IWACU 518

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IWACU N°518 – Vendredi 15 février 2019 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Le « cadeau » de la Saint-Valentin

POLITIQUE Les dépliants d’Addis : Bujumbura s’explique

AU COIN DU FEU

ECONOMIE P.4

Bitcoins : un business lucratif, mais…

P.6

Avec Léonce Ngendakumana

P.11


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 15 février 2019 - n°518

En coulisse

Sur le vif

En hausse

Administrateur communal de Kiganda rétabli dans ses fonctions Un marché si peu commun Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

B

rouille diplomatique entre Bujumbura et Kampala ? Qu’est-ce qui se passe réellement à la frontière de Mutukura ? « Plusieurs Burundais arrêtés, maltraités et dépouillés de leurs biens à Mutukura, frontière ougando-tanzanienne. » Ce message circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Des éléments sonores, audios, en Kirundi et autres témoignages semblent corroborer les propos. Des gens, apparemment démoralisés, écœurés, appellent les Burundais à ne pas se rendre en Ouganda, ou à reporter leur voyage. Les interprétations sont nombreuses. Pour les uns : « Les officiers ougandais disent appliquer le principe de réciprocité accusant les Burundais d’avoir été les premiers à interdire le séjour des scouts ougandais. » Pour les autres : «Depuis la guerre épistolaire entre le président Museveni et son homologue burundais, les relations entre les deux pays ne sont pas au beau fixe. » Mais côté Bujumbura, c’est silence radio. Pourtant, les deux pays ont ratifié le protocole portant création du Marché commun de la Communauté Est Africaine, EAC. Ce dernier repose sur la libre circulation des marchandises, des personnes, de la main d’œuvre, des capitaux, des biens et des services ainsi que sur les droits corollaires de résidence et d’établissement. Les Burundais ont trouvé dans ce traité un moyen de désenclaver le pays et d’accélérer son développement économique, une opportunité. Aussi la majorité des commerçants moyens importent leurs marchandises depuis l’Ouganda, « Dubaï d’Afrique ». D’autres Burundais y vont pour y chercher du travail, « gupagasa », surtout dans les travaux champêtres. Il y aurait donc violation du protocole du Marché commun de l’EAC. Il y a des activités perturbées de plusieurs Burundais qui profitaient de cet espace. Il est dès lors urgent que la diplomatie agisse. Les autorités des deux pays doivent s’asseoir autour d’une même table et trouver une solution. Mais avant tout, ceux qui nous gouvernent devraient donner une version officielle au public, pour éviter des spéculations.

Ours Directeur des Rédactions : Léandre Sikuyavuga Directeur des Rédactions adjoint : Abbas Mbazumutima Secrétaire de Rédaction : Guibert Mbonimpa Rédaction Politique: Agnès Ndirubusa et Arnaud-Igor Giriteka Economie: Parfait Gahama et Pierre-Claver Banyankiye Sécurité: Fabrice Manirakiza Société: Clarisse Shaka Environnement : Rénovat Ndabashinze Sport et Santé : Hervé Mugisha Culture : Egide Nikiza, Edouard Nkurunziza et Jérémie Misago

Dr Thaddée Ndikumana,

Dans une ordonnance ministérielle sortie le 8 février, le ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye, a invalidé la décision du gouverneur de Muramvya, destituant l’administrateur communal de Kiganda, Céline Ndabubaha. Le ministre indique que les accusations contre elle sont évidentes, mais manquent de gravité pour entraîner une destitution. Toutefois, le président du conseil communal et son vice-président sont demis de leurs fonctions.

Vente de la production des coopératives minières à la BRB Selon le communiqué du Conseil national de la sécurité, toute production des coopératives œuvrant dans le secteur minier va être vendue à la Banque centrale ou dans les comptoirs ayant signé des contrats de partenariat avec la Banque centrale. D’après Silas Ntigurirwa, secrétaire permanent dudit conseil, l’objectif est d’améliorer le niveau des réserves de change.

P

our avoir rappelé aux hôpitaux qu’il est interdit d’exiger une caution à une victime d’un accident de roulage avant trois jours.

En baisse

Certains policiers en service au centre-ville de Bujumbura,

Coupe africaine cadette et junior de judo à Bujumbura en mars Le Burundi abritera la 1ère édition de la Coupe africaine cadette et junior de judo du 2 au 3 mars à Bujumbura. Elle est ouverte à toutes les fédérations membres de l’Union africaine de judo.

P

our avoir malmené Pascal Butoyi, journaliste de la radiotélévision nationale (RTNB) dans l’après-midi du 13 février, prétextant qu’il prenait des vidéos et images non commandées.

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Un chiffre

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3000 est le nombre d’accidents de roulage enregistrés en 2018

(BUJUMBURA) WE ARE: • a Christian International NGO with headquarters in the Netherlands; • specialized in participatory community development with focus on child wellbeing and youth; • committed to empower children & youth, parents and the broader community to grow out of poverty. ARE YOU?: • an experienced Programme Manager with MA in a relevant field, 7 years’ experience in community development , 4 years in Programme/Project Management in an International Organisation; • experienced working with consortium composed of local and international partners, team & grant management, Donor Reporting;

• • • •

experience and track record in resource mobilization including proposal development, private and individual donations; Expertise in capacity building of local partners; Commend of both English and French. excellent financial, analytical and communication skills; honest.

We would like to hear from you. If you are interested to know more about the vacancy and to apply, please go to www.helpachild.org/vacancies Please send your application in English only. Deadline: 20 February 2019

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

Source : Ministère de la Sécurité publique et de la gestion des catastrophes

Une pensée

L’essence de la justice est de ne nuire à personne, et de veiller à l’utilité publique. Cicéron


L'ÉVÉNEMENT

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CNL, le nouveau parti de Rwasa Le ministère de l’Intérieur a agréé, jeudi 14 février, le parti Congrès National pour la liberté Ubugabo si urucumu d’Agathon Rwasa. Explosion de joie de l’opposition.

F

ini le suspense. L’ordonnance No 530/237 du ministre de l’Intérieur est tombée. Depuis le mois de septembre dernier, les ex membres de la coalition Amizero y’Abarundi fraction, FNL croisent les doigts. Plusieurs modifications ont été exigées par le ministère de l’Intérieur, après le dépôt de leur dossier. Changement de nom, de devise, d’emblèmes, etc. Chose que s’est empressé de faire Agathon Rwasa. La deuxième force politique du pays se dote enfin d’un parti politique. Le Front National pour la Liberté-Amizero y’Abarundi, le FNL Amizero y’Abarundi a fait place au Congrès National pour la liberté Ubugabo si urucumu. Une nouvelle confirmée par Agathon Rwasa. « Nous avons accueilli cette

reconnaissance juridique de notre parti avec satisfaction. » Il parle de reconnaissance après plusieurs années de persécution et d’arrestation arbitraire. « C’est désormais un droit, la loi le reconnaît, il n'y a plus d’obstacle ». Le désormais patron du CNL a plusieurs projets en tête. Dans l’immédiat, il va falloir s’organiser rapidement au sein du parti. Rencontre des membres, mise en place des organes conformément aux règlements du parti, tenue des réunions et des meetings et la préparation aux élections de 2020. La bête noire du Cndd-Fdd n’exclut aucune hypothèse de ralliement au nouveau parti. « Tout Burundais a son rôle à jouer». Agathon Rwasa, leader du nouveau parti CNL

Réactions • Jean De Dieu Mutabazi : « Il est le bienvenu »

A

u niveau de notre parti politique, c’est une bonne chose que son parti soit agréé. Qu’il soit le bienvenu au milieu des autres partis d’opposition », a réagi Jean De Dieu Mutabazi, président du parti Rassemblement des démocrates du Burundi (Radebu).

Et de demander aux autres politiciens en exil de suivre son exemple. « Qu’ils rentrent faire la politique à l’intérieur en vue de préparer ensemble les élections de 2020. » Une compétition libre, qui, selon lui, sera démocratique, inclusive et apaisée.

• Pierre Claver Nahimana : «Une très bonne chose»

«C’est une bonne nouvelle dans l’espace politique burundais» a déclaré le président du parti Frodebu. M. Nahimana rappelle que ce politicien est un acteur important dans la politique burundaise. Par ricochet, dit-il, l’agrément de son parti est un pas en avant. Cependant,

il tient à nuancer : «L’agrément d’un parti, c’est une chose, l’exercice de la liberté politique est une autre». Le président du parti Sahwanya Frodebu insiste sur cette deuxième étape. «Nous souhaitons que cet agrément soit un prélude à la liberté politique des partis».

• Pancrace Cimpaye : « Une bonne nouvelle mais … » « C’est une bonne nouvelle que l’honorable Agathon Rwasa ait pu obtenir enfin ce cadre légal qui lui facilitera de mener son combat politique », a commenté Pancrace Cimpaye, opposant politique en exil. Néanmoins, il reste convaincu que cela n’est pas en aucun cas un signe précurseur de changement. « Le véritable changement viendra quand tous les partis politiques auront le droit et la liberté d’exercer leurs droits politiques. » Pour lui, on parlera de changement

quand il y aura un environnement permettant aux réfugiés de rentrer au pays et adhérer à un parti politique de leur choix.

