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ibilka

le magazine

NUMÉRO 16 - 2017 UDA/ÉTÉ

Zumaia

Au-delà du charmant port de pêche, c'est l'ensemble de cette partie du littoral du Gipuzkoa qui mérite l'attention. Il invite à un voyage de plus de 60 millions d'années.

Lesaka

En Navarre, Lesaka vaut vraiment le détour pour découvrir ses canaux et les secrets qu'elle recèle. Nous l'avons fait en compagnie de Juan Carlos Pikabea Zubiri, l'artiste peintre originaire de la ville.

Tour de France

Il y a 58 ans, le 3 juillet 1959, Marcel Quéheille l'enfant de Sauguis, prend le départ de l'étape qui mène les coureurs de Bordeaux jusqu'à Bayonne, bien convaincu que ce jour-là sera son jour de gloire. Il se souvient…

Drôle d'endroit

Il n'a de château que le nom, on ne le distingue qu'au dernier moment, Latsaga reste une énigme.


t e x t e Txomin Laxalt / photographie Cédric Pasquini

Les

Mugarriak,

bornes , comment les dépasser

nola gainditu

Atlantikotik Mediterraneoraino, Pirinioak josiz, badira 602 mugarri, bata kilometro guziez. Pirinioetarrek, Historian zehar, ez zituzten inoiz kontutan hartu. borne, notre mugarri (muga, limite et harri pierre) car On en compte 602 entre Atlantique et Méditerranée, continu et plein, il exprime un refus de coexistence, une soit à peu près une tous les kilomètres. La n° 1, difficile fin de non-recevoir. d’accès, se situe au niveau de Biriatu, la n° 602 se niche en Pays basque on a utilisé la borne pour diverses au creux de la Cova Foradada, une grotte marine tapie formes de délimitation. Les cels, espilak en euskara, près de Port Bou (Catalogne). Fichées depuis 1856, date ces immenses enclos circulaires de pierres sèches dont du traité de Bayonne qui fixa définitivement la frontière on peut croiser de splendides exemplaires à elhorta, entre l’espagne et la France, les bornes pyrénéennes au pied de l’Hauskoa (Basse Navarre), étaient tradisont la conséquence de querelles régaliennes, faisant tionnellement établis à partir d’une borne marquée sur d’une chaîne de montagnes une frontière. Les peuples sa face supérieure d’une croix représentant les quatre des Pyrénées qui les ont superbement ignorées, en ont points cardinaux. il s’agissait, depuis usé comme seuls points de repère. il fut cet endroit, de lancer une hache. son des époques douloureuses où, pour les Mots-clés/Hitz gakoak point de chute permettait de tracer le fuyards et les quêteurs de vie meilleure, Borne : mugarri rayon de l’enclos avant d’en délimiter sa elles furent un graal. Aux marches de Délimiter : mugatu circonférence. Aux gros bras les grands zuberoa (soule) la n° 262 ne marque Franchir : gainditu enclos ! On trouve de ces bornes en parfait jamais que les limites du Pays basque état de conservation en sierra d’Aralar avec le Béarn. Échange : trukaketa essentiellement. en Hegoalde, les bornes Bergers et habitants des vallées limimarquent aussi les limites entre les trophes des deux versants d’euskal herri juridictions et chaque année leur révision annuelle est se moquent du penseur emmanuel kant comme de leur l’occasion d’une fête à date fixe avec mugarri bazkaria première transhumance mais appliquent naturellement (repas de la borne), généralement offert par le premier ses principes. ils savent tellement bien faire la différence édile, « la municipalité offrant à chacun des convives un entre die Grenze (la limite) et die Schranke (la borne) du azumbre de vin, soit environ deux litres et demi. » (Pays philosophe, qu’ils n’utilisent qu’un mot, muga, pour basque, terre et gens, Antxon Aguirre sorrondo, elkar) exprimer en euskara ces deux notions. idéologique la muga est insurmontable, culturelle elle Autant on peut aller au-delà des limites, du moins les devient prétexte à de féconds échanges ; de la Catalogne repousser, autant les frontières, elles, sont négatrices mais à euskal herria, la meilleure façon pour la déesse Pyrène toujours franchissables, l’Histoire l’a prouvé. Quant au de lisser sa chevelure. mur, tristement d’actualité, il n’a rien à voir avec notre


édITORIAL

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en ce temps-là…

Société éditrice : BAMi Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin bobinjeanpaul@gmail.com

Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : sandrine Lucas atmosphere2@gmail.com

