IWACU 506

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IWACU N°506 – Vendredi 23 novembre 2018 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi TĂ©l. : 22258957

Semaine du combattant

Maquis, quand tu nous tiens !

POLITIQUE Bujumbura dĂ©cline les bons offices de l’UA

AU COIN DU FEU

ÉCONOMIE P.5

Sosumo : privatisation, prudence !

P.6

Avec Sylvestre Ntibantunganya

P.11


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 23 novembre 2018 - n°506

En coulisse

Sur le vif

En hausse

Classification des hÎtels burundais pour bientÎt Un quitus Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

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ers un nouveau cadre de dialogue ? AprĂšs le fiasco du dernier round du dialogue inter burundais, les chefs d’Etat de la CommunautĂ© de l’Afrique de l’Est, l’EAC, ont Ă©tĂ© pointĂ©s du doigt pour leur inefficacitĂ©. Entre autres raisons, le manque de convergence, le mĂ©diateur qui n’a pas Ă©tĂ© disponible, voire indiffĂ©rent, selon certains. Bref, le facilitateur n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© de tout l’appui dont il avait besoin pour rĂ©ussir sa difficile mission. Indirectement, l’Union Africaine (UA) et les Nations Unies (ONU) sont aussi impliquĂ©es. Les deux organisations ont mandatĂ© l’EAC en vertu du principe de subsidiaritĂ©. De par des dĂ©clarations, des rapports, des initiatives tous azimuts, plus d’un se demandent si les deux organisations se mobilisent enfin pour « rĂ©parer les torts. » « Je demande Ă  tous les partenaires rĂ©gionaux et internationaux concernĂ©s, y compris les membres du Conseil de sĂ©curitĂ©, de participer Ă  des dĂ©bats de fond aprĂšs la tenue, fin novembre, du Sommet des chefs d’État de la CommunautĂ© d’Afrique de l’Est, afin de faire le point et de dĂ©cider ensemble de la voie Ă  suivre. » Une des recommandations du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ONU dans son rapport soumis au Conseil de SĂ©curitĂ© le 15 novembre sur la situation au Burundi. Le Portugais Antonio Guterres affirme qu’en fonction de la situation sur place, il proposera « plusieurs rĂŽles possibles pour l’ONU au Burundi, aprĂšs avoir tenu des consultations avec les principaux partenaires internationaux, dont l’EAC et l’UA. » Entre-temps, le Conseil de paix et de sĂ©curitĂ© de l’UA a tenu des dĂ©bats sur le Burundi le 19 septembre au cours desquels il a adoptĂ© plusieurs dĂ©cisions. Le Conseil a notamment rĂ©affirmĂ© son attachement Ă  l’esprit et Ă  la lettre de l’Accord d’Arusha ainsi que son appui aux efforts entrepris dans le cadre du dialogue inter burundais tenu sous les auspices l’EAC. Les mĂȘmes dĂ©bats reprendront le 19 novembre. Du 5 au 7, SmaĂ«l Chergui, commissaire Paix et SĂ©curitĂ© de l’UA, effectuera une visite au Burundi. Par ailleurs, le facilitateur dans le dialogue inter-burundais, Benjamin Mkapa, a remis le 19 novembre son rapport sur le dialogue inter-burundais au prĂ©sident Yoweri Museveni, le mĂ©diateur dans la crise burundaise. Certes, ce sont les Burundais qui doivent tracer leur destin. Mais la mĂ©fiance restant profonde entre le gouvernement et le parti au pouvoir d’une part, et l’opposition de l’autre, un mĂ©diateur est toujours indispensable. Alors que le pays se dirige vers la tenue des Ă©lections de 2020, le dialogue ne devrait pas trop durer. Il faudra s’atteler Ă  trouver des compromis sur certains prĂ©alables des scrutins en vue d’apaiser les tensions politiques. Entre autres l’environnement politique, sĂ©curitaire et lĂ©gal. Si la classe politique veut continuer Ă  faire entendre sa voix, ce quitus suffit.

Fiston Abdoul Razak, joueur de l’équipe nationale de football,

L’Office Burundais du Tourisme procĂ©dera dĂ©but du mois de dĂ©cembre, Ă  la classification des hĂŽtels par Ă©toiles. Les propriĂ©taires ont Ă©tĂ© sensibilisĂ©s pour qu’ils se prĂ©parent davantage pour remplir les 21 critĂšres conditionnels pour ĂȘtre classĂ©s.

Mkapa a remis son rapport au médiateur Le facilitateur dans le dialogue inter-burundais, William Benjamin Mkapa, a remis lundi 19 novembre, son rapport final au président ougandais, Yoweri Kaguta Museveni, médiateur dans la crise burundaise et président en exercice de la Communauté est-africaine.

Election des 13 nouveaux membres de la CVR L’AssemblĂ©e nationale a Ă©lu, jeudi 22 novembre, 13 nouveaux membres de la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation. Parmi eux, 7 sont de l’ethnie Hutu, 5 sont des Tutsi et un Mutwa.

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our son quadruplĂ© contre le Soudan du Sud, vendredi 16 novembre. Il est l’actuel meilleur buteur des Ă©liminatoires de la CAN 2019.

En baisse

Dieudonné Nibitanga, policier de la commune Gitega,

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our avoir tiré à bout portant sur un jeune homme du quartier Mushasha, samedi 17 novembre. Ce dernier en a succombé.

Un chiffre

LA COMPOSITION DE LA NOUVELLE CVR

Président

: Pierre-Claver Ndayicariye

Vice-président : Clément Noé Ninziza Secrétaire

: LĂ©a Pascasie Nzigamasabo

952 Est le nombre de cas d’accidents enregistrĂ©s du 1er janvier au 30 juin 2018

Source : PSR/SR

Les membres : Aloys Batungwanayo DĂ©o Hakizimana LĂ©a Pascasie Nzigamasabo Ramadhan Karenga Pierre-Claver Ndayicariye Elie Nahimana Pascal Niyonkuru ClĂ©ment-NoĂ© Ninziza LĂ©once Ngabo Alice Nijimbere Denise Sindokotse DĂ©ogratias Ndikumana Goreth Bigirimana. 7 d’entre eux sont Hutu, 5 Tutsi et un Twa

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Une pensée

« Lâ€șentĂȘtement est une cĂ©citĂ©. » Anne Barratin


L'ÉVÉNEMENT

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Le souvenir du maquis, toujours vivant Le parti Cndd-Fdd a clos sa séquence mémorielle du combattant à Buheka, en province Makamba. Une cérémonie riche en discours et en insolites.

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’est un peu comme retourner sur les lieux du crime, sauf qu’ici nous avons Ă©tĂ© plus victimes que bourreaux ». Ici, c’est la colline Buheka Ă  une vingtaine de kilomĂštres du chef-lieu de la commune Nyanza-Lac, de la province Makamba. « Un lieu symbolique, » vont rĂ©pĂ©ter les dignitaires du parti Cndd-Fdd, Ă  commencer par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti. Il y a plus de quinze ans, cette plaine est un des bastions du groupe rebelle. La population est acquise Ă  la cause et cache dans ses maisons ces hommes armĂ©s. Sauf que Bujumbura va le savoir aussi et envoyer un renfort de militaires. La bataille sera sanglante. Plusieurs morts du cĂŽtĂ© rebelle. « Si on s’était dĂ©couragĂ© Ă  l’époque, devant la perte de nos valeureux guerriers, on ne serait pas lĂ  en ce moment, » indique Evariste Ndayishimiye.

La semaine du combattant célébrée à Buheka

15 ans aprĂšs le cessez-le-feu du 16 novembre 2003, le mouvement rebelle d’alors est le parti au pouvoir. Depuis 2005, les rebelles sont devenus prĂ©sident de la RĂ©publique, ministres, dĂ©putĂ©s, gĂ©nĂ©raux, hom-

mes d’affaires, etc. Aujourd’hui, ils tiennent les rĂȘnes du pays. « Mais il ne faut pas qu’on oublie qu’on vient de loin, » rappelle le guide suprĂȘme du Cndd-Fdd sont le prĂ©sident Pierre Nkurunziza. Les membres du parti Cndd-

Les discours ‱ Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti

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e gĂ©nĂ©ral Evariste Ndayishimiye, alias Neva’, devenu patron du parti Cndd-Fdd s’est lancĂ© dans un vĂ©ritable discours aux allures de campagne. Il a peint ce que sera le cheval de bataille de la campagne des Ă©lections de 2020 : place au dĂ©veloppement du pays. Fini de fermer les yeux sur la corruption, les dĂ©tournements de fonds et les malversations. L’ennemi du pays n’est plus la Belgique, l’Occident, ni mĂȘme la haine ethnique.

Evariste Ndayishimiye a ciblĂ© le seul et l’unique : « La pauvretĂ© ». Les Bagumyabanga (ceux qui gardent le secret), membres du parti, ne doivent plus garder le secret de ceux qui volent le pays. « Il faut les dĂ©noncer pour que le pays avance. » Le Burundi doit amĂ©liorer les secteurs de la SantĂ©, l’éducation, l’environnement, les finances. « Et les Bagumyabanga doivent prendre les devants pour dĂ©velopper le pays. »

Fdd, venus de tous les coins du pays pour cĂ©lĂ©brer la fin de la semaine dĂ©diĂ©e au combattant. Buheka s’est parĂ©e de sa plus belle robe. Les routes ont Ă©tĂ© refaites, les nids de poule recouverts, les grandes tentes, dĂ©corĂ©es aux

couleurs nationales amĂ©nagĂ©es. Une petite pluie a arrosĂ© le sol. Les policiers et les militaires postĂ©s Ă  chaque coin des rues depuis Nyanza-Lac font le guet. Ce serait tragique de revivre ce qu’ils ont vĂ©cu Ă  Buheka
 AgnĂšs Ndirubusa

‱ Le prĂ©sident de la RĂ©publique, guide suprĂȘme du parti

« Permettez-moi d’insister sur le contraire de valeureux guerriers, les traĂźtres». La mise en garde du prĂ©sident Nkurunziza est claire. Le traĂźtre est celui qui ne respecte pas les dĂ©cisions du roi et du prĂ©sident de la RĂ©publique. Celui qui trahit le prĂ©sident trahit Ă©galement le

Buhuta, Behind the scene

pays et le peuple. « Ceux qui l’ont fait subissent l’exil au loin de leur pays, ne l’oubliez pas. » Son discours se veut aussi nationaliste. Rappeler l’histoire du pays et de ses valeureux guerriers. Bien avant le combattant Cndd-Fdd. A l’image de des rois comme Ntare Rushatsi, Ntare Rugamba et Mwezi Gisabo. Les hĂ©ros de l’indĂ©pendance et de la dĂ©mocratie, le prince Louis Rwagasore et Melchior Ndadaye. « Tous se sont sacrifiĂ©s avant vous dans des conditions souvent plus difficiles que les nĂŽtres aujourd’hui. » A.N.

‱ La prĂ©sence des enfants

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es enfants d’à peine une dizaine d’annĂ©es Ă©taient prĂ©sents. Avec leurs frĂšres et sƓurs plus ĂągĂ©s, ils ont Ă©gayĂ© les festivitĂ©s Ă  pas de danse et de chants bien prĂ©parĂ©s. Des enfants ont scandĂ© des slogans va-t’en guerre. ‘’Tuzobasongako’’, ‘’Hongora injavyi’’ (‘’Nous allons les pourchasser’’, ‘’Nous allons leur arracher les dents’’). Un langage loin de faire l’unanimitĂ©. Certains pensent que des enfants doivent ĂȘtre Ă©duquĂ©s avec plus de tolĂ©rance et de non-violence.

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L'ÉVÉNEMENT

‱ De la nourriture de maquis qui crĂ©ent des envieux

Les cĂ©rĂ©monies se sont clĂŽturĂ©es par un partage de repas. Un buffet avec de la nourriture de maquis. MaĂŻs, patate douce, colocase, igname, viandes
 les invitĂ©s se sont servis Ă  volontĂ©. « En mangeant cette nourriture, ayez l’humilitĂ© de vous rappeler la vie difficile du maquis pour ne pas avoir la grosse tĂȘte, » a rappelĂ© Pierre Nkurunziza avant le dĂ©jeuner. La population des environs venue assister Ă  la cĂ©rĂ©monie regardait avec envie les membres du Cndd-Fdd. Impossible de se mĂȘler Ă  eux : les militaires et les policiers veillaient. « LĂ , ils disent que c’est une nourriture des temps difficiles et certains d’entre nous ne parviennent pas Ă  en trouver, » s’est exclamĂ©e une femme.

Vendredi, 23 novembre 2018 - n°506

‱ Un membre de la sociĂ©tĂ© civile ainsi qu’un prĂ©lat chantent l’hymne du parti

Lorsque l’air de l’hymne du parti Cndd-Fdd se fait entendre Ă  Buheka, c’est solennellement que certains invitĂ©s chantent en chƓur avec les membres du parti. Il s’agit notamment du prĂ©sident de l’Observatoire national des Ă©lections, Onelop et en mĂȘme temps membre de la Cnidh ainsi qu’un prĂ©lat de l’Eglise anglicane.

‱ Des Imbonerakure amassĂ©s dans des camions Fuso

« Il faut ĂȘtre prudent, un accident est vite arrivĂ©, » s’inquiĂšte une Mukenyerarugamba sur les lieux. Des camions transportent des centaines de jeunes affiliĂ©s au parti Cndd-Fdd venus participer aux festivitĂ©s. « Gare aux claustrophobes qui risquent un malaise dans ces conditions ». A.N.

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COMMUNIQUE DE RECRUTEMENT INTERCONTACT SERVICES recrute pour un Client un/e Conseiller ( e) Technique Junior pour la Composante n°3 du projet « Gestion durable des ressources en eau et sol dans les rĂ©gions vulnĂ©rables au changement climatique en vue d’accĂ©der Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire » remplissant les conditions suivantes : avoir un diplĂŽme de Licence/MaĂźtrise dans une spĂ©cialitĂ© en rapport avec les objectifs du projet et une spĂ©cialisation en lien avec les objectifs du projet (environnement, gestion des ressources naturelles, agriculture, Science de politique environnementaux, etc.). Il/elle devra justifier d’une expĂ©rience professionnelle (stage, etc.) dans le domaine considĂ©rĂ©. Il/ elle devra justifier d’une expĂ©rience en rĂ©seautage, collaboration et concertation avec des plateformes et cadres de concertation au niveau national et rĂ©gional. L’expĂ©rience en genre constituerait un avantage. Il/ elle devra avoir une bonne expĂ©rience pratique des technologies de l’information et de la communication. Les TDRS complets sont postĂ©s sur le site : www.intercontactservices.com dans la rubrique offres d’emploi. Les dossiers de candidature constituĂ©s d’une lettre de motivation, d’un CV actualisĂ©, des copies de diplĂŽmes, certificats de rĂ©ussite, certifiĂ©s conformes et de 3 personnes de rĂ©fĂ©rence seront envoyĂ©s Ă  l’adresse Ă©lectronique: interhuman@intercontactservices.com. La date limite d’envoi des candidatures est fixĂ©e au 29 Novembre 2018 Ă  17 h00.

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POLITIQUE

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Aide de l’UA ? Non, merci ! Dans sa 808 Ăš rĂ©union, le Conseil paix et sĂ©curitĂ© de l’UA a rĂ©itĂ©rĂ© sa demande au gouvernement burundais de signer un mĂ©morandum d’entente sur le dĂ©ploiement des observateurs des droits de l’homme et experts militaires sur son sol. Inutile, assure Bujumbura.