Rappel • •

12 septembre 2018 : Agathon Rwasa a organisé une Assemblée générale, à Bujumbura, pour produire un document demandant l’agrément du parti Front National pour la liberté FNL- AMIZERO Y’ABARUNDI. 13 septembre 2018 : Jacques Bigirimana, président du parti FNL, a envoyé une lettre au ministère de l’Intérieur avec objet : « Protestation contre usurpation de nom, symbole et emblèmes.» Selon lui, le nom choisi par le camp Rwasa est exactement comme celui du parti FNL. M. Bigirimana a ajouté qu’Amizero étant le slogan de salutation officielle de son parti. Il a, en outre, signalé que les signes distinctifs, le drapeau aux couleurs rouge, vert et noir et l’emblème au centre symbolisé par la houe et l’arc et la devise appartiennent au parti FNL depuis son agrément en 2009. Et de révéler que l’objectif d’Agathon Rwasa est d’ouvrir un conflit, tenter de piéger le ministère de l’Intérieur. Il a ainsi demandé à ce ministère d’être attentif à ces préoccupations et ces arguments dans l’analyse du dossier. 14 septembre 2018 : Agathon Rwasa dépose un dossier de demande d’agrément

de son parti FNL-AMIZERO Y’ABARUNDI. 8 novembre 2018 : Le ministre de l’Intérieur rejette l’agrément de son parti et lui demande de se conformer à la loi. « Les sigles, emblèmes et devises du parti sont semblables à un parti politique déjà agréé », a-t-il motivé. • 12 novembre 2018 : Selon ses propos, Agathon Rwasa dépose un document contenant les réponses à la demande du ministère de l’Intérieur. C’est à ce jour même qu’il a déposé un autre dossier de demande d’agrément, d’après ses proches. • 28 décembre 2018 : Lors d’une émission publique, à Ngozi, le président de la République a assuré que la balle se trouve dans le camp Rwasa. « En cas de conformité à la loi, la reconnaissance juridique pourra intervenir incessamment. Même demain, ce sera possible ». En réaction à cette déclaration, Aimé Magera, porte-parole d’Agathon Rwasa, a affirmé le même jour que le dossier est déjà conforme à la loi. •

Agnès Ndirubusa Egide Nikiza Igor Giriteka Rénovat Ndabashinze

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POLITIQUE

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Les dépliants d’Addis, Bujumbura explique sa démarche Des dépliants ont été distribués par la délégation gouvernementale en marge du 32e sommet de l’UA évoquant le mandat d’arrêt du président Pierre Buyoya. Des tracts à mobile politique, selon le concerné

L

es opposants parlent de diversion et de récupération de l’affaire Ndadaye pour mobiliser l’électorat hutu à la veille des prochaines élections de 2020, et passer ainsi pour le justicier qui n’a pas peur de terrasser l’ancien homme fort du Burundi. Le conseiller principal à la présidence de la République n’y va pas de pas de main morte. L’ambassadeur Willy Nyamitwe assure que dans le même paquet que les détracteurs, il faut aussi ajouter la clique d’extrémistes qui, après avoir échoué à renverser les institutions démocratiquement élues par le truchement d’une insurrection et d’un Coup d’Etat, pensent qu’il est toujours possible de tirer sur la corde sensible, celle de l’ethnisme, pour capter la sympathie de l’opinion et attirer l’ostracisme sur le Gouvernement du Burundi. « Quand il fut battu par le président Ndadaye en 1993, le major et son artillerie propagandiste de mauvais perdants n’hésitèrent point à dénigrer le Peuple Burundais prétextant qu’il n’y avait pas eu d’élections mais qu’à la place d’une expression démocratique d’électeurs il y avait eu un recensement ethnique. La suite

on la connaît, macabre. » Willy Nyamitwe indique qu’au-delà de leur appétit démesuré du pouvoir, ils ont commis l’irréparable, renversé les institutions et balayé avec une cruauté sans nom des vies humaines dont le nombre ne sera malheureusement jamais connu. « Ce peuple meurtri a droit à la justice et c’est la démarche des instances judiciaires. Que ceux qui détractent le Burundi et ses institutions comprennent que les temps sont révolus. »

Sylvestre Ntibantunganya, favorable aux poursuites judiciaires Il est clair que Bujumbura ne va pas lâcher l’affaire. S’il ne mise pas trop sur l’extradition de l’ancien président, il n’en reste pas moins qu’il a décidé de ternir l’image du haut fonctionnaire de l’UA qu’il est devenu. Le dépliant le présente comme l’assassin du premier président démocratiquement élu et ses collaborateurs. Au-delà de la bataille diplomatique et médiatique entre Bujumbura et Buyoya, les proches collaborateurs du président Melchior Ndadaye craignent que le

Willy Nyamitwe: "Ce peuple meurtri a droit à la justice et c’est la démarche des instances judiciaires."

volet judiciaire ne soit occulté. Le président Sylvestre Ntibantunganya se dit favorable aux poursuites judiciaires. Les Burundais ont droit de connaître la vérité sur la préparation et l’exécution de l’assassinat du président Ndadaye. Pour l’ancien président qui a été destitué par le deuxième putsch de Pierre Buyoya, l’assassinat du président Ndadaye est la cause de toutes les difficultés auxquelles le Burundi a été confronté depuis lors jusqu’à aujourd’hui. Il n’exclut pas l’hypothèse d’une volonté de récupération poli-

tique. «Il a toujours été dit que d’une part le dossier sera tiré des tiroirs en cas de besoin pour des intérêts politiques. Et que d’autres se serviront de la politique d’autre part pour étouffer l’instruction judiciaire du dossier». Pour rappel, Melchior Ndadaye est le premier président burundais démocratiquement élu. Investi le 10 juillet 1993, il est assassiné après 102 jours de pouvoir au cours d’un coup d’Etat sanglant, le 21 octobre 1993. Pontien Karibwami, président de l’Assemblée nationale, Gilles Bimazubute, vice-président de

l’Assemblée nationale, Juvénal Ndayikeza, ministre de l’Administration du territoire et du Développement communal, trouvèrent également la mort. Ce coup de force va déchaîner des violences inter-ethniques dans tout le pays, déclenchant une guerre civile, qui fera, selon les estimations, entre 50 000 (chiffre avancé par la Commission internationale d’enquête des ONG) et 100 000 (chiffre avancé par les délégués du Hautcommissariat aux Réfugiés) Agnès Ndirubusa

Stupéfaction de Buyoya

L

ors du 32 ème sommet de l’UA, la délégation de Bujumbura a arpenté couloirs et salles de conférence, distribuant un dépliant (deux pages) qui fait: « une mise au point du Burundi sur le mandat d’arrêt du président Pierre Buyoya. » Le dépliant explique que l’ancien homme fort du pays, Pierre Buyoya, doit rendre des comptes. Il est accusé d’être l’instigateur de l’assassinat du président Melchior Ndadaye et de plusieurs de ses collaborateurs. Cette « mise au point » du Burundi, c’est aussi une réponse à Moussa Faki, le président de la commission de l’Union africaine. Dans son communiqué sorti au lendemain du lancement du mandat d’arrêt contre

Buyoya, 2 décembre dernier, il s’était fermement opposé à cette poursuite estimant que « Cela va compliquer la recherche d’une solution consensuelle conformément à l’esprit de réconciliation nationale ». Le dépliant distribué à Addis Abeba est clair. Bujumbura persiste et signe. « Pour le Burundi, ne pas poursuivre les auteurs et/ ou planificateurs d’un renversement d’institutions démocratiquement élues et de crimes atroces de 1993, c’est cela qui compliquerait, plutôt, la recherche d’une solution consensuelle ». « Cela porte atteinte à mon honneur » « Stupéfaction » C’est ainsi que l’on pourrait résumer la réaction de Pierre Buyoya, présent au sommet de l’Union africaine.

Il s’est vite empressé de réagir. « Cela porte atteinte à mon honneur » a-t-il déclaré. L’ancien président occupe un poste important de haut représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel. Dans son communiqué, il a parlé de tract distribué en méconnaissance des règles de fonctionnement de l’Union africaine. Pour lui, à un an des élections, le pouvoir veut instrumentaliser la justice pour écarter des personnalités gênantes. Pour « cette poursuite contre lui est une entreprise politique qui ne peut que pérenniser la haine dans l’esprit et la haine dans l’esprit et la mémoire du Burundais ». Bujumbura, dit-il, doit avoir d’autres priorités notamment un dialogue sincère pour mettre un terme à la crise. A. N.

Pierre Buyoya: "A un an des élections, le pouvoir veut instrumentaliser la justice pour écarter des personnalités gênantes."

Quid de la distribution des dépliants dans un sommet de haut niveau ? «Originale » pour certains, peu orthodoxe pour d’autres, la démarche de la délégation burundaise au sommet de l’Union Africaine a suscité des réactions au sein de la classe diplomatique. Selon un diplomate, les canaux traditionnels, en passant par l’ambassade ou par un envoyé spécial, sont préférables et sérieux. « La délégation burundaise a manifesté un manque de respect et de rigueur diplomatique. Diffuser un tract hors propos avec les débats du jour est ridicule. »

Un autre diplomate estime que tous les moyens sont bons pour transmettre l’information entre pairs. Cela peut passer par un coup de téléphone à un envoi de document suivant les canaux habituels. « Nous n’avez pas idée de ce qu’on peut se transmettre lors d’un sommet. Une clé USB contenant un document important peut passer d’une main à une autre. Alors pourquoi pas un dépliant ? »

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A.N.


ÉCONOMIE

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Le calvaire des employés de la Sogestal Kirimiro Les employés de la Sogestal Kirimiro sont dans le désarroi. Ils n’ont reçu aucun salaire depuis septembre 2018. La mévente de la production de l’année dernière serait à l’ origine du retard de leurs salaires. Reportage.

S

ix mois que les employés des stations de dépulpage et de lavage du café de la Sogestal Kirimiro ne sont pas payés. Les retards dans le paiement des salaires sont récurrents depuis 2017. C’est un véritable chemin de croix. Père de 4 enfants, E.N. a dû recourir à un découvert bancaire pour la dernière rentrée scolaire. Ses quatre enfants ont pu étudier pendant le premier trimestre. Mais il n’arrive pas à se débrouiller avec le deuxième trimestre. Un petit crédit contracté auprès d’un usurier de la colline ne lui a pas permis de couvrir tous les besoins scolaires des quatre enfants. Deux ont dû abandonner l’école. Même pour les deux qui ont pu aller à l’école, cet employé de la station de lavage de Ruvubu sur la colline Bukirasazi reste inquiet. «J’ai peur qu’ils n’y retournent pas pour le troisième trimestre. Je ne vois pas celui qui aura encore confiance en moi pour me prêter son argent». Il est dégoûté par ce travail qui ne lui rapporte rien. « Ma famille me voit chaque matin me présenter au travail, mais à la fin du mois je n’ai rien.» Un autre employé de la station de lavage de Mavuvu en commune Makebuko déplore ‘‘un job à la con’’. «Un emploi pour un petit salaire et qui n’arrive même pas. Je trouve qu’il faudrait simplement s’en passer». Lors de la dernière saison culturale, faute de salaire, il a manqué de l’argent pour se procurer de l’engrais chimique. Il n’a pas eu de récolte. Cet employé a peur pour la prochaine saison culturale: «Si dans une semaine nous ne sommes pas payés, nos familles vont simplement mourir». Il supplie les responsables de la Sogestal de tout faire pour débloquer les rémunérations. La détresse gagne tous les employés. Dans le quartier Nyabiharage de la ville de Gitega, J.L, un employé de la station de Nyanzari de la colline Songa en commune Gitega a perdu tout courage de se présenter au travail. «Nous devons chercher comment nous occuper autre-

Sur certaines stations de lavage du café, les employés furieux ont cessé leurs activités

ment. Nous présenter à l’usine ne serait qu’une perte de temps » Cet employé, pourtant permanent dans la Sogestal Kirimiro, est même allé pendant quelques mois dans une autre province « pour s’occuper utilement ». Il dit ne pas comprendre pourquoi le personnel de la Sogestal Kirimiro n’est pas payé. «Sur une période d’au moins 5 ans, c’est la première fois que nous avons eu une très bonne récolte». D’après tous les employés interrogés, les retards de salaire étaient devenus une habitude, et ils s’y

adaptaient petit à petit, tant bien que mal. «Au plus après deux ou trois mois, un salaire d’un mois tombait». Mais, après 6mois, ils ne peuvent plus tenir. «C’est le calvaire», disent-ils.

