IWACU 554

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IWACU N°554 – Vendredi 25 octobre 2019 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Victimes de leur travail

JUSTICE Interview exclusive avec Me Fabien Segatwa

AU COIN DU FEU P.9

Avec Denis Banshimiyubusa

SANTÉ P.10

Lèpre: un fléau qui ne recule pas

P.12


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 25 octobre 2019 - n°554

En coulisse

En hausse

Sur le vif

5 jours de vaccination contre la dermatose nodulaire chez les bovins Une détention arbitraire Par Léandre Sikuyavuga Directeur des Rédactions

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outer, toujours douter ! » C’est le principe sacro-saint du journal Iwacu. Douter fort encore quand l’information émane des réseaux sociaux, ces canaux souvent anonymes. Voir de ses propres yeux, vérifier, confronter, recouper. Bref, les principes de base d’un bon journalisme que l’on pratique dans Iwacu. C’est ce qu’étaient allés faire nos collègues : Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana, Térence Mpozezi à bord du véhicule conduit par Adolphe Masabarakiza. Pour rappel, dès le petit matin de ce mardi 22 octobre, des audios, textos faisant état des affrontements entre les forces de la défense nationale et des groupes armés à Bubanza ont inondé la toile. Le gouverneur de cette province s’est même exprimé pour calmer la population : la situation est maîtrisée. Ne pouvant pas se fier aux seules informations de whatsapp, Twitter et autre Facebook, les reporters d’Iwacu, armés de leurs stylos, enregistreurs et appareil photo, ont quitté les bureaux d’Iwacu vers 12 heures, pour tenter de revenir avec une information de terrain, vérifiée, utile au public. Ils ne pouvaient rester à Bujumbura, assis à la rédaction et relayer des infos non vérifiées. Leur attachement à la recherche de la vérité les a poussés, comme d’habitude, à se rendre dans ces zones de danger, sans en ignorer les risques. Ils ont été arrêtés avant leur travail sur terrain et leur investigation interrompue s’est terminée au cachot du commissariat de Bubanza. Pourquoi, qu’ont-ils fait ? Au moment où nous mettons sous presse, aucune charge ne pèse contre eux. Pourtant, c’est la troisième nuit qu’ils sont en garde à vue, leurs téléphones et matériel de travail confisqués. La liberté d’information, le droit de la chercher, de la recevoir et de la communiquer, est un droit fondamental et inaliénable et un élément indispensable de la démocratie au Burundi. Un droit garanti par la Constitution. Je dis merci à ceux qui, de près ou de loin, continuent à nous envoyer des messages de soutien. Je salue toutes les organisations qui demandent aux organes habilités leur libération immédiate et sans condition, car ils sont détenus arbitrairement. Je me joins à eux et espère qu’ils vont passer ce week-end chez eux.

Plus de 580 mille bovins seront vaccinés au niveau national. Le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a procédé au lancement de la campagne nationale de vaccination des bovins contre la dermatose nodulaire contagieuse, mardi 23 octobre, en commune et province Gitega sur la colline de Rubamvyi.

Le gouvernement burundais adopte MoyOffis

L’association des Clubs de Basketball Amateurs de Bujumbura (ACBAB),

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our avoir organisé un tournoi de collecte de fonds afin que la famille de Rodrigue Ndayizamba (joueur de Muzinga BBC) puisse s’acquitter de la facture d’hospitalisation à Kira Hospital. Il est sorti d’hôpital dans la soirée du mercredi soir 23 octobre.

Dmitry Komissarov, membre du Conseil d’administration de l’Association de développeurs de produits logiciels « Otetchestvenny soft » (logiciels russes), et le directeur général de la société « Novie Oblatchnie Tekhnologii » (Nouvelles technologies cloud) (NCloudTech.com) ont annoncé le début des livraisons des solutions logicielles russes MoyOffis (MyOffice.ru) au Burundi.

Vers la nomination de nouveaux magistrats de la Cours suprême L’analyse des propositions des nominations des magistrats de la Cour suprême, de son parquet et certains responsables des autres juridictions de ce parquet a été effectuée par le Conseil supérieur de la magistrature. Lequel a tenu, vendredi 18 octobre, une session extraordinaire sous la présidence du président Nkurunziza.

En baisse

Cinq contrefacteurs arrêtés par la police,

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our avoir contrefait des documents administratifs, des diplômes, des permis biométriques, des vignettes fiscales, etc. Montrés à la presse, jeudi 24 octobre, il s’agit de Gabriel Ndikumana alias Gabi, Prime Mwenyebatu, Albert Ngendakumana, Massoudi Bigirimana et Janvier Masabo (récidiviste).

Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza, Edouard Nkurunziza Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société : Clarisse Shaka, Jérémie Misago Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza

ANNONCE

Equipe technique : Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

COMMUNICATIONS GROUP «Pour toutes vos publicités, édition et impression»

Un chiffre

580.000 IMPRESSION OFFSET ET NUMÉRIQUE FINITION, INFOGRAPHIE ET PRÉ-PRESSE

est le nombre de vaches qui seront vaccinées contre la dermatose nodulaire

Source : Ministère ayant l’élevage dans ses attributions Une pensée

Flyer Carte de visite Dépliant Livret

Affiche Brochure Papier en tête Magazine

Papier Autocollant Bloc-note Calendrier

Quartier INSS, Av.Mwaro N°18, Tél:22 27 82 21

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« La liberté de la presse présente des inconvénients. Mais moins que l’absence de liberté. » François Mitterrand


L'ÉVÉNEMENT

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Musigati, le prix de l’information

Envoyés couvrir les attaques survenues le 22 octobre 2019 dans la province de Bubanza en commune Musigati, l’équipe de reporters d’Iwacu n’aura pas le temps de faire son travail. Ils sont arrêtés par la police. Motif : la zone est dangereuse. A leur grand étonnement, ils se retrouvent au cachot. Dossier réalisé par Abbas Mbazumutima, Rénovat Ndabashinze, Jérémie Misago et Alphonse Yikeze

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heures, la salle de la rédaction centrale du Journal Iwacu bouillonne. C’est l’heure de la conférence de rédaction. Les journalistes sont agités, les yeux rivés sur leurs smartphones. De WhatsApp, Facebook et autres Twitter, des messages tombent à chaque minute. Des messages audio font état d’une « attaque rebelle d’éléments venus de la Rukoko. » Ce groupe d’hommes armés est signalé à Mpanda, à Gihanga, en zone Mitakataka et dans Musigati. Les messages parlent de plusieurs dizaines d’habitants de ces localités enlevés. Il est également question de tirs nourris à Muyange dans la commune Musigati, de poursuite de ces éléments par les Forces de l’ordre épaulés par les jeunes Imbonerakure. Il y a des gens fuyant ces combats, mais aussi d’appels au calme, que la situation est sous contrôle. « Il y a trop de rumeurs. Il faut vérifier sur terrain», lance Léandre Sikuyavuga, directeur des rédactions. Il est approuvé par toute la rédaction. «Le sujet s’impose. Il faut des preneurs». Christine Kamikazi de la web radio, Agnès Ndirubusa du desk politique, Egide Harerimana du service anglais et Térence Mpozenzi, le photographe se portent volontaire pour se rendre sur terrain. Adolphe Masabarakiza est le chauffeur du jour. 11 heures et demie, l’ équipe prend la route vers Musigati.

Arrêtés sans ménagement A Bubanza, ils tentent une première interview avec le gouverneur, mais ils apprennent qu’il est à Bujumbura. L’équipe décide de se rendre alors à Musigati. Un attroupement d’une population visiblement désemparée tout près du chef-lieu de la commune alerte ces journalistes. Ils s’arrêtent, posent quelques questions à ces gens, prennent quelques photos... Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont déjà encerclés par quelques jeunes. Quelques minutes après, la police débarque en trombe à moto. L’ordre d’arrêter de prendre des photos et de faire des enregistrements est donné. Le matériel est vite confisqué. Même les téléphones sont pris. Les journalistes n’opposent aucune résistance. Mais les journalistes posent tout de même des questions. Christine Kamikazi est violemment giflée. Peut-être, pour une question de

rapporte l’équipe du Journal Iwacu partie ce jeudi à Bubanza pour rendre visite aux collègues incarcérés. Au commissariat, rien ne semble bouger du côté des OPJ, qui pourtant la veille clament qu’aucune charge ne pèse contre ces journalistes.

Un jeudi d’espoirs déçus

Les quatre journalistes et leur chauffeur en attente de libération

trop. Elle vacille. Sa joue gauche porte encore les stigmates de ce coup. Le chef des opérations en province Bubanza ordonne aux journalistes de monter sur les motos par deux, plus un policier derrière. Ils se retrouvent à quatre sur chaque deux-roues. Les autres policiers prennent place dans le véhicule des reporters arrêtés. Les deux motos slaloment pour éviter des nids de poule, clignotants allumés. Les motos klaxonnent et filent jusqu’au commissariat de police à Bubanza avec leur cargaison. Après un PV de leur matériel confisqué, ils sont jetés au cachot sans aucune autre forme de procès. Ironique, le chef des opérations leur dira que ’’c’est pour les extirper des griffes des fauves’’. Les journalistes et leurs chauffeurs ignorent encore qu’ils passeront la nuit à même le sol au commissariat de police.

«Au deuxième jour, pas de charge retenue, pas de libération » A l’issue de l’interrogatoire mené mercredi 23 octobre par l’OPJ au commissariat de police à Bubanza, l’avocat des journalistes d’Iwacu en garde à vue est formel. Pour Me Lambert Nsabimana, il n’y a aucun reproche contre ses clients : Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Hare-

rimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza. Mais la question suivante et légitime qui brûle les lèvres est alors de savoir pourquoi ces journalistes se voient imposer d’autres heures de plus de privation de liberté. Et là commence l’histoire de deux téléphones portables manquants : le Samsung de Christine Kamikazi et le Techno d’Egide Harerimana. Et pourtant, ils font partie du matériel confisqué par le chef des opérations dans la région de Bubanza, responsable de l’arrestation de ces journalistes à Musigati. «Voyez-vous, vous ne pouvez pas rentrer sans vos téléphones, il faut attendre qu’on les retrouve», lance d’un air peu convaincant un des OPJ après avoir passé des heures à poser des questions sur les motifs du déplacement de ces journalistes. Il évoquera en passant un autre motif du prolongement de leur détention : «En ce qui nous concerne, tout est fini, nous avons fait notre travail, les PV sont établis, mais nous attendons une décision venant d’en haut ». La réponse a le mérite d’être claire. A ces mots, tout se glace, tout espoir de libération dans l’aprèsmidi de ce mercredi s’évapore. Le directeur des rédactions partis à Bubanza pour suivre de près ce dossier dans l’espoir de rentrer avec ses journalistes baisse la

tête. Il fixe le sol, respire profondément et reste pensif. Léandre Sikuyavuga est sidéré. Il confie qu’il ne comprend pas pourquoi ses journalistes ne sont pas relaxés alors qu’aucune charge n’est retenue contre eux.

Une histoire de téléphones Lorsque un des OPJ évoquera des « téléphones manquants », des appareils pourtant confiés au chef des opérations dans la province de Bubanza, l’équipe d’Iwacu comprendra vite que c’est un prétexte pour les transmettre à d’autres services techniquement outillés ou spécialisés dans le déverrouillage des appareils pour tracer les messages échangés, les mails, lire l’historique des appels entrants et sortants, vérifier le répertoire probablement pour savoir avec qui ces journalistes communiquent. Des sources sur place affirment qu’un agent du SNR (Service national de renseignements) et un autre identifié comme de l’ARCT (Agence de régulation et de contrôle des télécommunications) sont dans les parages pour s’occuper de ces téléphones. Cet agent du SNR prend d’ailleurs le soin de demander aux journalistes les codes d’accès de leurs appareils. Les journalistes s’exécutent. Depuis, l’attente se prolonge. «On ne sait pas jusque quand»,

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Jeudi, au fil des heures, les craintes de passer une nuit de plus au cachot du Commissariat de police à Bubanza se précisent pour les quatre journalistes et leur chauffeur. L’avocat conseil d’Iwacu Me Lambert Nsabimana maintient que ces journalistes doivent normalement être libérés. Des appels de quelques membres de la CNIDH (Commission nationale indépendante des droits de l’Homme) pour s’enquérir de la situation de ces journalistes réconfortent la rédaction du Journal Iwacu. Iwacu contacte officiellement la CNIDH et le CNC pour une éventuelle intervention. Ce jeudi, une délégation du CICR fera une descente à Bubanza pour rendre visite à ces journalistes d’Iwacu incarcérés. Elle en profitera pour échanger avec quelques autorités, dont le gouverneur de la province de Bubanza. Du côté des envoyés d’Iwacu à Bubanza, les espoirs nourris le matin font petit à petit place au désespoir, c’est l’heure de questions sans réponses : «Pourquoi cette nuit de plus pour ces quatre journalistes alors qu’aucune charge n’est retenue contre eux ? Qu’espère trouver cet agent du SNR dans les téléphones confisqués ? Qui est cette personnalité « d’en haut » qui doit donner l’ordre ou non de relaxation de ces journalistes ? Quel est le motif de l’arrestation de ces journalistes ? De qui émanait l’ordre. Que voulait-on cacher aux journalistes ? » Autant de questions sans réponse. Jeudi, en fin de soirée, les délégués d’Iwacu comprennent, la mort dans l’âme, qu’une nuit de plus au cachot est inéluctable. Le soleil amorce sa descente vers les montagnes vertes du Congo, il faut regagner Bujumbura à temps, éviter d’autres mauvaises surprises. L’équipe d’Iwacu repart annoncer au reste de la rédaction la triste nouvelle d’une troisième nuit au cachot pour les reporters et leur chauffeur.


