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MATIÈRE ACTIVE
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« Lesventssont porteurs dansnotre domaine»
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Le groupe Novasep vient de se séparer de son portefeuille d’activités dans le domaine des biotechs pour mieux se consacrer à ses activités de CDMO pour la production de principes actifs pharmaceutiques. Explication de cette stratégie par Michel Spagnol, président de Novasep.
Propos recueillis par Sylvie Latieule
InfoChimie magazine : Novasep a récemment fait l’annonce de la vente de deux activités relevant de la production et de la caractérisation de molécules biologiques pharmaceutiques. Pourquoi ce choix?
Michel Spagnol : Pour comprendre notre stratégie, il faut se replonger dans l’histoire du groupe Novasep. J’en ai pris la direction générale en 2013, à l’arrivée de nouveaux actionnaires, alors que le groupe était dans une situation financière très difficile. J’ai notamment été recruté pour mettre en œuvre une feuille de route de restructuration, avec au programme la vente de nos activités belges. À cette époque, cette activité centrée sur la fermentation et la culture cellulaire réalisait un chiffre d’affaires de seulement 10 millions d’euros avec une équipe de 30 personnes. Après analyse, nous avons décidé de lui donner une seconde chance en développant une offre différenciée autour de la production de vecteurs viraux et nous avons investi un total de 50 millions d’euros. Ceci a représenté un effort d’investissement important à l’échelle de notre groupe.
Votre stratégie de développement dans les biotechs était assez unique, comparée à celles de vos principaux concurrents…
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Michel Spagnol, président de Novasep. M.S. : Il est vrai que le pari était risqué et audacieux. À l’époque, peu de monde croyait dans cette stratégie, notamment du côté des financeurs. J’aurais bien voulu mener ces développements en France, mais je n’ai trouvé aucune banque pour nous aider. En revanche, j’ai trouvé un réel soutien auprès de BNP Fortis, en Belgique. Plus propice à l’investissement, la région wallonne est d’ailleurs devenue un hub extraordinaire dans le domaine des biotechs. En tout état de cause, nous avons pris la bonne décision en faisant ce choix d’investir dans les vecteurs viraux. Nous avons fait de nos actifs belges une pépite.
Alors, pourquoi vendre cette pépite?
M.S. : Malgré tous nos efforts, le groupe est resté extrêmement endetté pendant toutes ces années, ce qui pesait sur nos capacités de développement. En cédant nos unités de production en Belgique à ThermoFisher Scientific, ainsi que nos équipements de laboratoire à Sartorius Stedim Biotech, nous allons pouvoir rembourser la totalité de notre dette et redéployer nos efforts dans le domaine des petites molécules. Nous considérons que nous avons
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fait un coup de maître avec cette opération en obtenant une valorisation extrêmement importante de nos activités biotech. Nous n’avons pas de regrets. C’était une très belle opportunité pour tous. Pour continuer à maintenir notre niveau d’expertise dans ce domaine de la biotech, il aurait fallu pouvoir investir des montants considérables, à l’échelle de centaines de millions d’euros, comme peuvent le faire des leaders du domaine tels que Lonza ou Catalent. Il aurait sans doute été très difficile de trouver des soutiens financiers aussi importants sur le territoire français. En parallèle, le groupe Novasep a toujours continué à s’intéresser aux petites molécules. Aujourd’hui, on constate que les laboratoires pharmaceutiques se redéploient sur ces petites molécules en médecine de spécialités, en particulier en oncologie, avec les molécules high potent. Très tôt, dans nos usines du Mans et de Chasse-sur-Rhône, nous avons anticipé la tendance et développé des capacités dans ce domaine. Désormais, nous allons pouvoir permettre à nos sites de se développer encore davantage. Aussi, nous considérons que notre vision stratégique a payé.
Quel est aujourd’hui le périmètre du nouveau Novasep ?
M.S. : Novasep est désormais un groupe de 350 M€ de chiffre d’affaires. Il s’appuie sur sept sites de production : cinq sites en France, un en Allemagne et un en Chine. Notre entreprise a connu un vrai retournement de tendance en 2020, avec un niveau d’activité

qui a décollé. Nous sommes déjà en ligne avec notre plan stratégique prévu pour 2022 ! Nous voulions doubler notre Ebitda sur la période 2013-2022. C’est chose faite, puisque nous avons atteint ce doublement à fin 2020. Nous réalisons l’essentiel de notre chiffre d’affaires à travers nos activités de CDMO de petites molécules. Nous conservons par ailleurs une activité historique dans la séparation industrielle par exemple, dans la purification du sucre ou d’autres matières végétales. Notre marché est celui des sciences de la vie. Néanmoins, nous avons entrepris un vrai virage vers la pharmacie. En 2013, la répartition de nos activités pharma/hors pharma était de 50/50. Aujourd’hui, nous réalisons plus de 85 % de notre chiffre d’affaires dans le domaine pharmaceutique. Enfin, nous utilisons systématiquement la technologie pour nous différencier, ce qui nous distingue de nos concurrents. À ce titre, nous ne visons pas le marché des génériques. Notre cœur de métier se situe dans le développement de nouvelles molécules.
