IWACU 512

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IWACU N°512 – Vendredi 4 janvier 2019 – 2000 Fbu Quartier INSS, Avenue Mwaro n°18 Bujumbura - Burundi Tél. : 22258957

Confessions ou révélations?

AU COIN DU FEU

SÉCURITÉ Muyinga : Des rondes décriées

P.9

Avec Déogratias Nsavyimana alias Gandhi

SOCIÉTÉ P.14

« Mpore » : Un refuge pour femmes victimes de VBG

P.19


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LA DEUX Editorial

Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

En coulisse

En hausse

Sur le vif

84 ONG étrangères réenregistrées après la date butoir Un Burundi apaisé accueillera tous ses enfants dispersés Par Léandre Sikuyavuga Directeur des rédactions

C

haque année est unique, mais toutes les années se ressemblent en ce qu’elles sont toutes marquées par des hauts et des bas, des événements heureux et malheureux. Ainsi va la vie. L’an 2018 vient de fermer ses portes… Une année nouvelle s’ouvre. Nos pensées se tournent avec gratitude à vous tous nos lecteurs qui nous suivez sur toutes nos plateformes d’information. Chaque année, vous êtes plus nombreux à nous faire confiance. C’est un signe que vous êtes sensibles à notre engagement. Iwacu est devenu un média respecté dans ce qui reste du paysage médiatique burundais. Nous ferons tout pour mériter toujours votre confiance. Un mot à vous chers collègues. En 2018, nous avons vécu ensemble des moments intenses et chaleureux. D’autres ont été un peu plus difficiles. Quelles que soient les circonstances, vous êtes restés professionnels. A Iwacu, malgré le stress quotidien, un environnement pas toujours facile, vous continuez à travailler dans la bonne humeur, dans le respect mutuel, la rigueur, le professionnalisme et surtout le travail d’équipe. Merci pour cet esprit. L’histoire retiendra votre détermination à rester debout. Nous avons une pensée pour nos collègues qui ne sont pas au pays, contraints de vivre hors de leur patrie. Notre souhait le plus ardent est que tous les journalistes, toutes les filles et tous les fils de ce pays retrouvent un jour leur mère-patrie, pour participer à son édification. Les Burundais ont salué l’appel lancé par le Chef de l’Etat aux rapatriés/exilés, dans son discours de vœux à la Nation, à regagner le bercail et sa réaffirmation de ne pas briguer un autre mandat présidentiel au cours d’une émission publique le 28 décembre 2018. Nous restons convaincus qu’un Burundi apaisé accueillera tous ses enfants dispersés. Un politique a rappelé qu’en 1993, à la victoire de la démocratie, les réfugiés sont rentrés d’eux-mêmes. Je veux rester optimiste et croire que cette année préélectorale sortira les politiques burundais de leurs « ghettos » pour trouver une voie de sortie à la crise qui perdure. C’est possible. Du fond du cœur, bonne année 2019.

Claude Birumushahu,

Après la suspension des ONG étrangères, 84 se sont fait réenregistrer pendant le délai de trois mois qui leur avait été accordé par le ministère de l’Intérieur. Avant cette mesure du conseil national de sécurité, 130 ONG étrangères exerçant au Burundi ont été recensées.

L’archidiocèse de Gitega demande la béatification de l’abbé Michel Kayoya

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our avoir été nommé instructeur des arbitres internationaux. Et ce après 14 ans comme arbitre international. A son actif, deux coupes du Monde et quatre coupes d’Afrique des Nations

Dans une note du 26 décembre, l’archevêque de Gitega, Simon Ntamwana, demande au Pape la béatification de l’abbé Michel Kayoya, mort en 1972. Il signale, dans la même note, que le diocèse de Bururi souhaite la béatification des prêtres tués à Buyengero et les séminaristes de Buta.

Lancement de l’indice du coût de construction de logements L’Institut de statistiques et d’études économiques du Burundi (Isteebu) vient de lancer officiellement l’indice du coût de construction de logements neufs au Burundi (ICCLB). D’après le DG de l’Isteebu, cet indice permettra de connaître les prix des matériaux de construction, de suivre l’évolution des marchés publics pour les produits à usage de logement.

En baisse

Liévin Akimana, de la colline Namande, en commune Rusaka,

P

our avoir tué Cécile Gatete et sa petite fille Audrey Bukeyeneza.

ANNONCE Un chiffre

Evaluation de la capacité des organisations de la société civile Burundaise Expression d’intérêt NORC à l’Université de Chicago (NORC) mène une évaluation de la capacité organisationnelle des Organisations de la Société Civile (OSC) au Burundi pour le compte de l’Agence des Etats-Unis pour Le Développement Internationale (USAID). L’objectif de cette évaluation est de mieux comprendre la capacité des OSC au Burundi en ce qui concerne la fourniture des services aux citoyens burundais qui en ont besoin. Nous recherchons des informations sur les organisations burundaises qui fournissent des services dans les domaines suivants: • La violence sexiste; • Les orphelins et les enfants vulnérables; • Les activités sociales et économiques contribuant à des moyens de subsistance durables; • La jeunesse ; et • Services VIH/ SIDA L’expression d’intérêt de USAID s’adresse aux organisations burundaises locales seulement. Une organisation locale est organisée par la loi burundaise, son siège principal est au Burundi, appartient majoritairement à des citoyens burundais ou est dirigée par un organisme burundais dont la majorité sont des citoyens et des résidents permanents du Burundi; et n’est pas contrôlé par une agence, une personne ou un groupe international qui n’est ni citoyen ni résident permanent du Burundi. Si votre organisation est une organisation burundaise locale qui fournit des services dans l’un des domaines mentionnés ci-dessus et si vous souhaitez que votre organisation participe à cette évaluation de la capacité organisationnelle, veuillez répondre à Mme Etionnette Nshimirimana, par courrier électronique à l’adresse nshimetty@gmail.com ou par téléphone +257 79916325 Merci d’exprimer votre intérêt au plus tard le 14 janvier 2019. Merci.

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850 milliards de francs burundais est le montant collecté par l’OBR en 2018

Source : Président burundais

Une pensée

« La confession la plus vraie est celle que nous faisons indirectement, en parlant des autres. » Emile Michel Cioran


L'ÉVÉNEMENT

Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

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La confession de la Première dame

Dans la croisade organisée du 26 au 31 décembre par la famille présidentielle dans la commune Mwumba en province de Ngozi, la Première dame du Burundi a notamment partagé des «révélations» sur la manière dont la chose publique est gérée. La première Dame a prié pour le Burundi. Iwacu propose un verbatim.

S

eigneur, tu répugnes les abominations. Au Burundi, nous avons péché contre toi. Nous avons commis différents péchés, nous avons reçu plusieurs conseils, nous avons été souvent avisés, mais nous n’en avons pas tenu compte comme si nous n’avions rien entendu. Seigneur, tu nous as préparés ce beau jour pour que nous entrions dans le nouvel an étant guéris, délivrés. Notre Dieu merveilleux, nous nous agenouillons, puissants et faibles, devant toi avec humilité. Seigneur, nous te confions tous nos péchés. C’est une évidence, des gens sont morts dans notre pays, tués par leurs proches à cause de la jalousie, de la rancœur, de la haine. Dieu du ciel, à cause de différents règlements de comptes, le sang a été versé. C’est ce matin que j’ai lu un passage qui dit que le sang versé sera vengé par l’effusion du sang. Celui qui verse le sang d’autrui, le sien sera aussi versé. J’ai été ébahie que tu me donnes cette parole. Tu as repris pour la deuxième fois. Le sang versé est vengé par le versement de sang. Celui qui verse le sang d’autrui, le sien sera aussi versé, tu m’as montré des noms des gens, j’ai été étonnée, je me suis retrouvée en train d’écrire ces noms, en reprenant ces noms, en les reprenant encore et encore. Dieu éternel, ils sont nombreux ceux qui ont versé du sang. Au nom de Jésus, nous nous prosternons devant toi, en demandant pardon. Il y a ceux qui ont volé, même aujourd’hui, il y en a qui sont en train d’accumuler illicitement des richesses. Au nom de Jésus, ceux qui dirigent par la force, il y en a. Ceux qui privent les autres de leurs droits, il y en a. Ceux qui font l’adultère, ils sont nombreux. Au nom de Jésus, ceux qui travaillent avec la rancœur,

La Première dame espère que Dieu pardonnera tous les péchés qu’elle a listés.

la jalousie et la haine, ceux qui se vengent, ils sont nombreux, nous nous repentons, l’orgueil dans les cœurs, il y en a. Dieu du ciel, nous avons bénéficié de ta grâce, différents postes nous ont été confiés. Mais quand on y arrive, on se montre prétentieux, comme si on s’est mis soi-même dans cette position, même celui sur lequel Dieu est passé, on arrive à le dénigrer, à le prendre pour un vaurien. Tu es témoin de tout ça, ces joursci, Seigneur. Au nom de Jésus, tu es affligé que des gens se prennent pour des forts, puissants, ceux qui se sont investis eux-mêmes, ceux qui se sont donné ce qu’ils ont. Dieu du ciel, ces jours-ci, ceux qui ont beaucoup de richesses continuent à en accumuler. Ils cherchent même à s’approprier de ce qui appartient aux faibles, ils spo-

lient les biens de ceux qui n’ont pas beaucoup. Dieu du ciel, nous avons péché contre toi, nous nous prosternons devant toi, les puissants et les faibles sont à genoux aujourd’hui pour demander pardon. Les serviteurs de Dieu, nous nous agenouillons pour demander pardon, pour le laisseraller, pour n’avoir pas accompli correctement ce dont nous sommes chargés, pour avoir menti, au nom de Jésus, pour nous être ingérés dans des affaires qui ne nous concernent pas. Au nom de Jésus, nous nous prosternons devant toi, nous demandons pardon, nous sommes ici au nom des autres Burundais qui ne sont pas ici, Roi des rois. Seigneur, si nous nous repentons de nos péchés, tu nous pardonneras, tu pardonneras notre pays et même en cas

du tarissement de la pluie, elle tombera. Seigneur, si nous nous repentons, aucun doute, la pluie de la prospérité tombera dans notre pays le Burundi. Au nom de Jésus Christ, lesdits minerais, les richesses que tu nous as donnés, vraiment il est temps que leur exploitation se fasse dans la transparence, pour que chaque Burundais en tire profit, que ce ne soit pas certains qui en profitent, que ce ne soit pas certains qui en profitent, que ce ne soit pas certains groupes, mais que tout Burundais en bénéficie. Tu nous as dotés d'un sous-sol riche, il est temps que l’exploitation soit faite dans la transparence, il est temps qu’elle nous enrichisse tous. Il est temps, il est temps, il est temps, peut-être que cette affaire a été toujours gérée en catimini suite à

Réactions • Agathon Rwasa : « C’est ce que nous dénonçons très souvent »

L

e leader de la coalition Amizero y’Abarundi dit ne pas être surpris par les révélations de la Première dame qui dénonce les crimes commis au Burundi. «C’est ce que nous dénonçons très souvent et on nous taxe d’être à la solde des colonisateurs. Je ne sais pas ce qu’ils vont dire de la Première dame. » Agathon Rwasa estime

que c’est aux dirigeants de travailler sur ces révélations afin que le peuple burundais opprimé obtienne gain de cause et que les richesses du pays profitent à tous les Burundais. Agnès Ndirubusa

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notre faiblesse, à nos péchés. Pardonne-nous, pardonne-nous et après, Seigneur, que nos minerais soient gérés et exploités dans la transparence, et que nous en bénéficiions tous les dividendes. Au nom de Jésus Christ, le carburant que nous avons manqué, c’est possible d’en avoir dans ce pays pour notre bien [….] Que le sang de Jésus Christ nous rende des gens justes, dignes. Que ton pardon soit sur nous. Seigneur, les cœurs durs, les cœurs durs, les cœurs durs, les gens entêtés, au nom de Jésus Christ, c’est possible que tu les casses en ce moment. Au nom de Jésus Christ, à cette heure-ci, il y a des cœurs durs, des cœurs qui disent, parle et va-t’en, parle et va-t’en… Egide Nikiza


L'ÉVÉNEMENT

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Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

• Kefa Nibizi : «Une prière adressée à Dieu et pas aux politiciens»

• Léonce Ngendakumana : «Il faut encourager la Première Dame»

« Au niveau de notre parti, nous avons entendu cette prière. Mais nous n’avons pas compris si ces crimes évoqués sont commis par des agents publics ou des particuliers. Elle n’a pas précisé», réagit Kefa Nibizi, président du parti Frodebu Nyakuri. Ce politicien signale que la Première dame a affirmé avoir eu une vision, ce qui est de l’ordre spirituel. « Dans ces conditions, on ne peut pas faire de commentaire». Par ailleurs, il fait remarquer que cette prière a été adressée à Dieu et non aux politiciens ou aux dirigeants. «Je demanderais alors aux gens d’y faire moins de commentaires et d’attendre sa réponse». A ceux qui commettent des crimes, M. Nibizi leur conseille de se ressaisir afin de ne pas subir la punition divine.

Pour le vice-président du parti Sahwanya Frodebu, les récentes révélations de la Première dame sont un progrès dans la recherche des solutions à la crise burundaise. Elle a dénoncé toutes les anti-valeurs qui font obstacle à la reconstruction d’une nation digne, réconciliée, unie et prospère : «Il faut, par conséquent, la féliciter et l’encourager afin qu’elle puisse rester sur la même lancée.» Léonce Ngendakumana estime qu’il faudra que le couple présidentiel reste dans la logique de ces révélations, s’il veut garder sa crédibilité dans l’opinion. «C’est de cette manière que le Burundi pourra être sauvé». Dans le cas contraire, assure-t-il, l’opinion risque d’interpréter ces révélations comme une instrumentalisation de la prière.

Renovat Ndabashinze

Arnaud-Igor Giriteka

• Mathieu Sake : « Il n’est jamais tard pour corriger ses erreurs»

Mathieu Sake, président de l’Association communautaire pour la promotion et la protection des Droits humains(ACPDH), estime que cette prière devrait nous interpeller, nous amener à nous remettre en question. «Parce qu’après tout, il n’est jamais trop tard pour corriger ses erreurs». Hervé Mugisha

Annonce

AVIS DE RECRUTEMENT Dans le cadre de ses activités de prise en charge des victimes de violence dans les services communautaires à l’intérieur du pays, la délégation du CICR à Bujumbura désire recruter un Field Officer Santé mentale/ psychosocial afin de contribuer à la mise en œuvre des espaces d’écoute pour ces victimes de violence. Le Field Officer qui sera basé à Bujumbura, avec de nombreux déplacements sur le terrain dans les provinces d’implémentation des activités assurera les taches suivantes :

psychologues, enseignants…) •

Travailler en étroite collaboration avec les partenaires d’implémentation du projet et superviser les référencements des patients vers d’autres services. Se tenir au courant des activités des autres organisations locales ou internationales œuvrant dans le domaine de la santé mentale/ psychosocial et sur la prise en charge des victimes de violences (prise de contact, réunions de partenaires…), maintenir un contact avec celles-ci.

Planifier les activités en tenant compte des objectifs à atteindre.

Suivre les activités psychosociales de sensibilisation.

Assurer la gestion au quotidien des activités de prise en charge santé mentale/ psychosociale des personnes bénéficiaires du programme (s’assurer de la préparation et du bon déroulement des séances de suivi santé mentale/ psychosocial, accompagner et superviser les équipes, utiliser les outils prévus à cet effet, partager les informations significatives avec les départements concernés…).

Reporting : Contribuer aux rapports institutionnels (trimestriels et autres) ; Recueillir les statistiques du programme, les compiler, compléter la base de données et les analyser.

Administration : Classer les documents internes et externes du programme.

Logistique: Prévoir et organiser les commandes de matériel / outils requis pour le programme. Planifier et organiser leur distribution.

S’assurer que la confidentialité est bien respectée dans le circuit de prise en charge du patient et dans l’archivage de son dossier. Organiser et assurer des formations en santé mentale/ psychosocial pour les équipes concernées (volontaires, personnel de santé,

Collecter les informations relatives à la situation sur le terrain et en faire part au département Santé et autres départements si besoin (départements Protection, Ecosec, etc.).

Réaliser des traductions orales et écrites lorsque nécessaire.

Informer son supérieur de toutes irrégularités susceptibles d’entraver le bon déroulement de ses attributions.

Très bonne connaissance du Kirundi, bonne maîtrise du français oral et écrit. Base en anglais.

Bonne connaissance des outils informatiques (traitements de texte, programmes CICR).

Bonne connaissance de la région géographique d’affectation.

Connaissances et expérience requises •

Diplôme universitaire en psychologie clinique (diplôme de licence au minimum).

3-4 ans d’expérience professionnelle dans l’humanitaire, l’accompagnement et le suivi psychologique de victimes de violence, ou tout autre domaine pertinent pour le poste.

Expérience clinique auprès de personnes ayant été exposée à des évènements à potentiel traumatique (violences physiques, psychologiques, sexuelles, déplacement forcé etc.).

Expérience dans les interventions d’urgence, la prise en charge individuelle et de groupe, domaines d’accompagnement psychosocial, de réinsertion socio-économique et de soutien social.

Expérience dans le domaine de la formation, la sensibilisation et la supervision d’équipe (ex : agents de santé communautaires, volontaires, etc.) sur des thèmes en lien avec la santé mentale.

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Les personnes intéressées peuvent déposer sous pli fermé leur dossier de candidature à l’adresse Bujumbura, Route de l’aéroport n° 3513 ou envoyer à l’adresse électronique suivante buj_hrrecruitment_services@icrc.org avec la mention «Candidature au poste de Field Officer Santé mentale/ psychosocial» comme titre. Le dossier doit comprendre un CV (max 2 pages), une lettre de motivation adressée au Chef de Délégation (max 1 page), une copie certifiée conforme du diplôme et une attestation de service du dernier poste occupé. Les candidatures féminines sont vivement recommandées. La date limite de dépôt des candidatures est fixée au mercredi 09 janvier 2019 à 16h00. Seules les personnes présélectionnées seront contactées et les dossiers déposés ne seront pas rendus.


POLITIQUE

Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

Rétrospective 2018

Les grands évènements marquant de la politique Référendum constitutionnel, feuille de route de Kayanza, dialogue d’Arusha et l’annonce du président de ne pas se présenter aux élections, les évènements qui ont marqué l’année écoulée.

