IWACU 509

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IWACU N°509 – Vendredi 14 décembre 2018 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Le tacle

DROITS DE L’HOMME Fermeture du bureau onusien des droits de l’Homme

AU COIN DU FEU

SOCIÉTÉ P.6

Interview exclusive avec le président de l’UNIPROBA

P.7

avec avec Marie Louise Baricako

P.17


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 14 décembre 2018 - n°509

En coulisse

Sur le vif

En hausse

Evaluation des performances des communes

Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

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epuis un certain temps, Bujumbura accuse, condamne Kigali. En revanche, Kigali a toujours nié toute implication dans la crise d’un pays voisin, le Burundi. Jusque-là, cela s’exprimait au travers des marchemanifestations et autres expressions à Bujumbura et ailleurs dans des rencontres diplomatiques. Ainsi, la brouille diplomatique semblait moins grave et, peut-être, passagère. Ce n’est qu’à partir d’une lettre officielle que le président Pierre Nkurunziza a écrite au médiateur dans le conflit inter- burundais et président de l’Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni, que l’on a commencé à mesurer l’ampleur du conflit. Dans cette lettre, l’auteur accuse ouvertement le Rwanda d’abriter les putschistes qui ont tenté de renverser les institutions, le 13 mai 2015, d’être la base arrière des groupes qui attaquent et déstabilisent le Burundi, depuis cette époque. Il formule aussi des vœux de voir s’organiser un sommet extraordinaire de l’EAC au cours duquel ce « conflit ouvert » avec Kigali pourrait être exposé et réglé. Tout en refusant de dialoguer avec les putschistes. Une vidéo récente montre le président Kagame en tenue militaire, tout un symbole, moralisant ses troupes. Il leur dit que malgré les ‘on dit’ sur le Rwanda, il ne se laisse pas emporter par les provocations mais qu’il attend que l’ennemi franchisse le Rubicon. Apparemment, chacun des deux pays perçoit mal les intentions de l’autre. Ou bien les exagère. Dans l’histoire des pays voisins, les relations ne sont pas toujours au beau fixe. L’histoire nous apprend que les confrontations guerrières ont souvent été précédées par les confrontations verbales. La guerre peut se définir comme l’échec des échanges diplomatiques. Dans la lettre adressée au président Nkurunziza, le médiateur dans la crise burundaise promet que des questions soulevées par Bujumbura seront abordées, lors du sommet des chefs d’Etat de l’EAC prévu le 27 décembre prochain. Espérons que la question qui crée cette tension entre les deux « cousins » sera bien traitée et trouvera une issue favorable. Pour le bien de nos peuples, la stabilité et le développement de toute l’EAC.

Un 1er Forum national des jeunes vivant avec le VIH C’est une première au Burundi. Du 18 au 20 décembre 2018, à l’Hôtel Royal Palace, se tient un Forum national des jeunes vivant avec le VIH. Cet événement est organisé par le réseau national des jeunes vivant avec le VIH (RNJ). Il aura pour thème « Les jeunes et adolescents vivant avec le VIH, des personnes comme les autres ». Toutes les communes du Burundi seront représentées par un participant.

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Bujumbura vs Kigali : Quand les mots attirent les maux

Les communes de Bukirasazi, Buraza, Rumonge, Rugazi et de Ngozi sont en tête du classement des performances des communes. Ce classement a été rendu public, lors de la rencontre du président de la République avec tous les gouverneurs provinciaux, mardi 11 décembre, à Bukeye en province de Muramvya. Le chef de l’Etat leur a promis un appui du gouvernement dans leurs activités. Les communes de Giharo, Bukeye, Mugogomanga, Kiganda et de Mbuye occupent les cinq dernières places du classement.

L’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE),

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our sa médaille d’or du prix « ClearingHouse Mechanism » (CHM), lors de la conférence des Nations unies sur la biodiversité, tenue en date du 25 novembre 2018, à Sharm El Sheik, en Egypte

En baisse

Commune de Mbuye, en province de Muramvya,

Bientôt une prime d’éloignement pour les enseignants Le Conseil des ministres du mercredi 12 décembre a examiné un projet de décret portant institution d’une prime d’éloignement pour les enseignants du fondamental, du postfondamental et du professionnel. Puis une équipe a été mise sur pied pour l’approfondir durant une période de deux mois.

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our avoir été classée dernière, avec une note de 33,33%, après l’évaluation des performances des communes du Burundi, édition 2018.

Un chiffre

Image de la semaine

5.689.480 est le nombre de caféiers plantés au cours de l’année 2018 par le Projet d’appui à la compétitivité du secteur café

Source : PACSC Une pensée

Prime Nduwimana (en vert) , l’officier de police qui assassiné sa femme a été condamné à la prison perpétuité, vendredi 7 décembre 2018 ,par le Parquet général près la Cour d’appel.

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« Respecter ça ne veut pas dire adhérer. Ça veut dire : plutôt que de perdre son temps dans un bras de fer (j’ai raison, tu as tort), essayons de trouver un terrain commun. Une relation de soin, ce n’est pas un rapport de force. » Martin Winckler


L'ÉVÉNEMENT

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Museveni fait la leçon à Nkurunziza

«

M7 », comme on l’appelle souvent a vraiment pris son temps. Dans une longue lettre de cinq pages, Museveni fait un véritable réquisitoire sur le comportement de son homologue burundais. Le patron de l’EAC hausse le ton, convoque l’histoire et se fait même donneur de leçons. Une pique de taille. Le président ougandais, comme pour dire au président Nkurunziza de faire preuve de plus de modestie, lui dit sans détour : « Votre mouvement rebelle n’a pas assiégé le pays ». En termes moins diplomatiques, « Vous n’avez pas gagné la guerre ». Museveni rappelle alors tous les efforts de la Communauté est africaine pour le règlement du conflit burundais qui ont abouti à la signature de l’Accord d’Arusha. Le président ougandais sait qu’il joue gros et que la crédibilité de l’EAC est en jeu si jamais l’Accord d’Arusha vole en éclat. « Si ça se passe ainsi, qui va prendre les garanties de la région au sérieux dans l’avenir ? » s’interroge-t-il.

Le vieux lutteur donne aussi une leçon de stratégie au président burundais qui refuse de « s’asseoir avec les putschistes ». Oui, dit l’Ougandais, s’asseoir avec les putschistes est possible et nécessaire. « Il faut se battre quand c’est nécessaire et négocier quand c’est nécessaire ». C’est donc un véritable changement de ton d’un médiateur que l’opposition burundaise avait toujours jugé conciliant, voire complice de Nkurunziza. Un virage à 360 degrés, le fruit peut-être de plusieurs humiliations. Bujumbura a boycotté le 5ème round du dialogue au mois d’octobre. On se souviendra de l’image du facilitateur Benjamin Mkapa qui repart penaud, défait. Un mois plus tard, rebelote. Bujumbura ignore encore l’invitation du patron de l’EAC au sommet des chefs d’Etat de la région. Les trois présidents du Kenya, Tanzanie et de l’Ouganda font le déplacement à Arusha. Faute de quorum, le sommet est annulé. Une correspondance du pré-

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Le président ougandais juge incorrecte la manière de Bujumbura de s’imposer en juge et partie dans la crise que traverse le Burundi. Une lettre très directe, mais qui ne ferme pas la porte au président

Museveni demande à Nkurunziza de ne pas écarter l’EAC dans la gestion de la crise

sident Nkurunziza en rajoute une couche. Il s’insurge contre le rapport du facilitateur Mkapa qui estime que la situation burundaise demeure « préoccupante ». Le Tanzanien demande même l’intervention d’une force extérieure pour sécuriser les prochaines élections. Dans ce rapport, Bujumbura est peint comme celui qui refuse de s’asseoir avec ses véritables protagonistes. « Inac-

ceptable, » pour Bujumbura. Dans sa longue lettre, le président ougandais affirme sa volonté de reprendre la main, au nom de toute la communauté. Il dénie à son homologue burundais de tracer tout seul les contours de la crise et de décider avec qui il peut négocier. Museveni, comme pour l’encourager, parle de sa propre expérience, sa négociation avec des adversaires

coupables de crimes importants (il cite Joseph Kony notamment). Diplomate, Museveni tend toutefois la main à Nkurunziza. Il lui donne rendez-vous le 27 décembre prochain, date du prochain sommet. Il promet que des questions soulevées par Bujumbura seront abordées à cette occasion. Agnès Ndirubusa

Le Rwanda, ennemi du Burundi © Droits réservés

Le président Nkurunziza a mis le conflit rwandoburundais sur la table. Dans sa correspondance du 4 décembre au président de l’EAC, il a demandé un sommet extraordinaire pour régler

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kurunziza demande d’arrêter de jouer les hypocrites et de s’asseoir dans un sommet à discuter avec un ennemi. Le conflit qui oppose le Burundi et le Rwanda est sérieux. S’il est vrai que dans l’agenda du sommet raté du 30 novembre, l’affaire était à l’ordre du jour, le président burundais estime que cela n’est pas suffisant. Pour lui, le conflit mérite un sommet spécial en la matière. Il pose d’ailleurs cette condition avant qu’un autre sommet ait lieu avec d’autres points à aborder. Il faut dire que les relations entre Bujumbura et son voisin du côté de la Kanyaru se sont fortement dégradées depuis 2015. Le président burundais est clair dans sa lettre et cible son ennemi : le Rwanda. Il l’accuse d’avoir soutenu et organisé le putsch manqué du 11

Le président Kagame : « Aussi longtemps que la ligne rouge n’est pas dépassée, on n’intervient pas. »

mai 2015. Selon lui, ce pays a alimenté la crise en recrutant dans le camp de Mahama les réfugiés burundais pour une formation paramilitaire. Objectif : déstabiliser le pays. Ce que le Rwanda a toujours démenti. Après l’annonce du président Nkurunziza, la population a été invitée dans la rue pour des manifestations organisées dans tout le pays. Dans le viseur : le pays de Paul Kagame, l’ennemi, le déstabilisateur.

Coïncidence ou pas, mardi dernier, lors de la fin des entraînements militaires du centre de formation au combat de Gabiro, le président rwandais est apparu en tenue militaire. Une première après 18 ans. Tout un symbole. Paul Kagame a mis en garde : « Celui qui va essayer de nous attaquer ne rentrera pas d’où il vient. C’est impossible. Nous le garderons ici, vivant ou mort. Notre armée n’a pas la culture de la provocation et aussi longtemps

que la ligne rouge n’est pas dépassée, on n’intervient pas. On les attend chez nous.» Un discours qui intervient après les récentes déclarations de Pierre Nkurunziza. Une réponse au président burundais, pensent plusieurs.

Ira, ira pas ? Visiblement le sommet spécial demandé d’urgence par le chef de l’Etat va devoir attendre. Le président de la Communauté est africaine a toutefois indiqué

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que l’affaire Burundo-rwandaise mérite une attention de la région. Selon Yoweri Museveni, la sécurité et la stabilité de l’EAC conditionnent le développement du Marché commun. La grande question que l’on se pose maintenant est de savoir si le chef de l'Etat a l’intention de participer au prochain sommet. Il garde un mauvais souvenir du sommet de l’EAC auquel il a assisté. Un coup d’Etat a éclaté alors qu’il était à l’extérieur du pays. Depuis lors, plus question de sortir du pays. Sauf peut-être pour rencontrer le président tanzanien, à quelques kilomètres de la frontière. L’autre question est de savoir si le président Nkurunziza a perdu complètement le soutien de ses pairs de la région. Son intransigeance ne risque-t-elle pas de radicaliser ces chefs d’Etat ? Cette guerre épistolaire entre les deux chefs d’Etat n’en est-elle que l’avant-goût ? De nouveaux rebondissements sont attendus. En tout cas si Bujumbura perd le soutien de la sous-région, le risque de se retrouver isolé est de plus en plus grand. A.N.


POLITIQUE

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Muyinga/ Buhinyuza

Délicate cohabitation entre les jeunes militants des partis Entre les jeunes militants du parti au pouvoir et ceux de l’opposition, la cohabitation n’est pas toujours sereine. Une organisation, le Miparec, tente de rapprocher ces jeunes et engrange quelques succès. Iwacu est allé à la rencontre de ces jeunes. De notre correspondant au Nord, Apollinaire Nkurunziza

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ommune Buhinyuza, il est presque midi. Le soleil est enveloppé par des nuages. Des gens font la navette dans différents bureaux de la commune. Apparemment, ils sont bien reçus. Un autre groupe est réuni dans une salle. Peut-être que c’est un atelier qui se tient là. De son bureau, le conseiller social expédie les affaires. Un secrétaire est occupé à dactylographier des textes. C’est lui qui introduit les visiteurs. Interrogé, le jeune administratif brosse volontiers l’état des lieux dans la commune, notamment la cohabitation des jeunes affiliés aux différents partis politiques. « Tout va bien », dit-il, sans hésitation. Il nous donne les contacts des leaders des partis actifs dans la commune : CNDD-FDD, UPRONA, Coalition Amizero. Selon lui, ce sont les seuls partis visibles sur terrain. Non loin du bureau communal, près du monument de l’indépendance, une femme, debout, un enfant sur le dos. Elle se rend au dispensaire pour le vaccin de son enfant. Après une courte conversation à la « burundaise », elle explique le climat qui règne parmi les jeunes de différentes tendances politiques. « C’est comme si nous vivons dans le monopartisme ». D’après elle, les autres partis sont quasiment inexistants. « Uprona et les FNl ne sont timidement visibles que lors des élections ». Sur la colline Nyarunazi, une infirmière du centre de santé, la cinquantaine bien sonnée, est en train de vacciner contre la polio. Pour elle, les relations entre les jeunes militants des partis sont bonnes. Elle ne voit pas de réunions de l’Uprona, « sauf quand les hauts cadres du parti viennent ici. Mais c’est rare. Les jeunes de l’Uprona ne sont pas visibles sur terrain. »

Nos jeunes vivent dans la peur Gaspard Ribakare, vice-secrétaire du parti Uprona n’est pas du même avis. Il dit que les jeunes de son parti vivent dans la peur. D’après lui, ils ne peuvent pas se réunir sans ennui à cause des jeunes du parti au pouvoir. « Ils sont souvent critiqués d’appartenir à un parti démodé et sans avenir . Ainsi, par peur, ils préfèrent se cacher. » Ribakare rappelle un acte de violence perpétré à l’encontre d’un membre du parti Uprona, il y a quelques jours : « Il passait à côté des membres du CNDD-FDD effectuant des travaux communautaires à leur permanence et il a été brutalisé. Ils voulaient l’obliger de travailler avec eux. Il a refusé et sa houe a été confisquée. C’est grâce à l’intervention des responsables communaux que la houe lui a été restituée. » Il s’indigne qu’ils veulent obliger tout le monde à rejoindre le CNDD-FDD. Ce responsable de l’Uprona pense que seuls les cadres de son parti pourraient rassurer les jeunes militants en organisant

La Miparec donne des enseignements sur la tolérance entre les jeunes affiliés aux partis politiques

régulièrement des descentes sur des collines. « Quand le secrétaire général du parti est venu à Nyarunazi, nous étions rassurés. Même les partisans des autres partis nous ont respectés. » Colline Muramba, il est à peu

près 14 heures. La pluie vient de tomber. La route est glissante. On a rendez-vous avec les responsables d’Amizero y’abarundi et de l’UPD Zigamibanga. Malheureusement, le secrétaire communal du

CNDD-FDD nous intime l’ordre de quitter les lieux. Motif : nous n’avons pas « une lettre de reconnaissance de l’administrateur. » Il profère des menaces, parle même d’arrestation. On décide d’en rester là. Et pourtant, lors de notre entretien à la colline Nyarunazi, il avait donné son appréciation positive du climat régnant entre les jeunes dans leur diversité politique. Interrogé par téléphone, le représentant de la coalition Amizero y’Abarundi, Gervais Ndikumana, nous dira qu’ils ne peuvent pas organiser une rencontre soi-disant qu’ils n’ont pas de parti reconnu légalement. Mais il reconnaît l’accalmie qui prévaut par rapport à la période électorale. « Ils lancent des mots de provocation envers nos militants, mais nous leur recommandons de ne pas céder à la colère ». Il suggère de multiplier des sessions de formation pour enseigner les jeunes à cohabiter en harmonie.

