peu après, ce dernier a appelé Emmanuel Ndayishimiye lui disant qu’il avait eu un accident, et qu’il avait besoin d’une pommade. C’était un traquenard des ravisseurs d’Olivier. Le troisième, Térence Manirambona, sera victime du même piège ainsi que Dieudonné

Emmanuel Ndayishimiye a échappé à une exécution dans la nuit du 4 avril.

Nduwayezu qui l’emmenait à moto. Parmi les quatre, Emmanuel Ndayishimiye a pu échapper à une exécution de la nuit du quatre avril par des hommes en tenue policière. Retrouvé menotté non loin de la rivière Ruvubu, au pied de la colline Mirama, il a indiqué qu’Olivier Ndayishimiye et Térence Manirambona avaient été sèchement exécutés. Après sa «réapparition», il a été arrêté par la police avant de disparaître de plus belle. Sa famille a cherché dans tous les cachots, sans succès. Iwacu a interrogé la police à travers l’OPJ qui avait instruit le dossier, le commissaire provincial de police à Gitega et le porte-parole de la police, en vain. Tout le monde n’a pas voulu communiquer.

Berchmans Misago, introuvable, depuis le mercredi 20 novembre.

Emmanuel Ndayishimiye sera retrouvé trois semaines après la publication de notre enquête. Il a confié qu’il était détenu dans les cachots des services de renseignements à Bujumbura.

Disparition de Berchmans Misago L’autre disparition qui a défrayé la chronique est celle d’un certain Berchmans Misago dit «Cuma». Un ancien combattant de la rébellion FNL-Palipehutu, démobilisé en 2008 au sortir du maquis, et depuis membre d’une garde rapprochée d’Agathon Rwasa, le président du CNL et leader historique des FNL. Cuma était très influent dans le CNL selon les informations recueillies jusqu’au 20 novembre, date où il a été enlevé par des hommes en uniforme militaire. De retour de son travail au

ministère du Commerce et de l’Industrie, Berchmans Misago s’est arrêté au petit point de négoce de Karama sur la RN1, non loin du bar-resto «Iwabo w’abantu». C’est là que ces «militaires » l’ont kidnappé. Il a été jeté dans une voiture TI aux vitres teintées sous les yeux éberlués des passants. Très proche d’Agathon Rwasa, dont il a été le garde du corps, reconnu pour son loyalisme envers son chef et pour avoir déjoué plusieurs plans de nyakurisation du CNL et d’assassinat de son chef selon les témoignages recueillis, Berchmans Misago était considéré comme un obstacle par les détracteurs du CNL. Parmi les dessous de sa disparition, Iwacu a pu savoir qu’il se serait tenu une réunion,

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début novembre, dans un bar de la zone Kamenge, en commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura, qui aurait vu la participation d’Imbonerakure, d’agents du service du renseignement et de la police, au terme de laquelle 7 noms auraient été listés sur un plan d’élimination physique visant, en définitive, celle d’Agathon Rwasa. Il s’agirait de Berchmans Misago, Claude, Richard, Matata, Innocent, un certain Justin (chef d’une équipe de producteurs de chansons à la gloire du CNL et de son patron) ainsi que l’honorable Bernard Ndayisenga. Pour la plupart, des membres du CNL qui sont à la tête d’un service national chargé du renseignement sur la sécurité du président de leur parti, notamment lors de ses déplacements. Les participants dans cette réunion auraient mis en place une commission chargée de l’exécution des clauses à savoir l’élimination de ces «éléments gênants» qui permettrait soit l’élimination d’Agathon Rwasa, soit la destruction de son parti. Le parti CNL a indiqué avoir cherché le leur dans tous les cachots, en vain. Quant au parti Cndd-Fdd, il n’a pas voulu commenter cette disparition. Pour sa part, la police burundaise a appelé la famille du disparu à se confier à la police.


SÉCURITÉ

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Attaques à Mabayi et Musigati

Le Rwanda pointé du doigt Des groupes armés ont mené des attaques en commune Musigati de la province Bubanza et à Mabayi dans la province Cibitoke. Bujumbura accuse Kigali d’être derrière ces attaques. Ce que réfutent les autorités rwandaises.

D

ans la nuit du 16 au 17 novembre 2019 vers 2h du matin, un groupe armé a attaqué un poste avancé de l’armée burundaise dans la forêt de la Kibira en commune Mabayi. Le bilan a été très lourd surtout du côté des forces burundaises. Dans un discours diffusé à la Radio-Télévision nationale du Burundi (RTNB), Emmanuel Gahongano, directeur de la communication au sein du ministère de la Défense, a indiqué que ce groupe d’assaillants est venu du Rwanda et qu’il y est retourné après leur forfait. Des accusations réfutées par le secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe. Dans l’émission publique animée le 26 décembre 2019 à Gitega, le président de la République, Pierre Nkurunziza, a réitéré ces accusations. Selon lui,

pays de la sous-région. Le chef de l’Etat a indiqué que le Burundi a déjà saisi les instances habilitées afin de trouver une solution aux agressions du Rwanda. La Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) a dépêché une mission de vérification au Burundi et au Rwanda. Son rapport n’est pas encore sorti.

Un groupe armé venu de la RDC

Pierre Nkurunziza : «C’est le Rwanda qui a attaqué le Burundi.»

c’est le Rwanda qui a attaqué le Burundi. Et de préciser que le

Burundi respecte toutes les conventions qui le lient aux autres

Dans la nuit du 22 octobre 2019, un autre groupe d’hommes armés a attaqué plusieurs collines de la commune Musigati de la province Bubanza. Selon la population de cette localité, ces hommes lourdement armés seraient venus de la République démocratique du Congo. Ils sont entrés dans la forêt de la Kibira par la commune Musigati en passant sur les collines Mitakataka et Randa à Mpanda ainsi que les collines Ruziba et Dondi dans la commune de Musigati.

Cette attaque a suscité la peur panique à Musigati. La population a commencé à fuir vers le cheflieu de la commune. Le ministère de la Sécurité publique au Burundi n’a pas parlé de rebelles, mais de criminels. « Contact à Kayange, commune Musigati en @ Bubanza Province d’un groupe de criminels armés venus de la RDC hier à l’aube », a écrit la police sur son compte Twitter. Dans la foulée, elle a donné un bilan : « 14 criminels tués et 11 fusils saisis. Visiblement le groupe avait l’intention de rééditer le carnage de Ruhagarika du 11/5/2018. » Toutefois, cette attaque a été revendiquée, sur Twitter, par le mouvement rebelle de la Résistance pour un État de Droit (REDTabara) : « Les vaillants combattants de @RedTabara de passage dans la province de #Bubanza ont eu un contact avec l’armée de @pnkurunziza. Le Burundi n’est pas aussi stable que le prétend le régime en place. »

Mugongomanga

Une jeune fille torturée par un administratif Dans la nuit de dimanche 22 septembre au cheflieu de la zone Ijenda, commune Mugongomanga de la province Bujumbura, Yvette Iradukunda a été tabassée par l’administrateur de cette commune. Malgré cela, cette autorité n’a jamais été inquiétée jusqu’aujourd’hui.

S

ur son lit à l’Hôpital d’Ijenda, mardi matin, Yvette Iradukunda ne montrait pas qu’elle était mal en point. Etendue et recouverte de draps tout blancs, elle ne bougait pas, même pas les paupières. A son chevet, sa mère était dépassée. «Difficile de comprendre. Comment se fait-il que ma fille ait été ainsi torturée par celui qui devait la protéger?» Dans sa voix, on sentait de la colère mêlée au chagrin. Difficilement, Yvette Iradukunda a pu témoigner à Iwacu. A voix basse, avec des larmes dans la voix, le cœur un peu palpitant, elle a tenté de raconter ses mésaventures. Elle ne se rappelait pas tout ce qui s’est passé ce jour-là car elle avait perdu connaissance. «Je me suis retrouvée à l’hôpital longtemps après la scène». Yvette Iradukunda dormait avec une collègue. L’administrateur de la commune, Diomède Ndabahinyuye, a frappé, dimanche vers 22h, d’abord à la porte, ensuite à la fenêtre au «Bar Abiyunze » où elles travaillent. Du dehors, une

voix d’homme les a appelées. Elles ont reconnu la voix de l’administrateur communal. L’une d’elles devait sortir. «J’ai une commande à passer», leur a-t-il expliqué. Pendant un moment, elles ont refusé de répondre à l’appel. Elles avaient vécu une scène terrifiante deux semaines avant. Cette nuit-là, l’administrateur avait tiré les deux jeunes femmes de leur sommeil. Une fois dehors, il avait ordonné à Yvette de monter dans son véhicule. «Il me demandait de l’accompagner pour voir s’il n’y a plus personne dans les rues». Yvette avait refusé : «Je lui ai dit que je ne peux pas monter dans son véhicule pendant la nuit.» L’autre avait insisté 5 fois, sans succès. Yvette Iradukunda s’est échappée, s’était repliée dans la maison et avait fermé à clef. L’administrateur était reparti, déçu. Ce dimanche 22 septembre, autour de 14h, Diomède Ndabahinyuye est venu au Bar Abiyunze. Il avait alors menacé

Yvette Iradukunda à l’Hôpital d’Ijenda.

Yvette Iradukunda. «Vous n’avez pas encore vu comment on ramène les enfants à l’ordre? Je vais vous le montrer». Mais les paroles étaient moins menaçantes. Les deux jeunes femmes avaient cru à une blague.

L’administrateur revient le soir Ne voulant désobéir à une autorité, Yvette est sortie. A peine a-t-elle entrouvert la porte, qui Diomède Ndabahinyuye s’est jeté sur elle. Il l’a pris par le cou et lui a infligé des gifles. Trois sifflantes gifles, selon Aline, la collègue d’Yvette qui suivait, de sa chambre, les faits. Vaincue par le coup, Yvette Iradukunda est retombée par terre, heurtant la

tête au mur. Dans la foulée, elle recevra quelques coups de pied, hurlera fort, avant de perdre connaissance. Elle sera dépêchée à l’hôpital. Entretemps, l’administrateur est reparti, à bord de son véhicule, sans mot dire. «Je l’ai vu repartir à toute allure comme il était arrivé. J’entendais les hurlements d’Yvette dans la maison», confie la sentinelle du Bar Abiyunze qui précise que «contrairement à ses habitudes, il était venu tout seul». «L’administrateur doit répondre de ses actes» Les habitants de cette localité dénoncent le comportement de cet administratif qui maltraite la population sous sa responsabilité au lieu de la protéger. «Quand

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bien même il y aurait quelque conflit, il a tout ce qu’il faut pour le régler sans recourir aux violences physiques». Pour eux, la justice doit faire son travail. C’est un abus de pouvoir, déplorent-ils, s’étonnant qu’ «un aussi respectable homme puisse s’introduire, nuitamment, dans un ménage de filles qui ont l’âge des siennes». Et d’appeler la justice à ramener à l’ordre cet administratif qui use négativement de sa force. Joint au téléphone par Iwacu, Diomède Ndabahinyuye n’a pas voulu réagir sur ces allégations. Signalons que jusqu’aujourd’hui, cet administrateur n’a jamais été inquiété.


SÉCURITÉ

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Plus de 70 permanences du parti CNL vandalisées Au cours de l’année 2019, l’intolérance politique a été également caractérisée par la destruction des permanences du CNL. Selon les responsables de ce parti, plus de 70 permanences du parti CNL ont été vandalisées dans 14 provinces.