Le référendum constitutionnel, coûte que coûte

L

e référendum a eu lieu 17 mai, malgré les contestations centrées essentiellement sur le timing. Beaucoup indiquent que ce n’est pas le moment. Le dialogue interburundais est en panne et plusieurs milliers de burundais sont en exil. Bujumbura campe sur ses positions et lance la machine en mouvement. Une campagne explicative de la nouvelle Constitution et une inscription au rôle d’électeurs sont émaillées de plusieurs irrégularités. Au final, 5.008.742 électeurs sont attendus. Le 17 mai 2018, en général, le scrutin se déroule bien, hormis des irrégularités relevées dans plusieurs provinces. Une surprise, la population matinale répond massivement au rendez-vous. Un référendum qui a eu lieu néanmoins dans un contexte d’absence de mission internationale d’observation et une campagne référendaire mouvementée. Quasiment tous les partis politiques de l’intérieur du pays demandent à leurs partisans d’aller voter « ego » ou « oya » à la révision constitutionnelle. Hormis la coalition Amizero y’Abarundi et le parti Frodebu qui demandent aux Burundais de voter non à

la révision constitutionnelle, les autres appellent à voter oui. Lundi 21 mai 2018, la Commission nationale indépendante (Ceni), annonce les résultats provisoires du référendum constitutionnel. Sans surprise, elle proclame la victoire du « ego » sur le « oya ». Le oui est crédité de 73, 26%, le non récolte 19, 34%, tandis que les voix nulles sont estimées à 4,11%, et les abstentions à 3, 28%. Le président de la Ceni, Pierre Claver Ndayicariye, indique, en outre, que 4 768 142 Burundais ont répondu à l’appel, soit un taux de participation de 96,24%. Des résultats qui seront contestés jeudi 24 mai par la coalition Amizero y’Abarundi auprès de la Cour constitutionnelle. Elle a constitué un énorme dossier parlant de plusieurs irrégularités qui ont émaillée le processus référendaire. La coalition demande à cette cour de statuer sur son invalidité. Mais les contestations de l’opposition et de la majorité de la communauté internationale, opposées au changement de la Constitution, n’y changeront rien. La Constitution finira par être modifiée.

Elections référendaires à Ngozi

Les innovations de la nouvelle Constitution : • • • • •

La limitation à deux quinquennats les mandats présidentiels disparaît. Place au septennat renouvelable une fois. La deuxième vice-présidence saute. Le premier ministre, chef du gouvernement, issu de la mouvance présidentielle fait son apparition. La révision de la Constitution ne nécessitera plus le vote des 4/5 des députés, mais plutôt des 3/5. Pas d’extradition pour tout citoyen burundais vivant sur son sol. Il échappe ainsi à la justice internationale. La coalition des indépendants est interdite

• •

Un Burundais à double nationalité est interdit d’occuper de hautes fonctions de l’Etat, notamment la présidence. « Nous, peuple burundais : Conscients de nos responsabilités devant Dieu…», ainsi débute le préambule de la nouvelle Constitution. De même que la prestation de serment commence en ces termes : « Devant Dieu le Tout-Puissant ». Certains y voient la perte de la laïcité. Article 4 de la Constitution stipule que le statut et le rétablissement de la monarchie doivent faire l’objet du référendum.

Le président Nkurunziza annonce son départ en 2020

C

’est l’annonce surprise de l’année 2018 au Burundi. Le jour de la promulgation de la Constitution, le 7 juin 2018, le président prend tout le monde de court et annonce qu’il ne briguera pas un autre mandat. Tout était pourtant « bien parti », pour lui. La population « avait réclamé l’abandon de la limitation des mandats » comme l’a rapporté la Commission nationale du dialogue interburundais (Cndi). Et depuis, tout va s’enchaîner très vite. Il y a d’abord cette déclaration à Rutana, lors d’une séance des questions publiques du 30 décembre 2016. Le chef de l’Etat déclare : « Si la nouvelle Constitution le permet et que la population le demande, je ne vais pas me dérober. » Ensuite, le président convoquera un référendum, en mai

dernier. Durant ce processus, l’opposition, la communauté internationale, les analystes, tous y voient les ambitions à peine voilées du président Nkurunziza de continuer d’occuper le palais présidentiel. Bujumbura ne contredit pas les rumeurs. Toutefois, lors des manifestations, les membres du parti crient : « Peter Nkurunziza guma kwi volant » (« Peter Nkurunziza reste aux commandes »). En substance, tout avait été savamment orchestré durant ces deux dernières années. Tout obstacle à la présidence semblait avoir été écarté. Sauf que le président Nkurunziza persiste et signe le 28 décembre, lors d’une émission questions-réponses avec la population. Sa décision de ne pas se présenter aux élections de 2020 est irrévocable, même si son parti le suppliait.

Le président Nkurunziza décide de ne pas se présenter aux élections de 2020

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POLITIQUE

Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

Rétrospective 2018 Feuille de route de Kayanza, loin de faire l’unanimité

M

usumba Hôtel’ a abrité, le 3 août, la signature d’une « feuille de route » pour les élections de 2020. 22 partis politiques sur les 33 agréés ont répondu à l’invitation du gouvernement. Mais la question que tout observateur de la politique s’est posé est l’impact, l’importance et la représentativité de toutes ces formations. Pour rappel, lors des présidentielles de 2015, l’Uprona a eu 2,4 % des suffrages obtenus, le FNL de Jacques Bigirimana 1,01%, la COPA de Jean de Dieu Mutabazi 0,16%. Hormis le parti de l’Aigle, les autres partis sur place pèsent peu sur la balance. Du secrétaire général du parti Uprona, Olivier Nkengurutse, au président du parti FNL, Jacques Bigirimana, en passant par des politiques à l’image d’Alice Nzomukunda, Jean de Dieu Mutabazi ou encore Kefa Nibizi, aucune divergence notable sur les grandes questions de l’heure. Une petite voix s’est élevée pour contester et refuser de signer. C’est celle de Phenias

Adoption de la feuille de route de Kayanza

Nigaba, porte-parole du Sahwanya Frodebu. Il a déploré que ce document ait été discrètement

préparé à l’avance. « On ne sait pas par qui, et les acteurs politiques ont été exclus. Comment voulez-vous

que mon parti cautionne ça ? » . En refusant de signer « la feuille de route », le Frodebu

Une fin de dialogue bâclée

A

près de multiples reports, la facilitation prend finalement le taureau par les cornes. Elle fixe les pourparlers du 24 au 29 octobre 2018, malgré la demande du gouvernement burundais d’un autre report. Le jour venu, c’est la douche froide, le gouvernement ainsi que tous les partis politiques amis du CnddFdd décident de ne pas se présenter à Arusha. Pour eux, « il ne s’agit pas d’un boycott, ils sont en train de commémorer les assassinats des héros de l’indépendance et de la démocratie ». L’ancien président tanzanien affirme que la session est la dernière. Il dit avoir fait son possible et affiche son impuissance face à l’échec du dernier round qui se fait sans l’autre partie au conflit. A Arusha, se retrouve l’opposition intérieure et extérieure qui parlera le même langage. Elle n’ira pas de main morte. Dans sa feuille de route transmise à la facilitation, Bujumbura, la médiation, l’EAC, l’UA, l’ONU, tous sont pointés du doigt comme étant à l’origine de l’échec des pourparlers d’une façon ou d’une autre. Déception concernant le médiateur Museveni qui a brillé par son absence.

Durant le processus de dialogue inter-burundais, le président ougandais n’était pas disponible. Les chefs d’Etat de la sousrégion ? Démissionnaires. Aucun sommet ‘’spécial Burundi’’, aucune évaluation, ils étaient désintéressés. L’opposition n’est pas également tendre avec l’Union africaine et des Nations unies. Que de décisions et de résolutions prises, mais jetées, par la suite, aux oubliettes. Les leaders de l’opposition parlent aussi d’un Bujumbura stratège en jouant les prolongations, en faisant cavalier seul dans la prise de grandes décisions. Dans ce contexte, l’opposition a réclamé ce qu’elle a appelé ‘’un autre cadre de dialogue’’ sous l’égide de l’Union africaine et les Nations unies. Entre temps, Mkapa a rencontré Museveni et lui a rendu son rapport final. Un sommet a été convoqué. Il était censé statuer sur la suite à apporter au dialogue. Faute de quorum avec l’absence burundaise, le sommet a été reporté pour le 27 décembre pour l’être finalement sine die. Agnès Ndirubusa

Le dialogue d’Arusha finit en queue de poisson

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rejoignait la position des ténors de l’opposition interne qui ne se sont pas rendu à Kayanza. Le parti MRC et la coalition Amizero y’Abarundi avaient dénoncé dans un communiqué de presse « un forcing ne visant qu’à court-circuiter le dialogue externe mené par la facilitation et la médiation de la sous-région. » Le Cnared a dénoncé une fuite en avant et une feuille de route non consensuelle. Interrogé, l’ancien président Ntibantunganya est pessimiste : « L’histoire du Burundi m’a appris que lorsqu’on veut régler une crise, il faut absolument s’assurer que tous les protagonistes sont associés.» Pourtant les facilitateurs tanzaniens s’activaient pour convoquer un prochain round des pourparlers. Le problème : à l’agenda de Benjamin Mkapa figurait justement une feuille de route pour les élections de 2020. A Kayanza, Bujumbura semble avoir pris de vitesse Arusha pour que la feuille de route soit déjà actée avant le dialogue.


ÉCONOMIE

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Retrospective 2018

Entre continuité et innovations Hausses des prix des produits pétroliers, pénuries des carburants, lancement du Plan national de développement, la privatisation de la Sosumo, la production du thé vert par l’OTB... Tels sont les évènements importants qui ont marqué l’année 2018.

L

es prix des produits pétroliers ont été revus à la hausse deux fois en 2018. La première révision des prix est intervenue, le 19 janvier. Les prix du litre de l’essence et du gasoil à la pompe sont passés respectivement de 2 100 BIF à 2250 BIF et de 2100 BIF à 2250 BIF. Léonidas Sindayigaya, porteparole du ministère de l’Energie et des Mines, a expliqué cette augmentation des prix par les variations négatives de la monnaie locale par rapport au dollar américain et du prix du baril sur le marché international. «Depuis juin 2017, le prix du baril a augmenté de 20%, la structure sortante ne reflétait pas les coûts réels liés au marché international.» Cette hausse est intervenue après une pénurie des produits pétroliers qui a duré deux semaines. M. Sindayigaya a précisé, par ailleurs, que la pénurie observée au début de l’année n’est aucunement liée à cette hausse. Il a évoqué des lourdeurs administratives en Tanzanie. Dans la foulée, le prix du ticket de transport en commun, en mairie de Bujumbura, est passé de 350 Fbu à 380 BIF. Celui de l’intérieur du pays a connu une hausse de 7%. Le ministère de l’Energie et des Mines, a revu également à la hausse, le 8 août, le prix de l’essence et du gasoil. Les prix du litre de l’essence et du gasoil à la pompe sont passés respectivement de 2 250 BIF à 2 400 BIF et de 2 250 BIF à 2350 BIF. Le ministre de l’Energie et des Mines, Côme Manirakiza, a expliqué la révision des prix de l’essence et du gasoil par la hausse des prix des produits pétroliers sur le marché international. «Depuis 19 janvier 2018, le prix de l’essence a augmenté de 33%, celui du gasoil 24%.» Une hausse à laquelle le Burundi doit se conformer a-t-il souligné. M. Manirakiza a souligné que le gouvernement fournit des efforts remarquables pour alléger le poids de la hausse des prix des carburants. A titre indicatif, le coût réel d’un litre d’essence devrait actuellement revenir à 2 603 BIF. Celui du gasoil serait de 2 530 BIF. Il assure que les prix des produits pétroliers restent plus bas au Burundi, comparativement à ceux appliqués dans les autres pays de la sous-région. Or,

un litre d’essence s’achète à 1,28 € au Burundi au taux de change officiel, 0, 82 € en Tanzanie, 0,9 € en Ouganda, 0,89 € Kenya et 0, 99 € au Rwanda.

Une hausse décriée Le ministre Manirakiza a précisé que cette révision des prix a été prise pour faire face à la pénurie du carburant aux stations-services. Et surtout afin de décourager toute spéculation à l’origine de la création de sites de vente illicites de produits pétroliers à des prix souvent exorbitants. Malgré cette hausse des prix, les pénuries des carburants sont observées à maintes reprises. Cette hausse a été décriée par l’Association burundaise des consommateurs. Noël Nkurunziza, son porte-parole, a déploré que le ministère en charge des carburants ne les ait pas associés aux réunions pour l’étude de cette décision. Une telle mesure devrait être le résultat d’une large concertation. Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, a fait savoir que cette hausse des prix des produits pétroliers visait tout simplement à augmenter les taxes douanières.

Caisse de stabilisation, une nécessité absolue Léonidas Ndayizeye, enseignant chercheur à l’Université du Burundi, soutient que l’explication du ministre ne convainc pas. Le cours du brut n’est

Côme Manirakiza : « Le gouvernement fournit des efforts remarquables pour alléger le poids de la hausse des prix des carburants.»

pas la seule cause de la hausse du prix à la pompe au Burundi. A titre d’exemple, entre juillet 2014 et février 2016, lorsque le cours du baril a chuté de plus de 65 %, passant de 110 USD à 35 USD, le prix à la pompe n’a pas baissé à ce rythme. De même, une simple variation à la hausse ne devrait pas fréquemment pousser le gouvernement à revoir à la hausse le prix à la pompe, connaissant ses effets négatifs sur l’économie du pays. « D’autres raisons existent, souvent non évoquées, du moins officiellement», précise ce chercheur. Notamment la dégradation du taux de change USD-BIF. Les importateurs et les

distributeurs en profitent parfois pour augmenter leurs marges bénéficiaires. Selon lui, «une caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures devrait être mise en place, avec en toile de fond le lissage des prix de ces produits sur une longue période ». Ainsi, cette caisse servirait notamment à soutenir le prix à la pompe, si celui du baril augmente et « se rembourserait» ou « se regonflerait » lorsque ce dernier baisse.

PND : Réaliste ou utopique ? L e P l a n n a t io n a l d e développement(PND) a été lancé par le président de la République Pierre Nkurunziza, le 22 août à

Léonidas Ndayizeye : « Le cours du brut n’est pas la seule cause de la hausse du prix à la pompe au Burundi.»

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Gitega. Objectif : faire du Burundi une puissance émergente à l’horizon 2027. Les économistes mettent en doute son réalisme. Ce plan national de développement (2018-2027) prévoit un taux de croissance économique à deux chiffres à partir de 2022 et une croissance moyenne de 10,7% en 2027. En 2018, il est estimé à 4%. Selon le FMI, celui-ci est projeté à 0,1% et devra atteindre 0,4% en 2019. Le même document prévoit un PIB par habitant de 810 USD à l’horizon 2027 contre 274 USD en 2017. Le coût total du Plan est de plus de 20 000 milliards de BIF. Serges Ngendakumana, coordinateur du bureau d’études stratégiques et de développement à la présidence, indique que cette croissance serait tirée du dynamisme de tous les secteurs de l’économie qui afficheraient des croissances robustes au cours de la période de projection. M. Ngendakumana indique que la mobilisation des ressources de l’Etat sera axée sur l’accroissement des recettes par l’élargissement de la base taxable, la recherche des ressources extérieures et l’allocation rationnelle des ressources disponibles. Les recettes de l’Etat sont projetées à 2 305,4 milliards de BIF contre 510,9 milliards de BIF réalisés sur la période 2008-2017. Serges Ngendakumana est optimiste quant à la réussite du plan. Ce dernier sera financé en grande partie par des ressources internes. De surcroît, le Burundi a de nombreux amis qui vont l’aider à la concrétisation du PND. En outre, il soutient que le plan


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ÉCONOMIE

décennal de développement émane de « l’éternel et que les Burundais réussiront leur pari, avec l’aide de Dieu ».

« Des prévisions irréalistes » Faustin Ndikumana, président de Parcem, met en doute les prévisions de ce plan décennal de développement : «Elles risqueraient d’être irréalistes.» Il fallait au préalable évaluer les résultats des autres programmes de développement en cours d’exécution avant de lancer ce PND. Notamment le CSLP II et la Vision Burundi 2025. Ce dernier prévoyait un PIB de plus de 700 $ par habitant et un taux de croissance économique de plus de 10%. Néanmoins, constate-t-il, le PIB par habitant reste inférieur à 300 $ par an. Le taux de croissance est presque nul depuis 2015. Jean Prosper Niyoboke, enseignant à l’Université du lac Tanganyika, qualifie le taux de croissance à deux chiffres de flatteur au regard du niveau de vie et du taux de pauvreté enregistrés aujourd’hui. Les piliers retenus sont bons, mais les attentes sont ambitieuses et utopiques. Au vu de la situation économique actuelle, expliquet-il, il est prématuré de prédire, avec des statistiques, un taux de croissance à deux chiffres et surtout un PIB par habitant de 810 $. Certes, poursuit-il, des avancées peuvent être enregistrées par rapport à cet horizon, mais il faudrait procéder par des simulations en prenant en compte une batterie d’indicateurs indiquant clairement l’atteinte de ces objectifs. M. Niyoboke soutient, par ailleurs, que les piliers retenus pour la concrétisation de cet objectif semblent ambitieux pour espérer un taux de croissance à deux chiffres à partir de l’an 2022. « Cette période est très courte ». Il estime que le Burundi ne deviendra pas une puissance émergente à l’horizon 2027. Toute transition du pays vers l’émergence doit être caractérisée par le développement du secteur primaire et secondaire. Ce qui n’est pas le cas pour le Burundi. Le développement du secteur tertiaire ne suffit pas. Il devrait être accompagné par les deux autres secteurs et être le reflet de leurs valorisations respectives. Certes des pays comme Singapour ont réussi grâce au secteur tertiaire, mais est-ce possible pour le cas pour le Burundi au vu des piliers du PND? M. Niyoboke rappelle que des plans ont toujours existé et souvent donné des orientations stratégiques. Mais, l’opérationnalisation de ces plans devient une autre affaire.