«La prochaine campagne risque d’être gâchée» Un des responsables de la station de lavage de Ruvubu partage les préoccupations des employés. Il confie que les veilleurs de nuit à cette station ont menacé d’abandonner la garde à

partir de ce vendredi 15 février. Il comprend leur colère. «Passer 6 mois dans le froid nocturne de ce marais, sous les piqûres des moustiques sans toucher un sou ». Ce responsable appelle au secours toute autorité compétente pour faire sienne la question du retard des salaires. Autrement, la situation peut s’empirer d’un moment à l’autre. «Si par exemple les veilleurs de nuit partent, les machines seront exposées». A son avis, si le personnel de la Sogestal Kirimiro n’a pas encore marché dans la rue pour pro-

tester, c’est uniquement par crainte d’être pris pour « des insurgés. » Et de prévenir que pour la prochaine campagne de récolte, la situation risque d’être compliquée. Les employés temporaires qui font naturellement les travaux d’entretien et de réhabilitation des stations dans la période pré-campagne risquent de décliner l’offre. «Ils savent que nous ne sommes pas payés et ne voudront pas venir travailler pour rien, et la campagne sera perturbée». Interrogé par téléphone sur les raisons de ces retards dans le paiement des salaires, Samuel Nibitanga, directeur général de la Sogestal Kirimiro, n’a pas voulu s’exprimer. «Je ne donne aucune information sur téléphone ». Toutefois, un cadre de la Sogestal Kirimiro souligne la mévente de la production. «Uniquement 25% de la récolte ont été vendus». Selon lui, la direction aurait son propre client. Pour cette année, ce dernier n’est pas venu acheter le café. Ce cadre confirme les arriérés. «C’est pour tout le personnel de la Sogestal, des cadres aux sentinelles». Il raconte qu’il y a trois jours, une sentinelle, à l’œuvre au siège, est tombée en syncope à cause de la faim. La Sogestal Kirimiro compte près de 400 employés, dont 240 contractuels. Elle est la première avec 31 stations de lavage. Edouard Nkurunziza

Tout le personnel de la Sogestal Kirimiro à Gitega n’est pas rémunéré y compris ceux du siège

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ÉCONOMIE

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Bitcoins

Un business rentable, mais risqué

Le commerce des Bitcoins est une réalité au Burundi. Ses vendeurs parlent d’un business lucratif. Jean Prosper Niyoboke, professeur à l’Université du lac Tanganyika, qualifie ce genre d’investissement d’aventure dangereuse.

P

lus de 20 000 personnes font actuellement le commerce des Bitcoins au Burundi. Ils sont regroupés dans quatre réseaux. TBC, WCX, Leocoin et Integrity. Ce business de monnaies virtuelles attire beaucoup plus les jeunes que les adultes. Les intéressés parlent d’un moyen pour devenir riche dans un petit laps de temps. D’après Jules Kwizera, un jeune de 30 ans rencontré au centreville de Bujumbura, le commerce des Bitcoins est beaucoup plus rémunérateur que tout autre business. «La valeur du Bitcoin peut doubler ou tripler en une seule journée.» Il a commencé le métier de vendeurs des Bitcoins en 2015. Un business qui a complètement amélioré son quotidien. Deux ans plus tard, il avait déjà construit sa propre maison et acheté une voiture pour son déplacement. Ce jeune de 30 ans indique avoir pris connaissance de ce business en 2013. Cette affaire ne l’attirera pas pendant deux ans. I.M., un autre marchand des Bitcoins, affirme qu’il ne peut pas aujourd’hui exercer un autre métier. Il génère beaucoup de bénéfices. «J’ai acheté des bitcoins à 500 USD par unité en 2013. Mais je les ai vendus à 20 000 USD en 2017.» La valeur du Bitcoin frôle actuellement 3 600 USD alors qu’elle était de 0,001 USD en 2009. Il assure que le rôle des Bitcoins est primordial dans différents business en ligne. Le paiement de la plupart des transactions se fait en Bitcoin. Il facilite aussi les transactions des transferts d’argent à moindre coût par rapport aux autres modes de transfert d’argent. Claude Ndayisenga, lui-même vendeur des crypto-monnaies, indique que le commerce des Bitcoins est son seul gagne-pain. Aujourd’hui, il n’a aucun souci financier. Il témoigne gagner facilement trois millions de BIF par mois.

Une affaire simple M. Ndayisenga reconnaît que les bénéfices générés par la vente des Bitcoins diminuent progressivement. Sa valeur change régulièrement. Il investit aussi massivement dans les nouvelles crypto-monnaies comme Leocoin, WCX, TBC. Le calcul est simple. Il achète ces nouvelles monnaies virtuelles à moindre prix aujourd’hui en espérant les vendre plus tard quand leurs valeurs seront aug-

Les autorités monétaires suivent de près

Un des endroits où se rencontre des vendeurs de Bitcoin

mentées. Le nombre de cryptomonnaies reconnus sur le marché international frôle les 2000 mille monnaies virtuelles. Pour Clovis Kayoya, un habitué du business des crypto-monnaies, même si le commerce des monnaies virtuelles est très rentable, il présente beaucoup de risques. «On ne signe pas de contrats, raison pour laquelle il faut être prudent avant d’investir.» Comme le commerce des Bitcoins s’opère en ligne, souligne-til, des apprentis tombent sur des sites internet d’escrocs et perdent leur argent. Des attaques de hackers sont aussi à craindre. Ils piratent souvent les réseaux des cryptomonnaies en utilisant même des systèmes ultrasécurisés. Pour faire face à ce défi, il est conseillé aux acheteurs des Bitcoins de s’assurer au préalable de l’existence de la crypto-monnaie qu’ils désirent acquérir. Le site www.coinmarcketcorps.com donne une liste exhaustive des monnaies virtuelles reconnues sur le marché international. P.K., un autre vendeur de monnaie virtuelle, explique que son business est facile à faire. Il n’exige pas un bureau, pas de main-d’œuvre, pas d’impôts. Le commerce des crypto-monnaies requiert seulement un smartphone. On télécharge l’application blocChain dans le Play store du téléphone. Puis on complète les informations nécessaires à l’enregistrement, notam-

ment l’adresse électronique et les mots de passe. Le block Chain donne ensuite l’adresse Wallet, une sorte de numéro de compte. Au Burundi, indique-t-il, tout vendeur ou acheteur des bitcoins doit avoir la carte Sim de la compagnie tanzanienne Vodacom et être membre du site internet Localbitcoin. Ce dernier collabore avec Vodacom et Mpesa. Celle-ci dispose de guichets au Burundi. Pour convertir des bitcoins en

monnaies liquides, on doit les vendre à Localbitcoin qui envoie un message à la société Mpesa. Le vendeur récupère son argent dans un guichet à Bujumbura ou à l’intérieur du pays. Il demande au gouvernement de mettre en place une règlementation du commerce des crypto-monnaies. Elle contribuera à trancher les différends entre les différents intervenants dans le domaine.

Bellarmin Bacinoni, chargé de la communication à la BRB, fait savoir qu’aujourd’hui, à l’instar de la plupart des autres Banques centrales, la Banque de la République du Burundi(BRB) ne régule pas le Bitcoin. Celui-ci fait partie de plus de 1500 monnaies virtuelles opérationnelles dans le monde. Mais, il assure que la BRB suit de près activement la technologie du block Chain. Jean Prosper Niyoboke, enseignant à l’Université du lac Tanganyika, indique qu’investir dans le Bitcoin présente un risque énorme. Sa valeur est trop volatile. Le Bitcoin n’est pas régulé ni contrôlé par aucune institution. C’est ainsi une monnaie garantie par aucun système. Son prix est aléatoire, ce qui rend difficile la détermination de sa vraie valeur. Parfois, les hackers piratent les crypto-monnaies, lorsqu’ils ne sont pas bien sécurisés. Comme il n’y pas de protection étatique au Burundi, lorsqu’un vendeur perd ses Bitcoins, il perd complètement son argent. Le Pr Niyoboke fait remarquer que certaines personnes peuvent utiliser des Bitcoins dans le blanchiment d’argent ou dans le commerce des drogues. « Le commerce des monnaies virtuelles est bénéfique, mais il nécessite une certaine réglementation », conclut-il. Parfait Gahama

Jean Prosper Niyoboke : « Le commerce des Bitcoins présente un risqué élevé. »

Encadré Le Bitcoin a été créé en 2008 par Satoshi Nakamoto, un japonais. Son objectif était de créer une monnaie électronique qui permettrait d’effectuer des paiements en ligne d’un individu à l’autre sans passer par une institution financière. La valeur du Bitcoin est estimée aujourd’hui à 3612, 5 USD alors qu’elle était de 0, 36 USD en 2009.

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P.G.


ÉCONOMIE

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Les fertilisants se font attendre Les cultivateurs de la province de Gitega n’ont pas encore reçu les engrais. Ils craignent que ce retard ait des incidences sur leurs récoltes. La direction de l’agriculture et de l’élevage (DPAE) tranquillise.