Fabrication : Patrick Delprat iru errege Le Forum 64100 Bayonne N° ISSN 2267-6864 Photos : Couverture : santiago Yaniz Aramendia P.20 : DR ; p.21 (haut) : s.Y Aramendia

e

n ce temps-là – alternative stylistique à Il était une fois – le Pays basque ne s'appelait pas encore Pays basque, ni la Terre, Terre d'ailleurs. en ce temps-là donc, il y a environ… 65 millions d'années, la plage d'itzurun, à zumaia, personnage principal de notre histoire, n'existait pas encore, en ce temps-là, les dinosaures vivaient leurs derniers jours, mais ne le savaient pas. C'est cette histoire, connue sous le non de crise du Crétacé-Tertiaire, que nous content les falaises de flysch de la côte guipuzkoanne, proche du joli port de zumaia. Un des affleurements les plus spectaculaires au monde. L'érosion de la mer Cantabrique a, en effet, mis à jour de somptueuses formations rocheuses dont les strates verticales, aux couleurs changeantes, se découvrent comme on feuilletterait un livre sur l'histoire de l'Humanité. Les couches d'iridium sont les rares témoins – on en recense moins d'une dizaine sur le globe – de l'impact de la terre avec une météorite géante. Cette collision – une hypothèse parmi d'autres – aurait causé la disparition des fameux dinosaures et de bien d'autres espèces… Ces falaises révèlent moult autres secrets enfouis au cœur des roches, des crises climatiques à l'orogenèse des Pyrénées… Ces paysages stratifiés, tout droit sortis d'un film d'anticipation et pourtant bien réels, parlent de l'échelle du temps biologique et surtout, ils sont accessibles à tous, ce qui est excessivement rare. C'est à ce voyage, aussi bien dans l'espace que dans le temps, auquel nous vous convions, accompagnés des somptueuses photos de santiago Yaniz Aramendia. et pour rester avec les dinosaures, mais du cinéma cette fois-ci, c'est en Navarre que nous vous invitons. Orson Welles, dinosaure parmi les dinosaures, posa ses caméras à Lesaka. Au début des années 60, le petit village accueillit l'immortel réalisateur de Citizen Kane, pour le tournage de Falstaff. en compagnie du peintre Juan Carlos Pikabea, natif du village, nous sommes partis, entre autres, sur les traces de ce tournage. et là aussi, nous avons fait de surprenantes découvertes que nous sommes heureux de partager avec vous. Je vous souhaite de belles lectures. Jean-Paul inchauspé, Directeur de la publication


PORTRAIT

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s CĂŠdric Pasquini

Le son fait main soinua eskuz egina Â

Xabina Larralde, arrabitaria da. Bastidako bere talleretik, gitarrak egiten ditu. Ofizio delikatu bat, zeina, salatu digunez, betiereko aprendizgo bat baita.


PORTRAIT

page 5 dates clés

2006

2006

2007

2017

Rencontre avec Antoine Arroyo, maître luthier de guitare flamenca

Première guitare

Création de l'atelier

Les dix ans de l'atelier

S

i l’on s’en tient à une seule et froide définition, le son n’est jamais qu’une vibration se propageant sous forme d’ondes que l’ouïe nous permet de capter. Quand l’homme les domestique, les agence, elles deviennent musique et pour les faire entendre, s’il n’utilise pas sa gorge, il use d’un instrument, lequel est façonné, entre autres métiers, par un luthier. En reprenant la célèbre citation de Voltaire cet artisan rare serait au musicien ce que le grammairien est à l’auteur. Xabina Larralde (Hasparren/Hazparne, 1977), on ne peut mieux installée depuis 2007 à La Bastide-Clairence (Bastida), dédie les jours ouvrables, voire plus, à la facture du plus populaire, sans doute, des instruments à cordes pincées, celui que l’on amène au bivouac, à la plage, celui que l’on dégaine en fin de longue table, à l’heure des verres plus rebondis et des chansons. Présente sur le catalogue classique, la guitare a désormais obtenu ses lettres de noblesse. Introduit par les Arabes, ce surgeon de la vihuela espagnole s’adapte à tous les styles : trad, jazz, classique : « La guitare est un instrument que l’on peut pratiquer sans solfège et que l’on peut faire sonner vite », nous avait-elle expliqué, sachant de quoi il en retourne, elle-même s’étant initié à l’instrument sans connaître la musique. Des études sans enthousiasme mais une inclination pour les arts et une furieuse envie d’en vivre, même si, comme on le lui fit comprendre : ça n’est pas un métier. De très formelles études de vente mais des animations d’ateliers de théâtre et une formation d’animateur d’éducation populaire lui permettent de fréquenter les sentiers nomades des arts.

Le choix du bois

En 2005, Xabina franchit le pas et tente le concours d’entrée au très estimé Institut Technique Européen des Métiers de la Musique (Le Mans) section lutherie – guitare, 13 places pour 350 candidats ! Une gageure, elle rend feuille blanche à l’épreuve de solfège mais manie le rabot avec maestria dans la réalisation d’une surface plane et convainc le jury lors de l’exigeant entretien. « En “dressant” la planche, j’ai compris que c’était ce que je voulais faire. » Un an pour assimiler une délicate technique d’ébénisterie, l’histoire de la musique, l’organologie et, point d’orgue sur la partoche, une rencontre essentielle avec Antoine Arroyo, un maître de la facture de la guitare dite espagnole. Quand on lui demande ce qui la fascine le plus dans son office, elle répond aussitôt : « Arriver à traduire manuellement le son que quelqu’un a dans son oreille. » Car la première chose dont Xabina s’enquiert quand on vient lui commander une guitare, c’est de « déceler les