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rité (CNS), a suspendu, fin septembre, les activités des sociétés et coopératives minières. « Remettre de l’ordre et la conformité dans le secteur», explique cet organe consultatif. Un argument qui ne convainc pas les orpailleurs. Pour eux, c’est un « faux prétexte » de les exclure de l’exploitation de l’or. Les anciens orpailleurs de la colline Masaka, en commune Butihinda, soutiennent que le gouvernement privilégie les multinationales étrangères aux dépens des orpailleurs locaux. Sur ce site minier, une des mines les plus riches en or, la colère et le désespoir se lisent sur les visages des anciens orpailleurs. Aujourd’hui, ils sont au chômage. Leurs gisements d’or sont exploités actuellement par la société African Mining Burundi (AMB). Cette situation s’observe également à Mabayi. Les anciens orpailleurs de de cette localité ne savent pas à quel saint se vouer. L’exploitation de minerais était leur seul gagne-pain. Les plus touchés sont ceux qui exploitaient de l’or sur le site minier de Cimba. Celui-ci regorge de plus de 14 tonnes d’or, 16 tonnes d’argent et 36 mille tonnes de cuivre. Ils demandent au gouvernement de les laisser continuer à exercer leur métier. Lors du lancement officiel des activités d’exploitation industrielle des minerais à Masaka, le président de la République a justifié la décision du CNS par trois raisons, notamment la diminution considérable des recettes minières, depuis le mois de février 2018. D’après lui, c’est une preuve du trafic illégal des minerais vers les autres pays, notamment le Rwanda. «Il est regrettable que les ressources naturelles du Burundi contribuent au développement des autres pays ». Il espère que cette décision aura un impact positif sur l’économie du pays. Il a donné l’exemple du

Vers la privatisation de la Sosumo ?

Serges Ngendakumana : « Le plan décennal de développement émane de l’éternel et, avec l’aide de Dieu, les Burundais réussiront leur pari. »

Coltan exploité en commune Kabarore. Avant cette décision, assure le président, les coopératives qui exploitaient ce minerai avaient déclaré 400 kilos de Coltan. Grâce à une mesure similaire, il signale qu’«en 2017, elles ont déclaré 25 mille kilos de Coltan auprès de l’office Burundais des mines et des carrières ». Le CNS a également remarqué que les coopératives minières n’assurent pas la sécurité sociale de leurs employés. Plusieurs orpailleurs périssent dans les mines et leurs familles ne reçoivent aucune indemnité. L’autre constat du CNS est que ces coopératives ne respectent pas l’environnement. Selon lui, les mines dont regorge le Burundi sont un cadeau de Dieu et l'exploitation industrielle des minerais va contribuer au développement du pays. Chaque année, les multi-

nationales versent 50 mille dollars américains dans les caisses des communes ou elles opèrent. Le Burundi possède 15% de capitaux dans les sociétés TMB et AMB.

Thé vert de l’OTB dans les tasses L’OTB a lancé, le 15 décembre 2018, la production du thé vert. Sa commercialisation a débuté en juin. 50 grammes s’échangent à 2700 BIF. Goreth Nimpagaritse, chargée de la communication à l’OTB, précise que, dans un premier temps, le produit est vendu localement. Mais les responsables de l’OTB ont entamé la prospection des marchés en Europe. Mme Nimpagaritse soutient que la commercialisation du thé vert augmentera considérablement les recettes de l’OTB. Il coûte plus cher que le thé noir.

Les anciens orpailleurs sur le carreau Le Conseil national de sécu-

Des regards inquisiteurs des anciens orpailleurs de Mabayi.

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Le projet de loi sur le changement du mode de gestion et de la structure du capital social de la Sosumo a été adopté, le 19 novembre, par l’Assemblée nationale. Elle prévoit que les actions de l’Etat passent de 99% à 46%. Jean Marie Niyokindi, ministre de l’Industrie, a fait savoir que l’Etat n’est pas toujours un bon gestionnaire: «La cession d’une partie des actions de l’Etat aux privés vise la satisfaction du marché local sans recourir à l’importation. » Il a également souligné le manque de devises. La direction de cette entreprise se réjouit alors que les employés s’inquiètent de cette privatisation et dénoncent au contraire une mauvaise gestion. Pour eux, les antécédents sur la privatisation des entreprises publiques au Burundi sont mauvais. Le cas du Complexe textile du Burundi (Cotebu) cédé en 2007 à Afritextile est un exemple éloquent. Plus d’un millier d’employés ont perdu du travail. La Sosumo connaîtra-t-elle un sort similaire de cette société? Wait and see.

Les larmes des caféiculteurs Les milliers de caféiculteurs burundais n’ont encore perçu leurs salaires, depuis la récolte de février dernier. Les commerçants et les Sogestals qui ont acheté du café cerise ont des problèmes de liquidités. Certains d’entre eux sont sur la liste noire des banques. Ils ont des arriérés de crédits. Aujourd’hui, les caféiculteurs se disent découragés de continuer à cultiver le café. Ils pensent à d’autres cultures, comme la banane et le maïs. La caféiculture, pourtant première source de devises au Burundi, pourrait disparaître. Parfait Gahama


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SÉCURITÉ

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Muyinga

Des rondes qui ne rassurent pas Dans certaines communes de la province de Muyinga, des barrières sur les routes contrôlées par des jeunes en civil sont décriées par certains citoyens. L’administration assume et explique que c’est pour des raisons de sécurité.

leur auras donné quelque chose. «Mais ça dépend de la barrière, de ceux qui la gardent». Pour Mathias, cette situation est incompréhensible dans une province dite en paix totale. «Et même s’il y avait une insécurité, la tâche reviendrait aux agents de police». Toutes les sources interrogées sont unanimes : «S’il faut renforcer la sécurité, il faut que ça se fasse d’une manière claire et rassurante.»

L’administration nuance

V

endredi 28 décembre, 18h30. Chef-lieu de la zone Rugari, en commune Muyinga. La clarté qui a marqué la journée s’efface, la nuit descend doucement sur Rugari. A l’horizon, des nuages se forment dans le ciel, un brouillard envahit les collines rapidement. Les gens surpris par le crépuscule et la pluie imminents se pressent de rentrer. 19h, départ pour Murama, l’une des collines de cette zone. Une trentaine de minutes à bord d’une moto. Avant de démarrer, le motard tient à m’avertir: «Vérifies tes pièces d’identité, ce ne sera pas une simple promenade de santé.» A quelques 500m de la route goudronnée menant à Kobero, ralentissement, frein. C’est à Kavumu sur la colline Mwurire, il est 19h07. Il pleut légèrement. L’endroit est très obscur. Grâce au phare de la moto, on peut distinguer une corde fine en morceaux d’habits usés qui traverse la route. «Une barrière, il faut s’arrêter. Voilà ce que je disais tantôt», murmure le motard. Apparemment, personne dans les parages. Mais, curieusement, assis au bord de la route sous des caféiers, trois silhouettes d’hommes gardent la barrière. Des jeunes hommes. Ils échangent à voix basse. L’un d’eux se lève, avance, braque une torche sur mon visage. Sans rien dire, il se retourne et enlève la fameuse barrière. «Ce sont des Imbonerakure qui veillent à la sécurité», reprend le motard qui avait gardé son silence pendant ce bout de temps. A cette colline, de telles barrières sont légion, selon le motard. «Il y en a une ou deux selon la direction que l’on prend. Certaines uniquement pendant la journée, d’autres exclusivement la nuit et d’autres encore le jour et la nuit». En cette soirée, pour la direction Mwurire-Murama, nous en avons traversé deux. Avant d’atteindre la barrière de la colline Murama, le motard a estimé bon de se faire accom-

Les barrières contrôlées par des individus en civil ne rassurent pas certains habitants de la province de Muyinga.

pagner par une personne qui, selon lui, a de bonnes relations avec ceux qui font les rondes. Un troisième homme, la quarantaine, a embarqué notre moto. Au niveau de la barrière, celui-ci ne fera que dire ‘‘bonsoir’’ aux veilleurs et la corde tombera.

Renforcer la sécurité : oui, mais... D’après des sources concordantes interrogées, ceux qui font ces rondes sont tous des jeunes affiliés au parti au pouvoir. «Cela n'est pas rassurant», opine un homme, rencontré au centre de négoce de la colline Mwurire. Pour lui, le besoin de sécurité étant pour tous, il aurait fallu intégrer toutes les composantes de la population, venues de toutes les sensibilités politiques. Yves (pseudo), un représentant provincial d’un parti dit Aline Manirabarusha : «Chaque citoyen est militaire et policier dans de l’opposition, soutient avoir sa localité. La sécurité est en premier lieu pour la population.» demandé, sans succès à maintes reprises, que ces rondes soient tés d’Imbonerakure chargés de la gens très corruptibles. Il suffit de inclusives. Ceci d’autant plus que sécurité ». leur glisser quelques billets, votre Ce n’est pas tout comme marchandise passe aisément en lors des réunions, l’administration évoquait un souci de patrouilles reproches. Un commerçant de fraude». Pour lui, c’est comme si Murama reconnaît l’administration leur a cherché par des comités mixtes de sécurité. «Nous avions des que ces comités un moyen pour trouver de quoi L’objectif étant gardiens chargés ont le mérite d’avoir mettre sous la dent. réduit les cas de notamment de Il pense que si ces comités d'assurer la banditisme, mais il étaient inclusifs, ils seraient effimettre un terme aux fraudes, mon- sécurité de notre déplore le paiement caces. «N’étant pas issus d’une naie courante en marché que nous de beaucoup de frais même formation politique, ils plus. cette circonscripauraient éventuellement des réacpayions selon une en«Nous tion frontalière de avions des tions différentes devant des cas de rémunération gardiens chargés fraude. Et les pots-de-vin pourla Tanzanie. Selon Yv e s , d'assurer la sécurité raient ainsi être évités ». convenue» l’administration a de notre marché que D’après ce taxi-vélo, la traversée toujours répondu qu’elle tenait nous payions selon une rémunéra- des barrières avec des clients est à l’inclusivité. «Des paroles non tion convenue. Ces Imbonerakure un véritable calvaire. «Il y a au honorées, car, quand nos jeunes exigent unilatéralement des mon- moins une barrière à un kilomètre ont voulu se joindre aux autres tants à payer par chaque commer- au plus. Et à chaque fois, on doit dans ces patrouilles, ils ont çant». s'arrêter et décliner son identité. Et trouvé ceux-ci avec des badges». Mathias, un taxi-vélo habi- ils te fouillent partout jusque dans Il affirme ignorer où ces der- tant la colline Gatongati estime, les poches». Pire, dit-il, même niers ont été distribués. Ces par ailleurs, que « ces Imboner- avec une identité sur soi, tu peux comités, qui ne sont pas mixtes, akure» n’ont pas fait baisser la être arrêté et subir un interroga« devraient être appelés des comi- fraude. «Au contraire, ces sont des toire. Tu continueras quand tu

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L’administrateur de la commune Muyinga, Philippe Nkeramihigo, nie l’existence de ces barrières. Il soutient que les seules barrières érigées dans sa commune sont celles qui contrôlent la circulation des marchandises, où se fait la collecte des taxes communales. «Et il est de notoriété publique que cette tâche est confiée aux civils». Pour M. Nkeramihigo, il n’est pas en outre anormal que la sécurité soit assurée par des civils et non par des policiers. «La sécurité est en premier lieu pour la population et non pour la police». Ainsi, si un inconnu sur une colline est suspecté, un habitant de la colline a le droit de lui demander ses pièces d’identité. «C'est normal. Nous ne pouvons pas avoir partout des agents de police». L’administrateur Nkeramihigo se réjouit plutôt de la réussite des comités mixtes de sécurité. Même son de cloche du côté du gouverneur de la province. Aline Manirabarusha explique que ces barrières sont la traduction d’une volonté de renforcer la sécurité dans 3 communes frontalières de la Tanzanie : Giteranyi, Muyinga et Butihinda. Particulièrement «pour en finir avec la fraude et tout autre acte qui ferait objet d›insécurité». Selon Aline Manirabarusha, l’administration a sensibilisé la population à contrôler les différents sentiers à travers les comités mixtes de sécurité. Elle fait savoir que, depuis 2014, ces comités ont donné de bons résultats après avoir découvert une cache d’armes en commune Giteranyi. «Chaque citoyen étant devenu militaire et policier dans sa localité». A l’endroit de ceux qui rechignent des montants exorbitants payés notamment pour la sécurisation des marchés, Mme Manirabarusha affirme n’avoir reçu aucun rapport. «Cela doit être du mensonge». Pour elle, chacun devrait comprendre qu’il est de son intérêt de participer à ces rondes. Edouard Nkurunziza


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SÉCURITÉ

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Retrospective 2018

Un bilan mitigé Massacre de Ruhagarika en province de Cibitoke, traque des sympathisants d’Agathon Rwasa, tensions entre le Burundi et le Rwanda, embuscades dans la Rukoko, etc. Iwacu revient sur les événements phares de 2018 en matière de sécurité.

L

e bilan est très lourd. 24 morts et 7 blessés. La colline Ruhagarika en commune Buganda de la province de Cibitoke est en émoi. La nuit de vendredi à samedi 12 mai, un groupe d’hommes armés non encore identifié attaque cette localité. Des familles entières sont décimées. Des enfants de moins de 10 ans sont massacrés. C’est la désolation dans les familles. Parmi les victimes, on déplore 9 enfants de 3 mois à 14 ans, 5 femmes, 5 hommes ainsi que 5 jeunes femmes de 19 ans à 23 ans. Dans la foulée de cette tragédie, le gouvernement burundais parle d’un groupe terroriste. « Le gouvernement du Burundi ne peut pas rester les mains croisées quand son peuple est en train d’être tué sauvagement », a déclaré AlainGuillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité Publique. D’après lui, ce groupe sera combattu comme tous les autres groupes terroristes. «Nous ne pouvons pas combattre ceux de la Somalie tout en laissant de côté ceux de chez nous». D’après les autorités, ce groupe serait venu de la République démocratique du Congo (RDC). Ruhagarika se trouve à environ 500m de la frontière burundo-congolaise. D’après les habitants de Ruhagarika, ces assaillants ont attaqué aux environs de 22 heures. Ils ont passé porte par porte pour massacrer les gens. Ils ont utilisé des fusils. Ils avaient aussi de l’essence qu’ils ont utilisée pour brûler certains cadavres. Les habitants assurent que ce groupe d’assaillants a traversé la rivière Rusizi, après ce carnage, pour s’enfuir en République démocratique du Congo (RDC).

Le carnage de Ruhagarika a traumatisé les habitants de cette localité.

se comportaient d’une manière bizarre. Ces habitants affirment qu’ils ont alerté la position militaire qui se trouve à une centaine de mètres de la localité mais qu’ils n’ont pas été secourus. D’après eux, l’intervention a été faite par des forces de l’ordre venues du chef-lieu de la province. Les habitants étaient fâchés contre les militaires de cette position.

Le gouvernement se chargera de l’enterrement, qui a eu lieu mardi 15 mai, des soins de santé pour les blessés et de l’assistance des familles éprouvées. Lors des funérailles des victimes du carnage de Ruhagarika, les familles des victimes se disaient toujours traumatisées. Plusieurs autorités avait fait le déplacement. Le moment était poignant.

Dans son discours, le représentant des familles des victimes a demandé à ce que les forces de l’ordre soient multipliées sur la frontière burundo-congolaise. Quant à Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur, il a fait savoir que le gouvernement ne ménagera aucun effort pour traquer et traduire devant la justice ce groupe terroriste. «Nous som-

Des députés de la Coalition Amizero y’Abarundi tabassés

Des secours qui arrivent tardivement D’après les témoignages, la population avait remarqué, aux environs de 18 heures, des hommes suspects qui rôdaient dans les environs. Ils portaient les anciennes tenues militaires et

mes en train de travailler avec le gouvernement congolais et ça se présente bien. Je peux affirmer sans me tromper qu’il y a déjà eu des arrestations». Et de conclure que le gouvernement restera aux côtés des familles. L’Etat a promis de construire une maison d’une valeur de plus de 4 millions BIF à chaque famille éprouvée. De plus, une commission d’enquêtes judiciaires est mise en place par le Parquet général de la République. Plus de sept mois après, le flou plane toujours.

Lors des funérailles, le gouvernement a promis une assistance aux familles des victimes.

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L’autre fait marquant est la traque des membres de l’opposition, notamment les sympathisants d’Agathon Rwasa. Cette traque a atteint son paroxysme avant le référendum de 2018. Bernard Ndayisenga, député élu dans la circonscription de la mairie de Bujumbura, a été tabassé dans la matinée de vendredi 13 avril 2018 par des Imbonerakure du quartier Kizingwe, zone Kanyosha, commune Muha, en mairie de Bujumbura. Deux fidèles de Rwasa ont été grièvement blessés et soignés par Médecins Sans Frontières. Kennedy, Claver, Masoro et Adronis, les présumés agresseurs, n’ont pas été inquiétés. Tout le groupe parlementaire a alors décidé de boycotter la séance à l’Assemblée nationale. C’était le troisième député d’Amizero y’Abarundi tabassé par les jeunes du parti au pouvoir. Lors de la campagne, on a signalé des passages à tabac et des arrestations des opposants, surtout dans les provinces de


SÉCURITÉ

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Kirundo et Rumonge. Ils étaient accusés d’enseigner à voter non. Au cours de cette année, des membres du parti Cndd-Fdd ont aussi été victimes d’attaques armées.

Des corps sans vie sur le Lac Rweru Le 15 novembre, la police annonce sur son compte twitter des corps sans vie «charriés par la rivière Akagera du Rwanda vers le Burundi, dans le lac Rweru, en province de Kirundo. Lundi et hier, 2 hommes tués ont été constatés, repêchés dans ce lac et enterrés. Ils avaient des blessures. Aucun Burundais n’a manqué dans la localité.» On signale aussi des tensions entre les pêcheurs burundais et les militaires rwandais. Le 8 décembre, la marine rwandaise a enlevé quatre pêcheurs burundais, Abdul Rashid Uwizeyimana, Toyi Assumani, Ntirenganya et Ruganira. C’était dans le lac Rweru à Mago, commune Busoni de la province Kirundo. Ils seront relâchés, deux jours après. Ces incidents sont fréquemment signalés dans ces eaux. Au cours de cette année, on signale également des embuscades par des hommes armés sur la route Bujumbura-Cibitoke. Ces assaillants se replient, la plupart du temps, dans la réserve naturelle de la Rukoko. Le bilan sécuritaire de la police pour le 3è trimestre fait état de 10 cas de détention illégale d’armes à feux, 72 cas d’assassinat, 59 cas de tentative d’assassinat, 57 cas de

Allongé sur son lit d’hôpital, Gaspard Nzobakenga accuse huit Imbonerakure du quartier Kizingwe Bihara de l’avoir tabassé.

meurtre, 14 cas de tentative de meurtre, 298 cas de viol, 9 cas de vol à main armée, 960 cas de vol qualifié, 11 cas de trafic des êtres humains et 1425 cas d’accidents de circulation.

