IWACU 553

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IWACU N°553 – Vendredi 18 octobre 2019 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Burundi-Ouganda-RDC-Rwanda

Vers un état-major intégré ? Photo archive

Objectif : éradication des groupes armés à l’est de la RDC

POLITIQUE Interview exclusive avec le gouverneur de Ngozi

AU COIN DU FEU P.4

Avec Jean Bosco Ndayikengurukiye

SPORT P.8

Sada Nahimana, née pour briller

P.13


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 18 octobre 2019 - n°553

En coulisse

En hausse

Sur le vif

Trois sociétés totalement endettées envers les caféiculteurs En aval et en amont Par Léandre Sikuyavuga Directeur des Rédactions

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rois familles menacent de regagner l’exil. » C’est le titre d’un article du correspondant d’Iwacu à Rumonge. La Cour spéciale des terres et autres biens vient de donner gain de cause à un résident au cours d’un procès foncier qui les opposait. Elles préfèrent aller vivre dans les camps de réfugiés « au lieu de passer des années à la belle étoile dans leur propre patrie. » Un autre article paru dans ce numéro : « Burundi/Tanzanie : un accord qui ne rassure pas ». Il parle d’un traité que viennent de signer les polices burundaise et tanzanienne pour lutter contre les crimes transnationaux. Ce qui a provoqué la peur au sein des réfugiés burundais vivant en Tanzanie « qui craignent des enlèvements des opposants politiques. » Il semble y avoir une profonde dichotomie entre la politique du gouvernement de rapatrier les réfugiés et la réalité sur terrain. Pour bénéficier du statut de réfugiés, ces familles ne vont pas évoquer le vrai motif qui les pousse à quitter encore le pays. Sinon, elles seront considérées comme des migrants qui cherchent des conditions d’existence plus favorables. La crainte d’être persécutées du fait de leur appartenance ethnique, de leurs opinions politiques, l’insécurité… sont entre autres les raisons avancées. Une situation qui risquerait de décourager ceux qui voulaient regagner volontairement leur patrie. La question de réinstallation et réinsertion des rapatriés se pose alors avec acuité. Les mécanismes d’accueil sont-ils mis en place ? Une grande partie des Burundais vivant de l’agriculture, la problématique foncière doit être traitée avec minutie. Pour résoudre les questions liées aux terres et aux autres propriétés, le protocole IV de l’Accord d’Arusha avait inventorié les principes et les mécanismes à appliquer. Par ailleurs, le règlement des litiges à l’amiable est à encourager. C’est la solution qu’avait prise la Commission nationale terre et autres biens de l’époque à ces familles rapatriées en 2008. « Elle avait pris la décision de partager la propriété litigieuse en deux parts égales entre ces trois familles et la famille des résidents. » Les réfugiés sont souvent sujets à des manipulations, à des rumeurs surtout des politiciens qui cherchent à assouvir leurs intérêts. «Nous pensons que c’est une nouvelle stratégie qu’ils ont trouvée pour nous rapatrier de force ou pour traquer les opposants en collaborant avec la police tanzanienne. » Le gouvernement devrait alors se rendre régulièrement à leur rencontre, les écouter, les rassurer, expliquer par exemple le contenu de cet accord entre les polices des deux pays. User de psychologie. In fine, le travail devrait se faire en amont et en aval. Sinon, le rapatriement volontaire qu’il préconise risque d’être voué à l’échec.

Buja café 15 plus, Secasb et la coopérative Kawa munezero yacu sont les sociétés de dépulpage qui n’ont encore rien payé aux caféiculteurs. Ils ont respectivement une dette de plus de 81 millions BIF, plus de 130 millions et plus de 44 millions BIF, d’après le ministre de l’Agriculture, Déo Guide Rurema.

Deux Burundais aux mondiaux paralympiques

Sada Nahimana,

La deuxième édition du Festival du rire « Buja Lol » se prépare pour novembre prochain. Les grands comédiens venus de la RDC, du Rwanda et de l’Afrique de l’Ouest apparaîtront sur la scène du rire à Bujumbura, selon André Hakizimana de l’équipe organisatrice.

Directeur adjoint des Rédactions : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa

P

our avoir remporté le tournoi de tennis au Lagos Open, au Nigéria, organisé par l’international Tennis Federation (ITF), le 14 octobre 2019.

Rédaction Politique : Agnès Ndirubusa Economie : Pierre-Claver Banyankiye Sécurité : Fabrice Manirakiza, Edouard Nkurunziza

Aline Venantie Manirakiza, aveugle, et Rémy Nikobimeze, ancien combattant vivant avec un handicap, sont les athlètes qui vont représenter le Burundi aux championnats du monde des Jeux paralympiques. Ces jeux, qui réunissent les athlètes en situation d’handicap, se dérouleront à Dubaï du 7 au 15 novembre.

Le grand festival du rire bientôt à Bujumbura

Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga

En baisse

Ceux qui ont démoli la permanence du CNL à Gihanga,

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algré le cessez-le- feu à l’intolérance politique convenu entre tous les partis politiques.

Droits de l'Homme et Justice : Félix Haburiyakira Société : Clarisse Shaka, Jérémie Misago Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza

ANNONCE

Equipe technique : Danny Nzeyimana, Ernestine Akimana, Aubin Hicuburundi, Anaïs Hashazinka, Térence Mpozenzi

Un chiffre

21882372875 BIF

AVIS DE RECRUTEMENT INTERCONTACT SERVICES recrute pour un établissement de crédit de Bujumbura les profils ci-après : 1. Directeur Capital Humain (H/F) 2. Agent chargé du Monitoring des Systèmes d’Information (H/F) 3.Deux Agents « IT Applications Support » (H/F)

est le montant déjà payé aux caféiculteurs sur les 22243285625 BIF prévus.

Source : ministère

de l’Agriculture et de l’Environnement Une pensée

Les TDRS complets sont postés sur le site www.intercontactservices.com sous la section «Offres d’emplois» de même que les liens de soumission des candidatures aux trois postes. Les dossiers de candidature doivent parvenir à Intercontact Services au plus tard le lundi 28 Octobre 2019 à 17:30. Pour toute question, vous pouvez contacter le service de recrutement d’Intercontact Services par email: recrutements@intercontactservices.com

« La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat. » Koffi Annan

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L'ÉVÉNEMENT

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Vers l'éradication des groupes armés à l'est de la RDC?

Dans un document qui a fuité, le chef d’État-Major général des FARDC invite son homologue burundais à une réunion à Goma. Objectif : établir une coalition régionale qui réunit le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et la RDC afin d’éradiquer définitivement les groupes armés qui sévissent à l’est de ce pays.

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Photo archive

l s’agit d’un document classifié secret défense qui ne devait pas tomber dans les mains des civiles, » déclare un haut gradé de l’armée burundaise. Il évoque une fuite inopportune. La République démocratique du Congo appelle en renfort les armées des pays voisins, « ses partenaires,» peut-on lire sur le document signé par le chef d’Etat-Major congolais, le général Célestin Mbala Munsense qui parle d’un Etat-Major intégré. Ils ont en tout six mois pour neutraliser les poches actives ou dormantes des groupes armés étrangers et congolais tout en sécurisant les agglomérations et les axes vitaux. Les opérations devraient débuter le 15 novembre 2019 par l’installation des armées étrangères. Elles devraient prendre fin mi-mai de l’année pro-

Les armées de la région seraient prêtes à en découdre avec les groupes armés basés au Kivu, en RDC.

chaine par la stabilisation de la région et le désengagement des contingents partenaires. Les quatre pays vont aider les Forces armées de la RDC en échange d’informations, en appui en renseignements, en appui en unités des forces spéciales sans oublier le contrôle de la frontière terrestre et lacustre. Ce document précise aussi

qu’Africom (le Commandement des Etats Unis pour l’Afrique) et la Monusco (mission des NU en RDC) pourraient apporter leur soutien à la force conjointe. Une réunion est prévue en date du 24 au 25 octobre à Goma pour élaborer les dernières lignes du projet. Une précédente réunion avait eu lieu dans la même ville du 13 au 14 septembre 2019.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Plusieurs groupes armés sévissent au Nord et au Sud-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo. Parmi lesquelles figurent l’ADF de l’Ouganda, le FDLR du Rwanda, le Red Tabara du Burundi et le Maï-Maï du Congo.

Dès son investiture, le président congolais a visité les pays de la région dont le Burundi. Le tête-à-tête avec son homologue, Pierre Nkurunziza a tablé sur le rétablissement de la sécurité dans la région où sévissent de nombreux groupes armés. Les rapports des Nations unies ont souvent parlé de la présence de l’armée burundaise au SudKivu, traquant les groupes armés burundais qui ont pour base arrière, des fiefs dans cette région. Ce qu’ont toujours démenti Gitega et Kinshasa. En attendant la mise en œuvre de l’opération, la Monusco annonce déjà que son mandat prévoit un soutien à l’armée congolaise, pas à une coalition régionale. Pour compter sur son soutien, il faudrait une décision du Conseil de sécurité. Agnès Ndirubusa

Réaction • Gérard Birantamije : « le deal est là »

L

e spécialiste des questions sécuritaires estime que le deal est là. Et tout montre que ces pays se sont bien entendus sur des intentions. Cependant une telle intervention suscite des interrogations d’abord par rapport aux intentions cachées quand on connaît l’histoire récente des deux guerres congolaises ayant vu la participation des pays voisins.

L’interrogation réside également dans l’intervention à l’est quand beaucoup de sources spécialisées sur le conflit à l’Est du Congo soulignent l’implication des acteurs politiques congolais qui tireraient les ficelles des rébellions locales pour asseoir plus de légitimité. Pour Gérard Birantamije, à un certain moment, les pays peuvent transcender leurs

divergences. « Par contre, la crainte est de voir les clivages entre les pays rivaux exporter des conflits sur le sol congolais avec des affrontements des armées projetées. » Mais espérons que la cause congolaise sera entendue. En somme la RDC, devrait être extrêmement vigilante pour ne pas offrir à ses voisins le terrain de la matérialisation des

conflits qui couvent depuis un bon bout de temps entre le Burundi et le Rwanda, entre l’Ouganda et le Rwanda. Il ne faut pas non plus éluder le fait que les populations de l’Est du Congo considèrent ces pays dits « partenaires » comme les sources de leurs malheurs. A.N.

Le rapport des experts de l’ONU sur la situation en République démocratique du Congo, présenté le 17 août 2017 au Conseil de sécurité parle de trois groupes armés burundais sévissant au Sud-Kivu. - Il y a les dissidents des Forces nationales de libération, FNL-Nzabampema aujourd’hui responsables de petites attaques et des vols côté burundais. -Il y a également le groupe de la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara). -Le rapport onusien parle également de la présence

des Forces Républicaines du Burundi, Forebu qui a changé de nom en Forces populaires du Burundi (FPB), une rébellion composée essentiellement de déserteurs de l’armée burundaise. Une de ces grandes figures serait l’ancien patron du Cndd-Fdd, Hussein Rajabu.

Tous ces groupes ont leur base-arrière dans la province du Sud-Kivu, où ils bénéficient de la complicité de groupes Maï-Maï congolais, affirment les auteurs du rapport de l’ONU. A.N.