Chef-lieu de la Commune Buhinyuza

Miparec, à la recherche d’un terrain d’entente Active dans cinq communes, dont Buhinyuza, cette organisation vise la consolidation de la paix à travers la cohésion sociale des jeunes de tendances politiques différentes. Miparec, « Ministry, Peace and Reconciliation under the Cross », engrange de bons résultats. En commune Muyinga, une jeune fille témoigne « Il y a eu un moment où les jeunes ne s’entendaient pas

à cause de divergence politique, mais avec la venue de Miparec et ses multiples enseignements, tout va bien ». Elle donne l’exemple de deux jeunes qui se sont heurtés après les élections référendaires. Ils ont été réconciliés grâce à Miparec et sont réunis aujourd’hui dans une association dénommée « Twiyungunganye » .qui regroupe 30 personnes issues de 5 partis politiques.

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Mais le chemin est encore long, car par peur, certains jeunes refusent toujours de s’exprimer publiquement pour ne pas « se faire des ennuis. Ici on parle d’un parti unique », disent-ils en privé. Patiemment, le Miparec continue son œuvre de rapprochement des jeunes de différentes tendances politiques et tous les témoignages recueillis sont positifs.


SÉCURITÉ

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RN 15, la route de la mort La route Ngozi-Gitega est meurtrière. La population parle d’un accident tous les trois jours en moyenne. La police de Ngozi veut des moyens pour arrêter l’hécatombe.

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undi 10 décembre, il est 16 heures. Nous sommes sur la RN15, la route macadamisée nouvellement construite. Aucun panneau de signalisation destiné aux usagers de la route. Le trafic est important, c’est une route très fréquentée. Il y a des piétons, ceux qui se déplacent à vélo ou à moto, parfois à plus de trois sur l’engin, d’autres sont à bord des bus ou voitures privées. Des bananes crues ou mûres, du maïs, du bois, du charbon, des vivres, sont transportés sur cet axe. A presque 2km de la ville de Ngozi, se trouve une succession de longs virages distants d’au moins 50m. A 3km, c’est un centre communément appelé « ku basuguti », sur la pente de la colline de Gisagara, on rencontre une foule nombreuse, de part et d’autres, de petites boutiques, de bistrots qui propose de la bière locale, vendeurs d’arachides et du maïs cru et grillé. Deux femmes veulent traverser vers l’autre bout de la route. Une moto roule à grande vitesse transportant 3 personnes. Ces femmes hésitent, l’une d’entre elles, vêtue de pagnes rougeâtres porte un bébé et crie éperdument à son amie« Attention ! Il déboule, ne nous suicidons pas cette route ne cesse pas d’endeuiller les familles ». L’une raconte qu’un enfant de son voisin s’est fait heurter par un vélo, blessé, il est encore convalescent. « Il y a au moins un accident tous les trois jours.» Il y a quelques jours, un accident a coûté la vie à un père et son fils, témoigne un jeune homme, luimême en a réchappé de justesse. «Les policiers se précipitent pour faire le constat de l’accident au lieu de le prévenir », déplore ce jeune homme. La population pense même que cet endroit serait maudit au regard de tous ces accidents. « Nos enfants vont à l’école sans espoir de revenir », soutient un sexagénaire, sous couvert d’anonymat, dans son costume blanc. Selon ces habitants, l’absence des dos-d’âne pour ralentir la vitesse des conducteurs, explique tous ces accidents. Par ailleurs des motards conduisent le moteur éteint ce qui empêche les passants d’entendre le bruit du véhicule pour s’écarter. Ils y a aussi les

OPJ Emile Sindayihebura : « Nous faisons des contrôles routiers au quotidien, mais des récalcitrants nous en échappent.»

vélos qui n’ont pas de feux pour l’éclairage, mais aussi des sonnettes pour aviser les gens. Jean Paul Nyamibara, chef de colline Gisagara abonde dans le même sens. Il indique que les premières victimes sont des enfants qui vont ou reviennent de l’école. « Les piétons qui traversent la route sans prendre des précautions sont en danger. On ne se rend pas compte de l’arrivée subite du véhicule à cause du long virage proche. Nous avons beaucoup de blessés», se lamente-t-il. Pour M. Nyamibara, pour protéger la population, Il est important de mettre des panneaux de signalisation sur la route, mais aussi des pancartes surtout à l’école fondamentale Camugani

qui se trouve sur cette même colline. Par la même occasion, il lance un appel vibrant aux autorités compétentes pour se saisir de l’affaire.

Une situation déplorable qu’il faut maîtriser Selon Emile Sindayihebura, l’officier de police judiciaire chargé de la sécurité routière à Ngozi, le cri d’alarme de la population est justifié car c’est l’une des routes qui enregistre un nombre record des cas d’accident. Si on s’en tient à des chiffres officiels seulement, depuis le début de l’année, 10 accidents ont été enregistrés faisant 3 morts et 7 blessés, sans oublier les véhicules endommagés.

Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité .M. Sindayihebura explique qu’il y a en effet beaucoup cas d’accident qui passent inaperçus. « Des cas se règlent à l’amiable sans que la police intervienne », précise-t-il. Cet officier met en lumière une série de causes de ces accidents : l’excès de vitesse, l’ivresse au volant, l’ignorance du Code de la route, l’état de vétusté des véhicules qui fait que le système de freinage ou de vitesse soit défectueux, etc. A tout cela s’ajoutent les manœuvres dangereuses, les dépassements dangereux, sans respecter de la priorité ou des endroits interdits comme les tournants. Pour y faire face, des mesures

Des gens attendent, sur le côté droit de la route, le passage d’une moto pour traverser.

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doivent être prises. Malheureusement, sur une pente ou dans un virage les dos-d’âne ne sont pas possibles. « Nous faisons des contrôles routiers au quotidien, mais des récalcitrants nous en échappent. Nous continuons à expliquer aux conducteurs pour qu’ils s’approprient le Code de la route ». M. Sindayihebura déplore que le Code de la route lui-même présente des lacunes. Il mérite d’être révisé car il y a des articles qui ne sont pas efficaces. A titre d’exemple, celui qui prend un passager de trop par rapport aux places disponibles, doit payer une amende de 5000 BIF. Celui qui en prend 5 passagers aussi. Il n’est pas prévu de sanction pour punir le transport non autorisé dans un véhicule qui n’est pas conçu à cet effet, comme les Bennes par exemple. Pour lui, le secteur de la sécurité routière fait face à des multiples défis. « Nous manquons d’alcootest, un instrument pour mesurer le taux d’alcool d’un conducteur pour confirmer son état d’ivresse ». Pour la police, il ne s’agit pas seulement de dire que le chauffeur est ivre. Il faut encore le prouver. Il en est de même pour l’excès de vitesse, la police n’a pas d’appareil, l’EUROLASAR, qui permet de déterminer sans équivoque l’excès de vitesse même à partir de 500m. Enfin, il lance un appel au gouvernement pour organiser des formations profondes dans le métier de transporteur pour rendre les jeunes suffisamment compétents. « Il a été constaté que beaucoup de chauffeurs sont des jeunes diplômés, sans emploi, qui, malheureusement, n’ont pas de compétences». Jérémie Misago


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DROITS DE L'HOMME

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Chronique d’un divorce Le 6 décembre 2018, le gouvernement du Burundi a décidé de fermer le bureau onusien des droits de l’Homme. Une décision normale, pour les uns. Une sentence pour écarter les témoins gênants, pour les autres.

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’est l’aboutissement d’un bras de fer du gouvernement avec le Haut-commissariat des Droits de l’Homme. Depuis octobre 2016, Bujumbura avait interrompu sa collaboration avec cette agence onusienne. Les rapports produits par le bureau de Bujumbura facilitaient l’examen périodique du Burundi à son siège de Genève. Connaissant combien ces rapports accablent Bujumbura, pas étonnant que l’exécutif lui réserve un pareil sort. Le bureau onusien n’a jamais cessé de dénoncer une situation des Droits de l’Homme très préoccupante voire critique. Un langage inacceptable pour les autorités burundaises. Pour le gouvernement, le bureau n’avait plus de raison d’être, le pays n’étant plus en guerre. « Faux ! », rétorque Me Lambert Nigarura, du collectif des avocats en exil pour la défense des crimes de Droit international commis au Burundi(Cavib). Cette justification ne tient pas la route. « Ce n’est pas la situation de guerre qui explique l’existence d’un bureau des Nations unies pour les droits de l’Homme. La décision de la faire fermer vise plutôt le verrouillage de l’espace et l’élimination des

témoins gênants des violences des droits humains ». Quant à Hamza Burikukiye porte-parole de la Plateforme intégrale de la société civile (Pisc), il estime qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer. « D’autres organes des Nations unies vont prendre la relève pour travailler avec le gouvernement et les autres organes nationaux de promotion des droits de l’homme». M. Burikukiye soutient que rien n’est perdu car la coordination des Nations unies au Burundi collabore toujours avec le gouvernement. La preuve en est qu’elle a appuyé la récente 70è célébration de la Déclaration universelle des droits de l’Homme à Gatumba.

Décision légale mais qui isole le Burundi d'avantage Du reste, il fait savoir que son organisation était un partenaire de cet office onusien. « Nous nous rencontrions dans le réseau des observateurs des droits de l’Homme initié par cet office et le gouvernement via le ministère des Affaires Etrangères ». Néanmoins, M. Burikukiye fait savoir qu’ils avaient des divergences qu’ils prenaient soin de ne pas mentionner. Outre un appui

Des écrits condamnant le bureau onusien, lors d’une manifestation en 2016.

donné aux organisations de la société civile, ce bureau fermé soutenait les magistrats, la justice, la police et les établissements carcéraux en renforcement de capacité. Rénovat Tabu, ambassadeur du Burundi à Genève, assure que la fermeture ne signifie pas la fin de

la coopération avec le Haut-commissariat des droits de l’Homme. Pour lui, la CNDIH fera le travail. Une tâche qui s’annonce ardue. Avec la rétrogradation au statut B, cette commission a perdu de sa superbe. Pour un observateur avisé, la décision de fermeture est légale. Sauf que pour l’instant,

il ne fait qu’isoler le Burundi davantage. Le Cavib, lui, souhaite que l’Onu relance la résolution 2303 prévoyant l’envoie des policiers. Eux pourront faire le monitoring des violations des droits de l’Homme et alerter en cas d’escalade. Arnaud Igor Giriteka

SOCIÉTÉ

Droit de réponse à l’administrateur de la commune Ndava Cela suite à l’article paru au journal Iwacu dans son numéro 505 du 16 novembre 2018

A

loys Ndezako : Le titre de l’article lui-même « Des contributions aux allures d’impôts forcées » est une affirmation globalisante. En effet, si l’administration communale avait été approchée, une lumière aurait été jetée là-dessus. Tenez : 1.

La contribution annuelle de 1000 BIF pour l’ambulance communautaire n’est même pas suffisante quand on sait combien de fois ce véhicule s’est montré utile pour le déplacement des patients de l’hôpital de district Fota vers d’autres. La carte reçue par le contribuable ne profite donc pas à la commune mais plutôt à son bénéficiaire.

2.

Le prix du service de l’eau potable n’est pas perçu ni géré par la commune mais plutôt, cette somme minime de 100 BIF par mois est perçue et gérée par les Régies Communales de l’eau, des associations sans lucratif qui existent dans toutes les communes rurales de ce pays et qui se chargent de la maintenance des ouvrages hydrauliques après avoir signé une convention avec les communes. Il sied de signaler que la Régie communale de l’eau est une représentation des usagers de service de l’eau, donc de la population elle-même. L’administration communale ne saurait donc pas exiger ces frais.

3.

4.

La contribution de la population aux élections de 2020 a été pensée par le gouvernement du Burundi et s’exécute sous l’encadrement du ministère de l’Intérieur. C’est un acte patriotique que devrait poser chaque citoyen responsable. A Ndava comme ailleurs, cet acte reste volontaire mais l’administration communale ne manquerait surtout pas d’en faire une large sensibilisation auprès de sa population. La contribution des particuliers à des travaux de développement de 2000 BIF est le fruit de l’unanimité de la population de Ndava et a été décidé dans le but de se doter des infrastructures de base à savoir les

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écoles, les ponceaux, la latinisation des marchés …cette contribution diffère de loin de l’impôt forcé.

Note de la rédaction : Le sujet de l’article portait sur les contributions qui sont exigées par les administratifs à Mwaro et à Gitega, en contrepartie des papiers administratifs. Comme constaté par notre reporter, aucun document n’est donné à la commune sans présentation des reçus attestant avoir payés « ces contributions volontaires ». D’ailleurs l’administrateur communal ne nie pas ces faits et parle plutôt des bienfaits de ces contributions à l’endroit de la population. Iwacu n’a rapporté que ces faits.


SOCIÉTÉ

Vendredi,14 décembre 2018 - n°509

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Interview exclusive avec le président de l’UNIPROBA

« Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale » Emmanuel Nengo, président de l’UNIPROBA, nous livre ses éclairages sur les lamentations des Batwa liées entre autres à la non représentation de cette communauté au gouvernement et autres institutions.

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ans certaines localités, les Batwa vivent dans des conditions précaires liées au manque de terres cultivables, d’habitations décentes, d’accès difficile à l’éducation et aux soins de santé. Qu’en dites-vous ? Les conditions de vie des Batwa du Burundi, par rapport aux autres composantes de la société burundaise, sont précaires. Comme vous le dites, l’accès aux terres cultivables, l’accès à l’habitat décent, l’accès à l’école et aux soins de santé sont des conditions très déplorables. L’enquête que l’association Unissons-nous pour la promotion des Batwa (UNIPROBA) a menée, depuis 2008, a révélé que ces conditions sont très déplorables. Par rapport à l’accès à la terre, nous savons qu’un Burundais a besoin d’un demi-hectare pour vivre décemment. Et la plupart de nos compatriotes sont des agriculteurs. D’après la même enquête, les Batwa ont de petits lopins de terres de 20 m sur 20 m. Il y a même ceux qui en ont moins. Ceux qui ont plus d’un hectare se comptent sur les bouts des doigts. Certains Batwa vivent encore dans des huttes. Quelle serait la solution ? Nous avons toujours plaidé pour que l’Etat leur octroie des terres mais notre appel est resté sans réponse. Le gouvernement devrait prendre cette question dans ses mains afin que les Batwa puissent vivre comme d’autres burundais. Il faut qu’ils aient l’accès à l’argile pour pratiquer de la poterie. Métier qui les faisait vivre. Aujourd’hui, ils sont battus parce qu’ils sont allés extraire de l’argile. Vous encouragez donc le retour à la poterie ? Bien sûr. Partout où nous passons, les Batwa le réclament. Cela réduirait leur pauvreté. Est-ce que cela ne serait pas un retour en arrière au moment où nous tendons vers la modernité ? Loin de là. En attendant d’autres activités, il faut qu’ils aient une

occupation. Par ailleurs, c’est un métier qui a sa valeur. Et celui qui abandonne son métier s’expose à plusieurs problèmes. C’est un métier comme tant d’autres, à l’instar du métier d’agriculteur, d’éleveur. Il suffit maintenant de la moderniser. Dans certaines localités, certains Batwa sont attrapés dans le banditisme. Pourquoi ? Et comment y remédier ? Je le disais tantôt. Les Batwa vivent dans une pauvreté. C’est suite à cette pauvreté qui est causée par le manque de terres, de moyens financiers ou d’autres opportunités qui les plonge dans le banditisme. Avant, ils avaient de quoi manger. Les activités qui les faisaient vivre (poterie, forge, etc) ont perdu de la valeur. Maintenant, ils sont obligés d’aller voler, qui dans les champs, et qui d’autres dans les ménages. Parfois, ils y perdent la vie. C’est un constat amer. Il faut des activités génératrices de revenus pour les Batwa. Cela les aidera à combattre l’insécurité alimentaire. Au niveau de l’UNIPROBA, nous avons déjà approché nos parte-

naires pour qu’ils appuient certaines activités génératrices de revenus pour améliorer les conditions de vie des Batwa.

jouit le plus, c’est qu’il y a eu un changement de mentalités dans la communauté Batwa.