envies, le style de jeu, le type de musique qui sera pratiqué : jazz, bossa, flamenco, car les techniques de facture et le bois utilisé varieront. » L’atelier de Xabina Larralde, tapissé d’écorchés de guitares, de ukulélés, de mandolines, d’ouds, fleure bon les senteurs pointillistes du copeau, du bois fraîchement découpé. Ah, le bois ! C’est lui qui colorera le son « qui se devra d’être rond, chaud, brillant ou plutôt métallique selon le style que l’on pratique. » Ainsi la table d’harmonie, pièce maîtresse, de l’instrument sera en épicéa ou en cèdre : « d’excellents bois de résonance, ligneux et composés de tuyaux par où la sève s’élève ; comme le vin, ils se bonifient avec l’âge », confie-t-elle. Les éclisses qui épousent les formes sensuelles de la table et du fond, délicatement cintrées à chaud seront en palissandre ou en noyer. Montée sur la solera, la plate-forme >> de montage, la guitare demandera 150 heures de travail soit quatre à six mois effectifs avec les temps de séchage. Le manche – il sera en cedro du Honduras – autre pièce essentielle, se doit d’être parfaitement ajusté : les cordes lui feront supporter une tension de 50 kg ! Le luthier est généralement peu disert sur ses secrets de fabrication résidant dans la minutieuse disposition des barres d’harmonie dans l’estomac de l’instrument, ses mélanges de colle à base de poisson, d’os ou de peau de lapin. « La construction d’une guitare vient comme un tout à chaque étape ; une erreur au début et les défauts s’accumulent de façon exponentielle. On s’améliore sur l’instrument suivant », reconnaît-elle. Xabina Larralde intervient aussi sur les accidents, chutes, chocs ponctuant l’existence de ces fragiles et souvent vénérables instruments. Habile chirurgien, elle leur accorde une seconde vie, ces avatars lui permettant, en découvrant de vieilles techniques, de perfectionner la sienne. Xabina Larralde, apanage de l’artisan, atteste de l’intelligence de la main qui seule autorise en le matérialisant, de porter dans le temps ce que l’homme pense de beau.

Entre quatre et six mois de travail, avec le séchage, pour réaliser une guitare !

Mots-clés/Hitz gakoak Instrument de musique : musika tresna Guitare : gitarra Luthier : arrabitari Bois : zur


patrimoine naturel

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz Aramendia

dinosaures Quand succombèrent les

Zumaia leku aparte da. Bere itsaslabarrak Lurraren historia geologikoaren lekukotasun baliotsu bat dira. Eskainitako ikuspegi lilugarri bat baita ere denborari buruzko gogoeta bat.

Des endroits rares Chaque pas sur les rochers d’Itzurun est un voyage de 10 000 ans. Il n’y a que cinq endroits au monde pareils à cette séquence Mais, seule la falaise de Zumaia est accessible au commun des mortels.


patrimoine naturel

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 Dinosaurioak hil ziren egunean


patrimoine naturel

Couleurs du temps Des roses opalins, des gris vieil ĂŠtain, des segments ombreux, chaque strate est une page de l'histoire de la Terre.

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PATRIMOINE NATuREL

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ZuMaIa

n’est pas un port comme les autres. il ne s’accommode pas seulement de sa confortable situation au fond d’une généreuse baie, presque ría, où les rivières de l’Urola et de Narrondo, fendant la ville, viennent mêler paisiblement leurs eaux avant l’affrontement atlantique. elles achèvent leur course montagnarde en de bienveillantes sinuosités et se prédisposent aux noces océanes en accueillant quelques barques à l’amarre. Un naturel agencement maréo-orographique a permis à zumaia, grâce à une judicieuse association de digues et de ponts, d’aménager un port, désormais de plaisance, particulièrement goûté par le voileux pour son accessibilité aux jours de baston, et un chantier naval de belle facture. Par où la ría s’abandonne à la fois à la dune et à une végétation crépue, déboule le Chemin jacquaire dit de la côte ou du Nord. sur ces zones entre deux flux, paradis de l’oiseau limicole, un ermitage à saint-Jacques dédié, se combine avec un musée consacré au peintre ignacio zuloaga (1875-1945).

Le dos tourné à l'Océan si zumaia se singularise c’est pour cette manière dont le port s’adosse à la montagne comme s’il tournait le dos à l’océan nourricier. Peut-être aussi pour l’imposante église san Pedro (Xiiie), l’immeuble le plus haut de la ville dont on ne sait si ce colosse de pierre aux murs aveugles fut lieu saint ou forteresse. Les spécialistes s’accordent à y voir les deux, cette vigie sur la mer permettant de faire face aux attaques de pirates. Pour le reste, un centre-ville à l’invraisemblable mélange de styles, le couvent baroque du X V i i eᵉ v o i s i n a n t avec le bégaiement immobilier je-m’en-foutiste de la moitié du XXe. On s’attachera volontiers au surprenant palais, résidence d’été du marquis

Feuilleter l'histoire de la Terre, entre Zarautz et Deba, c'est mener une réflexion sur notre condition.