Ces pays peuvent vraiment transcender leurs clivages ? Le journal Iwacu a contacté Jason Stearns, analyste politique, fondateur du Groupe de recherche sur le Congo. Il fait une analyse sur la faisabilité d’une telle coalition. Selon lui, les autorités congolaises n’ont pas confirmé le plan pour des raisons politiques. L’invitation ouverte des mêmes armées régionales qui avaient agressées la RDC dans les années 1998-2003 est un sujet très controversé dans ce pays. Par ailleurs il est loin d’être certain que les opérations de la force conjointe se concrétisent. Le plan fait état des opérations conjointes avec les armées rwandaises et ougandaises au même moment, toutes les deux

basées au Nord-Kivu. « Compte tenu des tensions accrues entre ces deux pays, je trouve cela difficile à croire, » indique l’expert en conflits dans la région de l’Afrique centrale. Dans un contexte de relations tendues entre le Rwanda et le Burundi, entre le Rwanda et l’Ouganda, ces pays peuventils transcender les clivages des uns et des autres pour l’intérêt commun? Jason Stearns indique ces opérations seraient une formalisation des initiatives

informelles qui existent déjà. « L›armée burundaise lance des attaques régulières en RDC, avec l›aval et la collaboration de l›armée congolaise, et il est probable que le Rwanda fasse la même chose au Nord-Kivu. » Il faut aussi dire que deux parties mentionnées dans le document-les USA et la MONUSCO - ont nié leur participation à ces opérations conjointes. L’analyste politique pense que des opérations conjointes pourraient réussir.

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Mais il faudrait une stratégie globale qui inclut le renforcement et la réforme de l’Etat congolais, un plan de DDR et des tentatives de réconciliation et développement au niveau local. « Un plan purement militaire ne peut pas suffire. Et compte tenu des tensions régionales, je pense qu’une institution multilatérale serait beaucoup mieux indiquée à conduire des opérations, l’Union Africaine peut-être ».

A.N.


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POLITIQUE

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Interview exclusive

« Après les élections, la vie continue » A l’approche de 2020, des cas d’intolérance politique sont signalés ici et là dans le pays. Ngozi n’est pas épargnée. Rencontre avec Albert Nduwimana, son gouverneur, qui revient aussi sur d’autres aspects de la vie de sa province.

C

omment se porte la cohabitation entre les partis politiques à Ngozi? Notre province a une particularité. Nous avons environs 15 partis politiques. La cohabitation y est bonne. Ainsi pas de conflit? Quelques cas ont été observés surtout entre les jeunes du Cnl et du Cndd-Fdd à Nyamurenza, Gashikanywa et Kiremba. C’était beaucoup lié à l’ouverture des permanences. Actuellement, la situation est calme. Comment avez-vous pu les résoudre ? Depuis août, des réunions ont été organisées entre les partis politiques. Elles se tenaient une fois en deux semaines au niveau provincial, communal et collinaire. Nous avons demandé aux administratifs à la base qu’en cas de conflit, il faut mettre ensemble toutes les parties et enquêter avant de prendre une décision. Ce qui a mis fin aux mensonges. Quid de la question de l’ouverture des permanences ? Nous avons tenu une réunion le 28 août avec les responsables des partis. Nous avons alors fixé la distance qui doit séparer ces permanences, déterminé les emplacements appropriés au niveau collinaire, des quartiers, etc. D’autres mesures ont été prises pour éviter les affrontements. Par exemple ? Nous avons constaté que les conflits se passent loin des permanences ou du lieu des réunions. Désormais, si la réunion doit se tenir sur telle colline, il faut que seuls les natifs y prennent part. Idem pour la commune et la province. S’il y a des invités, ils doivent être mentionnés dans la lettre d’information adressée à l’administration. La clôture des activités a été fixée à 16h pour permettre aux militants de rentrer en toute sécurité. Cela concerne tous les partis politiques.

Certains disent que c’est parce Votre appel aux autres provque le président de la République inces où des conflits entre les est natif de Ngozi… partis s’observent encore ? Il faut comprendre qu’il n’existe (Rires). La charité bien ordonnée pas de sécurité pour commence par soi-même. Avoir «Notre but un individu ou un le président de la République Récemment, était d’initier groupe. Un mem- comme natif est un atout. Par des vous avez organisé des jeux entre les Burundais bre d’un autre parti projets individuels ou en groupes, est un partenaire. d’autres natifs contribuent aussi à les membres des à participer à Impossible de te sen- son développement. différents partis une compétition tir en paix quand ton politiques Oui. C’était le sans rancune, voisin est persécuté. D’où est venu son surnom de D’une façon ou d’une ‘’Dubaï ‘’ du Burundi ? 4 octobre. Une On le surnomme ainsi parce journée dédiée à la sportivement. » autre, il veille sur ta sécurité, celle de tes que 80% des provinces du pays réunification des biens, de ta famille. Vice-versa. Tu s’y approvisionnent désormais en partis politiques. Côté athléne peux pas envoyer tes enfants à différents produits. Nous avons tisme, les membres des partis l’école quand ceux de tes voisins environ 120 importateurs qui étaient autorisés de compétir ne peuvent pas y aller. Personne arrivent en Chine et passent des arborant les habits de leurs ne peut dormir tranquillement commandes aux usines de fabricapartis. Il y a eu un match de alors que les autres sont en train tion de vêtements et de chaussures football entre une équipe des de fuir, d’être persécutés. Après surtout. Sur le marché local, ces membres des partis politiques avoir compris cela, les conflits produits deviennent moins chers. et celle des administratifs. Pour deviennent rapides à dire qu’après les élections, les résoudre pacifiqueMalgré cet élan, des administratifs, les politiciens «Personne ne ment. mendiants grouillent en compétition se retrouvent peut dormir dans les rues … dans la vie normale. Avant tranquillement C’est un problème. Ngozi se dévelces jeux, il y a eu une marche oppe aussi ? Des mesures ont de 2,5 km comprenant des alors que les Elle est sur une été prises pour les politiciens, des administratifs. autres sont bonne lancée. On ramener dans leurs Bref, après les élections, la vie en train de y trouve de belles familles. Même à continue. infrastructures. Plus Bujumbura, on les fuir, d’être de 90% des routes chasse, mais demain Quel était persécutés. » reliant les comon les retrouve là. votre objectif ? munes sont bonnes Certains ont fait de Notre but était d’initier les et praticables. La production y est la mendicité leur métier. D’autres Burundais à participer à une bonne, que ce soit pour les cul- fuient leurs marâtres, sont des compétition sans rancune, tures vivrières ou d’exportation orphelins ou n’ont pas été scosportivement. La divergence surtout le café. Il y a aussi la sécu- larisés. La mendicité est difficile à des idées politiques ne devrait rité. éradiquer. Dans le cadre de la solipas être la cause des conflits. Après chaque deux semaine, il y a des réunions d’évaluation de la situation sécuritaire et de la cohabitation entre les partis.

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darité nationale, nous sensibilisons la population à assister ces démunis. Depuis 2015, les relations entre le Rwanda et le Burundi se sont détériorées. Auparavant, il y avait des échanges entre votre province et les Rwandais. Qu’en est-il aujourd’hui? La population n’a pas peur. Mais depuis cette période, les relations entre notre province et le Rwanda se sont arrêtées. Nos cultivateurs écoulent leurs produits localement. Il n’y a pas d’interdiction. Ceux qui veulent y aller doivent passer par les voies officielles. Toutes les voies clandestines ont été fermées. Les ennemis du pays pouvant entrer par-là et attaquer la province. Quelle est la situation dans les sites de déplacés ? A Ngozi, plusieurs communes ont des sites de déplacés. Ruhororo compte deux sites : Ruhororo et Mubanga. Kiremba aussi : Gakere et Kiremba et Tangara a le plus grand site. Les déplacés sont calmes. Aujourd’hui, ils entretiennent de bonnes relations avec l’administration. En cas d’incident, on y va avec les responsables des partis politiques ayant des militants dans ces sites. Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze


POLITIQUE

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Y’a qu’à : l’angle mort de la pensée politique

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e populisme, c’est un peu la politique du y’a qu’à, de la démagogie, de la réponse facile, simpliste, manichéenne qui essaye d’identifier un boucémissaire quelque part et de dire : ‘’Toute la faute vient de là. Si seulement, on pouvait l’écarter, tout irait bien’’», dixit Tzvetan Todorov, essayiste et historien des idées. Les communicants politiques du parti de l’Aigle semblent appliquer cette définition éclairante à la lettre, à l'occasion de la commémoration du 58e anniversaire de l'assassinat du héros de l'indépendance. Bouc-émissaire désigné, la Belgique est le fer de lance du ‘’néocolonialisme ‘’, qui ne remonterait pas au 14 mars 2016, le jour où l’UE a décidé de suspendre son aide directe au gouvernement burundais. Les racines du mal affleureraient au crépuscule du colonialisme. « Juste au début du mouvement indépendantiste, la Belgique s’est attelée à l’étouffer notamment par l’assassinat des grandes figures de la lutte pour l’indépendance immédiate, […]. A partir de ce moment, elle a instauré le néocolonialisme […]», peut-on lire dans le communiqué du parti Cndd-Fdd, lors

de la commémoration du 58e anniversaire de l’assassinat du héros de l’indépendance. Le sanglot de l’homme noir dont parle l’écrivain André Mabanckou nous rappelle la vacuité d’une telle entreprise. La «complotite » aiguë place le parti au pouvoir dans une position schizophrénique. D’une part, le gouvernement qu’il dirige vient de nommer un ambassa-

deur en Belgique, après le rappel en 2016 de son prédécesseur. D’autre part, il mord la main de celui qui pourrait redevenir son premier bailleur de fonds bilatéral. « […] le constat que la Belgique n’a pas encore désarmé dans son plan de déstabilisation du Burundi […].» Dans l’arsenal du populiste, l’arme des faits alternatifs, pierre angulaire dans la formation de

l’opinion. « Le Parti CNDD-FDD se réjouit du retour massif des Burundais qui étaient réfugiés, […] » Jeudi 3 octobre, 590 réfugiés burundais rapatriés de Tanzanie sur les 2000 mille attendus par semaine à compter du 1er octobre. Mardi 8 octobre, le chiffre dégringole à 248. Mardi 15 octobre, 812 ont regagné le bercail. La culture du dialogue caractérise les relations entre les partis

politiques, un serpent de mer. « […], les réunions mensuelles des partis agréés ont fait éclore l’esprit démocratique […]. » Le Forum des partis politiques est une institution où l’entre-soi est un secret de polichinelle. Ses animateurs gravitent dans la galaxie DD. Sur le front économie, la politique du y’a qu’à est au cœur du populisme. Une simplification de la réalité pour une simplification de la solution. « […], le Parti CNDD-FDD exhorte une fois de plus le Peuple burundais surtout les Bagumyabanga à redoubler d’efforts en luttant contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en accroissant la production […].» Un discours suranné qui escamote la question épineuse du faible investissement dans le secteur agricole. En cause : le manque de confiance dans l’avenir. A qui revient la responsabilité de créer ce socle de la liberté d’entreprendre ? Celui qui a les pouvoirs régaliens. Le peuple se transforme en masse manipulable à mesure que ses strates sociales optent pour le mode veille de la réflexion critique. Guibert Mbonimpa

ANNONCE

COMMUNIQUE DE PRESSE Le 18 octobre 2019

DEPUIS LE 15 OCTOBRE 2019, RETROUVEZ LA RTNB SUR CANAL + Pour la rentrée 2019, CANAL + et TELE 10 Burundi ont le plaisir de vous annoncer l’arrivée de plusieurs chaînes sur les bouquets, et pas des moindres ! Le groupe CANAL + a acquis les droits de diffusion de la RTNB, qui sera disponible dès le bouquet ACCESS, toujours à 17 000 FBU par mois. Les abonnés pourront alors profiter de leurs émissions préférées en kirundi et ce partout sur le territoire, sur le canal 375. Puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le groupe CANAL + a également le plaisir d’accueillir à partir du 15 octobre deux nouvelles chaînes dès le bouquet EVASION, à 34 000 FBU par mois.