Des disparitions ici et là Iwacu revient sur la disparition de Rodrigue Nzeyimana, un jeune cadre de l’entreprise

de fabrication du ciment Burundi cement company (Buceco). Il est introuvable, depuis jeudi 12 avril 2018. Sa voiture a été retrouvée dans la matinée de vendredi 13 avril, dans le caniveau au boulevard du 28 Novembre. C’était en face de l’Ecole maternelle dénommée « First steps school », située dans le quartier de Mutanga sud, commune Mukaza, en marie de Bujumbura, à proximité du cam-

pus Mutanga de l’Université du Burundi. La voiture était intacte. La famille et les proches ont écumé tous les hôpitaux de la ville en vain. Depuis ce jour, aucune nouvelle. L’autre affaire qui a défrayé la chronique, c’est la mort de Simon Bizimana. Fidèle à ses convictions religieuses, Simon Bizimana, ce cultivateur de la colline Gisoro, zone Twink-

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© Droits réservés Rodrigue Nzeyimana est porté disparu, depuis le 12 avril 2018.

Simon Bizimana est mort à l’Hôpital de Cankuzo.

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wavu, en commune Cendajuru de la province de Cankuzo), avait refusé de s’inscrire pour le vote du référendum de mai dernier. Arrêté, il a succombé, le 18 mars 2018, à l’hôpital provincial. D’après les autorités, Simon Bizimana est mort de la malaria. Ce que réfute sa famille. Fabrice Manirakiza


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JUSTICE

Vendredi, 4 janvier 2019 - n°512

Retrospective 2018

Rebondissement dans le dossier sur l’assassinat du président Melchior Ndadaye L’année 2018 a été marquée par la réouverture du dossier sur l’assassinat du président Melchior Ndadaye, des cas de détentions illégales et la libération des détenus bénéficiaires de la grâce présidentielle.

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5 ans après le meurtre du premier président démocratiquement élu, le procureur général de la République a surpris tout le monde en décidant la réouverture du dossier sur l’assassinat du président Melchior Ndadaye. Un mandat d’arrêt a été lancé contre le président Buyoya et seize anciens hauts responsables militaires et civils. Quatre anciens officiers supérieurs à la retraite ont été déjà arrêtés. Pour Sylvestre Nyandwi, le procureur général de la République, des éléments de l’enquête déjà disponibles révèlent que ces personnes pourraient avoir été impliquées dans ce crime. « Ces mandats d’arrêt internationaux sont lancés pour que les pays qui les hébergent puissent les arrêter et les extrader au Burundi afin qu’ils s’expliquent sur les faits qui leur sont reprochés, » a indiqué Sylvestre Nyandwi. Des poursuites qui ont suscité une réaction du président de la Commission de l’Union africaine et du président Pierre Buyoya. Moussa Faki presse l’ensemble des acteurs concernés de s’abstenir de toute mesure politique ou judiciaire qui serait de nature à compliquer la recherche d’une solution consensuelle conformément à l’esprit de la réconciliation nationale. « Le dialogue est la seule voie de sortie de crise ». Le président Buyoya est sorti de son silence. Dans son communiqué de presse, il parle de manipulation politique et d’une nouvelle manœuvre de diversion visant à faire oublier les questions douloureuses non résolues. Pierre Buyoya balaie du revers de la main la demande d’extradition de Bujumbura. « Je ne suis pas le premier sous mandat d’arrêt et, à ma connaissance, personne n’a déjà été extradévers le Burundi. »

ont provoqué de vives réactions de Bujumbura. L’ambassadeur du Burundi aux Nations unies, Albert Shingiro, demande à la communauté internationale de ne pas infantiliser le Burundi en s’ingérant dans ses affaires. Selon lui, le président Buyoya se livre à du chantage. « En droit criminel, la responsabilité pénale est individuelle ». L’Assemblée nationale n’est pas en reste sur cette affaire. Son président, Pascal Nyabenda, demande de laisser la justice burundaise faire son travail. « Que la justice burundaise continue à mener des investigations approfondies afin d’éradiquer l’impunité ». Un des proches collaborateurs du président assassiné, Sylvestre Ntibantunganya, quant à lui, se dit favorable aux poursuites judiciaires. Il estime que les Burundais ont droit de connaître la vérité sur la préparation et l’exécution de l’assassinat du président Ndadaye. Plus de 400 manifestants libérés parmi les bénéficiaires de la grâce présidentielle Lors de son traditionnel discours des vœux à la nation, le président Pierre Nkurunziza a annoncé que plus de 2000 prisonniers allaient bénéficier de la grâce présidentielle. Sur les 740 détenus relâchés, le

Sylvestre Nyandwi : « Ces mandats d’arrêt internationaux sont lancés pour que les pays qui les hébergent puissent les arrêter et les extrader au Burundi.»

16 mars, de la prison centrale de Mpimba dans le cadre de la mise en application de la grâce présidentielle, il y avait 450 manifestants de 2015. La ministre de la Justice, Aimée-Laurentine Kanyana, qui présidait les cérémonies, a tenu à le préciser.

Trois militants de la société civile acquittés Emmanuel Nshimirimana, Aimé Constant Gatore et Marius

Un député dénonce des détentions illégales

Un tollé de Bujumbura Les sorties médiatiques de Moussa Faki et de Pierre Buyoya

Nizigiyimana, tous employés de Paroles et actions pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités (Parcem) ont été acquittés en appel. Ils avaient été condamnés en première instance à 10 ans de prison, en mars 2018. Selon Parcem, la justice leur reprochait d’avoir voulu organiser un atelier national sur la violation des droits de l’Homme uniquement sur la base de témoignages de militants de partis d’opposition.

Pierre Buyoya : Je ne suis pas le premier sous mandat d’arrêt et, à ma connaissance, personne n’a déjà été extradé vers le Burundi. »

Selon Fabien Banciryanino, 22 détenus acquittés par la justice croupissent encore à la prison centrale de Mpimba. Et 37 prisonniers ayant déjà purgé leurs peines n’ont pas encore recouvré leur liberté. Ces cas de détentions illégales sont contenus dans la lettre du 12 septembre 2018 adressée à la ministre de la Justice. « Ces cas ont été bien documentés », assure le député Fabien Banciryanino de Bubanza. Ce dernier épingle les responsables des établissements pénitentiaires et ceux des juridictions. Le député Banciryanino parle plutôt de manque d’indépendance de la magistrature. Adolphe Havyarimana, porteparole du ministère de la Justice, reconnaît avoir eu la correspondance du député Banciryanino. Il promet de faire des enquêtes. « Il serait trop tôt pour infirmer ou confirmer ces détentions illégales ». Pour lui, il faut analyser d’abord les circonstances de ce manquement pour ne pas fausser les enquêtes.

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Le travail d’intérêt général salué « Les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans ne seront plus écrouées, mais pourront à la place effectuer des travaux d’intérêt général », a annoncé Aimée-Laurentine Kanyana, ministre de la Justice, en juin à Gitega. Cette annonce s’inscrivait dans le cadre de la mise application des articles 53 à 59 du code pénal révisé. « C’est une alternative à la peine d’emprisonnement », a indiqué la Garde des sceaux. Satisfecit pour les défenseurs des droits humains. David Ninganza, directeur du Centre de la protection de l’enfance au sein de l’association, Solidarité de la jeunesse chrétienne pour la paix et l’enfance (Sojepae), soutient que la mesure va affecter les mineurs qui normalement ne sont pas soumis à de lourdes peines. « C’est un léger mieux pour les mineurs incarcérés, car désormais ils seront en contact avec leur famille ». « La liberté est le principe, la détention étant l’exception » soutient Jean Marie Nduwimana, président de PISC-Burundi. Selon lui, le travail d’intérêt général présente un double avantage. D’une part, c’est une sanction morale qui ne prive pas la personne condamnée de sa liberté. De l’autre, il y a une réduction des dossiers à traiter et des dépenses dans la gestion des établissements pénitentiaires. Félix Haburiyakira


DROITS DE L'HOMME

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Retrospective 2018

Bujumbura rejette tous les rapports Le bureau du HautCommissariat de l’ONU aux droits de l’Homme fermé

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L’année 2018 a été marquée par la présentation des rapports sur le Burundi, par la commission d’enquête, devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève. Elle dénonce la persistance des violations des droits de l’Homme. Une commission instrumentalisée par les forces négatives, fustige Bujumbura.

D

ans son rapport de juin, la commission dépeint une situation sombre. Interdit d’accès au Burundi, la commission indique s’être rendue en Éthiopie, en Belgique, en Ouganda, en République démocratique du Congo et au Rwanda. Elle a notamment rencontré des experts et des victimes de violations des droits de l’Homme au Burundi. Au total, plus de 380 entretiens ont eu lieu en tête à tête ou par téléphone avec les Burundais en exil ou résidant au pays. Ces entretiens s’ajoutent aux 500 témoignages rassemblés l’année dernière. Au terme des enquêtes, Doudou Diène, président de la commission, constate que la situation demeure très préoccupante au Burundi. La liste des violations des droits de l’Homme est longue. Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, actes de torture, arrestations et détentions arbitraires visant des opposants au projet de modification de la Constitution. Sont incriminés comme à l’origine de ces exactions, la police, des agents du Service national de renseignement et des Imbonerakure. De son côté, Rénovat Tabu, représentant permanent du Burundi à Genève, a rejeté ce rapport et évoqué une commission devenue une caisse de résonnance de toutes les forces négatives. Selon l’ambassadeur Rénovat Tabu, le langage et le contenu subjectifs de ce rapport s’écartent cruellement de la qualité d’un travail scientifique et objectif qui devrait être le résultat d’un juriste aguerri que prétend être le président de cette commission. Le Burundi est aujourd’hui un pays paisible. Bujumbura estime que le président de la commission est tombé dans des considérations politiciennes. « Un tel expert au langage de berger

Doudou Diène : « C’est pendant les processus électoraux que se commettent les plus graves violations des droits de l’Homme.»

n’a pas le mérite d’accomplir un travail qui honore le Conseil des droits de l’Homme. » Bujumbura en est arrivé à réclamer la démission de Doudou Diène.

Un rapport toujours accablant pour Bujumbura Le rapport publié en septembre à Genève implique personnellement le président de la République dans des appels à la haine et à la violence. «Ce climat attentatoire aux droits de l’Homme continue à être favorisé par des appels récurrents à la haine et à la violence de la part d’autorités, dont le Chef de l’État, et des membres du CNDD-FDD». Pour certains observateurs, Doudou Diène, président de cette commission, a franchi le Rubicon, même son prédécesseur, Fatsah Ouguergouz, n’avait jamais atteint ce cap. Interrogé sur des passages qui seraient du registre de discours à la haine, le président de cet organe n’a pas d’emblée voulu donner des exemples concrets. «Nous citons le président, nous avons des références de ces citations dans le rapport, notamment dans le processus qui a mené au référendum sur la Constitution». Les relations entre Bujumbura et cette commission risquent de s’empirer de plus belle. Bujumbura a même menacé de poursuivre les membres de cette commission en justice. Pour M. Diène, le rapport n’est pas un document abstrait. «A part l’identification des viola-

tions des droits, le mandat inclut l’identification des responsables.» D’où la question de savoir si le président de la République figure aussi sur la liste des auteurs des violations. La liste reste confidentielle. Elle sera dévoilée si un tribunal garantissant un procès crédible venait à voir le jour. Quant aux Imbonerakure, la commission estime que l’Exécutif cautionne leurs agissements. «Les actes des Imbonerakure sont attribuables à l’Etat car il leur garantit l’impunité», a affirmé Françoise

Hampson, membre de la commission. Elle pointe du doigt la police, les services de renseignements et les Imbonerakure comme étant les principaux auteurs des violations. Le président de la commission avertit que le Burundi entre dans un tournant décisif. Avec les élections de 2020 à l’horizon, Doudou Diène met en garde la communauté internationale. «C’est pendant les processus électoraux que se commettent les plus graves violations des droits de l’Homme. Et d’ajouter que c’est en cela que la continuation du mandat de la commission est fondamentale.

Rénovat Tabu : « Un tel expert au langage de berger n’a pas le mérite d’accomplir un travail qui honore le Conseil des droits de l’Homme. »

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Le gouvernement burundais a exigé, mercredi 5 décembre, la fermeture du bureau à Bujumbura du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, avec lequel il avait déjà suspendu toute collaboration depuis octobre 2016. Il s’agit d’un coup de tonnerre pour l’organisation onusienne, alors que des négociations pour un nouvel accord de siège étaient en cours depuis deux ans. Dans sa note verbale, Bujumbura explique qu’à ses yeux, les raisons d’être de ce bureau, qui a été créé en 1995 au plus fort de la guerre civile dans ce pays, n’existent plus. La paix règne dans le pays et la situation des droits de l’Homme s’est beaucoup améliorée, selon le gouvernement. Selon l’ambassadeur Tabu Rénovat, représentant permanent du Burundi à Genève, « cela ne signifie pas que le gouvernement veut mettre fin à sa coopération avec le Haut-Commissariat ». Et de rappeler que des mécanismes nationaux de monitoring des droits de l’Homme tels que la CNIDH sont désormais à l’œuvre.

La Cnidh rétrogradée Cette commission nationale indépendante des droits de l’Homme a été reléguée. Une décision lourde de conséquences. Elle a perdu son droit de participation plénière aux réseaux régionaux et internationaux. Fini également le droit de vote, de proposer des candidatures ainsi que le droit aux élections dans les instances internationales. Le robinet financier va également tomber en panne. La crédibilité remise en cause de la commission va faire fuir les partenaires. La Cnidh est accusée de manque d’indépendance. Selon le souscomité des accréditations de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme, la Cnidh ne s’est pas prononcée de manière à promouvoir la protection des droits de l’Homme. «Une décision injuste et non fondée, » déplore le président de la commission, Jean Baptiste Baribonekeza. Et d’affirmer qu’un recours a été introduit contre cette décision. Dans ce recours, la Cnidh fustigeait une décision basée sur les informations non fondées, relayées par certaines organisations. Félix Haburiyakira


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MÉDIAS

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Retrospective 2018

BBC, VOA, Ikiriho…suspendus Concernant la radio américaine VOA, elle était notamment accusée de déséquilibre de l’information, de manque de vérification des sources et de recrutement d’un journaliste «recherché par la justice burundaise et dont le mandat d’arrêt international est en vigueur».

Le domaine des médias a été marqué en 2018 par des suspensions et des mises en garde contre certains médias. Le CNC argua de la nécessité du respect de la loi régissant la presse et la déontologie professionnelle.

Une suspension par la justice

L

e Conseil national de la communication (CNC) a suspendu pendant trois mois, le 11 avril, la rubrique ‘‘commentaires’’ du site du Journal Iwacu. D’après Karenga Ramadhan, président du CNC d’alors, il avait outrepassé les normes professionnelles à travers la publication de certains commentaires. Dès le 7 mai, le CNC a interdit pendant six mois le droit de diffusion sur le territoire burundais des radios BBC et VOA. Le CNC accusait ces stations de « manquements à la loi régissant la presse et la déontologie professionnelle de la part des deux radios ». «La BBC a fait fi de la note de

Karenga Ramadhan a accusé BBC et VOA de manquements à la loi régissant la presse et la déontologie professionnelle.

mise en garde du 16 mars dernier. Celle-ci demandait à cette station de vérifier rigoureusement les sources à chaque fois qu’elle traite des informations sensibles sur le Burundi et d’observer le principe d’équilibre». Le CNC était intervenu à la suite d’un reportage de cette station du 12 mars qui « portait préjudice à la cohésion nationale ».

L’organe de régulation des médias reprochait à la BBC d’avoir récidivé : «Le 24 avril, le présentateur de l’émission ‘‘invité de la semaine’’ n’a pas ramené à l’ordre un ressortissant burundais dans la logique du sujet traité». M. Ramadhan estimait que les propos de cet intervenant portaient atteinte à la réputation du chef de l’Etat.

Le CNC a suspendu, depuis lundi 7 mai, la rubrique ‘’Annonces et publicité’’ du journal officiel Le Renouveau. Le président du CNC lui reprochait de publier des annonces et publicité dans d’autres langues que le français. «En application de la déclaration de publication du 15 janvier 2004, le quotidien est publié uniquement en français et non dans d’autres langues», rappelait M. Karenga. Le journal en ligne Ikiriho est suspendu, depuis le 12 octobre, sur ordre du procureur général de la République en raison de «l’instruction d’un dossier judiciaire». Les radios Isanganiro et CCIB FM+ ont été mises en garde en mai. «Elles ne respectent pas leurs cahiers de charge par rapport à la vérification rigoureuse des sources

d’information et au respect de la grille des émissions ». La RFI a également fait l’objet d’une mise en garde. Fin novembre, le président du CNC, Nestor Bankumukunzi, a mis en garde le journal Iwacu. Il «semble avoir érigé en modèle de gestion la violation de la loi, spécialement en ce qui concerne l’équilibre de l’information». Il a évoqué un « risque de prise de mesures plus contraignantes ». D’après M. Bankumukunzi, au moins une faute professionnelle a été commise dans les cinq derniers numéros de l’hebdomadaire du journal Iwacu. Et de déplorer la récidive de cet organe de presse auquel il assure avoir fait en vain « des avertissements pour rectifier l’angle de tir ». «Nous l’invitons encore une fois à changer cette pratique, à tout faire pour travailler dans le strict respect de la loi afin d’éviter de se retrouver devant des faits accomplis. Ils ont encore du temps pour se raviser». Signalons qu’une nouvelle loi régissant la presse au Burundi a été promulguée en septembre dernier. Egide Nikiza

SANTÉ

Le virus Ebola au centre des préoccupations Déclarée fin mai 2018 dans la RDC voisine, la 10è épidémie de ce virus a semé la panique, amenant le ministère de la Santé, en août, à adopter un plan de contingence. La récente campagne de vaccination des personnes, dont l’âge est compris entre 1 an et 29 ans, figure aussi parmi les faits marquants de 2018.