L

a destruction la plus importante est celle survenue à Nyabiraba en province Bujumbura. Dans la nuit de samedi 15 juin, la permanence provinciale du parti CNL a été incendiée. Son inauguration était prévue le lendemain. Des questions fusent de partout. D’autant plus qu’il y avait eu trois tentatives de la brûler. Cette nuit-là, plusieurs Inyankamugayo (militants du CNL) étaient venus veiller sur leur permanence au chef-lieu de la commune Nyabiraba. «Nous étions six natifs de Nyabiraba et neuf venus de Rumonge, Kanyosha et même Bujumbura Mairie», a confié un militant du CNL, rencontré sur place. Dans la matinée, plusieurs militants avaient afflué à Nyabiraba. Ils étaient venus préparer la fête. «Le commissaire communal de police nous a dit qu’il ne voulait pas des gens qui dorment à la permanence. Il nous disait qu’il n’y aurait pas de problèmes, car, d’après lui, les policiers veillent au grain. » Un peu rassurés et dans le souci de respecter les ordres du commissaire, poursuit ce militant, certains sont retournés dans leurs communes respectives. «Neuf d’entre eux ont manqué les frais de déplacement, ils sont restés à Nyabiraba. Comme ils n’avaient pas où loger, on leur a dit de dormir à l’intérieur de la permanence». Les six natifs de Nyabiraba restent à l’extérieur.

commune Kanyosha, 1 de Muha en mairie de Bujumbura, 1 de Bugarama en province Rumonge et six natifs de Nyabiraba». Pour lui, il y a eu une infiltration dans sa commune.

Mazuru, arrive avec une escouade de plus de 10 policiers. «Le commissaire nous a demandé combien de personnes sont dans la permanence. Nous lui avons répondu qu’il y a les neuf personnes qui n’ont pas pu rentrer chez elles. Il a envoyé les policiers à l’intérieur pour les fouiller». Les policiers n’ont rien trouvé de suspect. Sous bonne garde, tous les 15 militants du CNL sont conduits au commissariat. «Le commissaire nous disait que nous allons revenir à la permanence après identification. Même nos sacoches sont restées à l’intérieur». Après identification, ils sont conduits directement dans le cachot du commissariat. «C’est là que nous avons vu le feu qui sortait de notre permanence. Les policiers se sont dirigés vers la RN7 en tirant des coups de feu, mais notre permanence était déjà en feu». Ce que confirment les habitants qui vivent tout près de la permanence incendiée. Le lendemain à 9h, les six natifs de Nyabiraba sont relâchés. Les neuf autres restent au cachot.

Des destructions dans plusieurs provinces

La permanence incendiée à Nyabiraba.

«Le fait de relâcher les seuls natifs de Nyabiraba, c’est qu’ils ont voulu protéger les vrais coupables en insinuant que l’incendie a été provoqué par des gens venus d’ailleurs alors que c’est faux. La preuve est que l’incendie a commencé alors qu’ils étaient au cachot». Les neuf militants du CNL seront condamnés à deux ans de prison par le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura. Le verdict est tombé, mercredi 19 juin. Il s’agit de Juvénal Bazombanza, Dieudonné Nshimirimana, Charles Misago, Richard Ndayishimiye, David Ndikumana, Paul Nizigama, Berchmans Nsabimana, Augustin Baransegeta et Gilbert Miburo. A Nyabiraba, les militants du CNL et les habitants de cette

Après leur arrestation, la permanence prend feu Quelques minutes après, le commissaire communal, Dismas

Agathon Rwasa : «Les actes de vandalisme nous renforcent.»

commune n’en revenaient pas. Pour Agathon Rwasa, président du CNL, ce qui s’est passé à Nyabiraba n’était pas un accident. « Selon des sources dignes de foi, l’administration provinciale et communale avait juré que le parti CNL ne peut pas s’implanter dans cette localité-là. » M. Rwasa soupçonne l’administration d’être impliquée dans cet incendie : « Au cas contraire, il aurait pris toutes les mesures pour empêcher le pire de se produire. Surtout qu’une première tentative avait été déjouée par l’intervention de quelques policiers courageux. » Les forces de l’ordre sont aussi pointées du doigt. Car, justifie M. Rwasa, le forfait a été commis après l’arrestation des militants qui veillaient à cette permanence. L’administration a réfuté les accusations. Ferdinand Simbananiye, administrateur communal, donne une autre version des faits. Avant cet acte, indique-til, le percepteur des impôts qui tenait la barrière installée non loin de cette permanence a signalé des inconnus venus sur des motos. « Ils se sont cachés derrière la permanence. Et les policiers y ont fait une fouille». D’après cet administrateur, 15 jeunes hommes ont été attrapés. « Parmi eux, il y avait des étrangers à notre commune. Sept de la

Selon les responsables du CNL, plus de 70 permanences ont été vandalisées dans 14 provinces, depuis l’agrément du parti. La province Rumonge bat le record dans les actes d’intolérance politique, d’après le CNL, où plus de la moitié de ses permanences vandalisées se trouvent dans cette province. Une permanence du parti CNL sur la colline de Gatete en commune de Rumonge a été incendiée par des personnes non encore identifiées au cours de la nuit du 30 juillet. Deux portes ont été endommagées par le feu. Le 28 juillet, des écrits sur les murs de la permanence du parti CNL sur la colline de Murenge en commune de Burambi ont été effacés pendant la nuit. Le 26 juillet, une permanence du parti CNL en zone de Minago, commune de Rumonge, a été démolie par des personnes non encore identifiées. 4 personnes, dont deux grièvement, ont été blessées au cours d’échanges de lancement de pierres entre ceux qui gardaient cette permanence et un autre groupe. En date du 25 juillet, un drapeau du parti de l’opposition du Cndd a été volé dans la localité de Magara en commune de Bugarama par des personnes jusqu’ici non encore identifiées. La veille, des excréments humains ont été répandus sur les murs de la permanence du parti CNL en zone de Kizuka de la commune Rumonge par des personnes non identifiées. «Les actes de vandalisme nous renforcent», a indiqué Agathon Rwasa.

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DROITS DE L'HOMME

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Rétro 2019

Commission Diène : rapports et renouvellement de son mandat décriés par Gitega

L’année 2019 a été marquée par la présentation des rapports sur le Burundi, par la commission d’enquête, devant le conseil des droits de l’homme à Genève. Pour la commission, les violations des droits de l’Homme demeurent préoccupantes. Gitega, comme à l’accoutumée, rejette tous les rapports et crie au complot. facteurs de risque sous l’angle du crime de génocide est un vieux slogan qui relève de la pure subjectivité et de la mauvaise foi. «Le Burundi voit dans cette démarche une fuite-en-avant, une sorte de corruption de l’opinion internationale et une manipulation abjecte de l’opinion».

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L

a commission Diène a dénoncé la persistance des violations des droits de l’Homme, dont les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les actes de torture et autres traitements inhumains ou dégradants qui ont continué à se produire, depuis mai 2019. Selon la commission, ces violations ont gardé une dimension essentiellement politique. «Certaines ont été commises dans le cadre du référendum constitutionnel de mai 2018 mais, de plus en plus, elles s’inscrivent dans le contexte de la préparation des élections de 2020». Pour Doudou Diène, le président de cette commission, la crise burundaise mérite toute l’attention et la vigilance du Conseil des droits de l’Homme. D’après les enquêteurs onusiens, ceux qui sont le plus visés sont les membres et les sympathisants, supposés ou avérés, des partis politiques d’opposition. Ils pointent du doigt les Imbonerakure qui agissent de plus en plus seuls ou en coopération avec des responsables administratifs locaux ou avec des agents de la police et du service national du renseignement (SNR). «Ce service relève désormais directement de l’autorité et du contrôle du seul président de la République, qui pourrait donc voir sa responsabilité pénale engagée pour les agissements des agents du SNR». La commission souligne qu’il existe toujours des motifs raisonnables de croire que certaines de ces violations constituent des crimes contre l’humanité.

Gitega dénonce le renouvellement du mandat

Doudou Diène : « La crise burundaise mérite toute l’attention et la vigilance du Conseil des droits de l’Homme.»

préoccupantes dans le pays. Selon la commission, les huit facteurs de risque communs aux atrocités criminelles et donc de détérioration de la situation des droits de l’Homme sont présents à la veille des élections de 2020.

«Une corruption de l’opinion internationale» «Les élections générales de 2020 se préparent déjà et tous les instruments sont en place notamment

le calendrier électoral. Les membres de cette commission doivent savoir que leur prédilection envers les détracteurs du Burundi s’écarte de leur mission et les disqualifie», a déclaré le représentant permanent du Burundi à Genève, Rénovat Tabu. Selon lui, le peuple burundais reste debout, vigilant et déterminé à organiser les élections de 2020, sur ses propres fonds, dans un climat de quiétude. D’après Gitega, envisager des

Rénovat Tabu assure que le Burundi ne va pas se laisser distraire et intimider par des rapports biaisés et politiquement motivés. Gitega invite la communauté internationale à mettre fin au mandat de la commission Diène. «Les trois mandats successifs de cette commission ont été une peine perdue et une ruine financière pour les NU et il est grand temps d’y mettre fin », a déclaré Rénovat Tabu. L’Union européenne (UE) n’est pas de cet avis. Elle abonde dans le même sens que les commissaires onusiens : «Les conclusions de la Commission d’enquête sont extrêmement graves et exigent l’attention de ce conseil et de toute la communauté internationale.» L’UE trouve opportun le renouvellement de son mandat et la résolution y relative a été présentée et adoptée. Selon l’UE, cette commission d’enquête reste le seul mécanisme indépendant à enquêter, documenter et informer la communauté inter-

Restrictions des libertés publiques Les enquêteurs onusiens mettent un accent sur l’intensification des restrictions des libertés publiques. «Des médias indépendants ont été censurés par le Conseil national de la communication et se sont vus retirer leur licence, comme la BBC, ou ont été mis en garde, comme RFI et Iwacu, un des derniers médias burundais indépendants». L’organisation PARCEM a été suspendue en juin 2019, soulignent les commissaires, pour avoir présenté un rapport critique sur les conditions socio-économiques

Rénovat Tabu : « Les trois mandats successifs de cette commission ont été une peine perdue et une ruine financière pour les NU et il est grand temps d’y mettre fin.»

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nationale sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. Les partis politiques et la société civile ne s’accordent pas sur le renouvellement du mandat « Le gouvernement burundais a refusé que la commission arrive sur le terrain pour enquêter », déplore Léonce Ngendakumana, vice-président du Frodebu. La commission a usé de son expertise en enquêtant sur les allégations à partir des témoignages des réfugiés et d’autres témoins. Et de constater que les violations persistent. « Il y a une intolérance politique. Des permanences sont brûlées ou saccagées. La peur gagne la population ». Pour lui, le renouvellement du mandat de la commission est nécessaire pour qu’elle effectue des enquêtes sur le terrain. Jean de Dieu Mutabazi, président du Radebu, indique que la commission a toujours produit des rapports biaisés. « Les enquêtes sont manipulées et destinées à renverser les institutions ». M. Mutabazi rejette catégoriquement le renouvellement du mandat de la commission. Il estime qu’il n’est pas opportun. « Même les précédents mandats n’ont rien apporté ». « On ne peut se voiler la face, il y a des violations des droits de l’Homme au Burundi », constate Térence Mushano, vice-président de AC Cirimoso. Des cas de perte en vies humaines, d’enlèvements, d’intolérance politique sont rapportés ici et là. « Nous demandons aux pouvoirs publics de protéger tout le monde ». M. Mushano estime que la commission Diène a bien fait son travail. Il trouve opportun le renouvellement du mandat de la commission. « Nous avons besoin des observateurs internationaux et impartiaux pour les élections de 2020 ». « Nous désapprouvons l’existence de la commission Diène mise en place par forcing des détracteurs de notre paix», indique Hamza Venant Burikukiye, représentant de Capes+. Il rejette en bloc les enquêtes de la commission. «Elles n’ont que des visées impérialistes et déstabilisatrices». Pour M. Burikukiye, l’existence de la commission est sans fondement et sans intérêt pour le peuple burundais. « Le renouvellement de son mandat est inopportun ». Félix Haburiyakira


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JUSTICE

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Rétro 2019

Une peine de 15 ans d’emprisonnement pour les journalistes d’Iwacu L’année 2019 a été marquée par l’arrestation et l’emprisonnement de 4 journalistes d’Iwacu, des cas de détentions illégales, saisie des biens des présumés putschistes et la libération des détenus bénéficiaires de la grâce présidentielle.

cela quelques temps. « La radio Bonesha FM n’a pas eu gain de cause». « Faux. Le CNC n’a pas eu gain de cause dans le dossier qui nous oppose », a rétorqué Léon Masengo, directeur de cette radio. Il a fait savoir que la Cour administrative a déclaré irrecevable le dossier par absence de la décision attaquée. Pour M. Masengo, l’affaire n’a pas été analysée avec objectivité. La cour a déclaré le dossier irrecevable alors que l’affaire a été mise en audience publique. La Cour n’a pu prouver que la fermeture de cette radio a été illégale. « Nous allons procéder par ce que l’on appelle tierce opposition pour montrer à la Cour administrative qu’il y a des détails que nous voulons qu’elle analyse ».