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out remonte au plus fort de la crise de 2015. AprĂšs l’échec de faire venir la Maprobu au Burundi, une force de maintien de la paix de 5000 hommes, l’Union Africaine a dĂ©cidĂ© de dĂ©ployer dans l’ « immĂ©diat » des observateurs pour prĂ©venir l’escalade de la violence au Burundi. A l’époque, Bujum-

bura accepte le dĂ©ploiement de 100 observateurs des droits de l’Homme et 100 experts militaires sur son territoire. Mais la rĂ©alitĂ© sur terrain sera toute autre : seuls 32 observateurs des droits de l’Homme et 15 experts militaires ont pu fouler le sol burundais. Et ce avec un retard de six mois sur le calendrier convenu. En cause,

la persistance des points de friction sur le modus operandi. Pour le gouvernement burundais, les rapports des observateurs des droits de l’Homme Ă  destination d’Addis-Abeba doivent d’abord avoir son aval. Inadmissible pour l’UA. Autre point de discorde, l’armement des experts militaires qui doivent ĂȘtre dĂ©ployĂ©s sur la frontiĂšre burundo-rwandaise. Les autoritĂ©s burundaises furent allergiques Ă  cette proposition, dĂ©gaĂźnant aussitĂŽt son arme absolue : sa souverainetĂ©. Deux ans plus tard, la question est remise sur le tapis dans un contexte particulier. Une nouvelle Constitution est en

Conseil paix et sĂ©curitĂ© de l’UA demande au gouvernement de signer un mĂ©mo d’entente sur le dĂ©ploiement des observateurs

vigueur, le prĂ©sident Nkurunziza a annoncĂ© qu’il ne briguera pas un autre mandat et le dialogue

inter-burundais est toujours en panne. Arnaud Igor Giriteka

RĂ©actions ‱ Alain DiomĂšde Nzeyimana : « Inutile de signer ce mĂ©morandum »

‱ Hamza Burikukiye : « C’est une distraction »

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nutile de signer ce mĂ©morandum. Qu’est-ce qui s’est passĂ© dans notre pays qui peut justifier la signature de ce document », s’interroge le porteparole adjoint Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique. Il indique que le Conseil paix et sĂ©curitĂ© de l’U.A a peut-ĂȘtre une vision erronĂ©e du Burundi. « Pour l’heure le cheval de bataille de l’Etat burundais est la lutte contre la pauvretĂ© ainsi que la prĂ©paration des Ă©lections de 2020». M .Nzeyimana invite plutĂŽt l’UA Ă  envoyer des experts en dĂ©veloppement pour aider le peuple Ă  sortir de la pauvretĂ©.

Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Pisc, une plateforme d’association de la sociĂ©tĂ© civile, (ne fautil pas prĂ©ciser « que l’on dit proche du gouvernement » ?) pense que cette demande n’a pas de raison d’ĂȘtre maintenant. « Pour toute personne bien intentionnĂ©e, la paix et la sĂ©curitĂ© rĂšgnent sur tout le territoire

‱ LĂ©once Ngendakumana : « Le chef de l’Etat ne l’acceptera jamais » Le vice-prĂ©sident du Frodebu ne s’attend pas Ă  des miracles. « L’UA connaĂźt dĂ©jĂ  la rĂ©ponse Ă  sa demande. A moins que l’UA ne fasse recours Ă  d’autres formes de pressions que celles dĂ©jĂ  utilisĂ©es jusqu’ici, le prĂ©sident Nkurunziza n’acceptera jamais cette requĂȘte de sa propre volonté». Il s’appuie sur le fait que l’UA

du Burundi grĂące aux efforts du Gouvernement et de la quadrilogie ». Selon lui, cette question est dĂ©passĂ©e. La prioritĂ© est au rapatriement des rĂ©fugiĂ©s, au dĂ©veloppement du pays et au renforcement dĂ©mocratique ainsi quâ€șĂ  la rĂ©conciliation nationale. Le reste serait pour distraire et faire marche arriĂšre.

‱ Gabriel Rufyiri : « Un non-Ă©vĂ©nement » Pour le prĂ©sident de l’Olucome, s’il n’y a pas de mesure pouvant contraindre Bujumbura, cette demande est vouĂ©e Ă  l’échec. Il explique qu’il voit mal le gouvernement faire suite Ă  cette requĂȘte. D’autant plus qu’il vient de passer plus de six ans sans produire

a dĂ©jĂ  pris beaucoup de rĂ©solutions sur la gestion de la crise burundaise, mais que le chef de l’Etat Burundais s’est toujours opposĂ© Ă  leur mise en Ɠuvre. Il cite notamment le « refus » du prĂ©sident de la RĂ©publique de recevoir le commissaire paix et sĂ©curitĂ© de l’UA en visite de travail au Burundi, deux semaines auparavant.

de rapports pour le compte de la Commission africaine des droits de l’Homme. M. Rufyiri estime que la rĂ©ponse de Bujumbura est connue. Le gouvernement va hisser sa souverainetĂ©. « C’est un nonĂ©vĂšnement ». A.I.G.

Des signes prĂ©curseurs d’une (re)prise du dossier burundais en main? Recevant un rapport sur l’échec du dialogue interburundais du facilitateur Benjamin Mkapa, lundi 19 novembre, le prĂ©sident Yoweri Museveni, le mĂ©diateur dans la crise burundaise, a tenu ces propos relayĂ©s par ChimpReports, un quotidien ougandais : «Le Burundi devrait Ă©laborer une nouvelle Constitution capable de mettre en Ɠuvre la sĂ©curitĂ© et la protection de tout le peuple afin que les Burundais puissent rentrer chez eux et vivre en paix.» Le Conseil paix et sĂ©curitĂ© de l’UA a demandĂ© instamment, le mĂȘme jour, au Burundi de signer le mĂ©morandum d’entente avec l’UA sur le dĂ©ploiement des observateurs des droits de l’Homme et experts militaires. Des signes prĂ©curseurs d’une initiative en cours de ces deux organisations sous-rĂ©gionale et continentale aprĂšs avoir Ă©tĂ© humiliĂ©es par Bujumbura? L’EAC du fait du refus de Bujumbura de participer au « dernier round » du dialogue inter-burundais, invoquant, Ă  la derniĂšre minute, une pĂ©riode de deuil pour tout le mois d’octobre. Et l’UA en rai-

son du rejet implicite de sa proposition d’accompagner le rĂ©gime burundais dans l’organisation d’élections « crĂ©dibles » via notamment la crĂ©ation d’un climat apaisĂ©. Aux dires de son porte-parole, Jean-Claude Ndenzako, le prĂ©sident Nkurunziza avait un « carnet chargĂ© », l’empĂȘchant de rencontrer le commissaire paix et sĂ©curitĂ© de l’UA, SmaĂ«l Chergui, comme « convenu », lors de sa visite de travail, au Burundi, du 5 au 7 novembre 2018.

Perdre la face ou reprendre la main ?

Dans cette hypothĂšse, l’initiative devrait s’assortir d’un levier puissant pour inflĂ©chir la position de Bujumbura, qui n’a pas bougĂ© d’un iota depuis le 28 dĂ©cembre 2015 Ă  Entebbe. Brandir la menace d’une mise Ă  terme de la mission du contingent burundais au sein de l’Amisom? Hautement improbable, Ă  court terme, tant remplacer plus de 5 mille hommes au pied levĂ© n’est pas envisageable et mĂȘme souhaitable pour les uns et les autres.

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Pour des raisons diffĂ©rentes. D’autres options seraient Ă  mettre sur la table. Si initiative il devait y avoir, elle sortirait, ces prochains jours, pour tenter d’influer sur le cours des Ă©vĂ©nements, en l’occurrence, pour que le dialogue inter-burundais Ă  l’agonie puisse trouver un second souffle. Enjeu pour la communautĂ© internationale : des Ă©lections crĂ©dibles, transparentes et apaisĂ©es en 2020 pour tourner dĂ©finitivement la page de la crise burundaise qui a Ă©clatĂ© en avril 2015. Sinon, en 2019, Bujumbura aura d’autres prioritĂ©s qui induiront d’autres contraintes pour l’opposition. Sans oublier les sentiers funestes que les uns et les autres peuvent suivre en dĂ©sespoir de cause. Les signataires de la proposition de sortie de crise de l’opposition, l’EAC et l’UA en sont conscients : seul le rĂ©gime burundais a le temps pour allier.

Guibert Mbonimpa


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ÉCONOMIE

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Sosumo, conjurer le spectre d’une privatisation Ă  la va-vite Le projet de loi sur le changement du mode de gestion et de la structure du capital social, adoptĂ© lundi 19 novembre, par l’AssemblĂ©e nationale prĂ©voit que les actions de l’Etat passent de 99% Ă  46%. Si ce projet augure la hausse du prix du sucre pour certains, un expert nuance.

J

ean Prosper Niyoboke, Ă©conomiste et enseignant Ă  l’UniversitĂ© du Lac Tanganyika, explique que la privatisation de la Sosumo s’inscrit dans la logique de la libĂ©ralisation des entreprises recommandĂ©e par la Banque mondiale. Elle devrait ĂȘtre bĂ©nĂ©fique Ă  la population. C’est une preuve que l’Etat veut en faire davantage un pilier de l’économie. La libĂ©ralisation implique en principe la maximisation de la production, la gestion responsable de l’entreprise, le recrutement sur base du mĂ©rite, l’innovation, etc. « Aucun investisseur ne pourra injecter ses moyens dans une affaire, s’il n’y voit pas un intĂ©rĂȘt. Et la recherche de celui-ci conduit Ă  la croissance dont la population tire profit par la voie de la crĂ©ation d’emplois et de la baisse des prix ». Cet universitaire assure que le prix du sucre devrait considĂ©rablement baisser Ă  la suite de cette politique. «Me basant sur des Ă©tudes dĂ©jĂ  faites, je peux affirmer qu’il pourra mĂȘme ĂȘtre rĂ©duit de moitié». La fixation du prix rĂ©sulte de la production et de la clientĂšle disponible : la classique loi de l’offre et de la demande. Prosper Niyoboke affirme que la production pourrait dĂ©passer de loin la production attendue. Le privĂ©, motivĂ© par la recherche du gain, ne visera pas que le marchĂ© local. La satisfaction de celui-ci nĂ©cessite 35 mille tonnes selon le ministre du Commerce. La Sosumo produit aujourd’hui

une quantitĂ© variant entre 20 mille et 23 mille tonnes. Il faut donc 10 mille tonnes supplĂ©mentaires. Cette restructuration, poursuit l’économiste, rendra possible l’extension des plantations Ă  de vastes Ă©tendues de terrains pour augmenter la production. Un pari jusqu’ici impossible. L’Etat, sollicitĂ© de toutes parts, a tellement de prĂ©occupations (sĂ©curitĂ©, Ă©laboration du budget, etc) que l’extension des plantations n’est pas une prioritĂ©. Il est comprĂ©hensible qu’il s’occupe d’abord de ses charges rĂ©galiennes. Pour rappel, le ministre Niyokindi, lundi 19 novembre, au Palais des congrĂšs de Kigobe, a rappelĂ© que l’Etat n’est pas toujours le bon gestionnaire : «la cession d’une partie des actions de l’Etat aux privĂ©s vise la satisfaction du marchĂ© local sans recourir Ă  l’importation». Ainsi, le ministre a soulignĂ© le manque de devises. Pour NoĂ«l Nkurunziza, porteparole de l’Association des consommateurs du Burundi (Abuco), l’extension devrait se faire jusque dans les terres des particuliers. Ceux-ci cultiveront des cannes Ă  sucre dans leurs champs et la Sosumo les leur achĂštera. A l’instar de l’Office du thĂ© du Burundi (OTB) qui s’approvisionne auprĂšs de la population.

« Non au monopole ! » Le sucre burundais Ă©tant de bonne qualitĂ©, les actionnaires privĂ©s chercheraient Ă  exporter Ă  l’extĂ©rieur. Le gouvernement

La Sosumo doit produire plus de 10 mille tonnes supplémentaires pour satisfaire la demande locale

gardera certes le pouvoir de contrĂŽle mais ses marges de manƓuvre seront diminuĂ©es. Ainsi, ils exigeraient dans le contrat la possibilitĂ© d’écouler une partie de la production Ă  l’extĂ©rieur. Ce qui est loin d’indisposer l’ExĂ©cutif en raison des devises qui en rĂ©sulteront. L’universitaire et l’activiste s’accordent notamment sur la façon de faire face Ă  cette possibilitĂ© d’exportation. Ils insistent sur la nĂ©cessitĂ© de libĂ©raliser la commercialisation du sucre. Le premier recommande Ă  l’Etat de laisser la Sosumo fixer elle-mĂȘme le prix. Le cas Ă©chĂ©ant, la population ne se procurera pas du sucre Ă  un «prix planifié» qui inclut le coĂ»t de production. La redistri-

Ă©tant entre les mains des privĂ©s, le porte-parole de l’Abuco craint qu’ils puissent fixer le prix comme bon leur semble. Les antĂ©cĂ©dents sur la privatisation des entreprises publiques au Burundi sont mauvais. Le cas du Complexe textile du Burundi (Cotebu) cĂ©dĂ© en 2007 Ă  Afri-textile est un exemple Ă©loquent. Outre plus d’un millier d’employĂ©s mis au chĂŽmage, l’armĂ©e, la police, les Ă©lĂšves et Ă©coliers de mĂȘme que les femmes burundaises, qui s’habillaient « Cotebu» Ă  peu de frais, sont parmi ceux qui regrettent toujours la privatisation de cette entreprise construite sous Bagaza. La Sosumo connaĂźtra-t-elle un sort similaire? Egide Nikiza

Evolution de la production de 2007-2016

L'Etat s'affranchit de son boulet au pied Bujumbura fait face Ă  un problĂšme de finances, depuis le gel de la coopĂ©ration par ses partenaires occidentaux. Il a besoin d’argent pour s’acquitter de certaines de ses responsabilitĂ©s vitales. C’est notamment l’achat des mĂ©dicaments, des fertilisants et d’autres intrants, etc. Le ministre du Commerce, Jean-Marie Niyokindi, explique notamment cette privatisation par le manque de devises pour l’importation. Il s’agit d’un argument qui ne devrait pas expliquer la privatisation d’une sociĂ©tĂ© comme la Sosumo, un projet qui doit ĂȘtre pensĂ© sur le long terme. Ce manque de devises est dĂ» Ă  la conjoncture Ă©conomique qui peut changer d’un moment Ă  l’autre. La privatisation de la Sosumo permettra Ă  l’Etat de renflouer ses caisses. En cĂ©dant plus de 50% de ses actions aux investisseurs privĂ©s, il aura de

bution des richesses qui lui tient Ă  cƓur sera compensĂ©e par la diminution du prix au marchĂ©. Pour rappel, le budget de 2018 prĂ©voit une taxe de consommation de 600 BIF sur un kg. Pour mettre fin au monopole de la Sosumo, le second met l’accent sur l’ouverture du marchĂ© local pour le sucre produit Ă  l’étranger. Dans le statu quo l’Etat protĂšge cette sociĂ©tĂ© par la voie de la taxation. Depuis septembre dernier, la taxe sur l’importation du sucre a Ă©tĂ© haussĂ©e Ă  raison de plus de 130%. Pour une quantitĂ© dont la taxe Ă©tait de 200 dollars amĂ©ricains, elle est actuellement de 460 dollars amĂ©ricains. Dans ces conditions, l’entreprise

l’argent en peu de temps. En plus, cette cession lui permettra de rĂ©cupĂ©rer chaque annĂ©e 8 milliards de BIF jusque-lĂ  destinĂ©s Ă  l’entretien des appareils, etc. Le gouvernement pourra s’en servir pour importer certains produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, dont le manque sur le marchĂ© ternirait gravement son image. Or, ce n’est pas le moment au regard des Ă©chĂ©ances qui approchent Ă  grands pas. Il faut plutĂŽt redorer son blason. Deux questions mĂ©ritent tout de mĂȘme d’ĂȘtre posĂ©es. Y a-t-il eu un appel d’offres international dans la perspective de cette privatisation ? Le gouvernement a-t-il pensĂ© Ă  l’avenir des employĂ©s de cette sociĂ©tĂ© ?