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L'ÉVÉNEMENT

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Réactions • RSF demande la libération des journalistes d’Iwacu

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eporters sans frontières (RSF) condamne l’arrestation des quatre journalistes et de leur chauffeur et demande aux autorités burundaises de les libérer sans délai. « Ces journalistes n’ont rien fait d’autre que leur travail en allant vérifier sur place les informations qui faisaient état d’affrontements armés », commente

Arnaud Froger, responsable du Bureau Afrique de RSF. Pour lui, il s’agit d’une détention arbitraire. « Nous exhortons les autorités burundaises à les libérer sans délai, à restituer leur matériel et à ne pas les associer à des protagonistes d’une actualité dont ils n’ont été que les témoins».

• Abdul Kassim : « Une arrestation arbitraire »

Du côté du parti UPDZigamibanga, son président considère que les journalistes d’Iwacu ont été victimes d’une arrestation arbitraire: «Ils étaient en règle avec la loi pour mener leur travail d’information. De surcroît, la liberté d’informer est garantie par notre Constitution.» Pour lui, la justice n’a aucune raison de maintenir ces professionnels des médias en détention.

• Police : «Des enquêtes sont en cours »

• CPJ : «La police ne devrait pas entraver le travail des journalistes »

Pour le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) les autorités burundaises devraient libérer sans condition les quatre journalistes et leur chauffeur. «Les journalistes ont le devoir de faire le point sur les troubles et le personnel de sécurité doit protéger et faciliter ce travail, et non pas l›empêcher», a déclaré Muthoki

Mumo, représentant du CPJ pour l’Afrique sub-saharienne. Pour cette organisation de défense des droits des journalistes, la police devrait veiller à ce que la presse soit autorisée à informer de ce qui se passe à Bubanza sans ingérence.

• Tatien Sibomana : « La liberté de la presse n’est pas respectée » «Cet emprisonnement nous a tellement choqué. Car, les journalistes faisaient leur travail, un métier légal et reconnu par la loi à commencer par la Constitution, la loi sur la presse », réagit Tatien Sibomana, politicien. Il souligne d’ailleurs que les Burundais ont droit à l’information. « Cela montre que la liberté de la presse n’est pas respectée et garantie dans notre pays. » M. Sibomana signale d’ailleurs que le porte-parole de la police a parlé des bandits. Et de s’interroger : « Est-ce une infraction quand un journaliste va constater les dégâts causés par les bandits ? Quelle loi ont-ils violé ? » Pour lui, cela montre qu’en 2020, le travail des journalistes ne sera pas facile.

• Human Rights Watch : «Il faut libérer ces journalistes»

Lors d’un point de presse animé ce jeudi 24 octobre le porte-parole adjoint du ministère de la sécurité publique, Moïse Nkurunziza n’a pas précisé les charges pesant sur les journalistes d’Iwacu incarcérés. Il évoque la discrétion des enquêtes préliminaires. « Des enquêtes sont en train d’être menées et vous savez très bien que de telles enquêtes en matière préliminaire judiciaires se font discrètement. Attendons alors la fin des enquêtes. Au moment voulu, si les faits qui leur sont reprochés ne sont pas prouvés, ils seront relâchés et au cas contraire, ils seront transmis aux instances habilitées, le ministère publique et la Justice».

Dans un communiqué sorti ce mercredi 23 octobre, cette organisation se dit inquiète de la situation de la liberté de la presse prévalant au Burundi. «Les autorités devraient libérer immédiatement et sans condition les quatre journalistes et leur chauffeur arrêtés le 22 octobre 2019 à Musigati alors qu’ils étaient en reportage ». Pour HRW, «les journalistes jouent un rôle essentiel en faisant la lumière sur les questions qui touchent à l’intérêt général et ne devraient pas être poursuivis pour le travail qu’ils accomplissent en toute légitimité», a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.

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POLITIQUE

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Kirundo

L’intolérance politique revient au galop Après des jours d’accalmie, la province Kirundo renoue avec l’intolérance politique. Des militants du CNL se plaignent d’être la cible des militants du parti au pouvoir. L’administration est aussi accusée d’entraver les activités des partis de l’opposition. Enquête réalisé par Fabrice Manirakiza Edouard Nkurunziza

E

n revenant de la colline Kibuburu, samedi 12 octobre dernier aux environs de 19h30, où il s’était rendu pour visiter sa fille, Pascal Ntirandekura, un habitant de la colline Mutara, zone Kirundo rural de la commune Kirundo, a été attaqué par deux personnes. Il était avec son épouse, qui a été aussi battue, et son fils. «Ce sont des Imbonerakure de cette colline qui les ont attaqués», affirment mordicus les membres de la famille de ces victimes. Principalement, ils pointent du doigt Gérard Minani alias Sempa, chef des Imbonerakure de la colline Mutara, comme instigateur de cette attaque. D’après eux, Pascal Ntirandekura et sa famille ont rencontré le dénommé Sempa tout près d’un petit pont. «On dirait qu’il les attendait. Ils l’ont salué avant de continuer leur chemin. Sempa les a suivis en courant avant de bifurquer dans un autre chemin». Ils ont commencé à s’inquiéter. «A quelques centaines de mètres, ils ont vu un autre homme adossé à un arbre. Sans crier gare, il s’est jeté sur Pascal Ntirandekura. Il lui a assené un coup de gourdin à la tête. Ils se sont empoignés avant de tomber par terre». Un autre homme a surgi des bananeraies et a donné un coup de bâton à l’épouse de Pascal Ntirandekura. Elle et son fils se sont enfouis en appelant au secours. Les deux hommes se sont acharnés sur Pascal Ntirandekura en lui donnant des coups à la tête et dans le dos.

«Il est soupçonné d’avoir viré au CNL» Pascal Ntirandekura a été évacué à l’Hôpital de Kirundo. «C’est une voiture du Service national de renseignement qui est venue le prendre», indiquent les habitants de cette localité. D’après eux, ce véhicule a été appelé par un certain Minani, chef des Imbonerakure au niveau de la commune Kirundo. Aujourd’hui, la victime ne peut plus s’asseoir. Elle est gravement touchée au niveau du bassin. Ce numéro 2 du parti CnddFdd sur la colline Mutara est soupçonné par ses camarades d’avoir quitté le parti de l’aigle

pour s’affilier au CNL d’Agathon Rwasa. «Il est membre du parti au pouvoir depuis le maquis. L’un de ses fils était même le chef des Imbonerakure sur la colline. Il a été remplacé parce qu’il n’était pas actif», raconte une parenté de la victime. « Je ne peux ni confirmer ni infirmer que Pascal Ntirandekura a quitté le parti CnddFdd. Aujourd’hui, les choses sont compliquées». Les membres de la famille assurent qu’ils ont signalé l’incident au procureur de la République en province Kirundo, au commissaire provincial de la police ainsi qu’à l’administrateur de la commune. «Tous avaient promis de suivre de près ce dossier mais rien n’a été fait jusqu’à maintenant. Personne n’est venu lui rendre visite». Ils affirment ne rien attendre de ces autorités. «Ceux qui devaient nous rendre justice nous ont tourné le dos. Nous allons nous protéger nousmêmes». La famille indique que depuis cette attaque, ils sont tout le temps menacés. «Ils nous disent qu’ils vont nous découper en petites rondelles».

Sempa accusé d’avoir trempé dans une autre attaque

Essau Mvuyekure gisant sur son lit d’hôpital

Mercredi 16 octobre, un autre cette manière à plusieurs reprises. a déjà signalé ces cas à ses autorimilitant du CNL de cette même Essau Mvuyekure se dit menacé. tés hiérarchiques. Normalement, colline Mutara a été blessé au bras «J’ai entendu qu’on va me tuer poursuit-il, les partis politiques et au dos. Essau quand je sortirai de cohabitent pacifiquement. Iwacu Mvuyekure est l’hôpital. J’ai peur a essayé de contacter le dénommé « Les autorités toujours hospipour moi et ma Sempa, sans succès. Interrogé, le procureur de la talisé à l’Hôpital avaient promis de famille. Je demande suivre de près ce aux bienfaiteurs de République en province Kirundo, de Kirundo. «Il était aux environs dossier mais rien m’aider à arriver fait savoir qu’il n’a pas le droit de de 22h. J’étais assis chez le procureur donner des informations sur un devant la porte n’a été fait jusqu’à pour lui expliquer dossier en instruction. «Allez dire maintenant. » de ma maison. mon cas», implore à ces victimes de venir me voir». J’ai vu quelqu’un la victime. « Les administratifs m’approcher dis«Accuser Sempa entravent nos activités» crètement et rapidement. Il m’a relève de la manipulation poliLes militants du CNL en provdonné un coup de machette au tique parce qu’il est dans un parti bras et dans le dos. J’ai été sauvé différent de celui des victimes. Je ince Kirundo accusent les Imbonpar des voisins», témoigne la vic- leur ai demandé les noms de leurs erakure de s’adonner de nouveau à des exactions time. Dans cette attaque aussi, le agresseurs mais dénommé Sempa est pointé du ils n’ont pas «Ces cas d'intolérance à l’encontre d’eux. «Ces cas doigt. «Essau est un militant du voulu me le dire. CNL qui s’affirme. Il clame haut Ils ont répondu politique ressurgissent avaient diminué après la réunion et fort que son parti va gagner qu’ils les conde plus belle». du ministère de les élections de 2020. Certains lui naissent mais l’Intérieur et les répondent qu’il ne verra peut-être qu’ils ne veulent jamais ce jour-là s’il ne quitte pas ce pas divulguer leurs noms», répli- partis politiques. Nous nous renparti», affirment les voisins. Selon que Libère Sezibera, chef de la dons compte qu’ils ressurgissent de eux, Sempa l’avait déjà menacé de colline Mutara. Il fait savoir qu’il plus belle».

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Le 10 octobre dernier, des échauffourées ont éclaté entre les Imbonerakure et les Inyankamugayo (militants du CNL) sur la colline Nyange-Bushaza de la commune Kirundo. «Des Imbonerakure se sont introduits dans un cabaret appelé «Kwa komiseri » appartenant à un officier de la police. Ils ont exigé la fermeture du bar arguant que des militants du CNL étaient en train de faire une réunion illégale. Ces derniers étaient en train de partager un verre», racontent les témoins oculaires. Selon eux, les Imbonerakure ont commencé à les tabasser et les autres ont répliqué. Il y a eu 4 blessés de chaque côté. En commune Gitobe, un certain Mélance Nduwayo a été arrêté dimanche 20 octobre dernier. «C’est un artiste qu’on avait engagé pour dessiner nos symboles sur les murs de notre permanence. Il a été accusé de possession de chanvre», raconte les militants du CNL. Pour eux, c’est un pur montage. «Les policiers ont trouvé le chanvre à l’extérieur de sa maison. Nous pensons que les policiers sont venus sur commande». Cet artiste, militant de l’Uprona, a été relâché ce mercredi 23 octobre 2019 par le parquet de Kirundo. Les Inyankamugayo affirment qu’il y a des gens qui ne veulent pas que la permanence communale soit ouverte alors que l’administrateur a donné son accord. «D’ailleurs, elle a été attaquée deux fois la semaine prochaine. Elles ont essayé de la démolir, en vain». Selon eux, ces cas d’intolérance politique avaient diminué grâce au concours de l’administrateur de la commune Gitobe. «On collaborait pour trouver une solution aux problèmes». Dans la commune Kirundo, deux permanences du CNL n’ont pas pu être ouvertes à Cewe et Mwenya sur décision de l’administrateur. «A Cewe, nous devions ouvrir cette permanence samedi 12 octobre 2019. Les Imbonerakure sont venus nous provoquer. Ils voulaient enlever nos ornements alors qu’on voulait le faire nous-mêmes comme l’avait suggéré l’administrateur. Il y a eu une petite bagarre. C’était loin de la permanence», indiquent les militants du CNL. Le procureur, le commissaire provincial et le chef provincial du SNR, ajoutentils, se sont précipités pour arrêter leurs activités. «C’était incompressible. Certains administratifs à la base ne veulent pas des permanences du CNL sur leurs collines». Iwacu a essayé de joindre l’administrateur de la commune Kirundo, Jeannette Kangoro, sans succès.