Ludikids, chaîne éducative destinée aux enfants de 3 à 7 ans, diffuse des programmes destinés à accompagner les enfants dans leur apprentissage de la lecture, des mathématiques ou encore de l’anglais. La chaîne propose du contenu éducatif et ludique disposant de personnages jeunesses célèbres tels que Petit Ours Brun ou Tom-Tom et Nana. M6 International fait également son entrée dans les bouquets CANAL + à partir de la formule EVASION. Cette chaîne réunit le meilleur des programmes du Groupe M6, distribuée à l’international. M6 International proposera des contenus nombreux et variés auxquels les abonnés n’avaient jusque-là pas accès.

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SÉCURITÉ

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Burundi/Tanzanie

Un accord qui ne rassure pas Les polices burundaise et tanzanienne viennent de signer, le 11 octobre 2019, un accord de coopération pour lutter contre les crimes transnationaux et émergents. Depuis, la peur règne au sein des réfugiés burundais vivant en Tanzanie. Ils craignent des enlèvements des opposants politiques. La police burundaise tranquillise.

La peur se propage Les réfugiés burundais se trouvant en Tanzanie affirment vivre la peur dans le ventre depuis la signature de cet accord. «Depuis que nous sommes ici, des gens s’infiltrent clandestinement dans les camps pour enlever des gens. Aujourd’hui, cela va s’intensifier avec cet accord. Depuis des jours, nous avons peur d’être refoulés par force. Cet accord ne vient pas arranger les choses», confie un réfugié du Camp de Nduta en Tanzanie. La crainte de ces réfugiés est que les policiers burundais puissent entrer dans les camps pour arrêter les opposants politiques. «Ils vont les accuser de n’importe quoi afin de les extrader au Burundi. Ils le faisaient illégalement. Cette

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fois-ci, ils diront qu’ils sont dans la légalité». Selon des réfugiés du Camp de Nduta, les policiers tanzaniens sont parfois complices de ces enlèvements. «Lorsqu’on demande les nouvelles des nôtres, la police tanzanienne nous répond qu’elle n’est pas au courant de ces arrestations. Certains sont portés disparus jusqu’à maintenant. D’autres reviennent après un certain temps. Ils nous racontent qu’ils étaient emprisonnés dans Les deux patrons des polices burundaise et tanzanienne lors de la signature de cet accord à Kigoma un endroit inconnu», raconte un en Tanzanie. réfugié de ce camp de Nduta. de mener des échanges avec le «Des espions venant du Burundi gie qu’ils ont trouvée pour nous vivant dans les camps de réfugiés gouvernement tanzanien afin sont régulièrement attrapés rapatrier de force ou pour traquer (CBDH /VICAR) abonde dans le de renforcer la protection des à l’intérieur du camp. Ils sont les opposants. En collaborant avec même sens : «La coalition n’a réfugiés Burundais. «Le HCR embarqués par la police, on ne sait la police tanzanienne, ça serait fac- jamais cessé de dénoncer la perdoit aussi chercher un autre pays plus la suite. Nous pensons qu’ils ile», renchérit un autre refugié. sécution que subissent les réfugiés d’asile à ces réfugiés burundais se sont relâchés par après. Des fois, Sur ces disparitions, les réfugiés Burundais de la part de la police trouvant en Tanzanie». nous voyons circuler des véhicules de Nduta assurent que le Haut- tanzanienne et certaines perLambert Nigarura, juriste et du Service national de renseigne- Commissariat aux réfugiés sonnes venues du Burundi. Des activiste des droits humains, ment (SNR) ou de la (HCR) ne fait pas tueries et des emprisonnements trouve que la signature d’un tel police sans plaques «Depuis que nous grand-chose. «Ses arbitraires n’ont jamais cessé dans accord entre les pays voisins est d’immatriculation. agents nous disent les camps sans oublier la fermesommes ici, des tout à fait normal et légitime. Tout cela accentue qu’ils sont en train ture des marchés dans lesquels les gens s’infiltrent de suivre le dos- réfugiés s’approvisionnent». Toutefois, il nuance : «Le contexte notre peur», renactuel de violation des droits des chérit un autre clandestinement sier mais on ne voit Ces défenseurs des droits réfugié. dans les camps jamais le résultat». humains vivant dans différents réfugiés spécialement d’origine «Cela n’augure burundaise démontre à suffiréfugiés burun- camps des réfugiés de la Tanpour enlever des Les rien de bon. Les sance les intentions qui seraient dais demandent au zanie, du Rwanda, de la Répubgens » intellectuels, les cachées derrière cet accord de gouvernement tan- lique Démocratique du Congo, opposants et les coopération policière au moment zanien de respecter de l’Ouganda, du Kenya et de la frondeurs du Cnddoù les réfugiés sont considérés les conventions Zambie se disent inquiets de cet Fdd sont menacés. En fuyant le internationales qu’il a signées et accord : «Nous demandons au comme ennemis du pays selon Burundi, on pensait vivre en sécu- d’assurer leur sécurité. gouvernement tanzanien de ne les propos des autorités actuelles rité dans le pays d’accueil. Finalepas se cacher derrière cet accord du Burundi.» D’après lui, il est «C’est une menace ment, nous ne sommes pas au bout pour expulser certains réfugiés plus qu’urgent que la commusérieuse» de nos peines», déplore un réfugié pourchassés par le gouvernenauté internationale prenne ses du Camp de Mtendeli. «Nous penresponsabilités et spécialement La Coalition burundaise des ment du Burundi». Et au HCR de sons que c’est une nouvelle straté- défenseurs des droits de l’Homme suivre de près cet accord signé et le HCR qui a la gestion quotidienne de ces réfugiés. «Les inquiétudes de ces réfugiés sont fondées. C’est une menace sérieuse qui risque de remettre en cause les mécanismes de protection de droits de l’Homme en général et des réfugiés en particulier ». Interrogé sur ces inquiétudes des réfugiés, l’Inspecteur général de la police burundaise tranquillise : «Nous n’avons pas de mandat pour arrêter des gens en Tanzanie. De plus, les réfugiés ont des lois qui les protègent.» Et de réfuter les accusations qui font état de personnes qui se rendent dans des camps de réfugiés pour arrêter les gens. Iwacu a contacté le HCR Tanzanie, qui n’a pas souhaité s’exprimer.

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ous avons des défis communs sur nos frontières. Des criminels burundais et tanzaniens font des alliances et commettent des crimes dans nos deux pays d’où la signature de cet accord», explique Melchiade Ruceke, Inspecteur général de la police burundaise. Selon lui, cet accord consiste en un échange des informations sur les dossiers des criminels qui s’enfuient dans nos deux pays après leurs forfaits, des formations conjointes et échanges d’expériences ainsi qu’échanger les criminels appréhendés «tout en respectant les lois de chaque pays». «Cet accord va nous permettre de mener des opérations conjointes et d’échanger des criminels si nécessaire. Comme vous le savez, les régions de Kigoma, Kagera et quelquefois de Geita sont en proie à des cas de banditisme. Nous sommes prêts à en découdre avec ces malfaiteurs», renchérit Simon Sirro, inspecteur général de la police tanzanienne. Simon Sirro a demandé aux Tanzaniens de collaborer dans cette lutte conjointe contre la criminalité. Dans la foulée, il a déclaré que ces malfaiteurs collaborent parfois avec certains réfugiés ainsi que certains citoyens tanzaniens. Il a exhorté les réfugiés burundais à rester dans les camps et à ne pas provoquer l’insécurité dans cette zone. «Aujourd’hui, nous disons stop. Trop c’est trop».

Fabrice Manirakiza

Dans le Camp de Nduta, les réfugiés se disent inquiets.

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DROITS DE L'HOMME

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Justice transitionnelle

Polémique autour de la gestion des mémoires blessées Les politiques et les activistes de la société civile ne s’accordent pas sur la gestion des mémoires blessées. Pour certains, la gestion se fait d’une façon disparate et ne permet pas une vraie réconciliation des Burundais. Pour d’autres, seule la justice pansera les blessures.

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a gestion des mémoires devrait être animée par un esprit de réconciliation », estime Térence Mushano, vice-président d’AC-Cirimoso. Il peut y avoir réconciliation entre les bourreaux et les survivants. Mais cela ne peut se réaliser que si on laisse la justice travailler. Et de préciser : « Il faut donner la priorité à une justice impartiale et indépendante », avant de marteler : « Il faut éviter la politique du deux poids deux mesures.» Cet activiste des droits de l’homme reconnaît que les victimes et les survivants ont le droit de vivre le devoir de mémoire. Il faut rendre hommage aux victimes et éviter le négationnisme et mettre en avant le respect des morts. Néanmoins, fait-il observer, les événements douloureux se sont passés à des dates différentes. Les gens ne sont pas morts à la même date. Et de conclure que chaque événement doit être commémoré à sa date d’anniversaire.

La justice et la vérité sont des préalables Serges Nsabimana, représentant légal du Centre des droits de l’Homme, n’est pas du même avis : « La gestion des mémoires n’est pas faite d’une façon disparate.» Pour lui, la question la plus importante est de permettre aux victimes de faire le droit de mémoire. Il fait observer que la gestion des mémoires n’a pas été faite dans le passé. Les gouvernements d’alors n’ont pas pris cette responsabilité. Par ailleurs, Serges Nsabimana fait savoir que le Burundi traîne une histoire blessée. Les victimes et leurs proches doivent commémorer. Seulement, fait-il remarquer, il faut éviter le désordre. Et une compréhension commune des événements s’impose. Pour lui, une bonne voie a été déjà tracée avec le travail de la CVR. M. Nsabimana estime qu’il doit y avoir un préalable : « Il faut d’abord établir la vérité sur ce qui s’est passé », avant de marteler: « Des enquêtes doivent être menées pour connaître les bourreaux car il y a des bourreaux qui se font passer pour des victimes.» François Xavier Nsabimana, coordinateur du Collectif des rescapés et victimes de 1972, estime que la gestion des mémoires

dépend des événements qui ont blessé telle ou telle personne. Chacun doit être libre dans la gestion de sa mémoire d’autant plus que les événements qui ont causé les blessures ne sont pas nécessairement les mêmes. « La commémoration est un droit inaliénable pour toute victime. C’est un devoir pour celui qui a perdu le sien ». Pour lui, une bonne gestion des mémoires blessées requiert plusieurs préalables. De prime à bord, la reconnaissance de la blessure de tout un chacun. La commémoration doit être un lieu de rassemblement non seulement pour les victimes, mais aussi pour les amis des victimes. « La commémoration d’un événement douloureux devrait rassembler tout le monde ». Par ailleurs, le silence doit être brisé sur les événements qui ont causé ces blessures. La vérité d’abord, rien que la vérité. «En l’absence de cette vérité, il y aura toujours des divergences au niveau de l’interprétation de tel ou tel triste événement ». S’il y a convergence, il sera facile de gérer les victimes, même les victimes et les bourreaux ensemble. En outre, il suggère aux bourreaux de demander pardon. Le

Térence Mushano : « La gestion des mémoires devrait être animée par un esprit de réconciliation.»

pardon soulage et rassure les victimes. Mais aussi il faut que les victimes parviennent à pardonner à leurs bourreaux. Ces derniers sont rassurés. Du côté du parti du prince Louis Rwagasore, le constat est le même. « Les commémorations sont disparates. La gestion des mémoires n’est pas réconciliante », affirme Olivier Nkurunziza, secrétaire général de l’Uprona. Chacun interprète les événements de sa façon.