L

undi 6 août, le ministère de a Santé lance un plan de riposte. Objectif : contenir un fléau, à cause des larges frontières burundo-congolaises, avance à grands pas sur le sol burundais. Durant cette période, l’épidémie a déjà fait 33 victimes dans les provinces du Nord- Kivu et de l’Ituri. Elles sont situées à 400km de Bujumbura. Face à cette situation, Dr Thaddée Ndikumana, récemment nommé ministre de tutelle, s’active. Le Burundi est divisé en 3 zones prioritaires pour jouir d’une bonne couverture. Il expliquera que la priorité 1 rassemble tous les districts sanitaires(DS) partageant une frontière terrestre avec la RDC, la priorité 2 comprend tous les DS avec une frontière lacustre avec la RDC. Quant à la dernière,

elle concerne les autres DS restant. Au total, ce sont cinq DS de priorité 1 et 2 avec 11 points d’entrée localisés dans ces DS qui ont été identifiés. Le ministre a également annoncé que sur ces 11 points d’entrée (POE), des structures temporaires (tentes) ont été installées. « L’objectif est que même dans les coins reculés, les soins élémentaires puissent être administrés ». Bien que le ministre se soit employé à prévenir cette épidémie, nombre de professionnels de la santé n’ont pas caché qu’il y a encore du pain sur la planche. « Outre le personnel médical qui n’est pas suffisamment formé, le ministère doit avoir à l’esprit que le gros des mouvements de la population ne se fait pas via les frontières officielles, mais plutôt à

Malgré le plan de contingence, des lacunes se sont observées lors du diagnostic.

travers celles clandestines », a fait remarquer M.A., un expert en santé publique.

La vaccination, coûte que coûte… 2018 a été marquée par une série de campagnes de vaccination. En tête desquelles celle qui vise des mères et enfants. Dans tout le pays, les responsables sanitaires ont vacciné contre de la poliomyélite et administré des médicaments contre les vers intestinaux, etc. Des campagnes au cours desquelles la population a répondu massivement. Le point

d’orgue de la campagne de vaccination a été la vaccination contre la méningite. Une campagne qui, selon Pamphile Bukuru, assistant du porte-parole au sein de ce ministère, a permis la vaccination de plus de 8 millions de Burundais, dont l’âge est compris entre 1 an et 29 ans. Pour rappel, une pareille campagne remontait à 1992. Aussi, faut-il rappeler que pour la 1ère fois, on a administré le vaccin contre le cancer du col de l’utérus. L’autre point marquant de 2018 concerne la résurgence de l’épidémie de Choléra dans la

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province de Rumonge. Intervenue vers fin décembre, selon les données du district sanitaire de cette province, la maladie a fait une victime et 20 personnes sont encore alitées, suite à cette maladie. Comme note positive, le ministère peut se targuer que, contrairement à 2017, il n’y a pas eu de pénurie de médicaments (spécialités, autres réactifs, etc). Signalons, enfin, la valse de médecins spécialistes étrangers venus soigner la population burundaise. Hervé Mugisha


AU COIN DU FEU

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Avec

Déogratias Nsavyimana alias Gandhi Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Déogratias Nsavyimana alias Gandhi.

V

otre qualité principale ? La franchise Votre défaut principal ? La lenteur avant la prise d’une décision importante La qualité que vous préférez chez les autres ? La modestie car « Uwutazi ubwenge ashima ubwiwe »(traduction libre:l'ignorant se complaît dans sa suffisance). Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ? L’hypocrisie La femme que vous admirez le plus ? La mienne L’homme que w vous admirez le plus ? Nelson Mandela. Il fut un homme d’exception qui gouverna son pays sans manifester la haine et il écarta la vengeance envers ses ennemis de la veille. Votre plus beau souvenir ? Le jour où j’ai appris que j’appartenais aux quatre jeunes adolescents admis en 7ème au Petit séminaire de Kanyosha, en 1965. Votre plus triste souvenir ? La mort de ma mère. Même morte à 83 ans, j’ai réalisé après coup que le lien direct qui m’attachait à mes ancêtres venait d’être rompu. Quel serait votre plus grand malheur ? La perte de mes facultés intellectuelles Le plus haut fait de l’histoire burundaise ? L’annexion de la moitié du territoire actuel burundais par Ntare Rugamba entre 1810 et 1830. La plus belle date de l’histoire burundaise ? Le 18 septembre 1961, qui marque la victoire du prince Louis Rwagasore acquise dans l’unité nationale. Il incarnait à fond les aspirations du peuple burundais de l’époque dont l’identité ethnique n’avait pas encore pris le dessus sur l’identité nationale.

La plus terrible ? 1972 est la date de la fracture de l’Unité nationale non encore parfaitement réparée jusqu’aujourd’hui. Le métier que vous auriez aimé faire ? Le métier que j’exerce actuellement, celui d’enseignant. Votre passe-temps préféré ? La lecture Votre lieu préféré au Burundi ? Banga mais toutes les régions de mon pays ont une beauté paradisiaque Le pays où vous aimeriez vivre ? Le Burundi, mon pays natal habité par un peuple attachant Le pays où vous aimeriez vous rendre ? L’Australie car pour moi, c’est le bout du monde Votre rêve de bonheur ? La réussite de mes enfants et une bonne santé Votre plat préféré ? Le petit pois accompagné de la banane + les légumes (ilengalenga) Votre chanson préférée ? Alleluia de Hendel, elle me transporte vers le divin Quelle radio écoutez-vous ? RFI Avez-vous une devise ? Servir, contribuer à former une élite burundaise. Votre souvenir du 1er juin 1993 ? Le désarroi. J’ai pressenti un malheur indicible qui allait s’abattre sur mon pays. Votre définition de l’indépendance ? C’est un état ou un statut dont jouit un pays ou un individu qui s’efforce à être maître de son destin. Pour un pays comme pour un individu, l’indépendance est une notion relative. Dans les faits, il est plus approprié de parler d’interdépendance. Votre définition de la démocratie ? C’est un régime politique caractérisé par 5 éléments : L’égalité devant la loi; l’indépendance de la magistrature; la liberté non

seulement d’expression, mais aussi d’accomplir dans son pays tout ce qui n’est pas interdit pas la morale et la loi; la méritocratie et la compétence; le choix des dirigeants par des citoyens et par citoyen, j’entends un compatriote qui sait opiner sur les affaires de la cité. Votre définition de la justice ? Je conçois la justice comme le contraire de la « grâce » qui est un don de Dieu. C’est un droit. Elle est comme l’air, c’est un véritable besoin naturel que l’on éprouve profondément quand on vient d’en être privé. Si vous étiez ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, quelles seraient vos deux premières mesures ? Je ferais tout pour convaincre les autorités que le meilleur investissement pour un pays est l’éducation de sa jeunesse, ainsi je ne trouverais aucun inconvénient à consacrer la moitié du budget national à l’enseignement. Je démissionnerais le lendemain si le gouvernement ne supprime pas les taxes pour l’importation des livres et des journaux de qualité. Je crois savoir qu’il n’y a pas trois pays au monde qui n’ont ni bibliothèque nationale, ni librairie digne de ce nom ni même un journal quotidien même dans la capitale. En fait la lecture est la nourriture de l’esprit et aucun pays ne s’est développé sans posséder une classe moyenne qui lit.

Si vous étiez ministre des Relations extérieures, quelles seraient vos deux pre mières mesures ? Je ne ménagerais aucun effort pour redynamiser les relations de mon pays avec la CEPGL et l’EAC, car envisager l’autarcie et l’autosuffisance du Burundi en tout est une sottise ! Ce n’est d’ailleurs pas possible. Je ferais aussi en sorte que mon pays ait

un grand ‘‘umuhetsi’’, un parrain avec lequel les relations seraient cordiales. Croyez-vous à la bonté humaine ? Oui j’y crois. Cependant, les hommes foncièrement bons sont une perle rare mais ils existent. Pensez-vous à la mort ? Non, je n’y pense pas. Pour moi, mourir signifie changer d’état. Je plains ceux qui ne croient pas qu’ils iront au Paradis. Je leur souhaite qu’ils fassent le pari de Blaise Pascal. Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ? Je lui dirais merci pour tous les bienfaits dont il m’a gratifiés. Ma mère m’a dit que j’ai faiblement toussé, alors que tout était prêt pour me mettre en terre quand j’avais 18 mois. En plus, j’aurais dû gagner l’autre monde fin décembre 1979, suite à un accident dû à l’excès de vitesse. Et jusqu’à ce jour, le Bon Dieu me donne 2 repas par jour, c’est un privilège… Propos recueillis par Egide Nikiza

A

Bio express

îné d’une fratrie de 8 enfants, Déogratias Nsavyimana, connu beaucoup sous le surnom de Gandhi, est né en 1953 en commune Bukeye de la province Muramvya. Il a obtenu un doctorat en Histoire économique en 1989 à l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve). Il a fait sa scolarité primaire et secondaire respectivement à Bukeye et au Petit séminaire de Kanyosha (cycle inférieur) et au Collège du Saint Esprit (cycle supérieur). Il fera la première et la 2è candidature à l’Université officielle du Burundi et les années de licence à l’Université libre de Bruxelles. Au terme de ses études supérieures en Belgique, il rentre au pays et devient assistant à l’Université du Burundi en 1977. Il se dit fier d’avoir eu parmi ses premiers étudiants, l’ancien président de la République, Sylvestre Ntibantunganya, et beaucoup d’autres Burundais qui ont exercé de hautes responsabilités. Déogratias Nsavyimana s’est frotté aussi à la politique à deux reprises. Entre 1978 et 1980, il a été secrétaire national du parti Uprona ayant comme chef direct, le secrétaire général du parti, le professeur Emile Mworoha. Et entre 1997 et 2002, le professeur Nsavyimana était chargé de Missions à la Présidence de la République. Le souvenir que ce professeur garde de son enfance? Il faisait tous les travaux accomplis par les enfants burundais de la première moitié des années 1960. Mais, il détestait la garde des vaux et des vaches.

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SOCIÉTÉ

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Retrospective 2018 / Rapatriement

Plus de 2.500 adeptes de Zebiya rapatriés Le mois d’avril fut bousculé par le rapatriement des adeptes de la prophétesse Eusébie Ngendakumana alias Zebiya, réfugiés au Rwanda depuis mars 2018.

C

’est depuis le 1er avril 2018 que les adeptes de Zebiya ont débarqué sur les frontières de Kirundo, Kayanza et Cibitoke. Après les 1.604 fidèles de cette prophétesse rentrés ce jour-là, deux vagues de rapatriement s’en sont suivies le 2 avril. 900 rapatriés au total. Le premier groupe composé de 517 personnes est passé par Kanyaru haut. Comme leurs prédécesseurs, ces rapatriés ont passé la nuit au stade de Gatwaro à Kayanza avant d’être conduits chez eux. Le second de 383 adeptes de Zebiya est arrivé au poste-frontière de la Ruhwa, à Cibitoke, en provenance du camp Nyarushishi dans le district de Rusizi. Ils ont été remis par le Département rwandais de l’immigration au gouverneur de la province de Cibitoke.Ces adeptes de Zebiya ont été regroupés en fonction

de leurs provinces d’origine. Ils ont ensuite été embarqués dans des camions à destination du lycée de Cibitoke. Ces adeptes de la prophétesse Zebiya venaient de passer deux semaines dans des camps de réfugiés au Rwanda. Ils ont refusé de se faire vacciner et se sont opposés à tout enregistrement biométrique par le HCR et le gouvernement rwandais. Ces réfugiés avaient brusquement quitté le camp de transit de kamanyola (est de la RDC), le 7 mars, pour se réfugier au Rwanda « pour des raisons de sécurité». Pour rappel, ces adeptes de la prophétesse Zebiya étaient partis en RDC, en 2013, pour rejoindre leur guide spirituel après l’interdiction de leur culte par le gouvernement burundais. Neuf fidèles venaient d’être victimes d’un carnage.

Les adeptes de Zebiya sur la frontière Burundi-Rwanda

L’odeur d’un rapatriement forcé Au mois de juillet 2018, les réfugiés burundais en Tanzanie ont craint un rapatriement forcé. Ils ont dénoncé des intimidations de la part des autorités tanzaniennes.

L

es réfugiés burundais en Tanzanie dans les camps de Mutenderi, Nduta et Nyarugusu se sont dits inquiets et ont redouté un «rapatriement forcé». Contactés par Iwacu, ils ont affirmé être l’objet d’intimidations par les autorités tanzaniennes. Quelques jours auparavant, le gouverneur de la province de Kigoma (Tanzanie), Emmanuel Maganga, a mené une campagne en faveur du rapatriement. «Il est venu nous faire croire que la paix et la sécurité règnent dans notre pays», a confié l’un des réfugiés du camp de Nduta. D’après ce témoin, la Tanzanie soutient Bujumbura dans le rapatriement forcé des réfugiés burundais. Il a déploré que les autorités tanzaniennes aient interdit toutes les petites activités génératrices de revenus à l’intérieur du camp. «C’est une

astuce pour nous inciter à rentrer.»

Bujumbura s’en lave les mains Le gouvernement burundais a nié son implication dans le «rapatriement forcé» des réfugiés en Tanzanie. «Le gouvernement n’a aucune information sur les menaces de rapatriement forcé des réfugiés burundais en Tanzanie», a affirmé Térence Ntahiraja, assistant du ministre de l’Intérieur, le 31 juillet. Selon lui, si ces menaces s’avéraient vraies, ce serait une violation des droits de l’Homme. Le gouvernement burundais n’a pas le droit ou le pouvoir de prendre des décisions concernant ces réfugiés. «Un refugié est sous la responsabilité du HCR et du pays d’accueil. Le pays d’origine n’a pas le droit de prendre une quelconque décision». Térence Ntahiraja a souligné que

Des réfugiés burundais au camp de Nduta en Tanzanie

ceux qui disent que le Burundi est de mèche avec la Tanzanie sont quelques réfugiés politiciens qui

colportent des rumeurs pour les empêcher de rentrer. « Le gouvernement du Burundi respecte

les droits de l’Homme, les normes internationales et les réglementations relatives au rapatriement. » Clarisse Shaka

Le rapatriement en chiffres 55.453 Burundais ont été rapatriés, la plupart de la Tanzanie et 500 en provenance du Kenya, depuis le lancement de la campagne en septembre 2017. D’après le HCR, il reste plus de 300 mille réfugiés dans la sous-région. 219.769 en Tanzanie, 69.089 au Rwanda, 33.657 en Ouganda et 42.309 en RDC.

C.S.

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EDUCATION

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Rétrospective 2018

Un directeur-élève et une école en danger

Le directeur du lycée technique de Buterere s’est déguisé en élève, lors de l’examen d’Etat dernier. Des finalistes non encore diplômés, arrestation du représentant légal… Cet établissement est en danger

T

ête et barbe bien rasées, en uniforme de lycéen, le directeur du Lycée Technique de Buterere, Benjamin Manirambona, s’est installé au milieu de ses élèves au centre de passation Lycée du lac Tanganyika. Il a passé le test pendant trois jours. Il ne sera arrêté que le dernier jour de l’examen, le 10 août.Accusé de faux et usage de faux, falsification de bulletin et fraude des examens et évaluations pédagogiques, il a été condamné à 5 ans de prison et 10 ans de non exercice dans la fonction publique. Complices, un enseignant et un comptable dudit lycée seront condamnés à 2,5 ans de servitude pénale. Après son arrestation, Benjamin Manirambona a avoué qu’il passait l’examen pour le compte d’un militaire, qui se trouve à l’étranger, contre un « pot de vin ».

Une école au nouveau visage A la rentrée scolaire, en octobre dernier, l’établissement a changé de nom et de per-

sonnel. Plusieurs élèves ont changé d’établissement.La réforme dudit établissement ne passe pas inaperçue au premier abord. Désormais, c’est l’ « Ecole technique Christa ». Le représentant légal de cet établissement, Elie Niragira, a indiqué que ce changement de nom est survenu pour effacer l’image ternie de l’école, suite à la tricherie du directeur.

Des finalistes toujours non diplômés Alors que les diplômes ont été, pour la plupart, délivrés en août, les finalistes de l’ex-lycée technique de Buterere n’ont pas obtenu, jusqu’aujourd’hui, leurs diplômes.Lundi 17 décembre, ils ont fait un sit-in devant l’établissement. Colère, indignation et désespoir, des sentiments qui se lisaient sur leurs visages. Regroupés devant cet établissement, ils menaçaient de ne pas quitter les lieux sans leurs diplômes. Une lauréate a indiqué que le directeur leur avait expliqué, Jeudi 13 décembre, que leurs diplômes sont

en cours d’enregistrement. « La direction nous a donné plusieurs rendez-vous manqués. »Le directeur de cette école, Vincent Niragira, se lave les mains de ce retard. Il a parlé d’une conséquence de la tricherie de l’ancien directeur.Il a précisé que la remise des diplômes est conditionnée par l’autorisation du ministère de l’Education. «J’ai adressé une correspondance au ministère, en vain. Les élèves n’ont qu’à patienter».

Arrestation du représentant légal Le porte-parole du ministère de l’Education, Edouard Juma, a annoncé, dans une conférence de presse du jeudi 27 décembre, l’arrestation d’Elie Niragira, représentant légal de ce lycée. D’après lui, il est accusé de faire disparaître les dossiers de certains élèves et de changer la dénomination de cette école à l’insu du ministère. « Il l’a fait pour effacer les traces des fraudes dans lesquelles cette école s’est illustrée. »

Benjamin Manirambona au tribunal dans un procés

Décisions de la ministre de l’Education Exit les victimes de grossesse du système éducatif formel. Majoration des frais scolaires. Fermeture de plusieurs écoles. Ce sont les principales mesures qui ont frappé le secteur de l’Education en 2018.

D

ans une correspondance du 26 juin, adressée à tous les directeurs provinciaux de l’enseignement, Janvière Ndirahisha, ministre de l’Education, interdit à tout élève victime ou auteur d’une grossesse de réintégrer le système éducatif formel public ou privé. «Ils peuvent fréquenter, toutefois, l’enseignement des métiers.» Parents, défenseurs des droits de l’enfant et de la fille, ainsi que différentes associations œuvrant dans le domaine de l’éducation, ont parlé d’une mesure absurde. Ils ont également dénoncé une décision qui est contraire à la loi de 2016 sur les violences basées sur le genre (VBG). Celle-ci donne droit à la victime de retourner à l’école, une année après l’accouchement.Après ce tollé général, la ministre est revenue sur sa décision. La victime peut retourner sur le banc de l’école un an après son accouchement.