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POLITIQUE

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Karusi

Un nouveau stratagème ? Après l’incarcération, juin dernier, de deux responsables provinciaux du CNL à Karusi, l’heure est aux représentants communaux. Trois sont derrière les verrous sur ‘’infraction’’ de ‘’détention illégale d’armes’’. Dans les milieux des CNL à Karusi, on parle d’une nouvelle stratégie d’acharnement politique. Iwacu a mené une enquête sur les deux derniers cas.

D

du matin. Cette nuit, un jeune homme de Shanga habitant non loin de chez Etienne Ndayizeye a soupçonné confusément un coup. Il rapporte : «Wacha Waseme est passé près de mon ménage, accompagné d’un autre jeune homme. L’inconnu a continué au domicile d’Etienne tandis que nous tenions une petite conversation avec Wacha Waseme. Au bout de notre conversation, ils ont échangé quelques mots sur téléphone, parlant d’un ‘’deal’’ qui venait d’être achevé». Bien d’autres habitants de Shanga ne doutent pas que Térence soit dans ledit montage. D’après eux, les deux entretenaient de mauvaises relations. «Il avait menacé à maintes reprises que si Etienne ne venait pas à quitter le CNL, il aurait à en subir les conséquences».

es arrestations douteuses, inquiétantes,coupables... Les qualificatifs de nos sources à Karusi au sujet de l’arrestation et détention d’Etienne Ndayizeye et Venant Irakoze sont légion. Leurs témoignages semblent s’accorder sur des détentions aux mobiles politiques. Les deux responsables communaux du CNL, respectivement de la commune Buhiga et Nyabikere, sont appréhendés, à un mois d’intervalle, dans les mêmes conditions, puis emprisonnés pour « détention illégale d’armes à feu. » Le premier va écoper d’une peine de 5 ans et une amende de 200 mille BIF tandis que le second écopera de 4 ans.

L’arrestation de Ndayizeye Le domicile d’Etienne Ndayizeye se trouve encerclé mercredi 16 octobre, au petit matin. A son réveil, vers 6 heures du matin, ce représentant communal du CNL à Buhiga s’étonne d’une grande présence policière, raconte un proche à lui. «La peur l’a envahi soudain. Il est allé réveiller sa femme et ses enfants, leur a demandé s›ils n’auraient pas été distraits au point de laisser un inconnu s’introduire et cacher des armes dans la maison». En fait, poursuit le témoin, il faisait allusion au cas de son frère de lutte politique, Venant Irakoze, qui avait été arrêté et emprisonné, un mois avant à Nyabikere, accusé de détention d’une grenade... La peur au ventre, Étienne Ndayizeye a ouvert enfin la maison. Un groupe de policiers conduits par un officier de police judiciaire de Buhiga et le chef de zone, sont entrés. «Ils ont fouillé partout, de l’habitation aux toilettes en passant par la cuisine, en vain». La fouille-perquisition terminée, les policiers se sont retirés, prêts pour repartir. «Ils se sont postés à quelques mètres du ménage d’Etienne, où tous étaient rassurés». Étienne Ndayizeye s’est senti soulagé. Pas pour longtemps. Parce que dans l’entretemps, deux autres policiers sont arrivés sur place accompagnant un certain Innocent, le chef des services de renseignements à Buhiga. «Les deux se sont vite mis à fouiller à leur tour, dans la petite bananeraie autour de la maison d›Etienne». C’est alors, sans trop tarder, que

Victime de son appartenance politique ?

Des habitants de Buhiga estiment qu’Etienne Ndayizeye a été arrêté, suite au désaccord avec l’administrateur sur l’ouverture des permanences du CNL sur les collines.

l’un d’eux, Melchiade Riyazimana, a indiqué qu’il vient de découvrir une cache d’armes. «Tout le monde s'est étonné. C’était comme s’il connaissait ladite cache depuis belle lurette», confient des témoins de la scène. Des inquiétudes nourries par la suite des événements. La cache d’armes «découverte», rapportent nos sources, avait de quoi inquiéter : «Des armes enfouies à moins de 20 cm, sous une terre toute fraîche, empaquetées dans des sacs tout neufs. D’aucuns ont compris qu’il s’agit d’un coup monté». Des témoignages concordants évoquent un montage planifié quelques jours avant au cours des rencontres tenues dans la permanence provinciale du Cndd-Fdd. Entre autres participants, nos sources pointent du doigt Euphrasie Ntakarutimana, l’administrateur de la commune Buhiga, le chef de la zone Rutonganikwa, le chef de la colline Shanga, un certain Térence dit ‘’Wacha waseme’’, etc. La réalisation du ‘’montage’’

aurait eu lieu dans la nuit du 15 au 16 octobre, autour de 2h

Les témoignages recueillis se recoupent : «Le CNL avance à des allures inquiétantes à Buhiga aux yeux de certains de ses détracteurs». L’administrateur Euphrasie Ntakarutimana ne digérerait pas ‘’une montée à pas de géants d’un parti naissant’’. Nos sources estiment que l’arrestation du représentant communal du CNL à Buhiga aurait pour origine le désaccord entre lui et l’administrateur sur l’ouverture des permanences au

niveau des collines. Etienne Ndayizeye avait introduit le 18 septembre, confient-elles, une demande d’ouverture des permanences du CNL sur 10 collines. Euphrasie Ntakarutimana aurait verbalement rejeté la demande, arguant qu’un nouveau parti ne peut pas avoir des permanences jusqu’aux collines. Mais Ndayizeye a insisté, s’est confié au gouverneur de Karusi. Ce dernier aurait recommandé l’ouverture et l’administrateur a feint d’accepter en visitant lesdites permanences. Selon les témoignages recueillis, au lieu de donner l’accord pour l’ouverture, l’administrateur Ntakarutimana change de stratégie. Elle profitera, le 2 octobre, de la réunion organisée par le gouverneur avec des responsables des partis politiques pour accuser Etienne de constituer une menace : «Il n’entrera même plus dans mon bureau. Il ne fait que me calomnier dans les différents médias». Les tractations d’Etienne aboutiront, par la suite, à l’accord d’un rendez-vous avec l’administrateur pour parler des modalités à remplir afin d’ouvrir des permanences. Le rendez-vous est fixé le mercredi 16 octobre, le jour même de son arrestation. «L’arrestation, au jour du rendezvous accordé suite certainement à une pression en amont, ne peut pas disculper l’administrateur».

‘’Détentions illégales d’armes après l’échec des réunions illégales’’

Chez Venant Irakoze, la grenade saisie a été déposée sur une fenêtre sans vitres.

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Aux yeux des militants du CNL de Karusi, la ‘’stratégie de montage’’ serait une nouvelle tactique pour faire taire les Inyankamugayo notamment leurs représentants. «C’est le seul pion qui leur reste. Ils nous ont accusés de tenir des réunions illégales, ont arrêté à maintes reprises certains parmi nous, mais nous sommes restés debout. Ils ont planifié de nous surprendre dans des bistrots pour nous tabasser, nous avons décidé de rentrer très tôt », explique un représentant local du CNL. Le modus operandi reste partout le même, dénonce-t-il, à savoir le dépôt d’armes pendant la nuit, la fouille-perquisition le lendemain et l’arrestation de la personne visée dans l’immédiat. Il s’en tient à ce cas d’Etienne, de Prosper Rwateyirungu (représentant communal du CNL


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à Mutumba), mais également à l’arrestation de Venant Irakoze, le représentant du CNL à Nyabikere. Ce dernier a en effet été appréhendé dans la matinée du dimanche 15 septembre dernier par des policiers conduits par l’administrateur communal de Nyabikere. Ils venaient de saisir une grenade déposée sur une des fenêtres de sa maison. Comme à Buhiga, des témoignages font état d’un montage. Ces derniers soutiennent qu’une femme qui se rendait de bonne heure dans ses champs à la colline Ngugo avait vu, vers 5h du matin, un jeune homme déposant cette arme par-là. Le dossier Irakoze a été immédiatement traité en flagrance. «Aucune enquête n’a été menée. La femme qui connaissait bel et bien le jeune homme, pourtant prête à témoigner sur l’affaire, n’a pas eu le temps de le faire», déplore un membre de sa famille. Pour lui, une enquête s’imposait afin de disculper le leur. D’autant plus que, au-delà des révélations de cette femme, la découverte de la grenade sur la fenêtre interroge elle-même: «Outre qu’elle n’était pas fermée (il n’y a pas encore de vitres), qui peut conserver son arme à feu sur la fenêtre? ». Pas mal d’Inyankamugayo rencontrés s’étonnent que les différents cas aient été considérés

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A Karusi, les militants du CNL dénoncent une stratégie de montage à l’endroit des représentants de ce parti.

comme des cas de flagrance. Pour eux, ils n’en étaient pas uns. «S’il y a une cache d’armes dans une bananeraie et sous une terre bien fraiche, cela doit-t-il être imputé au propriétaire de cette bananeraie? Ne fallait-il pas au préalable une enquête?», se demande un des responsables

du CNL à Buhiga, dénonçant une ‘’rapidité coupable’’ de l’organe judiciaire de Karusi. Iwacu a tenté en vain de décrocher les réactions des officiels. Joint par téléphone, Euphrasie Ntakarutimana, administrateur communal de Buhiga, a raccroché dès que nous nous sommes

présentés. Interrogé sur les procès rendus à la va-vite, sans enquête, le procureur de le République à Karusi a indiqué qu’il ne peut pas donner des informations à un inconnu. «Qu’est-ce qui peut me dire que je parle à un journaliste ?». Quant à Calinie Mbarushimana, gouverneur de la province

Karusi, elle a indiqué qu’elle n’a pas de temps pour s’exprimer làdessus. Signalons qu’au total, sept représentants du CNL à Karusi sont derrière les verrous depuis juin dernier.

Annonce

AVIS DE MISE EN VENTE PUBLIQUE International Rescue Committee (IRC en Sigle) L’IRC annonce qu’elle organise une vente publique aux enchères, dans ses locaux sis au Quartier Industriel, Boulevard de la Nation, Route de l’aéroport, avenue Bunogera no.7, à partir du 23 Octobre 2019 jusqu’au 12 Novembre 2019.La date du 1 er Novembre est férie ensuite les samedis et dimanches ne sont pas inclus dans les jours des visites. Les articles qui seront mis en vente comprennent entre autres des véhicules, des appareils électroménagers obsolètes et divers. La visite des lots sera permise à partir de Mercredi 23/10/2019 tous les jours ouvrable de Lundi à Jeudi de 8h30 à 12h30 et de 14h00 à 16h00. Jusqu’au 12 Novembre 2019 à 16h. Ces véhicules sont dédouanés et vendus dans l’état où ils se trouvent et les frais de transfert des documents seront à la charge de l’acheteur. Les offres sous plis fermées portant mention « OFFRE POUR ACHAT VEHICULE PLAQUE N° OU ACHAT APPAREILS OBSOLETES LOT N°.. » seront adressées au Directeur Pays de l’IRC Burundi au siège de l’IRC à Bujumbura au plus tard le 12 Novembre 2019 à 16h. L’entrée est gratuite mais les personnes intéressées et qui désirent soumissionner sur les véhicules devront payer une caution de 1.000.000 BIF par véhicule soit en espèces ou par chèque certifié au nom de L’International Rescue Committee (IRC).