C

olline Songa, commune Gitega, il est 7h30 ce mardi 12 février. Blandine Ntibirangeza, cultivatrice, laboure son champ. Sa houe pénètre gracieusement le sol humide. Il a plu la veille. En ce début de la saison culturale, le ciel semble tenir ses promesses. Mais cette quadragénaire est inquiète. «Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas encore reçu d’engrais pour semer.» Pourtant, Mme Ntibirangeza assure qu’elle et ses voisins ont déjà payé les frais pour les fertilisants. Ils attendent toujours la livraison. Ce retard ne leur facilite guère le travail. Normalement, le mois de février est consacré aux semailles. « Les graines devraient être dans le sol début février. Le risque est que les haricots plantés risquent d'être emportés par la pluie d’avril », fait-elle remarquer. Les agriculteurs se lamentent qu’ils ne sont pas à leur première déconvenue. Le même problème s’est observé durant la saison culturale précédente. Aujourd’hui, certains se débrouillent comme ils peuvent. Ils essaient de s’approvisionner clandestinement sur le marché noir. Mais il y’a des répercussions sur les prix. Le kilo s’y achète à 2.000 BIF, alors que dans le circuit normal, il est de 1400 BIF. D’après ces cultivateurs, vendre les engrais dans les boutiques est illicite, voire même répréhensible. Seule l’administration a cette prérogative. Généralement, les fertilisants sont acheminés vers les communes et celles-ci les conduisent vers les zones. Ce sont ces dernières qui se chargent de la distribution dans les différentes collines de recensement. «Qu’on arrête de nous donner de faux rendez-vous. Nous demandons aux autorités compétentes de faire tout le possible pour que nous soyons servis dès la semaine

Les cultivatrices labourant leur champ sur la colline Songa

Denis Nibigira : « Les fertilisants seront distribués dès lundi 18 février.»

prochaine », lance Josiane Kanyamuneza, une autre cultivatrice de la colline Songa. Elle indique que même les cultivateurs encadrés par Tubura, une ONG américaine œuvrant dans le secteur agricole, se trouvent dans la même situation. Selon elle, cette organisation n’a pas le droit de distribuer les fertilisants avant les adminis-

tratifs. Bien que, selon Kanyamuneza, Tubura en dispose dans ses stocks.

Les tickets à l’origine de ce retard David Bizimana, chargé des relations locales dans cette ONG, clarifie la situation. Leur fournis-

seur ne leur a pas encore livré les stocks des engrais chimiques. « C’est le programme national de subventions des engrais chimiques qui a l’exclusivité de fournir tous les engrais chimiques nécessaires dans tout le pays. Nous attendons donc leur livraison ». Denis Nibigira, chef de la production agricole dans la DPAE

Gitega, reconnaît que la distribution des engrais chimiques a pris du retard. Néanmoins, il se veut rassurant car les fertilisants seront distribués dès lundi 18 février. Nous avons de l’engrais dans nos stocks, explique-t-il, nous nous sommes heurtés à un problème de ticket. Un ticket (communément appelé voucher) est une preuve qu’un cultivateur a fait une commande de fertilisants. Pour cette saison culturale, M. Nibigira affirme que le nombre des demandeurs de tickets était insuffisant, signifiant ainsi que peu d’agriculteurs avaient payé les frais d’avance pour les engrais à la poste. Ce responsable provincial dit comprendre les inquiétudes des agriculteurs craignant pour leurs récoltes. « Il est vrai que les cultures comme le haricot ne germent pas s’ils sont semés tardivement. Tant que le mois de mars n’est pas encore écoulé, il n’y a pas à s’en faire.» Du reste, il estime que les semences certifiées sont disponibles et la direction provinciale de l’élevage et de l’agriculture est prête pour cette saison culturale. Arnaud Igor Giriteka

Quid de la saison culturale précédente ? Pour Gérard Nibigira, la dernière saison culturale a été bonne. Toutefois, il fait remarquer qu’il est difficile de s’en rendre compte sur le marché. « Les récoltes de la précédente sont souvent réutilisées pour la suivante ».Il relève que le maïs a été attaqué par la chenille légionnaire, mais cette bestiole a été rapidement maitrisée. Du côté des agriculteurs, les avis sont partagés. Pour Josiane Kanyamuneza, elle a eu une récolte plus ou moins satisfaisante. Elle pense que si elle n’avait pas eu le problème d’engrais, sa moisson aurait été meilleure. Nicolas Cishahayo, cultivateur

de la colline Mugutu, quant à lui, exulte. « J’ai 58 ans et c’est la première fois que j’ai récolté de grandes quantités de haricots sur ma petite propriété ».Ce quinquagénaire le doit en grande partie à l’encadrement de Tubura. Cette ONG américaine opère dans le secteur agricole et aide les agriculteurs ayant de petites superficies de terre à augmenter leurs récoltes. 200 agriculteurs sont encadrés sur la même colline par cette ONG.

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Cnar : Le personnel inquiet, le ministre rassure Des techniciens bientôt à la retraite, des difficultés de commande des matières premières et un personnel qui réclame un bon traitement, tels sont les problèmes auxquels fait face le Centre national d’appareillage et de rééducation.

L

e Cnar a 78 employés. C’est un personnel insuffisant. Suite à la politique de nonrecrutement, il n’est pas facile de recruter. Pourtant, il y a ceux qui approchent l’âge de la retraite. S’il n’y a pas d’autres techniciens, d’ici deux ans, ce sera un grand problème», fait savoir Omer Hayimana, directeur du Centre national d’appareillage et de rééducation (Cnar). Selon ce responsable, la question est déjà entre les mains du ministère de tutelle. M. Hayimana confie qu’ils ont demandé une dérogation spéciale pour le recrutement, surtout en ce qui concerne le personnel technique. Pour ce centre spécialisé dans la fabrication des prothèses et des orthèses, un problème sérieux se pose dans l’achat des matières premières. « Il y a absence d’approvisionnement sur le sol burundais. Du coup, nous sommes obligés d’importer les matières premières », regrette M. Hayimana, avant de poursuivre : « Si une fois la Centrale d’achat des médicaments du Burundi (Camebu) permettait que nos matières premières figurent sur leur fiche d’achat, cela nous faciliterait la tâche.» Quant aux employés, ils se lamentent par rapport à leur traitement : « Nous prestons comme le personnel du ministère de la Santé, mais leur salaire est presque le double du nôtre », avant de poursuivre : « Lorsque le chef de l’Etat a accordé 34% aux fonctionnaires, nous n’étions pas du nombre, alors que nos salaires viennent du ministère des finances. »

Des questions et des réponses Le ministre des Droits de l’Homme, des Affaires sociales et du Genre, Martin Nivyabandi, tranquillise : « Le cabinet du ministère va discuter avec les organes de gestion du Cnar. La première option, c’est de faire une prolongation légale de la limite d’âge, tel que le stipule le code du travail. Sinon, s’il y a des jeunes qui ont de l’expertise, l’option c’est de recruter. »

Des techniciens du Cnar en train de fabriquer des prothèses.

Le ministre fait savoir qu’il a déjà adressé des requêtes pour avoir l’autorisation du ministère des Finances. « Il faut à tout prix éviter des recrutements abusifs. Il y a aussi le ministère de la Bonne

gouvernance qui donne son avis ». Concernant la question des travailleurs qui veulent être traités comme ceux du ministère de la Santé, M. Nivyabandi explique que les avantages de ces derniers

sont le fruit du consensus entre les syndicats et le financement basé sur la performance (FBP). A propos de la question relative à l’harmonisation des salaires en cours, le ministre est clair :

« Dans les institutions dont les salaires sont inférieurs à ceux de l’enseignant, on va procéder à une harmonisation. Ceci pour dire que si le personnel du Cnar est aussi concerné par cette mesure, rien n’empêchera qu’ils soient traités comme les autres citoyens. » A propos des 34% que le chef de l’Etat a accordés aux fonctionnaires en 2007, cette autorité précise que cela concernait uniquement ceux qui sont sous tutelle de la Fonction publique. Quant à l’achat des matières premières, le ministre Nivyabandi rappelle que le Cnar est une institution personnalisée : « Ils ont des organes de gestion propres à eux. Le président du conseil d’administration avec les organes du Cnar ont déjà mené des pourparlers avec les responsables de la Camebu. Ils vont dresser la liste des besoins et la centrale va faire des commandes. » Onesphore Nibigira

Martin Nivyabandi : « Le ministère a déjà adressé des requêtes pour le recrutement. »

Encadré Le Centre national d’appareillage et de rééducation (CNAR) a vu le jour en 2006 par décret présidentiel. En 2000, un autre décret présidentiel relatif à sa réorganisation l’a mis sous administration personnalisée. Avec une autonomie de gestion au quotidien, le centre essaie de créer des activités génératrices de revenus. C’est le cas d’une salle de réunion, et un bloc de 10 chambres dont les occupants payent sept mille francs par nuitée. Les appareils utilisés sont fabriqués au sein du centre et les techniciens sont formés à l’étranger, du fait que le Burundi ne dispose pas d’institution pour cette formation. Ce sont des technicien orthoprothésistes. Ils ont été formés à l’Université de Kilimandjaro, en Tanzanie. Dans tout le pays, il n’y a que quatre techniciens qualifiés dans tout le pays,

dont un au Cnar et trois dans d’autres centres. Les autres sont des techniciens formés sur terrain. Le Cnar collabore avec les autres centres dont celui de Makamba et Saint Kizito, surtout en ce qui concerne le référencement et échange d’expériences. Il y a encore des enfants qui naissent avec des malformations et les parents les cachent. «Je lance donc un appel vibrant à toute personne qui voit un enfant un avec malformation de l’amener au Cnar pour consultation en vue de soigner ou prévenir», indique Omer Hayimana. Et de signaler que les malformations les plus courantes sont les pieds-bots que les Burundais et les genoux varum.

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O.N.


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«Soutenir le leadership féminin, c’est poser les jalons de la concorde sociale» Tout Isare avec ses quatre zones à savoir Rushubi, Kibuye, Nyambuye et Benga est représenté à la formation sur le leadership organisée dans la semaine du 4 février par les associations AFRABU et APFB. En commune Kabarore de la province Kayanza, les associations AFRABU et REJA faisaient de même.