Autant de défis, autant de problèmes. A qui la faute ? Au gouvernement ? A l’UNIPROBA ? L’UNIPROBA est une association sans but lucratif. Son rôle est de contribuer à la protection et la promotion des droits des Batwa. Le rôle principal revient au gouvernement burundais qui est le garant des droits de tous les citoyens. Il a adhéré aux différents textes légaux régionaux et internationaux de protection et de promotion des droits humains. Et tous ces textes ratifiés par le Burundi font partie intégrante de la Constitution. L’UNIPROBA été créée dans le but de contribuer aux revendications des droits des Batwa. Pour nous, ce n’est pas un échec de l’UNIPROBA, mais plutôt nous nous réjouissons de son existence car depuis sa création jusqu’aujourd’hui beaucoup de choses ont changé surtout au niveau de la marginalisation des Batwa. Ce qui nous ré-

Cette communauté se lamente comme quoi elle n’est pas représentée dans les instances politiques. Quelle est votre appréciation ? Je partage la même observation. Au niveau des textes légaux, les Batwa sont discriminés. L’ancienne Constitution nous discriminait. Et la nouvelle aussi. L’article 128 de la Constitution en vigueur qui parle de la composition du gouvernement (60% de Hutu, 40% de Tutsi, 30% de femmes) nous discrimine. Ainsi, un membre de la communauté Batwa ne peut pas faire partie du gouvernement. Même discrimination au niveau du pouvoir judiciaire. L’article 213 écarte les Batwa: 60% de Hutu, 40% de Tutsi et30% de femmes. Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale. Nous sommes dans une situation qui ne nous plaît pas. Les Batwa se disent être exclus du dialogue inter-burundais d’Arusha… C’est évident. Nous devrions

être représentés dans ces assises comme d’autres burundais. On a seulement participé dans le lancement du dialogue à Kampala. L’UNIPROBA n’a jamais été invitée à Arusha. Plusieurs correspondances ont été adressées au médiateur et au facilitateur mais nous n’avons pas eu de réaction. Ce silence témoigne encore une fois une discrimination de la part des organisateurs de ce dialogue envers la communauté Batwa. Pourtant ils savent que nous sommes une troisième composante de la société burundaise. Ils devraient nous faire participer. Nous assistons impuissamment à cette situation. Nous sommes frustrés. Mais qu’à cela ne tienne, cette situation nous fait réfléchir au niveau de l’UNIPROBA sur les nouvelles stratégies à prendre. Quelles sont ces stratégies ? Nous allons faire des lobbyings, du plaidoyer auprès de nos différents partenaires, des bailleurs de ces négociations, notamment l’UE et l’UA, les ambassades pour qu’ils plaident à notre faveur. Félix Haburiyakira

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SOCIÉTÉ

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«Jeunes filles, soyez des artisanes de la paix dans vos communautés!»

Renforcer les femmes leaders existantes et favoriser l’émergence de nouvelles filles leaders afin de promouvoir la réconciliation et la consolidation de la paix, c’était le but des formations qui se sont déroulées, du 4 décembre au 7 décembre 2018, dans les communes de Rugombo en province de Cibitoke et Kayanza et Muruta en province de Kayanza.

Q

uelle est la définition d’un leader?», demande le formateur à l’assistance. «Un leader est celui qui dirige les autres», répond un participant. «Faux, celui-là est un dirigeant. Il y a une différence. On peut être dirigeant sans être nécessairement un leader», lance un autre participant. A travers des jeux, le formateur les amène à comprendre la signification d’un leader. « Maintenant je comprends, un leader est celui qui aide à résoudre les conflits sans attendre rien en retour et sans être partisan. Ce qui n’est pas toujours le cas d’un dirigeant», indique un participant. Dans les trois communes, ils étaient plus d’une centaine de jeunes filles, femmes et hommes leaders. Ils ont été choisis parmi des femmes leaders de plus de 35 ans à la tête des organisations, des jeunes femmes de 18 à 35 ans actives dans différents groupes ainsi que des jeunes filles et femmes marginalisées et vulnérables (handicapées, les albinos, les filles-mères, les Batwa, etc). Quant aux hommes, c’étaient des jeunes garçons de 18 à 35

ans, membres de clubs de paix, agents de changement, membres des associations ou mouvements d’action chrétienne ainsi que des élus locaux, les Bashingantahe, les membres des comités mixtes de sécurité, les agents de santé communautaire, les membres des comités collinaires de développement, les membres des comités communaux de développement communautaire, les leaders religieux, les leaders des partis politiques et des organisations de la société civile. Tous provenaient des différentes appartenances ethniques, socio-économiques, politiques et culturelles.

Déterminés à faire avancer la paix Ces formations avaient été organisées dans le cadre du projet de l’ONG Search For Common Ground (SFCG) intitulé «Soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain pour faire avancer la paix au Burundi» financé par United Nations Peacebuilding Fund (UNPBF). Les partenaires d’exécution de

•Espérance Ndayishimiye,

albinos de la commune Kayanza, trouve que les albinos en général et les filles albinos en particulier ne se mettent pas en valeur suffisamment. «Je ne savais pas ce que c’est un leader et son rôle dans la communauté. Je croyais qu’une fille et encore moins une albinos n’avait pas de mot à dire dans les affaires de la communauté. Aujourd’hui, je viens d’apprendre beaucoup de choses. Nous autres albinos, nous sommes stigmatisés ce qui fait qu’on n’ose pas élever la voix. Je n’aurais plus peur d’être un leader sur ma colline et d’aider

Les leaders formés de la commune Rugombo se disent satisfaits de ce projet de soutenir les jeunes filles et femmes leaders

ce projet dans ces trois communes étaient l’Association des femmes rapatriées du Burundi (AFRABU), le Réseau des organisations des Jeunes en Action (REJA) et le Collectif pour la Promotion des Associations des Jeunes (CPAJ). Les bénéficiaires de ce projet se sont engagés à consolider la paix dans leurs communautés.

•Bonaventure

les autres à résoudre leurs conflits». Et d’exhorter les autres albinos à ne pas avoir peur de s’exprimer.

Harerimana, originaire de la commune Rugombo, est de l’institution des Bashingantahe. «Dans ces tempsci, il est impensable d’exclure les femmes dans la résolution pacifique des conflits. Certaines femmes ont du charisme plus que des hommes.» Pour lui, les pratiques anciennes n’ont plus lieu d’être. «Il faut soutenir ce genre d’enseignements qui mettent en avant les leaders féminins. Ils permettent aux femmes, qui sont en grand nombre, de s’ouvrir au monde.» M. Harerimana conseille aux

•Pour

Aline Ndayishimiye, de la colline Mihigo en province Kayanza, ce projet de soutenir les jeunes filles leaders arrive à point nommé. «On apprend beaucoup de choses qu’on ne connaissait pas. De plus, il permet aux jeunes filles de s’épanouir et de ne pas avoir peur pour aider à consolider la paix». D’après elle, ces nouvelles connaissances vont améliorer leur façon de résoudre les conflits dans la communauté. Cette jeune fille d’une vingtaine d’années assure qu’elle aide les gens de sa colline dans la résolution de leurs conflits. «Parfois, c’est moi qui impose la

Une quarantaine de jeunes filles, femmes et hommes leaders de la commune de Kayanza ont suivi cette formation

autres Bashingantahe d’associer les femmes lors des résolutions des conflits. «Il n’y a aucune différence entre les hommes et

les femmes. Ceux qui pensent le contraire doivent changer de mentalités.»

•Appolonie Nikonabasan-

solution ce qui est une mauvaise stratégie. Je viens d’apprendre qu’il faut laisser les personnes en conflit trouver une solution eux-mêmes. Mon rôle sera de les guider afin qu’elles trouvent un consensus.» Elle exhorte les jeunes filles à s’affirmer : « L’âge ou la stature ne comptent pas pour être un bon leader. Il faut être un artisan de la paix où que vous soyez».

ze, de la colline Nkongwe, commune Muruta en province de Kayanza, trouve que ce projet de soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain permet à ces dernières de s’émanciper et de montrer aux hommes qu’elles peuvent réaliser de grandes choses. « Soutenir les femmes leaders peut beaucoup contribuer dans le développement du pays et la cohésion sociale». Pour cette jeune femme de 25 ans, ces

formations sont très bénéfiques pour les jeunes. «Souvent on ne sait pas comment se comporter devant un conflit. Ces enseignements nous éclairent». Selon Adrienne Niyok-

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wizigira, de la même colline, les gens font confiance à Appolonie Nikonabasanze. «Elle est dans plusieurs associations et les gens qui ont des conflits la consultent. Elle est célibataire, mais les couples mariés lui demandent conseil». Selon Appolonie Nikonabasanze, certaines filles se sous-estiment. «Il faut se réveiller, si nous voulons être respectées. Ce que les garçons peuvent faire, les filles aussi le peuvent». Fabrice Manirakiza


ÉDUCATION

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Muyinga Risque de fermeture du centre d’enseignement des métiers Le centre des métiers de la zone Rugari est à l’agonie. Il n’a plus aucun moyen de fonctionnement. La commune Muyinga décline toute responsabilité. Chronique d’une mort annoncée.

épineux. Depuis le 10 janvier 2018, le jour de la réception du bétail, le directeur se débrouille pour soigner, nourrir le bétail et payer les gardiens et les veilleurs. Hormis les aliments concentrés qui n’ont duré que peu de jours, Léopold Ruberintwari témoigne n’avoir reçu aucun soutien communal.

L

Ce responsable estime qu’il a déjà dépensé plus de 1,6 millions de BIF. Ce bétail consomme un budget de 990 mille de BIF par mois. Face à cette situation, cet ingénieur agronome de formation fait savoir qu’il n’est pas resté les bras croisés. Il montre les copies des correspondances envoyées à l’administrateur de la commune de Muyinga et aux autorités de l’enseignement des métiers et formation professionnelle en province de Muyinga. Dans une lettre récente d’octobre dernier, il alerte le président du conseil communal de Muyinga : « La santé du bétail et le bâtiment se dégradent jour après jour, suite au manque d’appui et de moyens financiers.» Il déplore que personne n’ait répondu à son appel. « Ce centre est laissé à l’abandon par la commune qui devrait l’appuyer ». Si rien n’est fait, prévient-t-il, ces animaux servant de matériel didactique pour les élèves en formation vont mourir d’ici peu. Léopold Ndayizeye, chef de service chargé de l’enseignement de métiers et de formation professionnelle en province de Muyinga, indique qu’il est au courant de ces problèmes. « Ce centre fait face au manque de fonds de roulement, depuis le début ». Il fait savoir qu’il a alerté l’administrateur commu-

undi le 11 décembre. Il est 9h du matin, au centre d’enseignement des métiers de Rugari en commune Muyinga, à 15 km de la province de Muyinga. À l’entrée de cet établissement aux locaux flambant neufs, le calme règne. Les apprenants de la filière agriélevage ont terminé la formation. Pensif avec un air désespéré, Léopold Ruberintwari, directeur est au bureau. « La seule filière agro-élevage qui fonctionne jusqu’à maintenant risque de fermer», explique ce responsable. « Venez voir les conditions dans lesquelles vivent les vaches, les chèvres, les porcs, les poules et les lapins servant de matériel didactique aux élèves », dit-il. D’un geste de la main, il nous invite à le suivre derrière le bâtiment. On découvre alors trois vaches de race frisonne, 9 chèvres, 6 porcs, 6 poules et quelques lapins, tous maigres. Ils n’ont aucun point d’eau à leur disposition. D’après ce directeur, ces animaux sont mal nourris. Ils n’ont pas les soins nécessaires, faute de moyens. La chèvrerie est à ciel ouvert, une partie n’a pas de toiture. A l’intérieur, neuf chèvres, dont des chevreaux, des boucs, sont dans un même compartiment. A côté, des lapins enfermés dans un petit compartiment cimenté, à défaut d’un clapier. « Ils sont exposés à la gale. Dans de telles conditions, ils ne peuvent pas se reproduire, tous les lapereaux qui naissent, meurent après quelques jours ». L’étable et la porcherie sont également à ciel ouvert. Elles sont à moitié couvertes par des tentes déchirées. A l’intérieur, les vaches et les porcs pataugent dans plusieurs centimètres de boue. L’étable n’a ni de couloir de contention (un couloir construit en bois ou en métal pour faciliter et sécuriser la manipulation des bovins avec un effectif réduit d’hommes) pour soigner les vaches, ni d’abreuvoir. Pas d’aires d’exercices. Ce centre n’a pas d’espace pour planter le fourrage. Le manque de frais de roulement est un autre problème

Centre laissé à l’abandon

Etable à ciel ouvert, les vaches pataugent dans la boue

nal et le gouverneur, « mais jusqu’aujourd’hui rien n’a été fait pour secourir ce centre ». D’après lui, les autres communes de la province Muyinga interviennent dans la prise en charge de leurs centres d’enseignement des métiers. « Au départ, il était prévu que les communes appuient ces centres nouvellement créés jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes ». Il soutient que le centre de Rugari a bénéficié d’un grand nombre de bétails par rapport aux autres de la province de Muyinga.

La commune décline toute responsabilité Il prédit lui aussi que le bétail va mourir d’ici peu. « Le projet qui a coûté à l’Etat autour de 30 millions BIF va tomber à l’eau. » La responsabilité revient à la commune qui a financé ce projet. Ce cadre soutient que les concepteurs du projet ont commis une erreur en ne prévoyant pas de fonds de roulement. Par ailleurs, martèle Léopold Ndayizeye, ce projet était destiné au développement de la commune. Ces centres ont été créés pour former les jeunes

Léopold Ndayizeye : « Le projet qui a couté à l’Etat autour de 30 millions de BIF va tomber à l’eau. »

qui ont échoué au concours national de l’école fondamentale. « L’habitat du bétail est en piteux état. J’ai prévenu, dès le début, que ce dernier ne remplissait pas les normes, en vain ». Laurent Kayumba, conseiller technique chargé des affaires économiques et du développement de la commune de Muyinga, déclare que la commune n’a aucune responsabilité dans cette affaire. Il donne la genèse du projet et explique que le ministre de la Fonction publique est le concepteur du projet. Il a demandé l’appui au ministre de l’Intérieur qui a ordonné aux communes d’accompagner son collègue dans l’exécution du projet. La commune a exécuté à la lettre le devis du projet, tel que demandé par le ministre de la Fonction publique. « Notre tâche consistait à fournir du matériel et des intrants agricoles pour l’équipement de la filière agroélevage, l’achat de gros et du petit bétail et des bancs pupitres ». Après, insiste-t-il, ce n’est plus l’affaire de la commune. Selon M. Kayumba, le centre de métiers de Rugari n’a pas été pris en compte dans la préparation du budget annuel 2017-2018. Et de signaler que depuis l’ouverture des centres d’enseignement des métiers et de formation professionnelle de la province de Muyinga, les enseignants n’ont pas encore perçu leurs salaires. Pierre Claver Banyankiye

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La CRDB Bank Burundi SA et le Rotary Club Great Lakes Bujumbura au service de la communauté Une décortiqueuse et une machine de confection des sacs est le don que la CRDB Bank et le club Rotary Club Great Lakes Bujumbura ont donné à un groupe de femmes cultivatrices de riz de l’association UCBUM de la zone Buterere en mairie de Bujumbura ce Samedi 8 décembre 2018.