C

hristine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana, quatre journalistes travaillant pour le journal Iwacu, et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza ont été arrêtés le 22 octobre dans la commune de Musigati, province de Bubanza, au nord-ouest du Burundi. Ils se rendaient dans cette province après avoir reçu des informations sur des affrontements entre un groupe armé et les forces de l’ordre. C’est le chef des opérations dans la police qui a ordonné leur arrestation alors que les quatre journalistes et leur chauffeur avaient informé les autorités de la province de leur intention de se rendre dans la localité. Ils avaient été détenus pendant deux jours et deux nuits au commissariat de la province de Bubanza. Ils sont locataires de la prison de Bubanza, depuis le 26 octobre 2019. Ils sont poursuivis pour « complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat». Ils ont comparu, lundi 30 décembre, au Tribunal de Grande Instance de Bubanza. A l’issue de l’audience publique, le ministère public a requis une peine de 15 ans d’emprisonnement pour les quatre journalistes et leur chauffeur, inculpés pour « complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État ». Les juges ont 30 jours pour se prononcer et donner leur décision. A part les 15 ans d’emprisonnement pour ces 5 présumés, le substitut du procureur de Bubanza, Jean Marie Vianney Ntamikevyo a demandé que ces 4 journalistes d’Iwacu et leur chauffeur soient frappés d’incapacité électorale temporaire. Il a proposé également la saisie de leur matériel, dont

Germain Rukuki condamné à 32 ans de prison

Sylvestre Nyandwi : « Il faut prendre toutes les dispositions pour éviter que ces biens ne se détériorent et qu’ils soient exploités par l’Etat.»

leur véhicule, leur appareil photo, les enregistreurs, leurs téléphones portables, leurs chargeurs, leurs carnets de notes et leurs cartes nationales d’identité.

Les biens de 41 Burundais ‘’impliqués dans le putsch’’ saisis Dans une déclaration conjointe sortie le 15 mai dernier, le procureur général de la République et le président de la Cour suprême ont décidé de commun accord de saisir des biens immeubles de 9 Burundais impliqués dans l’affaire du coup d’Etat manqué du 13 mai 2015. Sont dans le viseur, deux immeubles appartenant respectivement à Juvénal Niyungeko alias Kiroho et à Herménégilde Nimenya, cinq à Cyrille Ndayirukiye, le numéro deux du putsch. Pour Zénon Ndabaneze, Prime Ngowenubusa, Sylvestre Mikokoro, Eric Ntahomvukiye, Michel Kazungu et Prosper Nkurunziza, il s’agit d’un seul immeuble, chacun, à saisir. Cette même déclaration a annoncé la saisie des « biens immeubles et meubles se trouvant sur le territoire national» de 32 autres personnalités citées dans l’affaire du coup d’Etat avorté du 13 mai 2015. Parmi eux, Godefroid Niyom-

bare, meneur de ce putsch du 13 mai, Pontien Gaciyubwenge, ancien ministre de la Défense, Léonidas Hatungimana, ancien porte-parole du président de la République, Onésime Nduwimana, ancien porte-parole du parti au pouvoir, Alexis Sinduhije, président du parti MSD. La même décision frappe des personnalités issues de la société civile comme Pacifique Nininahazwe, Armel Niyongere, Marguerite Barankitse ainsi que des journalistes comme Bob Rugurika, Directeur de la RPA, Innocent Muhozi, directeur de la RadioTélé Renaissance, Anne Niyuhire, directrice d’Isanganiro au moment des faits et Patrick Nduwimana, ancien directeur de Bonesha FM. Le procureur général de la République a demandé au ministre en charge de l’Equipement de «prendre toutes les dispositions pour éviter que ces biens ne se détériorent et qu’ils soient exploités par l’Etat, et ce dans l’intérêt général en attendant l’issue du dossier susdit.

Plus de 3000 détenus libérés dans le cadre de la grâce présidentielle Ils sont au nombre de 3219 prisonniers qui ont recouvré leur liberté en 2019 dans le cadre de la

mise en application de la mesure de grâce présidentielle prise par le chef de l’État en fin d’année 2018. La ministre de la Justice, Aimée Laurentine Kanyan avait annoncé qu’un effectif provisoire de 3000 détenus allait bénéficier de la grâce présidentielle. Pour rappel, la mesure concernait les détenus dont la condamnation ne dépassait pas 5 ans de servitude pénale, ceux qui vivaient avec un handicap « évident », ceux qui avaient déjà purgé la moitié de leurs peines et les femmes allaitantes et enceintes

La radio Bonesha FM, a-telle perdu le procès ? Lors de la conférence publique des porte-paroles des institutions tenue à Rumonge, le président du CNC a annoncé que la radio Bonesha FM n’a pas eu gain de cause dans son procès qui l’opposait au CNC. Nestor Bankumukunzi, président du Conseil national de la communication (CNC), a rappelé que la radio Bonesha FM a été suspendue pour avoir violé la loi. Selon lui, la radio Bonesha FM a saisi la Cour administrative et le CNC a comparu. Il a précisé que la sentence a été rendue, il y a de

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La Cour d’Appel de Ntahangwa a confirmé, le 17 juillet, la condamnation à 32 ans de prison de Germain Rukuki, en première instance. Sa famille dénonce un déni de justice. Cet activiste des droits humains, ancien employé d’Acat-Burundi (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) et président de l’Association «Njabutsa tujane», aurait été blanchi de plusieurs chefs d’accusation. «Il reste l’accusation d’atteinte à l’autorité de l’Etat, notamment sa présumée participation au coup d’Etat du 13 mai 2015. Or, il n’était pas au pays ce jour-là». Ses avocats ont interjeté appel devant la Cour Suprême, Chambre de Cassation, afin d’étaler les manquements au droit et les vices de forme qui ont émaillé la procédure. Condamné à 32 ans de prison, en première instance, le 26 avril 2018, pour rébellion, atteinte à l’autorité de l’Etat et participation à un mouvement insurrectionnel, Germain Rukuki a fait appel. Son dossier avait disparu pendant plusieurs jours. Interrogée, la porte-parole de la Cour suprême, Agnès Bangiricenge, avait expliqué que le dossier aurait probablement disparu, lors du déménagement des différentes cours après démembrement de la Cour d’appel de Bujumbura. Félix Haburiyakira


MÉDIAS

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Rétro 2019

Les médias dans l’œil du cyclone

L’an 2019 a été marquée par des menaces du CNC contre le groupe de presse Iwacu, la Radio Isanganiro et RFI. La suspension de la radio VOA a été renouvelée et le droit d’exploitation de la BBC retiré. L’incarcération des quatre journalistes d’Iwacu à Bubanza a été dénoncée comme une atteinte à la liberté d’expression.

L

e Conseil national de la communication a publié son rapport annuel. Le journal Iwacu est classé mauvais élève des médias au Burundi, accusé de manquements graves. Des informations qui sèment le trouble, déséquilibrées, le président du CNC n’a pas ménagé le journal Iwacu. Un inventaire a été dressé. Nestor Bankumukunzi a parlé de beaucoup de manquements pratiquement pour chaque édition où l’un ou l’autre article accuse des imperfections. « Des passages qui calomnient des gens, intolérables par la loi et punissables par la loi régissant la presse ». Pour cet organe de régulation, le journal Iwacu a été à maintes reprises rappelé à l’ordre, des conseils ont été donnés, le résultat est décevant : le journal est demeuré insensible aux conseils. « Une mise en garde va être dépêchée», promet le président du CNC. Le journal Iwacu subit de plus en plus de reproches de la part de l’organe étatique de régulation des médias. Son forum de discussion sur le Net a été fermé, les internautes n’ont plus droit de donner leurs points de vue sur des sujets traités. La Radio Isanganiro est mise dans le même sac qu’Iwacu. Elle est accusée des mêmes manquements.

Iwacu, fauteur de troubles ? Depuis quelques temps, Iwacu est quasiment devenu une fixation pour le CNC, qui l’accuse « globalement » de presque tous les maux. Nous avons apporté notre réflexion sur ce qui apparaît aux yeux de nombreux lecteurs, et même d’Iwacu, comme un acharnement. 1. Iwacu un «laboratoire» clandestin pour «déstabiliser» le pays ? Faux. A Iwacu, tout se joue tous les matins au cours de la conférence de rédaction. Si « laboratoire clandestin » existe, il s’appelle « conférence de rédaction». Le CNC pourrait s’informer. Tous les matins, les journalistes proposent, discutent les sujets du jour. Aucun sujet n’est « parachuté » de je ne sais quelle officine secrète. La rédaction est toujours souveraine. 2. Iwacu diffuse des «calomnies» et des «informations non équilibrées ?» Faux. Au lieu d’accusations vagues et graves, Iwacu aimerait être jugé sur pièce. Le journalisme obéit à des règles. Le CNC devrait montrer, prou-

La rédaction du journal Iwacu en conférence de rédaction le 11 juillet 2019.

ver article et preuve à l’appui la réalité de cette accusation. Tout ce que je sais c’est que mes pauvres collègues d’Iwacu se tuent à la tâche à équilibrer les informations recueillies, à faire parler des autorités souvent réticentes. 3. Iwacu à la solde « des colons » ? Faux. Tout d’abord, un constat : Dans le contexte économique actuel, la presse privée n’est pas viable au Burundi. Pour tenir, Iwacu reçoit des appuis de certaines coopérations et ONG pour son fonctionnement. Ici je peux citer la Belgique, l’Allemagne, la France, la Suisse, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, etc. Cette aide peut revêtir plusieurs formes : soutien matériel, formation, etc. Bien entendu, dans un monde idéal, la presse devrait être complètement autonome. Pour revenir à Iwacu, si effectivement Iwacu reçoit des soutiens de la part de certains pays, des « colons » pour reprendre le vocabulaire à la mode, ceux-ci n’exigent rien en retour. 4. Iwacu traité de la même manière que les autres médias par le CNC ? Faux. A chaque sortie du CNC, la cible principale et préférée est toujours Iwacu. Comme si c’était le seul média. Et pourtant, il y a des dérives flagrantes sur certaines radios, notamment ce déséquilibre de l’information est même devenu la règle. 5. Un journal « aux ordres de Kaburahe » ? Faux. Antoine Kaburahe est le fondateur du Groupe de Presse Iwacu. Sa force est d’avoir mis en place une structure qui ne s’est pas effondrée après son départ. En rigolant il

nous dit souvent qu’Iwacu « doit lui survivre ». Il reste une figure aimée et respectée dans la boîte. Il est disponible quand on le sollicite mais Antoine Kaburahe ne gère pas au quotidien Iwacu, parfois, il découvre, comme tous les lecteurs, le contenu. Avec les départs et les recrutements, il y a même des journalistes qu’Antoine ne connaît et n’a jamais connu. Mais on compte toujours sur lui pour des conseils, un coaching à distance. Il est bon dans l’accompagnement, dans la formation à l’écriture journalistique. Tout le monde, et pas seulement dans Iwacu, reconnaît son professionnalisme. Il fait confiance à ceux qui ont pris la relève. Il sait que ce sont les journalistes sur le terrain qui doivent perpétuer l’œuvre qu’il a initiée. Mais il reste un pilier, un ambassadeur d’Iwacu et tout ce que l’on peut souhaiter, c’est qu’il nous revienne un jour plus fort, et nous trouve encore ici.