Atelier de purification, à Chasse-sur-Rhône (38).
Pensez-vous avoir atteint une taille critique suffisante?
M.S. : Les vents sont porteurs dans notre domaine de la chimie fine pharmaceutique, car la crise du Covid-19 va apporter de la relocalisation et de la réindustrialisation en Europe et en France. Il y a beaucoup de soutiens financiers de la part du gouvernement autour de nos activités. Ce que nous sommes en train de vivre en Europe, les ÉtatsUnis le vivent aussi avec beaucoup d’argent injecté dans les CDMO pour les aider à se développer. Nous pensons que tout cela va déboucher sur des mouvements de consolidation. Déjà, pour nous, les acteurs européens, ne pas avoir de capacités de production aux ÉtatsUnis est un sujet de réflexion que nous devrons tous avoir.
Cela signifie-t-il que vous avez des projets d’acquisitions?
M.S. : Nous venons tout juste de sortir de deux désinvestissements. Nous avons besoin de nous poser et de réfléchir pour écrire une nouvelle page de notre histoire. Néanmoins, nous avons déjà des idées assez claires quant aux domaines où il nous faudra investir : ce sera dans des CDMO, maîtrisant des technologies différenciées, sur des métiers de niche à forte valeur ajoutée.
Novasep en bref
• Création : 2014 • 350 millions d’euros de chiffre d’affaires • 85 % de chiffre d’affaires dans la pharmacie • 1 200 collaborateurs • 7 sites de production : - France : Chasse-sur-Rhône, Le Mans,
Mourenx, Pompey, Saint-Maurice de Beynost - Allemagne : Leverkusen - Chine : Shanghai
DEUX CESSIONS POUR TOURNER LA PAGE DE LA BIOTECH
À la mi-janvier, Novasep a créé la surprise en annonçant la cession de sa filiale belge Henogen, spécialisée dans la production de vecteurs viraux, à l’Américain ThermoFisher Scientific. Le montant de la transaction est fixé à environ 725 millions d’euros. L’activité comprend deux sites de production à Gosselies et à Seneffe qui ont réalisé, l’an passé, 80 millions d’euros de chiffre d’affaires avec un effectif de 400 personnes. En juin 2020, le site de Seneffe avait été sélectionné par AstraZeneca pour faire partie des sites de production de son vaccin contre le Covid-19; un contrat qui reste d’actualité malgré la vente. La semaine précédant cette annonce, ce sont les activités de chromatographie pour la biotech de Novasep, employant une centaine de collaborateurs répartis sur plusieurs sites, dont celui de Pompey, qui avaient été cédées. Cette activité, positionnée sur un marché très compétitif pour lequel Novasep n’avait pas atteint la taille critique, a trouvé repreneur avec la division Sartorius Stedim Biotech du groupe allemand Sartorius.
Et que pensez-vous des débats sur la relocalisation de la production d’intermédiaires et de principes actifs?
M.S. : Il ne doit pas y avoir de relocalisation sans une concertation européenne. Si chaque pays fait de la relocalisation de son côté, en construisant de nouvelles unités, nous risquons de nous retrouver dans la même situation de surcapacité qu’il y a vingt ans. D’ailleurs, avant même de recréer des lignes de production complètes, mieux vaut penser à flexibiliser ses assets. Cela consiste à réaliser de petits investissements «intelligents » pour augmenter la capacité des lignes sans engager de montants faramineux. Ensuite, il faudra bien identifier les médicaments qui ont été mis sous tension et recréer des chaînes d’approvisionnement pour sortir de cette situation. Néanmoins, il est illusoire de penser que l’on va rappatrier en Europe des intermédiaires qui sont produits à bas coût ailleurs, sauf à introduire des technologies plus intelligentes d’intensification ou des microtechnologies. On pourrait aussi mettre en place de la mutualisation d’achats de matières premières pour justifier une réinternalisation de ces produits en Europe. Même si nous produisons quelques intermédiaires de synthèse, Novasep restera centré sur la production des API. •