Ce montant sera remboursé aux soumissionnaires perdant tandis qu’il sera déduit du montant total à payer par les soumissionnaires gagnant. Par contre, cette somme ne sera pas remboursée au gagnant qui n’aura pas payé convenablement dans les délais prescrits. La caution n’est pas exigée pour soumissionner à l’achat des autres articles obsolètes Appareils électro-ménagers et divers. Chaque véhicule ou chaque lot d’appareils sera cédé au soumissionnaire le plus offrant et en cas de plus d’une offre de même montant, sur un même lot ou un même véhicule l’ordre chronologique des soumissions départagera les soumissionnaires. L’IRC se réserve le droit de refuser toute offre jugée inferieure à la valeur réelle du véhicule Le soumissionnaire gagnant sera appelé au téléphone pour être notifié par lettre écrite lui communiquée au siège de l’IRC avec accusé de réception. A dater de la notification, le soumissionnaire gagnant dispose d’un délai de 5 jours calendrier pour payer la totalité du prix proposée. Si le cinquième jour coïncide avec un jour férié le jour ouvrable suivant constituera la date limite de paiement du prix proposé dans l’offre. Passé le délai limite de paiement, le véhicule ou le lot sera de plein droit proposé au soumissionnaire de rang suivant par la même procédure

Le paiement du montant propose dans l’offre sera fait exclusivement par chèque émis par le soumissionnaire gagnant lui-même au compte de l’IRC lui indiqué dans la lettre de notification. Les appareils gagnés autres que les véhicules seront enlevés au plus tard le lendemain du paiement du prix proposé dans l’offre. Les véhicules gagnés seront enlevés après les formalités de transfert accomplies au plus tard 5 jours calendrier après le paiement du prix propose dans l’offre. Passé le délai prescrits respectivement pour enlèvement des appareils obsolètes et des véhicules l’IRC ne sera plus responsable du gardiennage des biens gagnes N.B: Les règles de l’IRC ainsi que de tous ses donateurs interdisent à toute personne interne ou externe d’offrir des cadeaux, pourboires ou paiements de facilitation. C’est ainsi que « Acheter » ses bonnes relations avec des petits cadeaux ne marche pas sur le court ni sur le long terme. En plus, le conflit d’intérêt et l’escroquerie ne sont pas acceptables ni tolérables et sont punis par la loi. Pour plus d’information, Veuillez appeler aux numéros : 75 992 318 ou 79 992 318

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POLITIQUE

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« Sauvegarder la paix sociale » à n’importe quel prix ?

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’article 10 stipulant de «Ne pas publier ou diffuser par quelque canal que ce soit, l'internet compris, les résultats provisoires ou définitifs d'une élection autres que ceux annoncés officiellement par la CENI ou ses démembrements» interroge sur l’esprit du Code de conduite des médias et des journalistes en période électorale 2020. Un document préparé par le Conseil national de la Communication(CNC). Le devoir des journalistes et le rôle des médias se recoupent dans son préambule : « Sauvegarder la paix sociale et la cohésion nationale pendant la période électorale » ; « la préservation de la paix sociale, de la cohésion et de l’unité nationale, surtout en période électorale ». « By any means necessary »? Le vice-président du Frodebu opine du chef : « En contraignant les médias à ne pas suivre le déroulement des opérations de vote, ils viennent de mettre fin à la transparence dans tout le processus électoral. Les résultats sont déjà biaisés. » Aussi sur cette ligne, la première force politique de l’opposition. «Si cet article est maintenu comme tel, c’est une tricherie qui serait

en cours de préparation et cela discréditera la CENI», soutient Térence Manirambona, porteparole du Congrès national pour la liberté (CNL). L’enjeu pour le CNL n’est pas de gagner sa place à la table du maître, mais plutôt de s’asseoir sur le trône de fer. Des planètes gravitant dans la galaxie « DD » ne le voient pas non plus d’un bon œil. « Publier les résultats confirmés dans un bureau de vote ne devrait pas être un problème. De toutes les façons, nos mandataires vont nous les rapporter en temps réel», observe Olivier Nkurunziza, secrétaire général du parti Uprona. Abdoul Kassim, président de l’UPD Zigamibanga, enfonce le clou : « Cet article doit être modifié pour ne pas entacher la crédibilité des élections.» Leur opposition est une position de principe. Pas d’élections crédibles sans transparence. Non seulement dans la conduite du processus électoral, mais aussi dans sa couverture. Ce code a été présenté aux médias pour approbation, mercredi 16 octobre. Nestor Bankumukunzi, président du CNC, a annoncé sa portée : «Ce document concerne tous les médias œuvrant sur le territoire burundais qu’ils

Présentation du Code de conduite des médias et des journalistes en période électorale 2020 par le président du CNC.

soient signataires ou pas. » Et ce faisant « pour approbation » résonne comme « par acclamation ». Toutefois, une fenêtre a été ouverte jusqu’au dimanche 21 octobre pour d’éventuelles contributions pour amende-

ment. Mais supprimer cette disposition polémique était hors compétition. Et pour cause ! Le CNC semble ne pas vouloir d’un scénario à la congolaise : les résultats proclamés par la CENI inverses aux données collectées par la Conférence épiscopale

nationale du Congo (Cenco). Créer un Martin Fayulu burundais ferait le lit de violences postélectorales. Exit ainsi l’esprit du Code de conduite des médias et des journalistes en période électorale 2020. Guibert Mbonimpa

Chronique sur les messages de haine

Comprendre les messages de haine pour enfin les combattre Depuis des décennies, des messages de haine ont été proférés. Des violences de masse s’en sont suivies. La compagne électorale de 2020 approche. Coup de projecteur sur les messages de haine avec Aloys Batungwanayo, membre de la Commission vérité réconciliation (CVR).

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ue peut-on comprendre par message de haine ? Un message/discours de haine le plus souvent sous le terme anglophone «hate speech », désigne un type de discours qui attaque une personne ou un groupe de personnes sur la base de caractéristiques diverses (races, âge, sexe, tribu, ethnie, clans, religion, etc.). Il vise à intimider, à inciter à la violence ou aux préjugés/stéréotypes contre une personne ou un groupe de personnes. Sous quelles catégories se présentent les messages de haine ? Les messages de haine se transmettent soit par écrit, à l’oral ou par des signes. Au Burundi, en 2015, il y a eu une expression que certains membres du CNDD-FDD ont utilisée. Il s’agit du terme « Kumesa », les-

siver. Quelqu’un qui te voie et mime le lavage des mains, c’est un message de haine car on ne lave pas une personne. Cela montre qu’on vous a chosifié. Dans la grande crise de 1993, on demandait une carte nationale d’identité. Certains membres de la communauté tutsie touchaient leur nez avec le pouce. Ce qui montrait que leur carte est le nez pointu à l’opposé du nez épaté. Pour le cas contraire les autres se sentaient visés. Voilà des exemples de signes. A l’oral, nous constatons que quelques familles donnent des noms à leurs enfants comme « Baratumaze » (on nous a exterminé). Si on m’appelle ainsi, quelle sera mon attitude ? Je me mets donc sur la défensive et au moment opportun, je vais attaquer. Par écrit, on a souvent vu une

personne dessinée dont la tête appartient à l’homme mais le tronc est similaire au chien. C’est donc la déshumanisation. En quoi consiste la déshumanisation ? La déshumanisation est le faite d’ôter la dignité humaine à l’individu. Un groupe nie l’humanité de l’autre. Les membres de celui-ci sont assimilés à des animaux. Il s’agit notamment de la vermine, des insectes,

charognards, des maladies, etc. La déshumanisation de l’homme permet de surmonter la répulsion normale contre le fait d’assassiner. Ils diront nous tuons un chien, un serpent. En 1972, on parlait des « Abamenja », traîtres. En 1993, c’était des « Iboro». S’il fallait passer à l’acte, ils ne le regrettaient pas. Comment peut-on les détecter ? Selon le contexte du milieu, la culture et la signification des

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mots, il se détecte par la personne envers qui le message est adressé. Un groupe ou celui qui lance un message ne le considère pas comme message de haine. Une blague peut devenir une insulte pour le groupe indexé. En 2015, un terme « Mujeri » est utilisé, ce sont les opposants qui sont concernés. Mais, pour son auteur, ce n’était qu’une blague. Pour faire face au message de haine, il faut engager un dialogue. Que les personnes indexées approchent les auteurs du message pour leur dire, nous ne sommes pas contents. Lui dire que les messages qu’il lance sont déshonorants. Et l’auteur pourra se poser la question, pourquoi je frustre les autres. En plus, le rôle des témoins actifs est important pour envoyer un message de désapprobation aux auteurs des messages de haine. Donc avoir le courage moral (volonté et habileté d’agir selon les valeurs humaines). Il nous faut prendre garde car les messages de haine aboutissent aux violences de masse. Propos recueillis par Jérémie Misago


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JUSTICE

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Interview exclusive avec Me Fabien Segatwa

« On ne pouvait pas condamner les gens qui étaient au pouvoir » Dans une interview accordée à Iwacu, Me Fabien Segatwa, avocat de la famille dans le dossier de l’assassinat du président Melchior Ndadaye, revient sur les tares ayant caractérisé ce procès. Il s’exprime aussi sur les défis liés à la situation carcérale.

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ingt-six ans après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, pas de lumière sur les présumés commanditaires. Où se situe le problème ? Je ne dirai pas qu’il n’y a pas de lumière. Je dirai plutôt que la justice n’a pas encore dit la vérité sur la lumière. Nous attendons pour que la justice puisse se prononcer une fois pour toutes afin de savoir qui est responsable de ces assassinats, qui ne l’est pas pour couper court avec les rumeurs. Malheureusement, plus on traîne, plus les responsables quittent cette terre. Et à la fin on dira la vérité, mais on n’aura plus personne à punir. Quelle a été l’issue du premier procès ? Il est assez long. Il y a eu plusieurs condamnations. Au début du procès, il y avait 79 prévenus, dont 14 étaient en détention, 15 étaient en fuite, et 50 étaient en liberté. L’instruction de ce dossier a été problématique parce qu’il y avait eu un coup d’Etat. Mais 50 des militaires qui étaient impliqués dans le dossier étaient au front dans la guerre qui opposait les rebelles au gouvernement burundais. Qu’est-ce qui est alors arrivé dans ce jugement ? On a jugé les soldats, les moins gradés et on a laissé les hauts gradés alors qu’on ne peut jamais faire un coup d’Etat, s’il n’est pas dirigé par les hauts gradés. C’est inconcevable. Dans l’arrêt qui a été rendu, il y avait le chef d’état-major, le ministre de la Défense et le commandant du camp Muha là il a été livré qui ont été acquittés. François Ngeze, qui pourtant s’est déclaré président de la République, a été aussi acquitté. Vu le déroulement et la longueur du procès, certains disent que cela a été un coup d’état rampant. Avez-vous la même observation ? Absolument. Et si le jugement concernant feu président Melchior Ndadaye n’a pas pu aboutir, c’est que ceux qui ont fait ce coup d’Etat sont revenus au pouvoir en juillet 1996 et le procès a commencé en 1998. On ne pouvait pas condamner les gens qui étaient au pouvoir. La preuve est que l’officier de

police, qui avait commencé les enquêtes, je ne me rappelle plus de son nom, mais il s’appelait Dieudonné, quand vous lisez le dossier, était sur la voie. Deux semaines après, il a été assassiné. Dieudonné Sibomana, qui était venu en audience, a témoigné qu’il avait donné des informations au chef d’état- major de la gendarmerie avec des détails sur la préparation de ce coup d’Etat. Il avait même dit à quel moment le coup d’Etat allait être fait. Quinze jours après on a simulé un accident. Il est mort. Avant de clôturer le dossier, François Ngeze disait qu’il allait dire la vérité. On a criblé sa voiture de balles et quand il est revenu à l’audience, la vérité a été tue. Vous comprenez que celui qui tentait de pouvoir aller vers la vérité était éliminé. Il y a eu réouverture de ce dossier. Peut-on espérer que les présumés commanditaires vont finalement répondre de leurs actes ? dossier de Ndadaye peut avoir un que dans l’adage l’on dit que « ce Je ne suis pas dans ce deuximpact sur l’unité nationale est, qui est jugé doit être pris pour ième dossier. Je ne sais pas son à mon humble avis, quelqu’un vérité ». Mais, je ne dis pas que contenu mais j’ai qui n’a pas la culture c’est la vérité. «Tout confiance en la jusde l’humain. Car Le ministère public, étant le tice. J’imagine qu’ils nous ne devons pas gardien de l’ordre dans la société, simplement, vont éviter les tares avoir l’unité parce devrait être le premier à accepter les Burundais que les uns doivent le verdict rendu par le juge. Au cas qui ont caractérisé le premier juge- n’aiment pas se être punis, les autres contraire, c’est de l’arbitraire. ment. Je pense dire la vérité. » non. Il faut que quiqu’on va chercher conque commet une Et comment y remédier ? à connaître la vérité infraction soit puni C’est très simple. Nous devons encore qu’elle sera même un peu conformément à la loi. avoir une culture du respect de la difficile à avoir parce que ceux qui loi. Quand la loi dit que celui qui devraient nous donner la vérité Vous défendez souvent les dos- est acquitté doit être immédiatesont, pour la plupart, à l’extérieur siers des personnes détenues. ment libéré, le ministère public, du pays. Cela sera peut-être un Mais il y a des détenus qui qui est le gardien de la loi, ne jugement par contumace. Mais restent écroués alors qu’ils ont peut s’y opposer. Il a des voies de on a tous les éléments. Tout simété acquittés. A qui la faute ? recours. Il peut aller en appel, en plement, les Burundais n’aiment Je l’ai toujours décrié. Nous dev- cassation, en révision. On ne peut pas se dire la vérité. ons respecter la hiérarchie des comprendre qu’un gardien de la pouvoirs. Dans le loi puisse se livrer à Certains disent que ce dossier pouvoir judiciaire, « Cette dernière l’arbitraire. devrait être analysé par la CVR il y a la hiérardit que tous les à l’instar des autres dossiers. chie. Le juge est Il s’observe une Qu’en dites-vous ? hiérarchiquesurpopulation cartrente jours, le Ceux qui le disent sont justement supérieur cérale. Comment prévenu doit être désengorger les prisment les complices dans cet au magistrat du assassinat. C’est horrible. Un préministère public. présenté devant ons ? sident de la République qui est Dans un dossier, Ce n’est pas difficile le juge pour assassiné en plein jour. C’est un le ministère pubnon plus. Nous devconfirmation de ons respecter la loi. dossier qui devrait être instruit lic est partie au la détention.» Cette dernière dit que par priorité. La CVR n’a rien à procès. Et lorsqu’il faire avec cela. Ceux qui le disent perd le procès, tous les trente jours, sont des gens qui veulent que il doit se soumettre à la déci- le prévenu doit être présenté la vérité ne soit pas connue. Au sion du tribunal. Il ne peut pas devant le juge pour confirmaBurundi la vérité n’est pas pargarder en prison quelqu’un qui tion de la détention. Aujourd’hui, tagée. Nous sommes dans une a été acquitté. Cela veut dire que le juge fait une seule ordonnance tradition qui n’a aucun respect lorsque la vérité a été dite, nous de détention et le prévenu sera des principes. Celui qui dit que le devons tous nous incliner parce en prison pendant plus de deux