M

énard Bucumi, Directeur Général a.i de la CRDB Bank, dit qu’outre sa mission commerciale principale, la banque a aussi la responsabilité sociale d’aider la communauté à se développer. «C’est dans cette optique qu’on a voulu encourager ces femmes qui se sont regroupées dans cette association pour s’autofinancer». M. Bucumi a beaucoup apprécié les projets de l’association United for Children Burundi Bw’ejoUCBUM. « Les projets de cette association dont le retrait des enfants des dépotoirs pour les envoyer à l’école et l’autonomisation de la femme nous vont droit au cœur, on ne pouvait pas s’en passer ». Il souligne que la banque a d’autres initiatives qui visent à promouvoir la communauté. « Il y a par exemple le volet Microfinance appelé Birashoboka qui octroie de petits crédits à la population à faible revenu qui ne peut pas avoir des hypothèques ».

Ensemble pour l’édification d’un Burundi meilleur Pamela Sigejeje, Président du Rotary Club Great Lakes Bujumbura, se félicite de ce pas franchi. Elle signale que ça fait partie des missions de son organisation qui œuvre dans le monde entier. « Dans nos domaines d’intervention, il y a le volet développement des économies locales ». Madame Sigejeje dit que son organisation a collaboré avec cette banque pour offrir ce don à ce groupe de femmes. «Le développement des économies locales est aussi un des axes sur lequel la CRDB Bank travaille. On a décidé de travailler conjointement pour l’amélioration des conditions de vie de ce groupe de femmes ». Pour Madame Sigejeje, ces deux machines ont une valeur monétaire d’à peu près 9 millions mais la valeur réelle est inestimable à voir l’impact qu’elles vont avoir sur la vie de cette communauté. « On attache une importance à son

Les représentants des femmes cultivatrices de riz reçoivent le don de la CRDB Bank et Rotary Club Great Lakes Bujumbura.

impact sur la vie de ces femmes et enfants. Ça apporte un plus dans la communauté de Buterere et cela a une valeur inestimable ». Pour Cynthia Manirambona, la Directrice et Représentante de l’Association UCBUM, ce don va permettre à ce groupe de femmes cultivatrices de riz de vivre et faire vivre leurs familles. « Ces deux organisations viennent de donner une lueur d’espoir non

CREE PAR LE FABRICANT DE INCOE POUR L’AFRIQUE

seulement à cette cinquantaine de femmes mais à plus de 250 enfants qui vont voir leur condition de vie s’améliorer grâce à ce don ». Elle signale que ces femmes cultivaient le riz et le vendaient à un prix très bas faute de manque de décortiqueuse. Elle ajoute que la machine pour confectionner les sacs va leur permettre d’élargir leurs projets. « Bientôt, ces femmes pourront

créer leur propre branding en confectionnant les sacs à emballage même pour les autres organisations qui en auront besoin ». Ce don de deux machines a été fait à un groupe de 50 femmes cultivatrices de riz. C’est un des 23 groupes de l’association UCBUM. Une association qui fait le suivi socio-éducatif des enfants vulnérables via différents projets.

2019

17, Place de l’Independance BP 99, Bujumbura, BURUNDI Tel: +257- 22- 223177 Email: bonauto@bonautoburundi.com

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Une foire aux droits de l’Homme pour la promotion de la DUDH La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) a soufflé sa 70ème bougie ce 10 décembre. L’association YELI en collaboration avec l’ONU, l’Union Européenne et l’Ambassade de France au Burundi a réuni différents défenseurs des droits de l’Homme pour la promotion des valeurs de cette déclaration.

L

undi 10 décembre. Il est 14 heures à l’Institut français du Burundi (IFB). Des centaines de jeunes affiliés dans les organisations des droits de l’Homme, des représentants du gouvernement, des diplomates… sont réunis dans une foire aux droits de l’Homme pour fêter le 70ème anniversaire de la DUDH. Une occasion pour débattre, ouvertement, sur l’impact de la DUDH par rapport à la situation des droits de l’Homme au niveau national et international. Le représentant légal de YELI Youth Empowerment and Leadership initiative affirme que cette journée arrive dans un contexte très particulier au Burundi en matière des droits de l’Homme. D’après lui, le contexte politique actuel du pays est l’un des motifs derrière cette foire. « Le but est de donner la possibilité aux différents acteurs en droits de l’Homme de contribuer effectivement à leur promotion et à leur défense. » Dans son discours, l’ambassadeur de France au Burundi, Laurent Delahousse, regrette la coïncidence de ce 70ème anniversaire de la DUDH avec la fermeture du bureau de l’ONU-Droits de l’Homme au Burundi. « C’est un mauvais signal. », estime-t-il. M. Delahousse insiste sur l’importance des droits énoncés dans la DUDH. « Ce ne sont pas des valeurs régionales. Ce sont des principes légaux, des obligations légales qui ont été signées par tous les Etats membres des Nations Unies. Il nous appartient à nous tous, quelques soient nos fonctions, de participer à la mise en œuvre de ces droits. »

De gauche à droite, le représentant de YELI, de l’UE, l’ambassadeur de France et le coordonnateur du système des NU ouvrant la foire.

dans le monde. D’après lui, un rôle crucial revient aux organisations multilatérales qui ont été créées pour rendre tangibles et défendre ces droits universels. Il réaffirme le soutien de l’UE en matière des droits de l’Homme : « L’UE est et restera un partenaire sérieux, fiable et durable des Burundais dans le respect des valeurs fondamentales des droits de l’Homme et de la dignité humaine. » Le coordonnateur du système des Nations Unies au Burundi, Garry Conille, réaffirme les val-

eurs de la DUDH : « Née sur les ruines des deux guerres mondiales, la grande dépression des années 1930, la déclaration établit les moyens pour nous empêcher de nous nuire les uns aux autres. » D’après lui, les 30 articles de cette déclaration montre les mesures nécessaires pour mettre fin à l’extrême pauvreté et pourvoir à l’alimentation, au logement, à la santé, à l’éducation, au travail et aux opportunités pour chacun. Toutefois, déplore-t-il, 70 ans après son adoption, nous ne sommes pas au bout du tra-

vail que la DUDH nous impose de faire.

L’expérience d’un ancien président de la République Le conférencier du jour : le président Sylvestre Ntibantunganya (1994-1996). Dans ses propos, il donne un clin d’œil aux participants et jette un regard critique sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. « Ce 70ème anniversaire devrait amener chacun à s’interroger sur sa responsabilité, ce qu’il devrait faire pour respecter et défen-

dre les valeurs de la DUDH. » Il déplore entre autres le nonrespect du droit d’association au Burundi en évoquant des associations de défense des droits de l’Homme qui ont été suspendues ou radiées. M. Ntibantunganya s’adresse aux dirigeants : « Si vous ne voulez que des privilèges dans un Etat de droit, n’allez pas vous faire élire. Quand vous vous faites élire, vous êtes là pour servir, pas pour être servi. » Cet ancien président de la République affirme que la DUDH a eu un impact au Burundi. Cela ressort dans les diverses constitutions dont le Burundi s’est doté depuis l’ère de la démocratie. D’après lui, ce sont des constitutions qui intègrent de manière intégrale les dispositions contenues dans la DUDH. « Cependant, le problème réside au niveau de l’application et la défense de ces droits. » En guise de réaction sur les propos du président Ntibantunganya, le représentant du ministre ayant les droits de l’Homme dans ses attributions indique que la promotion et la défense des droits de l’homme « n’est pas l’affaire de l’Etat uniquement mais de tout le monde ». Dans ce même débat, une jeune femme vivant avec handicap déplore le non-respect du droit à la santé pourtant évoqué dans la DUDH. « Je dois me faire soigner en Europe pour sauver ma jambe. Mais je viens de me faire refuser le visa. »

Les droits de l’Homme toujours fragiles, hélas Le représentant de l’Union Européenne (UE) estime, quant à lui, que malgré les 70 ans qui viennent de s’écouler depuis la proclamation de la DUDH, l’actualité prouve que les droits de l’Homme sont toujours fragiles partout

Les associations des jeunes pour la défense des droits de l’Homme ont participé à la foire.

L’ancien président de la République, Sylvestre Ntibantunganya, animant la foire.

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La lutte contre les VBG, une affaire de tout le monde ! Jeudi 29 novembre et mercredi 5 décembre, l’ONG ActionAid , a organisé une série d’activités dans le cadre de la campagne de 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. La mobilisation pendant cette période est une occasion pour interpeller toutes les parties prenantes à éradiquer ce fléau qui gangrène la société burundaise.

L

es activités de mobilisation autour d’une conférencedébat ont été ouvertes à Bujumbura, par Mme Marie Beata Musabyemariya, Directrice Pays d’ActionAid et se sont poursuivies en commune de Ruyigi et Butaganzwa (en province de Ruyigi) Des milliers de femmes, représentantes des associations de Ruyigi, de Karusi, de Rutana et de Bujumbura, la capitale, ont effectué des marches manifestations en lançant des messages en rapport avec la lutte contre les VSBG. Plusieurs autorités du pays et de la province de Ruyigi avaient ont participé à la mobilisation de la communauté et aux cérémonies A l’ouverture, Madame Beata Musabyemariya, Directrice pays d’ActionAid a lancé un cri de détresse. «A nous de nous lever et vaincre à jamais ce cancer qui ronge le tissu social ». « En tant que piliers du ménage, nous avons mis à l’honneur, la protection des femmes dans l’exercice de leurs métiers quotidiens » a –t-elle expliqué. La campagne de ces 16 jours d’activisme a été placée sous le thème de : «Luttons contre les violences sexistes dans le monde du travail ». C’est une occasion d’appeler au respect des droits des femmes qui exercent leurs activités dans les secteurs informels. Au regard de violences et des autres discriminations dont elles sont victimes, les femmes ont la tâche encore difficile pour venir à bout des violences. Certaines catégories de femmes vivent du travail précaire comme le commerce de rue du travail peu honorable, telle que la prostitution. Elles vivent des conditions de vie difficiles qui ne leur permettent pas de gagner décemment leur vie. En témoigne, Mme Francine Manirambona, mère de 5 enfants et habite le quartier

Mme Marie Beata Musabyemariya, lors de l’ouverture de l’atelier

Nyabagere, de la zone Kamenge. Elle est vendeuse d’avocats et n’a pas de point de vente fixe. Elle témoigne qu’elle est fréquemment victimes des rafles quotidiennes organisées par des policiers et qui lui prennent toutes ses marchandises. « J’ai trouvé qu’il ne vaut plus la peine de continuer mon petit commerce ». Elle a opté de se prostituer pour pouvoir nourrir ses enfants. Néanmoins, concède-t-elle, « c’est un métier à risques. Outre le Sida qui me guette, le risque d’attraper des maladies sexuellement transmissibles est grand, sans parler de la stigmatisation dans l’entourage ». Mme Beata déplore ce choix et indique que c’est « Un signal que si rien n’est fait, le risque que ces mauvaises pratiques fassent effet tache d’huile sont grands ».

Un travail en réseau, une nécessité… Des fois enclines à se prostituer parce qu’elles n’ont pas accès aux autres sources de revenu tels que le crédit, les participants ont convergé sur la nécessité d’adhérer dans des associations pour porter loin leur voix. « De la sorte, leur voix portera loin et sera plus audibles parce qu’unie. Même les institutions de microfinances verront leur force lorsqu’elles demandent des crédits », a fait remarquer Lydwine Nimbona ,en charge de la protection des veuves, orphelins et autres groupes vulnérables ,au sein de la CAFOB . Quant aux autres violences sexuelles, elles s’observent ici et là dans de nombreuses localités du pays. Marc, un enseignant de l’Ecole fondamentale de Muriza de la commune Butaganzwa (province Ruyigi) trouve que sans un investissement des efforts à tous les niveaux, l’éradication des violences sera difficile. Il appelle notamment les hommes d’église à jouer un rôle important en tant

que « responsables de la conscience avancée majeure pour lutter conmorale, les hommes de l’Eglise tre les tabous et les stigmatisations doivent être plus que jamais liés à ces VBG». investis dans l’éradication des Punir sévèrement les VBG ». Pour lui, les lieux de culte contrevenants constituent un endroit le plus approprié pour la sensibilisation Les élus locaux, parfois soudoyés et la dénonciation des méfaits pour étouffer les poursuites des de VBG . Aussitôt d’insister sur la crimes liés aux VSBG, sont poindétermination du gouvernement tés du doigt. « Malheureusement, d’infliger des: «sanctions sévères une situation qui ne cesse pas de à l’encontre des s’observer dans cerhommes qui se taines provinces ». « Mais, chaque livrent au conEn témoigne, fois que l’on cubinage». Laetitia MbazuDans le même mutima, de la colemprisonnait, il sens, les ensei- était relâché le jour line Nyangurube, gnants qui commune Butasuivant ». abusent de leurs ganzwa, province fonctions pour Ruyigi. Sans cesse, demander des faveurs sexuelles battue par son mari, elle a porté à leurs élèves. « Leurs supérieurs plainte. « Mais, chaque fois que hiérarchiques doivent se mon- l’on emprisonnait, il était relâtrer exemplaires en réprimant les ché le jour suivant ». Au risque de auteurs de ces pratiques. » se faire tuer, elle a fui son ménage. Dans ce cadre, il a salué la mesure Les barrières socio-culturelde la ministre de l’Education qui les sont une autre embuche autorise les jeunes filles tombées pour éradiquer ces VSBG. enceintes en cours de scolarité, de L’administrateur de la comretourner sur le banc de l’école mune Butaganzwa a lancé après avoir accouché. « Une l’appel à l’endroit de toutes ses

victimes qui se désistent de porter plainte, pour cause de peur des représailles. « Les auteurs de viols seront poursuivis. Ayez ce courage de signaler les cas de viols auprès des autorités compétentes», a –t-il interpelé avant de rassurer que les victimes doivent savoir que peu importe le temps, la justice finit par rattraper les coupables. « Dans cette tâche, l’investissement de tout un chacun est capital, en particulier des agents communautaires. Pour vaincre cette peur, la population doit en parler » Même son de cloche pour Gloriose Nimenya, députée de la province Rumonge, en charge des questions de genre à l’Assemblée nationale. Tout en saluant le pas déjà franchi dans la lutte contre les VBG, elle a réitéré l’investissement de tout un chacun pour l’éradication de ce cancer social. « Au 1er chef, les femmes doivent comprendre qu’il sera difficile d’en finir avec les violences tant qu’elles resteront éparpillées, sans un travail en réseau. Ce sont elles qui doivent impulser le changement, les autorités administratives ne feront que leur emboîter le pas ». Toutefois, elle a appelé ces dernières à mettre en application les différentes lois en vigueur. « Elles sont les piliers du foyer, les autorités doivent les protéger à tout prix car, quand une femme est battue, violée, c’est toute la vie du ménage qui est ébranlée.» Par conséquent , poursuit-elle , c’est l’économie de tout le pays qui est mise à mal. Aussitôt d’insister: « Pour la vulgarisation de la nouvelle loi contre les VBG et, bien plus, sa stricte application ». Signalons que ces seize jours d’activisme se sont clôturés le 10 décembre. Une date qui coïncide avec la célébration de la journée universelle des Droits de l’Homme.