Mais, nuance-t-il, on ne peut pas empêcher les gens de s’incliner devant les leurs qui sont disparus. Pour le secrétaire général du parti du héros de l’indépendance, les discours prononcés au cours des commémorations devraient tenir compte des blessures et des frustrations des uns et des autres. Il se dit préoccupé par le travail de la CVR : « Nous avons besoin de connaître la vérité pour savoir qui sont les auteurs de ces différentes

Léonce Ngendakumana : « L’environnement actuel ne permet pas une gestion des mémoires blessées.»

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tragédies. Et la justice doit faire son travail.» Et de demander au gouvernement burundais et la CVR de donner une orientation quant à une date commune au cours de laquelle les gens puissent s’incliner devant les leurs.

« Le contexte n’est pas favorable » « La gestion des mémoires s’inscrit dans le cadre de la CVR. Il faut d’abord établir la vérité sur les faits », indique Léonce Ngendakumana, vice-président du Frodebu. Il fustige la mise en place de cette commission. « Elle n’est ni conforme à l’Accord d’Arusha, ni à l’accord qui a été négocié entre le gouvernement du Burundi et les NU, encore moins aux résultats des consultations nationales ». Pour lui, l’environnement actuel ne permet pas une gestion des mémoires blessées. « Comment peut-on s’acquitter de cette tâche avec objectivité, impartialité, neutralité ?» Et de renchérir : « Dans ce contexte, la gestion des mémoires ne peut pas aboutir à la réconciliation des Burundais.» Le vice-président du parti du héros de la démocratie propose des solutions. Il faut éviter les règlements de compte, et ne pas amnistier les crimes. Il plaide pour la réhabilitation de l’Accord d’Arusha. « Il faut négocier et mettre en place une commission qui soit conforme au prescrit de l’Accord d’Arusha. Ce dernier met en avant la justice, la vérité et la réconciliation ». Félix Haburiyakira


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Avec Jean Bosco Ndayikengurukiye Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Jean Bosco Ndayikengurukiye

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otre qualité principale ? Difficile de se juger. Mais je vise l’intégrité morale au-dessus de tout.

dans une répression aveugle visiblement planifiée à l’avance. Des millions d’orphelins et de veuves, dont la mémoire n’a jamais été guérie, continuent de souffrir jusqu’aujourd’hui faute de vérité et de justice. Un pouvoir mono-ethnique, régional et clanique avait fait main basse sur tous les rouages de l’Etat (administration, armée, économie, éducation, justice etc..) au détriment d’une classe ethnique majoritaire causant des ressentiments d’exclusion, d’injustice d’impunité dans un système qui n’avait rien à envier à l’apartheid.

Votre défaut principal ? Idem. Mais, je crois que je suis trop confiant. La qualité que vous préférez chez les autres ? L’honnêteté. Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? La mesquinerie

Le métier que vous auriez aimé faire ? La carrière d’officier militaire. Je l’ai fait. L’armée forge la discipline (en transformant l’âme et le corps), l’esprit poussé de camaraderie, l’abnégation, l’éthique, l’ordre, l’amour de la patrie et l’honnêteté etc. On ne peut pas comprendre l’esprit militaire sans l’avoir été. Je suis convaincu que ceux qui aspirent à diriger les autres devraient avoir une certaine formation d’éthique militaire.

La femme que vous admirez le plus ? Toute celle qui est prête à se sacrifier pour l’honneur de son foyer. Plus près de moi, la mienne. L’homme que vous admirez le plus ? Le héros de la lutte anti-apartheid et prix Nobel de la Paix, Nelson Mandela. Il a fait preuve d’un esprit de combativité sans égal en supportant trop de sacrifices pour voir une Afrique du sud libre, démocratique et unie dans un système multiracial relativement stable. Malgré ses 27 ans de détention, l’homme a appris à tolérer ses bourreaux, parce qu’il voulait libérer tous les citoyens sud-africains et non seulement sa race. Pendant la période de l’apartheid, il a gardé sa ligne de combat. Avec un humanisme hors du commun et une humilité exemplaire, il a gardé la rigidité du chêne dans ses convictions et la souplesse du roseau dans ses tactiques. Pour moi, Nelson Mandela est le leader africain le plus admirable du 20ème siècle. Votre plus beau souvenir ? La passation du pouvoir entre le président Melchior Ndadaye et le président Pierre Buyoya en 1993. Pour la première fois dans l’histoire du Burundi, un président issu d’un troisième coup d’Etat militaire passait le pouvoir à un président démocratique-

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? L’accession du Burundi à l’indépendance. La colonisation a été vécue par les africains comme un affront contre leur dignité et un crime contre l’humanité pour certains. Votre plus triste La mission dite «Nelson souvenir ? civilisatrice tant Une cohorte de chantée par les Mandela a militaires enra- gardé la rigidité pays colonisagée passant devant teurs n’avaient du chêne dans rien de salvateur. l’Institut Supérieur des Cadres Militaires ses convictions E l le s ’o p é r a i t (ISCAM) et ayant et la souplesse en faisant fi des comme butin, dans règles minimales un blindé, leur com- du roseau dans du respect de la mandant suprême ses tactiques. . » dignité humaine. Melchior Ndadaye. Humiliés et souIls le conduisaient mis, les africains vers le 1er Bataillon para pour ont dû se battre pour accéder son exécution publique. à la souveraineté nationale, souvent au prix de sacriQuel serait votre plus grand fices énormes. L’accession du malheur ? Burundi à l’indépendance poliMourir avant de voir le triomtique comme aboutissement phe de la vérité et de la justice d’une longue lutte dirigée par le dans mon pays. Prince Louis Rwagasore est un ment élu à l’issu d’un processus électoral libre, apaisé et transparent. Et de surcroît, un président d’une autre ethnie, laquelle s’était sentie marginalisée et exclue de la gestion de l’Etat pendant plusieurs décennies.

haut fait de l’histoire burundaise. Même si le chemin vers la vraie indépendance, à savoir sociale et économique, est encore très long.

Votre passe-temps préféré ? La marche, en répétant mes chansons de louange ainsi que la méditation.

La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 1er juin 1993. Pour la première fois, le peuple burundais a eu le droit de se choisir son président dans un cadre d’élections pluralistes et dans un climat relativement apaisé et transparent. Malgré que les forces rétrogrades aient vite décapité le parti vainqueur, causant des massacres interethniques et une longue guerre civile sanglante, l’avènement de la démocratie était devenu dès lors irréversible. La date est historique.

Votre lieu préféré au Burundi ? Bugarama, sur la crête Congo Nil. A partir de cet endroit, on voit la ville de Bujumbura, le Lac Tanganyika, la Rusizi, le Congo, l’aéroport et la plaine de la Rusizi. Au nord, la forêt de la Kibira offre une flore unique au Burundi. Avec un climat des montagnes froid, Bugarama comme toute la région Mugamba favorise le métabolisme de base. Last but not least, Bugarama a été longtemps connu pour ses légumes et fruits tant prisés notamment par les gens de Bujumbura et les touristes.

La plus terrible ? Le 29 Avril 1972. Le jour du début de l’insurrection hutue à Rumonge qui a donné l’occasion au pouvoir de Michel Micombero de décimer sélectivement des centaines de milliers de Hutu

Le pays où vous aimeriez vivre ? Mon pays natal, le Burundi. C’est le seul qui m’a fait grandir et auquel mon corps et mon esprit sont déjà adaptés. A part ces considérations, le Burundi est déjà le seul pays dans

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rétablissement et la réparation en temps réel.

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la sous-région avec une longue crête qui divise le bassin du Nil et celui du Congo. On peut aisément profiter des hautes zones, comme des basses zones en passant par les plateaux avec un climat tempéré. Sans oublier sa flore et sa faune. Avec son héritage culturel, le tambour, reconnu comme patrimoine de l’humanité, le Burundi a des potentialités énormes en matière touristique.

Si vous étiez président de la République, quelles seraient vos deux premières mesures ? Je concevrai un programme d’éducation civique en vue de rendre les forces de défense et de sécurité apolitiques et républicaines. Je diminuerai l’effectif pléthorique des officiers généraux tout en révisant à la hausse la pension pour une bonne réintégration socio- économique des militaires.

Le voyage que vous aimeriez faire ? Jérusalem. Cette ville est pleine de symboles sur le plan touristique, historique et religieux. Elle est triplement sainte car elle est reconnue par les chrétiens, les juifs et les musulmans. Reconnu aussi par les 3 religions comme lieu de Sacrifice d’Abraham. En tant que chrétien, je voudrais visiter Jérusalem qui constitue le lieu de la mort et de la résurrection du Christ. Une occasion de visiter aussi le mur des Lamentations qui sépare les trois religions ainsi que la Rotonde de la cathédrale de la résurrection qui abrite le tombeau du Christ.

Si vous étiez ministre des Affaires Étrangères, quelles seraient vos deux premières mesures ? Je rappellerai tous les ambassadeurs indignes de représenter le Burundi à l’étranger. Je fermerai les représentations diplomatiques inefficaces et budgétivores en les regroupant géographiquement en un seul ou en les remplaçant par des consulats.