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ans sans qu’il soit de nouveau présenté au juge. Par ailleurs, il faut favoriser le paiement des amendes pour les gens qui ont commis des infractions mineures En outre, il faut laisser certains pouvoirs aux directeurs des prisons pour qu’ils puissent garder les gens qui ont un titre valable de détention. Quelle appréciation faitesvous de l’arsenal juridique burundais? Le Burundi est parmi les pays qui ont les meilleures lois. Nous avons des lois qui sont conformes aux normes internationales. La législation est bonne. Quand il y a des conventions ratifiées, le Burundi les intègre. Le problème qui nous reste est de les appliquer. Etes-vous du même avis que ceux qui disent que pour asseoir l’indépendance de la magistrature, il faudrait que les magistrats soient élus par leurs pairs ? Non. Notre société est segmentée. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui régule. Si on laisse les gens, tels que nous sommes construits dans une société segmentée, cela sera de l’ethnisme et du régionalisme purs qui vont jouer. Propos recueillis par Félix Haburiyakira


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AU COIN DU FEU

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Avec Denis Banshimiyubusa Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Denis Banshimiyubusa.

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otre qualité principale ? Je trouve qu’il n’est pas aisé de parler de ses qualités. Mieux vaudrait laisser cette tâche aux autres qui t’observent. Mais je pense quand même que j’ai de la persévérance comme qualité motrice. Lorsque je me fixe un objectif que je juge primordial, j’essaie de le tenir dans le viseur jusqu’à l’atteindre, parfois contre vents et marées. Votre principal défaut ? Là je suis à l’aise. Je crois que je suis impatient et trop exigeant. Lorsque j’ai un rendez-vous avec quelqu’un et qu’il fait quelques minutes de retard, il risque de me trouver déjà reparti. De même, quand je demande que quelque chose soit fait, je veux qu’il soit fait de manière la plus correctement possible alors que tout le monde n’a pas peut-être les mêmes capacités d’y arriver. La qualité que vous préférez chez les autres ? L’honnêteté. J’aime que mes amis soient honnêtes avec euxmêmes d’abord, puis avec les autres ensuite. C’est rassurant. Le défaut que vous avez du mal à supporter chez les autres ? La malhonnêteté. Lorsque je découvre que quelqu’un est malhonnête, j’ai vraiment du mal à le supporter et, dans certains cas, cela peut conduire même à la rupture de nos relations. La femme que vous admirez le plus? C’est certainement ma très chère maman; pour sa tendresse et son affection maternelle qu’elle n’a cessé de me manifester. Lorsque j’étais encore en internat pour mes études secondaires, à l’approche des vacances, elle avait hâte de me revoir et pouvait passer plus de deux jours sans bien manger, jusqu’à ce qu’elle me revoit, moi, son cadet qu’elle aime tant. Malheureusement, elle aussi vient de nous quit-

communication tel que nous les avons aujourd’hui, c’est un exploit historique que le peuple burundais a réalisé en s’unissant pour se battre pour son intégrité ; sa souveraineté. Les Burundais furent un peuple magnanime autour du Prince Louis Rwagasore. La plus belle date de l’Histoire du Burundi ? C’est celle du 10 juillet 1993 avec la passation du pouvoir pacifique entre le Président sortant Pierre Buyoya et le nouveau Président Melchior Ndadaye au terme d’une première compétition électorale démocratique après près de trois décennies de monopartisme.

ter. Elle est décédée le 5 octobre 2019. Que son âme repose en Paix auprès du Père !

thèse, j’ai été élevé au grade de Docteur en Science Politique, à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour « UPPA » (en France) par L’homme qui vous a le plus un jury composé de sommités marqué ? de renom en Science politique C’est le président Nelson M. et d’autres disciplines qui lui Mandela. Sa persévérance dans sont proches. C’était pour moi la lutte contre l’apartheid qui le couronnement d’un projet, l’a obligé à rester et pourquoi pas en prison pendant d’un rêve, qui m’a « Je suis près de trois décenexigé une perlargement nies, sa grandeur sévérance hors satisfait de qui norme. d’esprit qui l’a poussé à prôner la réconcilije suis. Je suis ation entre Blancs et Le plus triste? le fruit de tout Noirs lorsqu’il était La disparition mon parcours de mon très cher devenu président de la République ainsi que que je ne regrette papa fin mars l’élégance politique 2018. En mars pas. » qu’il a montrée en ne 2018, j’étais à briguant pas un autre Bordeaux pour mandat, tout cela (et bien d’autres mon dernier séjour doctoral qualités encore) provoquent en de six mois, je travaillais sous moi une admiration envers ce pression. J’étais informé aussi digne fils d’Afrique. C’est vraique mon père était hospitalisé ment un modèle à suivre. dans un état critique depuis quelques quatre jours. Et, en Qui aimeriez-vous être? cette nuit fatidique du 25 mars Je suis largement satisfait de qui 2018, vers 3heures du matin, je suis. Je suis le fruit de tout mon je reçois un coup de téléphone parcours que je ne regrette pas. de la part de mon grand-frère m’apprenant la triste nouvelle. Votre plus beau Je dus chercher un vol d’urgence souvenir? avec les moyens de bord pour Il n’est pas très lointain. C’est rentrer afin de participer aux le 6 décembre 2018 lorsque, au obsèques de l’illustre disparu. terme de la soutenance de ma C’était pour moi la disparition

de l’un des êtres qui m’étaient très chers, l’homme dont je suis toujours fier de porter le nom et qui a considérablement participé à mon « façonnage » en m’inculquant les valeurs et les qualités humaines. Que son âme repose en Paix auprès du Père. Quel serait votre plus grand malheur ? Perdre la dignité humaine. Les gens courent à gauche à droite derrière les biens, postes politiques ou autres objets matériels quelques fois ou souvent même au détriment de leur dignité, en passant par des voies déshonorantes, indignes. J’ai horreur de cela. Je ne voudrais pas que ce « malheur » m’arrive et, comme l’écrivait si pertinemment P. Corneille dans Le Cid, « Qui peut vivre infâme est indigne du jour » ! J’aimerais mourir étant encore « homme ». Le plus haut fait de l’Histoire burundaise? Je ne le situe pas très loin. Pour moi, c’est la lutte pour l’indépendance. C’est un haut fait, en m’imaginant qu’à cette époque du début des années 1960 il n’y avait même pas beaucoup de Burundais qui avaient fait de longues études, qu’il n’y avait pas encore de routes modernes, et encore moins de moyens de

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La date la plus terrible ? C’est la terrible date du 21 octobre 1993. Pour deux raisons principales. La première qui est d’ordre général est qu’avec l’assassinat du président nouvellement investi, M. Ndadaye, tout le pays a basculé dans le chaos duquel personne n’a pu le sortir durant plusieurs années : pertes en vies humaines, exil, destructions de biens, dépravation, etc. Jusqu’à aujourd’hui, nous continuons à en payer les frais. Deuxièmement, le 21 octobre 1993 arrive au moment où je venais de prendre mon inscription pour entrer en 2ème année en Histoire à l’Université du Burundi. Néanmoins, il faudra fuir cette même université, attendre sept ans pour y retourner en 2001 et étudier avec mes anciens élèves au secondaire ainsi qu’avoir comme professeurs certains de mes anciens camarades de classe en 1992-1993. Très dur, mais bon…. ! Ainsi va la vie ! Le métier que vous auriez aimé faire? Être enseignant d’université, ça me va très bien. C’est vrai qu’à la fin de mes Humanités Générales (section des Lettres Modernes) mon premier choix avait porté sur la Faculté de droit. Faute de cette dernière, on m’a donné mon deuxième choix qu’était l’Histoire. Discipline que j’ai embrassée et qui m’a permis de bifurquer vers la Science Politique. Je n’ai pas à me plaindre, je suis satisfait de mon métier actuel d’enseignant,


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Votre définition de la justice ? Si je me limite à l’aspect de la justice des cours et tribunaux, c’est dire le droit, c’est faire rentrer les choses dans l’ordre. Mais de manière plus large, je peux parler également de la justice dans le sens social; une justice sociale axée sur l’équité, le partage juste du gâteau national, la garantie équitable des droits de chacun. Que ce soit la justice des cours et tribunaux ou celle dite sociale, dans mon entendement, les deux participent à la pacification de la société en ce sens qu’elles évitent ou limitent les cas d’injustices sources de conflits entre les êtres humains.

activité que j’avais par ailleurs exercé pendant sept ans lorsque j’enseignai au Collège Communal de Gisuru de 1994 à 2001. Votre passe-temps favori? C’est vraiment lire. Lire des ouvrages d’Histoire, de Science Politique, un peu de Sociologie, lire des journaux, des revues, etc. De temps en temps, je regarde aussi les matches de football à la télé, la Ligue des Champions, notamment. Votre lieu préféré au Burundi? Non, franchement, je n’ai pas de lieu spécifique que je préfère plus que d’autres au Burundi. J’aimerais plutôt visiter tout le pays car je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire. Le pays où vous aimeriez vivre ? Sans doute, le Burundi, ma patrie. J’ai déjà vécu en Europe et j’en sais quelque chose. Vivre dans un pays étranger, ce n’est pas toujours aisé. Le voyage que vous aimeriez faire ? Aller en Amérique par exemple ou en Chine pour découvrir ce que nous réservent ces autres cieux. Ça m’intéresserait en tout cas. Votre rêve de Bonheur ? Voir mon pays se doter d’institutions véritablement démocratiques qui impulseraient une véritable paix pour tous, un respect et une protection des droits et libertés pour tous les citoyens, une véritable justice pour tous, qui banniraient à jamais l’exil des filles et fils de ce pays, le Burundi. Là, où tous les Burundaises et Burundais nageraient dans le bonheur….. Votre plat préféré? Aucun. Pour avoir voyagé et habité dans des pays aux civilisations différentes de la nôtre, franchement, je n’ai plus de préférence alimentaire, plutôt je m’adapte là où j’arrive. N’est-ce pas qu’ « à Rome on fait comme font les Romains » ! Votre chanson préférée ? Elle est rwandaise et porte comme titre « Gukiranuka » du célèbre chanteur Théogène Uwiringiyimana. Je la connais presque par cœur. « Kuko wakunze gukiranuka, nico nanje nzagukiriza. Kuko wanze ubugome bw’iyi si, nico nzaguhera icubahiro. R) Ibiguhiga ntibizabura, n’abakurwanya barakomeje, ariko Imana nyir’ijuru n’isi niyo ivuganye nawe nonaha… » (Puisque tu as opté de rester digne, je te récompenserai pour cela. Puisque tu as refusé la malhonnêteté de ce monde, je t’honorerai pour cela. R) Les

menaces envers toi ne manqueront pas, même tes ennemis continuent leur combat, mais le Dieu garant du ciel et de la terre, c’est bien Lui qui fait alliance avec toi…). Je trouve qu’elle correspond en grande partie à ce que les gens traversent tous les jours, moi personnellement. La radio que vous écoutez ? De temps en temps, j’écoute la RFI (Afrique matin) ainsi que la Radio Isanganiro, la grande édition de 12h 25. Je suis devenu actuellement un adepte de la télé. Avez-vous une devise ? Oui, et elle est très simple. « Faire du bien quoi qu’il en coûte ». Votre souvenir du 1er juin 1993 ? C’est un bon souvenir mais mitigé. Alors que d’un côté, le camp des vainqueurs se réjouit, celui des perdants est rempli de doutes et de tristesse. Il fallait être naïf pour ne pas s’interroger sur la suite. En réalité, on ne bouscule jamais impunément un si vieux Parti-Etat ; le FRODEBU l’a appris à ses dépens. Votre définition de l’indépendance ? L’indépendance, c’est ce droit de tout peuple à disposer de luimême, d’être souverain, de gérer la res publica en souverain sans qu’aucune autre force ou puissance extérieure ne lui dicte des injonctions à suivre. Bien entendu, il ne faut pas confondre les choses. Être indépendant ne signifie pas, pour un peuple donné, vivre en vase-clos en coupant ses relations bilatérales et/ou multilatérales avec ses partenaires ; au contraire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’indépendance appelle l’interdépendance.