La suspension de VOA prolongée, le droit d’exploitation de la BBC retiré Le 20 mars 2019, le Conseil national de la Communication a ordonné le retrait d’exploitation de la radio BBC. Elle est accusée de non-respect de la précédente suspension avec la diffusion d’un documentaire décrié par les autorités burundaises. Elles le qualifient de «calomnieux » pour le pays. Le CNC a également prolongé la suspension de la Voix de l’Amérique (VOA) jusqu’à nou-

vel ordre. Cette dernière se voit reprochée d’avoir gardé dans sa rédaction le journaliste Patrick Nduwimana, ancien directeur de la radio Bonesha FM. Il est visé par un mandat d’arrêt international, en rapport avec les violences intervenues avant le putsch manqué de mai 2015. Le CNC a aussi interdit à toute personne sur le sol burundais de communiquer « directement ou indirectement des informations pouvant être diffusées » par ces radios.

RFI dans le collimateur du CNC Le Conseil national de la communication (CNC) a promis lundi 3 juin d’interroger la loi et de prendre des mesures qui s’imposent contre RFI. Cette annonce est tombée au lendemain de la diffusion de l’émission « Internationales » sur la RFI, France 24 et le journal Le Monde avec comme invité Marguerite Barankitse, militante des droits de l’Homme et représentante de la Maison Shalom. «L’invité en exil a visiblement l’intention de ternir l’image du Burundi et ses institutions en procédant par des mensonges, injures graves et outrages à chef de l’Etat», a accusé le CNC. Dans son communiqué, il dit s’interroger sur les raisons profondes de ce qu’il qualifie de manque de professionnalisme de l’entretien.

Musigati, le prix de l’information Envoyés couvrir les attaques survenues le 22 octobre 2019

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dans la province Bubanza, en commune Musigati, l’équipe de reporters d’Iwacu, Christine Kamikazi, Egide Harerimana, Agnès Ndirubusa, Terence Mpozenzi et Adolphe Masabarakiza n’aura pas le temps de faire son travail. Ils sont arrêtés par la police. Motif : la zone est dangereuse. A leur grand étonnement, ils se retrouvent au cachot. Des voix se sont élevées pour dénoncer une atteinte à la liberté d’expression. Reporters sans frontières (RSF) condamne l’arrestation des quatre journalistes et de leur chauffeur et demande aux autorités burundaises de les libérer sans délai. « Ces journalistes n’ont rien fait d’autre que leur travail en allant vérifier sur place les informations qui faisaient état d’affrontements armés », avait commenté Arnaud Froger, responsable du Bureau Afrique de RSF. Pour lui, il s’agit d’une détention arbitraire. « Nous exhortons les autorités burundaises à les libérer sans délai, à restituer leur matériel et à ne pas les associer à des protagonistes d’une actualité dont ils n’ont été que les témoins». Le réquisitoire est terrible pour les 4 journalistes d’Iwacu et leur chauffeur. A l’audience, le public a entendu avec effarement que le ministère public se base sur une blague de la journaliste Agnès Ndirubusa pour charger toute l’équipe de reporters de «complicité avec les rebelles.» Lundi 30 décembre 2019, le réquisitoire a été prononcé à l’issue d’une audience publique d’environ deux heures au Tribunal de Grande Instance de Bubanza. L’affaire est mise en délibéré, les juges ont 30 jours pour se prononcer et donner leur décision. Outre les 15 ans d’emprisonnement pour ces 5 présumés, le substitut du procureur de Bubanza, Jean Marie Vianney Ntamikevyo, demande que ces 4 journalistes d’Iwacu et leur chauffeur soient frappés d’incapacité électorale temporaire. Le Burundi occupe la 159e place sur 180 dans le Classement mondial 2019 de la liberté de la presse de RSF qui s’inquiète du verrouillage de l’espace médiatique : « Tout est fait pour maintenir les journalistes sous pression. » Jérémie Misago


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SOCIÉTÉ

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Rétro 2019

Le rapatriement coûte que coûte Le Burundi et la Tanzanie se sont convenus sur un retour en masse des réfugiés à partir du 1er octobre. Auparavant, les réfugiés burundais dans le camp de Nyarugusu en Tanzanie ont été privés de marché.

L

es marchés du camp de Nyarugusu ont été fermés à partir du 9 septembre. Des réfugiés qui se ravitaillaient dans les trois marchés que comptait le camp étaient exaspérés. Ils ont enregistré un manque à gagner important. Le communiqué annonçant la fermeture des marchés a été laconique. Silence radio sur les raisons de cette privation qui permettait pourtant d’améliorer les conditions de vie des réfugiés. Un silence qui a donné lieu à des hypothèses et à des spéculations des réfugiés de ce camp. « Pas de doute, le gouvernement tanzanien nous fait comprendre qu’il ne veut plus de nous sur son territoire », murmuraient des voix inquiètes à Nyarugusu. Les ministres burundais et tanzanien de l’Intérieur ont signé un nouvel accord de rapatriement des réfugiés burundais. Cet accord indiquait que les Burun-

Plus de 21 mille réfugiés burundais ont été rapatriés en 2019.

dais doivent regagner leur pays, car la paix est totale. L’accord prévoyait un retour de 2000 réfugiés par semaine à partir du 1er octobre, pour un total d’environ 180 mille réfugiés. « Ils doivent rentrer chez eux, coûte que coûte. Le Burundi a recouvré la paix et la sécurité. Nous ne voyons pas pourquoi ils

ne veulent pas retourner dans leur pays natal, » a déclaré le ministre de l’Intérieur Tanzanien Kangi Logola à l’issue de la rencontre. Depuis l’annonce de cet accord, les protestations ont fusé de partout. Des défenseurs des droits de l’homme, des politiques, la société civile burundaise, tous se sont insurgés contre la mesure.

Les mots « expulsion, refoulement, rapatriement forcé » ont été vite évoqués. Tous dénoncent une violation de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.

Le Burundi a démenti Le ministre de l’Intérieur burundais, Pascal Barandagiye, a

Expulsion des étudiants congolais 138 étudiants congolais ont été expulsés du Burundi en août et septembre 2019. La police a parlé de résidents « irréguliers ».

L

’opération commence le 18 septembre. La police arrête une trentaine d’étudiants, à l’Université « Hope », qui habitent la zone Cibitoke, la plupart. Ils seront détenus pendant des heures avant d’être expulsés du sol burundais le même jour. Il leur est reproché d’être des « résidents irréguliers », n’ayant pas de visa d’établissement pour études. Pour la police, les autorisations spéciales de circulation « CEPGL » que plusieurs étudiants congolais présentent ne sont pas suffisantes. La police a parlé d’une «opération de routine». Les fouillesperquisitions s’inscrivent dans le cadre de ses missions. Le porte-

parole de la police, Pierre Nkurikiye, a souligné que même des Burundais vivant illégalement dans d’autres pays venaient d’être expulsés. Il a cité notamment 2 Burundais expulsés de la RDC, le 21 septembre, et 22 de la Tanzanie, le 16 septembre. Au lendemain de cette expulsion, tous les étudiants congolais au Burundi ont observé un mouvement de grève. Face aux doléances des étudiants, la police est restée catégorique : «Ils savaient bel et bien qu’ils sont dans l’illégalité. Le document qu’ils brandissent ne leur donne pas l’autorisation de résidence. La police doit faire respecter la loi.» Elle a appelé les établissements à s’assurer des documents de résidence pour les candidats étrangers, lors de l’inscription. C.S. Des étudiants congolais refoulés du sol burundais.

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démenti les accusations de rapatriement forcé. « Je me demande ce qu’ils sont en train de faire en exil alors que la sécurité est garantie ici au pays». Dana Hugues, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, a déclaré que bien que la sécurité globale se soit améliorée, le HCR est d’avis que les conditions au Burundi ne sont actuellement pas propices à la promotion des retours. D’après elle, des centaines de personnes fuient encore le Burundi chaque mois et le HCR exhorte les gouvernements de la région à maintenir les frontières ouvertes et l’accès à l’asile pour ceux qui en ont besoin. Cette organisation onusienne a assuré qu’elle continue d’aider les réfugiés qui indiquent avoir choisi librement et en toute connaissance de cause de rentrer volontairement. « Le HCR prie les gouvernements de la Tanzanie et du Burundi de s’engager à respecter les obligations internationales et de veiller à ce que tout retour soit volontaire, conformément à l’accord tripartite signé en mars 2018». Plus de 21 mille réfugiés ont été rapatriés de la Tanzanie en 2019, selon le HCR. Au total, plus de 79 mille rapatriés, depuis la campagne en 2017. Clarisse Shaka


ÉDUCATION

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Rétro 2019

Des élèves punis pour avoir « exprimé leur joie » Des finalistes qui venaient de finir l’examen d’Etat ont lacéré leurs uniformes. Après une enquête, le ministère de l’Education a identifié 96 élèves. Ils seront privés de leurs diplômes.

T

out commence sur un établissement de Bubanza, en août 2019. Son responsable décide, par un audio qui circule sur les réseaux sociaux, que des diplômes ne seront pas remis à 10 élèves finalistes, accusés d’avoir « lacéré leurs uniformes et de s’être mal comporté à la fin de l’examen d’Etat. » Une décision

qui a suscité de vives réactions. Après plusieurs jours d’enquête, le ministère de l’Education annonce, le 11 décembre, que 96 élèves, dont 93 en mairie de Bujumbura et 3 à Bubanza, ont lacéré leurs uniformes après l’examen. Ils devront passer dans un centre de rééducation où une formation patriotique leur sera

Des élèves qui ont lacérés leurs uniformes ont dû passer par un centre de rééducation.

dispensée, avant l’obtention de leurs diplômes. Le coordinateur national de

la Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi

(Fenadeb), Isidore Nteturuye, a salué cette décision. Il a, cependant, estimé que ces élèves ne sont pas les seuls à devoir être blâmés. « Leur comportement a montré l’échec des parents et des instituteurs dans l’encadrement des enfants». Isidore Nteturuye a rappelé que les jubilations à la fin des examens ne cesseront jamais. Les comportements changent avec les générations. Il appelle tous les parents et éducateurs à inculquer à leurs enfants « la manière de fêter la fin des examens. »

Anglais et swahili supprimés, une réforme « à tâtons »

Clarisse Shaka

La suppression de l’apprentissage de l’anglais et du swahili en 1ère et 2e année est l’une des réformes pour l’année scolaire 2019-2020. Un expert en éducation a parlé d’une bonne mesure mais « prise par tâtonnement ».

L

e ministère de l’Education annonce, le 11 septembre, que les écoliers du premier cycle fondamental (1ère et 2e année) n’apprendront que le kirundi et le français dans leur cursus de langues. L’anglais sera dispensé à partir de la 3e année, de l’oral à l’écrit progressivement. Le swahili ne sera appris qu’à partir de la 5e année. Le souci est de réduire les interférences linguistiques qui perturbent la maîtrise de ces langues, a affirmé Juma Edouard, porte-parole de ce ministère. L’expert en éducation, Pr Libérat Ntibashirakandi, a estimé que cette réforme n’est pas mauvaise, « mais elle s’ajoute à d’autres déjà prises par tâtonnement». D’après lui, ces réformes incessantes désorientent les élèves, les enseignants, les parents et tous les acteurs

du système éducatif burundais. Pr Ntibashirakandi estime que cette mesure seule n’apportera rien de plus à la qualité de l’enseignement au Burundi. « Il faut une vision globale de restructuration du système éducatif burundais». Cet expert en éducation a émis quelques propositions : former les enseignants de l’école maternelle, du primaire et du secondaire en nombre suffisant. Revoir le programme des cours et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins du pays. Construire assez de classes pour désengorger les écoles. Produire assez de livres et rendre disponible, dans les délais, le matériel didactique. Renforcer l’inspection des écoles. Dépolitiser le système éducatif burundais. Améliorer la gestion administrative et financière des écoles.