L

es jeunes filles appelées à être des futurs leaders dans leurs communautés sont majoritaires et suivent religieusement les échanges entre les formateurs et les participants : «Il faut que la relève soit assurée», dira Daphrose Nintunze, membre du conseil communal depuis 2010. «J’encourage la nouvelle génération de leaders féminins à suivre mon exemple. Je parviens chaque fois à gagner la confiance des électeurs même si je me retrouve en lice avec des hommes à poigne de notre commune», confie cette élue locale de la colline Sagara. «Je compte briguer un autre mandat même si je commence à prendre de l’âge. Il faut que nos jeunes filles, ici présentes puissent prendre la relève. Il faut sortir de l’ombre», appelle cette femme leader. Cette battante se dit porteuse d’un message pour celles qui veulent lui emboîter le pas : «Si je parviens à avoir, ici même, des jeunes filles responsables et conscientes du rôle qu’elles peuvent jouer, je vais tirer ma révérence, le cœur tranquille, c’est cela mon héritage». Gordien Manirakiza, est un jeune homme dynamique connu dans tous les villages juchés sur le flanc des innombrables collines que compte cette commune montagneuse. Il salue la formation reçue dans le cadre du projet de promotion du leadership féminin : «Il arrive que je me

retrouve désarmé face à un litige donné ou une dispute entre des gens, maintenant avec cette formation, j’ai des outils pour concilier les deux parties, les aider à trouver un terrain d’entente». Comme jeune leader, confiet-il, je dois bien identifier le nœud du problème et cheminer ensemble avec les parties en conflits vers une solution. «Je viens de faire le plein, les piles sont rechargées et c’est pour le bien de ma communauté». Mis en confiance par les enseignements donnés sur la résolution pacifique des conflits, la masculinité positive et le plaidoyer, ce jeune leader confie qu’il gagne en sagesse comme conciliateur à l’écoute de tout le monde, clairvoyant et

A l’école de la masculinité positive. Avec un peu d’effort, un homme peut porter un enfant au dos, explique la formatrice Belinda Ndabaneze.

sachant faire la part des choses. Selon Daphrose Nzoyiha, bénéficiaire de cette formation, un bon médiateur doit être impartial, il doit écouter attentivement les deux parties en conflits. «Il ne peut pas se permettre de favoriser une partie par rapport à une autre. Il doit être discret, intègre, pour gagner la confiance de tout le monde. Il écoute beaucoup et parle peu. Pour cette jeune femme leader, ce n’est pas à lui de juger ou de

réprimander. «Il doit aider les deux parties en désaccord à trouver ensemble une solution. Il ne faut surtout pas mettre en avant les intérêts des deux parties». Estella Manirambona de l’association «Twijukire ibikorwa» présente en commune Isare est parmi les jeunes filles bénéficiaires de cette formation visant à promouvoir et à renforcer le leadership féminin. Avant cette formation, témoigne-t-elle, la ligne de démarcation entre un

leader et un dirigeant, un médiateur et un juge n’est pas claire, je confonds tout. Pour le moment la différence est nette. «Maintenant, je peux concilier des gens en conflit ouvert ou latent». Mais pour l’instant, prometelle, je compte me consacrer aux jeunes filles comme moi : «Notre société ne nous considère pas encore comme des citoyens à part entière. Il y a de petites injustices par ici et par là. Je vais œuvrer pour l’épanouissement de la jeune fille, demander ou sensibiliser nos frères pour la promotion des droits de cette catégorie souvent oubliée». Pour les participants de la commune Kabarore, cette formation arrive à point nommé d’autant plus qu’elle va permettre aux leaders communautaires et aux médiateurs d’être bien outillés afin d’aider dans la résolution pacifique des conflits. «Cela va contribuer à faire diminuer les conflits sur les collines», a indiqué Pierre Nshimirimana de la colline Ruhororo, zone Jene. Abbas Mbazumutima Fabrice Manirakiza

A Kabarore, les leaders formés se sont engagés à être des artisans de la paix.

Témoignages • Daphrose Nintunze : «Mon cœur bat pour les femmes défavorisées »

E

n tant que membre du conseil communal, cette formation est une cure de jouvence pour moi, je m’engage à plaider pour les femmes. Notre société, avec tout le poids de la culture et tous les préjugés, les met à l’écart, derrière. Pour le moment, je compte faire entendre ma voix dans le conseil des sages auprès des hommes investis nota-

• Daphrose Nzoyiha : «Ma zone Kibuye compte désormais un autre leader» La formation est bénéfique pour moi et c’est surtout ma communauté qui va en bénéficier parce que je compte mettre en pratique tout ce qui m’est donné ici. Etre leader, c’est ne pas hésiter une seconde à prendre les devants, à dire non à toute forme d’injustice, de violence, à prêcher par l’exemple. Un bon leader est un visionnaire, il retrousse les manches et met la main

bles. Des fois, ils favorisent une partie par rapport à une autre en cas de litige. Et comme je suis la seule femme à siéger avec eux, je n’ose pas élever ma voix pour redresser la situation ou le tort. Désormais, je ne vais pas avoir peur de dire ce que je crois être la vérité. Il y va de ma crédibilité et de la confiance placée en moi comme élue locale.

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à la pâte pour que règne l’entente, la concorde sociale et l’harmonie. Etre leader, ce n’est pas donner des ordres comme un administratif ou un dirigeant. Etre leader, c’est veiller à la promotion de tout le monde, avec un accent particulier mis sur les groupes vulnérables, les oubliés, les défavorisés, les femmes que la société tente de reléguer au rang de citoyens de seconde zone.


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Violette Niyokwizera, est originaire

de la colline Rukere, zone Jene en commune Kabarore. Cette jeune femme est une référence dans sa communauté. Elle fabrique du jus de gingembre, du piment, du pain, elle possède aussi un restaurant. «Grâce à ces activités, j’ai déjà acheté plusieurs parcelles. J’ai même construit une maison.» Violette Niyokwizera emploie 6 jeunes à temps plein. Elle donne souvent du matériel scolaire à des jeunes écoliers qui l’aident dans de petits travaux comme puiser de l’eau ou la recherche du bois de chauffage. Pour elle, ces enseignements vont beaucoup l’aider. «Je vais rassembler d’autres jeunes afin d’initier d’autres projets de développement.» Elle exhorte les jeunes filles à ne pas se stigmatiser et de se constituer en associations. «Cela peut contribuer à atténuer les conflits dans la communauté.»

«Ces nouvelles connaissances vont beaucoup m’aider dans mon travail», assure Concilie Manibona , assistante sociale du CDFC en commune Kabarore. Dans son travail, indique-t-elle, elle fait face à des conflits sociaux à longueur de journée. «Parfois, c’est difficile d’aider les parties en conflit à trouver un terrain d’entente. Je viens de voir où corriger afin d’aider dans la résolution pacifique des conflits.» Concilie Manibona demande elle aussi aux autres femmes de former des associations. «Ça t’ouvre l’esprit et on apprend beaucoup de choses.» Lorsque les femmes restent

cloîtrées chez elles, souligne cette assistante sociale, elles subissent des violences conjugales sans savoir où se plaindre. «En côtoyant les autres femmes, elles sont mises au courant de leurs droits.» Pour cette jeune femme, les femmes doivent aussi participer dans les institutions. «Si elles ne se font pas élire, elles continueront à se lamenter qu’elles ne sont pas représentées alors que c’est leur faute.» Pour elle, il faut une forte sensibilisation de la part des femmes leaders à l’endroit des jeunes filles. Pour Concilie Manibona, son rêve est de devenir une femme leader confirmée, une référence pour les jeunes filles.

Janvière Niyonkuru est de la colline Rorero, zone Jene en commune Kabarore. Elle est secrétaire communale. Responsable des jeunes de la colline Rorero au sein de l’ONG Right to play, elle participe activement dans la consolidation de la paix à travers le sport. «Cette formation est une aubaine pour moi. Tous les jours, nous enseignons à nos jeunes la résolution pacifique des conflits mais il nous manquait quelque chose. Ces nouvelles connaissances viennent combler ce vide.» Cette jeune femme exhorte les autres femmes leaders à approcher les femmes et surtout les jeunes filles qui ont peur et qui pensent que seul un homme peut être un leader. «Elles doivent s’affirmer dans leurs communautés respectives et se constituer en associations. Ensemble, nous pouvons réaliser de belles choses.» A.M. F.M.

Miss Burundi

Les filles Twa, enfin dans la course Une compétition de miss exclusivement réservée aux filles Twa se prépare. L’objectif est d’élire trois filles de cette ethnie qui pourront enfin participer au concours miss Burundi.

M

iss Burundi est organisé depuis 2008. Sept éditions déjà, mais aucune candidate Twa », observe Félicien Minani Nsengiyumva, représentant légal de la fondation « Femidejabat », qui organise une compétition pour les filles twa. Pour cette fondation, il ne sera plus question que les « belles, gentilles et intelligentes » filles Twa passent à côté d’un titre « plein de bonnes opportunités ». Le souci majeur est de sensibiliser et encourager les filles Twa, qui s’auto- discriminent, à participer à ce genre de compétition. L’objectif global, d’après Isaac Bakanibona, président du comité de pilotage de la compétition, est d’élire trois filles Twa qui vont se représenter dans le concours national de beauté. Il précise que

Des filles twa qui ont déjà manifesté l’intérêt de participer à la compétition.

toutes les filles Twa qui le désirent ont le droit de s’inscrire dans le concours Miss Burundi. Mais seules les trois élues seront soutenues par la fondation. Les critères d’admission à cette compétition sont en général ceux du concours miss Burundi (âge, taille, état-civil, poids, etc.) Certaines spécificités des Twa seront aussi prises en compte, comme le souci de protéger l’environnement, la connaissance de la médecine traditionnelle, selon M. Bakanibona. « Les

Twa entretiennent une relation profonde avec la nature. Leur tradition d’utiliser la médecine traditionnelle, notamment des médicaments issus des feuilles de certains arbres, fait qu’ils luttent contre le déboisement ». Une fois élue miss Burundi, poursuit-il, la fille Twa devrait faire la promotion de ces valeurs.

Sortir de leurs cachettes Yvette Ndayipfukamiye, 24 ans, est l’une des filles Twa qui ont déjà manifesté l’intérêt de partici-

per à la compétition. « Nous allons désormais sortir de notre cachette. » La honte, la peur, le manque d’estime de soi… l’empêchaient de se comparer avec « ces filles belles, élancées ». Ainsi, cette lauréate des humanités, originaire de la province Bururi, ne pouvait pas oser participer au concours miss Burundi. Edwige Uwimana, 18 ans, rêve de porter loin les valeurs d’une fille Twa en participant à cette compétition. « Montrer que nous sommes des humains, belles et intelligentes,

comme toutes les autres filles.» Désormais, estiment ces probables prétendantes à « miss batwa », cette compétition va nous donner de la valeur et de la fierté. L’association Uniproba (Unissons-nous pour la promotion des batwa) parle d’une compétition importante qui mettra fin à l’auto-discrimination des filles Twa. Emmanuel Nengo, représentant légal de cette association, assure que l’ethnie Twa est méprisée depuis toujours : « Les Twa sont considérés comme des personnes incapables, sales, dénuées de toute intelligence…» Pour lui, cette compétition est une occasion en or pour les persuader qu’elles sont belles, intelligentes, capables d’être ambassadrices de la beauté burundaise. M.Nengo estime, de surcroît, que cette compétition fera découvrir à tous les Burundais l’existence dans la communauté Twa de filles belles, élégantes et intelligentes. Signalons que la date de la compétition n’est pas encore connue. Le comité organisateur attend la permission des autorités pour commencer les inscriptions. Clarisse Shaka

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Au coin du feu

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Avec

Léonce Ngendakumana

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Léonce Ngendakumana

V

otre beau souvenir?