Votre définition de la démocratie ? Je pars d’Athènes où ce concept prend racine mais pour parler comme l’Américain Abraham Lincoln. En effet, c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Actuellement, on ajouterait que c’est un gouvernement qui se soumet d’abord à son propre droit établi et qui, ensuite, garantit les droits et libertés, civils et politiques, de ses citoyens. C’est également un gouvernement dont les dirigeants permettent au peuple-électeur d’exercer son droit de surveillance sur eux-mêmes et sur la manière dont ils gèrent le bien commun. Mais la démocratie repose également sur les valeurs de liberté, d’égalité, de solidarité, de tolérance, etc. sans lesquelles elle n’est qu’un vain mot. En effet, ceux qui confondent « élections » et « démocratie » se trompent fort.

A

Si vous deveniez ministre de l’Intérieur, quelles seraient vos deux premières mesures? La première serait de faire sanctionner tous les auteurs des violences politiques (quelle qu’en soit leur couleur politique) que nous observons un peu partout dans le pays suite à l’intolérance entre les adhérents des différentes formations politiques. La seconde serait de mettre de l’ordre au sein de ces mêmes partis politiques : tout parti agréé en violation de la loi serait supprimé (et croyezmoi ils sont nombreux), toutes les ailes « nyakuri » seraient supprimées ainsi que ces partis fantoches préfabriqués de toutes pièces. Si vous deveniez ministre de l’Education, quelles seraient vos deux premières mesures ? La première serait de mettre en place une commission de spécialistes qui analyserait les voies et moyens de redresser la

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qualité de notre enseignement et le niveau de nos lauréats qui laissent à désirer. La seconde serait de fermer tous les universités et établissements d’enseignement supérieur tant publics que privés qui ne sont que des « boutiques de diplômes ». Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ? Oui, mais l’homme est en même temps bon et méchant. En lui, le combat entre les deux est sans fin. Pensez-vous à la mort ? Bien sûr que j’y pense surtout lorsque j’accompagne un proche disparu vers sa dernière demeure. Mais j’essaie d’éviter d’être esclave de la peur qu’elle imprime sur nous les mortels. Je m’efforce de vivre comme si cette terrible visiteuse indésirable viendra me voir le plus tardivement possible, même si je sais qu’elle peut frapper à tout moment et à n’importe quelle porte. Au moins sur ce point, la mort est juste ! Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Très humblement, je lui dirais : « Père très miséricordieux, tu vois et tu le sais très bien plus que quiconque, je suis pécheur, mais je ne mérite tout de même pas l’enfer. Je me suis efforcé de vivre en harmonie avec tes commandements même si je n’y suis pas parvenu…. ». Et probablement qu’après une longue réflexion le Bon Dieu miséricordieux me dira très tendrement : « Ego mwananje wari wagerageje, injira mw’ijuru… » ! Propos recueillis par Arnaud Igor Giriteka

Bio express

ctuellement enseignant de Science Politique à l’Université du Burundi et dans d’autres universités et établissements d’enseignement supérieur publics et privés burundais, Denis Banshimiyubusa est né le 22 août 1969, à la colline Gisuru en commune Gisuru, province de Ruyigi, à l’Est du Burundi. Entré à l’Université du Burundi à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Département d’Histoire, au cours de l’Année Académique 1992-1993, la crise d’octobre 1993 le contraint d’interrompre ses études après avoir réussi sa première année. De 1994 à 2001, il enseigne au Collège Communal de Gisuru, période après laquelle il réintègre l’UB où, en octobre 2004, il obtient une Licence en Histoire, option Science politique. De 2005 à 2006, il travaille comme journaliste correspondant de la Radio Isanganiro dans la région Est du pays. De mars 2007 à mai 2009, il est conseiller au cabinet du ministre de la Bonne Gouvernance, avant de s’envoler à Rome en Italie en septembre 2009 où il venait d’être affecté comme Ambassadeur de la République du Burundi près le Quirinal et Représentant Permanent du Burundi auprès de la FAO, du FIDA et du PAM. Il y restera jusqu’en janvier 2011. Entretemps, avant de partir pour Rome, M. Banshimiyubusa avait décroché un Diplôme des Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en droits de l’homme et résolution pacifique des conflits à l’Université du Burundi en collaboration

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avec la Chaire UNESCO (2009). Les moments de bonheur s’alternant avec ceux de dures épreuves, après Rome, cet ancien diplomate a connu un dur exil politique en France de 2011 à 2014 qu’il a su néanmoins transformer en moment de conquête des titres académiques. En juillet 2013 il obtient un Master 2 en Science politique à l’Université de Lorraine, Spécialité : Métiers du Politique et de l’Administration (parcours Recherche), tandis qu’en janvier 2014, il décroche son Diplôme d’Université (D.U.) « Administrateur d’Elections » à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne en collaboration avec le Centre d’Etudes Permanentes. Enfin, le 6 décembre 2018, son parcours académique a été couronné par un Doctorat en Science politique obtenu à l’Ecole Doctorale de Université de Pau et des Pays de l’Adour (ED – UPPA). Sa thèse de Doctorat intitulé : Les enjeux et défis de la démocratisation au Burundi. Essai d’analyse et d’interprétation à partir des partis politiques est actuellement sous presse aux Editions L’Harmattan. Elle sera publiée début décembre 2019. Par ailleurs, le champ de recherche privilégié du jeune Dr. Denis Banshimiyubusa couvre principalement les domaines de processus de démocratisation en Afrique, d’Etat de droit et de (bonne) gouvernance ; avec une spécialisation sur les questions intéressant les partis politiques et les élections.


SANTÉ

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Lèpre : plus de 200 nouveaux cas en six mois ! Le Burundi a enregistré plus de 200 nouveaux cas de lèpre au cours des six premiers mois de cette année. Parmi lesquels plus de 80% présentent un stade sévère.

D

ans les 224 cas de lèpre dépistés au cours des deux premiers trimestres de cette année au niveau national, 34 ont atteint le degré d’invalidité 2 (perte de doigts, des orteils, de sensibilité…). Etat des lieux que révèle une campagne de dépistage organisée par le Programme national intégré de lutte contre la lèpre et le paludisme (PNILT). C’est à l’occasion d’un atelier de sensibilisation des médias, mercredi 23 octobre, que le point focal lèpre au ministère de la Santé, Dr Pancrace Ntibarufata, l’a annoncé. D’après lui, le Burundi a enregistré, en 2018, 382 nouveaux cas de lèpre. Plus de 83% présentent un stade avancé, « multi bacillaire (MB) », donc des cas contagieux. 10% ont atteint un degré d’invalidité 2. « Or, selon l’OMS,

ce degré ne devrait pas dépasser 5%». Six provinces sont vulnérables : Cibitoke, Bubanza, Rutana, Ruyigi, Makamba et Rumonge. Des provinces frontalières avec la Tanzanie et la RDC, pays endémiques.

D’une simple tâche cutanée aux malformations irréversibles « La lèpre est une maladie infectieuse, endémique, d’évolution chronique, strictement humaine et guérissable », explique Dr Ntibarufata. Elle se caractérise au début par des lésions cutanées (rougeurs sur la peau), sur n’importe quelle partie du corps, et une atteinte des nerfs périphériques se traduisant par une perte sensorielle essentiellement des mains, des pieds ou du visage. « Plus les rougeurs se multiplient, plus la maladie devient sévère». Mais toute tâche ne signifie pas lèpre. Cette dernière se caractérise souvent par des tâches insensibles au toucher, souligne Dr Ntibarufata. Sa forme la plus sévère, si elle n’est pas traitée à temps,

est la déformation puis la perte des doigts, des orteils, du nez, de la bouche qui conduisent, à la longue, à des infections mortelles. Il précise que la lèpre n’est pas une maladie héréditaire, mais transmissible. Avec un délai d’incubation pouvant aller jusqu’à 20 ans. Elle se transmet par voie aérienne. La promiscuité avec les malades, le manque d’hygiène et la malnutrition sont des facteurs favorisants. Il soulève, comme grand défi, l’ignorance de cette maladie et la stigmatisation qui l’entoure. Par conséquent, les gens ne se font pas dépister ou le font très tardivement. Le diagnostic et le traitement de la lèpre sont disponibles gratuitement dans toutes les structures sanitaires, d’après ce point focal lèpre. « A la moindre petite tâche sur la peau, parfois insensible, il faut consulter». Les nouvelles directives de l’OMS prévoient un moyen de prévention, en cours d’étude : une « Dose unique de rifampicine (DUR) » pour les adultes et les enfants de plus de 2 ans, selon ce médecin.

Un ancien lépreux en train de suivre une thérapie au centre de rééducation Cnar de Gitega.

Evolution des cas de lèpre, 2013-2018, au Burundi Années

Total

Cas sévères (MB) Moins sévères (PB) Degré d’invalidité 2

2013

294

264

30

8%

2014

496

425

71

12%

2015

419

350

69

16%

2016

414

313

101

10%

2017

400

327

73

9%

2018

382

320

62

10%

Source : PNILT

Clarisse Shaka

ACP Région Ouest

Cibitoke

Recrudescence de l’intolérance politique dans certaines communes En moins d’une semaine, 5 permanences du parti CNL ont été saccagées. Ses militants accusent le parti présidentiel comme auteur. Ce dernier rejette catégoriquement ces accusations et demande que les auteurs soient arrêtés et répondent à leurs actes. De notre correspondant Jackson Bahati

C

ette intolérance politique est particulièrement observée dans les communes Murwi, Rugombo, Mugina et Bukinanyana. La commune Murwi vient en tête avec 3 permanences du parti « Congrès national pour la liberté», CNL Cette situation a été signalée à la colline et zone Buhindo ce vendredi 18 octobre où les témoins rencontrés sur place expliquent que les insignes et les couleurs de ce parti ont été effacés par des inconnus. Les militants de ce parti ne comprennent pas pourquoi les clauses des réunions des représentants des partis politiques ne sont jamais respectées. En plus de

cela, on assiste à une incarcération en cascade des militants de ce parti sans aucune raison valable. Ils indiquent que dans la commune Mugina plus d’une douzaine ont été écroués illégalement et parmi eux, trois ont été transférés à la prison centrale de Mpimba. Selon les sources ces Inyankamugayo, membres du CNL, seraient victimes de leur refus d’hadhérer au parti au pouvoir. Ils demandent que cette situation qui ternit l’image de la commune soit bannie car il existe d’autres communes où les partis politiques vivent en parfaite collaboration comme Mabayi et Buganda où toutes les tendances politiques se rencontrent souvent dans le cadre des activités de développement de leurs communes.

Les responsables du Cnl accusent les membres du parti au pouvoir de vandaliser leurs permanences

Les récalcitrants seront punis conformément à la loi Le parti au pouvoir rejette ces accusations en bloc. Il affirme que ses militants n’ont pas besoin de détruire les permanences des autres partis car « les efforts perdus dans ces actes sont déployés dans le développement du pays. »Plutôt, ces responsables demandent que les

enquêtes approfondies soient menées pour que les auteurs soient arrêtés et jugés par la justice. Le gouverneur de la province Cibitoke dit que cela n’est pas fondé car l’administration organise deux fois le mois les réunions avec les représentants des partis politiques au niveau provincial ainsi qu’au niveau de chaque commune. Joseph

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Iteriteka précise que chaque fois qu’une réunion est organisée, la paix, la sécurité, le respect et la cohabitation pacifique entre les partis politiques sont des sujets au rendez-vous. Il met en garde quiconque aurait intention de perturber l’ordre public en ajoutant que les mesures sont déjà envisagées.