Majoration des frais scolaires La nouvelle ordonnance du 18 juillet de la ministre de l’Education est claire : les frais scolaires passent de 15 mille à 43 mille BIF par trimestre. Pour les écoles post-fondamentales à régime d’internat, les frais supplémentaires s’élèvent à 36.000 BIF.Au moment où les parents crient au désespoir, les directeurs d’écoles à régime d’internat se sont montrés satisfaits. « Nourrir les élèves ne sera plus un casse-tête comme avant ».

Plus de 30 écoles privées fermées Toujours sur décision de la ministre de l’Education, 31 écoles privées ont vu leur 4ème cycle de l’école fondamentale (de la 7ème à la 9ème) fermé. Leur taux de réussite au Concours national est compris entre 0% et 20%. Un

La ministre de l’Education a fermé plus le 4ème cycle de plus de 30 écoles privées.

bon nombre de ces établissements sont situés en marie de Bujumbura. L’ordonnance a été rendue publique, le 3 septembre.

La ministre a appelé les parents à faire inscrire leurs enfants dans d’autres établissements ‘’plus performants’’ : «Ils devraient être

inscrits dans des écoles organisant des enseignements conformément aux méthodes pédagogiques requises». Clarisse Shaka

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SOCIÉTÉ

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Cibitoke

Le pont Rugogo sur le point de s’effondrer Le pont Rugogo séparant les communes Mabayi et Bukinanyana de la province de Cibitoke est en passe de céder. L’administration rassure les habitants des deux localités.

S

itué à 118 km de Bujumbura mairie, le pont Rugogo reliant la commune Mabayi à celle de Bukinanyana peut s’affaisser entièrement d’un moment à l’autre. Seuls les motos et les piétons peuvent s’y aventurer à leurs risques et périls. Jeudi 27 décembre à 11 h, tous les véhicules de transport et de poids lourds faisaient demi-tour. Et pour cause, le pont Rugogo s’effondre petit à petit, suite aux pluies abondantes tombées dans cette région, ces derniers jours. Les habitants des deux localités ne savent plus à quel saint se vouer. Ngendakuriyo, un vendeur de régimes de bananes rencontré sur le pont Rugogo assure travailler à perte : « Je dois payer le transport de mes marchandises, à raison de 100 BIF par régime de banane. Idem pour le transport d’un bidon de vin de banane. » L’impraticabilité de cette route se répercute aussi sur les prix de certaines denrées alimentaires. Le prix de la farine coûtait 500 BIF, il y a quelques mois. Aujourd’hui, elle s’achète entre 700 et 800 BIF. « Non seulement la farine est chère, mais aussi le prix du haricot va crescendo. Un kg s’achetait entre 1500 et 1700 contre 1200 BIF, les mois passés». Les habitants de ces deux communes s’alarment que le pont a commencé à s’effondrer, depuis quatre mois. « L’affaissement se fait petit à petit, mais jusqu’ici rien n’est encore fait». Ils disent être désormais enclavés dans un endroit isolé. « Nous ne circulons pas librement et les marchandises non plus ». Les recettes communales vont decrescendo. Un agent de collecte de taxes, sur une barrière située à 500 m du pont cassé, dans la commune Mabayi, fait savoir que seules les motos payent les taxes. « Il n y’ a plus de véhicules assurant le transport qui passent par ici ». Le transport des malades est aussi un calvaire. « L’ambulance ne passe plus. Les gens sont obligés de transporter eux-mêmes les malades », s’indigne un habitant de la commune Bukinanyana. Le déplacement des femmes enceintes et des enfants devi-

Le pont Rugogo qui peut s’effondrer à tout moment.

ent de plus en plus un casse-tête. « L’ambulance doit contourner la province Cibitoke, via Gisenyi et Murwi, pour arriver à l’hôpital de Rusendo, dans la commune Mabayi, » explique-t-il, avant de préciser avec tristesse : « Il y a ceux qui succombent durant le trajet. » Pour ces habitants, il est urgent que l’administration prenne en main cette question : « Sinon, on va mourir de faim ». La population de la localité accuse aussi

l’administration de négligence : « Quatre mois sans rien faire ! Nous n’en serions pas arrivés là, si l’administration s’était impliquée à temps. »

Les théiculteurs ne font pas exception Les théiculteurs de la commune Bukinanyana éprouvent aussi des difficultés lors du transport du thé cueilli. Ils racontent devoir parcourir plusieurs kilomètres pour arriver à l’usine de Buhoro, à plus de 30 km dans

la commune Mabayi. « Les véhicules chargés de collecter le thé cueilli dans notre commune se font rares désormais. Et les théiculteurs ne peuvent pas parcourir cette distance avec le thé sur la tête. Ils préfèrent tout abandonner». Gérard Niyimbona, gérant de l’usine de thé Buhoro, déplore des pertes énormes enregistrées par l’usine en termes de temps et de carburant. « Nous sommes obligés de faire un contour de la

Pascal Basarurwuzuye : « Toutes les autorités concernées sont informées. »

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province et d’utiliser deux véhicules pour assurer le relai ». Il signale que les véhicules empruntent la RN10, via le tronçon qui mène vers Bujumbura, pour traverser la commune Buganda. Arrivé dans la localité de Mikoni (Bukinanyana), un véhicule collecte le thé et un autre va prendre le relai, côté commune Mabayi. « Les ouvriers sont obligés d’assurer le déchargement et le chargement de ces deux véhicules. C’est très lent, et nous consommons le double du carburant utilisé auparavant ». Depuis que le pont s’est affaissé, l’usine a déjà collecté une seule fois le thé cueilli. « Normalement, notre système de cueillette s’effectue tous les dix jours ». Ce cadre de l’usine du thé de Buhoro assure qu’il faut faire feu de tout bois pour aider les théiculteurs : « S’ils éprouvent des difficultés, ils abandonneront la culture facilement.» Pascal Basarurwuzuye, administrateur de la commune Mabayi, reconnaît que les pertes sont énormes. « Toutes les autorités concernées sont informées. Le gouverneur a déjà prévenu le ministère des Travaux publics. La direction du fonds routier doit faire un devis. Nous attendons la réponse ». M. Basarurwuzuye indique que sa commune a fait recours à une association locale, qui exploite les minerais, pour tracer une déviation en bas de la route. « Nous espérons que les choses iront mieux en attendant. » Diane Uwimana


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Cibitoke

« Mpore », un havre pour femmes victimes des violences L’hôpital de Cibitoke abrite un centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre (VBG). Le centre travaille selon une nouvelle approche dite « holistique». Découverte.

J

eanne (pseudo), 32 ans, est une victime de viol. Un mauvais jour, alors que cette habitante de Rugombo est de retour vers sa maison, des malfaiteurs l’étranglent avant de commettre leur sale besogne. Laissée pour morte, elle est secourue par des passants qui l’évacuent rapidement à l’Hôpital de Cibitoke. Elle va mettre trois semaines pour s’en remettre. Suite à ce traumatisme, cette mère de trois enfants est un peu « éteinte », elle a un regard fuyant. Les séquelles sont visibles. Sa tête tremblote et ses yeux portent les stigmates de l’étranglement. Des traces de sang sont visibles dans le blanc de son oeil. « Je remercie ceux qui me sont venus en aide, et surtout mon mari qui ne m’a pas abandonnée », dira-telle laconiquement. Contrairement à Jeanne, Mireille, 33 ans, n’a pas le soutien de son mari. C’est lui son bourreau. Son calvaire commence quand son conjoint l’abandonne pour une autre femme. Mireille encaisse le coup. Tout ce qu’elle lui demande : s’occuper de ces deux enfants. Une demande que, hélas, son conjoint ne va pas satisfaire. « Je suis alors allée me plaindre auprès des autorités. Je ne savais pas que je venais de signer mon arrêt de mort », raconte cette native de la commune Buganda. Quand son époux l’apprend, il est furieux. Il va la trouver à la maison et la battre presque à mort. « Ce sont mes voisins qui sont venus à ma rescousse, sinon il allait m’achever ». Elle s’en est sortie avec un pied cassé et le visage tuméfié.

Dr Jean Claude Mugisha : « La victime est suivie sur tous les aspects. »

wege à Bukavu).Trois sortes de prise en charge sont pratiquées : un suivi médical, psychologique et une assistance juridique. D’où l’allusion faite à l’approche holistique: elle est multidimensionnelle. Dr Jean Claude Mugisha, Directeur de l’Hôpital de Cibitoke et coordinateur du Centre « Mpore » se dit satisfait de l’étape déjà franchie depuis sa création. « Toutes les communes de la province connaissent notre centre. Cela permet aux victimes d’être mieux orientées.» En outre, il indique que le centre travaille en étroite collaboration avec les agents des centres de développe-

ment familial et communautaire (CFDC) de toute la province de Cibitoke. Ce sont eux qui recensent les cas de violence sur chaque colline et accompagnent les victimes jusqu’au centre pour éviter qu’ils se perdent en cours de route. Arrivées au centre, elles sont accueillies et enregistrées. La personne chargée de l’accueil décide de l’orientation de la victime. Il peut soit la transférer au médecin puis à l’Officier de police judiciaire. Ou encore, la renvoyer à la cellule de suivi psychologique. Mais cette trilogie doit être respectée. « La victime est suivie

sur tous les aspects. Un psychologue, un médecin la suivent et les OPJ et les substituts s’occupent des poursuites judiciaires », fait savoir Dr Mugisha. Cependant, les défis ne manquent pas. Souvent certaines victimes encore sous traitement dans le centre sont persécutées par leur famille, surtout quand le mari est inculpé. Il arrive que la belle-famille s’en prenne à la victime.

Des cas souvent compliqués Parfois, des victimes ont peur et refusent de témoigner de crainte de représailles.

Un carrefour de trois prises en charge Le centre intégré « Mpore », où elles sont toutes les deux pensionnaires ouvre ses portes le 20 décembre 2017. Il naît grâce à un financement de la Banque mondiale. Il s’inscrit dans un projet que cette institution appuie dans trois pays des Grands Lacs. Au Rwanda (on les appelle des « one stop center »), le Burundi et la République Démocratique du Congo (notamment au célèbre hôpital de Panzi de Denis Muk-

Chantier du nouveau Centre Mpore.

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Il arrive aussi que la femme exige la relaxation de son mari du fait que c’est lui qui fait vivre le foyer. Un autre frein, la culture. Les arrangements à l’amiable perturbent parfois la poursuite des auteurs. Des cas complexes peuvent aussi survenir. Un seul cas peut en comporter plusieurs. Comme le cas d’un homme qui a violemment battu son épouse jusqu’à ce que celle-ci perde connaissance et finisse par avorter de sa grossesse de six mois. Comme si ça ne suffisait pas, il a lui-même procédé à l’enterrement de son fœtus. D’autres cas irréguliers concernent des femmes ou des filles qui, après avoir eu des rapports sexuels consentants, ont peur d’avoir contracté une grossesse non désirée ou tout simplement une infection sexuellement transmissible. Elles se dirigent vers le centre intégré pour solliciter les médicaments de prévention. Célestin Niyongabo, le responsable de l’accueil et de prise en charge psychosocial, estime que, depuis 2017, 1052 nouveaux cas ont été traités par son établissement. Un traitement de faveur est réservé aux victimes sortantes les plus démunies. « Un kit d’accompagnement composé de pagnes, d’une houe et des aliments leur est offert pour leur permettre une bonne réinsertion ». Pour l’heure, ce volet d’accompagnement souffre d’un manque de partenaires. M. Niyongabo espère qu’avec le réenregistrement des ONG, les activités vont reprendre. En attendant, un bâtiment flambant neuf du centre « Mpore » est en cours de construction. Arnaud Igor Giriteka


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Site Karurama II

2019 s’annonce mal pour les sinistrés 163 familles sans assistance occupent le site de Karurama II en commune Rugombo de la province de Cibitoke. Le ministère de la Solidarité tranquillise et prodigue des conseils.

A

vant, certains habitants du site vivaient de la mendicité. Aujourd’hui, il est strictement interdit de mendier, sous peine d’être puni. Même l’ONG qui nous assistait a clôturé ses activités avec ce mois de décembre», se lamentent les sinistrés du site, près de la frontière avec la RDC. A Karurama, deux sites y sont aménagés. L’un pour les anciens militaires handicapés de guerre, l’autre pour les sinistrés. Ce dernier est aménagé sur un terrain d’environ un hectare. Des maisons couvertes de tôles mais en briques adobes occupent l’espace aménagé. Une différence : trois des 163 maisons construites sont neuves avec des briques cuites et du ciment. «Vous voyez que ces maisons sont particulières. C’est ZOA, une ONG néerlandaise qui les a construites. Les anciennes étaient détruites », précise Véronique Nibizi, une quinquagénaire, qui habite le site. Au sud se trouve une étendue bien viabilisée, morcelée en parcelles à bâtir, à moins d’un km de la cimenterie Buceco. Les occupants du site craignent d’être repoussés un jour pour que cet emplacement fasse l’objet d’un lotissement. A la vue d’un véhicule, plus d’une dizaine de personnes de tous âges affluent vers les visiteurs en un petit laps de temps. Ils croient à un bienfaiteur qui leur vient en aide. Tout le monde veut parler en même temps, avec des contradictions s’il faut certaines précisions. L’un dira : « Nous sommes ici depuis trois ans… » Un autre s’improvise et parle de quatre ans, tandis que les autres vont préciser que c’est depuis cinq ans. Ce qui est vrai selon le chef du site. Chacun veut parler de la misère qui le menace dans ce site. Certaines maisons présentent des fissures. La peur au ventre, les occupants disent que trois maisons se sont effondrées suite à la pluie. Les maisons ont été construites par le Pnud, il y a 5 ans

eurs », alerte Adelito Bimenyimana, chef du site des sinistrés de Karurama II. L’homme de 54 ans fait savoir que la vie va devenir très dure s’il n’y a pas d’autres bienfaiteurs pour leur venir en aide. Toutefois, la plupart des personnes rencontrées sont encore capables de travailler. «Nous n’avons pas où cultiver. L’administrateur nous a dit qu’il n’y a pas de terres à nous donner ». Avant de leur octroyer ces maisons, ils étaient au cheflieu de la commune Rugombo. «Il était facile pour nous de trouver où cultiver et recevoir soit de la nourriture ou de l’argent en contrepartie ». Maintenant que nous sommes à Cibitoke, poursuit-il, nous sommes dans l’impossibilité de nous rendre à Rugombo (9km ndlr) et de retourner au site. Et de conclure : «Nous allons mourir de faim et de maladies.» Outre qu’ils sollicitent des bienfaiteurs, les habitants de ce site demandent à l’administration de laisser leurs enfants étudier sans uniformes et de ne pas leur demander des contributions destinées à l’achat du matériel scolaire. Les écoliers, affirme un père de sept enfants, doivent

Le site Karurama II est occupé depuis 5 ans.

avoir chacun 3200 BIF pour l’achat de banc-pupitre. Visiblement, ces sinistrés ne présentent pas de signes de malnutrition. Adelito Bimenyimana explique : « Nous étions assistés en vivres et l’argent que nous recevions servait dans des activités génératrices de revenus. C’est plutôt l’année 2019 qui nous sera dure. » Pour sortir de cette situation,

tout le monde réclame des terres à cultiver, des petits ruminants ou des poules à élever. A cela s’ajoute la gratuité des soins de santé, car, s’inquiètent-ils, il y a beaucoup de moustiques dans la région qui causent la malaria.

Des conseils… Au niveau du ministère de tutelle, les sinistrés de Karurama

Pas de bienfaiteurs « ZOA a clôturé son projet de soutenir les sinistrés de notre site. Cette ONG nous assistait en vivres et donnait 20 mille francs burundais à chaque famille. Maintenant nous n’avons plus de bienfait-

Adelito Bimenyimana : «C’est plutôt l’année 2019 qui nous sera dure.»

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II font partie de ceux qui bénéficient de l’assistance de sa part. «Une fois les 6 mois, nous leur donnons des vivres. La quantité qu’ils reçoivent est fonction de la disponibilité du stock et cela va continuer », indique Révérien Simbarakiye, porte-parole du ministère de la Solidarité. Il est aussi directeur général de la réintégration des sinistrés. Quant aux inquiétudes liées aux frais que les écoles exigent des enfants, M. Simbarakiye tranquillise. Le site de Karurama II est connu à Cibitoke. Les enfants sinistrés ne portent pas d’uniformes à l’école. Ils ne doivent pas aussi contribuer pour l’achat de tel ou tel autre matériel scolaire. Je demande plutôt au responsable du site de le signaler aux écoles. Ainsi, les parents et les enfants ne vont plus s’inquiéter. Ce directeur général affirme qu’il n’a pas encore eu le rapport faisant état de la fin du projet de ZOA, ni d’une autre ONG qui va reprendre le projet. Toutefois, il demande aux bénéficiaires de ne jamais gaspiller le peu d’argent qu’ils reçoivent de la part des bienfaiteurs. Il faut, dit-il, collecter les petites sommes et penser aux activités génératrices des revenus. Nous avons essayé de joindre à plusieurs reprises les autorités administratives de Rugombo pour plus d’éclaircissements, en vain. Onesphore Nibigira


ENVIRONNEMENT

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Retrospective 2018

Des performances, mais aussi des échecs Des mesures salutaires dans la préservation de l’environnement et de la biodiversité, des effets du réchauffement climatique, des menaces persistantes des rivières traversant Bujumbura … ont marqué l’année 2018.

A

u sortir de la 26 è réunion du Conseil des ministres de l’Initiative du Bassin du Nil (IBN), tenue à Bujumbura, le 13 août, DéoGuide Rurema, ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a été désigné pour occuper sa présidence. Et ce, pour un mandat d’une année. Il a remplacé Bekele Sileshi, le ministre éthiopien de la gestion de l’eau. Le secré-

tariat exécutif est revenu au Sud-Soudanais Alier Bullen Oka. Hormis le Rwanda et le Kenya, les huit autres pays membres de l’IBN étaient présents à cette réunion. Il s’agit du Burundi, pays hôte, de l’Ouganda, de l’Ethiopie, de la RDC, de la Tanzanie, du Soudan du Sud, du Soudan et de l’Egypte. Le 22 février 2019, l’Initiative du Bassin du Nil fêtera ses 20 ans d’existence.