E.N.

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Année

Production (en tonnes)

2007

18.143

2008

20145

2009

14.161

2010

14.138

2011

20.501

2012

23.149

2013

25.802

2014

21.517

2015

23.012

2016

23.848

Source : ministùre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage.


ÉCONOMIE

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Des fabricants de briques sur le carreau L’Office Burundais des Mines et des CarriĂšres(OBM) a suspendu, fin septembre, les activitĂ©s des coopĂ©ratives de fabrique des briques. Motif : RĂ©tablir l’ordre et la conformitĂ© dans le secteur. Les concernĂ©s ne savent pas Ă  quel saint se vouer.

L

undi 19 novembre, 10 heures. Sur le site de fabrication des briques de Kiziguye, commune Bukeye de la province Muramvya, localitĂ© connue pour ses briques de qualitĂ©, il y rĂšgne un calme absolu. Plusieurs fours, des restes des briques non cuites dĂ©truites par les eaux des pluies, du bois de chauffage sont visibles dĂšs l’entrĂ©e. Toutes les activitĂ©s sont Ă  l’arrĂȘt. Pas d’agitation habituelle d’employĂ©s. Ce site comptait plus de 500 manƓuvres. Depuis cette suspension, un bon nombre sont au chĂŽmage. La lassitude, le dĂ©sespoir, la peur, se lisent sur leurs visages. «Alors que nous vivions de la fabrication et de la vente des briques depuis notre jeune Ăąge, il nous est aujourd’hui formellement interdit d’exercer notre mĂ©tier», s’indigne un quadragĂ©naire croisĂ© sur les lieux. Aujourd’hui, ils peuvent passer la journĂ©e sans rien manger. «Nos familles sont en train de mourir de faim.» La fabrication des briques Ă©tait le seul gagne-pain pour de nombreuses familles de cette localitĂ©. «Aujourd’hui, ils n’ont rien Ă  faire. »

D’aprĂšs lui, plus de 80 % des habitants vivaient grĂące aux revenus tirĂ©s de la fabrication des briques. Ce qui ne les arrange pas pour trouver un autre emploi. En consĂ©quence, certains ont commencĂ© Ă  voler des vivres dans les champs de leurs voisins. Ils n’ont pas d’autres choix. Personne n’a actuellement confiance envers eux. «Nous ne pouvons pas mĂȘme demander un petit crĂ©dit aux commerçants pour nous procurer de la nourriture. Les commerçants nous disent que nous ne serons pas capables de le rembourser ». Ce pĂšre de cinq enfants estime, par ailleurs, que cette dĂ©cision est injuste. «Ma coopĂ©rative Ă©tait en ordre.» Au total, elle exploitait cinq sites. Le permis d’exploitation de trois d’entre elles devrait prendre fin en fĂ©vrier et les deux autres en avril prochains. «Exiger de nous de rechercher d’autres permis n’est pas fondĂ© ». Cette suspension lui a dĂ©jĂ  coĂ»tĂ© cher. Son manque Ă  gagner s’élĂšve Ă  2 millions BIF par semaine. Comme cette mesure est tombĂ©e par surprise, indiquet-il, les fortes prĂ©cipitations ont dĂ©truit plus de 300 mille briques non cuites. Elles avaient une valeur de 6 millions de BIF. Il demande Ă  l’OBM de lever cette suspension le plus vite possible.

Plusieurs document sont requis N.F., un des responsables de la coopĂ©rative «Dufyature turwanye nyakatsi », ne mĂąche pas ses mots : «Cette suspension vise Ă  renflouer les caisses de l’Etat seulement. Cela s’explique par la multitude de documents exigĂ©s par l’OBM pour avoir le permis d’exploitation d’un site.» Il Ă©voque

Site de fabrication de briques de Kiziguye.

notamment l’attestation de vacance du terrain, l’attestation d’impact environnemental (400 mille BIF), le registre du commerce (35 mille BIF), le certificat d’enregistrement Ă  l’API (40 mille BIF), le numĂ©ro d’identification fiscale (10 mille BIF) et l’agrĂ©ment de l’OBEM (700 mille BIF). En plus, chaque coopĂ©rative doit payer 1 million de BIF Ă  l’Office burundais des recettes, etc. Au total, un permis d’exploitation d’une superficie d’un hectare coĂ»te 2 500 000 BIF alors qu’on payait 10 mille BIF auparavant. Un montant que les coopĂ©ratives de fabrique des briques ne peuvent pas supporter compte tenu de leurs moyens financiers. Avec ce montant, souligne-t-il, on ne peut rien gagner.

Ce pĂšre de 7 enfants rejette, par ailleurs, les accusations de l’OBM. « Elles ne sont pas fondĂ©es. Les coopĂ©ratives respectent scrupuleusement le rĂ©galement minier.» Il assure que sa coopĂ©rative Ă©tait en ordre. Elle avait reçu l’autorisation d’agrĂ©ment d’une annĂ©e en aoĂ»t dernier. Il Ă©value son manque Ă  gagner Ă  10 millions BIF. Ce fabricant de briques dĂ©nonce, par ailleurs, la maniĂšre dont l’OBM exige des coopĂ©ratives le terrain d’une superficie d’un hectare sur un mĂȘme site. « Cela est impossible. Nous exploitons de petits lopins de terre achetĂ©s aux habitants. Et trĂšs peu d’entre eux ont une superficie d’un hectare ». Cette dĂ©cision a dĂ©jĂ  entraĂźnĂ© la hausse des prix sur le marchĂ©

des briques. «Le prix augmente de jour en jour», tĂ©moigne TK., un chef de chantier rencontrĂ© non loin du site de Kiziguye. « Une brique de 10 cm de large et 20 cm de longueur s’achĂšte dĂ©sormais Ă  35 BIF contre 20 BIF auparavant ». Le monde des affaires n’a pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©. TK., commerçant du matĂ©riel de construction au chef lieux de la commune Bukeye, tĂ©moigne que ses ventes ont Ă©tĂ© rĂ©duites Ă  plus de 90 %. Avant cette dĂ©cision, il Ă©coulait facilement 700 sacs de ciments. Mais actuellement, il peut passer toute une semaine sans vendre mĂȘme un sac. Les maçons et les aides maçons figurent parmi ceux qui sont touchĂ©s. Parfait Gahama

D’autres coopĂ©ratives dĂ©passaient dĂ©libĂ©rĂ©ment la superficie des terrains pour lesquels elles ont reçu l’autorisation. Au maximum, chaque coopĂ©rative doit exploiter un hectare. M. Ndarihonyoye prĂ©cise que chaque coopĂ©rative doit avoir une autorisation valable dĂ©livrĂ©e par le ministĂšre en charge des CarriĂšres au niveau provincial et communal. Certaines coopĂ©ratives reçoivent les autorisations mais n’informent pas l’administration locale pour le suivi. Elles doivent tenir un registre oĂč l’on doit chaque fois Ă©crire la quantitĂ© qui provient cette exploitation. Le directeur des OpĂ©rations Ă  l’OBM souligne que l’autorisation d’exploitation d’un site de fabrication des briques nĂ©cessite

12 documents. Notamment l’accord Ă©crit de l’autoritĂ© publique lorsque le terrain appartient Ă  l’Etat, l’accord Ă©crit authentifiĂ© entre le propriĂ©taire du sol et le demandeur lorsque le terrain appartient Ă  une tierce personne. Autres documents exigĂ©s : une copie certifiĂ©e conforme Ă  l’original des statuts de la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative, le numĂ©ro d’identification fiscal, l’attestation de non redevabilitĂ© fiscale, les substances pour lesquelles le permis est demandĂ©, la carte du pĂ©rimĂštre demandĂ© avec les coordonnĂ©es gĂ©ographiques, une Ă©tude d’impact environnemental et le siĂšge social de la coopĂ©rative, etc. P.G.

L’OBM tranquillise

P

aul Ndarihonyoye, directeur des OpĂ©rations Ă  l’Office Burundais des Mines et CarriĂšres (OBM), se veut rassurant : «Les coopĂ©ratives reprendront leurs activitĂ©s dĂšs qu’elles seront en ordre.» M. Ndarihonyoye explique, par ailleurs, que la suspension des activitĂ©s des coopĂ©ratives de fabrique des briques Ă©mane du Conseil national de sĂ©curitĂ©(CNS) et non de l’OBM. D’aprĂšs lui, son office n’a exĂ©cutĂ© que la dĂ©cision du CNS. Il indique par ailleurs que le CNS a voulu mettre de l’ordre et de la conformitĂ© dans le secteur. Le CNS a constatĂ© une baisse significative des recettes provenant du secteur minier depuis le mois de fĂ©vrier dernier. La plupart des coopĂ©ratives ne respectaient pas

Paul Ndarihonyoye : « l’OBM a exĂ©cutĂ© la dĂ©cision du Conseil national de sĂ©curitĂ©.»

le rĂšglement minier en vigueur alors qu’elles en ont Ă©tĂ© informĂ©es depuis 2014. « Elles ne

rĂ©habilitaient pas leurs sites d’exploitation alors que ça fait partie de leurs engagements.»

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DROITS DE L’HOMME

Vendredi, 23 novembre 2018 - n°506

Bubanza

Les violences envers les enfants inquiĂštent Des viols et violences physiques et psychologiques envers les enfants se multiplient dans la province Bubanza. Les dĂ©fenseurs des droits humains s’inquiĂštent. Ils plaident pour une protection accrue de l’enfant.

E

.C., une habitante de la colline Musenyi, commune Mpanda ne cache pas sa colĂšre : «Au soleil couchant, ma fillette de 5 ans a Ă©tĂ© violĂ©e par un jeune de 20 ans la semaine derniĂšre. Je n’ai pas pu porter plainte par peur de reprĂ©sailles.» La fillette a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e dans un centre de prise en charge des victimes de violences sexuelles. Son enfant a Ă©tĂ© traumatisĂ©e. Ce phĂ©nomĂšne, dĂ©plore E.C., prend une ampleur inquiĂ©tante dans la localitĂ©. Six cas en l’espace d’un mois. N.G., 8 ans, rencontrĂ© au marchĂ© de Musenyi, est dĂ©scolarisĂ© depuis deux ans. Il raconte les mauvais traitements qui lui sont infligĂ©s par sa belle-mĂšre. «Ma mĂšre a Ă©tĂ© chassĂ©e. J’ai abandonnĂ© l’école suite au manque des frais scolaires. La femme de mon pĂšre me gronde Ă  longueur de journĂ©e. Elle me soumet Ă  des travaux durs, dont la culture du riz». H.B., une autre victime, a quittĂ© sa province natale de Karusi Ă  l’ñge de 12 ans Ă  la recherche du travail. Il est employĂ© comme domestique dans un quartier Ă  Bubanza. Son patron lui promet un salaire de 15000 BIF. « J’ai travaillĂ© pendant trois mois sans toucher le moindre sou. Quand j’ai rĂ©clamĂ© mon dĂ», mon patron m’a rĂ©pudiĂ© ». Il est dans l’embarras. Il ne peut pas regagner sa colline, faute de frais de transport. Antoine Icihagazeko, chef d’antenne de RBP+ Ă  Bubanza, un rĂ©seau burundais des personnes vivant avec le VIH/sida, affirme que beaucoup d’abus et de violences sont commis envers les enfants. Les causes sont variĂ©es. Certaines violences rĂ©sultent de la mauvaise cohabitation entre les conjoints. Le concubinage expose les enfants Ă  plusieurs maux: abandons scolaires, mauvais traitements, traumatismes. Antoine Icihagazeko Ă©voque aussi des cas de viols sur mineurs. Certains parents des victimes ne portent pas plainte ou abandonnent la procĂ©dure. Selon lui, il

y a plusieurs raisons : les menaces des auteurs, le coĂ»t Ă©levĂ© ou la lenteur des procĂ©dures, l’ignorance des victimes. Par ailleurs, poursuit-il, il existe des enfants qui ne sont pas enregistrĂ©s Ă  l’état-civil. Et comme corollaires, regrette-til, ces enfants ne peuvent pas bĂ©nĂ©ficier de la gratuitĂ© des soins, non plus de scolaritĂ© par manque des extraits d’acte de naissance. «Leurs droits Ă  la santĂ© et Ă  l’éducation sont bafouĂ©s». En outre, cet activiste des droits humains indique que les abandons scolaires entraĂźnent aussi des violences envers les enfants. Suite Ă  la pauvretĂ© qui sĂ©vit dans les familles, certains enfants quittent le banc de l’école. TantĂŽt, ils se retrouvent Ă  la rue ou exercent des travaux forcĂ©s. Certaines fillettes s’adonnent au vagabondage sexuel. De son cĂŽtĂ©, David Ninganza, directeur du centre de protection de l’enfance au sein de la SojpaeBurundi, dĂ©nonce la situation de vulnĂ©rabilitĂ© dans laquelle de nombreux enfants ne cessent de tomber. Son constat est amer. Bon nombre d’enfants sont victimes de beaucoup de violations dont, l’exploitation sexuelle, les violences physiques dont les coups et blessures volontaires graves, les violences sexuelles domestiques accompagnĂ©es par des grossesses non dĂ©sirĂ©es, la privation de repos et de libertĂ©. Il y a, poursuit-il, des enfants qui sont battus ou emprisonnĂ©s pour des dĂ©lits mineurs. Pourtant, faitil observer, il y a moyen de rĂ©gler ce genre de dĂ©lits dans la communautĂ©. Et de marteler : « Il faut la rĂ©paration et non la rĂ©pression.»

Prévenir, et puis réprimer Antoine Icihagazeko propose des solutions pour rétablir

Un enfant soumis au travail forcé.

les enfants dans leur dignitĂ©. D’emblĂ©e, il interpelle la communautĂ© Ă  dĂ©noncer les auteurs des violences envers les enfants et Ă  les traduire en justice. « Plus les auteurs ne sont pas punis, plus ils rĂ©cidivent, plus les victimes et leurs familles se dĂ©couragent et vivent dans l’angoisse». Pour lui, il faut un travail en synergie de la justice, la police et l’administration. De son cĂŽtĂ©, David Ninganza suggĂšre de rĂ©primer les cas de viols. Pour lui, l’arrangement Ă  l’amiable doit ĂȘtre banni pour ces infractions. Quant aux abandons scolaires, M. Ninganza propose une loi rendant l’école gratuite et obligatoire. Enfin, il interpelle les par-

Ignace Ntawembarira : «Un enfant constitue un patrimoine prĂ©cieux pour l’avenir du pays.»

ents à faire enregistrer les enfants à l’Etat civil.

L’administration promet de s’impliquer

David Ninganza : «Il faut la réparation et non la répression.»