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Région Centre

AU CŒUR DU PAYS

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Gitega

Merci à l’assistance, mais des défis restent Rotary Bujumbura Ingoma a offert une aide de vivres, savons, habits etc. aux enfants du Centre d’éducation spécialisée pour les déficients auditifs. La directrice salue le geste mais indique que plusieurs problèmes minent toujours ce centre. De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

P

our la 8ème fois dans huit ans, les rotariens de Rotary Club Bujumbura–Ingoma ont visité samedi 19 octobre le Centre d’éducation spécialisée pour les déficients auditifs de Mushasha apportant avec eux un paquet de 500kg de riz, 750kg de haricot, farine, 100kg de sucre, lait, papiers hygiéniques etc, pour les 240 enfants internes. Malgré leur handicap, les jeunes garçons et filles de ce centre ont pu exécuter quelques numéros de danses pour accueillir les visiteurs. Manifestant sa joie devant les sacs de nourriture entreposés devant elle, Spés Bandora s’est dit profondément soulagée d’avoir de quoi nourrir ses protégés pendant au moins quelques semaines. « Nous sommes touchés par le geste que vous ne cessez de nous manifester depuis 8 ans. Un

Région Sud

ami véritable apparaît dans les moments difficiles comme ceuxci », s’est-elle exprimée. Pour cette directrice, le centre connaît aujourd’hui beaucoup de problèmes liés notamment au nombre élevé des enfants, le manque de matériel didactique adapté au handicap de ces enfants. Selon cette elle, dès sa création en 1 982 par Mgr André Makarakiza, le centre avait comme vocation de défendre et promouvoir les droits et les intérêts des personnes ayant des difficultés d’audition. Il les regroupait afin de briser leur isolement et favoriser ainsi leur mieux-être et leur épanouissement. « Aujourd’hui nous accueillons 240 enfants issus de différents milieux sociaux alors que la capacité d’accueil était de 120 individus. Nous rencontrons de multiples problèmes en rapport avec l’exiguïté des bâtiments, le personnel insuffisant et qualifié pour enseigner», a souligné Spés Bandora. Les enfants sourds

restent encore largement marginalisés, comme l’explique la directrice. Après l’école fondamentale, certains intègrent un centre d’apprentissage qui les forme à la menuiserie ou à la couture. Mais ils sont peu nombreux, d’autant que cet établissement est le seul qui existe à Gitega.

« Nous frapperons à toutes les portes » Souhaitant une aide pour que ce centre puisse accueillir tous les enfants qui en ont besoin, la directrice a mentionné la pauvreté des familles qui amènent leurs enfants à Mushasha pour apprendre en vue de leur offrir des opportunités de s’intégrer convenablement dans la société. « Les parents peinent à s’acquitter de quelques sommes d’argent pour payer l’internat. Malheureusement, nous ne pouvons pas chasser ces enfants. » Apparemment cet appel à plus de soutient n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, d’après les propos du président de Rotary Club Bujumbura-Ingoma. Ne voulant pas passer en revue toutes les aides que Rotary Bujumbura Ingoma a déjà apportées à ce centre, Godelieve Ndayisenga a promis que le Club fera

Des enfants déficients auditifs lors de la remise des dons

tout son possible pour améliorer le quotidien de ces enfants à déficience auditive. « En plus de notre objectif de collecter quelques aides chaque année, nous avons planifié de doter ce centre d’une porcherie moderne et d’un potager pour améliorer la vie de ces enfants et ce projet sera exécuté d’ici peu », a-t-elle promis Notons que malgré les efforts de l’archidiocèse de Gitega et les autres bienfaiteurs, l’immense

Rumonge

Plus de dix mille cas d’abandons scolaires Ils sont plus de 9.800 cas à l’école fondamentale et plus de 600 au post fondamental. Ces chiffres qui font froid dans le dos ont été annoncés par le directeur provincial de l’enseignement(DPE) lors de la commémoration de la journée de l’enseignant. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

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armi les grands défis auxquels l’enseignement a été confrontés au cours de l’année scolaire passée en province de Rumonge figure le taux d’abandon plus ou moins élevé. C’est ce qu’a indiqué Kyriasis Niyukuri, DPE Rumonge dans son discours. Pour lui, le gros des abandons s’est observé au niveau de l’école fondamentale où plus de neuf mille cas d’abandons ont été enregistrés. Il a cité les principales raisons de ces abandons dont les grossesses non désirées, les déplacements des familles, la démotivation des élèves, la séparation des parents, la pauvreté des familles et l’afflux des élèves vers les activités de pêche etc. Cette autorité scolaire précise en plus que le nombre de filles qui abandonnent l’école suite aux

majorité des enfants sourds ne dépassaient pas l’école fondamentale. Quand ils avaient la chance d’être scolarisés, le rare établissement public (Lycée Notre Dame de la Sagesse) qui leur était réservé n’est accessible qu’à une poignée de privilégiés. Du coup, la plupart des sourds restent ensuite chez eux, sans instruction, à la charge de leurs parents.

grossesses ne cesse d’augmenter. Il interpelle les parents et les enseignants à mettre un accent particulier à l’encadrement de leurs enfants. Il a alors demandé à tous les partenaires de l’éducation de s’atteler pour diminuer ces chiffres d’abandon au cours de l’année scolaire en cours. Juvénal Bigirimana, gouverneur de la province de Rumonge, accuse certains directeurs des écoles fondamentales de donner de faux rapports à la rentrée scolaire en gonflant les effectifs des élèves afin d’avoir un montant consistant comme frais de fonctionnement de leurs écoles de la part du ministère de tutelle. A la fin de l’année pour justifier les effectifs réels, ces directeurs mentionnent dans le rapport de fin de l’année scolaire que certains élèves ont abandonné afin de justifier les chiffres qui ne sont pas concordants. Il a demandé qu’une enquête

Les élèves défilent lors de la journée de l'enseignant

soit menée pour que ces directeurs qui ont manipulé les effectifs des écoles soient démis car leurs rapports mensongers ne font que ternir l’image de la province.

Problème d’encadrement des élèves Un parent d’élève rencontré sur une colline de la commune Rumonge indique que le motif

principal de ces abandons est le manque d’encadrement par les parents, les enseignants, les autorités scolaires et la communauté. Il soulève un problème de démotivation des élèves à étudier suite au chômage qui frappe leurs grands frères et sœurs qui ont terminé les études avant eux. Pour lui, une réunion de tous les partenaires de l’éducation dont les représentants des élèves

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est nécessaire pour débattre ce problème qui s’observe dans la province scolaire de Rumonge afin de prendre des stratégies qui s’imposent. Samuel Manirakiza, représentant des syndicats, demande aux directeurs d’écoles, aux enseignants et aux parents de bien détecter les vrais mobiles d’abandon pour pouvoir y apporter des solutions. Il souhaite que des réunions trimestrielles soit tenues entre les différents partenaires de l’éducation dans la province afin de prendre les stratégies qui s’imposent. Les autorités administratives à la base surtout les chefs de colline doivent suivre aussi les enfants sur leurs collines qui ont abandonné l’école et demander les raisons pour informer à temps les autorités scolaires. Pour le représentant provincial de l’association Bafashebige, la province de Rumonge possède des potentialités économiques visibles, les communes doivent appuyer le secteur de l’enseignement et contribuer à juguler le taux élevé d’abandons scolaires.


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Centre Seruka : VULGARISATION DELA LOI SPECIFIQUE SUR LES VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE Vendredi, le 11 octobre, le centre Seruka a organisé un atelier sur la vulgarisation de la loi spécifique sur les violences basées sur le Genre(LOI Nº1/013 DU 22 SEPTEMBRE 2016) A L’ENDROIT DES ACTEURS IMPLIQUES DANS SA MISE EN OEUVRE POUR CONTRIBUER A SON EFFICACITE ET APPLICABILITE DANS TOUS SES ASPECTS AU SEIN DE LA COMMUNAUTE. Les participants ont énoncé les différentes entraves à sa mise en application et se sont engagés à travailler en synergie pour arriver à des résultats probants.

S

ensibiliser toutes les femmes et filles pour les amener à dénoncer toute violence basée sur le genre commise sur elles, appliquer la loi spécifique sur les VBG et l'expliquer à ceux qui l'ignorent, changer de comportement pour toutes les VBG que l'intervenant avait l'habitude de commettre, com-battre les VBG et dénoncer les auteurs, travailler en réseaux avec les autres acteurs pour la mise en œuvre de la loi spécifique sur les VBG, sensibiliser les collègues sur cette loi VBG, accompagner et orienter les vic-times », . Tels sont entre autres recommandations et engagements ressortis de l’atelier de vulgarisation de la loi spécifique de prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre. Participaient à l’atelier les administrateurs communaux, les agents de po-lice, des représentants du ministère de la justice, ceux du ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre ainsi que les juges présidents des tribunaux de résidence. L’objectif était de comprendre cette loi pour sa mise en application effective. Nyabenda Mélance, représentant légal adjoint de l’initiative Seruka a de prime abord présenté l'Initiative Seruka pour faire connaître les axes de son intervention. « C’est une association sans but lucratif burundaise ayant comme mission de soutenir la communauté burundaise en vue d'améliorer le statut des femmes et des jeunes vulnérables. Cette mission est réalisée à travers le « Centre Seruka qui est un Centre de référence spé-cialisé pour une prise en charge médicale psychosociale, juridique, judi-ciaire et communautaire des survivantes des Violences Sexuelles et Basées sur le Genre ». Le centre organise également des séances de sensibilisation communau-taire à l'endroit des différents groupes cibles pour que la communauté s'ap-proprie une prévention efficace et une prise en charge de qualité des sur-vivants au niveau communautaire. Pour Madame Estella Ndahabonyimana, du ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du Genre, l’élaboration et la mise en place d’autres instrument contre les VBG ne suffit pas. « La vulgarisation de cet instrument auprès des

De gauche à droite : Mélance Nyabenda, représentant adjoint de l’initiative Seruka, Estella Ndahabonyimana du ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre, Odette Nijimbere, chargée d’information, éducation et communication a centre Seruka

citoyens reste encore plus que nécessaire et est un devoir de tout intervenant en matière de lutte contre les VBG », a-t-elle indiqué dans son mot d’ouverture.

Les VBG, un fléau qui retient l’attention du gouvernement Madame Estella Ndahabonyimana ne tarit pas d’éloges sur les efforts du gouvernement et des partenaires dans la prévention, la protection des vic-times ainsi que la répression de VSBG. Elle cite notamment la loi n ° 1/013 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et ré-pression des VBG dont il est question, la Loi n ° 1/27 du 29/12/2017 por-tant révision du Code pénal (CP), Loi n ° 1/09 du 11/5/2018 portant modifi-cation du Code de procédure pénale (CPP), élaboration d’une Politique Na-tionale Genre. De plus, le Gouvernement du Burundi en collaboration avec ses partenaires a mis en place des centres de prise en charge holistique des VBG dont le centre Humura de Gitega et les Centres intégrés de CIBITOKE, Makamba et Muyinga. Les chambres spécialisées en matière de répression des VBG ont été mises en place dans les TGI. Aloys NDIKURIYO, le consultant a procédé à la présentation des chapitres en rapport avec

la prévention, la protection des victimes ainsi que la ré-pression des violences basées sur le Genre. « C’est une loi constituée de 63 chapitres, venue à point nommé car portant sur trois points essentiels no-tamment la prévention, la protection des victimes et la répression des VBG. Les crimes réprimés sont aussi énoncés dans la Loi n ° 1/27 du 29/12/2017 portant révision du Code pénal (CP), Loi n ° 1/09 du 11/5/2018 portant modification du Code de procédure pénale (CPP) et la politique nationale Genre ».

Une législation qui touche même les pratiques traditionnelles Pour lui, c’est une loi efficace qui réprime certaines pratiques tradition-nelles qui portent atteinte à l’intégrité morale et physique de celui (celle) qui les subit. Il s’agit notamment du « lévirat », coutume qui consiste à im-poser à une veuve d’épouser son beau-frère ou son beau-père, « Gukazanura », pratique coutumière qui reconnaît à un homme

le droit de faire préalablement des rapports sexuels avec sa belle-fille le jour du ma-riage de son fils. « Guteka Ibuye rigasha », pratique culturelle où un homme force sa femme ou sa fille à coucher avec un guérisseur pour que le remède prescrit ait des effets. Mais aussi le « rapt », forme de mariage forcé consistant à enlever une fille pour l’épouser de force. Après avoir exploité le contenu de la loi spécifique sur les VBG, les consul-tants ont donné l'occasion aux participants pour exprimer les défis ou les contraintes qui entravent son application effective. Les participants n’ont pas hésité et ont révélé les défis majeurs qu’il faut relever à tout prix. Il s’agit notamment de la coutume burundaise qui interdit de tout dire; l'ab-sence de traduction de ladite loi en kirundi, l'ignorance de la loi, la pauvreté qui empêche de porter plainte. Les participants à l’atelier ont aussi pointé du doigt la non application des sanctions prévues par la loi spécifique par les instances habilitées, la cor-ruption, le manque d'indemnisation des victimes, le manque de moyen ma-tériel pour effectuer des descentes sur les lieux du crime etc. Les assistants sociaux, agents de police, de la justice et les administrateurs se sont engagés à travailler en synergie avec les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la loi sur les VBG.