de Foronda, un caprice architectural d’expression libre mais non sans cachet, bâti au XXeᵉbalbutiant et dont la tour d’angle s’orne à l’année longue de l’ikurriña. Quant au vieux quartier, modeste mais suffisant si l’on s’en tient à la plantation de troquets qu’il cultive, il s’enroule autour de l’église. Ce qui différencie zumaia, c’est sans conteste son littoral qui, tel un coin, s’enfonce dans la montagne contre laquelle s’accote la ville. Vous choisirez de préférence un jour lumineux de mi, voire de morte-saison. Accouplée à l’horizon, une grève pour vous tout seul ou presque, parce que souvent, ici, cliquète le marteau du géologue, s’extasient les plus éminents paléontologues de la planète. Descendre vers la plage de itzurun, c’est se mesurer à l’imparable phrase de Platon : « Le temps est l’image mobile de l’éternité immobile. » Javier Armentia, astrophysicien et directeur du planétarium d’iruñea (Pampelune), avait affirmé que chaque pas sur les rochers d’itzurun est un voyage de 10 000 ans. il n’y a, assure-il, que cinq endroits au monde pareils à cette séquence dont le grand canyon du Colorado, avec une différence de taille : seule la falaise de zumaia est accessible, au chercheur chevronné comme au commun des mortels.

L'histoire de la Terre L’exception géologique ne se découvre qu’au tout dernier moment quand une saignée dans la colline permet tout à trac d’embrasser la large perspective marine sertie dans un somptueux écrin minéral que l’on a coutume de désigner comme flysch (dépôt sédimentaire constitué de séries de marnes et de grès accumulés dans un bassin océanique). Des roses opalins, des gris vieil étain, des segments ombreux, la falaise décline un mille feuille démesuré dont chaque strate serait une page du grand livre de l’histoire de la terre. Accepter de le feuilleter sur huit kilomètres, entre zarautz et Deba, c’est mener une réflexion sur notre condition de nouveau venu à l’échelle du


PATRIMOINE NATuREL

Anecdote appréhender l'importance de ces affleurements nous plonge dans un univers géologique où l'existence de l'être humain n'est qu'une anecdote !

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patrimoine naturel


patrimoine naturel

Sculptures Les falaises sont scluptées avec une telle délicatesse qu'on penserait l'œuvre d'un artiste.

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PATRIMOINE NATuREL

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temps, sur notre devenir quant aux répercussions de nos agissements sur l’environnement ; c’est anticiper aussi sur les conséquences des grandes mutations climatiques et les inendiguables déplacements de population induits. « Appréhender l’importance de ces affleurements nous plonge dans un univers géologique où l’existence de l’être humain n’est qu’une anecdote », explique Asier Hilario, géologue et responsable de Geoparkea Zumaia (Les géoparcs mondiaux de UNesCO sont des territoires habités que caractérise une géologie particulière où est appliquée une stratégie de développement durable). Le 6 mai 2010, zumaia reçut officiellement la qualification de calendrier de la Terre pour les époques situées entre l’Éocène et le Crétacé (- 54,8 millions et - 65,5 millions d’années). À cette occasion, l’International Commission on Stratigraphy procéda à la pose, sur la falaise, de deux Golden spikes (clous d’or), aux limites entre les ères dites du sélandien/Thanétien (- 58,7 millions d’années) et du Danien/ sélandien (- 60,5 millions d’années). il faut imaginer qu’à ces époques d’audelà de notre mémoire, le Pays basque était sous la mer et la falaise que l’on voit aujourd’hui n’est en fait que le fond d’un océan immense. Les formidables poussées géologiques qui ont procédé à la formation des Pyrénées l’ont placé en position verticale. « Cette situation et la facilité d’accès permettent désormais aux scientifiques un voyage de plusieurs milliers d’années dans le temps géologique », écrit Asier Hilario (Flysch biotopoa,gipuzkoako Foru Aldundia). Des sculptures d’une inconcevable délicatesse que l’on croirait effectuées par quelque artiste déraisonnable, des dentelles minérales festonnées par quelque improbable brodeuse mais qui se révèlent comme autant de précieux indices pour ce détective du temps qu’est le géologue. sens des courants, variations climatiques, convulsions de la terre y sont inscrits et, incrustés dans les strates, des fossiles,

En 2010, Zumaia devint calendrier de la Terre pour les époques situées entre l'Écocène et le Crétacé.

Mots-clés/Hitz gakoak : Falaise : itsaslabar Littoral : itsasertzeko géologue : geologo Changement climatique : klima aldaketa

des micro-organismes, notre généalogie. Ce jour-là, il y a quelque 60 millions d’années, une météorite venue du tréfonds de l’univers s’abattit sur notre planète. Que l’on imagine un corps céleste de 10 km de large, qui l’aurait heurtée de plein fouet à la vitesse de 44 000 km/h, provoquant une explosion comparable à 1 000 millions de fois la bombe d'Hiroshima ! Les tremblements de terre furent d’une magnitude insoupçonnée engendrant des tsunamis gigantesques avec des vagues culminant à 500 m de hauteur. La déflagration fut telle qu’un épais nuage de poussières occulta, plusieurs années sans doute, la lumière du soleil. La terre fut plongée dans les ténèbres, générant un refroidissement qui anéantit et la végétation et 70 % des espèces vivantes dont les dinosaures, les plus grands animaux de l’époque qualifiée de Paléocène. L’Homme, s’il était apparu, n’en doutons pas, aurait été éliminé de la fragile chaîne de la vie. seuls les insectes, quelques rongeurs et tortues mais aussi crocodiles et oursins, survécurent au cataclysme.