Des écoliers de la 1ère et 2e année n’apprendront plus l’anglais et le swahili.

Encourager les enseignants par une augmentation des salaires, etc.

Urgent : former les enseignants Quant au syndicaliste et enseignant Emmanuel Mashandari, cette mesure est à encourager. Ce n’est pas facile, souligne-t-il, pour les enfants de la 1ère année, d’apprendre quatre langues à la fois. « Cela doit se faire progressivement ».

Le plus important et urgent, selon lui, c’est de former les enseignants qui dispensent ces langues. Dans les écoles publiques, explique-t-il, les enseignants sont insuffisants. L’anglais et le swahili sont dispensés par des formateurs qui n’en ont aucune notion. « Ils ne font que mentir aux enfants». Ce syndicaliste a estimé que cette réforme ne devrait pas toucher les écoles privées qui font une prestation de qualité.

Elles ont des enseignants formés et les écoliers privés arrivent en 1ère année avec des notions dans ces langues. Le président adjoint de l’association des parents, Sévérin Nyamuyenzi, lui, a salué cette réforme. Pour lui, les enfants de la 1ère année n’ont pas la capacité d’assimiler plus de trois langues à la fois. « C’est pourquoi plusieurs enfants rentrent avec des échecs dans les langues. Ils les mélangent aussi en parlant».

Concours national : le taux de réussite va decrescendo 14% est le taux de réussite au concours national de 2019. La ministre de l’Education a déploré un taux qui chute davantage chaque année.

C

’est le 16 août que la ministre Janvière Ndirahisha a annoncé le taux de réussite au concours national 2019 : 14%. Elle a déploré un « très faible taux ».

Elle a indiqué que le taux de réussite va décrescendo d’année en année. Elle a expliqué que l’Etat, les parents, les enseignants et les élèves sont tous impliqués dans cette faible réussite. Le manque de matériel didactique, les classes pléthoriques, les enseignants qui ignorent le métier et enseignent sans préparation des leçons… expliquent cette situation, d’après la ministre.

Elle a promis de rassembler tous les acteurs du secteur éducatif pour juguler ce problème. La note minimale d’accès à l’enseignement post-fondamental est de 70/200, soit 35%. Le premier a obtenu 191 et les 5 premières écoles sur le classement national sont des lycées d’excellence. C.S.

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C.S.


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ENVIRONNEMENT

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Rétro 2019

Des morts et des dégâts matériels énormes Des effets du changement climatique, quelques actions de préservation de la nature… Des faits environnementaux marquants de l’année 2019. Des pertes tant humaines que matérielles importantes. L’année laisse les rescapés dans le désespoir.

2

8 décembre 2019. Inhumation de 15 personnes de Winterekwa et Nyabagere, zone Gihosha, commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura. Elles sont mortes, suite aux pluies torrentielles de la nuit du 21 décembre 2019. De grosses pierres, des terres, des troncs de palmiers charriés par les eaux du caniveau communément appelé Cagi envahissent les habitations, les ruelles, etc. En tout, 15 morts, 45 blessés, 57 maisons totalement détruites, 57 autres partiellement ruinées et 132 maisons sont inondées. Les ménages affectés étant au nombre de 219, selon un bilan officiel. Dépourvus de tout, les rescapés seront regroupés à l’Ecole Fondamentale Winterekwa. Ils sont 257 dont 129 adultes et 128 enfants, 56 hommes, 73 femmes, 66 garçons et 92 filles. A Cibitoke, commune Mugina, des mouvements de terrain font des ravages. Les pluies torrentielles de la soirée de mercredi 4 décembre 2019 causent des éboulements de montagne. La zone Nyamakarabo est très touchée, notamment trois sous-collines à savoir Rukombe, Gikomero et Nyempundu. Bilan : 26 morts, sept blessés et des portes-disparues. D’importantes étendues de champs détruites, des routes rendues impraticables, etc. Des centaines de sans-abris ont été installés à proximité du bureau zonal de Nyamakarabo. Le 12 décembre 2019, les victimes de cette catastrophe naturelle sont enterrées en présence du ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye, pour le compte du gouvernement.

Des maisons, des champs inondés En 2019, certains endroits surtout de la plaine de l’Imbo ont été inondés. Buterere est la plus touchée. Et ce, suite aux crues de la rivière Kinyankonge. Cas du 28 décembre est emblématique. Suite aux fortes pluies, les eaux envahissent les habitants de Kinyankonge, Buterere, commune Ntahangwa au nord de Bujumbura. Des dégâts matériels sont énormes. Des maisons écroulées, du matériel de couchage, des ustensiles… sont totalement ou partiellement inondés. Les ruelles et avenues deviennent impraticables. Des stocks de récolte de riz installés

Quelques corps sans vies des victimes des mouvements de terrain de Mugina.

pour la plupart sur la route Bujumbura-Rugombo sont détruits. Carama est loin d’être à l’abri des inondations. Vers fin octobre, la rivière Gasenyi a débordé. Les eaux se déversent dans les maisons, les avenues. Des boues rendent les routes impraticables. Une situation très prononcée dans le quartier Carama I. Le bassin d’écrêtement est débordé. Ce dernier est d’ailleurs rempli de sédiments, de boue, etc. Aucune activité de curage. Ses murs présentent des fissures. Les berges du grand caniveau séparant Carama et Gahahe se fragilisent. Au sud du pays, province Rumonge, le bilan des inondations est plus de 100 hectares de cultures envahis par les eaux. Au même mois de décembre, les berges des rivières Dama et Murembwe n’ont pas pu résister aux fortes pluies. Les cultures détruites sont, entre autres, des palmiers à l’huile, du manioc, du riz, des patates douces. Dans certaines palmeraies, on dirait de petits lacs artificiels. Ce qui diminue sensiblement la production. En zone Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura. Depuis début décembre, la rivière Rusizi sort de son lit pour envahir la colline Mushasha. Des maisons sont inondées, de la boue partout. Le milieu devient inaccessible.

dit ‘’Ceceni’’. Des infrastructures publiques sont aussi touchées : des Eglises, des avenues comme Mutaga, des câbles électriques et des tuyaux de la Regideso. A Gikungu-rural, zone Gihosha, commune Ntahangwa. On inventorie plusieurs maisons écroulées, suite à l’élargissement du ravin Nyanzari. D’autres sont menacées. Des ravins sont aussi signalés à Winterekwa, à Mutanga-Sud comme celui de Mugoboka, etc. A Kamenge, le ravin Nyamanogo voit le jour. S’élargissant dangereusement vers les habitations, il se situe dans le quartier Mirango II, non loin de l’endroit appelé Iwabo w’Abantu, à une centaine de mètres de la RN1 vers Gatunguru. Un pont qui reliait Kamenge à Gatunguru a cédé. Des tuyaux de la REGIDESO sont à nu.

Sauver le lac Tanganyika Vendredi 26 juillet 2019, l’Autorité du lac Tanganyika

lance officiellement à Bujumbura, le projet régional de gestion des eaux du lac Tanganyika «Lake Tanganyika Water Management» (LATAWAMA). Depuis lors, il existe un accord entre l’UE et l’Enabel et un mémorandum d’entente entre cette agence et l’Autorité du lac Tanganyika. Financé par l’Union Européenne (UE) à hauteur de 6,9 millions d’euros, il regroupe cinq pays, à savoir le Burundi, la République Démocratique du Congo (RDC), la Tanzanie, le Rwanda et la Zambie. D’une durée de quatre ans, ce projet repose sur un partenariat étroit entre l’Autorité du Lac Tanganyika et Enabel (Agence belge de développement) pour sa mise en œuvre. Le but du projet étant d’améliorer durablement la gestion et le contrôle de la qualité des eaux transfrontalières du bassin de ce lac. Le lac Kivu et la rivière Rusizi qui l’alimentent sont aussi concernés. Pour agir efficacement sur la

Bujumbura et ses ravins De plus en plus, une topographie terrifiante dans certains coins de Bujumbura. A Kinanira II, zone Musaga, commune Muha, un ravin a détruit plusieurs maisons en moins de deux mois. Plusieurs maisons, totalement effondrées, d’autres amputées de deux ou trois chambrettes. Ce ravin se trouve à l’est du quartier Kibeho

Une partie de Buterere inondée.

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pollution des eaux du lac Tanganyika, Wolfram Vetter, ambassadeur de l’Union européenne d’alors au Burundi, va souligner que c’est l’ensemble du lac qui doit être pris en compte. C o m m e p ro j e t p i l o t e , LATAWAMA se focalise sur Bujumbura (Burundi), Uvira (RDC), Kigoma (Tanzanie), Mpulungu (Zambie) et Cyangugu (Rwanda). Et des actions concrètes sont prévues dans chaque ville. Par exemple, à Bujumbura, il est prévu que LATAWAMA appuie la réhabilitation de la station d’épuration de Buterere et travaille à l’amélioration de sa gestion. LATAWAMA œuvrera à harmoniser les règles et les normes sur l’eau entre les pays concernés, équipera cinq laboratoires (un par pays) et formera des techniciens en charge des contrôles.

‘’Humaniser’’ la Ntahangwa Depuis le 22 août, les travaux de déviation de la rivière Ntahangwa pour la stabilisation des berges sont en cours du côté de Nyakabiga, près de l’Ecole du Jardin public, en bas du pont de la République. Ces activités visent à casser les méandres de la Ntahangwa en lui donner un nouveau cours. Ce qui permettra de protéger les maisons menacées d’écroulement, côté Kigobe-sud et de réhabiliter l’avenue Mukarakara. C’est un projet mis en œuvre par le ministère de l’Environnement sur financement du PNUD. Les activités sont prévues sur une période de quatre mois. Rénovat Ndabashinze


AU COIN DU FEU

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Avec Lambert Nigarura Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Lambert Nigarura.

V

otre qualité principale ? L’optimisme, quelles que soient les circonstances !

Votre chanson préférée ? Gahugu Kanje keza nakunze Quelle radio écoutez-vous ? Radio France Internationale (RFI) & Radio Publique Africaine(RPA)

Votre défaut principal ? Le manque de retenue face au mensonge et à l’injustice.

Avez-vous une devise ? Croire et oser.

La qualité que vous préférez chez les autres ? La sincérité, le courage et la détermination.

Votre souvenir du 1er juin 1993 ? Le respect de la vérité des urnes dans l’histoire du Burundi. La victoire d’un parti politique d’opposition.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? L’hypocrisie, le mensonge, l’égocentrisme, la neutralité dans le contexte d’injustice avérée. La femme que vous admirez le plus ? Ma chère mère et ma chère épouse. La première pour avoir guidé mes premier pas et m'avoir poussé à aller plus loin pour gagner ma vie. Elle avait la possibilité de me retenir, me garder au village pour l’aider aux activités champêtres. C’est grâce à elle que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Mon épouse occupe une place importante également. Elle m’a accepté tel je suis. Elle m’a toujours soutenu et a supporté sans regret mes engagements, des fois risquant dans la défense des droits humains en général et la lutte contre l’impunité en particulier. Cela nous a contraints à prendre le chemin de l’exil. L’homme que vous admirez le plus ? Martin Luther King. Il est et restera mon idole. Il a été un défenseur des droits humain par excellence. MLK est une icône des mouvements pour les droits civiques. Sa vie et ses œuvres symbolisent jusqu’aujourd’hui la recherche de l’égalité, de la justice pour tous et de la nondiscrimination ce qui incarne le rêve des milliers de Burundais. Votre plus beau souvenir ? Question pertinente car il m’est difficile de les classer selon l’ordre d’importance. Mais, je dirai la naissance de mon fils ainé, la joie d’être appelé pour la première fois Papa Louan.