Ignace Ntawembarira, directeur du dĂ©partement de l’enfant et de la famille au ministĂšre des Droits de l’homme, se dit satisfait de l’état de protection des droits de l’enfant. MĂȘme si quelques violations sont signalĂ©es ici et lĂ . Sur le plan lĂ©gal, dit-il, le Burundi est trĂšs avancĂ© en ce qui concerne les outils juridiques de protection de l’enfant. Pour lui, le problĂšme ne se situe pas au niveau de la lĂ©gislation mais plutĂŽt Ă  un problĂšme de changement de mentalitĂ©. « Il faut une sensibilisation envers la communautĂ© pour le respect des droits des enfants. Ceuxci constituent un patrimoine

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prĂ©cieux pour l’avenir du pays ». Par ailleurs, tient-il Ă  prĂ©ciser, un renforcement des structures de protection de l’enfant tel le forum des enfants et celui des femmes est nĂ©cessaire. « On ne peut pas prĂ©tendre protĂ©ger l’enfant sans d’abord protĂ©ger sa mĂšre ». Edouard Ndayisenga, conseiller chargĂ© des questions administratives et sociales dans la commune Mpanda, interpelle les couples en union libre Ă  rĂ©gulariser les mariages et Ă  faire enregistrer les enfants Ă  l’état-civil. Pour lui, il faut protĂ©ger les familles et partant les enfants. D’aprĂšs lui, tant qu’il y aura le concubinage, les enfants seront toujours exposĂ©s Ă  des violences diverses. Cette autoritĂ© suggĂšre de rendre opĂ©rationnels les comitĂ©s de protection de l’enfance Ă  tous les niveaux. FĂ©lix Haburiyakira


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Makamba secouée par les VBG Plus de 870 cas de violences sexuelles et basées sur le genre(VSBG) en 20 mois. De 40 à 50 nouveaux cas chaque mois. Les VSBG sévissent dans la province Makamba.

V

iol et violences domestiques, voilĂ  les principales violences que subissent certaines femmes. A l’hĂŽpital de Makamba, leur souffrance ne passe pas inaperçue. Il est 9h, il pleut des cordes. Avant d’accĂ©der Ă  l’entrĂ©e principale de l’hĂŽpital, en bifurquant vers la gauche, une pancarte indique la direction du centre intĂ©grĂ© de prise en charge de victimes de violences. A l’intĂ©rieur, deux femmes, bien couvertes de pagnes, regards assombris, elles attendent d’ĂȘtre reçues. L’une d’elles a les larmes aux yeux. Elle se couvre le visage Ă  chaque fois qu’elle croise un regard. C’est Ă  peine si l’on remarque qu’elle est enceinte de 8 mois. Difficile de la convaincre de tĂ©moigner. Certaines violences restent taboues. Isidore, 26 ans, confie finalement qu’elle a Ă©tĂ© chassĂ©e par son mari. Leur 3Ăšme enfant ĂągĂ© de 2 ans, la pomme de discorde. Le mari accuse que l’enfant n’est pas le sien. La grossesse aussi. Battue, menacĂ©e de mort, contrainte de dormir toute nue Ă  la belle Ă©toile
 elle dĂ©cide de jeter l’éponge et quitte le foyer. A quelques mĂštres, une jeune fille, pieds nus, Ă©vitant de croiser tout regard attire l’attention. Encore sous le choc, Jeanine, 14 ans, habitante de la commune Nyanza-lac, confie qu’elle a Ă©tĂ© violĂ©e toute la nuit de ce dimanche dernier. Elle vient de passer deux jours Ă  l’hĂŽpital pour des soins. Une femme ĂągĂ©e vient la rĂ©cupĂ©rer. C’est une maman des plus dĂ©sespĂ©rĂ©e qui confie que la victime est sa 2Ăšme fille. « Il ne me reste que deux filles parmi dix enfants. Tous les autres sont morts », lĂąche-t-elle, au bord des larmes. D’autres victimes continuent Ă  dĂ©barquer. Divers cas. Un mouvement de va-et-vient s’observe dans le bureau de l’officier de la police judiciaire (OPJ). Ce dernier indique qu’il convoque les auteurs de ces violences pour Ă©tablir les dossiers qui seront envoyĂ©s Ă  la justice.

Des victimes des VBG au centre intĂ©grĂ© de l’hĂŽpital Makamba.

grĂ© a Ă©tĂ© mis en place en fĂ©vrier 2017. Il a reçu 871 cas de VSBG jusque-lĂ , parmi lesquels 388 cas de violences sexuelles. « Chaque jour, le centre reçoit des victimes ». Dr Havyarimana parle de 40 Ă  50 nouvelles victimes chaque mois. Des hommes y compris. D’aprĂšs lui, les cas de viol

diminuent au fil du temps. Les violences domestiques et Ă©conomiques l’emportent aujourd’hui. La diminution des violences sexuelles s’explique par la rĂ©pression et la sensibilisation, selon ce directeur. « Le viol n’est plus un tabou, les victimes osent en parler ».

Ce centre intĂ©grĂ© offre la prise en charge psychologique, mĂ©dicale et juridique. Une fois les dossiers Ă©tablis, ils sont envoyĂ©s au parquet pour jugement des auteurs. Mais l’OPJ de ce centre, Vincent Ndayishimiye, affirme qu’il ne fait pas de suivi pour s’assurer que l’affaire a Ă©tĂ© jugĂ©e.

Des chiffres qui parlent Le directeur de l’hĂŽpital Makamba, Dr ClĂ©ment Havyarimana, affirme que ce centre intĂ©-

Des femmes de la commune Makamba affirment subir des violences physiques et Ă©conomiques.

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La balle est dans le camp du parquet.

Briser les tabous Bien que les violences restent un tabou chez certaines femmes, d’autres se lĂąchent. Dans les communautĂ©s, des Ă©pouses, des mĂšres, des victimes de VBG rĂ©voltĂ©es. Une mĂšre de six enfants confie qu’elle est battue presque chaque jour par son mari. « Chaque soir, je vis l’enfer», lĂąche-t-elle, montrant les blessures Ă  la jambe et au dos. Elle raconte qu’elle dort dans la cuisine, depuis plusieurs jours. Maçon, son mari ne nourrit jamais sa famille. Il consomme tout ce qu’il gagne au bistrot. « Il a mĂȘme refusĂ© d’enregistrer les enfants Ă  la commune ». Une autre jeune maman affirme subir des violences morales. « Il me dit toujours que je ne suis pas une femme. Je l’ai souvent attrapĂ© avec une autre femme dans notre lit ». Quand elle a accouchĂ© un garçon, les violences ont diminuĂ©. Mais aujourd’hui, son mari a repris de plus belle. « Il y a deux jours, il avait une autre femme dans mon lit ». Le gouverneur de la province Makamba, Gad Niyukuri, signale qu’il reçoit directement plusieurs victimes de VSBG. D’aprĂšs lui, les violences physiques et Ă©conomiques sont les plus frĂ©quentes dans sa province. Il a dĂ©jĂ  reçu plus de 4000 cas en trois ans. M. Niyukuri loue la mise en place du centre intĂ©grĂ© : « GrĂące Ă  lui, les violences diminuent sensiblement. » Clarisse Shaka


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SOCIÉTÉ

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Les Batwa de Nyarugunda, des parias des activitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices de revenus». D’aprĂšs lui, pour relever le niveau de ces Batwa, il faudrait se focaliser sur l’éducation de leurs enfants. « Malheureusement, dans ce secteur, les appuis manquent cruellement». Il explique que depuis la dĂ©cision de 2005 qui institue la gratuitĂ© scolaire au primaire, presque tous les partenaires ont arrĂȘtĂ©s leurs appuis dans ce domaine. «Ils oublient que l’éducation, ce n’est pas que le minerval».

Analphabétisme, habitations indécentes, précarité alimentaire, manque de terres, les Batwa du site Nyarugunda, en commune Gashikanwa(Ngozi) vivent dans la misÚre.

U

ne dizaine de jeunes femmes assises Ă  mĂȘme le sol, visages renfrognĂ©s, drapĂ©es dans des pagnes sales, dĂ©chirĂ©s, laissant entrevoir des Ă©paules dĂ©charnĂ©es, ces silhouettes famĂ©liques semblent affligĂ©es, elles discutent entre elles. Assises Ă©galement par terre, Ă  500 m de ce groupe, une dizaine de jeunes filles entre 15 et 20 ans forme un autre cercle. Tout prĂšs d’elles, une bande de plus de quinze petits gamins se constitue. Ils se racontent des histoires, mais se posent des questions sur les nouveaux venus : «Abakuru batugendeye ? » (Les autoritĂ©s nous rendent visite ? NDLR). Ils continuent Ă  murmurer. A quelques mĂštres de lĂ , un moutonnement de huttes au toit de chaume ou recouvertes de feuilles de bananiers. Des enfants en haillons jouent. Il est presque 10 heures au site des Batwa de Nyarugunda, dans la commune Gashikanwa de la province Ngozi, Ă  quelques encablures du marchĂ© dit moderne de Vyerwa. Odette, une des femmes assises Ă  l’entrĂ©e du site, nous accueille, avec un lĂ©ger sourire. La jeune femme de 24 ans est enceinte de son deuxiĂšme enfant. Elle reste assise Ă  la maison en attendant le retour de son mari, seul espoir d’avoir Ă  manger. «On mange une fois par jour Ă  peine. Mon mari est allĂ© chercher de la nourriture. Des fois, il rentre bredouille». La jeune femme se lamente, elle maudit leur condition misĂ©rable. «Nous n’avons pas de terres Ă  cultiver, l’Etat a repris ses terres. Les enfants ne vont pas Ă  l’école et ils passent la journĂ©e Ă  se quereller ici Ă  cause de la faim. Malheur Ă  ceux qui ont beaucoup d’enfants. BĂąton Ă  la main, ils doivent les surveiller» dit-elle. Laurent Nyabenda, un des cinq Ă©lus collinaires issu de cette communautĂ© des Batwa du site Nyarugunda abonde dans le mĂȘme sens que la jeune femme. «Il y a une misĂšre criante ici. La pauvretĂ© dans ce site est indĂ©niable. On ne vit pas, on vivote. La plupart des familles ne mangent qu’une fois la journĂ©e. Pour d’autres, c’est Ă  peine qu’elles trouvent de quoi se mettre sous la dent». Selon cet Ă©lu collinaire, Ă  cause

Une communauté reléguée au dernier plan

Des familles de Batwa au site de Nyarugunda

de cette pauvretĂ©, presque tous les enfants de ce site ne vont plus Ă  l’école. «Les parents ne parviennent pas Ă  trouver le matĂ©riel scolaire et les uniformes pour leurs enfants. Ils n’ont pas d’activitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices de revenus ni de terres cultivables».

Cet administratif Ă  la base demande Ă  la commune d’écouter leurs dolĂ©ances et de les aider Ă  sortir de cette misĂšre. «Nous n’avons pas besoin d’assistance en vivres tous les jours. Il faut que les autoritĂ©s nous donnent des terres et des houes et soutiennent

Emmanuel Nengo : «Les partenaires en faveur des Batwa se font rares.»

nos enfants pour qu’ils puissent reprendre le chemin de l’école».

Encore un long chemin
 Honorable Emmanuel Nengo, prĂ©sident de l’association Uniproba (Unissons-nous pour la promotion des Batwa), se dĂ©sole. : «Malheureusement, les projets ne sont pas trĂšs consistants et seules les communautĂ©s ciblĂ©es par nos partenaires bĂ©nĂ©ficient de l’assistance». Pour Nengo, la volontĂ© d’atteindre toutes les communautĂ©s des Batwa reste une prĂ©occupation. «Les partenaires se font de plus en plus rares. LĂ  oĂč on n’a pas encore commencĂ© Ă  intervenir, les gens doivent se lamenter, car ils vivent dans la prĂ©carité». Selon lui, les provinces oĂč l’Uniproba a des partenaires, les Batwa sont encouragĂ©s Ă  s’autofinancer. «Nous essayons d’éradiquer la fĂącheuse pratique de tendre la main. Nous les encourageons Ă  se regrouper en associations et on les aide Ă  dĂ©velopper

Martin Nivyabandi, ministre des Droits de la Personne Humaine, du Genre et des Affaires Sociales soutient que le problĂšme des mauvaises conditions de vie au sein des communautĂ©s des Batwa est liĂ© Ă  l’histoire. «La communautĂ© des Batwa a Ă©tĂ© relĂ©guĂ©e au dernier plan en termes socioĂ©conomique. Il y’a eu un dĂ©calage entre les couches de la population». D’aprĂšs le ministre Nivyabandi, cet Ă©tat de fait a affectĂ© les Batwa en gĂ©nĂ©ral, ce qui se rĂ©percute sur leurs conditions de vie. «Quand quelqu’un a Ă©tĂ© discriminĂ© depuis longtemps, il intĂšgre l’échec dans son ADN. C’est le cas pour les Batwa». Pour le ministre, il y a des stratĂ©gies de rĂ©insertion nationale des personnes vulnĂ©rables qui ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es par divers ministĂšres et pilotĂ©es par le ministĂšre en charge des droits de l’Homme. Elles visent la promotion des personnes vulnĂ©rables, dont les Batwa. «Il y a un effort de promotion de ces vulnĂ©rables. C’est une opportunitĂ© de redonner espoir Ă  cette communautĂ© longtemps discriminĂ©e». Il souligne qu’il y a un problĂšme particulier liĂ© au manque des terres cultivables auquel font face les Batwa. «L’Etat a dĂ©jĂ  pris conscience de cette problĂ©matique. Il est en train d’identifier des terres domaniales pour les distribuer Ă  ces peuples en besoin». Sur la question de l’éducation, le ministre Nivyabandi affirme qu'elle ne concerne pas les seuls Batwa. «C’est un problĂšme gĂ©nĂ©ral. Les communautĂ©s dĂ©favorisĂ©es sont exposĂ©es Ă  l’abandon scolaire Ă  un rythme inquiĂ©tant. Ce ne sont pas que les Batwa». Le site de Nyarugunda rassemble plus de 72 mĂ©nages et compte plus de 160 personnes. Ces gens n’ont pas d’activitĂ©s spĂ©cifiques, ils disent survivre par le travail rĂ©munĂ©rĂ© dans les champs des familles plus aisĂ©es quand l’opportunitĂ© se prĂ©sente. Bella Lucia Nininahazw

Martin Nivyabandi : « La communauté des Batwa a été reléguée au dernier plan en terme socioéconomique.»

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AU COIN DU FEU

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Avec Sylvestre Ntibantunganya Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille rĂ©unie discutait librement. Tout le monde avait droit Ă  la parole et chacun laissait parler son cƓur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vĂ©ritĂ©s subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit Ă  la parole. DĂ©sormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Sylvestre Ntibantunganya.

V

le jour oĂč ma premiĂšre Ă©pouse a Ă©tĂ© Ă©galement assassinĂ©e. Ce fut pour le Burundi le dĂ©but d’un long cauchemar.

Votre dĂ©faut principal Des fois tĂȘtu par rapport Ă  ce que je crois.

Quel serait votre plus grand malheur ? Une impossibilité de tolérance, de cohabitation et de complément entre les diversités que connaßt le Burundi.

otre qualité principale

J’aime ĂȘtre pragmatique et flexible dans la concrĂ©tisation des valeurs auxquelles je crois et pour rĂ©aliser ce Ă  quoi j’aspire.

La qualitĂ© que vous prĂ©fĂ©rez chez les autres L’ouverture d’esprit et la tolĂ©rance

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? Le recouvrement de la souverainetĂ© nationale le 1er juillet 1962.