Les participants à l’atelier de vulgarisation de la loi spécifique sur les VBG organisé par le centre Seruka.

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SPORT

Vendredi, 25 octobre 2019 - n°554

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Basketball Présent à Dar-es-Salaam, depuis dimanche 20 octobre, le club a décidé d’écourter son séjour. En cause : les forfaits que lui a infligés la Zone 5 au motif qu’il est parti sans arbitre ni médecin. Les dirigeants du club taclent la Febabu.

P

artie avec les honneurs, l’équipe championne féminine a vu ses espoirs vite douchés. Jean Paul Rukerintore, président du club, impute cette situation à un président de la fédération de basketball du Burundi(Febabu) peu conciliant et rancunier. « Durant la préparation du voyage, il n’a pas cessé de nous mettre des bâtons dans les roues. Il faisait comme s’il n’est pas ravi que nous soyons du voyage ». Allusion faite au nombre de fois où ils lui ont demandé de tenir une réunion technique, en vain. Le 14 août, par le biais d’une correspondance, M. Rukerintore indique qu’ils ont fait savoir à la Fédération de Basketball du Burundi(Febabu) leur souhait de prendre part à ce tournoi. Il est qualificatif pour la Coupe

d’Afrique des clubs. « Une requête que la fédération a vite acceptée. Mais la situation s’est corsée quand Augustin Kararuza, son président, nous a annoncé que nous devrons supporter les frais de séjour de l’arbitre et du médecin». Pour nous, explique le président de Les Gazelles, c’est une chose impossible. « Nous lui avons signifié que nous sommes déjà dans l’incapacité de rassembler la somme nécessaire pour toutes les joueuses». Pour éviter tout malentendu, expliquet-il, nous lui avons demandé s’il était possible qu’il informe la zone 5 de notre retrait. « Ce qu’il a refusé ». M. Rukerintore confie qu’à ce moment-là, ils pensaient que le dossier était clos. « D’autant plus que la correspondance de la FIBA Afrique adressée à la Febabu le 4 octobre

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Zone 5: les Gazelles, le désenchantement

Pénalisé par les forfaits, le club les Gazelles a décidé d'écourter son séjour.

stipulait que c›est elle qui devait payer ces frais ».

La désillusion Dimanche 20 octobre, le club s’envole pour la Tanzanie. L’équipe est désagréablement surprise. Outre des frais de participation, elle doit payer une kyrielle d’autres frais. « Heureusement, nous nous en sommes acquittés », fait savoir Line Curie Muco, membre du club. Avant que la rencontre ne commence, poursuit-elle, une femme en charge de la Zone 5 est venue nous signifier que nous ne pouvions pas jouer parce que nous

n’avons pas amené un arbitre. « Un étonnement total, car nous pensions que la question avait déjà été vidée ». Heureusement, dit-elle, la même dame, compréhensive, les autorise à jouer. Elles se feront étriller par les Kényanes d’Equity Bank (93-37). Toutefois, le lendemain, la situation fut autre. Malgré leur insistance, les officiels de la rencontre les déclareront forfait pour ne pas avoir amené un arbitre et un médecin. Cependant, indique Mme Muco, une chose va les troubler : « Au moment où nous appelions M. Kararuza pour qu’il plaide en notre faveur, la com-

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missaire FIBA de la Zone 5 l’a mis sur haut-parleur. Nous l’avons entendu ordonner pour qu’on ne puisse pas jouer. Au grand étonnement de nos joueuses ». Depuis, fait-elle savoir, c’est le statu quo. « Nous avons déjà enregistré deux forfaits ». A défaut d’une autre alternative, nous prévoyons de rentrer au bercail. « Parce que nous n’avons pas les moyens pour payer les 3000 $ de pénalités ». Dans son point de presse, tenu mercredi 23 octobre, M. Kararuza nie en bloc toutes les accusations : « En aucun moment, je n’ai interféré dans la décision de la Zone 5 pour qu’elle déclare ces forfaits.» Il indique qu’avant leur départ, les dirigeants du club étaient conscients des sanctions qu’ils encouraient. A la question de savoir qui paiera cette amende, il est catégorique : « C'est le club. La fédération serait intervenu si cela avait été l’équipe nationale.» Pour rappel, la compétition prendra fin dimanche 26 octobre. Selon un membre de la délégation, l’équipe devrait être à Bujumbura, jeudi 24 octobre. Hervé Mugisha


Vendredi, 25 octobre 2019 - n°554

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New Generation : Le Burundi a besoin d’un leadership serviteur Samedi, le 19 octobre 2019, New Generation a organisé une conférence sur « le leadership serviteur». Il s’agissait du lancement d’une formation des jeunes pour être des leaders travaillant pour l’intérêt commun et susceptibles d’influencer positivement l’entourage et le monde.

L

e but de ta vie n’est pas d’être servi par les autres, ni de te servir toi-même mais de servir les autres. Un leader serviteur doit avoir une vision plus grande et dont la portée est au-delà de luimême », a déclaré le Dr Emmanuel Ndikumana, fondateur de Partners Trust International dans son riche exposé sur « Le besoin d’un leadership de service au Burundi ». La conférence a vu la participation des jeunes étudiants des universités et élèves des écoles secondaires situées dans la commune MUHA. Des jeunes entrepreneurs, les artistes, ainsi que les jeunes membres associatifs et des différentes confessions religieuses. Dr Ndikumana s’est avéré convainquant en s’appuyant sur cinq illustres leaders dans le monde. Il a notamment cité Jésus de Nazareth comme exemple d’un leader

serviteur avec cette formule «… Qu’il n’en soit pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup». (Matthieu 20 : 26-28) En plus, il s’agit de Mgr Oscar Romeo (San Salvador), Thomas Sankara (Burkina Faso), Mandela (Afrique du Sud) et Gandhi (Inde) qui se sont investis pour libérer leurs peuples soit de la pauvreté, de l’injustice et du joug colonial. Ils avaient un esprit de service. « Leur passion les poussait à servir les autres. Ils ne se servaient pas des autres pour atteindre des intérêts égoïstes», a-t-il expliqué Pour lui, tous ces leaders avaient compris la mission, le but, le sens de leur vie, bref leur raison d’être

sur terre comme étant celui d’être au service des autres « surtout des nécessiteux, des vulnérables et des déshérités qui avaient besoin de se libérer, sortir de leur état déplorable ». Ils étaient en même temps convaincus que leur action présente, si petite et simple, aussi longtemps qu’elle est concrète et inspirée par l’amour du prochain, elle pourrait amener le changement. Dr Emmanuel Ndikumana, a conclu son exposé en précisant que ces leaders serviteurs qui incarnent le pardon. Il a interpellé les jeunes participants de se défaire de tout acte divisionniste et privilégier l’amour du prochain.

« Etre quelqu’un de caractère » Pour sa part, Dieudonné Nahimana, fondateur de New Generation est revenu sur « comment être un leader serviteur ». S’adressant à un parterre de participants, il a indiqué que chaque personne est unique et a la capacité d’influencer positivement son entourage et amener le changement dans le monde. « C’est la responsabilité pour être un acteur du changement qui commence sur

Dieudonné Nahimana, fondateur de New Generation s’adressant aux participants

soi. Etre quelqu’un de caractère ». Mr Nahimana, a rappelé que l’origine des problèmes que le Burundi a traversés depuis plus de 50ans est le manque de leadership. « Les leaders qui ont joué un grand rôle utilisaient une domination autoritaire. Il était difficile de mobiliser la population pour s’auto-développer afin de servir la communauté en général». Rai-

son pour laquelle une conférence pour lancer un programme de formation en leadership de service a été organisée. Des jeunes ont montré l’engouement de suivre ces formations basées sur cette thématique de leadership de service que New Generation organise après 23 ans d’expérience.

Les Bashingantahe soucieux d’un bon processus électoral Le Conseil national des Bashingantahe a célébré, samedi 19 octobre en mairie de Bujumbura, la journée dédiée à l’Intahe. Une occasion d’investir dix couples dans cette institution. Reportage.

D

es cérémonies en grande pompe. Elles se déroulent dans la zone Kanyosha de la commune Muha. Au rendezvous, plusieurs Bashingantahe en provenance de toutes les zones de la ville de Bujumbura. Mais encore les représentants des bashingantahe des provinces voisines de la mairie. La plupart parés du costume traditionnel… Les cérémonies s’ouvrent par une belle procession, autour de 10h30, vers une salle de la paroisse catholique de Kanyosha. C’est là que va se dérouler l’essentiel des activités. Elle est débutée par un rassemblement à la route nationale, RN3. Sur le chemin, le cortège est admiré par une foule de gens. Des femmes, des hommes et des jeunes qui applaudissent à leur passage, lançant des mots d’admiration aux sages bashingantahe, avançant au rythme du tambour. Une belle fête

aux couleurs traditionnelles. Le long défilé prend enfin fin à la salle prévue pour abriter les cérémonies. Bien accrochée au mur, une banderole mentionne le thème du jour : «Burundais, Burundaises, que les vertus qu’incarnent les Bashingantahe nous guident en cette période électorale ». Dans son discours d’accueil, Donatien Mpawenayo, président du conseil en zone Kanyosha, rappelle que l’institution des Bashingantahe est une culture que les Burundais doivent à leurs ancêtres. Ils s’en servaient pour affermir la cohésion sociale et une bonne cohabitation dans le pays.

Impartialité, amour du prochain, compassion,…à observer jalousement Le cérémonial d’investiture des dix couples va alors arriver. Mais avant, quelques étapes. De vétérans bashingantahe de Kanyosha qui ont suivi ces banyamitamana (les aspirants) doivent avaliser. Le méritent-ils ? Un des vétérans, choisi pour s’exprimer au nom de ses pairs donne l’aval. Reste à chercher dans l’assemblée présente, celui qui aurait à reprocher à l’un ou l’autre des aspirants. Personne. Les banyamitamana, bien avertis des responsabilités auxquelles ils veulent s’engager, jurent,

Les bashingantahe, samedi au début du défilé vers la salle des cérémonies

entre autre vertus à observer, l’impartialité, l’amour du prochain et la compassion. Celui qui conduit l’investiture ne cesse de leur rappeler que tout Mushingantahe doit être guidé par la noblesse du cœur, l’intégrité, le sens de la justice, l’équité, le patriotisme, etc. Il tient à insister, soulignant que ces Bashingantahe investis doivent faire preuve de comportements dignes d’un mushingantahe dans leurs milieux, tel qu’ils viennent de l’exprimer dans le serment. Prenant la parole, Abbé Adrien Ntabona, doyen des Bashingantahe, revient de son côté sur les responsabilités des Bashingantahe habitant les villes. Ce sont des intellectuels pour la plupart,

souligne-t-il, ils doivent adopter un militantisme particulier, digne d’un Mushingantahe, dans les différents secteurs d’activité où ils exercent. Le président sortant du conseil des Bashingantahe en mairie de Bujumbura remercie vivement les précurseurs de la renaissance de l’institution des bashingantahe en mairie de Bujumbura. Notamment l’Abbé Adrien Ntabona. Cassien Simbare souligne que la perpétuation de cette culture est au service du développement. «Il n’est pas de développement durable dans un pays qui n’ait pas de racines dans sa culture ». Et d’exhorter les Burundais à respecter cette culture qui continue

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d’affermir la cohésion sociale. Edmond Ntazina, le président entrant du conseil en mairie, assure que son comité ne ménagera aucun effort pour la consolidation de cette institution. Essentiellement par la multiplication des réunions et la sensibilisation des Baganantahe. Les cérémonies de ce samedi se sont clôturées par la remise des certificats de mérite à trois précurseurs de la renaissance et de la consolidation de l’institution des Bashingantahe, au Burundi, en marie de Bujumbura et en zone Kanyosha. Respectivement les Bashingantahe Abbé Adrien Ntabona, Cassien Simbare et Pasteur Paul Karibuhwe.


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