La limite K-T Une date clé dans l’histoire de la terre parce qu’en marquant l’extinction de la plupart des espèces préhistoriques, volantes ou rampantes, hybrides démesurés, elle augure l’avénement des mammifères dont l’Homme. Ce jour terrible se lit à zumaia comme une irréfutable démonstration. Cette ligne sombre d’à peine quelques centimètres courant le long des falaises – on peut l’observer aussi à Bidart et le long de la corniche d’Hendaye – est une fine couche sédimentaire d’argile noire, appelée Limite k-T (Crétacé Tertiaire) par les scientifiques. sa teneur anormale en iridium est l’indice géologico-calendaire de l’impact de l’astéroïde. Après avoir doublé l’ermitage de san Telmo, un sentier funambule le long de l’arête effilée de la falaise. Le point de vue vers la côte et le large est vertigineux, peut-être parce qu’il nous renvoie vers un temps dont seuls aujourd’hui les oursins se souviennent.


ville/lesaka

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Lesaka comme un tableau de maĂŽtre

Dudarik gabe, manera hoberena Lesaka deskubritzeko, Juan Carlos Pikabea-k lagundua da. Margolari famatua, Lesakako ume garbi garbia da.

Lesaka, margolan bat bezala


ville/lesaka

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz Aramendia

Art et fêtes Comme Iruña, Lesaka possède ses fêtes de Sanfermines, célébrées, elles-aussi, le 6 juillet à 12h. Ci-contre, notre guide, l'artiste peintre, Juan Carlos Pikabea Zubiri.


ville/lesaka

La txula, pelote très basse sur mur du fond, est un must réclamé par le public

llustration encore de l’implacable loi de cause à effet, joliment appelée aussi effet papillon : s’il n’y avait eu cet etsaigoa (vendetta) qui, jusqu’au XVeᵉ siècle, opposa Legarrea et Pikuzelaia, les deux quartiers de Lesaka (Navarre), jamais l’étonnante Zubigaineko dantza n’aurait vu le jour. En effet, et de la plus impressionnante façon, cette danse effectuée sur les exigus parapets du non moins étroit canal de l’Onin qui séparait les deux factions, célèbre la fin de leur rivalité, au jour de San Fermín (7 juillet), glorieux on ne peut plus navarrais. Iruñea, n’ayant pas le monopole des fêtes la deuxième semaine de juillet, celles de Lesaka n’ont rien à leur envier. Il est vrai que Bortziriak (les cinq villes) est une vallée aussi encaissée qu’insolite avec la Bidasoa comme colonne vertébrale. Les cinq communes (Arantza, Bera, Etxalar, Igantzi et Lesaka) l’agrémentant, se situent hors des grands courants transhumants. Seul le montagnard pour en avoir couru les crêtes ou le lecteur averti de la dynastie Baroja – la famille élut domicile, villa Itzea à Bera – s’y abandonne volontiers avec un plaisir toujours recommencé pour les mystères qu’elle recèle. Lesaka, aujourd’hui quelque 2 800 habitants – Jean-Baptiste Orpustan, professeur de littérature basque et expert en toponymie y voit une latinisation de

l’euskara latsaga, lieu près du ruisseau – c’est avant tout des couleurs d’après pluies, des architectures déroutantes, des écoulements lents, des personnages, un art de vivre, une affirmation identitaire qui ne peuvent laisser indifférent. D’ailleurs voilà le visiteur averti : sous chaque nom de maison, cette phrase sonnant comme acte de foi : Gure etxeak euskaraz, euskara gure etxea (nos maisons en basque, le basque notre maison). Enchâssée sous les sommets d’Artikutza et adossée à Frain mendia qui la domine de ses 500 m, Lesaka cultive cette mélancolie habitée des communes à canaux et tire tout son parti de mythes qu’elle se plaît à entretenir, aussi tenaces que l’eguzkilore (le chardon sylvestre) cloué à ses portes. Les inquiétants romans baztandars de Dolores Redondo ne sont jamais bien loin !

Des gens taiseux Juan Carlos Pikabea Zubiri (Lesaka, 1964), artiste peintre que l’on ne présente plus, répondrait aux canons des personnages de la romancière dont il a exécuté le portrait du reste. Parfaitement pénétré du lieu – il ne l’a jamais quitté que pour goûter au plaisir d’y retourner – il se gorge de ses légendes, lesquelles nourrissent son imaginaire. Et s’il y croit ou fait semblant, c’est parce qu’il est persuadé qu‘elles expliquent aujourd’hui. Un avis qu’aurait partagé l’écrivain voyageur Sylvain Tesson qui