Le dĂ©faut que vous ne supportez pas L’intolĂ©rance et la volontĂ© d’anĂ©antissement de l’autre La femme que vous admirez le plus PlutĂŽt quatre : (1) la femme par laquelle l’incarnation de JĂ©susChrist, notre Sauveur, s’est faite : Marie, (2) la femme qui m’a mis au monde, ma mĂšre Renata Bakanibona, (3) la femme qui a payĂ© le tribut de mon engagement politique : ma premiĂšre Ă©pouse EusĂ©bie Nshimirimana assassinĂ©e Ă  ma place le 21 octobre 1993 et la femme avec laquelle je partage ma vie depuis 1995 : mon Ă©pouse Pascasie Minani.

elle du 1er juin 1993. Cette date est pour moi celle de l’inversion dans la vie politique du Burundi depuis le recouvrement de sa souverainetĂ© le 1er juillet 1962.

Votre plus triste souvenir ? La nuit du 20-21 octobre 1993. Elle a été marquée par le déclenchement du coup

d’État qui s’est matĂ©rialisĂ© dans l’assassinat du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Melchior Ndadaye et de certains de ses collaborateurs qui Ă©taient tous des amis. C’est

L’homme que vous admirez le plus Dans l’histoire du Burundi, il y a deux hommes que j’admire beaucoup pour leur engagement pour l’honneur et la dignitĂ© du Burundi et des Barundi : le Prince Louis Rwagasore, « HĂ©ros National de l’IndĂ©pendance » et le PrĂ©sident Melchior Ndadaye, « HĂ©ros National de la DĂ©mocratie ». Si le premier ne m’est connu qu’à travers ce qui m’a Ă©tĂ© racontĂ© ou ce que j’ai lu, il n’en est pas de mĂȘme pour le deuxiĂšme avec lequel nous avons beaucoup construit ensemble pendant 14 ans, du 2 mai 1979 au 20 octobre 1993 ! Votre plus beau souvenir ? La victoire de mon ami Melchior Ndadaye Ă  l’élection prĂ©sidenti-

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La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 1er juin 1993 quand le peuple burundais a pu Ă©lire, pour la premiĂšre fois dans son histoire, son chef d’État dans un environnement dĂ©mocratique marquĂ© par la compĂ©tition de plusieurs candidats, dont le Chef de l’État sortant. La plus terrible ? Le 21 octobre 1993 avec l’assassinat du PrĂ©sident de la


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D’abord, la gestion de la mort de mon prĂ©dĂ©cesseur et ami Cyprien Ntaryamira. Le Burundi n’a pas basculĂ© dans l’ « apocalypse finale » comme d’aucuns le redoutaient. Ensuite, la mise en avant de nĂ©gociations inclusives pour rĂ©soudre le conflit burundais. Il ne faut pas que les Barundi oublient que c’est moi qui ai lancĂ© le processus des nĂ©gociations d’Arusha quand, le 25 juin 1996, j’ai demandĂ© une coopĂ©ration rĂ©gionale pour la protection des populations burundaises des exactions des forces belligĂ©rantes et l’organisation de nĂ©gociations globales incluant les mouvements politiques armĂ©s, sous la mĂ©diation de Mwalimu Julius Nyerere. Cette perspicacitĂ© m’a valu le coup d’État du 25 juillet 1996!

RĂ©publique dĂ©mocratiquement Ă©lu le 1er juin 1993 et de certains de ses collaborateurs, les violences innommables Ă  caractĂšre politique et ethnique et la guerre civile impitoyable qui ont suivi. Le mĂ©tier que vous auriez aimĂ© faire ? Pourquoi ? Durant mon enfance, j’aspirais Ă  ĂȘtre prĂȘtre. C’est pourquoi au sortir de mon Ă©cole primaire, je suis allĂ© au sĂ©minaire de Mugera que j’ai quittĂ© malheureusement Ă  la fin du premier cycle des humanitĂ©s. Puis il m’est venu l’idĂ©e de m’engager Ă  l’armĂ©e. Cela n’a pas non plus marchĂ©. Quand j’ai terminĂ© mes Ă©tudes universitaires avec un diplĂŽme de licenciĂ© en histoire-gĂ©ographie, je pensais que j’étais alors prĂ©destinĂ© Ă  l’enseignement. Mais on m’a dit qu’il n’y avait pas de place ! C’était en 1984 ! Un concours de circonstances a fait que durant ma vie professionnelle, le seul mĂ©tier que j’ai exercĂ© soit celui de journaliste (1984-1987). Ce fut un fait de hasard. Par contre, depuis 1979, je me sentais vraiment avec une vocation politique. Votre passe-temps prĂ©fĂ©rĂ© ? Je regarde des fois la tĂ©lĂ©vision, suis l’une ou l’autre Ă©mission Ă  la radio. Il m’arrive aussi de surfer sur les rĂ©seaux sociaux. Votre lieu prĂ©fĂ©rĂ© au Burundi ? Celui oĂč je vis aujourd’hui. Il me donne une excellente vue sur le lac Tanganyika qui est une richesse naturelle incommensurable. Le pays oĂč vous aimeriez vivre ? Pourquoi ? Il n’y a pas de meilleur pays que ma patrie, le Burundi : je m’y plais trĂšs bien. Le voyage que vous aimeriez faire ? J’aimerais dĂ©couvrir la rĂ©alitĂ© des pĂŽles. Votre rĂȘve de bonheur ? Un Burundi totalement protĂ©gĂ© des heurts et exclusions liĂ©s Ă  ce que l’on est de par ses origines naturelles, mais aussi tolĂ©rant des autres diversitĂ©s. Votre plat prĂ©fĂ©rĂ© ? Un poulet local rĂŽti Ă  l’huile d’olive accompagnĂ© de bananes. Votre chanson prĂ©fĂ©rĂ©e ? Une chanson en kirundi qui s’adresse Ă  un jeune homme ( musore uri mu bigero
) Quelle radio Ă©coutez-vous ? Plusieurs : RFI, VOA, BBC, Radio nationale et Isanganiro Avez-vous une devise ? C’est en se trompant qu’on apprend. Il n’y a de pire chose que de n’avoir pas essayĂ©.

Votre souvenir du 1er juin 1993 J’en ai plusieurs. Il y a d’abord l’image de mon Ă©pouse, EusĂ©bie Nshimirimana. Elle avait accouchĂ© le 30 mai 1993 et sentait encore des douleurs d’enfantement. Mais elle a tenu absolument Ă  aller voter. Elle est allĂ©e au bureau de vote en s’appuyant sur une canne. Il y a ensuite la joie que j’ai ressentie vers 3 heures du matin quand les rĂ©sultats que j’avais Ă  ma disposition rĂ©vĂ©laient une victoire incontestable de mon ami Melchior Ndadaye. C’est enfin la sagesse dont ont fait preuve les Barundi qui venaient d’élire Ndadaye. Ils n’ont pas Ă©tĂ© excessivement exubĂ©rants. ` Votre dĂ©finition de l’indĂ©pendance ? La jouissance des libertĂ©s dans l’environnement national et le droit de prendre souverainement ses dĂ©cisions dans les relations internationales. Mais la souverainetĂ© internationale est difficile Ă  dĂ©fendre quand sĂ©vissent Ă  l’intĂ©rieur des contradictions cruelles. D’autre part, le monde d’aujourd’hui est si interdĂ©pendant qu’il peut y avoir des fiertĂ©s inappropriĂ©es quand on veut dĂ©fendre les vrais intĂ©rĂȘts nationaux. Votre dĂ©finition de la dĂ©mocratie ? Un systĂšme avec des droits et obligations interdĂ©pendants : libertĂ©s publiques promues et respectĂ©es, droits de l’homme protĂ©gĂ©s et promus, une presse libre et indĂ©pendante tout en Ă©tant responsable, une sociĂ©tĂ© civile libre, dynamique et agissant dans la responsabilitĂ©, des Ă©lections vĂ©ritablement plurielles et libres, le devoir de redevabilitĂ©

des Ă©lus
C’est un maillon de plusieurs chaĂźnes. Votre dĂ©finition de la justice ? Un pouvoir pour rĂ©concilier le citoyen avec lui-mĂȘme d’une part et d’autre part pour rĂ©concilier le citoyen avec des tiers, y compris l’État et l’ensemble de la communautĂ© nationale et internationale sur base de lois et de conventions (internationales) justes et Ă©quitables. Si vous redeveniez prĂ©sident de la RĂ©publique, quelles seraient vos deux premiĂšres mesures ? Cela dĂ©pendrait de quand. En tout Ă©tat de cause, un Chef d’État doit, Ă  mon avis, pouvoir travailler dans la confiance de et avec son peuple. Il doit Ă©galement

se comporter d’une maniĂšre qui rassure les autres acteurs investis dans divers aspects de la vie nationale, dont les partis politiques, les confessions religieuses, la sociĂ©tĂ© civile et la presse. Il faut des mesures et des comportements qui confortent la confiance et la sĂ©rĂ©nitĂ© dans le pays en garantissant Ă  l’ensemble des Barundi leurs droits de vivre libres dans leur pays. Que pensez-vous avoir rĂ©ussi durant votre prĂ©sence Ă  la tĂȘte de l’État? D’abord j’ai un regret profond : ne pas avoir rĂ©ussi Ă  garantir la paix et la sĂ©curitĂ© pour les Barundi alors que c’est cela le premier job d’un Chef d’État. Il est vrai que cela ne dĂ©pendait pas de moi. Mais je suis Ă©galement fier de deux choses.

Croyez-vous Ă  la bontĂ© naturelle de l’homme ? L’approche que l’homme naĂźt bon mais que c’est la nature qui le corrompt me sĂ©duit. Pour Ă©viter toute confusion, faudrait-il peut-ĂȘtre parler plus de l’environnement sous ses divers aspects que de la nature ellemĂȘme. Pensez-vous Ă  la mort ? Ce serait illogique et irresponsable de ne pas y penser. Mais il faut davantage penser Ă  comment mourir dans l’honneur et la dignitĂ© : laisser un bon nom dans le pays en gĂ©nĂ©ral et dans sa famille en particulier (gusiga izina ryiza mu muryango no mu gihugu). Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ? Je lui dirai merci pour m’avoir crĂ©Ă© et avoir fait de moi ce que j’ai Ă©tĂ© ou ce que je serai Ă  la veille de ma mort. Propos recueillis par

Bio express

S

LĂ©andre Sikuyavuga

ylvestre Ntibantunganya est nĂ© le 08 mai 1956, dans la province de Gitega, commune Gishubi. Il a un diplĂŽme de licence en histoire-gĂ©ographie et un diplĂŽme de chargĂ© de production TV. Il a Ă©tĂ© journaliste Ă  la radio nationale du Burundi d’avril 1984 Ă  dĂ©cembre 1987. Depuis, il est engagĂ© en politique oĂč il a exercĂ© plusieurs fonctions. De 1979 Ă  1992, il Ă©tait membre de plusieurs organisations qui travaillaient dans la clandestinitĂ©: BAMPERE (1979), le parti UBU (1979-1983) et, plus tard le FRODEBU (de 1986 Ă  1992). Entre dĂ©cembre 1987 et fĂ©vrier 1991, il a occupĂ© les fonctions d’abord de secrĂ©taire national chargĂ© de l’information et de la mobilisation et ensuite de secrĂ©taire national chargĂ© de l’Institut Rwagasore au SecrĂ©tariat exĂ©cutif national permanent du parti UPRONA. Aux Ă©lections lĂ©gislatives du 29 juin 1993, il a Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©putĂ© du parti Sahwanya-FRODEBU dans la circonscription de Gitega. Dans le gouvernement de Melchior Ndadaye, il occupait les fonctions de ministre des relations extĂ©rieures et de la coopĂ©ration. AprĂšs l’assassinat du PrĂ©sident Melchior Ndadaye, il est retournĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale dont il a Ă©tĂ© prĂ©sident du 23 dĂ©cembre 1993 au 30 septembre 1994. Suite Ă  la mort du PrĂ©sident Cyprien Ntaryamira le 06 avril 1994, il a, en tant que prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale, exercĂ© l’intĂ©rim du PrĂ©sident de la RĂ©publique du 08 avril jusqu’au 30 septembre 1994. ConfirmĂ© dans ces fonctions par un vote de l’AssemblĂ©e nationale, il y est demeurĂ© jusqu’au coup d’État qui l’a renversĂ© le 25 juillet 1996. AprĂšs la signature de l’Accord d’Arusha, il a siĂ©gĂ© au SĂ©nat dans sa qualitĂ© d’ancien Chef de l’État jusqu’au mois d’aoĂ»t 2018.

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ENVIRONNEMENT

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Mutanga Sud

EffrayĂ©s par la Ntahangwa, les habitants se mobilisent Pour Ă©viter que des gabions soient pillĂ©s, ces habitants les ont protĂ©gĂ©s par des terres. « AprĂšs, nous y avons plantĂ© des bambous pour rendre les berges trĂšs stables ». Cet habitant apprĂ©cie, par ailleurs, le comportement de certains cadres administratifs de la localitĂ©. Il souligne que l’un d’entre eux a plantĂ© des centaines d’eucalyptus prĂšs de son habitation. « Cela nous a servi de modĂšle et encouragĂ©s.» Par ces plantations, insiste-t-il, des attributions illĂ©gales sont prĂ©venues.

La plantation des arbres au bord de la riviĂšre Ntahangwa et la protection des gabions de soutĂšnement de ses berges, etc. Des initiatives entreprises par les habitants de Mutanga Sud.

N

otre objectif est de protĂ©ger nos maisons de l’écroulement, notre quartier et de prĂ©venir des dĂ©gĂąts dus Ă  l’érosion en cas de fortes prĂ©cipitations », confie S.T., un habitant de Mutanga Sud, zone Rohero, commune Mukaza. CroisĂ© sur l’avenue Sanzu, menant Ă  Mugoboka, cet homme indique que les gens de cette localitĂ© ont pris conscience du danger qui les guette. « Les autoritĂ©s nous ont beaucoup promis d’entreprendre des travaux de grande envergure de protection de notre quartier, en vain. » Par des sensibilisations, poursuit-il, le slogan ‘’L’Etat va le faire ‘’ a pris fin. Des milliers d’arbres ont ainsi Ă©tĂ© plantĂ©s tout autour de la

Des initiatives salutaires mais
 Vue partielle des arbres plantés par les habitants de Mutanga Sud à proximité de la Ntahangwa.

vallĂ©e abrupte de la Rubanza. On y trouve diffĂ©rents types d’eucalyptus, des bambous, des grevĂ©rias, etc. « Tous ces arbres sont protĂ©gĂ©s jour et nuit », assure ArthĂ©mon, un habitant du quartier. Il fait savoir que pendant la saison sĂšche, on procĂšde Ă  leur irrigation. Pour lui, il ne suffit pas de planter des arbres, il faut aussi faire un suivi. Il donne l’exemple des milliers d’arbres plantĂ©s par

des militaires et des policiers. « Il n’y a plus aucune trace ». Mais grĂące Ă  notre action, explique-t-il, la vallĂ©e de la Rubanza est de plus en plus protĂ©gĂ©e. Et d’interpeller : « Si chaque quartier, chaque commune s’organisait pour planter des arbres au bord des riviĂšres, des Ă©vĂšnements malheureux comme l’écroulement des maisons, les destructions des infrastructures sociales
 pourraient ĂȘtre Ă©vitĂ©s.»