Votre définition de l’indépendance ? L’indépendance est un concept qui désigne tout État ne dépendant pas d’un autre. Par conséquent, il est souverain dans la conduite des affaires politiques, économiques ou culturelles. Il faut noter que cette indépendance ne donne pas les prérogatives d’abuser le respect des droits fondamentaux et reste un principe universel reconnu et protégé au niveau international, en tout lieu et en tout moment. Votre plus triste souvenir ? Le décès de mon cher Papa, le 31 décembre 1986. J’étais encore trop jeune mais j’ai quand même constaté que quelque chose de grave venait de toucher ma famille. Un papa formidable qui s’est donné corps et âme pour faire étudier tous ses enfants. Un pari qu’il a d’ailleurs gagné. Malheureusement, il est parti trop tôt mais son nom restera gravé dans mon cœur.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? La signature de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation. C’est un évènement historique qui a mis fin à une longue décennie de guerre civile qui a emporté des vies de milliers de filles et fils du pays dans toutes les ethnies confondues

La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 1 er juillet « Seules la 1962

compétence Quel serait votre plus grand malheur ? et l’expérience La plus terDe continuer à voir rible ? guideront mon pays sombrer petit Elles sont noml’avancement breuses ces dates, à petit dans la violence, l' injustice, la haine, la dans la carrière je retiens principromotion de la médipalement : ocrité et l’indifférence des magistrats. » Le 13 octobre des responsables dans 1961, 21 octobre l’application de la loi face aux 1993 et 11-12 décembre 2015 choses graves. C’est comme l’appel aux meurtres, aux viols, Le métier que vous auriez à la haine ethniques et d’autres aimé faire ? malheurs qui sont devenus le Avocat défenseur des droits de quotidien des Burundais. l’Homme.

Votre passe-temps préféré ? La marche, faire le vélo et jouer avec mes beaux garçons. Votre lieu préféré au Burundi ? Gasumo ka Mwaro, dans ma province natale. Le pays où vous aimeriez vivre ? Le Burundi. Le voyage que vous aimeriez faire ? Dans les îles : Maurice /Seychelles Votre rêve de bonheur ? Réussir à éduquer mes enfants, dans de bonnes écoles pour les préparer à devenir des hommes intègres qui incarnent la valeur humaine et l’esprit du patriotisme. Votre plat préféré ? Je n’ai pas de préférence.

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Votre définition de la démocratie ? C’est un système politique où tous les citoyens, majorités comme minorités ethniques et politiques ont le droit de participer, de près ou de loin, aux décisions qui les touchent. Votre définition de la justice ? La justice est normalement fondée sur le respect des lois et l’égalité des hommes devant ces mêmes lois. C’est à dire que le non-respect des lois et le traitement inéquitable des citoyens d’un même pays est un signe de l’absence de ce principe universel. Si vous deveniez ministre des droits de l’Homme, quelles seraient vos deux premières mesures ? Mes premières mesures seraient de doter le ministère des organes dont la mission principale serait le contrôle du respect des droits humains avec une indépendance fonctionnelle. Le


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AU COIN DU FEU

premier organe fera le contrôle et inspection systématique, efficace et indépendante de tous les lieux de détention. Le deuxième aura une mission de recueillir les plaintes sur les différentes violations des droits humains. Si vous deveniez ministre de la Justice, quelles seraient vos deux premières mesures ? Je proposerais un réaménagement des procédures de nomination et de promotion des magistrats. Au lieu d’être nommés par le Conseil supérieur de la magistrature, qui est un organe éminemment politique du fait qu’il est dirigé par le président de la République et secondé par son ministre de la Justice. Les magistrats responsables des hautes juridictions seraient élus par leurs pairs. Secundo, la mise en place d’un mécanisme d’évaluation des juges. Il s’agira d’un mécanisme bien verrouillé par des textes de loi et qui veillera que les procédures liées à l’avancement de grade des magistrats respectent les principes et les exigences prévues par la loi. Le favoritisme et le militantisme seront écartés.

SANTÉ

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Seules la compétence et l’expérience guideront l’avancement dans la carrière des magistrats. Avec l’évaluation individuelle faite dans le respect de la loi, l’instrumentalisation de la justice sera combattue sans aucun doute. Et le trajet vers l’indépendance réelle de la magistrature sera tracé. Croyez-vous à la bonté humaine ? Oui, l’homme naît naturellement bon, c’est la nature qui le change. Pensez-vous à la mort ? Oui, comme un passage obligé et normal pour un être vivant. L’important, c’est de laisser un bon souvenir et une belle histoire. Si non la mort fait partie de notre vie. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Je lui dirais que je n’ai pas été parfait comme le veut la sainte Bible et reconnais ma faiblesse et le remercie pour sa clémence. Propos recueillis par Diane Uwimana

Bio express

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ambert Nigarura, activiste des droits de l’Homme, est président de la Coalition burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB CPI). C’est une plateforme de sept organisations de la société civile en charge de recueillir des informations sur les crimes commis au Burundi et qui relèvent de la compétence de la Cour Pénale Internationale(CPI). Né en province Mwaro, le 8 août 1977, M. Nigarura dispose d’une Licence en droit et réalise un master de spécialisation en droit international des droits de l’Homme à l’Université Saint-Louis de Bruxelles en Belgique. Lambert Nigarura a aussi travaillé sur plusieurs affaires sensibles et très médiatisées au Burundi, notamment l’emprisonnement du journaliste et Directeur de la Radio Publique Africaine « RPA » BOB Rugurika. Un emprisonnement qui a suivi l’assassinat des trois religieuses Italiennes en septembre 2014. Lambert Nigarura était l’un des avocats de la défense. Il a fait partie aussi des avocats de la défense dans l’affaire

du 08 mars 2014, des militants du parti MSD. M. Nigarura a également été coordinateur adjoint de SOS TORTURE BURUNDI, une organisation qui s’est engagée à décrire en détail les violations des droits de l’homme commises au Burundi depuis le carnage du 11 et 12 décembre 2015, au lendemain de l’attaque de camps militaires à Bujumbura. Membre fondateur et président de l’ONG Areddho-Burundi qui exécutait un projet en rapport avec les « Mineures en conflits avec la loi » avant sa suspension par le régime en 2015. Actuellement en parallèle avec la coordination des activités de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB CPI), Lambert Nigarura est responsable d’un département qui s’occupe des victimes de la disparition forcée au sein du collectif d’avocats « Justice pour le Burundi». Un collectif qui représente les familles des victimes devant la CPI. Exilé depuis juin 2015, Lambert Nigarura est marié et père de deux garçons.

Rétro 2019

Toute une année en alerte constante Virus d’Ebola, le choléra qui refait surface, la malaria qui connaît son pic le plus élevé dans tout le pays … Au cours de 2019, le ministère de la Santé est resté sur le qui-vive. Objectif : trouver des stratégies pour endiguer ces maladies.

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our la 10e fois, la RDC était frappée par le virus d’Ebola. Cette fois-ci, le Burundi n’est pas à l’abri. La cause : ses frontières poreuses avec son voisin de l’ouest. Avec des cas déjà enregistrés à Goma (à 400 km du Burundi), le Burundi est dans l’obligation de redoubler sa vigilance. En plus du plan de riposte, une campagne de vaccination est mise en œuvre. Le 13 août sur le poste-frontière de Gatumba, une campagne de vaccination contre Ebola débute. Les bénéficiaires sont le personnel aux post-frontières exposé à cette pathologie. En tête de liste, les agents de l’OBR et des banques, les militaires, les policiers, etc. Au total, 4320 personnes en provenance de 21 districts sur les 47 que compte le Burundi sont vaccinées. Preuve de l’urgence de la situation, une réunion bipartite des gouverneurs, des responsables sanitaires et des forces de l’ordre en mairie de Bujumbura, des provinces Bujumbura, Bubanza, Cibitoke, Rumonge, Makamba et de la province du Sud-Kivu est tenue le 26 août. Objectif : partager les plans de contingence, mutualiser

les efforts de la riposte contre Ebola et mettre en place des mécanismes de contrôle sanitaire sur les points d’entrée nonofficiels. Et la malaria de sévir. Après un pic sans précédent du paludisme, Dr Thaddée Ndikumana, ministre de la Santé, sort de son silence. C’est au mois de juin. Il annonce que le pays est confronté à une situation désastreuse. Parmi les provinces, les plus touchées, celles du nord-est et du centre, notamment Cankuzo, Gitega, Karusi etc.

Des chiffres qui ne fléchissent pas «A la 22e semaine de l’année, 282.993 cas ont été dépistés et mis sous traitement. », déclarera Dr Ndikumana, ministre de la Santé. Le début d’une guerre des chiffres. Dans la foulée, l’organisme onusien OCHA – Burundi (l’Agence des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires) fait savoir, dans un rapport, que plus de 5 millions de cas de paludisme ont été enregistrés au niveau national durant les six derniers mois de 2019. De quoi pousser les responsables du ministère de

Plus de 4000 personnes ont été vaccinées contre Ebola.

tutelle à déclarer l’état d’épidémie. De vaines alertes. Mordicus, le ministère de la Santé soutiendra qu’il n’ ya aucune raison de s’inquiéter. « Tout est sous contrôle. Les chiffres sont en perpétuelle baisse ». Contrairement à la malaria, face à une recrudescence des cas de choléra, Dr Thadée déclare l’épidémie. Une décision salutaire. Dans la foulée, plusieurs de leurs partenaires ont pris à bras le corps la question de l’eau propre.

Avec plus de deux cas de choléra enregistrés quotidiennement dans les zones du nord de Bujumbura, le ministre de la Santé n’a pas tardé à déclarer l’épidémie. Dans les autres recoins du pays, la province Cibitoke est de plus en plus touchée. Au début de juillet, plus de 20 de choléra sont enregistrés. Les communes Rugombo et Buganda sont les plus frappées. Plus de 3 cas par jour sont signalés. Grâce notamment aux efforts des autorités locales qui ont fait du porte à porte pour la

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désinfection et la sensibilisation de la population aux bonnes pratiques d’hygiène sanitaire, l’épidémie sera quelque peu contenue. Signalons aussi les avancées dans la prise en charge des maladies chroniques, telles que les maladies cardiovasculaires. Notamment, l’implantation des pacemakers. Des opérations probantes ont été effectuées à l’hôpital militaire de Kamenge. Hervé Mugisha


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega/Intempéries

Quand les stands de légumes autrefois achalandés n’offrent plus rien Les étals réservés aux légumes comme les choux, les amarantes, les tomates, les feuilles de manioc et les aubergines, sont presque vides. Les fournisseurs de ces denrées prisées par la classe moyenne broient du noir. Les prix s’emballent. Les fortes pluies sont à l’origine de cette pénurie. lement, déplore-t-elle, les rôles se sont inversés, elles sont mangées par des gens qui sont capables d’acheter la viande. Elle se dit inquiète pour la santé de sa progéniture. «Aujourd’hui mes enfants sont obligés de manger du riz et du haricot sans les légumes comme d’habitude».