écrivait : « à force de vivre sur les terres qui retiennent l’humidité, les gens qui y habitent retiennent aussi les secrets. » D’ailleurs pour accéder à sa maison, une fois passé l’ermitage trapu de San Xalbador, il faut franchir un pont sur l’Urraba. Ce peintre autodidacte a privilégié une approche romantique qu’il exprime dans des manières impressionnistes. AsunciónDomeñoMartínezdeMorentín, docteur en Histoire de l’Art à l’Université de Navarre, avait écrit à son propos : « Son œuvre se fonde sur l’usage de la couleur et la matérialisation de la lumière. » En fait une identification totale à son environnement qui fait de Juan Carlos le cicerone idéal pour aller à la rencontre de sa ville. Aussi, après avoir sacrifié à la txistorra accompagnée d’un navarre de goûteuse facture, nous étions partis à la découverte de la petite Venise ainsi que l’avait désignée l’anthropologue Julio Caro Baroja. « Le Lesakar serait du genre rude et plutôt taiseux », avait confié Juan Carlos en guise d’avertissement. Pareille à un sas pour un voyage dans le temps, l’usine Laminaciones – un anachronique et désormais vacillant avatar d’Arcelor Mittal – s’appuie littéralement sur les vénérables murs de l’ancien couvent des Carmélites, aujourd’hui Kultur Etxea (Maison de la culture). « Lesaka a une longue filiation avec le fer », avait rappelé Juan Carlos, comme pour excuser le balbutiement architectural

Art de vivre Sa taille réduite a permis à Lesaka de conserver une qualité de vie, entre tradition et modernité, soulignée, entre autres, par son architecture très inspirée de celle de la province voisine du Labourd.


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vILLE/LESAkA

Lesaka cultive cette mélancolie habitée des communes à canaux et se plaît à nourrir ses mythes


ville/lesaka

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Détails L'un des plaisirs du promeneur est de sillonner Lasaka en quête de ces petits détails qui font le bonheur du regard, même si, parfois, l'œil est retenu ailleurs.


vILLE/LESAkA

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La baguenaude conduit vers l'épicentre de Lesaka où les eaux de l'onin s'écoulent mollement entre les parapets

du laminoir ; n’avions-nous pas, en introduction, reconnu les vestiges de l’une des nombreuses forges essaimant les environs ? La meilleure façon d’appréhender Lesaka c’est de s’abandonner à ses étroites rues, ruelles et traboules enserrant un jardinet, voire un verger, laissant échapper le fredon d’une fontaine, l’épanchement d’un ru qui en croise un autre, la bouche à demi émergée d’un moulin, à Lesaka ils sont légion et d’humeur citadine. incongrus, des palmiers solitaires se hissent de leurs toupets au-dessus des jardins de maisons palais de quelques indianoak, ces Basques revenus des Amériques qui auraient entretenu ainsi d’exotiques nostalgies. Les détails n’échappent pas au regard réjoui de l’artiste qui souligne l'ornement d’une corniche, d’une avancée de toit ciselée, d’une fenêtre géminée, d’une solive finement ouvragée, s’arrête aux reproductions d’outils scellées au-dessus des portes, rappelant fièrement comme le nom de la maison, l’office pratiqué jadis. Le fer, toujours présent, s’affiche depuis les ferrures des portes jusqu’aux girouettes ouvrées. À peine ébauchées, les faces énigmatiques sculptées aux angles de murs interpellent le visiteur : « elles ont vocation à éconduire les mauvais esprits et les… voisins indélicats », nous expliqua, réjoui, Juan Carlos La baguenaude conduit fatalement vers l’épicentre de Lesaka où les eaux de l’Onin s’écoulent mollement entre les fameux parapets, estrade d’un jour. Paradoxalement, les splendides demeures, toutes des XVie et XViie, ne sont pas sans évoquer les rues de Ciboure, d’Ascain ou de sare pour leurs façades à pans de bois et leurs rez-de-chaussée

maçonnés. « Les maîtres maçons qui les ont bâties venaient pour la plupart du Labourd notre premier voisin », révèle Juan Carlos, bien au fait de l’histoire : « Ce n’est pas seulement la contrebande qui nous a rapprochés », plaisante-t-il. La singularité de Lesaka n’a d’ailleurs pas échappé à un cinéma en quête de décors naturels. La célébrissime chanson Il est un coin de France du Chanteur de Mexico (1956) est interprétée par Luis Mariano au pied du kiosque de la place, revisitée façon Pays basque d’opérette !

Et orson Welles vint si des scènes du El Guardían invisible (2016) tiré du roman de Dolores Redondo y furent tournées, c’est vraiment Chimes ad midnight (1965), réalisé et interprété par Orson Welles, inspiré du Falstaff de shakespeare qui a attribué l’un des premiers rôles au démesuré grenier du palais Bordienea (XViiie) style renaissance. Contrairement à la bâtisse en déshérence, il conserve intacte sa vertigineuse structure de bois à peine équarri. Dans un triomphe de poutres maîtresses, un entrelacement de fermes et de pannes que soumettent de rustaudes chevilles, ce grand œuvre est une ode aux maîtres charpentiers. Pikota (le pilori), aujourd’hui surmonté d’une croix se situe sur le chemin de l’église de san Martín de Tours. son retable, le plus beau de Navarre, baroque à souhait, est un éblouissement d’or, une pyrotechnie de bois ouvragé où la corporation divine se voit tellement représentée que Dieu seul peut y reconnaître les siens. Aussi intemporelle que la présence des grands cercles de pierre d’Agiña au-dessus de Leska, cette boucle ne