« C’est vraiment une bonne initiative Ă  encourager », apprĂ©cie un environnementaliste sous anonymat. Il rappelle que la plantation des arbres peut aider dans la stabilisation des rives des riviĂšres. « C’est aussi une maniĂšre de lutter contre l’érosion. » NĂ©anmoins, il estime que ces actions ont des limites : « La Ntahangwa est devenue une menace pour presque tous les quartiers riverains. Des Ă©coles, des habitations, des routes, des ponts
 sont sur le point de s’écrouler. »

Pour y faire face, il estime que le rĂŽle de l’Etat et ses partenaires est primordial. « Ce sont des travaux de grande envergure, avec des moyens matĂ©riels et financiers consĂ©quents. » Du reste, cet environnementaliste fait remarquer que les travaux annoncĂ©s, cĂŽtĂ© Mugoboka, n’ont jamais commencĂ©. « Idem Ă  Kigobe-Sud oĂč le chantier a Ă©tĂ© abandonné». Pour rappel, en juillet 2017, le ministĂšre de l’Environnement avait lancĂ© des travaux de stabilisation des berges de la Ntahangwa. Et ce pour un coĂ»t de 4 milliards BIF, la part du gouvernement s’évaluant Ă  1,5 milliards BIF. Ces travaux devaient se focaliser notamment sur KigobeSud, zone Gihosha, commune Ntahangwa et Mugoboka du quartier Mutanga Sud. ProgrammĂ©s au dĂ©but pour trois mois, ces travaux n’ont pas encore donnĂ© jusqu’aujourd’hui des rĂ©sultats palpables. Ils ont uniquement dĂ©butĂ© Ă  Kigobe-Sud pour s’arrĂȘter aprĂšs quelques mois plus tard. CĂŽtĂ© Mutanga Sud, aucune action n’a Ă©tĂ© initiĂ©e. RĂ©novat Ndabashinze

Des crocodiles ‘’emprisonnĂ©s ‘’ par amour Beaucoup de crocodiles sont Ă©levĂ©s en captivitĂ© et en toute illĂ©galitĂ© dans les mĂ©nages, les barsrestaurants, etc. Mais les Ă©leveurs expliquent que c’est pour les sauver des braconniers.

L

es braconniers ont tuĂ© nos crocodiles. Ils les ont pĂȘchĂ©s et amenĂ©s chez eux pour un Ă©levage en captivitĂ©. Une violation pure et simple de la loi », se plaint Jean-Claude Ndayishimiye, conservateur en Chef du parc national de la Rusizi. Ils sont menacĂ©s d’extinction. « Il ne nous reste que six crocodiles.» Il signale que certaines personnes gardent chez eux plus de 100 crocodiles. « Et ce, sans autorisation». Le cas de Gatumba est emblĂ©matique. « On trouve huit crocodiles adultes et plus de 50 petits dans un mĂ©nage. » Ces reptiles vivent dans des conditions inappropriĂ©es. Ces adultes se partagent un espace d’environ 10 m sur 5 m. Ils nagent dans des petits Ă©tangs artificiels de moins de 30 cm de profondeur. « Bref, ils sont emprisonnĂ©s dans une sorte de cage avec des fils barbelĂ©s ».

Or, dans des conditions normales, dĂ©crit-il, les crocodiles ont besoin de beaucoup d’eau, d’un espace suffisant pour pondre des Ɠufs et se reproduire. Il met en garde ces Ă©leveurs illĂ©gaux. Ce sont des animaux dangereux et carnivores. « Ils doivent ĂȘtre Ă©levĂ©s dans des endroits sĂ»rs, loin des habitations. Sinon, ils constituent un danger pour la sĂ©curitĂ© ».

Des braconniers « Tous sont des braconniers. La loi actuelle sur l’environnement et la biodiversitĂ© ne permet pas la captivitĂ© de tout animal sauvage encore moins le crocodile une espĂšce en voie de disparition », tranche M. Ndayishimiye, conservateur en Chef du parc national de la Rusizi. A titre illustratif, il Ă©voque la CITES (Convention sur le commerce international des espĂšces de faune et de flore sauvages menacĂ©es d’extinction). Celle-ci interdit le commerce, l’élevage en captivitĂ© de certains animaux, dont les crocodiles. « Le Burundi l’a signĂ© et ratifiĂ© ». L’autorisation est exclusivement accordĂ©e par le ministre de l’Environnement ou le prĂ©sident de la RĂ©publique. Et

Quelques crocodiles élevés en captivité chez Albert Ngendera.

jusqu’aujourd’hui, affirme-t-il, personne n’a reçu cette permission. Le conservateur avertit ces Ă©leveurs clandestins : « Tous ces crocos seront remis un jour dans leur habitat naturel.»

« Qu’on arrĂȘte de nous incriminer ! » « Nous ne sommes pas des braconniers. Nous les avons sauvĂ©s alors qu’on Ă©tait en train de les tuer », riposte Albert Ngendera, un Ă©leveur des crocodiles Ă  Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura.

‘’PropriĂ©taire’’ actuellement de plus de 40 bĂȘtes, il dit qu’il s’est lancĂ© dans cette aventure, depuis 1993. Avec la crise, il n’y avait plus d’éco-gardes dans le parc. « Des braconniers se sont mis Ă  chasser des animaux, dont les crocodiles. Et moi, j’ai achetĂ© quelques petits pour les protĂ©ger ». Pour lui, il s’agit plutĂŽt d’un sacrifice et c’est par amour de ces reptiles qu’il s’y est lancĂ©. C’est un travail trĂšs coĂ»teux. « Par semaine, ils mangent entre 50 et 100 kg de viande. Alors, qu’on arrĂȘte de nous incriminer! On devrait me remer-

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cier et m’accorder une terre pour mes crocodiles. » Son rĂȘve est de constituer un parc zoologique. NĂ©anmoins, il reconnaĂźt que ces animaux sont dangereux : « Nous avons peur pour notre sĂ©curitĂ© et celui de l’entourage. » Cet Ă©leveur n’entend pas voir ses reptiles remis dans la Rusizi. «Ils rĂȘvent debout !» Et de signaler que la question a Ă©tĂ© soumise au niveau de la prĂ©sidence de la RĂ©publique. « BientĂŽt, nous espĂ©rons que l’on va nous rĂ©pondre positivement ». RĂ©novat Ndabashinze


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ÉDUCATION

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Kayanza

Nemba, la vallĂ©e des dĂ©crocheurs scolaires Au cours de l’annĂ©e scolaire 2017/18, la direction communale de l’enseignement de Kayanza a enregistrĂ© 3358 cas d’abandon scolaire. Une centaine d’entre eux ont choisi de troquer l’uniforme pour la fabrication de briques et de tĂŽles dans la vallĂ©e de Nemba.

C

haque matin, ils sont plus d’une soixantaine de personnes Ă  joindre cette vallĂ©e .Un rituel quotidien devenu quasi semblable Ă  celui des habitants de Bujumbura quand ils vont vaquer Ă  leurs occupations. SituĂ©e Ă  4 km du chef –lieu de la province, cette vallĂ©e rongĂ©e par la riviĂšre Ruvubu, offre ce qu’il y a de mieux pour la population environnante. Elle concentre l’essentiel des sites de la commune Kayanza sur lesquels sont fabriquĂ©es les briques et les tĂŽles en terre cuite. Parmi cette population qui y converge, des jeunes d’un certain Ăąge. Beaucoup la trentaine, et depuis un certain temps des enfants dont l’ñge est compris entre 7 et 10 ans .Des gamins pour la plupart, suite Ă  la pauvretĂ©, disent-ils de leur familles, contre eux ,abandonnent l’école pour chercher leur gagne-pain. Jean Marie, 9ans, est un de ceux-lĂ  .Originaire de Nyabihogo, sous-colline bordant cette vallĂ©e, ce dĂ©sormais ancien Ă©colier, a quittĂ© le banc de l’école,il ya une annĂ©e. Motif : sa mĂšre veuve n’était plus en mesure de supporter ses frais scolaires. «Elle m’a clairement expliquĂ© que je devais voler de mes propres ailes, si je souhaitais poursuivre mes Ă©tudes ».La situation Ă  la maison devenant intenable, il opte d’aller chercher du travailler pour Ă©pauler sa mĂšre .Il raconte que deux jours pouvaient passer sans qu’ils aient de quoi mettre sous la dent. « C’est Ă  ce moment qu’un de mes camarades de classe m’a prĂ©sentĂ© quelqu’un qui pouvait donner du travail dans une des coopĂ©ratives qui fabrique les briques en terre cuite Ă  Vyoga». Actuellement, malaxeur d’argile, il affirme gagner 2000Fbu par jour. « Une somme dĂ©risoire certes, mais, suffisante pour que ma famille ne dorme pas ventre affamĂ© » MĂȘme cas de figure pour Jean, 13 ans. Originaire de la sous colline de Mundunduri, aprĂšs la mort de sa mĂšre, sa vie vire au

Sur les sites de cette vallĂ©e, la plupart des enfants ont abandonnĂ© l’école

cauchemar. « Dans la foulĂ©e, mon pĂšre s’est remariĂ© .Le debut de mes malheurs » .Car, relate-t-il, ma belle-mĂšre, m’infligera toutes sorte de supplices. « Quand, je me levais pour aller Ă  l’école, elle m’assignait Ă  faire des travaux interminables .Ce qui faisait, que j’étais toujours en retard ».Face Ă  cette maltraitance, il finit par fuir. De lĂ , Ă  intĂ©grer la coopĂ©rative de fabrique des briques. « Pour avoir ne fĂ»t-ce que de quoi manger ».Et d’assurer ne plus voir retourner Ă  l’école. Sur ces sites, nombreux de ces enfants, bien qu’ils Ă©prouvent des regrets d’avoir abandonnĂ© l’école, tous s’accordent sur une chose : leur vie connaĂźt un lĂ©ger mieux.

Un mal pour un bien Main d’Ɠuvre moins chĂšre, ces enfants sont aussi rĂ©putĂ©s pour leur rapiditĂ©. Des qualitĂ©s dont les responsables de ces coopĂ©ratives tirent profit. « A raison de 1000 BIF, le salaire journalier contre 3000 BIF pour une personne adulte, la marge diffĂ©rentielle est considĂ©rable », observe

Outre leur rapiditĂ©, ces enfants constituent une main d’Ɠuvre productive

N.L , un pĂšre de famille. Selon lui, des mesures contraignantes s’imposent pour lutter contre ‘’cet appĂąt du gain’’. Et de dĂ©plorer : « Ces responsables de ces coopĂ©ratives se trouvent Ă  exploiter l’enfant du voisin, alors qu’ils devraient l’aider pour continuer sa scolaritĂ© ». Ce pĂšre de famille avoue que le phĂ©nomĂšne n’est pas prĂȘt de s’estomper :« Les chefs collinaires

ont beau crier, mais, ils oublient que ces enfants ont dĂ©jĂ  pris goĂ»t de l’argent ».Par un effet domino, il indique qu’ils s’entraĂźnent entre eux « En s’achetant quelque chose de beau, son autre ami voudra la mĂȘme chose, ainsi de suite. » Autre Ă©lĂ©ment Ă  prendre en compte : la culture. La province de Kayanza est rĂ©putĂ©e concentrer le fort taux d’abandon scolaire. Une allusion faite en grande

Cas d’abandons solaires dans la DCE de Kayanza durant l’annĂ©e scolaire 2017/18 Causes

Ecoles fondamentales (sur un total Ecoles post fondamentales (sur un de 3358 cas d’abandons scolaires) total de 223 cas d’abandons scolaires)

Pauvreté

2461

123

Déménagement familial

246

19

Maladies

279

-

Mariages précoces

4

14

Autres causes

169

67

Ă  ses nombreux ressortissants qui abandonnent leurs Ă©tudes pour venir chercher du travailler Ă  Bujumbura comme domestiques. Depuis que l’administration a interdit aux enfants de moins de 18 ans de travailler dans des coopĂ©ratives pour la fabrication des briques et des tĂŽles en terre cuite, sur certains sites, un lĂ©ger rĂ©pit s’observe. « Les rĂ©calcitrants, certes, existent, mais d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les coopĂ©ratives semblent avoir compris le message », confie un responsable au sein de la DCE de Kayanza. Pour juguler ce phĂ©nomĂšne, ce responsable parle de l’implication des autoritĂ©s de base. Il indique que grĂące au travail des chefs collinaires, ils parviennent Ă  Ă©lucider cas par cas afin de connaĂźtre les vraies raisons de l’abandon scolaire. « De la sorte, certains ont pu rĂ©intĂ©grer l’école ». HervĂ© Mugisha

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RĂ©gion Centre

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Gitega :Giheta

Le Burundi risque encore une fois de perdre une star Adrienne Nahimana, la cĂ©lĂšbre actrice du feuilleton Ninde est en train de souffrir dans l’oubli total. TerrassĂ©e par la maladie, elle ne quitte plus sa maison et ne bĂ©nĂ©ficie pas de soins mĂ©dicaux adĂ©quats. De notre correspondant Jean-NoĂ«l Manirakiza

R

ongĂ©e par le diabĂšte et sans moyens de se soigner, Adrienne Nahimana est aujourd’hui l’ombre d’ellemĂȘme. Affaiblie par la maladie et mal soignĂ©e, l’actrice reste clouĂ©e sur son lit chez elle sur la colline Kabanga en commune Giheta depuis des mois. Si elle n’est pas aidĂ©e par sa belle- fille pour quitter son lit, elle fait plus de 10 minutes pour sortir de sa case en vue de profiter de la chaleur du soleil matinal. RencontrĂ©e chez elle, la femme vigoureuse qui avait marquĂ© par son humour le feuilleton Ninde (il passe chaque semaine Ă  la Radio Nationale du Burundi depuis 1981) est aujourd’hui mĂ©connaissable. Seule sa voix est restĂ©e intacte. Pour le reste, elle a beaucoup maigri et a dĂ©jĂ  perdu plus de 40 kilos. Assise sur une chaise, traits tirĂ©s, regard vide, Adrienne Nahimana nous confiĂ© son calvaire depuis que les

RĂ©gion Ouest

jamais Ă©tĂ© diagnostiquĂ©e de cette maladie. Depuis ce jour, j’ai commencĂ© Ă  perdre du poids.» Selon ses propos, le rĂ©gime alimentaire que les mĂ©decins lui ont imposĂ© coĂ»te cher. Manger est devenu un cassez -tĂȘte pour sa famille. « Ils m’ont strictement interdit de manger du haricot sec, de la pĂąte de manioc, des patates douces et de l’huile de palme alors que c’est l’alimentation de base chez nous.» En plus, cette femme affirme qu’elle n’a plus les moyens de se soigner convenablement. Sans la mutuelle de santĂ©, s’acheter de l’insuline ou d’autres mĂ©dicaments sans le concours des bienfaiteurs lui est aujourd’hui impossible. Il y a quelques mois, une connaissance l’avait aidĂ©e une fois Ă  payer les frais de l’hospitalisation Ă  Bujumbura. « Je n’ai plus un seul sou, toutes mes Ă©conomies sont Ă©puisĂ©es. »

Pour plus d’assistance mĂ©dicale Adrienne Nahimana « Je n’ai plus un seul sou, toutes mes Ă©conomies sont Ă©puisĂ©es ! »

mĂ©decins lui ont diagnostiquĂ© sa terrible maladie. « C’est depuis le mois de juil-

let 2018 que j’ai su que je souffre du diabĂšte. J’étais sonnĂ©e car dans ma famille personne n’avait

Malade dans l’ignorance totale, sa famille et ses voisins crient à cor et à cri pour que leur voisine ne disparaisse pas comme Antime Baransakaje, le patriarche des tambourinaires de Gishora à Giheta.