Les associations de femmes de la commune Butanganzwa, ont effectué un défilé scandant des slogans de lutte contre les VBG

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La diaspora kényane du Burundi plus qu’engagée aux côtés des démunis Dans ses habitudes de venir en aide aux plus nécessiteux, samedi 8 décembre, la communauté kenyane vivant au Burundi a octroyé un don de matériel scolaire et de nourriture à l’orphelinat Hope Center de Gatumba.

M

ine égayée, visages pleins aux as, l’ambiance était bon enfant lors de la réception de cette aide. “Un don qui vient à point nommé ‘’, a lâché soulagé Léonard TUYISHIMIRE, directeur de l’orphelinat, dans son discours de bienvenu. En ciblant l’orphelinat Hope Center, la diaspora kenyane vivant au Burundi, a indiqué Samuel Karima, son président, nous avons voulu donner un coup de main à cette maison si particulière qui redonne de l’espoir aux enfants délaissés, plus que tout lui témoigner notre gratitude pour ses louables œuvres. Avant de renchérir : « De nos jours, ce n’est pas fréquent qu’on voit quelqu’un qui se soucie du bien-être d’autrui, qui se bat vaillamment chaque jour afin qu’il puisse poursuivre ses études ». Estimée à plus de 1.500.000fbu,

l’enveloppe globale de l’aide, le geste explique M. Karima, s’inscrit dans la pérennisation de leur culture de partage et d’appui aux communautés vulnérables. «Notre vision est toujours d’œuvrer pour la prospérité, ce qui veut dire que les plus démunis restent notre priorité ».A quelques jours de la célébration du 55 ème anniversaire de leur indépendance, (elle est célébrée le 12 décembre), autant dire que l’occasion était bien choisie. Aux enfants, M. Karima a recommandé de viser toujours loin, afin d’être de vrai modèles dans leurs sociétés.

Le développement communautaire, la priorité Soucieuse d’apporter leur pierre à l’édifice pour la construction d’un Burundi prospère, la communauté kényane vivant au Burundi aide pour la promo-

Les enfants de l’orphelinat lors de la réception du don

tion d’un climat d’affaires .En témoigne, les échanges socioculturels à travers les différentes expositions et foires. « Avec cette aide, une autre preuve tangible qu’ils partagent la même destinée, tel que le prône la devise de l’EAC », a insisté Nadine Gacuti,

gouverneur de Bujumbura. C’est dans ce cadre que la communauté vient de collecter 15 mille dollars américains afin de permettre le transfert médical de Chadrack Dusenge atteint du cancer, afin de se faire soigner dans un établissement

hospitalier spécialisé du Kenya. Autour de 500, le nombre de Kenyans faisant partie de cette association, cette dernière sert de tremplin pour le partage d’une vision commune autour des idéaux de développement, tel que le partage des opportunités.

SAD, soucieuse de l’avenir des enfants L’association ‘’Social Action for Development’’, SAD a ouvert solennellement, ce mardi 11 décembre, le Centre Multiculturel La Girafe de Buterere, commune Ntahangwa.

C

e centre est un rêve de longue date. Il est devenu aujourd’hui une réalité grâce au soutien de l’Ambassade de France au Burundi», a déclaré Bienvenu Munyerere, représentant de cette association fonctionnelle depuis 2010. Son objectif étant de renforcer le respect des droits de l’enfant au sein des familles et des communautés et de les protéger contre toute forme de violence dans sa zone d’intervention telle que Bujumbura-mairie, Bujumbura, Rumonge et Kayanza. Cette activité entre dans le cadre du projet ‘’Twige twese’’ (Tous à l’école) visant à promouvoir le droit à l’éducation et à la protection de l’enfant. « Nous l’avons nommé centre multiculturel la Girafe car il encadre tous les enfants sans tenir compte de leurs origines, de leurs

C’était la joie lors de l’ouverture solennelle du Centre multiculturel La Girafe de Buterere

catégories sociales et de leurs croyances religieuses », a-t-il mentionné. En effet, on y trouve des enfants réfugiés, musulmans, chrétiens, ceux en situation de rue et autres vulnérables. Pour lui, son ouverture est un grand succès pour l’éducation et la protection de l’enfant en milieu d’une communauté démunie. Grâce au soutien de l’Ambassade de France au Burundi, le même centre a octroyé, en septembre dernier, un kit scolaire à 540 enfants démunis de neuf quartiers de Buterere dont 205

filles et 335 garçons âgés de 7 à 18 ans. Actuellement, ce centre sert d’une Ecole Fondamentale pendant la journée avec un effectif de 230 enfants orphelins et vulnérables. « Chaque jour, tous les après-midi, c’est un lieu d’attraction et propice à l’encadrement des enfants de Buterere et ses environs.» D’autres services y sont également organisés comme les cours du soir, écoute et orientations, causeries morales, jeux récréatifs, bibliothèque communautaire

avec connexion internet gratuite, etc. Durant les grandes vacances, SAD compte organiser des minicompétitions entre ses enfants et ceux des autres quartiers comme Kinama, Kamenge, Gatunguru, Cibitoke et Ngagara. « Nous avons des volontaires à notre disposition et des stagiaires en permanence afin d’assurer l’encadrement des enfants même pendant les vacances.» Remerciant ses partenaires tel que l’Ambassade de France au Burundi, l’UNICEF, Bienvenu a sollicité le soutien d’autres bailleurs. Car, a-t-il expliqué, en plus d’aider les enfants, il faut tenir compte de la situation de leurs familles. « Elles ont besoin d’être aidées car sans la famille, l’épanouissement de l’enfant peut s’avérer difficile voire impossible.»

Encouragement des partenaires, satisfaction des bénéficiaires « Ce projet devait servir de modèle aux autres associations travaillant dans le domaine de l’enfance. Il contribue à l’éducation des enfants. Je suis très heureux », a affirmé Laurent Delahousse, Ambassadeur de France au Burundi. Et de promettre son

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soutien indéfectible à ce genre de projet. « Si vous avez d’autres projets, l’ambassade est disposée à vous accompagner.» A son tour, Ernest Nduwimana, Chef de zone Buterere, a remercié les initiateurs du projet. « C’est un centre important et va promouvoir l’unité dans la diversité.» Pour lui, c’est un lieu d’épanouissement des enfants des familles défavorisées. Il apprécie d’ailleurs la bonne collaboration entre cette association et l’administration. Au nom du ministre en charge des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre Ignace Ntawembarira, le directeur du Département de l’Enfance et de la famille a confié que cette action concorde avec les objectifs de l’Etat. Surtout en ce qui est de l’intégration des enfants en situation de rue dans leurs familles, l’enregistrement des enfants à l’état-civil, la lutte contre les négligences faites aux enfants etc. Et d’interpeler d’autres associations à emboîter le pas à l’association SAD. « Désormais, nos enfants ont une place pour se divertir, jouer et apprendre », a confié, à son tour, Goreth, une Maman de Buterere.


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Un Burundi sans VSBG, mission possible Le centre Seruka en collaboration avec l’ONUBurundi a organisé un atelier de réflexion sur l’impact de la loi spécifique sur les VBG. Objectif : proposer des perspectives pour une meilleure mise en œuvre de cette loi afin d’éradiquer les VSBG.

C

’est le jeudi 6 décembre que les représentants du ministère de la justice, de la police, des organisations des droits de l’homme, etc. étaient réunis pour un même souci : évaluer l’impact de la nouvelle loi sur les violences basées sur le genre (VBG) et proposer des perspectives pour la promotion de la paix et du développement à travers la lutte contre ces violences. Une journée qui s’inscrit dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles. Cet atelier avait comme objectifs spécifiques : échanger avec les acteurs clés sur les défis déjà identifiés dans la mise en œuvre de la loi spécifique. Identifier des stratégies communes de prévention et de protection contre les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). La représentante légale de l’Initiative Seruka pour les victimes de viol (Centre Seruka), Goreth Mukeramana, affirme dans son discours que les VBG ont toujours existé au Burundi. Mais elles restent un sujet tabou, surtout la violence sexuelle à cause d’une tradition fermée sur les sujets sexuels. « Il s’avère alors difficile de mesurer l’ampleur du phénomène puisque la plupart des survivants n’ont pas un accès facile aux soins. » Au-delà de l’impunité dont jouissent les nombreux auteurs, estime Mme Mukeramana, le défi majeur est de faciliter l’accès des victimes à la justice. Elle invite chaque participant à apporter une contribution effective pour la lutte contre les VSBG. Le centre Seruka a enregistré 1.141 cas de violences sexuelles au cours de cette année 2018.

Les participants à l’atelier relèvent comme principal défi l’ignorance de la loi sur les VBG par la population.

D’après cette conférencière, le seul code pénal livre II dont les praticiens se servaient contient des dispositions lacunaires voire inexistantes en matière de VBG. Les faits qui auparavant n’étaient pas érigés en infractions sont aujourd’hui prévus et punis conformément à cette nouvelle loi. Elle cite les articles 2, 41, 49 et 50 qui parlent des violences économiques, psychologiques, les relations extraconjugales, etc. qui n’étaient pas réprimées auparavant.

Pour les praticiens du droit qui s’en servent, souligne Me Negamiye, cette loi est d’une grande importance car les faits incriminés ont une base légale sûre. Les victimes aussi s’en réjouissent car le rétablissement dans leurs droits est désormais prévu par une base légale. Avec le principe « nulla pena sine lege » (il n’y a pas de peine sans loi), ces violences sont aujourd’hui punies avec des sources de droit écrites et légales, se réjouit cette juriste. Cependant, souligne-t-elle, il

reste du pain sur la planche pour éradiquer les VBG car une partie non négligeable de la population ignore encore cette loi.

Des défis et quelques recommandations Les participants à cet atelier ont relevé des défis liés essentiellement à la prise en charge des VSBG et leur répression. Le coordinateur du centre de développement familial et communautaire (CDFC) de la province Ruyigi, Dominique Havyarimana,

Une loi sur les VBG innovante Me Scolastique Negamiye, conseillère juridique au centre Seruka parle d’un impact positif de la loi n°1/013 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et répression des VBG. « Cette loi donne une définition plus large de toutes sortes de violences basées sur le genre qui peuvent exister. »

Pour la représentante légale du centre Seruka, le défi majeur est de faciliter l’accès des victimes à la justice.

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évoque un problème d’expertise médical qui constitue pourtant une preuve tangible du viol. Elle est coûteuse dans sa province. « Et la plupart de victimes n’en ont pas les moyens. » Quant aux défis liés à la répression, M. Havyarimana indique que nombre de femmes victimes se désistent dans les poursuites et retirent leur plainte. Pourtant, les violences faites aux femmes sont nombreuses. Selon lui, le CDFC Ruyigi a enregistré 898 cas de VBG à l’égard des femmes de janvier à septembre de cette année. De surcroît, la loi sur les VBG présente des lacunes. Elle n’est pas claire pour les infractions de polygamie et d’adultère. L’impunité malgré l’existence de la loi sur les VBG est un autre défi relevé par de nombreux intervenants. La réintégration inefficace. Les survivants des VSBG discriminés, intimidés ou menacés et contraints à abandonner les poursuites. Le manque d’assurance matérielle en situation d’urgence. La loi non vulgarisée, etc. constituent aussi des défis. Quelques recommandations qui ont émané de l’atelier : la vulgarisation de la loi car une grande partie de la population ignore son existence. Doter des centres de prise en charge des moyens suffisants pour une meilleure prise en charge et réinsertion des victimes. Commanditer une étude approfondie pour évaluer l’impact réel de cette nouvelle loi. Organiser des formations sur le contenu de cette loi au profit de tous les membres du corps judiciaire pour sa meilleure mise en application.


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Loi sur les VBG : L’AFJO soucieuse de sa vulgarisation Sur financement du Royaume des Pays Bas à travers Cordaid, l’association des femmes journalistes(AFJO) a organisé, vendredi 7 décembre 2018, une synergie des médias axée sur la loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre. Une loi promulguée fin 2016 mais dont la vulgarisation laisse toujours à désirer.

S

ur le plateau, Aline Munyaneza, cadre du ministère des droits de l’Homme, des affaires sociales et du genre éclaircit sur l’état des lieux de la lutte contre les VBG. Alice Emilie Ntamatungiro, représentante du ministère de la Justice, en rappelle le contenu et les modalités de son applicabilité. OPC2 Clotilde Poyongo, responsable de la cellule genre au ministère de la Sécurité publique s’exprime sur la répression des auteurs et Me Sonia Ndikumasabo, présidente de l’Association des femmes juristes va évoquer les grands types de violences auxquels son association fait souvent face. A partir de la Maison de la presse, l’émission est diffusée sur une vingtaine de stations de radios. En provinces, des autorités exerçant dans des services déconcentrés ou décentralisés interviennent sur la mise en œuvre de la loi. Leurs propos sont transmis directement ou relayés, paraphrasés par des journalistes reporters dépêchés sur place.

Une loi aux dispositions sans précédent pour l’éradication des VBG… Les 63 articles que comporte la loi se partagent essentiellement 3 grandes parties. Ils vont de la prévention des VBG à la répression des auteurs des VBG en passant par la protection des victimes. Mme Alice Emilie Ntamatungiro souligne notamment l’égalité des genres, prévue au chapitre de la prévention. A titre exemplatif, lit-on à l’article 7, « les conjoints jouissent des droits égaux notamment en matière de santé de reproduction et de planning familial, et des biens du ménage». L’article 8 exige de la part des parents un traitement égal pour leurs enfants garçons ou filles, à tous les niveaux d’âge. Aussi est-

Sur le plateau, les invités sont des représentants d’institutions impliquées dans la lutte contre les VBG

il qu’au 9e article, le ministère de l’Education est appelé à la promotion d’une éducation égale pour tous, en veillant surtout à l’élimination des stéréotypes sexistes ou discriminatoires dans les supports pédagogiques. La partie prévention insiste également sur les programmes à diffuser dans les médias ou à enseigner dans les écoles. Respectivement, le Conseil national de la communication est en effet invité à veiller à ce que ces programmes n’incitent pas à la discrimination ou aux VBG, en évitant notamment des représentations dégradantes entre hommes et femmes ; le ministère de l’Education doit de son côté tout faire pour avoir dans la formation dispensée un volet spécifique sur le genre. S’agissant de la protection, Mme Alice Emilie Ntamatungiro épingle entre autres le droit, aux employés victimes des VBG, notamment de réorganiser leur temps de travail, à une mutation géographique, à une démission sans préavis, etc. Quant aux élèves victimes, les autres écoles publiques ou privées doivent prévoir leur réintégration,

leur scolarisation immédiate. Au sujet de la répression des auteurs des VBG, la loi a cela de fondamental que l’article 31 prévoit une servitude pénale aux personnes coupables d’un arrangement à l’amiable. Une autre disposition qui n’est pas des moindres est l’article 25 qui prévoit le principe de saisine d’office dès que le procureur en a connaissance tandis qu’il y a absence de plainte par la victime.