De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

L

es pluies torrentielles de décembre qui ont détruit les maisons et fait des victimes dans différentes localités du pays, n’ont pas épargné les cultures maraîchères à Gitega. Les crues des rivières et ruisseaux ont dévasté tout sur leur passage. Dans la commune de Giheta où la plupart des légumes vendus dans la ville de Gitega sont produits, les cultivateurs sont dans le désarroi. « J’avais deux champs d’amarantes et d’aubergines mais maintenant je n’ai plus rien. Les eaux de la Ruvubu ont tout emporté. Mon champ d’amarantes et d’aubergines est devenu une véritable rizière. Les légumes qui ont pu résister à l’eau pourrissent et sont invendables», déplore André de Kiriba, cultivateur rencontré à Giheta. Pour ce maraîcher, les plus chanceux qui ont encore des légumes dans les vallées ou au bord des rivières se comptent sur le bout des doigts. «Chez nous,

Région Ouest

« Le manque des engrais ajoute le drame au drame ! »

Les étals de légumes presque vides.

avoir aujourd’hui des choux ou des amarantes, c’est comme avoir du café ou autres cultures de rente. Un sac d’amarantes peut facilement coûter autour de 30.000 francs alors qu’il était possible de l’avoir à moins de 10.000 francs», ajoute-t-il. Les vendeurs et les consommateurs ne savent plus à quel saint se vouer. D’après ces derniers, préparer un repas sans légumes làdedans est pénible. « Mes enfants ne veulent pas manger un repas sans les légumes. Si ce n’étaient

pas les choux, c’étaient des amarantes mais maintenant plus rien. Quand je fais de la cuisine, ils me demandent chaque fois si j’aurais acheté aussi les légumes », explique Pétronie, une maman croisée à Shatanya. Et ce sont les mêmes inquiétudes pour Clavera, une institutrice. «Quand les gens blaguent en disant que la viande des pauvres, ce sont les aubergines, aujourd’hui c’est une triste réalité, elles sont devenues très chers pour un simple fonctionnaire. » Actuel-

Actuellement, le peu de légumes vendus au marché de Gitega proviennent de Muramvya ou ailleurs à prix exorbitant. Cinq aubergines coûtent 500 francs alors qu’avec cette somme, on rentrait du marché avec un sac en plastique bondé. Mêmement pour les amarantes, les petites bottes sont devenues de plus en plus insignifiante. « Je crois que les rares vendeuses d’amarantes comptent les tiges et les feuilles car toutes sont égales», plaisante Jacqueline. La plupart de cultivateurs rencontrés à Kiriba et Kibande dans la commune de Giheta, affirment que ce n’est pas la première fois que les pluies torrentielles détruisent leurs champs. «Mais aujourd’hui,

c’est grave. Avant quand les crues des rivières n’envahissent nos champs, nous attendions seulement que les eaux baissent pour cultiver de nouveau. Mais aujourd’hui, le problème d’engrais ne nous permet pas de cultiver autant de fois que nous voulons dans une année», se désolent-ils C’est le cas d’Isidore, pour lui et ses voisins habitués à fournir les commerçants de Gitega en amarantes, aubergines et choux, les engrais chimiques surtout l’urée indispensable pour la culture des légumes est vendue en cachette. «Le manque d’engrais ajoute le drame au drame. Les services chargés de l’agriculture ont pris l’habitude de vendre les engrais deux fois l’année, ce qui nous handicape énormément car nos légumes sont cultivés tous les mois de l’année sans distinction de saisons. Impossible de faire un stock pour six mois en une seule fois », déplore cet agriculteur. Selon lui, s’il y avait de l’engrais à un prix raisonnable, il n’y aurait pas de pénurie de légumes sur le marché à Gitega.

Cibitoke

Plus de 2.000 pagnes saisis en un mois Dans différentes opérations menées à Cibitoke, la police a mis la main sur plusieurs pagnes de la contrebande. Les fraudeurs sont pour la plupart des commerçants véreux. Le commissaire de police à Cibitoke met en garde ces derniers et les administratifs qui collaborent avec ces contrebandiers. De notre correspondant Jackson Bahati

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ur différents marchés des communes de la province de Cibitoke, les pagnes en provenance de la RDC sont de plus en plus chers. Et les acheteurs décidés à passer les fêtes de fin d’année colorées n’ont pas pu trouver les pagnes portant la marque prisée ’’Wax’’ pour agrémenter ces cérémonies. Les vendeurs de ces pagnes expliquent que cela est dû aux différentes opérations menées ces derniers jours par la police où plus de 600 pagnes ont été saisis. Ces pagnes importés de la RDC sont appréciés par rapport aux autres. Certains commerçants inter-

rogés révèlent que bon nombre d’entre eux préfèrent prendre le risque d’échapper aux taxes de l’OBR sur ces pagnes pour faire plus de profits. «Il y en a qui font passer ces pagnes par des canaux illégaux pour faire plus de bénéfices ». L’un de ces commerçants rencontré au chef-lieu de la commune de Rugombo a confié que ces derniers temps, il est passé par la voie légale pour 100 pagnes mais au vu des taxes exigées, il a jugé bon d’abandonner ce commerce. «Je me suis retrouvé sans moyens pour pouvoir payer ces taxes ». Ces commerçants demandent à l’OBR de revoir les taux tarifaires appliqués à ces pagnes en provenance de la RDC. « Cela nous éviterait de travailler à perte et de

Plus de 2.000 pagnes saisis par la police en moins d’un mois.

tenter de passer par d’autres voies ».

Plutôt respecter les voies légales Pour le commissaire de police provincial de Cibitoke, OPP I Bonfort Ndoreraho, il faut respecter la loi en attendant que l’OBR puisse revoir ses taxes. Il indique qu’il a déjà saisi au moins 2.100 pagnes seulement en ce mois de décembre. Cet officier de la police précise que la majorité de ces pagnes

sont saisis chez des commerçants qui les ont achetés en RDC. Selon lui, l’évasion fiscale a un impact négatif sur la croissance de l’économie nationale. Il ajoute que ces commerçants ont mis en place une certaine série de stratégies de fraude. Certains pagnes sont emballés dans des paniers de tomates. C’est le cas de 600 pagnes saisis dernièrement au moment où de leur embarquement dans un véhicule transportant des paniers de tomates sur l’axe Cibitoke-Bujumbura.

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M. Ndoreraho demande à ces commerçants de mettre un terme à ce comportement, et les encourage plutôt à payer des impôts, sinon la police sera toujours à leur trousse. Aux administratifs qui ferment les yeux face à ce phénomène, la police leur demande d’abandonner ce comportement et de savoir qu’ils sont au service de l’Etat et non de ces contrebandiers.


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SPORT

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Rétro 2019

Des espoirs douchés Une qualification historique à la CAN 2019, mais vite effacée par des résultats peu reluisants des Intamba, un Mutombola de plus en plus fragilisé, Francine Niyonsaba absente des Mondiaux de Doha pour des raisons d’hyper androgynie, des soubresauts incessants à la Febabu… Quelques-uns des faits sportifs qui ont marqué 2019.

L

Des joueurs euphoriques après la qualification à la CAN.

tants sets (6-4,6-3,6-5), la native de Buyenzi venait d’expédier la Brésilienne Laura Pigossi, remportant ainsi ce tournoi qui réussit mal aux Africains. Après cinq ans d’absence sur la scène continentale, les volleyeurs ont participé aux championnats d’Afrique des Clubs champions. Bien que sur les parquets cairotes, les résultats n’aient pas été reluisants, c’est un pari gagné. Le tournoi a le mérite d’avoir rappelé aux autorités burundaises, qu’à défaut de compétitions internationales, rivaliser avec les grands du continent sera toujours mission impossible. Discipline souvent pourvoyeuse de médailles, l’athlétisme a brillé par son absence. Les 17e championnats du monde, tenus à Doha, se sont démarqués par les contreperformances des Burundais. La cause : les horribles conditions climatiques Annoncée dans le peloton des 20 premiers sur 5000 m, Cavaline Nahimana raconte qu’après avoir

Judo, tennis, fierté du pays Le judo burundais a encore une fois brillé en 2019.Hote des Championnats d’Afrique dans la catégorie Cadets/Juniors, le Burundi a raflé la quasi-totalité des médailles. Au total, un bilan de plus de 15 médailles d’or. Une mention honorable pour le tennis burundais. Victorieuse, le 13 octobre de l’Open de Lagos, Sada Nahimana a réussi là où plusieurs joueuses africaines avaient échoué. Un titre qui l’a fait entrer dans le panthéon du tennis continental. En 1h40, après trois hale-

© Droits réservés

e 23 mars 2019, une date indélébile dans l’histoire du football burundais. Pour sa toute 1ère fois, le Burundi se qualifie pour une phase finale d’une Coupe d’Afrique des Nations. Un moment inoubliable. Au-delà du cadre sportif, l’exploit rappelle que les Burundais sont un seul peuple. Après une campagne savamment négociée par Mutombola, les Intamba arrachent le nul à Bujumbura contre le Gabon (1-1).Les dernières minutes de la rencontre ont été dures, mais, le Burundi a fait l’impensable. Grâce à la cohésion du vestiaire, surtout à l’investissement de tout un chacun (joueurs, staff, public), l’unité a fini par payer. Pour nombre d’observateurs, un acte fondateur d’une belle épopée. Hélas, des espoirs de courte durée. Partis avec toutes les gloires, les Intamba reviennent du Caire avec l’ « opprobre ». Ils ne sont que l’ombre d’euxmêmes. Le séduisant jeu tourné vers l’offensive qui a émerveillé le continent et le monde a quasiment disparu. En trois rencontres, les Intamba enregistrent un zéro pointé dans une poule B, pourtant annoncée à sa portée. Une déroute cumulée aux récentes éliminations aux qualifications à la Coupe du Monde et la Coupe de la Cecafa amène plus d’uns à s’interroger sur l’avenir du groupe. Et par-dessus tout sur la capacité du sélectionneur Mutombola à porter loin les espoirs de toute une Nation. Nombre d’observateurs estiment qu’il est grand temps pour lui de céder sa place à un autre. Avec une victoire qui remonte en mars 2018(contre le sud Soudan), en toutes compétitions confondues, les Intamba restent sur une série de 14 matches sans victoire.

Sada après avoir gagné l’Open de Lagos.

bouclé les 2000m, elle commençait à suffoquer. « Mon corps n’en pouvait plus, au point de vouloir abandonner ». Souvent coutumière d’un chrono de 15’29 ‘’, elle a bouclé les 5000 m en 16’20”. Soit une minute de retard. Idem pour Olivier Irabaruta sur marathon et Thierry Ndikumwenayo sur 10000m. Sur cette même distance, seuls Rodrigue Kwizera et

Onesphore Nzikwinkunda sont parvenus à boucler les 25 tours de piste. Avec au passage une 16e place pour Rodrigue. Cette compétition aura été marquée par les absences de Francine et Gakeme. Disqualifiée à cause de son hyper androgynie, Francine Niyonsaba a manqué à ce rendezvous. Egalement forfait, Antoine Gakeme. L’officier militaire en Hautes Etudes du Sport paie le lourd tribut de sa piteuse saison.

Le basketball, la boxe en quête de survie

Kararuza dans la tourmente.

Des boxeurs prennent part du 12 au 17 mai au tournoi de la zone 3 à Libreville. Sur le coup, Ornella Havyarimana et Jean Marie Ndayizeye décrochent deux médailles en bronze. Toutefois, la récompense est autre pour le pays. Durant deux semaines, ils sont retenus à l’hôtel Ngonemono de Libreville. La cause : ne pas avoir payé les frais d’accommodation. Après d’amples tractations, ils arriveront sur Bujumbura le 7

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juin. « Au-delà du calvaire qu’ont enduré les boxeurs, c’est un désagrément qui a le mérite d’avoir montré combien lent voire laxiste peut être le personnel du ministère des Sports lorsqu’il traite les dossiers des athlètes en partance pour l’étranger », révélera Aloys (nom d’emprunt), membre d’une fédération. Douze présidents des associations affiliées à la fédération de basketball du Burundi(Febabu), via une motion de défiance, ont signifié à Augustin Kararuza, son président, qu’au vu de ses manquements, ils lui retirent leur confiance. Nous sommes le 27 novembre. Le début de tout un feuilleton. Une décision que légitimera la ministre des Sports, avant que Lydia Nsekera, président du CNO, n’entre dans la danse. « Au risque que de telles pratiques se généralisent, le CNO combattra avec la dernière énergie de telles initiatives », martèlerat-elle lors d’une conférence de presse. Avant de lâcher : « S’ils veulent le destituer, ils n’ont qu’à suivre la procédure habituelle telle que le stipule le règlement.» D’après elle, il ne suffit pas qu’un membre d’une fédération ait un différend avec son président et qu’un bon matin, il se lève frustré pour le chasser de sa présidence. « S’ils veulent le démettre, il faut qu’ils se fient au ROI ».Et depuis, c’est le statut quo. Toutefois, lors d’une assemblée générale, tenue samedi 28 décembre, Sef Sabushimike a été élu nouveau président de la Febabu (fédération de basketball du Burundi). Hervé Mugisha


CULTURE

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Rétro 2019

Flou autour de Miss Burundi 2019 Une association locale a tenté de recoller les morceaux de l’évènement Miss Burundi qui avait tourné au fiasco en 2018. A peine lancé, d’autres associations ont demandé sa suspension.