« Les Burundais s’investissent beaucoup Ă  l’enterrement de quelqu’un alors qu’ils restent mĂ©fiants quand il est encore vivant. Maintenant l’administration est dans le silence et n’intervient pas. Mais quand elle rendra l’ñme, nous allons les voir se bousculer Ă  organiser des cĂ©rĂ©monies grandioses », dĂ©plore un voisin de Nahimana Adrienne. Pour la population de Giheta, il est temps que l’ l’Etat et les bienfaiteurs sortent de leur inaction. « Elle et son groupe Ninde ont beaucoup travaillĂ© pour le pays. Ils ont donnĂ© le goĂ»t aux Burundais Ă  Ă©couter la radio nationale et Ă  regarder la tĂ©lĂ©vision nationale.» Cherchant Ă  savoir ce que l’administration aurait dĂ©jĂ  fait pour soutenir Adrienne Nahimana, l’administrateur de la commune Giheta a jurĂ© qu’il n’était pas au courant de cette histoire. « Personne ne m’avait encore informĂ©. Demain ou aprĂšsdemain, j’irai chez elle pour m’enquĂ©rir de cette situation », a promis Alexis Manirakiza. En attendant, Adrienne Nahimana ne demande que des mĂ©dicaments rĂ©guliers pour soulager ses douleurs.

Cibitoke

Des tracts qui appellent à éliminer les personnes ùgées Les tracts sur lesquels sont mentionnés les noms de 45 vieillards de Mugina et Rugombo, accusés de sorcellerie, ont été ramassés. La peur au ventre, ils crient à leur sécurité. Le gouverneur de province met en garde toute personne qui osera commettre ce crime. De notre correspondant Jackson Bahati

U

n climat de peur panique rĂšgne actuellement dans les familles de 45 vieillards mentionnĂ©s dans ces tracts Ă  Rugombo et Mugina. Des communes qui enregistrent beaucoup de conflits fonciers et familiaux. Ces vieillards accusĂ©s de sorcellerie sont en train de chercher oĂč se cacher craignant d’ĂȘtre malmenĂ©s ou tuĂ©s Ă  tout moment. Cette situation se fait observer surtout sur les collines de Mugina, Rushimirabarimyi, Ruziba, Nyempundu et Butaramuka en commune Mugina ainsi qu’à Rukana, Gabiro-Ruvyagira, Munyika II et Rusororo en commune Rugombo. Les personnes qui sont ciblĂ©es sont surtout celles qui ont de

l’ñge avancĂ© de plus de 60 ans et sont surtout reprochĂ©es d’ĂȘtre les auteurs de diffĂ©rents crimes qui ont eu lieu trĂšs derniĂšrement. La population contactĂ©e parle de deux personnes dĂ©cĂ©dĂ©es victimes d’une grenade larguĂ©e Ă  Mugina ce lundi 19 novembre ainsi qu’une dizaine de gens dĂ©cĂ©dĂ©s dans ses deux communes citĂ©es il y a deux mois. Les auteurs de ces crimes n’ont pas jusqu’ici Ă©tĂ© apprĂ©hendĂ©es comme l’indiquent ces habitants visiblement fĂąchĂ©s. Selon Jean-FĂ©lix Ntuyahaga, un sexagĂ©naire de la colline Rukana en commune Rugombo, les conflits fonciers s’observent trĂšs souvent et les gens s’entretuent avec comme prĂ©texte la sorcellerie. DerniĂšrement, poursuit-il, la justice lui a rendu sa propriĂ©tĂ© mais il reçoit des menaces de mort et des intimidations de gens qui

La population assiste à une réunion sur la sensibilisation contre la justice populaire

l’interdisent d’exploiter cette terre pour ne pas se faire tuer. « Ces gens m’ont dit que toute ma famille sera dĂ©cimĂ©e une fois si j’ose aller exploiter ces champs de culture. »

L’administration Ă  la base inquiĂšte Sur la colline Butaramuka commune Mugina, un certain Dismas Niyonzima est Ă©galement menacĂ© pour la mĂȘme raison. « J’ai Ă©tĂ© ciblĂ© parmi les autres. Ils m’accusent d’avoir tuĂ© trois per-

sonnes en moins d’une semaine, mais je constate que c’est un conflit familial », se lamente ce pĂšre de 7 enfants. Un des Ă©lus locaux Ă  Ruziba dit qu’un bon nombre de vieillards sur cette colline se disent menacĂ©s par des jeunes gens dĂ©pourvus de terres cultivables et veulent les Ă©liminer pour rĂ©cupĂ©rer leurs terres. Les autoritĂ©s administratives demandent Ă  ces jeunes gens de couper court avec ce mauvais comportement et les appellent Ă 

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travailler pour gagner leur propre vie. Le gouverneur de la province Cibitoke promet de multiplier des rĂ©unions de sensibilisation et de renforcement de sĂ©curitĂ©. Il met en garde tout individu animĂ© de cet esprit qu’il sera puni conformĂ©ment Ă  la loi. Les dĂ©fenseurs des droits de l’homme Ɠuvrant Ă  Cibitoke s’inquiĂštent de cette recrudescence de l’insĂ©curitĂ© dans ces communes et demandent Ă  la justice et Ă  l’administration de prendre des mesures pour que ce phĂ©nomĂšne soit Ă©radiquĂ©.


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RĂ©gion Sud

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Rumonge

Regain des avortements clandestins Trois jeunes filles de moins de 18 ans sont dĂ©tenues au cachot de la police pour avortement et abandons des nouveaux nĂ©s. Elles indiquent ne pas avoir des moyens pour faire vivre leurs enfants. Les organisations de dĂ©fense des droits de l’homme tirent la sonnette d’alarme. De notre correspondant FĂ©lix Nzorubonanya

U

ne fille ĂągĂ©e de 16 ans a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e il y a une semaine dans le quartier Birimba de la ville de Rumonge aprĂšs avoir avortĂ©. Ses voisins ont vite alertĂ© la police. Cette fille a avouĂ© avoir commis cette infraction d’infanticide malgrĂ© elle. Selon des sources policiĂšres, elle a indiquĂ© qu’elle n’avait pas de moyens de nourrir ce bĂ©bĂ©. Une autre fille ĂągĂ©e de 15 ans dĂ©tenue au cachot de la police a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e au moment oĂč elle venait de jeter l’enfant qu’elle venait de mettre au monde dans un des quartiers de la ville de Rumonge. Une autre est dĂ©tenue au cachot de la police pour avoir abandonnĂ© son bĂ©bĂ© Ă  l’hĂŽpital de Rumonge ce lundi 19 novembre. Elles Ă©taient toutes des filles de mĂ©nage avant de se

RĂ©gion Nord

retrouver dans la rue sans aucun emploi et appui familial car provenant des provinces lointaines. Selon des sources policiĂšres, elles avouent avoir commis ces infractions d’infanticide malgrĂ© elles Ă  cause du manque de moyens pour faire vivre leurs enfants. Au niveau de la police, on prĂ©cise que l’avortement est puni par le code pĂ©nal Burundais. Leurs dossiers pĂ©naux sont en train d’ĂȘtre confectionnĂ©s pour ĂȘtre acheminĂ©s au parquet.

Recrudescence des cas d’avortement et abandon d’enfants D’aprĂšs Fulgence Ngabire, chef d’antenne de la FVS/Amade en province de Rumonge, la situation est prĂ©occupante et mĂ©rite des actions urgentes. Il y a une nette augmentation des cas d’avortement surtout en milieu urbain et semi urbain ainsi que

Cachot des mineurs et des femmes de Rumonge

des cas d’abandon d’enfants ces derniers mois. Il souligne qu’il s’observe un exode rural poussĂ© et des dislocations des familles. La communautĂ© dans certains endroits ne joue plus son rĂŽle d’avant. Des cas d’avortement et d’abandon de bĂ©bĂ©s leur sont souvent rapportĂ©s par les comitĂ©s de protection des droits de l’enfant dans les quartiers et sur les collines. La prise en charge de

ces enfants abandonnĂ©s ou jetĂ©s par leurs mĂšres n’est pas coordonnĂ©e. Les autoritĂ©s administratives, les confessions religieuses, la police, les leaders communautaires, les organisations qui militent pour les droits des enfants et de la femme, les reprĂ©sentants du ministĂšre de la SolidaritĂ© nationale doivent s’asseoir ensemble pour arrĂȘter des stratĂ©gies afin

de diminuer l’ampleur de ce phĂ©nomĂšne. Les informations recueillies au niveau de la prison de Rumonge indiquent que le nombre des femmes condamnĂ©es ou accusĂ©es d’infraction d’infanticide, d’avortement et d’abandon d’enfants ne cesse d’augmenter. KĂ©siĂ© Bagumako, activiste des droits de la femme au sein de l’association des femmes rapatriĂ©es (Afrabu) en province de Rumonge tire la sonnette d’alarme et demande la mobilisation de tout le monde. Elle demande aux conseils communaux de voter un budget chaque annĂ©e destinĂ© Ă  la prise en charge de ces enfants jetĂ©s ou abandonnĂ©s. Des campagnes de sensibilisation doivent ĂȘtre menĂ©es Ă  l’endroit des femmes pour la lutte des grossesses non dĂ©sirĂ©es car beaucoup de victimes le sont par ignorance. Il faut une maĂźtrise de la dĂ©mographie qui fait que des jeunes filles et garçons quittent leurs collines pour aller dans les villes Ă  la recherche du travail. Il demande que ces bĂ©bĂ©s abandonnĂ©s soient enregistrĂ©s dans les registres d’Etat civil pour avoir accĂšs au droit Ă  la nationalitĂ©.

Ngozi/Mwumba

Les chĂŽmeurs dĂ©cidĂ©s pour un auto dĂ©veloppement Ils se regroupent dans une association dĂ©nommĂ©e Sangwe Mwumba, une extension de Sangwe national. Depuis leur dĂ©but d’activitĂ©s en mars, ils se targuent de la gestion d’un hectare de champs de culture. De notre correspondant Apollinaire Nkurunziza

I

ls sont mixtes, garçons et filles, des laurĂ©ats du secondaire et universitaires. Leur point commun : le chĂŽmage. Leur nombre n’est pas du tout minime. Seuls 178 ont dĂ©cidĂ© de se rĂ©unir en coopĂ©rative Sangwe Mwumba, parmi eux 12 universitaires. C’était en mars 2018. Ils se sont battus pour trouver une contribution de cinq mille chacun afin d’entamer leur business. Seulement 135 sont parvenus Ă  poursuivre leur dessein. Ainsi, un hectare de champs cultivable a Ă©tĂ© louĂ©, surplombant la vallĂ©e de Rwarangabo, pour la plantation de riz, maĂŻs et pomme de terre. « Nous venons de rĂ©colter 796kg de pomme de terre. On avait plantĂ© 120kg de semence », indique Japhet Nduwinama secrĂ©taire de

la coopĂ©rative. Il fait Ă©galement savoir qu’ils sont prĂȘts Ă  procĂ©der Ă  la rĂ©colte du riz plantĂ© sur une Ă©tendue d’un demi-hectare. Ces jeunes en chĂŽmage rĂ©vĂšlent qu’ils ne bĂ©nĂ©ficient d’aucun soutien de qui que ce soit. « Nous ne comptons que sur nos maigres cotisations.» Parlant du marchĂ© d’écoulement, ils disent ne pas s’en soucier : « Nous cultivons Ă  contre saison. Comme nos champs surplombent le marais, nous pratiquons l’arrosage. Donc, lors de la rĂ©colte, au marchĂ© il n’y a pas assez de produits ». Ils indiquent vendre Ă  raison de 450 francs par kilogramme de pomme de terre. Volant avec leurs propres fragiles ailes, ils sont confrontĂ©s Ă  un manque de matĂ©riel agricole et un capital suffisant. « Le manque d’arrosoirs, de fumure sont les premiĂšres barriĂšres Ă  notre dĂ©veloppement », fait savoir

Certains membres de Sangwe Mwumba en train de récolter les pommes de terre

Japhet laurĂ©at de l’IPA Français Ă  l’UniversitĂ© du Burundi.

Quand l’union fait la force Selon eux, la coopĂ©rative leur a permis un rassemblement, faire des connaissances et donner leur contribution en matiĂšre de dĂ©veloppement. En plus, ils partagent les connaissances. « J’ai appris les techniques modernes de cultiver le maĂŻs. Nous avons

des ingĂ©nieurs au sein de la coopĂ©rative. C’est un grand avantage pour nous d’avoir des intellectuels qui se reconnaissent dans divers domaines » se plaĂźt Bosco Rukundo un jeune diplĂŽmĂ© en hĂŽtellerie et tourisme. Il affirme que la coopĂ©rative leur donne une opportunitĂ© de se complĂ©ter. De surcroit, ils ne cessent de rĂȘver. Le secrĂ©taire de Sangwe Mwumba rĂ©vĂšle que des projets sont multiples Ă  leur agenda.

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Entre autres l’apiculture, la culture de champignons et l’élevage de porcs. Ainsi, ils demandent un soutien du gouvernement et des natifs pour la mise en Ɠuvre de ces projets d’auto dĂ©veloppement. Aux autres jeunes chĂŽmeurs comme eux, ils leur demandent de se joindre Ă  eux pour dessiner leur avenir ensemble.


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La Protection des tĂ©moins et victimes lors des procĂšs, un souci au cƓur de l’AFJB L’association des femmes juristes du Burundi (AFJB) a animĂ©, du 15 au 16 novembre, un atelier de vulgarisation de la loi sur la protection des victimes, tĂ©moins et autres personnes en situation de risque lors d’une procĂ©dure pĂ©nale ou dans le cadre d’une commission d’enquĂȘte. Une sĂ©ance qu’ont apprĂ©ciĂ©e les diffĂ©rents professionnels du droit, avocats et activistes des droits humains, participant Ă  la rencontre. L’atelier a bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien financier et technique de l’UNICEF et de l’Union EuropĂ©enne.