Déo-Guide Rurema

La guerre contre les emballages plastiques déclarée

U

n décret interdisant la fabrication, la commercialisation et l’utilisation des sachets et autres emballages non biodégradables au Burundi a été signé le 8 août, et rendu public, le 13 août. « Etablir un cadre de contrôle et d’utilisation des sachets et d’autres emballages en plastique, promouvoir l’utilisation des matériels biodégradables, protéger l’environnement et prévenir toutes sortes de pollution causée par les sachets et les autres produits plastiques », peut-on lire comme principale motivation. Dans son article 7, ce décret stipule que même les bouteilles et les flacons sont renvoyés chez les fournisseurs pour le stockage, le recyclage et la valorisation. Pour trouver des substituants, les promoteurs économiques de projets de sacs de substitution et de recyclage sont encouragés à investir dans la fabrication des emballages biodégradables. « Des modalités d’encouragement seront établies par le ministère en charge de l’Environnement et d’autres ministères sectoriels », précise l’article 8 dudit décret. Une dérogation spéciale a été

Des éco-gardes transportant le crocodile sauvé du piège d’un braconnier.

accordée à certains produits tels que les sacs et sachets biodégradables, des matériels en plastique utilisés dans l’emballage industriel et pharmaceutique ou dans les services médicaux, les matériels de construction industrielle, y compris les tuyaux de canalisation ou utilisés dans la fabrication des tentes. Un délai de grâce

de 18 mois a été donné aux commerçants pour écouler les stocks disponibles et les commandes passées.

Des animaux sauvages sauvés Pour la première fois au Burundi, six éco-gardes du parc national de la Rusizi ont pu attra-

per, lundi 27 août, un crocodile géant tombé dans le piège d’un braconnier. Ils se sont servis de techniques artisanales pour le capturer vivant. Une opération qui a duré plus de deux heures. C’est à bord d’une pirogue munie d’un moteur qu’ils ont ramené cet animal, ligoté, à la surface pour le soigner.

C’est dans la cage métallique aménagée jadis pour la capture de « Gustave », le célèbre crocodile, qu’il a passé deux semaines sous traitement. Il a, par la suite, été remis dans l’eau. Une antilope avait été aussi sauvée des pièges de braconniers. Avec l’intervention d’un engin mécanique de la société Sogea Satom, le 26 mars, l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) a pu sauver un hippopotame tombé dans un fossé boueux à Gakungwe en commune Kabezi de la province de Bujumbura. Aujourd’hui, l’OBPE a déjà commandé un fusil hypodermique pour pouvoir maîtriser et capturer ces animaux sauvages. Et ce pour les soigner ou les amener dans des endroits encore disponibles pour un repeuplement. Un inventaire des hippopotames au niveau du lac Tanganyika et du parc de la Rusizi est également programmé. Ce qui permettra de faire un parallélisme entre le nombre de bêtes et le pâturage disponible.

Le Burundi décoré

P

our s’être distingué dans la protection, la conservation de la faune et de la flore sauvage, le Burundi a décroché, le 25 novembre, à Sharm El Cheikh (Egypte), la médaille d’or attribuée aux meilleurs CHM (Clearing House Mechanism).

Grâce notamment aux efforts de feu Benoît Nzigidahera, chef de service recherche sur la biodiversité à l’OBPE, et son équipe dans la lutte contre les feux de brousse, en collaboration avec les populations riveraines. Ce prix a été décerné par le secrétariat de

la Convention sur la biodiversité Biologique (CBD), lors de la 14ème conférence des parties sur la biodiversité (COP14). Plusieurs pays membres de la Convention sur la biodiversité biologique ont leurs sites d’information. Le Burundi a été classé le premier.

Une coloration inquiétante sur le lac Tanganyika 9 septembre, les eaux du lac Tanganyika ont pris une coloration verte. Une information s’est vite propagée et a inquiété les riverains. Ils y ont afflué pour

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assister à cette scène inhabituelle. Craignant pour leur santé, et une baisse de la production du poisson, les pêcheurs et les riverains ont dénoncé un cas de pollution et ont indexé la station d’épuration des eaux usées de Buterere d’en être la cause. « Cela


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ENVIRONNEMENT

résulte des déchets de cette station déversés directement dans le lac. Ils ne sont plus traités», ont-ils avancé. Des usines rejetant leurs déchets dans le lac ont été également pointés du doigt. Un phénomène normal et naturel, selon des experts environnementaux. « C’est un phénomène tout à fait naturel dû à la remontée des eaux profondes. Un phénomène qui s’observe depuis les années 1946 et le plus souvent à la fin de la saison sèche», a expliqué le professeur

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Gaspard Ntakimazi, expert en hydrobiologie. Et de préciser que le Lac Tanganyika, comme la plupart des eaux des régions tropicales, est stratifié. L’eau de surface reste en surface, tandis qu’une partie reste en profondeur. Mais, cela ne dure pas toute l’année. « Il y a des périodes de circulation. Ceci se passe sur le lac Tanganyika, notamment à la suite d’un alignement entre sa longueur et la direction des alizées du sud-est. Et cela correspond au début de la saison sèche ».

Coloration verte des eaux du lac Tanganyika.

La Ntahangwa toujours virulente

Sénat et le CNS à la rescousse de la station d’épuration des eaux de Buterere

Opération d’extraction des cadavres dans la rivière Gasenyi. Quelques travaux en cours dans la Ntahangwa, côté Nyakabiga.

A

vec le début des travaux de stabilisation des berges de cette rivière, ses riverains, côté Mugoboka et Kigobe espéraient sauver leurs maisons. Ce qui n’épargne pas des écoles, des églises, … côté Nyakabiga. « Si rien n’est fait pour la protection des rives de la Ntahangwa, en plus d’écroulement des maisons, des écoles, … beaucoup d’autres dégâts vont être enregistrés », a déclaré Célestin Ndayizeye, alors ministre de l’Environnement, en juillet 2017, lors du lancement des travaux. Il s’agissait des travaux d’urgence à l’approche de la saison pluvieuse, avait-il précisé. Avec un coût des travaux estimé à 4 milliards BIF, la durée des travaux était de trois mois (juilletseptembre). La part gouvernementale s’élève à 1,5 milliards BIF, l’autre partie revient au GEF (Global environment facility) et au Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD). Le gouvernement, via le ministère de la

Défense nationale et celui des Travaux publics, devait fournir des bulldozers, des camions ainsi qu’un appui technique. Ces activités consistaient à ériger des gabions, des murs de soutènement des bergers, des escaliers en bétons armés, pour diminuer la pression de l’eau. Plus d’une année après, les travaux se sont arrêtés, partie Kigobe. Ils n’ont pas débuté à Mugoboka. Aujourd’hui, c’est du côté Nyakabiga qu’on essaie de bloquer le grand ravin menaçant l’ECOFO du Jardin Public, l’église Pentecôte et des habitations. La rivière Kanyosha menace également plusieurs maisons riveraines. Certaines se sont déjà écroulées, contraignant leurs propriétaires à partir. Lors de lancement des travaux sur la Ntahangwa, M.Ndayizeye avait rappelé qu’en 1983, 1986,2006 et 2009, les crues de la Ntahangwa ont entraîné des pertes estimées à plus de 3 milliards Fbu

L

e Conseil National de Sécurité(CNS), en sa session ordinaire du 20 juillet 2018, a donné un ultimatum aux propriétaires des maisons construites dans l’espace réservé à la seule station d’épuration des eaux usées de Buterere de dégager. 20 octobre était la date limite. Une recommandation a aussi été donnée au ministère de l’Environnement de faire feu de tout bois pour un fonctionnement optimal de cette station. A son tour, le Sénat a mis en place la commission permanente chargée des questions économiques, de l’environnement, des finances et du budget et celle chargée des questions institutionnelles, juridiques et des droits et libertés fondamentaux. Leur rapport présenté le 24 septembre, en présence de cinq ministres, a recommandé la restitution de près de 64 ha à cette station. Et cette dernière est subdivisée en espaces de bassins de traitement des eaux usées, de séchage de boue issue du curage de ces bassins et un périmètre de protection. On y trouve actuellement des maisons de particuliers. Les sénateurs ont estimé que ces constructions anarchiques perturbent le fonctionnement de la station d’épuration. Ils s’inquiètent de la santé des riverains.

Des morts et des dégâts matériels Vendredi 16 avril, à Gasenyi, commune Mutimbuzi, province Bujumbura, un effondre-

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ment de terre a entraîné six morts et deux blessés. Un incident qui s’est produit sur la rivière de Gasenyi qui faisait l’objet des travaux de canalisation en bas de la RN 1. C’est à quelques encablures du site où se construit le nouveau palais présidentiel. Samedi 28 avril, les eaux de la rivière Mutimbuzi ont débordé et envahi certains quartiers de la zone Buterere, commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura. Le quartier dit ‘’Miroir de la ville de Bujumbura’’ a été également touché. Bilan : 325 maisons ont été détruites et 2083 personnes se sont retrouvées sans abri. Dimanche 22 avril, à Carama, zone Kinama, commune Ntahangwa, des fortes pluies torrentielles ont fait 32 maisons détruites et six autres inondées. Mardi 11 décembre, à Kirungwe, dans le quartier Ruziba I, zone Kanyosha, au sud de Bujumbura, treize maisons ont été totalement détruites par des pluies, plusieurs autres ont été inondées. Il faut ajouter des ustensiles, des objets ménagers emportés par les eaux et des champs de maïs, de manioc et de haricot déracinés. Gatumba 2 avril, plus de 250 maisons ont été détruites et plus de 450 autres inondées, à Gatumba, commune Mutimbuzi. Plusieurs personnes ont été également blessées. Ces fortes pluies se sont abattues sur les neuf collines de cette zone. Rénovat Ndabashinze


SPORT

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Rétrospective 2018

2018, une année faste pour le sport burundais

Les Intamba Juniors déjà qualifiés pour la CAN 2019, leurs aînés à deux doigts d’arracher leur 1ère qualification pour une phase finale de cette compétition. Côté athlétisme, Jean de Dieu Butoyi, médaillé d’or lors des derniers JO de la Jeunesse, Francine, 2ème des derniers mondiaux de Londres, etc.

E

n plus de 5 ans, les Burundais n’ont jamais été aussi fiers de leurs sélections nationales. Après un passage à vide, les Intamba sont de retour au plus haut niveau. Le billet déjà en poche pour la CAN des moins de 20 ans, prévue en février au Niger, la sélection nationale Junior a un regard tourné vers cette échéance. Son objectif : aller le plus loin, si possible rééditer l’exploit de leurs aînés en 1995 au Nigeria. Ils s’étaient hissés en finale. « Au vu de la poule (elle est avec le Nigeria, le Niger et l’Afrique du Sud, NDLR) dans laquelle elle évoluera, ce sera une mission ardue, mais réalisable », opine nombre d’observateurs. Quant aux Intamba seniors, ils sont à deux doigts d’une qualification historique en phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Deuxièmes de la poule C

(9 points), un match nul à domicile en mars contre le Gabon suffirait aux protégés de Mutombola pour arracher cette 1ère qualification. Au regard de leur invincibilité depuis le début la campagne des éliminatoires, observent certains analystes, une mission quasi à leur portée. Une observation également partagée par nombre de tacticiens, dont Joslin Bipfubusa, le sélectionneur des juniors : « La balle est dans notre camps. Aux joueurs d’éviter de se mettre trop de pression et de jouer dégourdis comme ils l’ont fait, depuis le début de la campagne ». Egalement, une sacrée performance que veulent imiter la sélection nationale des moins de 23 ans. Victorieuse de la Tanzanie, elle croise le fer avec le Congo Brazzaville. En cas de victoire, elle ferait un grand pas vers la qualification

Les Intamba en passe de se qualifier pour leur 1ère CAN.

de la CAN U23 prévue en Egypte. Toutefois, ces bonnes performances contrastent avec la prestation des clubs burundais

en Coupes Africaines. Contrairement à l’année passée où Olympic Star était parvenue à dépasser le 1er tour, cette année,

ni Messager Ngozi en ligue des champions, ni Vital’o en Coupe de la Confédération n’ont été capables de dépasser le 1er tour.

L’athlétisme, le judo n’ont pas dérogé à la règle

T

oujours au rendez-vous, Francine Niyonsaba a encore une fois fait parler son expérience. Après une course magistrale, elle a décroché l’argent en 1’55’’92''', l’or revenant à la Sud-africaine Caster Semenya. Une bonne performance, non sans regrets, car, la semi-fondeuse burundaise a semblé, pour la toute 1ère fois, en mesure de battre sa rivale. Cette chance n’a pas échappé à Jean de Dieu Butoyi. Contre toute attente, la pépite, originaire de Mugamba, a décroché l’or sur 1500m, lors des jeux Olympiques de la Jeunesse, tenus en octobre à Buenos Aires(Argentine). « La consécration, après plus deux ans de travail acharné », a révélé Adrien, son coach. Trois jours

Jean de Dieu Butoyi, sacré au 1500m lors des JO de la Jeunesse

plutôt, Fleury Nihozeko, en judo, a arraché le bronze. Un sacre qui succède à l’or décro-

ché, en mai, lors des 10ème championnats d’Afrique des cadets /juniors tenus à Bujumbura.

Hormis le sacre de Fleury, lors de cette compétition, le Burundi s’est classé 1er par équipes. Une

Le volleyball, le handball, le basketball, leur renaissance…

A

près une année 2017 marquée par des querelles entre l’ACBAB et la FEBABU, suite en grande partie aux transferts de joueurs, un terrain d’entente a été trouvé. Une donne qui a permis à plusieurs équipes de se mettre en valeur, en tête desquelles Dynamo. Après une décennie sans trophée majeur, les verts et blancs ont retrouvé le sommet. Au passage, ils ont raflé la quasi-totalité des coupes en jeu, dont celle du président en décembre. A l’approche de la

célébration du cinquantenaire du club, un sacre qui a mis du baume au cœur à ses fans. Ce retour au sommet a plongé dans l’ombre les anciens cadors, en l’occurrence Urunani, New Star, etc. Aussi, faut-il rappeler la participation tardive de New Star au tournoi de la zone 5, alors champion national. La faute : un budget insuffisant. L’autre point positif est le retour au plus haut niveau du volleyball burundais. Grâce à une bonne organisation, divers

championnats ont repris. Des compétitions qui ont vu le club Amical Sportif de Bujumbura revenir sur le devant de la scène et confirmer la nette domination de Muzinga chez les filles. En course automobile avec le belgo-rwandais Giancarlo Davite s’est adjugé le Rally 2018 du Burundi. En cyclisme, cette année a eu lieu la 1ère édition du Tour du Burundi. Nous signalons également l’engouement pour le badminton qui renaît petit à petit.

Dynamo a retrouvé les sommets, après une décennie sans titre majeur

Hervé Mugisha

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grande performance qui a permis aux judokas burundais de grappiller quelques points au classement mondial. Le karaté est l’autre discipline qui a brillé au cours de l’année qui vient de s’écouler. Ragaillardis par leur participation aux mondiaux 2017 de Tenerife, où il s’est classé 11ème, Elvis Terimbere, sociétaire de Zanshin karaté Club, a ébloui, accédant jusqu’en finale dans les moins de 53 kg. A l’instar de Ramadhan, son coéquipier. Les tenniswomen et leurs homologues masculins burundais sont restés sur leur bonne lancée. Dans la catégorie junior, Sada Nahimana reste leader au classement africain. Abdulshakur et Aisha ont intégré le top 50 du classement continental.


CULTURE

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Retrospective 2018

Miss Burundi 2018: le fiasco

Retrait du comité d’organisation et des candidates finalistes, à quelques jours du concours, puis le report de l’évènement… L’édition 2018 de miss Burundi s’avéra un échec cuisant.

C

’est une nouvelle qui n’a pas manqué de faire le buzz sur les réseaux sociaux, en juillet dernier. « Burundi Events », la société initiatrice du concours, annonce, le 9 juillet, le report du concours miss Burundi, initialement prévue le 21 juillet. C’est dans la foulée du retrait des candidates à la finale et du comité d’organisation. Dans leur lettre de démission adressée au patron de « Burundi Events », les prétendantes au titre dénoncent des promesses jamais tenues, à seulement 15 jours de la grande finale. D’après elles, les prix des élues (terrain de 4 ares, comptes bancaires) annoncés publiquement n’étaient pas jusque-là disponibles. Le montant des comptes n’était toujours pas dévoilé. Elles ont déploré l’absence

de campagne médiatique et en ligne pour parler de leurs projets. Pourtant, « Burundi Events » en avait fait la promesse, depuis juin. Le site web de miss Burundi n’était même pas accessible, selon ces candidates. Le déclic pour claquer la porte : la démission de l’équipe organisatrice avec qui elles venaient de passer un bon moment. « Leur retrait nous a beaucoup touchées. Il nous a mises devant notre responsabilité en tant que candidates à une élection qui perd sa crédibilité. » Le patron de « Burundi Events », Amine El Kosseifi, a rétorqué que l’organisation faisait face à un sérieux problème de sponsors. 30% du budget requis était jusque-là disponible. Les candidates de miss Burundi 2018 en casting.

Une année riche en événements culturels Concerts aux couleurs régionales, Buja sans tabou, Artatouille, Rythme 90… De la musique au théâtre, en passant par la mode, l’art et l’humour, il y en avait pour tous les goûts.

L

ady Jay Dee de la Tanzanie en juin, Sauti Sol du Kenya en août, Yvan Buravan du Rwanda en août également et plusieurs comédiens de la région… Cet été, dans la capitale, verra des concerts aux couleurs régionales.

Buja sans tabou Le 12 avril 2018, le bar Chez Gérard, près de la cathédrale Regina Mundi, a accueilli le lancement de la 3è édition du festival « Buja Sans Tabou ». Sous une ambiance mêlant chaleur de bar et calme d’une salle de théâtre, cette 3è édition était une expérience théâtrale unique, dans un décor inhabituel pour les amateurs de théâtre au Burundi. Deux pièces étaient à l’affiche. Umugore n’Umugabo de Laura Sheilla Inangoma, qui s’inspire de la célèbre pièce Les monologues du vagin, aborde la thématique du tabou autour du corps de la femme. La pièce Les Sans d’Ali K. Ouédraogo évoque un échange entre deux amis de longue date sur le bien-fondé ou non de la démocratie et des indépendances en Afrique.