L

’association « Miss Burundi Event » a lancé le 1er novembre Miss Burundi 2109. Parmi les critères requis, les candidates devaient au moins mesurer 1m 65. Peser au maximum 65 kg. Avoir un âge compris entre 18-25 ans et avoir terminé les études secondaires. L’élue Miss Burundi ne devra pas voyager ou participer dans d’autres compétitions internationales sans l’aval de l’organisation. Lors du lancement de

l’évènement, Salvator Ntawemenyereye, cadre à l’Office National de Tourisme (ONT), a indiqué que la société a leur entière bénédiction. Quelques jours après le lancement, la Fondation FEMIDEJABAT, Acopa-Burundi et UnabudiInyenyeri z’ Uburundi Kw’Isi yose, par un mémorandum, ont demandé la suspension de l’organisation de cette compétition. «… Ayant constaté qu’au lieu de promouvoir l’épanouissement socio-économique de la fille burundaise, la tenue de Miss Burundi contribuerait à l’exclusion d’une partie de la société burundaise. Nous demandons la suspension de l’organisation de l’édition 2019 de Miss Burundi», ont clamé ces trois organisations. Vu les critères de sélection des candidates, ces organisations ont estimé que la tenue de cet évènement suscite des interrogations

sur sa transparence. Pour la simple raison « qu’ils ne tiennent pas compte des réalités socio-culturelles de la nation burundaise ». Comme mesures accompagnatrices, elles ont demandé aux ministères de la Culture et du Genre la mise en place d’une commission nationale mixte chargée d’analyser les critères de sélection des candidates, l’élaboration des statuts des lauréates de Miss Burundi ainsi que la mise en place d’un cadre légal qui régit cette compétition. Dans ce mémorandum, en plus de déplorer que la société Miss Burundi Event ne dispose d’aucun partenariat avec une autre institution tierce, ces organisations ne comprennent pas pourquoi « la taille, tout comme l’âge ou les études seraient des obstacles à la participation ». Miss Burundi 2017, Annie Bernice Nikuze.

Le Burundi a perdu certaines icônes de la musique Memba, l’ancien batteur incontournable, Buddy, le célèbre guitariste et Sylvane, la voix de la chanson burundaise. Ce sont les trois chanteurs qui ont tiré leur révérence en 2019.

• «Memba» ou l'ancien batteur incontournable

• « Buddy » ou l’icône de la guitare qui s’est éteint

• Sylvane, une voix de la chanson burundaise n’est plus © Droits réservés

B

runo Simbavimbere alias « Memba » a succombé à l’attaque à la machette survenue le 22 février alors qu’il rentrait chez lui, au quartier Kibenga. Président de l’Amicale des musiciens du Burundi (AMB) depuis plus de 10 ans, cet ancien batteur a laissé une épouse et sept enfants. Connu pour avoir accompagné plusieurs groupes de musiciens comme joueur de batterie, Memba a commencé sa carrière de batteur dans l’orchestre « Amabano », dans les années 80. Il a ensuite rejoint le groupe « Ntahangwa River » dirigé par l’artiste Prosper Burikukiye alias Bahaga.

«Nous sommes sonnés, attristés par la mort de notre cher ami Buddy. Nous savions qu’il était souffrant, amputé d’une jambe, le moral au plus bas. Nous nous sentons orphelins, Buddy était pour la plupart des musiciens burundais comme un père spirituel ou comme un grand frère.» Ce sont les pleurs de ceux qui ont connu Jean Marie Magloire alias Buddy, mort le 26 octobre en Belgique. Ils n’ont pas tari d’éloges pour ce grand artiste talentueux. D’après eux, Buddy a travaillé avec plusieurs d’artistes ici au Burundi, au Rwanda, au Kenya, aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique. « Il est sorti de l’ombre et a tendu la perche à nombre de musiciens et de chanteurs surtout la nouvelle génération ». Le président de l’Amicale des musiciens, arrangeur et producteur à la tête d’un studio, a témoigné : «On lui doit beaucoup, il nous a appris pas mal de choses dans le monde de la musique et de la production, il prodiguait beaucoup de conseils. Tous les petits arrangements à faire, telle sonorité, telle séquence, tout cela nous vient de lui.»

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18 décembre, Sylvane Ntiyibagira tire sa révérence à 54 ans. «Une vraie diva qui s’en va », a confessé un journaliste culturel qui la connaît bien. Ce dernier garde d’elle un souvenir d’une vraie perfectionniste, obsédée par un travail bien fait. Il a parlé d’une chanteuse très éprise de la profondeur des textes dans la composition de ses chansons. Révélée dans les années 1980, lors d’un concours organisé par la RTNB, elle est parvenue à séduire le jury par la profondeur de ses textes et sa maîtrise à jouer de la guitare. « Une exception à cette époque, parce que peu de femmes savaient le faire avec autant de délicatesse », a témoigné ce journaliste. Sylvane a laissé 3 enfants et un veuf. Clarisse Shaka


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ANNONCES

Vendredi, 3 janvier 2020 - n°564

Appel à candidature Interne et Externe pour un(e) Coordinateur (trice) Technique National et Responsable « Output 3 », ACCES+ 6T Le poste est placé dans la Bande 4T Lieu d’affectation : Bujumbura Durée : Contrat de travail jusqu’au 30.09.2021 Supérieur hiérarchique : Responsable du Marché du Projet ACCES 1. Domaine de responsabilité Le/la titulaire du poste est responsable des activités suivantes : • Soutenir le développement, la conception et l’orientation des approches et des stratégies de mise en œuvre du projet ; • Conseiller et appuyer la réalisation technique et opérationnelle des trois outputs du projet et leurs interfaces avec les partenaires du projet ; • Participer activement à la coordination des activités quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles et s’engager dans la cohésion de l’équipe du projet ; • Coordonner et conduire la mise en œuvre de l’output 3 ; • En appuie au Responsable du Marché organiser et coordonner les relations institutionnelles avec les partenaires du projet au niveau national, régional et local ; • Conseiller le Responsable du Marché sur les sujets et situations internes et externes en relation avec le projet ; • Assurer l’intérim du Responsable de Marché lors de son congé.

• Dans ce cadre, le/la titulaire du poste a les attributions suivantes : 2. Attributions * Responsabilité de coordination Le/la titulaire du poste • Soutient la représentation du projet auprès des partenaires en vue de créer et susciter des partenariats et des coopérations gagnant-gagnant dans le strict respect des principes de la coopération allemande. • Soutient la collaboration avec les partenaires étatiques et non étatiques pour maintenir des contacts fréquents et réguliers, un dialogue permanent, entretenir de relations de travail franches et valoriser les synergies. • S’imprègne et connait les procédures et standards de la GIZ et

oriente les partenaires du projet à leur respect. Assure la gestion quotidienne des principes de coopération et ses implications sur la mise en œuvre des activités du projet, en mettant un accent particulier sur leurs contenu, exigences, limites et implications. Soutient la communication institutionnelle avec les acteurs étatiques et non étatiques au niveau national, régional et local pour développer et renforcer les synergies et complémentarités dans la mise en œuvre du projet. Contribue fortement au pilotage technique du projet et négocie avec les partenaires impliqués la fixation des rendezvous pour les réunions de pilotage technique, de concertation et d’information ; prépare et organise les activités liées à la participation des partenaires du projet. Veille au suivi de la mise en œuvre des engagements issus des réunions de pilotage/concertation au niveau du partenaire national provincial et communal. Fait des propositions pour concevoir et élaborer des stratégies et approches d’opérationnalisation pour la mise œuvre des activités en lien avec les partenaires du projet ; Planifie, coordonne et garanti la qualité de la mise en œuvre des activités de l’output 3 et en assure le suivi et le rapportage. Conseille le Responsable du Marché dans les approches stratégiques et tactiques pour opérationnaliser les indicateurs du projet. Suit et coordonne l’atteinte de leurs résultats, contrôle leur qualité et propose des corrections appropriées et opportunes (S&E).

* Travail en réseau et coopération, gestion des connaissances Le/la titulaire du poste • Veille à une franche coopération, le contact régulier et le

dialogue avec les partenaires ; apporte son soutien au travail de relations publiques et coopère avec les différents partenaires dans l’environnement du projet de même qu’avec les différents projets de la Coopération Internationale Allemande et des partenaires techniques et financiers, dans le but d’entretenir de bonnes relations de travail et de valoriser les synergies. Communique sur les intérêts et efforts locaux, en informe qui de droit et facilite les échanges d’idées et d’informations au bénéfice du projet. Contribue à la préparation des missions de supervision et de l’évaluation du projet par les bailleurs et consultants, rédige les termes de référence, organise et suit les évènements pour une parfaite mise en œuvre. Contribue à la rédaction du rapport annuel et à d’autres exposés et présentations spécifiques du projet. Cherche et développe les activités sur des thèmes spécifiques et transversales présentant un intérêt pour le projet.

3. Qualifications, compétences et expérience requises * Qualification • Un diplôme et des qualifications académiques (BAC+4 au moins) de préférence en développement rural, science environnementale, agronomie et/ ou agroforesterie. • Expérience professionnelle • Au moins 15 ans d’expérience professionnelle dans les domaines du développement rural, science environnementale de l’agronomie et/ou agroforesterie. • Au moins 15 ans d’expérience professionnelle avérée dans les relations avec les partenaires étatiques, non-étatiques et internationales. • Expérience fondée avec les projets de coopération de la GIZ et

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

expérience confirmée du terrain. • Expérience certifiée de direction et gestion. * Autres connaissances/compétences • Très bonne connaissance pratique de l’utilisation des technologies de l’information, de la communication et des applications informatiques (logiciels Outlook et MS-Office). • Une forte capacitée d’organisation, de négociation et de communication. • Formation et expérience confirmée en modération d’ateliers et d’évènements. • Un esprit de leadership d’équipe et des capacités d’animation. • Maîtrise parfaite (à l’oral et à l’écrit) de la langue française et anglaise. * Constitution du dossier Le dossier de candidature devra comprendre : • Une lettre de motivation adressée à Monsieur le Responsable du Marché du Projet ACCES. • Un C.V actualisé, • Des copies de diplômes, certificats de réussite (certifiées conforme à l’original) • 3 personnes de référence et leurs numéros de téléphone et/ou adresse e-mail. Date limite pour envoi des candidatures 20.01.2020 à 17h par email à gizburundi-rh@giz.de ou par courrier au nom de la Directrice Administrative et Financière de GIZ-Burundi, No 1 JRR, face à la librairie St. Paul, en marquant « Coordinateur (trice) Technique National et Responsable « Output 3 », ACCES+ ». Seulement les candidats présélectionnés pour le short liste seront informés et les dossiers ne seront pas remis aux candidats. Les personnes ayant des liens de parenté avec le personnel de la GIZ ne sont pas autorisées à déposer leurs candidatures.


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