Et quid de sa mise en œuvre ? D’après Mme Aline Munyaneza, la lutte continue sans relâche. Il y a une rencontre, tous les deux mois, de tous les partenaires impliqués, réunis dans un cadre. «Nous y traitons toutes les questions relatives aux VBG et les réformes à apporter pour leur éradication». Dans le même ordre d’idée, ditelle, des centres intégrés ont été mis sur pied pour accueillir et accompagner les victimes d’une façon suffisante. Ils sont dans quatre provinces à savoir Gitega, Muyinga, Makamaba et Cibitoke. Cependant le seul centre Humura de Gitega est capable

d’assurer la prise en charge intégrée des victimes des VBG. Il est prévu une mise en place de tels centres au niveau de toutes les provinces du pays bien que les moyens restent indisponibles. Cela est prévu dans le plan stratégique. En outre, Me Ndikumasabo déplore que les avocats défenseurs des victimes semblent laissés à eux-mêmes alors que le volume des dossiers reste important. Ceci au moment où la loi prévoit en son article 30 le droit à une «assistance juridique et une aide judiciaire» aux victimes. Ces avocats offrent une assistance juridique aux victimes des VBG, de la formulation des plaintes aux audiences publiques. A ce sujet, Emilie Ntamatungiro affirme que le ministère de la Justice a déjà fait de son mieux. Elle parle de 5 avocats chargés des VBG dans les parquets et des juges spécialisés dans les TGI et dans les cours d’appel. «Au moins 6 juges dans chaque TGI. Dans ce même sens de la mise en œuvre de la loi, le ministère de la Sécurité publique a déjà mis sur pied des points focaux

Pour Mme Agnès Nindorera, représentante légale de l’AFJO, le problème des moyens plombe la mise en œuvre effective de la loi

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dans chaque province en vue de répondre à la requête contenue dans l’article 11. Ce dernier prévoit la création d’une unité spécialisée à chaque poste de police et au niveau de toutes les collines. D’après OPC2 Clotilde Poyongo, le ministère va étendre les unités sur les communes.

Les moyens pour sa mise en œuvre effective font défaut… La représentante légale de l’AFJO se dit satisfaite que le gouvernement se soit investi pour la mise en place de cette loi d’importance capitale. Agnès Nindorera s’inquiète cependant de l’insuffisance des moyens qui plombe son applicabilité. Pour elle, l’Etat doit s’impliquer encore davantage. Car cette loi répond à une préoccupation d’envergure nationale. Un souci qui est aussi au cœur de l’organisation CORDAID. Pamphile Nyandwi, représentant de cette organisation au cours de cette synergie appelle à la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes. Ainsi, confiet-il, son organisation va bientôt appuyer financièrement les plus défavorisées des victimes des VBG lors des procédures judiciaires à travers les centres intégrés de prise en charge. Selon les reportages des journalistes dépêchés en provinces, comme à Rumonge, Ngozi ou Gitega, la population affirme ne pas être au courant de cette loi spécifique sur les VBG. D’où elle demande aux différents partenaires impliqués dans la lutte contre ces violences de la vulgariser davantage. Cette synergie des medias autour de la loi spécifique a eu lieu dans le cadre de la célébration de la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes.


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ENVIRONNEMENT DROITS DE L'HOMME

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Les pluies torrentielles sèment la désolation Des maisons détruites, des écoles endommagées, des champs abîmés… Des dégâts causés, ces derniers jours, par des pluies torrentielles mêlées de grêle dans différents coins du pays.

L

e quartier Ruziba I, de la zone Kanyosha, au sud de Bujumbura, est la dernière victime en date des intempéries. Treize maisons ont été complètement démolies dans la nuit de dimanche 9 décembre. Plusieurs autres ont été inondées. Elles sont sur le point de s’effondrer. Des objets ménagers, du matériel de couchage… ont été emportés, d’autres devenus inutilisables. Le débordement des latrines fait craindre des maladies diarrhéiques. Plusieurs personnes n’ont plus où loger et se retrouvent dépouillés de leurs biens. Des plantations de maïs, de manioc et de haricot ont été déracinés par les courants d’eau et emportées vers le lac Tanganyika. Les victimes sont aujourd’hui dans une situation pitoyable. Des champs entiers ont été envahis par des sédiments en provenance des montagnes surplombant Bujumbura. 48 h auparavant, une partie de la commune de Nyabihanga, province de Mwaro, au centre du pays,

charpentes, des bancs-pupitres, certains documents administratifs ont été endommagés. A Nyakaraye, la direction n’a pas été épargnée. La succursale catholique de Butegeyi a également été emportée par les vents. M. Maniratunga demande la réhabilitation de ces infrastructures. D’autres victimes sollicitent entre autres une assistance en nourriture, en matériel de couchage et de logement. Mercredi 7 novembre, 96 maisons des collines Bitare et Mwirire, commune de Bugendana, province de Gitega, ont été détruites. Presque deux semaines plus tard, 35 maisons ont connu le même sort à Rumonge et des champs de cultures ont été endommagés. Les sinistrés vivent dans la désolation.

Une situation difficile à gérer Cet homme est dans la désolation totale après que sa maison se soit écroulée, suite aux pluies torrentielles, à Ruziba I.

a connu une situation similaire. Léonard Maniratunga, directeur communal de l’enseignement (DCE), indique que les pluies torrentielles du vendredi 7 décembre

ont entraîné des dégâts sur trois écoles : Ecofo Nyakaraye, Ecofo Buhogo et Lycée communal de Butegeyi. Cinq salles de classe ont été fortement touchées. Des

« Les prévisions montrent que la grande partie de la Corne d’Afrique est susceptible de connaître des précipitations supérieures à la normale climatologique », a déclaré, en septembre dernier, Rénilde Ndayishimiye, directeur-général de l’Institut Géographique du Burundi (IGEBU). C’était lors

de la présentation de la note d’information sur la prévision climatique valable pour la saison culturale « Agatasi » pour la période septembre-décembre 2018. En ce qui est du Burundi, cet Institut avait prédit que la pluviométrie saisonnière octobredécembre 2018 correspondant à la saison culturale A sera au-dessus de la normale climatologique sur la grande partie du pays, surtout à l’ouest, au nord-ouest et au centre. Quant à Anicet Nibaruta, directeur-général adjoint de la police de la protection civile, il signale que l’Etat est à l’œuvre pour assister les sinistrés. Il reconnaît, néanmoins, quelques difficultés, dont la faiblesse de financement du Plan de contingence humanitaire 2018. « Les financements ont été faibles et tardifs ». Il évoque aussi le réenregistrement des ONG. D’autres sont en train de faire leur bilan annuel. « Cela complique la mobilisation des aides d’urgence. » Et d’espérer que le Plan de contingence humanitaire 2019 sera bien élaboré et financé. Rénovat Ndabashinze

Buyenzi

Des garages improvisés existent toujours L’ultimatum de dégager des épaves de véhicules des avenues de Buyenzi a expiré le 1er décembre. Une injonction qui peine à être exécutée.

L

a situation n’a pas beaucoup changé à la 4è avenue, de la zone Buyenzi, commune Mukaza, au centre de Bujumbura. Des vieux véhicules de type Hiace, Coaster … y sont garés aux abords des avenues. Les uns y sont visiblement délaissés depuis longtemps. D’autres sont en attente d’être réparés. Pour se conformer à l’ultimatum du maire de la ville de Bujumbura, certains propriétaires ont préféré les démonter. Des tas de pare-brises, de vieux pneus et moteurs, des portières usées … sont observables devant des habitations. Une autre partie est déposée dans ou au-dessus des caniveaux. D’autres mécaniciens ou propriétaires ont placé ces véhicules à l’intérieur des parcelles ou dans de rares garages clôturés. « Nous payons 1500BIF par jour », confie un mécanicien croisé à la 5ème avenue. Cet homme estime que cette décision du maire est injuste :

« C’est déjà plus de 15 ans que je suis mécanicien. Et nous avons toujours travaillé ici en pleine route. Pourquoi vont-ils nous chasser aujourd’hui ? » Abdul, un autre mécanicien, considérait ces garages improvisés comme des écoles de métier : « Des milliers de mécaniciens sont passés par ici. C’est ici qu’ils ont appris comment démonter un moteur, réparer n’importe quelle partie d’un véhicule.» Au lieu de lancer des ultimata, propose-t-il, la mairie devrait les aider à chercher où installer des garages très spacieux. « Au cas contraire, qu’on nous accorde assez de temps pour nous organiser, peut-être en coopérative pour trouver où nous installer.» Ce père de famille craint, en outre, que beaucoup de jeunes se retrouvent désœuvrés : « Ils venaient, le matin, et pouvaient rentrer avec au moins 10 mille BIF voire plus par jour. Et petit à petit, ils apprenaient le métier de mécanicien.» Et de lancer : « Qu’on

Des garages hors normes existent encore à la 5ème avenue de Buyenzi.

nous laisse tranquilles pour faire vivre nos familles.»

Détermination de la mairie « Nous sommes déterminés à le faire. On va passer à l’action », avertit Freddy Mbonimpa, maire de la ville de Bujumbura. Contacté, mercredi 5 décembre, il fait savoir qu’une réunion a été tenue à l’intention des concernés. « Nous n’avons aucune intention de les empêcher de travailler, mais

nous voulons protéger nos avenues.» Il remercie ceux qui ont répondu favorablement à son appel. Pour les autres, un consensus provisoire a été trouvé. Il s‘agit de ranger les véhicules en réparation ou en attente dans un seul sens des avenues. « Et le soir venu, les propriétaires doivent les ramener chez eux ou les garer à l’intérieur de parcelles ». Le maire de la ville de Bujumbura annonce qu’une opération

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d’inventorier tous les vieux véhicules encore garés-là est en cours. Quant aux services municipaux, ils sont en train de confectionner des pancartes de stationnement réservé. M. Mbonimpa souligne que la mairie va déplacer toutes les épaves : « Les dépenses y relatives seront remboursées par les propriétaires des parcelles devant lesquelles ils étaient garés. » Rénovat Ndabashinze


Au coin du feu

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Avec Marie Louise Baricako Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Marie Louise Baricako.

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otre plus beau souvenir ? La célébration de mon diplôme de doctorat : un défi relevé et une bataille gagnée. C’était ma victoire, la victoire de ma famille, spécialement mon mari, qui m’a laissée partir pendant quatre ans et qui a pu jouer le rôle de père et de mère pendant toute cette période, pour la réalisation de mon aspiration. C’était aussi la victoire des femmes. Au Burundi, ce niveau était jusquelà réservé aux seuls hommes, les femmes n’y arrivaient pas. C’était un obstacle levé, la porte était enfin ouverte aux femmes, pour les convaincre qu’elles pouvaient désormais avoir des ambitions et les réaliser. L’élite burundaise au plus haut niveau s’ouvrait aussi aux femmes. Votre plus triste souvenir ? La honte que j’ai éprouvée en tant que Burundaise instruite face au grand nombre d’enfants de mon pays, sortis pour s’inscrire à l’école lorsque le Président Pierre Nkurunziza a annoncé la gratuité de l’enseignement primaire. Je ne savais pas qu’il y avait dans notre pays autant d’enfants non scolarisés par manque de moyens. Quel serait votre plus grand malheur ? La chose qui me ferait le plus mal, après avoir donné de toutes nos énergies comme nous sommes nombreux à le faire en ce moment, ça serait de quitter ce monde sans voir de mes propres yeux ce nouveau Burundi dont nous rêvons : nation réconciliée, unie et unique, en plein essor socio-économique et prospère. Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? La signature des Accords de paix et de réconciliation du Burundi à Arusha, octobre 2000. Le moment où les Burundais reconnaissaient ce qui avait bloqué la nation et décidaient collectivement d’enterrer la hache de guerre, de corriger les erreurs,

de soigner les plaies, de recentrer le débat et de prendre la voie de la réconciliation et du développement pour tous. Cela reste vrai, pour autant qu’une nouvelle génération de leaders transformationnels se lève pour prendre les choses en mains et réaliser ce rêve qui hélas n’a jamais vu le jour. Beaucoup de Burundais ont cru que nous en terminions avec les crises cycliques, c’était bien vrai, mais il fallait encore mettre en œuvre ces Accords signés avec tant d’enthousiasme. La plus belle date de l’histoire burundaise ? 1er juillet 1962. Ça me fait encore frissonner quand je me souviens de nos parents qui ont participé à ce combat. Je voyais leur joie totale, et je me disais : cela doit être très important ! C’était en effet un moment historique, dont je me souviens bien même si j’étais jeune. Le rêve n’est certes pas encore réalisé, mais la porte a été et reste ouverte. La plus terrible ? 15 avril 2015. Nul n’aurait jamais imaginé que dans un pays qui se dit démocratique, le peuple pouvait exprimer aussi clairement son désaccord et ne pas trouver oreille attentive. J’ai eu comme l’impression qu’on avait toujours vécu dans l’illusion de démocratie, ou dans une démocratie du bout des lèvres, mais qu’en réalité, nous sommes encore loin du leadership visionnaire et de la gouvernance centrée sur le peuple qui caractérisent la démocratie. Une bonne partie de notre peuple semble encore aveuglé et incapable de faire la part des choses. Elle ne réalise pas encore où se trouve son intérêt et suit aveuglément le discours manipulateur de ceux qui osent profiter de cette ignorance, chantant la démocratie et la volonté populaire du bout des lèvres pour endormir ce grand nombre à si peu de frais et assouvir les soifs d’individus.

rale avait été trop ethnicisante, avec incitation à la haine et à la violence, sans prendre beaucoup de gants. On avait peur du changement. Je me suis vite ressaisie en me convainquant que quel que soit celui qui gouverne, s’il nous laisse vivre en paix, « chacun dans son manque ou son abondance », il n’y aurait pas de quoi avoir peur. Ce qui resterait serait de relever le défi de la bonne gouvernance qui n’a pas toujours été et n’est toujours pas satisfaisante.