Artatouille

Rythme 90

Un mélange de plusieurs arts différents, une idée originale organisée en août. Théâtre, danse, slam, défilé de mode, musique, humour et peinture se sont côtoyés pour ne faire qu’un spectacle. Artatouille rendait également hommage à miss Burundi 2017 pour son travail auprès des jeunes talents dans le domaine de la culture au Burundi. Elle s’est vu offrir un tableau peint pendant le spectacle par la dessinatrice Divine Nduwimana.

Ce grand évènement mêlant art et musique des années 1990 a été organisé par l’artiste Divine Nduwimana pour rendre hommage aux artistes des années 90. C’est au rythme des chansons des années 90 qu’elle a exposé les portraits des musiciens Khadja Nin, Christophe Matata, Rose Twagirayezu, Africa Nova, etc. Des portraits au stylo qui ont suscité l’admiration du public.

Celebrity Night

Kigingi Summer Comedy

Histoire de marquer le début d’été et en hommage au célèbre chanteur ougandais Mowzey Radio, « Celebrity Night » a drainé un grand public en plein milieu du Boulevard de l’Uprona, le 14 juillet. Une première expérience d’ambiance de rue à Bujumbura. Sur scène, des chanteurs burundais et ougandais pour offrir un beau spectacle au public et rendre un bel hommage à Radio qui fut une des pointures de la musique dans la sousrégion.

Bujumbura verra la 3è édition du plus grand rendezvous de l’humour burundais, le 11 août. Kigingi, l’humoriste incontournable du pays, a opté pour une édition aux allures régionales. Il a fait venir des humoristes régionaux pour une expérience humoristique des plus délirantes.Bujumbura n’a pas été la seule à profiter de ce festival. Il s’est déplacé à Gitega (21 juillet) et à Ngozi (28 juillet). Clarisse Shaka

Divine en train de dessiner dans « Rythme 90 ».

Sauti Sol sur scène à Bujumbura

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PUBLIREPORTAGE

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Commune Matongo

FIDA/ La promotion du maïs hybride : un modèle à suivre Le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage a organisé une journée d’échange d’expérience sur la promotion du maïs hybride, le lundi 24 décembre 2018, en commune Matongo, province Kayanza. Les agriculteurs s’en réjouissent et plaident pour son extension dans les collines.

L

e marais d’Inamvumvu, une des zones d’intervention du Programme de développement des filières (PRODEFI), un des programmes financés par le FIDA était à l’honneur le lundi, 24 décembre. Etaient présents, Déo Guide Rurema, les gouverneurs des provinces ou leurs représentants, les différents coordonnateurs des différents partenaires techniques et financiers, les administrateurs des communes Kayanza et Ngozi, les cadres en charge de la vulgarisation et d’encadrement de la population, les habitants de la commune Matongo. Objectif : échange d’expérience sur un modèle de production du maïs hybride en vue de son extension à grande échelle dès la saison 2019. Une visite guidée, dans les champs de maïs, précède les festivités. Jean Paul Bitoga, coordonnateur du PRODEFI, prend le devant et explique à ses hôtes les différentes variétés et les techniques utilisées dans la culture. Dans son discours, Jean Paul Bitoga, coordonnateur du PRODEFI, est revenu sur la genèse du projet. En effet, explique-t-il, le ministre de l’Environnement, de l’agriculture et de l’élevage a demandé aux coordonnateurs des projets et des directeurs généraux de voir comment promouvoir la culture du maïs. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le PRODEFI a pu cultiver 1500 hectares

de maïs hybride dans 7 provinces d’intervention. Le semis a démarré au mois de juillet. Et d’annoncer par ordre de mérite le classement des provinces. Le premier étant le marais d’Inamvumvu, commune Matongo, province Kayanza avec 76 hectares pour 1728 bénéficiaires. Le second étant le marais de Rugoyi en province Ngozi. Le marais de Kabambo-Rubira en province Bubanza occupe la troisième place. La quatrième revient à celui de Gashayura en province Karusi. Il précise que la production est due aux efforts des habitants de la commune Matongo qui se sont groupés en association.

Les facteurs qui ont influencé la production « Le travail en synergie est l’un des facteurs qui ont influencé la réussite du projet », indique M. Bitoga. Et de remercier l’administration provinciale et communale pour les campagnes de sensibilisation qu’elle a menées à l’endroit de la population. Bref, le travail en synergie est la clé, le secret de la réussite. Par ailleurs, poursuit-il, distribuer les semences, la fumure, les insecticides à temps aux agriéleveurs est aussi un facteur qui a contribué dans la réussite. En outre, ajoute-t-il, cultiver, sarcler en même temps sans retard est un autre facteur. Enfin le suivi

Déo Guide Rurema, en compagnie des gouverneurs et les chefs des services agricoles, en train de visiter les champs de maïs dans le marais d’Inamvumvu

et le monitoring de toutes les étapes de production, par tous les intervenants, ont également influencé la production. Déo Guide Rurema, ministre de l’Environnement, de l’agriculture et de l’élevage n’a pas caché sa satisfaction. Il se réjouit de la bonne récolte qui s’observe partout dans le pays. « C’est grâce aux efforts fournis par l’administration, la population et les responsables agricoles ». Il a fait savoir d’où est venue l’idée d’augmenter la production. Dès mon arrivée au ministère, tient-il à rappeler, il y avait beaucoup de projets bien élaborés mais qui dormaient dans les tiroirs. Ils n’étaient pas vulgarisés dans la population. Dès lors, il a fallu mettre en œuvre ces projets. A cet effet, explique-t-il, dès le mois d’octobre, nous avons effectué une visite dans les champs du président de la République pour nous ressourcer. Notre objectif étant l’augmentation de la production par la vulgarisation des semences. Et ceci en cultivant

des cultures adaptées à chaque région. Au terme de la visite, poursuitil, nous avons organisé la population de Kayanza en coopératives, une synergie d’encadrement entre l’administration locale et les services techniques du ministère. Les agriculteurs de ce marais ont été encadrés. D’où la production est satisfaisante.

Des engagements sont pris M. Rurema exhorte les différents coordonnateurs des différents partenaires techniques et financiers à augmenter la production. « Chaque coordonnateur, dans sa zone d’intervention, doit prévoir au moins 500 hectares ». Pour lui, il y aura une superficie proche de 3000 et 5000 hectares dans tout le pays dès la saison culturale prochaine. Dans le passé, fait-il observer, la production était estimée entre 800 et 1000 tonnes. Il espère qu’avec les semences hybrides, il y aura à peu près 10000 tonnes par hectares de

production. « Nous effectuerons des visites régulières pour vérifier la mise en application de cet engagement ». Il compte rendre disponibles la fumure, les semences pour lutter efficacement contre la faim. L’autorité gouvernementale promet également de mettre en place des unités de transformation mais aussi organiser des circuits commerciaux pour encourager la population. « La population s’est débrouillée avec l’irrigation en utilisant des instruments rudimentaires très traditionnels », constate-t-il. Pour cela, instruit-il, les coordonnateurs des différents techniques et financiers doivent procurer à la population les outils modernes comme les pompes d’irrigation, les arrosoirs et les sceaux pour faciliter le travail aux agriculteurs. En outre, le ministre de l’Environnement, de l’agriculture et de l’élevage, précise qu’il va transférer ce modèle d’exploitation des marais vers les collines. Il conseille à la population de tracer des courbes de niveau pour protéger les sols. Et d’annoncer que les agriculteurs auront des crédits agricoles sur un taux de 5% à partir de 2019 grâce au projet PAIFAR-B, un projet financé par le FIDA.

Les bénéficiaires se réjouissent Géneviève Icoyitungiye, possédant une parcelle dans le marais d’Inamvumvu, indique que sa production va tripler. Même satisfécit du côté de Térence Minani. Il révèle qu’il aura une bonne récolte. Les deux agriculteurs plaident pour l’extension de la culture du maïs hybride dans les collines. Pour eux, cela permettra d’augmenter la production et partant de lutter contre la faim devenue chronique.

Les champs de maïs dans le marais d’Inamvumvu

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AU CŒUR DU PAYS

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Région Sud

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Rumonge

Plus de cents personnes atteintes de choléra 111 individus sont déjà accueillis dans le centre de traitement de choléra depuis le 22 décembre 2018. Une personne en est déjà morte, une vingtaine de malades sont hospitalisés. De notre correspondant Félix Nzorubonanya

L

a commune de Rumonge est frappée par la maladie des mains sales pour la énième fois. Une épidémie de choléra sévit dans cette commune, selon le Dr Emile Nkurunziza, chef de district sanitaire de Rumonge.Il précise que jusqu’au matin de ce jeudi 3 janvier, 111 personnes atteintes de choléra ont été accueillies dans le centre de traitement de choléra et il déplore un cas de décès. Les zones de Gatete, Kizuka, Minago et Kigwena de la commune de Rumonge ainsi que la colline de Bisaka en commune de Burambi sont les plus touchées. D’après lui, de nouveaux cas continuent à arriver dans ce centre. Mais globalement la situation est maîtrisée car seulement

Région Nord

20 personnes restent en hospitalisation et pourront regagner leurs domiciles. Il indique que les malades sont placés dans un centre conçu pour traiter les malades du choléra. Les médicaments sont disponibles et une équipe d’infirmiers suivent de près les malades. Il précise qu’une équipe de l’Ong Médecins sans frontières est en train d’appuyer le district sanitaire afin de faire face à cette épidémie.

Des mesures pour faire face à la maladie Le manque d’hygiène et d’assainissement dans certaines localités, les catastrophes naturelles dont les récentes inondations qui ont détruit les latrines dans la ville de Rumonge seraient à la base de cette épidémie. Il s’est tenu ce mercredi 2 janvier une réunion avec les autori-

Des malades du choléra placés en quarantaine au centre de traitement de Rumonge

tés administratives pour arrêter des stratégies et des mesures à prendre au niveau des communautés en vue de faire face à cette épidémie. Notamment l’amélioration de l’hygiène et l’assainissement sur les différentes collines et quartiers dont le contrôle des latrines dans chaque ménage, l’interdiction de ventes des produits qui se vendent et se consomment crus, la sensibili-

sation de la population à boire l’eau propre et surtout à ne pas se serrer les mains. Angelo Bazombanza qui représente l’Ong locale Parcem en province demande que la plateforme provinciale de gestion des risques et catastrophes soit redynamisée et dotée des moyens pour faire face aux catastrophes et aux épidémies. Il indique que la principale cause

de cette épidémie de choléra serait liée aux catastrophes qui secouent souvent la province de Rumonge et que leur gestion devient difficile car la plateforme n’est pas dotée de moyens . Rappelons que l’épidémie de choléra s’est manifestée pour la première fois au Burundi en 1978 et cette maladie avait fait une vingtaine de victimes.

Ngozi

La famille Canjo réclame le droit d’auteur Depuis la mort de Canjo Amisi, ses chansons n’ont cessé d’être balancées. Sa famille, qui est convaincue que ces dernières génèrent de l’argent pour des particuliers, réclame la mise en application du droit d’auteur pour en profiter, elle aussi. De notre correspondant Apollinaire Nkurunziza

S

a mère Hasina Bizimana, une nonagénaire, habite le quartier Swahili à trente mètres de la mosquée. Habitant seule une maison en brique adobe, elle parle peu et lentement. Elle dit provenir de loin, pas originaire du Burundi. Mais son fils Ramadhan Sekirima dira qu’elle est de Rukago en province Kayanza. « Elle ne se souvient plus de beaucoup de choses. Son âge est très avancé. 93 ans. Quand on donne un billet de dix mille francs, elle vous dit que c’est cent francs »,

raconte son fils Ramadhan. Cette maman affirme n’avoir pas longtemps vécu avec son fils Canjo Amisi. « Il a vécu avec son père depuis l’âge de deux ans. Chez moi, il passait de temps en temps pour me saluer», précise-t-elle avant de se refuser tout autre commentaire. En se retirant vers l’arrière façade de la maison, elle indique avoir été au chevet de son fils à l’hôpital de Kiremba où il est mort en 1996. Selon son frère Ramadhan, le jeune licencié en français et professeur à l’ENE Ngagara est monté au Nord du pays fuyant pour sa sécurité suite à sa chanson « Genda Amahoro » en l’honneur du président Melchior Ndadaye.

Des œuvres qui ne profitent pas aux ayants-droit Malgré sa mort, ses chansons sont restées immortelles. Elles sont balancées ici et là avec le même goût et saveur agréable. Cependant, sa famille se plaint de ne pas en profiter. Ramadhan déplore que des concerts soient souvent organisés sous le nom de son frère mais que personne ne retourne poser un geste à sa famille. En outre, le fait que les

La maison où vit la mère de feu Canjo Amissi

chansons de Canjo ouvrent ou ferment la TV nationale, librement et gratuitement, ne plaît pas les entrailles vides qui l’ont porté. Nonobstant, la famille reconnaît et remercie les chanteurs qui ont pu lui rendre visite et poser un geste envers la maman, cette année qui vient de s’écouler, 2018. La gratitude est éprouvée entre autres Cédric Bangi et Natacha. Très récemment, à la veille du nouvel an 2019, des

membres de la fondation FEMI DE JABAT sont venus leur souhaiter meilleurs vœux. Pour le frère cadet de Canjo, la famille de celui qui est renommé avoir dirigé l’orchestre « Amabano » du pays et dont les chansons sont toujours en vogue ne devrait pas croupir dans la misère où sa mère peine à manger et ses petits-enfants à se payer la scolarité. Il demande au chef de l’Etat qui, par ailleurs l’a côtoyé, d’intervenir en faveur des siens.

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Avec la fondation FEMI DE JABAT, des textes réglementaires sont en cours de préparation pour que ses chansons ne soient plus utilisées gratuitement. La famille souhaite plutôt qu’un certain pourcentage revienne pour la soutenir. Ramadhan qui se rappelle son grand frère par les chansons comme « Ewe Burundi reka ndakuririmbe et Umugabo nyamugabo » espère que tôt ou tard les œuvres de Canjo profiteront à sa propre famille.


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Région Centre

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Gitega

« Ikirimba » : une épargne à deux facettes Dans les quartiers de Gitega, les femmes au foyer se mettent en groupe de 10 à 20 membres et cotisent chaque jour pour l’une d’entre elles un montant convenu. Pour elles, c’est plus qu’une banque. Mais pour les hommes, la crainte de voir les chaises, les postes téléviseurs ou les matelas saisis par les groupes de leurs épouses est toujours présente. De notre correspondant Jean-Noël Manirakiza

E

velyne, une vendeuse de tomates dans le quartier Yoba souligne que ‘’ ikirimba’’ (tontine) est très répandu et permet aux femmes qui se trouvent face à un besoin d’argent d’avoir une solution alternative en dehors des membres de la famille et du système bancaire (faute de pouvoir prouver leur solvabilité). « Je ne gagne pas beaucoup d’argent mais à mon tour de versement, je peux m’acheter des petites choses dont j’ai besoin. Remplacer une casserole cassée, acheter une culotte ou un cahier pour mon enfant ne me tracasse plus comme avant », précise-t-elle. Actuellement dans les quartiers populaires où la plupart des habitants ont un petit revenu ou irré-

gulier, il est rare de trouver une femme qui n’est pas membre d’un groupe ou deux groupes d’ « ikirimba. » Les participantes s’engagent à verser une somme prédéterminée à une fréquence donnée. Pour chaque tour de versement, une des participantes est bénéficiaire des fonds collectés par les autres membres. « Il n’y a pas de bénéfice en tant que tel, mais une femme comme moi qui n’a pas de travail exaspère son mari à lui demander chaque matin et soir de lui acheter telle ou telle chose. Avec l’argent d’ikirimba, mon mari se charge seulement des dépenses sérieuses comme la ration ou le loyer », explique Génèrose du quartier Karera. Pour ces dames, elles se sont trouvées un moyen d’épargner les 2 000 Fbu ou 1 000 Fbu qui restent sur la ration « J’avais une petite caisse en bois dans laquelle je mettais quoti-

diennement quelques monnaies mais j’étais toujours tentée de la démolir pour en retirer quelques billets et à la fin du mois je constatais que c’est rien comme épargne », plaisante Sylvie. Elle indique en outre que la condition essentielle pour le succès de cette épargne informelle réside dans l’existence d’un lien de confiance très fort entre ses collègues. « On se choisit entre proches, voisines, familles. Il est rare que nous intégrions un membre qu’on ne connaît pas bien de peur qu’il ne disparaisse une fois l’argent empoché et rompt la chaîne de paiement. »

Un couteau à double tranchants D’après plusieurs membres, pour la première bénéficiaire, « ikirimba » s’apparente à un crédit sans intérêts. Pour la dernière participante, c’est une épargne forcée. Il arrive qu’un membre gaspille tout l’argent reçu et ne cotise pas régulièrement. Ce qui cause pas mal de remous dans le groupe et dans le ménage. « Si une bénéficiaire rompt la chaîne et ne paye pas les autres membres, nous saisissons quelques effets dans son ménage. Ce qui

Des femmes vendeuses, membres de plusieurs groupes d’ « ikirimba »

cause souvent des conflits avec son mari car ce n’est pas toujours que la femme informe son époux de l’utilisation de cet argent reçu », souligne Aïsha du quartier Nyamugari. Diomède l’a expérimenté à sa manière qui a par la suite interdit à sa femme de ne plus participer dans aucun groupe d’ « ikirimba » à son insu. Il y a deux mois, Il a trouvé sa maison vide. Un groupe de femmes est venue prendre les chaises, les coussins et même le matelas. « Je ne savais pas que ma femme avait reçu leur argent et qu’elle n’avait pas remboursé. Heureusement que j’ai vite réagi et récupéré mes affaires avec l’aide de

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la police !» Même son de cloche chez Pascal, qui a failli divorcer à cause de 200 mille Fbu que sa femme n’avait payés. « Le premier jour, je les ai refoulées de ma maison, mais elles sont retournées quand j’étais au travail et elles ont pris un poste de radio que j’ai acheté 500mille Fbu à Dubaï. J’étais très en colère jusqu’à renvoyer ma femme chez elle pour une période de 3 semaines. Il faut une réglementation officielle de ces épargnes », souhaite-t-il. Selon les officiers de la police judiciaire à Gitega, cette manière de se rembourser est punie par la loi. Ils font savoir que c’est une extorsion et aussi la violation du domicile.


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AU CŒUR DU PAYS

BAC

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