Votre rêve de bonheur ? Le Burundi en tant qu’EtatNation Votre plat préféré ? Plat équilibré à base de légumes, céréales et protéines végétales. Votre chanson préférée ? «Ntacica nk’irungu» de Canjo Amissi. Quelle radio écoutez-vous ? Pas de préférence. Principalement RFI, BBC, VOA. Je recoupe les informations. Avez-vous une devise ? Intégrité, Dignité, Prospérité. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? Le premier pas d'une longue marche vers un Etat de droit et de démocratie au Burundi. Le jour j est arrivé après une campagne présidentielle plus ou moins musclée entre l’Uprona et le Frodebu. A l’ISCAM, malgré l’interdiction formelle de participer dans des activités des partis, le commandant du camp avait demandé dans une causerie morale de voter le candidat de l’Uprona à savoir Pierre Buyoya. Les élections se sont bien déroulées. Personne ne doutait de la victoire de Buyoya au sein de l’armée. Lorsque je démontrais que le Frodebu va gagner si les élections ne sont pas truquées, mes camarades me traitaient de «Frodebuste». En effet, je l›étais comme ils étaient eux-aussi de l›Uprona. L›attente des résultats a été longue. La peur était palpable dans la zone Musaga et dans les montagnes qui la surplombent. Le climat est devenu tendu au camp

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quand des rumeurs de la victoire du Frodebu ont commencé à circuler dans la matinée du 2 juin 1993. La plupart des officiers n’en croyait pas leurs oreilles. Ce n’est que quand le directeur de cabinet militaire du président Buyoya est arrivé à l’ISCAM pour une communication urgente que tout le monde a compris. Du balcon du bâtiment abritant la Faculté des Sciences Economiques et Administratives, j’ai vu une masse d’officiers complètement abattus, à peine capables de marcher vers la salle 12 pour la causerie. A peine le Directeur de cabinet a signifié aux militaires qu’il fallait accepter les résultats des urnes que le commandant de l’ISCAM a refusé catégoriquement, humiliant du coup le colonel pourtant plus gradé que lui. Et certains officiers d’applaudir le commandant, allant même jusqu’à dire que le Frodebu a volé les voix. Dès lors, j’ai compris que Ndadaye ne dirigera pas longtemps. Pour rappel, l’ISCAM hébergeait, à part les candidats officiers, les officiers en Stage de perfectionnement (SPO) et l’Ecole du Haut commandement. A cette époque, cette institution était la crème de l’armée. A mon avis, la grande faute dont le plus haut commandement est coupable a été de n’avoir jamais préparé la ‘’Grande muette’’ à une possibilité de défaite électorale de l’Uprona.

Votre définition de l’indépendance? Jouissance des droits inaliénables d'un Etat ainsi que la gestion de sa propre destinée dans la dignité. Votre définition de la démocratie ? Système de gouvernance basé sur le droit des citoyens à se choisir leurs dirigeants, leurs programmes de développement, ainsi que leur participation dans

leur planification et leur mise en œuvre. Votre définition de la justice ? Je la conçois comme l’ensemble des mécanismes juridiques préventifs et répressifs en vue de protéger le citoyen, un groupe, une société, un Etat,… contre la violation de ses droits acquis ou convenus. La justice implique donc la reconnaissance du droit, son

Croyez-vous à la bonté humaine ? Bien sûr que l’homme est bon. C’est par l’appât des biens matériels ou les soucis pour le lendemain qu’il devient violent et méchant. La victime à son tour, dont la mémoire n’est pas guérie, devient mauvaise et le cycle ne s’arrête jamais. ` Pensez-vous à la mort ? J’y pense non pas comme une fin mais comme une étape vers une vie éternelle. Pour la mériter, je fais la volonté de Dieu de mon vivant sur terre. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Si je rencontrais Dieu, je Lui demanderais de pardonner mes péchés et de sauver le peuple de l’injustice. Propos recueillis par Fabrice Manirakiza

Bio express

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epuis le 19 septembre 2019, Jean Bosco Ndayikengurukiye est secrétaire général de la Coalition des forces de l’opposition burundaise pour le rétablissement de l’Accord d’Arusha (CFOR-Arusha). Né le 21 septembre 1968 à Nyakigongo, zone Kiryama, en commune Songa de la province Bururi, Jean Bosco Ndayikengurukiye a fui l’ISCAM le jour de l’assassinat du président Ndadaye. En 1998, Jean Bosco Ndayikengurukiye est devenu, en remplacement de Léonard Nyangoma, Coordinateur général et président du bureau politique du Cndd-Fdd à la suite de la fusion du Cndd, branche politique et les Fdd, branche armée. En octobre 2001, une fronde interne éclata. Le mouvement rebelle se scinda en deux ailes: le Cndd-Fdd majoritaire de l’actuel président de la République, Pierre Nkurunziza et le Cndd-Fdd minoritaire de Jean Bosco Ndayikengurukiye. Lors du processus de paix, Jean Bosco Ndayikengurukiye était le chef de délégation lors de la première rencontre pour des négocia-

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tions directes de cessez-le-feu entre le CnddFdd et le pouvoir de Bujumbura à Libreville, le 9 janvier 2001, sous les auspices du président gabonais Omar Bongo. L’ancien chef rebelle a participé à toutes les négociations. Le CnddFdd de Ndayikengurukiye signera, le 7 octobre 2002, l’accord de cessez-le-feu. La branche de Ndayikengurukiye a été transformée en parti politique, le Kaze-Fdd. Jean Bosco Ndayikengurukiye reviendra à Bujumbura en février 2003 pour la mise en application de l’accord. Président et représentant légal du parti KazeFdd depuis mai 2004, cet ancien chef rebelle est éjecté de ce fauteuil, en mars 2018, après un congrès controversé. Se considérant comme toujours président du parti Kaze-Fdd de l’opposition, sa formation politique est membre du CFOR-Arusha après avoir claqué la porte du Cnared. Dans sa carrière, Jean Bosco Ndayikengurukiye a été 1er conseiller d’Ambassade à Nairobi (Kenya) et consul général du Burundi à Kigoma en Tanzanie. Marié, il est père de 4 enfants (2 filles et 2 garçons).


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ÉDUCATION

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De l’eau dans le gaz à l’Université Ntare Rugamba L’atmosphère est tendue entre les étudiants finalistes en Génie Civile et la direction, à l’Université Ntare Rugamba(UNR) en mairie de Bujumbura. Depuis 8 mois, ils réclament en vain leurs documents académiques.

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e dernier geste en date remonte au mardi 15 octobre. Un sit-in de plus d’une vingtaine d’étudiants parmi la cinquantaine dans le désarroi total depuis février dernier. Au siège de l’UNR, le mécontentement se lisait sur tous les visages. Les tensions sont nées, selon ces étudiants, d’un désir immodéré de faire de l’argent au niveau de l’administration universitaire. «Nos autorités ont une cupidité sans égal», déplore l’un d’eux. Fin août 2018, alors sur le point de terminer le Bac III, ces étudiants sont surpris par un communiqué rectoral qui leur signifie qu’ils doivent suivre le Bac IV. «Ils voulaient uniquement que nous payions de l’argent. Car si le cycle devient long, ils gagnent beaucoup. C’est du commerce». Ils n’en croient pas leurs yeux. Ils s’étaient fait inscrire en 2015, 3ans après l’introduction du système BMD (baccalauréat, master, doctorat). La loi en vigueur alors sur l’organisation de l’enseignement supérieur était claire à ce propos. «Les cycles sont constitués chacun par une suite d’années d’études menant à l’obtention d’un grade académique. Le premier a une durée de trois ans, le deuxième de deux ans, le troisième de trois ans», liton à l’article 15.

Ces étudiants disent ne pas comprendre l’exigence de 4ans pour la durée du Baccalauréat.

résistance d’abord par une « lettre de refus de suivre le cursus de 4ans

».Ils assiègent ensuite le rectorat, ce qui vaudra l’annulation, le 26

«Rétention ‘‘coupable’’ des documents»

Retrait et marche arrière La réaction ne se fera pas attendre. Sûrs d’eux-mêmes, les étudiants rejettent la mesure. Les discussions avec l’administration aboutissent, le 4 septembre 2018, à une note rectorale de ‘‘reconnaissance des desiderata’’ des étudiants. «Suite aux différentes revendications en rapport avec la durée du cycle, il est porté à la connaissance des étudiants de la Faculté de Génie Civile que leurs desiderata ont été exaucés, c’està-dire trois ans», signait Philippe Buyungu, recteur de l’UNR. Une promesse qui ne durera pas. Rassurés, les étudiants se déploient dans différentes institutions pour des stages académiques de fin d’études. Mais de retour au campus, ils apprennent que les autorités se sont entre-temps rétractées. Une

février, de l’année académique pour cinq étudiants soupçonnés d’instigateurs des protestations. En revanche, ils se confient, début avril, au ministère de l’Enseignement supérieur pour ‘‘demande d’intervention’’. En l’absence d’une suite à leurs doléances, ils demandent de regagner les auditoires pour terminer le Bac III. «Il nous restait notamment de donner le rapport de stage. Après, nous allions voir comment gérer la situation», confie J.S., l’un d’eux.

L’autorité rectorale s’est rétractée après avoir exaucé les doléances des étudiants à propos de la durée du Bac

C’est alors qu’ils apprendront que le Bac III a été annulé pour toute la promotion. Remontés, ils commencent à demander des documents, certains pour intégrer d’autres universités. «On nous les a refusés. Même les bulletins des deux premières années. On nous exige de

La situation est tendue entre les finalistes de la Génie Civile et la direction à l'Université Ntare Rugamba

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payer les frais de l’année annulée et l’inscription pour la reprendre». Une « rétention coupable » aux yeux de ces étudiants. «Au minimum, ils nous accorderaient les relevés de notes des deux premières années. Nous en avons complètement le droit.» Fâché, J.S. dénonce un stratagème de " toujours soutirer de l’argent ": «Comment exiger les frais pour prendre une autre inscription ? Même si l’année est annulée, on n’est pas contraint de rester sur le même établissement.» Ces étudiants disent être victimes de ce blocage. «Depuis juillet, j’ai déjà raté trois opportunités», maugrée Léonard, tout en sueur. Les appels d’offres des ingénieurs sont légion, ces derniers jours. Aujourd’hui même, regrette Claude, un autre étudiant, quelqu’un de l’institution où j’ai fait mon stage académique m’a appelé pour me proposer un emploi. Mais il m’a dit de lui envoyer au moins une attestation de fréquentation. Tous les deux avouent éprouver de la honte devant leurs parents qui les ont envoyés étudier dans l’espoir d’un avenir meilleur pour eux et pour leurs parents. «Ils ont tellement dépensé pour nous. Mais au final, comment pouvons-nous leur prouver que nous avons réellement étudié ?» De surcroît, ils disent perdre beaucoup dans ce processus de réclamation. «Nous faisons beaucoup la navette entre Bujumbura et l’intérieur du pays. Cela nous ruine». Et de demander à toute autorité compétente de voler à leurs secours. «Nous ne savons plus à quel saint nous vouer». Interrogé, le recteur de l’Université Ntare Rugamba soutient n’être pas au courant de ces plaintes. «Ils ne m’ont jamais fait part de leurs doléances», a répondu Philippe Buyungu, ajoutant leur avoir adressé « une correspondance qui n’a pas eu de réponse ». Edouard Nkurunziza


SOCIÉTÉ

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Le parcours infernal de l’unique étudiant aveugle Daniel Ntiranyibagira est le seul aveugle burundais qui a poussé les portes de l’université. A la rencontre de cet étudiant persévérant qui a dû batailler pour en arriver là.

