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NATURALITÉ

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GlobalBioenergiesvalancer sa propre marque de maquillage

Pour donner crédit à un nouveau produit, l’isododécane biosourcé dérivé de sa molécule plateforme, l’isobutène, Global Bioenergies lance le pari de créer une marque de produits de maquillage longue tenue qui utilisaient jusqu’ici cette molécule en version fossile.

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Par Sylvie Latieule carbones contenus dans la molécule sont d’origine naturelle et que les étapes de transformation permettant de passer de l’isobutène à l’isododécane – addition de trois molécules d’isobutène et étape finale d’hydrogénation – sont toutes réalisées selon les principes de la chimie verte.

Inspirée par la stratégie de la société américaine Amyris qui a lancé, en 2016, la marque Biossance pour promouvoir les dérivés de son farnésène, Global Bioenergies veut créer sa propre marque de maquillage. Par ce biais, la société de biotechnologie industrielle française veut réaliser elle-même sa preuve de concept commerciale. « Nous projetons d’apporter notre innovation aux consommateurs au moyen d’une nouvelle marque. Pour mener à bien cet ambitieux projet, nous avons créé unecellule ad hocinspirée par Romain Desfresnes, un « beauty entrepreneur » reconnu, qui réunit autour de lui des experts dans chacun des métiers de la cosmétique », explique Marc Delcourt, p-dg de Global Bioenergies. Au cœur de cette stratégie, il y a une molécule particulière : l’isododécane. La société est parvenue à en proposer une versionà 100 % biosourcée par associationdetrois moléculesd’isobutène biosourcé, qui est la molécule plateforme sur laquelle elle a basé son développement, depuis sa création en 2008. Or l’isododécane est un ingrédient clé du marché de la cosmétique. Il est utilisé pour ses propriétés émollientes dans de très nombreux produits de soin de la peau ou de traitement capillaire. MaisGlobalBioenergies s’intéresse davantage àsaprésence, en grande proportion, dans tous les produits

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de maquillage longue tenue, par exemple dans des rouges à lèvres, des fards à paupières ou des mascaras. Il peut représenter jusqu’à 50 % en volume des formules de ces produits. « L’isododécane est l’une des très grandes molécules de la cosmétique. En produisant de l’isododécane renouvelable qualité cosmétique, nous faisons franchir au domaine de la beauté une étape importante dans sa quête de naturalité. Le maquillage longue tenue pourra maintenant atteindre un niveaudenaturalité très important, supérieur à 90 %, sans aucun compromis sur les performances », selon Marc Delcourt. Sa société vient tout juste de libérer son premier lot commercial d’isododécane renouvelable de qualité cosmétique, dans le respect de la norme ISO 16128. Cela signifie que les douze

Marc Delcourt, p-dg de Global Bioenergies, met le cap sur la cosmétique.

Produire 300000 unités de maquillage

Ce premier lot a mobilisé le démonstrateur de production d’isobutène de Global Bioenergies, basé à Leuna, près de Leipzig en Allemagne, et trois sociétés « faisant partie du tissu de chimie de spécialités f rançais ». Il devrait permettre de produire environ 300 000 unités de maquillage sous la future marque de Global Bioenergies. Et c’est une avancée majeure pour ce domaine qui est toujoursenquête de plus de naturalité. Jusqu’à présent, l’isododécaneproposé sur le marché n’était produit qu’à partir de ressources fossiles. Néanmoins, qui dit nouvelle matière première et nouveau procédé de production dit aussi nouvelles impuretés, même si elles ne sont qu’à l’échelle du PPM. Le profil d’impureté de cet isododécane d’origine naturelle a été scruté lors d’une vaste étude de toxicologie menée par la société en 2020, qui s’est conclue par la validation de cette matière première pour l’utilisation chez l’homme. En lançant sa propre marque, Global Bioenergies pourra apporter la preuve de l’efficacité, de la durabilité et du bien-fondé de son isododécane biosourcé. Si les communications de la société sur le domaine de la cosmétique se sontintensifiées,ces derniers mois, cela fait plusieurs années qu’elle

L’isododécane permet de fabriquer du maquillage longue tenue.

travaille sur le sujet. Une collaboration avec L’Oréal, financée par l’État français via l’Ademe, avait débuté en 2016. Depuis, L’Oréal est devenu le premier actionnaire de Global Bioenergies, avec une participation actuelle de 15 % dans le capital. Le groupe est aux premières loges pour bénéficier des avancées de Global Bioenergies, mais ne dispose pas d’une exclusivité sur les capacités d’isododécane. Par ailleurs, Global Bioenergies a monté, dès 2019, dans ses locaux du Genopole d’Évry, son propre laboratoire de formulation cosmétique. Cette cellule a d’ores et déjà mis au point des prototypes de produits de maquillage. La production industrielle sera ensuite

L’isododécane combine trois molécules d’isobutène

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confiée à des sous-traitants français spécialisés dans ce type de fabrications.

Une nouvelle stratégie d’industrialisation

Qu’on ne s’y trompe pas, malgré cette incursion en aval dans la chaîne de valeur, Global Bioenergies reste une société de biotechnologie industrielle qui a vocation à produire de l’isobutène biosourcé età luitrouver de nouveaux débouchés. Le domaine de la cosmétique, qui doit se verdir encore davantage, regorged’opportunités. Selon Marc Delcourt, on dénombre une vingtaine de dérivés de l’isobutène dans le top 500 des molécules cosmétiques. Il ajoute :« Nous ne comptons pas nous arrêter à l’isododécane. Les perspectives se chiffrent en dizaines de milliers de tonnes au niveau mondial pour l’arbre-produits des dérivés de notre isobutène ». Pour autant, la perspective de pouvoir se positionner, un jour, sur le marché des carburants ne l’a pas quitté. « Global Bioenergies se destinait, à l’origine, à la production de biocarburants. Mais aujourd’hui, il faut bien reconnaître que l’équation économique reste difficile et que le temps des biocarburants innovants n’est pas encore venu. Mais il viendra bientôt, et nous serons prêts », confie Marc Delcourt. Sa société continue de s’intéresser aux carburants aéronautiques(ou carburéacteurs) par le biais de deux projets collaboratifs, visant en particulier à démontrer la production de biocarburant aéronautique à partir de différentes matières premières. Le projet Isoprod, cofinancé par l’État françaisautraversdu« Programme Investissements d’Avenir», repose sur l’utilisation de sucres non extractibles (résidus betteraviers). Les projets Optisochem et Rewofuel reposent respectivement sur l’utilisationdesucresdepailleetde bois. Ces deux projets ont reçu des fonds importants d’Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne. Pour mener à bien ses projets, Global Bioenergies opère donc, depuis 2017, une unité de démonstration à Leuna. Cette unité permet la production d’isobutène à l’échelle de la tonne. L’idée de construire une unité de très grande taille, comme cela avait été imaginé avec le groupe sucrier Cristal Union dès 2015, pour servir majoritairement un marché des biocarburants, et minoritairement celui des cosmétiques, est en révision. Une approche plus progressive, avec la construction, dans un premier temps, d’une usine plus petite servant uniquement le marché de la cosmétique, est à l’étude. « On va passer d’une production en tonnes à une production en dizaines de tonnes puis en centaines de tonnes… pour fournir le secteur, avec des volumes croissants et des pri x décroissants », ajoute Marc Delcourt. Cette nouvelle vision de l’industrialisation de la production d’isobutène sera l’un des sujets principaux qui seront justement abordés en 2021. •

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