pouvait s’achever que chez un maître du feu et du fer que Juan Carlos Pikabea avait tenu à nous présenter. À 86 ans, Pedro Lantx ne dédaigne pas rallumer le feu de sa forge où, depuis l’âge de 13 ans, il donne forme au métal brut, perpétuant ainsi l’héritage multimillénaire de Bortziriak. Le forgeron rejoint ici l’artiste. Le grand Chillida (1924-2002) ne s’y était d’ailleurs pas trompé qui venait volontiers partager autour du creuset et de l’enclume de Pedro, des réflexions sur l’art de maîtriser le fer. Pedro se souvient du temps où ses outils forgeaient ses propres outils lesquels tapissent les murs de l’atelier. Orfèvre des serrures, ferrures, modeleur des précieux ustensiles d’un quotidien désormais disparu, il témoigne aujourd’hui de la grande geste de la Bidasoa, celle que l’on peut découvrir dans un intime espace muséographique a lui réservé. Une approche forgée de ce que fut la grande chaîne du fer depuis le minerai brut jusqu’à son transport en lingots par radelage sur la Bidasoa jusqu’à la baie de Txingudi, la bien nommée (ingude, enclume), en passant par la forge et le charbon de bois, son aliment vital. Depuis Nabaz, le quartier haut, Lesaka, dans sa gangue montagneuse se réduit à une paisible résille de ruelles lézardant autour de la tour zabaleta. Nous achevions ici le décryptage, comme on se tient devant un tableau de maître.

Mots-clés/Hitz gakoak Tableau : margolan Canal : ubide Forge : ola, aroztegi Fer : burdin


INTERvIEW

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eXPosiTion C'est à Ramiro Arrue que le Casino Bellevue, à Biarritz, a la belle idée de consacrer sa grande exposition estivale. Illustrateur, peintre, céramiste, Arrue (Bilbao : 1892 – Saint-Jean-de-Luz : 1971) ,qui a consacré toute son œuvre au Pays basque, méritait bien une exposition qui lui redonnne sa vraie place dans l'histoire de la peinture. Peu d'artistes sont, en effet, autant identifiés à leur terre Celui qui déclarait : « J'ai voulu représenter l'âme de mon pays » reste un artiste majeur de la peinture, pas seulement

au Pays basque. Cette exposition est l'occasion de revenir sur une œuvre qui parcourt les grands thèmes de la vie collective et de l'imaginaire du Pays basque. L'intitulé de l'exposition, « Entre avant-garde et tradition », est un bon résumé de la carrière d'Arrue qu'il faut absolument aller redécouvrir. Olivier Ribeton, Commissaire de l'exposition, revient sur l'importance de Ramiro Arrue.Jusqu'au 17 septembre, Casino Bellevue, Biarritz : « Ramiro Arrue, entre avant-garde et tradition. »

Fête au village (fandango) Gouache sur papier 29 x 39 cm, Collection particulière

oLivier ribeTon Conservateur en chef du Musée basque et de l'Histoire de Bayonne, Olivier Ribeton est le commissaire de l'exposition consacrée à Ramiro Arrue au Casino Bellevue, à Biarritz, jusqu'au 17 septembre.

on a l'impression que le nom d'arrue est plus connu que son œuvre. Cette exposition est-elle une sorte réhabilitation ? olivier ribeton : D'une certaine façon. On ne connaît en effet que des images d'Épinal de l'œuvre d'Arrue.Nous avons voulu, en quelque sorte, lui rendre hommage, remettre son œuvre sur le devant de la scène. C'est une biographie d'Arrue que nous avons voulu complète, on y trouve les différentes facettes de son travail, huiles, dessins, gouaches, émaux, illustrations, croquis, mais aussi des photographies et des lettres, témoignages de sa vie et de ses admirations. C'est une exposition qui permet de mieux comprendre son travail, d'en saisir les subtilités et elle met en avant ce que j'appelle le primitivisme basque dont Arrue est le représentant.

Le PrimiTivisme basque

souvent cantonné à l'image de peintre régionaliste, de « peintre du Pays basque », comment arrue s'inscrit-il dans l'histoire de la peinture ? o.r : Près de 95 % de ses sujets, paysages, vie quotidienne, se réfèrent en effet au Pays basque. C'est un lien très fort. Pourtant, il a peint d'autres choses, des paysages méditerranéens d'inspiration cubiste pour saint-Tropez par exemple . Lorsqu'il revient, il montrera aussi saint-Jean-de-Luz à travers cette inspiration cubiste. Comme l'indique le sous-titre de l'exposition : « Entre avant-garde et tradition », Arrue a fréquenté ce que l'on appelait l'avant-garde parisienne,Picasso, qu'il n'aimait pas trop, gauguin, Cocteau, Modigliani. il avait son atelier à Paris et était ami avec certains de ces artistes, en particulier Jean Cocteau.