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46 ans, Daniel n’a pas le moindre complexe de se retrouver dans l’auditoire avec des jeunes qui ont à peine la moitié de son âge. Aveugle, il vient de commencer sa première année à l’Université Espoir d’Afrique (Hope) en service sociale et développement communautaire. Une cinquantaine d’étudiants sont en plein cours dans un amphithéâtre qui se trouve au 3e étage. Mercredi 16 octobre, il est midi. Visage caché derrière l’écran de son laptop, ses yeux derrière des lunettes noires, écouteurs dans les oreilles… Daniel, mince, aux légers cheveux blancs, est très concentré sur sa machine au moment où le professeur parle. Les autres étudiants ont leurs yeux rivés sur la jeune enseignante. Quand il veut se déplacer, un étudiant volontaire doit lui

Daniel (coin à gauche) en train de suivre les cours à l’Université Hope.

prendre la main et le guider. Naguère rejeté par sa famille, la communauté et le monde scolaire, Daniel Ntiranyibagira confie avoir mené un dur combat pour terminer ses études secondaires. Il devient aveugle à l’âge de 5 ans. Dès lors, sa vie devient un cauchemar. « J’ai passé toute une année enfermé dans la maison. Mes parents ne voulaient pas que je sorte. Je suis devenu la honte de la famille». Même pas question qu’il aille à l’école. Mais Daniel ne cèdera pas. Un beau matin, il se présente par hasard dans une école, guidé

par des amis qui lui sont restés fidèles, à l’insu de ses parents. Mais l’école le rejette. Il n’abandonnera pas jusqu’à supplier de suivre les cours, dehors, à partir d’une fenêtre. Un jour, ce seul enfant aveugle du village qui jouait à l’ « Inanga », héritage de son père, séduit un administrateur qui visitait sa commune natale, Matongo, lors des festivités pour son accueil. L’unique cadeau qu’il demande à l’administrateur est l’accès à l’école. C’est le début d’une « heureuse aventure ». Grâce à cet administratif, Dan-

iel commence sa première année scolaire en bonne et due forme, à Gihanga, dans une école pour aveugles. Il a 10 ans.

Un ordinateur à la place des yeux Après l’école primaire, Daniel suspend ses études pendant plusieurs années, faute d’obtenir une inscription dans une école secondaire. Il obtient finalement une place dans une école privée de la commune Kabezi, Bujumbura rural, dans la section juridique. Il a 36 ans !

Il termine le secondaire sans échouer une seule année, d’après son témoignage. Il réussit même à l’Examen d’Etat qui lui ouvre les portes aux études supérieures. Daniel évoque l’accès difficile aux notes de cours comme grand défi, durant son parcours scolaire. « Il me fallait des notes par voie électronique pour que je puisse les lire à l’aide de ma machine». Ou il devait les convertir en braille (système d’écriture permettant aux aveugles de lire par les doigts), ce qui lui prenait beaucoup de temps. Son ordinateur portable a remplacé ses yeux grâce à un programme vocal qui lit ses notes. Le seul outil de travail dont il dispose jusqu’ici. La machine est très fatigante, d’après lui. Les notes en braille lui faciliteraient la tâche. Une technique qui n’est pas disponible dans la plupart des établissements scolaires. Daniel se dit très limité dans les recherches. Il n’a recours qu’à l’internet. Cet époux et père est aussi enseignant dans une école pour aveugles. Un job qui lui permet de subvenir à ses besoins et ceux de sa petite famille qui habite à Kayanza. Clarisse Shaka

ACP Région Ouest

Cibitoke

Les propriétés de l’ex-Rugofarm distribuées aux coopératives Les exploitants de la propriété de l’industrie agroalimentaire « Rugofarm « viennent d’être expropriés afin de céder leurs terres aux coopératives «Sangwe». Ils estiment que cette mesure est injuste et demandent à l’État de réexaminer cette mesure. De notre correspondant Jackson Bahati

C

ette propriété récemment exploitée par Rugofarm sur la colline Gabiro-Ruvyagira, à moins de 3 km du cheflieu de la commune Rugombo, est actuellement aux mains des agriculteurs regroupés dans les coopératives Sangwe de toutes les communes de la province Cibitoke qui compte 132 collines. Les anciens occupants de cette plantation agricole ne voient pas comment ils vont gagner le pain quotidien car ils n’ont pas d’autres sources de revenus que dans l’agriculture qu'ils exerçaient depuis plusieurs années. D’après les cultivateurs rencontrés sur place, leurs champs

ont été distribués à ces coopératives Sangwe. Des sources sur place soulignent que ces anciens agriculteurs avaient également l’intention de rejoindre les coopératives, mais n’ont reçu aucune information sur les conditions, l’emplacement et les conditions d’adhésion.

Des sanctions envisagées Le Bureau provincial de l’Environnement, l’agriculture et l’élevage de la province Cibitoke affirme que ces agriculteurs ont été avertis depuis longtemps que cette plantation sera distribuée à ceux qui sont réunis dans des associations et des coopératives mais ils n’ont pas voulu exécuter l’ordre donné par les autorités. Béatrice Nyabenda explique

Vue partielle des propriétés de l'ex-Rugofarm données aux coopératives Sangwe

que chaque colline doit avoir une coopérative et que les membres sont généralement des natifs de cette localité. Elle explique que cette plantation a été confiée à des coopératives de toutes les com-

munes de la province Cibitoke et chaque coopérative devra recevoir une plantation de 2 hectares et demie. Madame Nyabenda souligne que cet espace a été réservé pour l’agriculture mod-

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erne et met en garde quiconque s’opposerait à ce projet du gouvernement car des sanctions sont déjà envisagées.


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega

Ils s’insurgent contre les cours du soir Dans plusieurs écoles à Gitega, les enseignants continuent de dispenser les cours du soir aux écoliers des classes où ils prestent. Les parents pauvres déplorent ce comportement qui, selon eux, est synonyme de tricherie. De notre correspondant Jean Noël Manirakiza

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’est inadmissible. Ces enseignants s’occupent seulement des cours du soir au lieu de privilégier l’enseignement pour tous », peste Salvator un parent de Nyabututsi. Pour ce parent de quatre enfants, il est temps que les autorités prennent ce problème au sérieux. Selon lui, la plupart des enfants des familles pauvres paient un lourd tribut en recevant un enseignement médiocre parce qu’ils ne peuvent pas payer les 15 mille Fbu par enfant et chaque mois. D’après nos enquêtes, dans la plupart d’écoles primaires de la ville de Gitega, les cours du soir sont organisés clandestinement dans les familles. Un enseignant peut regrouper 10 à 20 enfants de même classe chez lui et ils révisent les cours qu’ils ont appris en classe pendant les

Région Sud

heures de cours. Le comble c’est que ces enseignants préparent les exercices et les font passer aux élèves pendant les cours du soir et donnent les mêmes exercices pendant les interrogations et les examens. Ce qui révolte les parents des élèves qui sont incapables d’avoir cette somme d’argent chaque mois. « C’est une injustice notoire. Ils pensent seulement à l’argent au lieu de donner une éducation de qualité », déplore Célestine qui explique que cela est fait au su et au vu de toutes les autorités. Pour cette dame, ces dernières sont complices sinon ces enseignants seraient déjà avertis ou punis. Pour avoir le maximum d’enfants, ces enseignants usent des stratégies selon lesquelles la personne non avisée croirait à du bon samaritain. « Une dame qui enseigne ma petite fille m’a déjà téléphoné plus de deux fois en m’indiquant que ma fille n’apprend pas cor-

Fulbert Habonimana : « Nous avons expliqué à maintes reprises aux directeurs d’écoles que cette pratique a été suspendue. Nous allons alors sanctionner les contrevenants! »

rectement en classe qu’il faut des cours du soir pour bien assimiler les cours . Je me demande alors en quoi consiste son travail », souligne Spéciose.

« Ils s’exposent aux sanctions sévères! » D’après certains enseignants interrogés mais qui ont sollicité

l’anonymat, cette pratique est encouragée par la vie qui est devenue cher. Le salaire d’un enseignant est bas et pour joindre les deux bouts du mois, il faut chercher de l’argent partout. « C’est un arrangement entre les parents et l’enseignant, il n’y a pas de forcing ou de contrainte », a indiqué un enseignant du primaire. Et

pour les parents qui sont favorables au paiement des frais des cours du soir, la seule voie possible pour que leurs enfants réussissent, c’est de mettre la main à la poche. Un autre parent affirme que le cours du soir dispensé par le maître de classe n’est pas mauvais en soi. Mais il éprouve de la pitié pour les autres élèves issus des familles pauvres qui ne peuvent pas s’acquitter des 15 mille BIF et redoute ainsi que tout le personnel enseignant ne soit préoccupé seulement par la somme d’argent à empocher à la fin du mois dans les cours du soir. Quant au Directeur communal de l’Education, la Formation technique et professionnelle à Gitega, c’est une violation de l’enseignement inclusif. Il signale que ces enseignants s’exposent aux sanctions sévères car ils passent outre les règlements. Selon lui, c’est un cas de tricherie et le ministère de tutelle s’est longuement exprimé sur ces abus. « Nous avons expliqué à maintes reprises aux directeurs d’écoles que cette pratique a été suspendue. Nous allons alors sanctionner les contrevenants», prévient Fulbert Habonimana tout en affirmant que personne ne sera épargné.

Rumonge

Trois familles menacent de regagner l’exil Ces rapatriés viennent de perdre un procès relatif à un conflit foncier qui l’opposait à une famille d’un résident sur la colline de Busebwa. Elles se disent persécutées et menacent de reprendre le chemin de l’exil. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

L

e 14 août, la cour spéciale des terres et autres biens a procédé, sur la colline de Busebwa en commune de Rumonge, à l’exécution d’un jugement qui opposait Benoît Nijimbere un résident et Samuel Ntiranyibagira qui représente ces familles de rapatriés. A travers ce jugement, ces rapatriés ont perdu le procès et doivent déménager endéans six mois pour céder la propriété foncière à la famille Nijimbere. Ces familles se disent déboussolées et ne savent plus à quel saint se vouer. Elles indiquent qu’elles n’ont d'autre choix que d’aller demander asile en Tanzanie car elles dénoncent une justice de « deux poids deux mesures ». Elles préfèrent aller vivre dans les camps de réfugiés au lieu de passer des années à la

belle étoile dans leur propre patrie. Elles demandent au ministère ayant la justice dans ses attributions de procéder à la révision du jugement rendu « car il viole les droits fondamentaux de la personne humaine. » Ces familles demandent à jouir des droits comme d’autres citoyens burundais dont le droit au logement, à la terre, à une alimentation et le droit de ne pas être persécuté.

Obligation de se plier au jugement rendu Elles demandent à la Cntb qui avait mené le travail de médiation entre elles et cette famille du résident en 2008 de s’interposer pour avoir une issue favorable. Sabin Ntomoka, le chef de colline Busebwa, demande aux autorités judiciaires hiérarchiques de se saisir de ce cas car sur cette colline il s’observe, selon lui, une solidarité négative qui risque de diviser les gens.