Le métier que vous auriez aimé faire ? Pourquoi ? Enseignant. J’ai toujours vu dans ce métier une opportunité d’influencer positivement et de contribuer à l’édification de mon peuple. Votre passe-temps préféré ? Lecture, rencontres familiales. Votre lieu préféré au Burundi ? Jenda, le lieu où j’ai été formée et où se sont développées mes aptitudes et mes aspirations. Le pays où vous aimeriez vivre ? Et pourquoi ? Burundi. C’est chez moi, c’est mon pays, le pays que j’aime le plus au monde. Le voyage que vous aimeriez faire ? Croisières sur le lac Tanganyika : traversée sur la Zambie, la RDC, la Tanzanie ! Je pense souvent à cette position privilégiée que nous donne le Lac Tanganyika, même si, comme tant de nos autres ressources, nous ne l’exploitons pas encore suffisamment. Votre rêve de bonheur ? Voir les Burundais sortis de la pauvreté et de la médiocrité! Vivre dans le Burundi sorti du sous-développement, « Cap sur l’Excellence ». Ce jour-là je sau-

rai que les miens n’auront plus besoin de quitter le pays pour avoir des opportunités de réussite et de bonheur. Votre plat préféré ? Chose qui m’étonne aussi, après avoir tant voyagé et goûté à tant de cuisines, de menus et de délices, Intete+Ibiharage ; Ibigori vyokeje ; Umutsima w’ibigori ou ingano, restent encore mes plats préférés ! Je les aime beaucoup ! C’est le genre de choses que l’on ne peut expliquer. Votre chanson préférée ? Burundi Bwacu !!!! C’est un chant qui me pince le cœur et me donne la chair de poule ! J’ai surtout réalisé cela quand je suis restée longtemps à l’extérieur de mon pays. Quelle radio écoutez-vous ? Humura ; Inzamba ; BBC ; VOA ; RFI Avez-vous une devise ? Oui : « Je ne me décourage pas, je n’abandonne pas ». Je me le répète souvent quand je me sens à bout des nerfs, tentée d’abandonner et de prendre la voie la plus facile. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? Tout de suite, j’étais sous le choc…, tant la campagne électo-

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Votre définition de l’indépendance ? La capacité d’un pays à s’assumer, à prendre en main sa destinée, à décider du système qui le gouverne, et à se prendre en charge. On ne saurait dire qu’on est indépendant quand on compte encore sur les autres pour prendre en charge son peuple et répondre aux besoins les plus élémentaires de sa population. La dignité inhérente à l’indépendance ne va pas avec la mendicité. L’indépendant négocie ses relations, il reçoit et donne en retour. Il n’a pas la main tendue, il vit dans la relation du donner et du recevoir. Notre indépendance n’est donc pas encore effective, tant que nous sommes encore un peuple qui vit d’aide. Votre définition de la démocratie ? Système de gouvernement centré sur le peuple, au service du peuple et porté par le peuple. Je m’inquiète souvent quand nous parlons de démocratie sans savoir exactement de quoi nous parlons. Il y en a qui confondent le « populisme » et la manipulation de la population avec la démocratie. La démocratie met le peuple en avant, elle ne décide pas pour lui, elle l’associe ; elle cherche avant toute autre chose, l’intérêt et le bien-être de la population. Ce n’est ni une question de souveraineté, ni d’autorité, ni de liberté de faire ce qu’on veut et comme on le veut parce qu’on a été choisi, c’est une question de tout faire dans l’intérêt de tout le peuple sans exclusion, avec la participa-


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Au coin du feu

tion de tous, en gardant à l’esprit l’obligation de rendre compte. Le bon démocrate est le serviteur de son peuple. Votre définition de la justice ? L’application de la loi d’une manière équitable pour tous, la reconnaissance du droit de toute personne à tout ce que prévoit la loi et la responsabilité de toute personne devant tout ce que prévoit la loi. Si vous étiez ministre des droits de l’Homme, quelles seraient vos deux premières mesures ? 1) Réaffirmation de la sacralité de la vie humaine et de la responsabilité de l’État de protéger la vie et la sécurité du peuple ; 2) Mesures contre toute discrimination de quelque nature qu’elle soit dans la protection des droits de l’homme et la sensibilisation de la population et surtout des plus jeunes à cet effet. Si vous étiez ministre de l’environnement, quelles seraient vos deux premières mesures ? 1) La première chose que je ferais serait d’ordonner que quiconque coupe un arbre en plante un autre. 2) La deuxième chose serait d’éduquer toute la population sur l’importance de la préservation de l’environnement afin de s’assurer que les générations futures trou-

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veront le Burundi aussi viable ou même meilleur que maintenant. L’environnement sain et sécurisé est un facteur important pour le développement durable. Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ? Oui. En principe tout homme est naturellement bon, parce que créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Evidemment, pour vivre pleinement sa vie et avoir un impact sur l’histoire ou alors rater complètement l’objectif de la vie, l’être humain doit faire le choix entre le bien et le mal, et c’est à ce stade que se joue la réussite ou l’échec de la vie. Et cette réussite ou cet échec ne s’évaluent pas par les biens accumulés, la popularité, le pouvoir exercé ou tout autre facteur égocentré. Cela se mesure en termes d’influence positive, d’utilité pour sa génération, de legs à l’histoire, de contribution à la transformation des vies de ceux qu’on aura côtoyés. Pensez-vous à la mort ? Oui. Même si on n’y pensait pas, elle est tellement présente qu’il serait illusoire de l’ignorer ou de l’occulter. La mort fait partie des étapes de toute créature. Ce qui naît doit mourir un jour. Ainsi, ce qui compte, ce n’est pas de savoir si on mourra ou pas, mais de quelle mort on mourra. Que dira-t-on le jour de mon départ

ou lorsque je serai partie ? Se souviendra-t-on de moi comme une personne inoubliable, dont telle ou telle personne ne serait pas ce qu’elle est n’eût été le rôle que j’ai joué dans sa vie ? Suis-je en train d’écrire par ma vie une histoire qui survivra après ma mort ? Voilà la véritable question. Beaucoup de gens ont une opportunité en or de marquer l’histoire à jamais, en rendant le monde qu’ils habitent bien meilleur qu’ils ne l’ont trouvé. Combien se soucient de cet aspect important de la vie ? Quel rapport faisons-nous à ceux qui compt-

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ent sur nous, ceux qui nous mandatent, ou même ceux qui ont moins de chance que nous de connaître ou d’avoir accès à tout ce que nous avons à notre portée ? Quel rapport ferons-nous à notre Créateur qui nous a donné cette opportunité d’impacter le monde ? Ce moment viendra à coup sûr, mais il faut vivre sa vie en le gardant à l’esprit. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? J’espère que je pourrai lui dire que j’ai fait tout mon possible dans tout ce que j’avais à faire.

Je constitue encore mon rapport, mais j’espère que je pourrai le regarder en face et lui dire: avec tous les moyens que tu m’as donnés, voici mon rapport. Rien n’est plus malheureux que d’être né, de vivre et de partir sans rapport. J’espère qu’à mon départ, je n’aurais ni détruit, ni tué, ni empêché de vivre qui que ce soit et en quoi que ce soit. J’espère que j’aurai au moins quelques vies transformées à mon actif pour mériter une récompense. Propos recueillis par Diane Uwimana

Bio express

ée le 29 juin 1952 à Burenza, Kiganda, Province de Muramvya, Dr. Marie Louise Baricako a fait ses études universitaires à l’Ecole Normale supérieure, Section AnglaisFrançais de 1972 à 1976. Elle fut assistante à l’Université du Burundi, Département de Langues et Littérature anglaises jusqu’en 1980. De 1980 à 1984, elle fait ses études de doctorat à l’Université de Yaoundé, Cameroun avant de revenir enseigner à l’Université du Burundi jusqu’en 1988. Mme Baricako est présidente du Mouvement des femmes et des filles pour la paix et la sécurité au Burundi (MFFPS). De plus, elle est une Consultante internationale, traductrice, activiste dans le domaine de Femmes, Paix et Sécurité depuis 1989. Ses interventions sont surtout dans le cadre de l’Union africaine, l’ONU, Communauté Est-Africaine, Union européenne et d’autres. Mme Baricako est membre de plusieurs organisa-

tions dont membre du Conseil d’administration de International Leadership Foundation (ILF Global) depuis 2012 ; membre du Comité directeur du Réseau de femmes africaines médiatrices (FEMWISE) depuis 2016 ; membre du Réseau des femmes africaines leaders (AWLN) depuis 2017… Elle fut aussi membre du panel de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies sur les opérations de paix, 2014 à 2015, Mme Baricako voyage beaucoup et a presque fait tous les pays africains et beaucoup d’autres pays sur tous les continents. Le kirundi est évidemment sa langue maternelle et elle l’aime beaucoup. Elle parle couramment le français et l’anglais, et comprend le Swahili. Elle est très féministe et croit beaucoup en la jeunesse. D’après elle, ce sont les deux piliers de tout développement en Afrique. Tout dirigeant qui les laisse en arrière n’arrivera à rien, dit-elle.

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LADEC, pour un développement communautaire durable

Lors d’une soirée de présentation de Land and Development Expertise Center-« LADEC » tenue le 6 décembre 2018 à l’Hôtel Safari Gates, les associés de cette entreprise sociale ont réaffirmé leur volonté de contribuer au développement du pays via la gouvernance foncière.

L

es témoignages des bénéficiaires du projet foncier affirment que la certification foncière a contribué à la réduction des conflits fonciers, à la cohésion des familles, à la consolidation de la paix », déclare Séverin Nibitanga, Directeur-Gérant du LADEC Encouragé par ces témoignages des bénéficiaires, un groupe d’experts qui a exécuté le projet foncier Ngozi de la Coopération Suisse a créé un centre pour continuer à œuvrer dans le foncier et les thématiques connexes, à travers tout le pays. « Ladec a l’ambition et la mission de produire des analyses prospectives et des propositions pour alimenter, influencer positivement, éclairer les politiques de développement ». Pour M. Nibitanga, ce centre vient contribuer à résoudre les problèmes du développement communautaire. «Les bénéficiaires affirment que la certification foncière leur a ouvert les portes des institutions de microfinance pour un accès à des microcrédits. Cela a

Damien Callegari : « Ladec est une start-up fait d’experts qui fournit tout un tas de prestations dans le secteur foncier »

Différents partenaires présents lors de la soirée de présentation du Ladec

contribué à leur inclusion financière». Il souligne que LADEC est une entreprise sociale soucieuse de contribuer à la recherche des solutions face aux problèmes de justice sociale et de développement.

LADEC prêt à collaborer avec d’autres acteurs M. Niyibitanga appelle les acteurs qui œuvrent dans ce secteur à se joindre à eux pour mettre leurs talents au service de la communauté. « Notre entreprise a de vastes ambitions qu’elle

ne pourra réaliser qu’avec le concours des partenaires ». Le Directeur-gérant indique que ce centre vient de se doter d’un plan stratégique quinquennal qui ira de 2019 à 2023. “Ce plan reflète les besoins réels de notre société et s’aligne sur les politiques nationales de développement communautaire». Pour Damien Callegari, Directeur adjoint du Bureau de la coopération suisse, LADEC est un bon partenaire avec des experts dotés d’expériences et d’expertise. « Il fournit tout un tas de prestations dans le secteur foncier. Mais c’est une jeune entreprise qui a besoin d’un accompagnement et d’un soutien». Et d’ajouter que la coopéra-

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tion suisse s’est même servi de LADEC pour finaliser certaines activités « On a beaucoup profité de l’expérience de LADEC pour finir les chantiers qui étaient restés inachevés dans le cadre du Projet foncier Ngozi». M. Callegari appelle différents acteurs qui œuvrent dans le domaine foncier à bien vouloir collaborer avec ce centre naissant pour promouvoir ce secteur dont ils maitrisent bien les enjeux. Né dans le contexte de fin du projet foncier de la coopération suisse, LADEC a été constitué en mai 2017 par l’ancienne équipe du projet foncier élargie à d’autres experts en foncier et développement. Il est devenu opérationnel au début de l’année 2018.


ENVIRONNEMENT

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Ngozi

Immondices et population, liaisons dangereuses Les déchets ménagers sont déposés dans les quartiers. La population craint pour sa santé et demande l’aménagement des dépotoirs, loin des espaces habitables.

A

quelques mètres de l’Université privée de Ngozi, au quartier Rubuye dans la ville de Ngozi, des déchets de toutes sortes s’entassent : restes de nourriture, de charbon, des sachets, des feuilles de bananiers et de maïs… dégagent une odeur nauséabonde. Les passants pressent le pas en se bouchant le nez. Des enfants aux vêtements en lambeaux, avec de petits sachets dans leurs mains, mangent ce qu’ils glanent ici et là. A proximité, des femmes, certaines avec des enfants sur le dos, vendent des épis de maïs sur des étals de fortune. Elles se disputent les clients et les passants, des clients potentiels : « Voyez ceux-ci, ils sont gros et délicieux. » Un tas composé de cinq épis de maïs se vend à 1000 BIF. Une gargote dénommée « WhatsApp » a pour clients des jeunes de condition modeste. A la vue d’un appareil photo, des femmes et des enfants, nullement inquiets par la présence d’immondices, prennent la pause et réclament de se faire photographier par les journalistes. Seule une vendeuse de maïs nous interpelle : « Photographiez ! Peut-être que vous nous réclamerez un endroit plus propre. » Un habitant de Ngozi, rencontré dans les environs, s’indigne : « Partout où l’on passe, dans la rue, derrière les maisons, dans les parcelles non construites, on ne voit que des déchets ménagers. On fait l’extension de la ville, mais on n’aménage pas des endroits réservés pour les ordures. » Il confie qu’au sein de son ménage, ils mettent les déchets dans un sac, puis chargent leur cuisinier de les jeter ailleurs. « C’est à lui de savoir où aller. Mais nous savons qu’il les jette là où les autres les déposent ». Un autre habitant confirme : « On se cache dans l’obscurité pour se débarrasser des immondices. » Tous invoquent la même raison : manque de dépotoir où acheminer leurs déchets ménagers.

Des femmes vendent du maïs grillé et des frites de patates douces près des immondices.

dépotoirs spéciaux. Jusqu’à maintenant, nous attendons. Pourtant, ces derniers sont entreposés dans les enceintes de la Regideso Ngozi », se lamentent les habitants de Ngozi qui craignent pour la santé des leurs. « Nous risquons d’attraper les maladies des mains

sales et d’autres contagieuses ». Keep the Town Clean (KTC), fondée en 2014, travaille au ralenti par manque de moyens matériels. « Nous n’avons plus de force physique et matérielle. Certains de nos employés ont volé nos outils de travail. Et l’administration ne

s’y implique pas convenablement pour nous soutenir dans la sensibilisation », explique Antoine Niragira secrétaire exécutif de KTC. « Quelques citoyens n’ont jamais payé la somme leur exigée depuis le début de nos activités.

L’administration communale rassure Athanase Ntunguka, conseiller technique chargé du développement dans la commune de Ngozi, fait savoir que les travaux préparatifs pour l’assainissement de la ville de Ngozi sont presque terminés. « Nous attendons la réception de certains équipements pour mettre en action le programme. Les termes de référence ont déjà été élaborés pour la gestion des équipements et infrastructures à travers le partenariat public-privé pour une meilleure gestion de ces derniers ». Et d’ajouter que les sites où les containers seront installés sont déjà disponibles. D’après lui, la population sera organisée via les associations pour collecter les déchets ménagers et les déposer dans ces containers. Des tracteurs chargés de les ramasser pour les transporter vers un site de décharge sur la sous- colline Gatonde de la colline Rusuguti seront disponibles. « Les démarches sont en cours. Bientôt on va rendre disponibles ces containers et la population pourra se débarrasser de ses déchets» , conclut le conseiller technique chargé du développement dans la commune Ngozi.

« Promesse non tenue » « Cela fait à peu près deux ans que les autorités nous ont nourris d’espoir quant à l’octroi de

L’administration devrait nous aider à les convaincre, voire les obliger à contribuer pour la propreté de leur quartier ». Il réitère sa demande de soutien à la commune de Ngozi.

Athanase Ntunguka : « Les sites où les containers seront installés sont déjà disponibles. »

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Pierre Emmanuel Ngendakumana


AU CŒUR DU PAYS

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Région Centre

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Gitega

VBG : les jeunes filles plus exposées Avec le développement des villes, les jeunes filles quittent les campagnes et abandonnent l’école pour aller se faire embaucher comme nounous. Elles sont parfois maltraitées et payées un salaire de misère. La plupart de gens pointent du doigt les femmes d’être à l’origine de ces violences. De notre correspondant Jean-Noël Manirakiza

A

chaque fois qu’une femme met au monde un bébé, c’est une petite fille qui abandonne l’école », fustige Célestin un habitant de Shatanya. Dans la ville de Gitega, les nounous viennent des provinces de Karusi, Ruyigi et Muramvya. La plupart ont entre 14 ans et 15 ans, tranche d’âges très préférée par les mamans qui ont besoin des bonnes pour la garde de leurs bébés. Ces jeunes filles font tous les travaux domestiques malgré leur jeune âges. Cherchant à tout prix à garder leur emploi et aussi la peur de leurs patronnes, elles s’attèlent sur tous les travaux

Région Ouest

Cette fille en uniforme d’écolière, qui va vendre des légumes, sera plus tard embauchée comme nounou dans un quartier de la ville

qu’on leur demande de faire. A l’insu de leurs employeurs, beaucoup d’entre elles indiquent qu’elles sont exploitées. « C’est ma mère qui m’a envoyée ici par l’intermédiaire d’une autre femme. J’étais en 4ème année primaire », explique Rose, une domestique de Yoba. D’après elle, elle n’a jamais touché le salaire depuis cinq mois qu’elle a quitté sa colline natale de Nyabikere. « C’est ma mère qui empoche

tout. A chaque fin du mois, elle s’arrange pour venir récupérer mon salaire.» Les nounous interrogées disent que ce sont principalement les femmes qui les maltraitent. La plupart des patronnes cherchent les moins exigeantes. Au lieu de majorer le salaire, elles chassent l’ancienne bonne pour embaucher une nouvelle qui ne demande pas beaucoup.