C’est mon retour d’exil. J’ai eu la joie de retrouver mon pays, mes parents, mes frères et sœurs, mes amis et mes connaissances.

Le pays où vous aimeriez vivre?

cette auguste institution dans leur diversité, c’est-à-dire les députés et les fonctionnaires.

Le Burundi. Je ne sais pas pourquoi. Seulement, chaque fois que je suis à l’extérieur du pays, je sens la nostalgie de ma patrie.

Ce que vous regrettez d’avoir échoué? J’avoue que je n’ai pas pu faire voter les lois qui protègent réellement la population. Je n’ai pas été en mesure de faire contrôler réellement l’action du Gouvernement

Votre plus triste souvenir? La comparution illégale devant le procureur général de la République avec comme chef d’accusation «génocide des Tutsi en 1993». Quel serait votre plus grand malheur? Revivre les tragédies comme celles des années 1972, 1988, 1993, 2015 Le plus haut fait de l’histoire burundaise? L’indépendance du Burundi, le 1er juillet 1962

Le voyage que vous aimeriez faire? Un voyage touristique, un voyage relaxe comme la visite des amis et des connaissances.

Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme?

Votre rêve de bonheur? Oui, l’homme est naturellement bon, c’est l’environnement dans lequel il vit qui le rend ce qu’il est.

Revoir les Hutu, les Tutsi et les twa, main dans la main, en train de partager ensemble des heures et des moments agréables.

Pensez-vous à la mort?

Votre plat préféré?

Oui. Sinon, je ne penserai pas à la vie non plus!

Mélange des haricots frais et du manioc cuits à l’huile de palme.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous?

Votre chanson préférée? La plus belle date de l’histoire du Burundi? C’est celle de la signature de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, le 28 août 2000. La plus terrible?

« Amosozi y’urukundo », chantée par David Nikiza, alias NIKIDEV Quelle radio écoutez-vous? J’aime écouter la Radio France Internationale, RFI. Votre souvenir du 1er juin 1993?

Le 21 octobre1993, date à laquelle le premier président de la République du Burundi démocratiquement élu a été sauvagement assassiné ainsi que ses proches collaborateurs.

C’est la réapparition d’un Hutu sur la scène politique et institutionnelle.

Le métier que vous auriez aimé faire

Votre définition de l’indépendance?

Le métier d’enseignant. Pour partager mes connaissances avec le maximum de citoyens burundais et contribuer à la valorisation de ce secteur.

La dignité, la liberté et le droit à la parole du peuple burundais.

Votre passe-temps préféré?

Votre définition de la démocratie?

J’aime échanger et débattre avec les amis et connaissances.

Un système politique où les institutions et leurs dirigeants respectent le peuple, seul détenteur du pouvoir.

Votre lieu préféré au Burundi?

Votre définition de la justice?

J’aime Bujumbura. C’est un lieu où il fait beau vivre.

Un ensemble des lois, des règles et des conventions qui assurent

la protection de tous les citoyens, indépendamment de leurs diversités.

Que pensez-vous avoir réussi durant votre présence à la tête de l’Assemblée Nationale?

Si vous étiez président de la République, quelles seraient vos deux premières mesures?

J’ai beaucoup contribué à sauvegarder l’unité et la cohésion des diverses composantes de

La chose la plus urgente à faire serait la suppression de l’actuelle Constitution de la République du Burundi et la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Ensuite, je m’adonnerais à la réhabilitation du système éducatif burundais. Si vous redeveniez président de l’Assemblée Nationale , quelles seraient vos deux premières mesures ? Je ferais de l’Assemblée nationale un véritable centre de débats contradictoires par la suppression de toutes les lois qui bloquent son action. Particulièrement la loi qui contraint un député à un mandat impératif. Je ferais aussi du député un véritable représentant et défenseur des intérêts du peuple burundais qui l’a mandaté.

Je lui dirai tout simplement de me pardonner pour les nombreuses erreurs et fautes que j’ai commises sur cette terre. Propos recueillis par Léandre Sikuyavuga

Bio express

L

éonce Ngendakumana est né le 10 avril 1958 en commune Isare, province de Bujumbura. Il a connu une jeunesse et une scolarité jalonnées de difficultés. Déjà à l’âge de 15 ans, en 1973, juste après l’école primaire à Rushubi, il a pris fuite au Rwanda où il a fait tout l’enseignement secondaire. Il est retourné au pays natal en septembre 1981 pour poursuivre les études universitaires, de 1984 à 1989, dans un environnement « qui n’était pas du tout favorable. » Il est nommé assistant à l’université du Burundi(ISA) où il exerce ses fonctions de février 1990 à juin 1993. Politiquement, le fils d’Isare a occupé plusieurs postes.

De juin 1993 jusqu’en 2010, il a été député à l’Assemblée Nationale du Burundi. De 1995 jusqu’en 2002, il a exercé les fonctions de président de la même Assemblée. Il a été membre de la Commission de Suivi de l’application de l’Accord d’Arusha et de son Comité exécutif de 2002 à 2005. Monsieur Ngendakumana a été président du parti Sahwanya Frodebu pendant 11ans, secrétaire général du Parti pendant 8 ans. Il en est vice-président du depuis juillet 2016. En décembre 1996, il a reçu au siège des Nations Unies à New York, la première Distinction honorifique pour la défense de la Démocratie au Burundi.


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ÉDUCATION

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Gitega/Mutaho

Ecole de l’Espoir de Nyangungu, un modèle d’inclusion scolaire Fondée en 2001 pour venir à bout de la discrimination sociale dont les Twa sont objet, cette école est désormais un exemple dans leur intégration scolaire. Grâce à un système de cantine bien «particulier », leur taux d’abandon scolaire est nul.

A

ires de jeu bien spacieuses, salles de classes et sanitaires toutes aérées et propres ... A première vue, l’on se croirait dans les enceintes de ces lycées huppés de Bujumbura. Tellement tout est bien ordonné. Les élèves dans leurs uniformes jaunes-verts n’ont rien de ces enfants, dont les parents doivent se démener pour avoir de quoi mettre sous la dent. Dans cette matinée du lundi 11 février, malgré un froid de canard, aucun élève ne s’est absenté. Même les petits de la gardienne ont bravé le froid. «Pour une école essentiellement fréquentée par les élèves d’ethnie Twa, c’est un scénario difficile à imaginer, il y a quelques années », se félicite Béatrice Munezero, coordonnatrice générale de l’école. Avec un effectif total de 515 élèves, dont 266 élèves Twa, cette école se trouvant dans la commune Mutaho, colline Nyangungu (au bord de la Ruvubu sur la frontière entre les provinces Gitega et Ngozi), est une référence dans l’inclusion scolaire des enfants Twa. Pourtant, à sa fondation en 2001, c’est un challenge que bon de ses responsables ne pensaient pas relever. « L’idée, avant tout, c’était qu’ils ne se sentent plus discriminés. Désormais, à l’instar de leurs voisins Tutsi et Hutu, ils comprennent le bien-fondé de l’école ». Pour les intéresser, raconte-t-elle, nous leur avons donné au début des gages. Entre autres, acheter des parcelles pour eux, leur monter de petits projets générateurs de revenus. « Des revendications fondées parce qu’il fallait qu’ils vivent des métiers autres que la poterie ». Un pari que mènera à bien l’Union chrétienne pour le développement des déshérités(UCDD). Le contrat rempli, il ne restait que s’atteler à la scolarisation de leurs enfants.

écoute, ils nous ont révèlent que c’est à cause de la faim qu’ils abandonnent l’école ». De là naîtra l’idée de les nourrir à l’école. L’UCDD, appuyée par le comité canadien des mennonites, mettra en place les cantines scolaires. Une politique qui ne tarde pas à produire les effets escomptés. Depuis deux ans, tous les jours, à 10h, les élèves reçoivent du pain, de la bouillie et de la viande de poulet. Une collation qui s’est avérée utile. « Depuis, le taux d’abandon scolaire a chuté à zéro et l’absentéisme n’est plus d’actualité », témoigne Léa, une enseignante. Toutefois, une situation inimaginable, il y a deux ans. Elle fait savoir que le taux d’abandon scolaire, au cours de l’année scolaire 2015/16, oscillait entre 10-11%, tandis que celui de l’absentéisme était de 10%. Et de révéler : « Grâce à l’encadrement des agents communautaires, les filles sont très soucieuses de leur hygiène corporelle et les grossesses précoces ont considérablement diminué.» Une initiative saluée par les parents. En témoigne, Salvator Bicokwe. D’ethnie Twa, ce père de 5 enfants, dont une fille en classe terminale, rêve grand. « En plus de 50 ans, notre famille comptera enfin une diplômée des humanités générales ».D’une autre côté, estime Gérard Bitariho, outre que cette école ait permis l’inclusion sociale des Batwa, sa proximité avec le village, a permis aux enfants des autres ethnies de retrouver le chemin de

Grâce aux cantines, le taux d’abandons scolaires a été réduit à zéro

l’école. « Dorénavant, ils n’ont pas à parcourir de longues distances ».