Les propriétés qu'exploitaient les trois familles qui ont perdu le procès

Yves Nibaruta, le fils de feu Benoît Nijimbere , estime que le jugement a été rendu en bonne et due forme. Il demande à ces familles de rapatriés de plier bagages endéans six mois et de lui céder la propriété foncière, sinon elles risquent de s’exposer à la rigueur de la loi. Sachez que ces trois familles se sont rapatriées en 2008 et la Cntb avait pris la décision de

partager la propriété litigieuse en deux parts égales entre ces trois familles et la famille Nijmbere. Le résident n’a pas été satisfait de la médiation rendue et a interjeté l’appel. C’est ainsi que la cour spéciale terres et autres biens vient de donner gain de cause à la famille Nijimbere. Certaines organisations de la société civile actives sur terrain demandent que le protocole 4 de l’Accord

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d’Arusha soit mis en œuvre dans le règlement de la problématique foncière entre rapatriés et résidents. Il préconise que la partie qui ne reçoit pas la terre puisse avoir une indemnisation juste et équitable. Rappelons que beaucoup de conflits fonciers entre résidents et rapatriés n’ont pas encore trouvé de solutions surtout dans les provinces du sud du Burundi.


SPORT

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Tennis

Sada Nahimana, le fabuleux parcours © Droits réservés

Victorieuse, dimanche 13 octobre de l’Open de Lagos, Sada Nahimana a réussi là où plusieurs joueuses africaines avaient échoué. Un titre qui l’a fait entrer dans le panthéon du tennis continental.

Une maturité inouïe

C

hancelante, mains levées vers le ciel, courant par ici par-là...L’image de Sada Nahimana, émue après sa victoire à l’Open de Lagos. En 1h40, après trois haletants sets (2-6,6-4,6-3), la native de Buyenzi venait d’expédier la Brésilienne Laura Pigossi, remportant ainsi ce tournoi qui réussit mal aux Africains. Seule la Sud africaine Chanelle Scheepers l’avait remporté. Après des moments de doute, mais aussi et surtout d’incertitude, l’heure de gloire pour Sada. « Une plénitude, parce que je ne savais même pas que j’allais participer à cette compétition », a-t-elle glissé après la compétition. Mais au-delà de

pour réussir sur le circuit. Ne jamais baisser les bras, malgré les défaites ». A 18 ans révolus, elle débute une étape dans sa carrière. A partir de l’année prochaine, elle évoluera dans la catégorie senior. Selon elle, le moment tant rêvé. « A moi de prouver que je peux même titiller les cadors».

Sada après sa victoire à Lagos.

son sacre, qui l’a fait passer de la 876e à la 500e place au classement mondial, elle a retenu une

leçon. L’abnégation, et par-dessus tout, la force d’apprendre de ses erreurs du passé. « C›est le secret

Repérée dans le cadre du projet « Détection des talents » à 7 ans, la native de Buyenzi n’a pas mis du temps à faire ses preuves. « En plus de son bon sens du déplacement, elle avait des qualités uniques pour une gamine de son âge », raconte Hussein Shabani, coach de l’époque. Outre ses soyeux services et tonitruant revers du droit, il raconte qu’il était subjugué par sa détermination durant les entraînements. « Pour une gamine, tenir pendant 3h, sous un soleil accablant, en enchaînant plus de 2000 échanges de balles, ce n’est pas donné à tout le monde». Et durant plus de cinq ans

(2009-2015), elle permettra au Burundi de régner en maître incontesté sur le tennis de la région de l’Afrique de l’Est, glanant au passage des titres continentaux, à l'instar de celui obtenu à Benoni en 2017 en Afrique du Sud. De bonnes prestations qui ont vite tapé dans l’œil des recruteurs de la fédération internationale de tennis. Actuellement Sada évolue au Maroc, dans le réputé centre d’entraînement de Casablanca. Talentueuse, sa marge d’évolution étonne plus d’un. Grâce à ses bons résultats, elle est dorénavant invitée dans des circuits de l’Europe Tour et tournois du Grand Chelem. Une opportunité pour se mesurer aux meilleures joueuses et de gagner en expérience. En attendant un autre sacre, Sada lance un cri d’appel : « Le gouvernement doit s’investir et nous appuyer comme il faut. Parce qu'au-delà de tout, nous sommes ses ambassadeurs». De quoi éloigner les éventuels risques de naturalisation. Hervé Mugisha

Basketball

Afro basket league: Dynamo a raté son entrée © Droits réservés

Mercredi 16 octobre, pour son 1er match, l’équipe burundaise a été battue par les Ougandais de City Oilers (57-71).Pour préserver ses chances de qualification, elle doit remporter les rencontres restantes.

P

etits de taille pour protéger leur anneau de leurs adversaires, les protégés d’Olivier Ndayiragije ont été dépassés par l’agressivité offensive des Ougandais. Durant le 3e quart temps, City Oilers creuse l’écart avec plus de 9 points de différence (5041). D’après Olivier, un scénario improbable, car au début du match, ils sont au coude à coude. Aux gabarits des Ougandais, Dynamo répond par la vitesse et la fougue de ses joueurs. Mais les ailiers burundais peinent à contenir les assauts des pivots de City Oilers. Imposants par la taille, chacune de leurs attaques est convertie en panier. La faute

Dynamo dos au mur.

à des pivots burundais pouvant contenir les intérieurs ougandais. Les intérieurs ougandais inscriront plus de 20 points sous l’anneau. Une arme qui leur permet d’aller au vestiaire avec un écart de 7 points (38-31). Au retour des vestiaires, Dynamo essaie d’étirer le jeu. Objectif : sortir les intérieurs ougandais de

leur zone et les obliger à défendre à l’extérieur. Une stratégie payante. Grâce à un tir de 3 points de leur ailier Richard Ndikuriyo, les verts et blancs reviennent dans la partie. Mais c’est sans compter sur la pluie qui s’invite à la fête. A cause d’un gymnase qui suinte à tout va, l’arbitre est dans l’obligation d’arrêter la rencontre.

D’après Shebe, l’autre meneur de Dynamo, une interruption qui casse leur bonne entame du 3e quart temps. Ils reviendront deux heures après. Un temps suffisant pour les Ougandais de rectifier le tir et de reprendre l’avantage. Durant toute la rencontre, ils restent devant jusqu’au coup de sifflet final. Dans l’attente d’une

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éventuelle qualification, jeudi 17 octobre, à 17h30(heure de Bujumbura), les verts et blancs croiseront le fer avec les Rwandais de Patriots. Une rencontre capitale, souligne le coach de Dynamo, car le résultat déterminera la suite du tournoi. H.M.


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Centre Seruka : VULGARISATION DELA LOI SPECIFIQUE SUR LES VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE Vendredi, le 11 octobre, le centre Seruka a organisé un atelier sur la vulgarisation de la loi spécifique sur les violences basées sur le Genre(LOI Nº1/013 DU 22 SEPTEMBRE 2016) A L’ENDROIT DES ACTEURS IMPLIQUES DANS SA MISE EN OEUVRE POUR CONTRIBUER A SON EFFICACITE ET APPLICABILITE DANS TOUS SES ASPECTS AU SEIN DE LA COMMUNAUTE. Les participants ont énoncé les différentes entraves à sa mise en application et se sont engagés à travailler en synergie pour arriver à des résultats probants.

S

ensibiliser toutes les femmes et filles pour les amener à dénoncer toute violence basée sur le genre commise sur elles, appliquer la loi spécifique sur les VBG et l'expliquer à ceux qui l'ignorent, changer de comportement pour toutes les VBG que l'intervenant avait l'habitude de commettre, com-battre les VBG et dénoncer les auteurs, travailler en réseaux avec les autres acteurs pour la mise en œuvre de la loi spécifique sur les VBG, sensibiliser les collègues sur cette loi VBG, accompagner et orienter les vic-times », . Tels sont entre autres recommandations et engagements ressortis de l’atelier de vulgarisation de la loi spécifique de prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre. Participaient à l’atelier les administrateurs communaux, les agents de po-lice, des représentants du ministère de la justice, ceux du ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre ainsi que les juges présidents des tribunaux de résidence. L’objectif était de comprendre cette loi pour sa mise en application effective. Nyabenda Mélance, représentant légal adjoint de l’initiative Seruka a de prime abord présenté l'Initiative Seruka pour faire connaître les axes de son intervention. « C’est une association sans but lucratif burundaise ayant comme mission de soutenir la communauté burundaise en vue d'améliorer le statut des femmes et des jeunes vulnérables. Cette mission est réalisée à travers le « Centre Seruka qui est un Centre de référence spé-cialisé pour une prise en charge médicale psychosociale, juridique, judi-ciaire et communautaire des survivantes des Violences Sexuelles et Basées sur le Genre ». Le centre organise également des séances de sensibilisation communau-taire à l'endroit des différents groupes cibles pour que la communauté s'ap-proprie une prévention efficace et une prise en charge de qualité des sur-vivants au niveau communautaire. Pour Madame Estella Ndahabonyimana, du ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du Genre, l’élaboration et la mise en place d’autres instrument contre les VBG ne suffit pas. « La vulgarisation de cet instrument auprès des

De gauche à droite : Mélance Nyandwi, représentant adjoint de l’initiative Seruka, Estella Ndahabonyimana du ministère des droits de la personne humanine, Odette Nijimbere, chargée d’information, éducation et communication a centre Seruka

citoyens reste encore plus que nécessaire et est un devoir de tout intervenant en matière de lutte contre les VBG », a-t-elle indiqué dans son mot d’ouverture.

Les VBG, un fléau qui retient l’attention du gouvernement Madame Estella Ndahabonyimana ne tarit pas d’éloges sur les efforts du gouvernement et des partenaires dans la prévention, la protection des vic-times ainsi que la répression de VSBG. Elle cite notamment la loi n ° 1/013 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et ré-pression des VBG dont il est question, la Loi n ° 1/27 du 29/12/2017 por-tant révision du Code pénal (CP), Loi n ° 1/09 du 11/5/2018 portant modifi-cation du Code de procédure pénale (CPP), élaboration d’une Politique Na-tionale Genre. De plus, le Gouvernement du Burundi en collaboration avec ses partenaires a mis en place des centres de prise en charge holistique des VBG dont le centre Humura de Gitega et les Centres intégrés de CIBITOKE, Makamba et Muyinga. Les chambres spécialisées en matière de répression des VBG ont été mises en place dans les TGI. Aloys NDIKURIYO, le consultant a procédé à la présentation

des chapitres en rapport avec la prévention, la protection des victimes ainsi que la ré-pression des violences basées sur le Genre. « C’est une loi constituée de 63 chapitres, venue à point nommé car portant sur trois points essentiels no-tamment la prévention, la protection des victimes et la répression des VBG. Les crimes réprimés sont aussi énoncés dans la Loi n ° 1/27 du 29/12/2017 portant révision du Code pénal (CP), Loi n ° 1/09 du 11/5/2018 portant modification du Code de

procédure pénale (CPP) et la politique nationale Genre ».