« La plupart de nounous finissent dans la prostitution » Après leur renvoi du travail, ces filles qui sont devenues grandes ne retournent pas à la campagne. Sans expérience de travailler la terre, et parfois avec un bébé issu des relations avec les grooms ou les taxis motos, elles préfèrent rester en ville. D’après nos enquêtes, la majorité d’entre elles viennent grossir les

rangs des prostituées dans les quartiers populaires. Leur nombre n’est pas connu, mais chaque soir, certaines ratissent les bistrots et les autres qui n’ont pas les moyens de s’offrir la première bouteille, rodent tout autour de ces lieux fréquentés. Anna une ancienne domestique témoigne : « Je suis venue en ville à l’âge de 1 3ans sous les ordres de ma mère pour travailler comme domestique dans une famille originaire de chez nous. Après deux ans j’ai changé d’employeur pour aller à Bujumbura. En tout, j’ai travaillé dans 10 familles différentes mais durant toutes ces années, je n’ai jamais gagné plus de 20mille Fbu par mois.», Selon Anne, la vie qu’elle mène aujourd’hui résulte des conditions dans lesquelles elle a évolué depuis le jour où sa mère, en complicité avec son ancienne patronne, l’a arrachée du banc de l’école. Et d’ajouter : « Nous nous sommes retrouvées avec des bébés qui ne sont pas reconnus par leurs papas. Pour survivre, nous sommes obligées de pratiquer la prostitution. » Il est à noter que les 15 jours d’activisme pour lutter contre les violences faites aux filles et aux femmes a pris fin lundi 10 décembre à Gitega.

Cibitoke

La commune Rugombo double les taxes avant la fin de l’année Les contribuables se disent mécontents des taxes qui ont été revues à la hausse sans avoir été avertis. L’administration communale reconnaît la situation, mais leur demande de s’acquitter de ces taxes. De notre correspondant Jackson Bahati

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rrivé au chef-lieu de la commune Rugombo province Cibitoke, on voit la police, certains jeunes affiliés au parti au pouvoir ainsi que les percepteurs d’impôts se promener avec des quittances dans les mains en demandant à tout contribuable de payer les taxes. Ce phénomène jugé étrange par les commerçants et les taxi-vélos de la commune Rugombo inquiète. « Les taxes ont été doublées avant que l’année ne prenne fin », se lamente Japhet Ngenzebuhoro, un propriétaire d’une boutique qui dit avoir payé vingt mille francs burundais au lieu de dix mille. D’autres commerçants

contactés témoignent la même situation. Ils se disent étonnés de cette situation et pensent que ces percepteurs d’impôts volent leur argent .

" Chaque commune a sa façon de s’organiser pour le développement " Selon eux, avant de prendre des mesures, les autorités communales procédaient à des réunions avec les commerçants. Ces derniers indiquent qu’ils sont contraints de payer ces taxes pour ne pas manquer de places au marché moderne qui a été inauguré par le président de la République il y a deux mois au chef-lieu de cette commune. Ils reprochent à ces percepteurs d’impôts de les avoir menacés en leur disant que celui qui ne veut

Un échantillon des taxes revues à la hausse

pas payer ces taxes n’aura pas de place. Félix Kubwayo, un des taxisvélos indique que cela se manifeste au moment où la situation économique n’est pas bonne et demande à la commune de revoir cette décision. C’est du moins la déclaration

de l’administrateur de la commune Rugombo qui signale que les taxes ont été revues à la hausse pour le bien de la commune. Il demande aux contribuables de payer plutôt ces taxes. Béatrice Kaderi , administrateur de cette commune, dément l’information qui indique que

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les commerçants qui ne veulent pas payer les taxes n’auront pas de place au marché moderne de Rugombo. Elle indique que les commerçants qui souhaitent des places doivent remplir les conditions requises demandées par le conseil communal.


AU CŒUR DU PAYS

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Région Sud

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Rumonge

Des femmes rurales formées en maçonnerie 93 femmes rurales de la commune de Rumonge ont reçu mardi 11 décembre des certificats après 6 mois de formation en maçonnerie. La population salue un projet innovant et demande que ces femmes soient recrutées comme maçons sur les différents chantiers. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

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es femmes rurales proviennent des collines de Mutambara, Gatete et Busebwa de la zone Gatete en commune de Rumonge. Elles étaient sous l’encadrement du Conseil pour l’éducation et le développement (Coped) depuis 6 mois, selon l’abbé Emile Ndayizigiye , son directeur. Ce projet a été conçu pour la promotion des métiers des femmes rurales pour leur autonomie financière. Ces femmes ont construit des maisons modèles sur leurs collines qui ont été inaugurées et remises à l’administration. Mgr Venant Bacinoni, l’évêque du diocèse de Bururi qui avait rehaussé de sa présence les cérémonies de remise des certificats et du kit de matériel, a félicité ces

femmes pour leur détermination et leur assiduité en brisant le tabou. Il leur a demandé d’être des modèles dans leurs communautés. Il les a invités à commencer à transformer et à construire leurs propres maisons pour montrer à l’entourage qu’elles sont capables afin d’inciter leurs voisines à apprendre aussi ce métier de maçonnerie.

« Qui développe une femme développe une nation » Le Coped a remis à chaque femme, en plus du certificat, un kit de matériel de base composé de niveau à eau, d’une truelle, d’un équerre, d’un marteau et d’un décamètre. Selon l’abbé directeur du Coped, ce matériel leur servira à bien démarrer leur carrière étant bien outillées. Une somme de trente mille francs burundais a été remise à chaque femme afin de mettre en place

Ces femmes se réjouissent du kit de matériel de base qui leur servira à bien démarrer leur carrière

des activités génératrices de revenus au sein de leur association. La représentante de ces femmes a demandé qu’elles soient embauchées comme maçons sur les différents chantiers afin de faire la promotion des femmes maçons au Burundi. Elle a demandé au Coped de continuer l’encadrement surtout en faisant le plaidoyer auprès de leurs partenaires pour privilégier le recrutement des femmes sur les différents chantiers de construction. Delphine Niyongabire a exhorté leurs maris à leur faciliter la tâche afin d’aller travailler

sur les chantiers, et aux autorités administratives, de procéder à l’agrément de leur association. Elle a demandé aux autorités administratives de donner ces maisons construites par ces femmes à leur association pour qu’elles soient des centres de promotion où les femmes de chaque colline peuvent se rencontrer et discuter des problèmes qui les hantent. Elle a demandé aux autres partenaires à continuer à former les femmes en différents métiers pour leur auto développement car pour elle « qui développe une femme développe une nation ».

Les associations féminines saluent ce projet innovant qui renforce la capacité de femmes et ont demandé aux différents partenaires qui interviennent dans la promotion de femmes de faire de ces trois collines, des localités pilotes pour l’autonomisation de la femme rurale. Signalons que d’autres femmes qui n’ont pas bénéficié de cette formation ont émis le souhait d’être formées dans différents métiers comme la menuiserie, la soudure, l’électricité, l’informatique.

CULTURE

Buja fashion week : Un échec cuisant Le défilé de mode du vendredi 7 décembre devait marquer la semaine de la mode organisée du 4 au 8 décembre à Bujumbura. Mais l’évènement a tourné au fiasco. La « malhonnêteté des sponsors », à l’origine.

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endredi 7 décembre. Il est 19h à l’école Les Lierres qui abrite la soirée de la mode, Buja fashion week. Moins de dix spectateurs sont en place. Une cinquantaine de chaises sont vides. L’ennui se lit sur les visages de ces quelques amoureux de la mode. L’attente est longue. Le défilé devrait commencer à 18h. Un MC (maître des cérémonies) essaie de détendre l’atmosphère dans l’espoir de voir au moins la moitié des chaises occupées. Il use de toute sa sympathie pour retenir les quelques présences, certains tentant de s’en aller.

Les mannequins défilant dans Buja fashion week.

19h30, à peine 15 personnes sont présentes. Certains d’entre eux sont les parents des enfants mannequins qui vont défiler. Dans les coulisses, c’est un autre climat. Les mannequins s’activent. Maquillage, changement de tenue… Jeunes femmes et hommes mais aussi des enfants s’apprêtent à défiler. Le défilé de mode ne débutera qu’à 20h avec une dizaine de spectateurs comme public. L’événement débute par un défilé

d’enfants, filles et garçons, âgés de 5 à 8 ans. Puis les jeunes femmes, enfin les garçons. Leurs styles vestimentaires, leurs physiques, leurs regards perçants… ne manquent pas d’impressionner les spectateurs. C’est sous les acclamations de ces derniers que les mannequins défilent et posent.

La déception A la fin de l’évènement, des mannequins et des spectateurs déçus. Les mannequins dénon-

cent des promesses non tenues par l’organisation. Les amoureux de la mode parlent d’une mauvaise organisation. Le directeur artistique de Buja fashion week, Hugues Sami Rudahindwa, explique cet insuccès par la « malhonnêteté des sponsors ». « L’évènement a changé de lieu plusieurs fois ». Au départ, explique ce jeune artiste, le défilé était programmé au Zion Beach. « Moins de 48h avant le jour J, l’on apprend que

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la place a été réservée pour un autre évènement ». L’hôtel Panoramique devient la 2ème option. Mais le patron se désiste à la dernière minute, le jour même de l’évènement. « Il n’aurait pas été informé ». D’après ce directeur artistique, le défilé de mode devait avoir lieu coûte que coûte. L’école Les Lierres abritera donc le défilé à l’insu du public. « L’on ne pouvait pas informer tout le monde ». Sami Rudahindwa confie que plus de la moitié du budget requis pour préparer l’évènement n’a pas été disponible à cause des promesses non tenues par les sponsors. Ce qui laisse l’organisation endettée. Buja fashion week a été organisé dans le but de promouvoir la mode burundaise. Cet évènement a été initié par l’association « Yetu beauty », un groupe de mode composé par une vingtaine de jeunes artistes. Mais l’organisation de l’évènement a été assurée par un staff indépendant de dix jeunes artistes âgés de 20 à 27 ans. Clarisse Shaka


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SPORT

Vendredi, 14 décembre 2018 - n°509

Basketball

Coupe du président : en attendant l’heure du sacre… Samedi 22 décembre, à Gitega, Urunani vs Dynamo, côté garçons, et Les Gazelle vs Berco Stars, chez les filles, s’affronteront dans ce qui sera le dernier tournoi majeur de la saison. Zoom sur leurs possibles chances de victoires.

C

onstamment, au coude à coude durant toute la saison, Urunani et Dynamo ne se sont pas donnés du répit. En cinq confrontations au cours de cette année (championnat de l’ACBAB et tournois y compris), les verts de Dynamo ont remporté trois victoires. A une semaine de la finale, un statut qui le place en position de favori. Bien qu’Olivier Ndayiragije, son coach, ne veut pas se bercer d’illusions : « Contrairement aux autres rencontres, la finale du 22 décembre se jouera en une seule manche et sur un terrain neutre.» Objectivement, poursuit-il, il y a un tas de raisons qui nous poussent à être plus vigilants que jamais. « La moindre erreur de l’un fera l’affaire de l’autre ».

Berco Stars tentera de conserver son titre.

Quant à Aaron Kagabo, coach d’Urunani, peu craintif, il relativise : « Au vu de son effectif et de ce que Dynamo a montré cette saison, elle semble au dessus de nous.» Pour lui, cette situation permet à ses joueurs de ne pas se mettre trop de pression. Comme en témoigne leur récent sacre en Play-Off contre Kern. Sans leur maître à jouer Malick, ils ont fait

preuve de solidarité et d’altruisme allant chercher les trois victoires, synonyme de trophée. Un état d’esprit qui n’effraie guère Olivier et ses hommes. « Ce mental de gagnant, nous l’avons aussi. Sinon, on ne se serait pas extirpé du piège de Target Intamenwa en demi-finales ». Menés tout le match, il faudra les prolongations pour venir à bout de ces

intrépides joueurs en provenance de Ngozi (78-74). Seule interrogation : en cas de méforme de leur métronome Jean Hakizimana, Dynamo saura-t-il remonter la pente ?

Chez les filles, une kyrielle d’arguments à faire valoir La finale, côté filles, aura les allures d’une revanche. Vain-

Jeux interparlementaires de l’EAC

Le Burundi n’a pas démérité Du 1 au 9 décembre, Bujumbura était l’hôte de la 9ème édition de ce tournoi qui rassemble les pays de la communauté est-africaine. Les représentants nationaux du peuple ont tiré leur épingle du jeu.

D

euxième au classement général chez les hommes et troisième chez les femmes, les députés burundais ont ébloui le public par la beauté de leur jeu. Et bien plus par leur détermination sur le terrain. Autant dire que les trois renforts extérieurs pour chaque équipe, que le règlement autorisait, leur ont permis de se sublimer. Aidé par les joueurs en provenance de différentes équipes de l'Association de Volleyeball de Bujumbura, les députés volleyeurs ont arraché la 1ère place. Au passage signant le meilleur bilan : 4 victoires en 4 matches. Même cas de figure chez leurs consœurs, elles ont pu accrocher la 2è place, avec un bilan de 3 victoires en 4 matches. Dans les autres disciplines,

telles que le football, le netball, la moisson n’a pas été aussi bonne que le pays hôte l’espérait. Au football, sur 4 matches, l’équipe burundaise n’en a gagné qu’un seul .Une preuve que certaines disciplines restent la chasse gardée de leurs homologues ougandais et kényans et tanzaniens. Comme en témoigne les lourdes défaites des députées burundaises au netball. Signalons qu’outre le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, une délégation composée de parlementaires mixtes a pris part au tournoi. Le Rwanda et le Soudan du Sud n’ont pas pris part au rendez-vous. H.M. Au cours de ces jeux, les volleyeuses burundaise ont brillé

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

queur de la 1ère édition, Berco Stars aura à cœur de conserver son titre. Au vu de l’actuelle bonne forme des joueuses de Les Gazelles, cela sera une tâche ardue. « Certes, nous sommes déjà habituées à croiser le fer avec elles, mais je peux certifier que la finale du 22 décembre sera d’une autre dimension », affirme Ethan coach de Berco Stars. Bien qu'elle ait été battue 4 fois par les Gazelles cette saison, Berco Stars, sur papier, est favorite. Seul bémol, la championne nationale en titre ne s’appuie que sur des individualités, entre autres l’éternelle meneuse Passy et ses pivots Nadège et Gégé. Une situation aux antipodes de Les Gazelles dont le collectif est sa force. « Un avantage énorme quand les choses se corsent », opine Sandra, une ancienne joueuse. Lorsque l’une de ses joueuses, explique-t-elle, n’est pas dans son grand jour, cela se répercute sur l’ensemble de l’équipe. Pour rappel, outre l’enveloppe prévue -( elle était de 2 millions BIF l'année passée), les vainqueurs auront validé leur billet pour le tournoi de la zone 5 (il rassemble les équipes de la communauté est africaine, NDLR) de l’année prochaine. Hervé Mugisha


ANNONCES

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2019

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