L

’AFJB se dit prĂ©occupĂ©e. D’aprĂšs diffĂ©rentes interventions jeudi 15 novembre lors de l’ouverture de l’atelier, pas mal de victimes et tĂ©moins brillent par leur rĂ©ticence Ă  dĂ©noncer les criminels par crainte de reprĂ©sailles. Une quarantaine de participants, avocats et acteurs de la sociĂ©tĂ© civile, dĂ©fenseurs des droits humains, sont unanimes Ă  ce sujet. «Une victime peut prĂ©fĂ©rer souffrir en silence [
], un tĂ©moin n’osera pas donner des dĂ©positions s’il n’est pas sĂ»r d’ĂȘtre suffisamment protĂ©gé», rĂ©alise Jean Bosco Bigirimana, bĂątonnier de l’ordre des avocats de Gitega, tout en dĂ©plorant aussitĂŽt: «Cette rĂ©ticence plombe l’administration d’une bonne justice». Les victimes et tĂ©moins ignorent qu’il y a une loi qui les protĂšge. Et la situation est d’autant plus prĂ©occupante que les praticiens eux-mĂȘmes connaissent mal la loi, pourtant promulguĂ©e depuis deux ans, souligne Me Bigirimana. Ainsi le prĂ©sent atelier se veut d’une importance capitale. Cette loi doit ĂȘtre connue par les professionnels, intermĂ©diaires dans sa vulgarisation au niveau de la population, la composante des bĂ©nĂ©ficiaires. Le profil cible de l’atelier rĂ©pond Ă  ce souci, soutient EspĂ©rance Ninahaze, reprĂ©sentante de l’AFJB Ă  cette rencontre. «Il faut que cette loi soit effectivement mise en Ɠuvre pour que les concernĂ©s soit protĂ©gĂ©s d’une maniĂšre qui convienne et que justice soit rendue». Prenant la parole, LĂ©onidas Ngayabihema, reprĂ©sentant de l’Unicef Ă  cette session, partenaire de l’AFJB dans l’organisation de l’atelier, reviendra sur l’importance de la loi dont il est question. «Il est essentiel qu’un tĂ©moin puisse dĂ©poser dans un cadre judiciaire ou coopĂ©rer Ă  des enquĂȘtes de police sans craindre l’intimidation», martĂšle-t-il, prĂ©cisant que «le tĂ©moignage est souvent la clĂ© de voĂ»te d’enquĂȘtes et poursuites rĂ©ussies». Pour ce juriste, cette loi arrive

Ă  point nommĂ©. Le manque d’un vĂ©ritable mĂ©canisme de protection conduit en effet Ă  l’impunitĂ© totale. «Les autoritĂ©s judiciaires sont amenĂ©es Ă  libĂ©rer les prĂ©sumĂ©s auteurs d’exĂ©cutions extrajudiciaires, faute de tĂ©moins». Et d’en appeler Ă  l’Etat de s’assurer de sa mise en application. «La protection des tĂ©moins est Ă  la fois une nĂ©cessitĂ© et une obligation pour l’Etat». Il doit prĂ©server la volontĂ© des tĂ©moins de collaborer avec la justice et doit protĂ©ger les personnes rĂ©sidant sur son territoire.

«Cette loi s’appliquera aux cĂŽtĂ©s du code pĂ©nal sans le contredire» Pour Edouard Ngendakumana, un avocat conseil participant Ă  l’atelier, cette loi a cela d’utile qu’elle est spĂ©cifique en ce qui est de la protection des victimes, tĂ©moins et autres personnes en situation de risque. Cependant, les modalitĂ©s de son application restent difficiles. «Certaines de ces dispositions semblent contraires au code de procĂ©dure pĂ©nale». MaĂźtre Ngendakumana base son argumentaire notamment sur les articles 7 et 9 de la loi. Le premier alinĂ©a de l’article 7 dispose en effet : «Le juge peut, Ă  la demande du ministĂšre public, de la dĂ©fense, d’une victime ou de son reprĂ©sentant ou d’un tuteur, autoriser une dĂ©position anonyme». Quant au 9Ăš article, il autorise entre autres, lors des audiences publiques, la mise du tĂ©moin Ă  l’abri des regards du public et du prĂ©venu, la dissimulation des adresses du tĂ©moin ou de la victime, la dĂ©formation de la voix de la victime ou du tĂ©moin, l’emploi des pseudonymes, etc. Pour le juriste Ngendakumana, ces dispositions viennent, en cela, comme pour opposer le code pĂ©nal qui impose, en la matiĂšre, ‘‘la publicitĂ© des audiences’’. «Les tĂ©moins se prĂ©sentent devant la barre». Pour ce faire estime-til, l’anonymat peut amener le prĂ©venu Ă  des suspicions. Autrement, l’application de la loi se mĂ©riterait d’une juridic-

EspĂ©rance Ninahaze : «La plus-value de cette loi est qu’elle aborde la question de protection des tĂ©moins et victimes de la façon la plus approfondie»

tion spĂ©cialisĂ©e d’autant plus qu’elle comporte une dimension spĂ©ciale. Sinon, le juge pĂ©nal doit se conformer au code pĂ©nal. En guise d’éclairage vis-Ă -vis de cette prĂ©occupation, un autre juriste, un avocat participant, soulignera que la ‘‘la loi spĂ©ciale doit ĂȘtre le repĂšre lors des procĂ©dures’’. «Il n’y a donc point de contradiction», rectifie-t-il, avant de

nuancer : «D’ailleurs le code pĂ©nal est punitif, tandis que la prĂ©sente loi est protectrice» La reprĂ©sentante de l’AFJB abondera dans le mĂȘme sens. Pour EspĂ©rance Ninahaze, la plus-value de cette loi est qu’elle aborde la question de la protection des tĂ©moins et victimes de la façon la plus approfondie. Cette loi institue en plus une unitĂ© de

protection de ces catĂ©gories qui s’investira davantage et renforcera les autres organes Ă©tatiques qui travaillent dans le domaine. Tout autre aspect positif de la loi Ă  relever est son avantage matĂ©riel. LĂ©onidas Ngayabihema soutient que les mĂ©canismes de protection prĂ©vus par cette mesure ne sont pas exigeants en termes de ressources. «La dissimulation ou le changement d’identitĂ© ont l’avantage de nĂ©cessiter peu de coĂ»t». Ainsi, il est aisĂ© de les mettre en Ɠuvre par rapport aux protections opĂ©rationnelles telles que la fourniture d’une escorte, d’une rĂ©sidence temporaire ou encore d’une rĂ©installation. L’AFJB s’investit dans l’application de cette loi notamment par la sensibilisation des diffĂ©rents acteurs, l’appui de sa mise en Ɠuvre en particulier en faveur des femmes et des enfants. Les participants Ă  l’atelier ont vivement encouragĂ© la poursuite de cette vulgarisation au profit des avocats et des dĂ©fenseurs des droits de l’homme ainsi que des magistrats.

La reprĂ©sentante de l’AFJB, le bĂątonnier du barreau de Gitega, les reprĂ©sentants de l’Union EuropĂ©enne et de l’Unicef Ă  l’ouverture de l’atelier

Les participants Ă©taient des professionnels du droit issus de tous les coins du pays.

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ANNONCES

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AVIS DE RECRUTEMENT Dans le cadre du projet « Bungabunga Amazi » visant Ă  amĂ©liorer la gestion et la distribution d’eau potable dans 15 communes rurales de trois provinces, Ă  savoir toutes les communes de Bururi et de Rumonge, ainsi que quatre communes de la province Mwaro (Nyabihanga, Kayokwe, Ndava et Bisoro), l’ONG GVC lance un appel d’offre aux candidat(e)s Ă  partir du 20 Novembre 2018 pour les postes suivants : Superviseurs opĂ©rationnels en WASH (5 postes) : DiplĂŽme acadĂ©mique (ou Ă©quivalent), de prĂ©fĂ©rence en relation avec le profil recherchĂ© ; trois ans d’expĂ©riences solides en Eau, HygiĂšne et Assainissement (EHA), prĂ©fĂ©rablement dans le domaine de gestion, renforcement de capacitĂ©s et Ă©tudes. Lieu de travail : Rumonge, Bururi ou Mwaro. Coordinateur national en WASH : DiplĂŽme acadĂ©mique (ou Ă©quivalent), de prĂ©fĂ©rence en relation avec le profil recherchĂ© ; cinq ans d’expĂ©riences solides en Eau, HygiĂšne et Assainissement (EHA), prĂ©fĂ©rablement dans le domaine de gestion, renforcement de capacitĂ©s et Ă©tudes. Lieu de travail : Rumonge Les TdR de chaque profil sont disponibles au bureau de GVC Ă  Bujumbura et sur le site Internet d’« Intercontact ». Les postes sont ouvertes Ă  toute personne de nationalitĂ© burundaise ou Ă©trangĂšre dĂ©tenant un permis de travail au Burundi. Les candidatures sont Ă  soumettre Ă  l’adresse courriel recrutement.burundi@gvc-italia.org avant le 6 dĂ©cembre 2018 Ă  17h00. Les dossiers incomplets ne seront pas considĂ©rĂ©s. Uniquement les candidats prĂ©sĂ©lectionnĂ©s seront contactĂ©s. Des candidates sont fortement encouragĂ©es Ă  postuler. Les candidats sont invitĂ©s de mentionner le numĂ©ro de la carte d’identitĂ© (ou Ă©quivalent) dans leur CV. Documents Ă  soumettre obligatoirement et uniquement : curriculum vitae (en format MS Word ou PDF, pas de scan), lettre de motivation (en format MS Word ou PDF, pas de scan), copie du diplĂŽme (scan en JPG ou PDF). D’autres documents seront demandĂ©s une fois que les candidats prĂ©sĂ©lectionnĂ©s seront contactĂ©s.

COMMUNIQUE DE RECRUTEMENT

INTERCONTACT SERVICES recrute pour un Client un Expert IT remplissant les conditions suivantes : avoir un diplĂŽme BSC : MSC en informatique, possĂ©der les certifications actuelles de l’industrie informatique (par exemple MCSE, MCP, CCNP) constituerait un atout. Les candidats devront justifier d’une expĂ©rience professionnelle d’au moins 5 ans dans un poste similaire. Ils devront justifier d’une expĂ©rience dans les installations de rĂ©seaux informatiques et internet ; savoir faire l’entretien du rĂ©seau informatique, internet et camĂ©ra de surveillance. Le texte de ce communiquĂ© est postĂ© sur le site : www.intercontactservices.com dans la rubrique offre d’emploi. Les dossiers de candidature constituĂ©s d’une lettre de motivation, d’un CV actualisĂ©, une copie du diplĂŽme seront envoyĂ©s Ă  l’adresse Ă©lectronique: interhuman@intercontactservices.com. La date limite de d’envoi des candidatures est fixĂ©e au 27 Novembre 2018 Ă  17 h00.

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Etats gĂ©nĂ©raux d’assurance : Les assureurs soucieux de l’amĂ©lioration de leurs prestations Les 13 compagnies d’assurance regroupĂ©es au sein de l’ASSUR ont tenu, du 15 au 16 novembre, les Ă©tats gĂ©nĂ©raux en province Ngozi. Objectif : Echanger sur les stratĂ©gies Ă  mettre en Ɠuvre en vue de l’amĂ©lioration des prestations offertes Ă  leurs clients

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es Ă©tats gĂ©nĂ©raux permettront de booster le secteur de l’assurance au Burundi», a martelĂ©, Trinitas Girukwishaka, prĂ©sidente de l’ASSUR, jeudi 15 novembre Ă  l’ouverture de la rencontre. Ces consultations amĂšneront les assureurs Ă  comprendre le rĂŽle qui doit ĂȘtre le leur dans le dĂ©veloppement du pays. « Ensemble avec les partenaires publics et privĂ©s, nous allons Ă©tudier notre contribution dans le dĂ©veloppement du pays sous le thĂšme : les assureurs engagĂ©s pour le dĂ©veloppement durable du pays ». Mme Girukwishaka se dit rĂ©jouie. En effet, dit-elle, l’industrie d’assurance du Burundi connaĂźt pas mal d’innovations. «Elle se dĂ©veloppe progressivement». Dans son mot d’ouverture, Joseph Butore, deuxiĂšme viceprĂ©sident de la RĂ©publique, a apprĂ©ciĂ© l’initiative relative Ă  la mobilisation de l’épargne :

DiffĂ©rents intervenants dans le domaine de l’assurance et les hautes autoritĂ©s lors de l’ouverture des EGA, jeudi 15 novembre, Ă  l’hĂŽtel Ruhuka de Mwumba

« L’introduction de l’assurance de masse et de la micro-assurance permet de toucher une plus grande partie de la population, y compris celle Ă  faible revenu. », a-t-il soulignĂ©, avant de fĂ©liciter Arca, l’Agence de rĂ©gulation et de contrĂŽle des assurances. Elle s’investit tellement dans la sensibilisation pour les nouvelles assurances obligatoires. « Nous apprĂ©cions son niveau de collaboration avec les autres intervenants de l’assurance ». Des compliments aussi de la part de Domitien Ndihokubwayo, le ministre des Finances. Ce membre du gouvernement tient Ă  encourager l’ASSUR pour son initiative Ă  organiser les EGA. « Cela servira de bon exemple aux autres secteurs de la vie du pays ».

Joseph Butore : « Nous apprĂ©cions le niveau de collaboration de l’ARCA avec les autres intervenants de l’assurance »

La satisfaction de la clientĂšle, un pari Ă  gagner Les assureurs se disent dĂ©terminĂ©s Ă  renforcer la confiance auprĂšs de leurs clients. «Nous allons essayer de rĂ©duire l’insatisfaction de notre clientĂšle. Il y a toute une action qui va ĂȘtre solidifiĂ©e pour mĂ©riter la confiance de la population», rassure Jean PAUL Roux, Directeur GĂ©nĂ©ral de ‘Business Insurance & Reinsurance Company’ (BIC s.a), l’un des assureurs participants. Il tient Ă  ĂȘtre prĂ©cis : «Il faut amĂ©liorer les compĂ©tences, ĂȘtre prĂ©sent pendant le moment des sinistrĂ©s et aussi essayer de compenser dans les meilleurs dĂ©lais ». Ceci passera notamment par la rĂ©forme des stratĂ©gies de marketing. Chaque compagnie va

mettre en place un plan stratégique. M. Roux insiste sur le rapprochement des clients.

NĂ©cessitĂ© d’une collaboration avec le gouvernement Un besoin d’une Ă©troite collaboration avec les pouvoirs publics mĂ©rite d’ĂȘtre soulignĂ© aux yeux d’Augustin Sindayigaya, prĂ©sident de l’organisation de ces Ă©tats gĂ©nĂ©raux. «Les partenaires publics doivent s’impliquer davantage ». A titre exemplatif, dit-il, le ministĂšre de la SĂ©curitĂ© publique doit suivre de prĂšs les cas d’accidents. «Il faut que la police de roulage fasse tĂŽt les constats d’accidents afin de faire avancer rapidement les procĂ©dures et passer consĂ©quemment aux

Trinitas Girukwishaka : « C’est une occasion de promouvoir en commun les atouts et les opportunitĂ©s de l’industrie d’assurance »

www.iwacu-burundi.org – abakunzi@iwacu-burundi.org

indemnisations dans les meilleurs dĂ©lais ». Selon lui, les assurances vont collaborer Ă©troitement avec ce ministĂšre pour rĂ©duire le nombre d’accidents, surtout ceux de roulage. «Nous allons nous investir beaucoup plus dans la prĂ©vention», promet-il, justifiant que «La meilleure assurance, c’est la prĂ©vention». Des mesures de prĂ©vention vont ĂȘtre prises. Ce que reprendra Prosper Bazombanza, prĂ©sident de l’Agence de rĂ©gulation et de contrĂŽle des assurances (ARCA), dans son propos, appelant les partenaires Ă  se focaliser sur la prĂ©vention pour rĂ©duire les catastrophes. Un hic tout de mĂȘme, s’est plaint le prĂ©sident de l’Arca. Il dĂ©plore la montĂ©e des prix des piĂšces de rechange alors que les tarifs de l’assurance restent inchangĂ©s. «Avec le temps, les prix ont flambĂ©, et pour les vĂ©hicules et pour les piĂšces de rechange. C’est une question globale qui doit ĂȘtre prise en main par les pouvoirs publics ». Il appelle, pour ce, les pouvoirs publics Ă  tenir compte de la situation macro-Ă©conomique du pays. Sur les deux jours, ces Ă©tats gĂ©nĂ©raux se sont dĂ©roulĂ©s suivant diffĂ©rentes thĂ©matiques. DĂ©veloppĂ©es sous forme d’ateliers, ces derniĂšres se sont sanctionnĂ©es, chacune, par des recommandations et rĂ©solutions particuliĂšres. Entre autres recommandations , celle de rĂ©pondre Ă  l’attente de la clientĂšle qui veut une amĂ©lioration des services, s’investir plus dans la prĂ©vention ainsi que la sensibilisation de la population quant Ă  la culture d’assurance.


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