Des lendemains qui chantent, pour autant? Cette année, les lauréats des humanités générales et les parents n’ont qu’un vœu : avoir dans la localité une université ou un institut technique. Selon l’UCDD, cela permettrait aux enfants de poursuivre leur cursus académique, toutefois, une initiative qui demande un autre investissement. Hormis la construction de nouveaux bâtiments, Innocent Mahwikizi, coordonnateur national de l’UCDD, indique qu’il faudrait trouver un autre bailleur pour payer les salaires des professeurs. L’adduction en eau potable et l’électrification de la localité de

Béatrice Munezero : « L'idée, avant tout, c›était qu’ils ne se sentent plus discriminés »

Nyangungu sont les autres doléances des responsables de l’école. Une urgence, estime M. Mahwikizi car, dans la plupart des cas,

Objectif: la réussite pour tous « Qu’ils furent difficiles leurs premiers pas à l’école », se remémore-t-elle. Confrontés sans cesse à une recrudescence du taux d’abandon scolaire, les enseignants ne savaient plus à quel saint se vouer. « Mais à force d’être constamment à leur

La construction de nouveaux locaux a déjà débuté

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les élèves sont privés des séances d’initiation à l’informatique. De surcroît, ils sont exposés aux maladies des mains sales. « Des questions qui, d’ici peu de jours, auront une réponse afférente », tranquillise Denis Niyomushobozi, administrateur de la commune Mutaho. Concernant l’adduction d’eau, il indique qu’une pompe est déjà installée. Seul reste le raccordement de tuyaux. « Quant à l’électricité, une fois l’installation de pylônes terminée, l’école sera électrifiée ». Alors que dans un proche avenir la direction de l’école pense s’agrandir, sa responsable demande l’appui du gouvernement : « Ne fût-ce que nous octroyer le matériel didactique ». Bien qu’on soit une école privée, conclut-elle, on œuvre pour un même idéal, celui d’éduquer la jeunesse, le Burundi de demain. Hervé Mugisha


ENVIRONNEMENT

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Parc National de la Ruvubu

Des millions de BIF ‘’enfouis’’ dans la Ruvubu Avec un coût de 400 millions de BIF, les travaux d’aménagement d’un Camping Lodge dans le Parc National de la Ruvubu sont au point mort depuis déjà six ans. Aujourd’hui, il est dans un état pitoyable.

A

une dizaine de kilomètres de l’entrée principale du Parc, vers Cankuzo, une petite pancarte. « Bienvenue au Camping Lodge, à 250 m », oriente-t-elle. Une petite route, visiblement moins fréquentée, y prend source. De loin, environ à une centaine de mètres, on voit des toitures des gigantesques paillotes. Pour y arriver, on fait une déviation. Mais, il faut être courageux, patient. On patauge. On se faufile dans de hautes herbes qui ont conquis cette petite route glissante et boueuse. On hésite. On se sent perdu, embarrassé. On est tenté de rebrousser chemin. Mais, des sauts des singes, des babouins, d’un arbre à un arbre, d’une branche à une autre ; des chants d’oiseaux, des buffles fuyant les vrombissements de moteur, … donnent envie de continuer. Des scènes agréables à admirer pour les amis de la nature. Néanmoins, à 250 m de marche, c’est la déception. Le Camping Lodge n’en est pas un. Juste onze grandes paillotes, inachevées et délaissées. Aucun mouvement. Aucun visiteur. Rien de spécial. « Les travaux se sont arrêtés au mois d’octobre 2013. Deux ans après le début », déplore Martin Mugende, le plus ancien vielleur de cet endroit. Cinq ans après, la reprise n’est pas encore là. Et d’indiquer qu’il s’agit d’un projet du ministère du commerce à travers son Office national du tourisme (ONT). « Le coût de tous les travaux est de 400 millions BIF.» Construites en bois, planches et couvertes de pailles, les dimensions de ces infrastructures sont inégales. Certaines toitures sont déjà détruites, d’autres en partie. On y trouve des restes du matériel de construction tel le sable, les briques cuites, des planches, … Tout est délaissé. On y trouve un robinet d’eau desséché, un bloc de latrines abandonné. Des herbes ont rapidement conquis le terrain. En plein parc, des mouches, des moustiques, … y grouillent. Un espace qui était

Une des paillotes du Camping Lodge du Parc National de la Ruvubu en état de délabrement

réservé à une piscine est déjà occupé par des herbes touffues. Pas de clôture.

Les veilleurs remontés Deux hommes assurent la sécurité du lieu. « Nous sommes très malheureux. Nous ne savons plus à quel saint nous vouer », lâche Virgin Nkurunziza, croisé sur place. « 41 mois viennent de s’écouler sans être payés », se lamente-til, d’une voix pleine d’émotions. Aujourd’hui, ce père de six enfants se sent désarmé. « La date du dernier paiement est le 10 juillet 2015 », précise Martin Mugende, le plus ancien de ce site. A cette date, après plusieurs promesses non-tenues, on leur

a payé douze mois d’un coup. Actuellement, ils affirment que l’Etat leur doit 9.840.000BIF. « Nous touchons un salaire de 120 mille BIF par mois.» Ici, ils pointent du doigt l’Office National du Tourisme (ONT). Une situation qui rend leur vie intenable. « Nos enfants, nos familles meurent de faim alors que nous nous sacrifions pour protéger des biens publics », confie Virgin Nkurunziza. Avant d’ajouter : « Aujourd’hui, j’ai vraiment honte de rentrer à la maison. C’est très choquant de voir mes enfants dormir ventre vide.» Larmes aux yeux, il signale que tous ses quatre enfants ont déjà abandonné l’école. Et ce, à cause du manque du matériel scolaire

et de la faim. De son côté, M. Mugende indique que tous ses enfants ont également abandonné l’école. « Je n’ai rien à dire devant ma famille. On me prend pour un menteur. » Ces deux hommes travaillent dans des conditions très difficiles. « Nous devons protéger ces infrastructures publiques jour et nuit contre les animaux et les riverains », confie-t-il. Comme la société qui exécutait les travaux est partie sans payer les fournisseurs des planches, du matériel de construction, … ces derniers tentent souvent de mettre le feu à ces paillotes. « En guise de démonstration de leur mécontentement, ils ont d’ailleurs déjà volé et détruit les tuyaux destinés

à alimenter cet endroit en eau. » Epuisés, démoralisés, M. Nkurunziza signale qu’ils ont tenté même d’abandonner ce travail. « Pour nous contraindre à rester ici, on nous a menacé d’emprisonnement.» Et de demander l’intervention du président de la République du Burundi : « Nous lui demandons de plaider pour nous. Que l’Etat nous paie notre argent. Nos familles sont en train de mourir de faim.» Les deux veilleurs sont convaincus qu’il est le seul à débloquer leur situation. Car, justifient-ils, des cadres du ministère du Commerce, ceux de l’ONT, le 2ème vice-président de la République sont passés par là, et ont été informés de la situation. « Mais, la solution se fait toujours attendre.» De son côté, Marc Bakundintwari, responsable du parc, affirme qu’il y a un projet de construire un hôtel dans ce patrimoine naturel. « Malheureusement, les moyens n’ont pas été suffisants pour achever la construction. » Néanmoins, se référant aux promesses du ministère du Commerce, il rassure que les travaux peuvent reprendre d’un moment à l’autre. Il espère également que ces veilleurs seront payés. Contacté, Léonidas Habonimana, directeur général de l’ONT a, pour sa part, signalé que cette question est traitée au niveau du cabinet du ministère du Commerce. Nous avons essayé d’avoir leur réaction, en vain. Rénovat Ndabashinze

Virgin Nkurunziza: « 41 mois viennent de s’écouler sans être payés »

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ENVIRONNEMENT

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Les braconniers ne désarment pas M

algré nos efforts, les sensibilisations, le braconnage existe encore. Et ces derniers mois, les braconniers se montrent de plus en plus menaçants », témoigne Balthazar Kanyarushatsi, un guide et éco-garde au Parc National de la Ruvubu. Originaires de la Tanzanie ou des communes riveraines du parc, ils adoptent de nouvelles tactiques. « Aujourd’hui, ils viennent en groupes armés de lances, de machettes, etc ». Ils tendent des pièges avec des objets métalliques, raconte-t-il, ou ils placent une sorte de filets en fils barbelés. « Après avoir installé leurs pièges, des rabatteurs dirigent les animaux vers les filets ». Manifestement, vu la fréquence de ces cas, ce guide pense que ces braconniers cherchent à intimider les éco-gardes. Et de souligner que depuis octobre 2018, quatre gardiens ont été blessés. Cas d’un certain Gilbert de Mwakiro, à Muyinga : « Il a été touché par une lance au niveau de la cuisse. » Trois autres ont été blessés à la machette soit au niveau du bras, de la tête ou des doigts.

La pauvreté et l’insuffisance du personnel Pour sa part, Marc Bakundintwari, responsable du parc, trouve également cette recrudescence du braconnage inquiétante. Une situation liée à la pauvreté des familles riveraines. « Certains riverains n’ont pas encore renoncé à cette pratique. Sans moyens pour se procurer de la viande, ils s’attaquent aux animaux du parc. » Pour lui, ces riverains vulnérables ont besoin d’un soutien financier pour entreprendre des activités génératrices de revenus. En outre, le personnel est peu nombreux et moins équipé. Pour une superficie de plus de 50 mille ha, M. Bakundintwari indique qu’ils sont seulement 60, y compris les cadres. Pire encore, ils sont majoritairement vieux. « Or, le travail d’ici demande de la force. » Des moyens de déplacement,

Vue partielle du Parc National de la Ruvubu.

des imperméables, etc font également défaut pour mieux surveiller ce patrimoine naturel. Pour rappel, en 2011, le PNUD (Programme des Nations-Unies pour le développement) a fourni plusieurs équipements destinés à renforcer la sécurité et la protection du Parc (panneaux de signalisation, guérites, paillottes d’observation, bicyclettes, uniformes lampes torches, radios de communication, mégaphones, etc.

Le combat n’est pas encore perdu Malgré cette recrudescence du braconnage, M. Bakundintwari signale que l’OBPE et les éco-gardes se battent quotidiennement pour y faire face. Et de mentionner que des groupements environnementaux ont été créés sur toutes les collines riveraines. « Ils nous aident dans la protection du parc.» Il évoque aussi la mise en place des clubs d’environnement dans les écoles secondaires. « Notre vision étant d'inculquer

Marc Bakundintwari : « Certains riverains n’ont pas encore renoncé au braconnage. »

les notions de protection de l’environnement aux jeunes âges.» Il apprécie également que la justice est de plus en plus sensible à

cette question. Et les patrouilles sont désormais opérées jour et nuit. Des actions qui ont d’ailleurs

déjà porté des fruits. « Certains anciens braconniers ont remis leurs matériels et se sont convertis en protecteurs. » Pour être plus efficace, il suggère de recruter des jeunes écogardes et de les équiper en fusils et autres matériels. « Il est très risqué et dangereux de s’opposer avec des bâtons aux braconniers armés des flèches, de lances et de machettes ». Et de rappeler qu’avant le programme de désarmement, les éco-gardes étaient armés. Ce qui est d’ailleurs une pratique dans d’autres pays. En attendant, Balthazar Kanyarushatsi propose la mise en place d’une police de l’environnement. R.N.