Une législation qui touche même les pratiques traditionnelles Pour lui, c’est une loi efficace qui réprime certaines pratiques tradition-nelles qui portent atteinte à l’intégrité morale et physique de celui (celle) qui les subit. Il s’agit notamment du « lévirat », coutume qui consiste à im-poser à une veuve d’épouser son beau-frère ou son beau-

père, « Gukazanura », pratique coutumière qui reconnaît à un homme le droit de faire préalablement des rapports sexuels avec sa belle-fille le jour du mariage de son fils. « Guteka Ibuye rigasha », pratique culturelle où un homme force sa femme ou sa fille à coucher avec un guérisseur pour que le remède prescrit ait des effets. Mais aussi le « rapt », forme de mariage for-cé consistant à enlever une fille pour l’épouser de force. Après avoir exploité le contenu de la loi spécifique sur les VBG, les consul-tants ont donné l'occasion aux participants pour exprimer les défis ou les contraintes qui entravent son application effective. Les participants n’ont pas hésité et ont révélé les défis majeurs qu’il faut relever à tout prix. Il s’agit notamment de la coutume burundaise qui interdit de tout dire; l'ab-sence de traduction de ladite loi en kirundi, l'ignorance de la loi, la pauvreté qui empêche de porter plainte. Les participants à l’atelier ont aussi pointé du doigt la non application des sanctions prévues par la loi spécifique par les instances habilitées, la cor-ruption, le manque d'indemnisation des victimes, le manque de moyen matériel pour effectuer des descentes sur les lieux du crime etc. Les assistants sociaux, agents de police, de la justice et les administrateurs se sont engagés à travailler en synergie avec les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la loi sur les VBG.

Les participants à l’atelier de vulgarisation de la loi spécifique sur les VBG organisé par le centre Seruka organisé par par le centre Seruka organisé par par le centre Seruka

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CULTURE

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« Un futur sans plastique » remporte le film smartphone competition

A

18h, le patio de l’Institut français du Burundi (IFB), qui a organisé la compétition, est déjà bondé. Samedi 12 octobre, la grande finale prévue à 17h ne débutera que vers 19h, face à la grande impatience d’une centaine de jeunes spectateurs et réalisateurs, confondus. « Nous en 2030 » est le thème qui a laissé libre cours à l’imagination et à la créativité d’une vingtaine de jeunes candidats. Un téléphone comme seul outil, ces jeunes créeront des courts-métrages originaux qui seront projetés sur l’écran géant avant la proclamation. Sur les 15 films sélectionnés, 12 sont projetés. Comme pour éviter tout soupçon de victoire chez les réalisateurs, l’animateur de la soirée annonce que les trois qui restent ont été rayés de la liste pour hors sujet. Mais finalement ce sont les trois qui remporteront. Les jeunes candidats ont eu une réflexion variée : l’environnement, la dépendance aux réseaux sociaux jusqu’à détruire les couples, la stigmatisation des albinos, l’importance de la femme dans le ménage, etc.

© Droits réservés

Au palmarès de cette compétition, 15 courtsmétrages réalisés par un téléphone mobile. Une histoire sur la protection de l’environnement séduira le jury et remporte le premier prix. Des sujets « très intéressants » qui ont suscité un embarras de choix chez le jury, affirme l’un des membres. Mais la technique a dû trancher.

L’environnement à l’honneur de la compétition « Un futur sans plastique », le court-métrage qui éduque à ne pas jeter les plastiques ici et là pour la protection de l’environnement, remporte le premier prix de la compétition : un chèque de 600 mille BIF et un smartphone Huawei. A la grande surprise de son réalisateur Gaël Joris Niyonzima, 24 ans. « J’ai senti la défaite le jour de la projection publique du film, il y a deux jours. Les problèmes techniques n’ont pas permis la bonne visualisation, j’étais vraiment déçu». Fraîchement rentré de Chine où il vient de terminer l’université en génie civil, Gaël affirme qu’il n’a eu aucune formation sur la production de vidéos. Aidé par son ami diplômé en informatique, ils ont réussi à produire un « scenario original qui cadre tout à fait avec le thème », juge un membre

Les lauréats du premier prix de film smartphone competition.

du jury. « Un cadrage beau, simple, une technique de bruitage où l’on sent vraiment qu’il fait nuit… »

Les 2e et 3e prix reviendront aux films « Les études d’abord » et « La femme » réalisés respec-

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tivement par Ellie Youhi et Kevin Gethy, la vingtaine. Ils repartent avec un chèque de 300 mille et 150 mille BIF avec des smartphones également. Le public, qui a assisté pendant trois jours à la projection des films retenus, aura aussi droit à son dernier mot pour le 4e prix. Ce dernier reviendra au court-métrage « Extravagance », de Charmille, avec le prix d’un smartphone Huawei. Sur le podium, le jeune réalisateur de 20 ans se montre déçu : « Je vais me contenter de ce smartphone. Pendant ce genre d’évènement, il y a moi et les frissons. Et les frissons remportent toujours. Mais je vous promets de remporter le premier prix à la prochaine édition. » Provoquer un engouement dans les salles de cinéma et découvrir les jeunes talents sont les objectifs de cette première édition de film smartphone competition, d’après le directeur de l’IFB, Olivier Jayne. « Nous avons constaté que nos programmes de projection de film ne connaissent pas d’engouement. Les salles sont presque vides, à chaque fois. Il nous fallait donc un évènement pour raviver l’intérêt pour la salle de cinéma. Et le smartphone est un outil accessible à tout le monde». Clarisse Shaka


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Maîtriser la fécondité, un pari du Gouvernement et l’UNFPA En collaboration avec l’UNFPA, le Ministère de l’Intérieur, de la formation patriotique et du développement local, a organisé sous le haut patronage du premier Vice-Président de la République ce vendredi 10 octobre 2019, à Gitega, un atelier sous le thème : « Le Burundi face aux défis démographiques ». Différents ministères, les gouverneurs, … y étaient conviés.

A

u Burundi, une population de moins de 25 ans qui représente 60% de l’ensemble des habitants peut constituer un espoir mais aussi une bombe à retardement », a averti Gaston Sindimwo, 1er vice-président de la République, dans son discours d’ouverture. La situation démographique actuelle constitue un défi pour un pays à ressources limitées avec des besoins considérables. Et de signaler que le pays comptait 11 millions d’habitants en 2018. « En 2050, cette population pourra atteindre 22 millions si rien n’est fait pour maîtriser la fécondité. » D’après lui, cette situation est porteuse des conséquences graves telles le chômage, l’amenuisement des terres, les maladies et la sous-alimentation, l’insuffisance des structures scolaires et sanitaires, etc. « Il faut absolument réduire l’accroissement spectaculaire des naissances du moment qu’il a un impact négatif sur le bénéfice du dividende démographique. » M.Sindimwo, a précisé qu’aujourd’hui, l’indice synthétique de fécondité au Burundi s’élève à 5.5 enfants par femme au moment où l’âge médian est de 17 ans. La densité étant de 475 hab/km2 avec une prévalence contraceptive chez les femmes en union de 29% toutes méthodes confondues.

des contraceptifs modernes. Dr Richmond TIEMOKO plaide pour l’élaboration et la mise en œuvre une politique nationale de population, à travers des stratégies de mobilisation sociale pour bénéficier du Dividende démographique.

Rapide accroissement de la population

Photo de famille des participants dans l’atelier

UNFPA est confiant De son côté, Dr Richmond TIEMOKO, Représentant résident de UNFPA au Burundi a indiqué que cet atelier s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route sur laquelle le Gouvernement et le UNFPA se sont convenus pour préparer le sommet de Nairobi prévu du 12 au 14 novembre 2019. « Le Burundi est certes confronté aux défis démographiques qui risquent d’hypothéquer ses efforts de développement socio-économique, mais il est sur la voie de développer et de mettre en œuvre des stratégies et des politiques qui lui permettront d’atteindre le Dividende Démographique, à moyen terme, d’ici 2050. » Selon lui, UNFPA apprécie la volonté politique de maîtriser la dynamique exprimée dans la vision et les cadres nationaux développement. Et de réitérer son souhait de voir le Burundi s’engager d’avantage pour parvenir à un accès universel à la santé sexuelle et reproductive dans le cadre de la Couverture Sanitaire Universelle, à œuvrer pour

Gaston Sindimwo : « Il faut absolument réduire l’accroissement spectaculaire des naissances »

arriver à zéro besoins non satisfaits en informations et services de planification familiale, ainsi que la disponibilité universelle de contraceptifs modernes de qualité et abordables. Le souhait de UNFPA est aussi de voir le Burundi viser zéro décès maternel évitables et la mor-

Dr Richmond TIEMOKO : « Notre souhait est de voir aussi le Burundi viser zéro décès maternel évitables »

bidité maternelle en intégrant le paquet essentiel de services de santé sexuelle et reproductive dans les stratégies, les politiques et les programmes nationaux ; garantir aux jeunes l’accès à l’information, à l’éducation et aux services afin qu’ils puissent faire des choix libres et

éclairés en matière de santé sexuelle reproductive; œuvrer pour l›élimination de toute violence fondée sur le genre et de pratiques néfastes ; rendre disponible les contraceptifs modernes en institutionnalisant une ligne budgétaire spécifique dans le budget national pour l’achat

Des présentations centrées sur la santé reproductive, les défis et les dividendes démographiques, la politique nationale de la population ainsi que les engagements du Burundi pour le prochain Sommet de Nairobi ont été faites. Par exemple, Dr Juma Ndereye, directeur du PNSR a montré que plus de 65% de la population sont des jeunes et mangent sans rien produire. « Plus de 30% ont entre 10 ans et 24 ans.» Selon lui, 58/1000 jeunes filles dont l’âge est compris entre 15 et 19 ans ont mis au monde. « Des mariages précoces sont fréquents et des cas de cancer des organes génitaux sont répertoriés. » Pour sa part, Pierre-Claver Kayiro, cadre à l’ISTEEBU a indiqué qu’au Burundi, la fécondité reste élevée avec cinq enfants par femme. Ce qui entraine la croissance démographique rapide. D’après lui, la population a doublé en 29 ans passant de 4 à 12 millions. Concernant les engagements du Burundi, Gervais Barampanze, Représentant Assistant au sein de UNFPA a cité entre autres, réduire de 50 % à 30% les besoins non satisfaits en matière de planification familiale, espérant arriver à zéro besoin non satisfait en Planification Familiale, viser zéro décès maternel évitable, et zéro violence basée sur le genre et des pratiques néfastes y compris le mariage d’enfants et mutilations génitales féminines, etc.

Quelques recommandations Réaliser un meilleur équilibre entre l’accroissement de la population et celle de la production des biens et services destinés à la satisfaction des besoins essentiels de tous les habitants du Burundi ; Développer une synergie d’action entre acteurs en rapport avec la question en question, par la coopération et non la confrontation. Sensibiliser la population sur le libre choix éclairé en matière de la P.F en mariant politique et droits humains. Intensifier et développer des messages en rapport avec la P.F au bon moment, surtout lors de la préparation des couples au mariage. Développer des stratégies sectorielles par rapport aux défis démographiques identifiés. Redynamiser le programme d’éducation et de sensi-

bilisation aux futurs couples, contenu dans le livret de Famille surtout en Mairie de Bujumbura Insister sur l’éradication des grossesses non désirés en milieu scolaire au niveau des engagements du Gouvernement lors du Sommet de Nairobi. Intensifier les actions de sensibilisation des parents à la scolarisation des filles et relever le niveau de l’éducation de la fille et promouvoir l’orientation des filles dans les filières de formation de longue durée et faire avancer l’âge au mariage voire poser certaines conditions pour le mariage Mener des études sectorielles région par région par rapport aux comportements démographiques. etc.

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Evolution de la population 1962 : 2millions 1979 : 4.028.420 1990 : plus de 6 millions 2008 :8.053.574 2019 : environs 12 millions Source : Ministère de l’Intérieur


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