Encadré Institué par le décret du 3 mars 1980, le Parc national de la Ruvubu est la plus grande aire protégée du Burundi. Sa superficie actuelle est de 50.800 ha. La rivière Ruvubu, son éponyme est la plus longue du Burundi avec 280 km. Elle parcourt ce parc sur environ 65 km. S’étendant sur huit communes des provinces Muyinga, Cankuzo, Ruyigi et Karusi, le parc abrite une faune variée

et visible. Des hippopotames, les buffles, différentes espèces d’antilopes, des oiseaux, chacals, des sangliers, les tigres, etc. En tout, 44 espèces de mammifères, 421 espèces d’oiseaux et 14 espèces de poissons selon Marc Murengerantwari, son responsable.

R.N.

Annonce

N/Réf. : ON/018/2019

COMMUNICATION OFFICIELLE L’organisation non gouvernementale Oxfam souhaite informer le public que des informations fausses concernant les possibilités d’emploi disponibles chez Oxfam GB circulent sur différents réseaux sociaux. La direction d’Oxfam déclare que ces communications ne proviennent en aucun cas d’Oxfam et avertit le public de n’engager aucun dialogue avec les contacts mentionnés dans la communication.

Les véritables offres d’emploi d’Oxfam au Burundi sont toujours publiées dans des médias et des journaux autorisés au Burundi et contiennent un numéro de référence officiel d’Oxfam. Au nom d’Oxfam Michael Borter Directeur Pays et Représentant Légal

OFFICIAL COMMUNICATION The Non-Governmental Organisation Oxfam, wants to inform the public of false information regarding open job opportunities at Oxfam GB, that circulate on different social media sources. The management of Oxfam declare that these communications are not from Oxfam in any way and warns the public to not engage or react to the contacts mentioned in the communication.

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Genuine Job Opportunities for Oxfam in Burundi are always published in authorized media and newspapers containing an official Oxfam reference number. On behalf of Oxfam Michael Borter Country Director and Legal Representative


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega

Plus de 4 300 cas d’abandons scolaires dans un seul trimestre L’enseignement fondamental est frappé à Gitega par un taux d’abandons très inquiétant. La pauvreté en serait la principale cause. De notre correspondant Jean-Noël Manirakiza

C

’est surtout dans la campagne, réservoir d’une main d’œuvre pour les villes, que la situation est plus inquiétante. D’après les parents interviewés dans certaines communes, l’enseignement fondamental est très coûteux aujourd’hui. « Avant, c’était facile. Aujourd’hui, les directeurs des écoles et les comités des parents exigent des montants à payer pour tels ou tels travaux. Le comble c’est que nous ne sommes pas souvent consultés », regrette Balthazar de Bwoga. Ce dernier affirme avoir laissé seulement sur le banc de l’école ses deux enfants encore mineurs. Pour ce père de 8 enfants, le plus dur c’est de payer les contributions de l’école à chaque rentrée scolaire. « Aujourd’hui, c’est la construction des salles de classe. Demain, c’est l’achat

Région Sud

des manuels scolaires, etc.» Même son de cloche chez Isabelle, une mère célibataire de trois enfants. D’après elle, les directeurs des écoles contournent la mesure de gratuité de l’enseignement pour soutirer de l’argent aux parents des enfants. « Si tu n’es pas capable d’avoir au moins 50 mille francs par mois, il est difficile de suivre le rythme », a-t-elle souligné. Pour certains, les familles pauvres ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école par manque d’argent. En plus de ces contributions qu’ils payent, les cours du soir ajoutent le drame au drame. La rareté des matériels pédagogiques, notamment les manuels scolaires, constitue un autre handicap. « Avant, je croyais que chercher un enseignant pour aider l’enfant le soir était propre aux citadins. Actuellement, un enfant qui ne bénéficie pas des cours du soir est incapable de lire même ce qui est écrit sur sa carte de baptême », indique Lucien.

Ecoliers revenant de l’école

Des chiffres inquiétants Selon les rapports des directeurs des écoles à la Direction provinciale de l’enseignement (DPE) à Gitega, les écoles publiques sont très visées par un taux très élevé. Dans plusieurs écoles, on assiste aux abandons volontaires et involontaires. Tandis que pour d’autres, il y a un manque de motivation. « Plusieurs jeunes préfèrent travailler et se faire de l’argent au lieu de poursuivre les études.» Il y a également d’autres parents qui forcent les enfants à abandon-

ner l’école pour les appuyer dans les travaux ménagers ou en les envoyant à la recherche du pain. 4 313 abandons au fondamental et 299 au post fondamental sont enregistrés depuis le début de cette année scolaire. Beaucoup d’entre eux viennent grossir les rangs des domestiques et des petits vendeurs ambulants dans la ville de Gitega. On trouve les autres sur des chantiers de construction moyennant un petit salaire journalier. « Pourquoi étudier alors que les diplômes ne valent rien ? J’engagerai moi aussi celui que j’ai

laissé à l’école », souligne Albert un vendeur ambulant des beignets. Même dans les quartiers populaires de la ville de Gitega, le ton est le même. Pour eux, étudier est une perte de temps. « Vaut mieux savoir manier la clé de roue au lieu d’user ta culotte sur le banc d’école » explique Abdallah, un aide-mécanicien du quartier Nyamugari. Dans ce sauve qui peut, les filles ne sont pas épargnées du tout. Selon une maman rencontrée au quartier Magarama, les jeunes filles sont employées comme domestiques et finissent dans la débauche.

Nyanza-lac

Plus de 800 Burundais rentrent d’exil En provenance du camp des réfugiés de Nyarugusu en Tanzanie, ils ont été accueillis à Mugina en commune de Mabanda à la frontière burundotanzanienne, mardi 12 février dans l’après-midi. Ils sont tous originaires de la commune de Nyanza-lac. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

A

u total, ils sont 879, composés de 390 hommes et 489 femmes. Ils avaient fui la crise de 2015. La majorité de ces rapatriés sont originaires des zones de Kabonga, Kazirabageni et Muyange de la commune de Nyanza-Lac. Certains indiquent avoir décidé de rentrer après plusieurs hésitations. Selon eux, dans le camp il y a trop de rumeurs qui découragent les réfugiés à rentrer dans leur pays. C’est sur information des amis, des voisins et des parentés qu’ils ont décidé de regagner le bercail. Malgré la joie qui se lisait sur le visage à leur arrivée au Burundi , certains évoquent des problèmes

de réintégration qui les attendent sur leurs collines. Notamment le manque de logement-leurs maisons étant détruites car inoccupées-, la scolarisation de leurs enfants, l’accès aux soins de santé ainsi que le manque de semence. Un jeune homme semble ne pas être rassuré par la bonne cohabitation entre lui et d’autres jeunes qui sont restés sur la colline qui se méfiaient avant son départ à cause des convictions politiques divergentes. Il demande aux autorités administratives de suivre de près les rapatriés pour essayer de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés surtout à leur arrivée. Ces rapatriés demandent au HCR de les transporter ainsi que leurs biens jusqu’au niveau des chefs-lieux de leurs zones respectives. Un activiste des droits de l’homme à

Vue partielle du village de Nyabigina où la plupart de gens se sont réfugiés en Tanzanie pendant la crise de 2015

Nyanza-lac signale que certains rapatriés ont un contentieux lié aux conflits fonciers.

« Leurs biens ont été bien gardés » Une autorité administrative dans cette commune de Nyanzalac indique que les biens de ces rapatriés dont les propriétés foncières, les maisons et autres biens ont été bien gardés. « Les autorités administratives ont reçu un ordre formel de veiller à la

sécurité des biens des personnes qui ont fui la crise de 2015. » Cette autorité souligne que la population a été préparée et sensibilisée pour mieux accueillir sur leurs collines ces nouveaux rapatriés. D’après cette autorité, les questions liées à la scolarisation de leurs enfants ainsi que l’accès à la santé ne vont pas se poser car sur chaque colline il y a une école et dans chaque zone il y au moins un centre de santé. Cette autorité lance un appel à d’autres réfugiés

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ressortissant de la commune de Nyanza-lac à regagner le bercail afin de construire et développer leur commune. Certains responsables des associations de la société civile souhaitent que les différents partenaires puissent soutenir la commune de Nyanza-lac surtout dans le domaine de l’habitat, de l’enseignement, de la santé et de l’agriculture et la consolidation de la réconciliation et de la paix.


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ANNONCES

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ASSOCIATION DES INDUSTRIELS DU BURUNDI(AIB) AVIS D’APPEL D’OFFRE POUR UNE AGENCE EVENEMENTIELLE L’Association des Industriels du Burundi, AIB en sigle, est l’une des anciennes associations professionnelles du secteur privé au Burundi. Elle œuvre au profit des entreprises industrielles depuis 1999. Depuis sa création, ses actions ont été nombreuses et structurantes, axées autour d’une même volonté visant à contribuer à l’amélioration du climat des affaires, à la promotion de la production manufacturière et à la promotion des exportations. Accompagner, représenter, conseiller, plaidoirie, informer sont les axes centraux du programme développé par l’AIB à travers ses missions quotidiennes pour soutenir et renforcer ses actions auprès des chefs d’entreprises industrielles. L’une des activités principales de l’AIB consiste en l’organisation d’un Salon Industriel chaque année, événement qui vise la

promotion des produits locaux et régionaux et l’encouragement des échanges intra-communautaires, C’est dans le cadre de l’organisation de la seconde édition du Salon Industriel qui se tiendra à Bujumbura en date du 13 au 15 juin 2019, que l’AIB souhaite recruter une Agence Evénementielle chargée d’organiser le dit Salon. Les Agences intéressées par cet avis d’appel d’offre peuvent retirer gratuitement les termes de références disponibles au siège de l’AIB, sis avenue de la Mission N°23B2, Tél. 22278140, du Lundi au vendredi à partir de 08h00 jusqu’à 17h00. Les offres sont à soumettre au siège de l’AIB, sis avenue de la Mission N°23B2. La date limite de soumission de vos offres est fixée au 27/02/2019 à 12h00.

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