Autoportrait au chevalet Huile sur toile, vers 1940 41 x 33 cm © Collection Villa Les Camélias

vous lui aviez consacré une grande exposition en 1991 au musée basque de bayonne, en quoi celle-ci est-elle différente ? qu'y a t-il a découvrir de nouveau sur cet artiste ? o.r : en 1991, nous avions montré l'œuvre de

Ramiro Arrue essentiellement à travers les collections publiques. sur les 350 œuvres présentées au Bellevue, à Biarritz, presque la moitié provient de collectionneurs privés, ce qui permet d'offrir un nouveau regard sur le travail d'Arrue. Certaines œuvres sont présentées pour la première fois au public. L'exposition actuelle insiste également sur l'influence des sculpteurs dans son travail et elle présente les relations qu'Arrue entretenait avec d'autres artistes, tel que Paul gauguin par exemple, en montrant comment certains tableaux d'Arrue s'inscrivent dans ce primitivisme basque. L'exposition est à la fois chronologique - elle revient sur la vie du peintre - et thématique. Deux œuvres ne sont pas de Ramiro Arrue dans l'exposition du Bellevue. Une toile de Modigliani, un portrait de femme repris par Ramiro Arrue dans un portrait de sa sœur aînée. Bien sûr nous insistons sur les correspondances entre les deux œuvres et également une toile de Jean-gabriel Domergue qui appartenait, comme Arrue, au Groupe de neufs créé au début des années 20. a-t-il fait école, possède-t-il des disciples ? o.r : Non, il n'y a pas eu d'école dans son style, même si, plus tard d'autres peintres basques se sont référés à lui, sans que l'on puisse parler de filiation et encore moins d'école. On peut dire cependant qu'il a créé un style dont d'autres peintres s'inspireront comme Louis Floutier par exemple. Parmi les peintres basques, il est aujourd'hui l'un des mieux côtés. Le musée basque et de l'histoire de bayonne complète l'exposition du Casino bellevue, de quelle manière ? o.r : Le Musée propose une exposition, annexe va-t-on dire, (jusqu'au 10 septembre) de dessins : Shorlekua, ballets basques de Ramiro Arrue. Des dessins originaux réalisés par Arrue pour le ballet basque shorlekua qui séduisit le grand chrorégraphe serge Lifar.


culture

Le Guggenheim a 20 ans

C

'est le 19 octobre1997 que le musée Guggenheim ouvrait ses portes à Bilbo. La capitale de la Biscaye tournait alors les dos aux hauts fourneaux pour parier sur l'économie culturelle. Un pari largement gagné, que ce soit en terme d'image – la notoriété de la ville a totalement éclatée grâce à l'œuvre de Franck Gehry et aujourd'hui Bilbo appartient à la liste des capitales culturelles mondiales –, et en termes économiques. Le Guggenheim rapporterait en effet un peu plus de 485 millions d'euros par an, à l'économie d'Hegoalde. L'an dernier, il a enregistré 1,17 millions de visiteurs, soit autant que dans les premières années. Depuis son ouverture, ce sont 19,347 millions de personnes, dont 61% d'étrangers, qui ont franchi les portes du musée. Selon un audit réalisé par le cabine B + i Strategy, il aurait favorisé le maintient de 9 000 emplois indirects. Un bilan positif comparé aux 110 millions d'euros investis pour sa construction et aux 8,4 millions ( 30% du budget total) de subventions annuelles. Alfonso Martinez Cearra, directeur général de Metropoli-30, interface entre les administrations de la conurbation et les grandes entreprises, chargée également de vendre l'image de Bilbo à l'international, explique : « Le nouveau défi est de faire de Bilbao une ville “mondiale” impliquée dans les mouvements d'avant-garde technologiques et culturels. » Mais, si le Guggenheim a créé une image de ville culturelle, les acteurs culturels locaux ne semblent pas en profiter. Dans son livre, El efecto Guggenheim (L'effet Guggenheim), le journaliste d'El Correo, Iñaki Esteban, regrette que « le musée programme, à 80%, des artistes déjà consacrés. On aimerait une institution un peu plus expérimentale. »

L'exposition consacrée à Bill Viola, dont la vidéo est au centre de l'œuvre, celèbre, entre autres, cet anniversaire. Bill Viola, Rétrospective jusqu'au 9 novembre 2017.

Ode à la Côte des Basques La Côte des Basques est une double métonymie. À elle seule elle évoque Biarritz, mais aussi le surf. Le géographe Pierre Laborde lui consacre un ouvrage à la fois historique et symbolique qui plonge le lecteur dans l'ambiance d'hier et d'aujourd'hui de l'« une des plus admirable plage du monde », comme l'écrivait déjà, Isidore Lagarde en

1859. Comme la Rhune ou le Jaizkibel, elle fait partie des grands sites du Pays basque. Des Basques qui y venaient de l'intérieur du Pays, au milieu du XIXe siècle, pour y découvrir les loisirs bien avant le Front Populaire, jusqu'aux surfeurs des années 60, à l'aide de gravures et de photos bien choisies, Pierre Laborde, en expert, nous guide dans un

voyage dans le temps et dans la connaissance. Les plus anciens se délecteront de quelques-une des ces images, témoins d'un temps à jamais révolu et tous s'interrogeront, avec l'auteur, sur l'avenir de ce lieu emblématique soumis aux forces de l'Océan. La Côte des Basque, plage sublime, Pierre Laborde. Pimientos : 16 €.

en bref >>>

expos

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Euskara et édition

2,1 % de la production éditoriale en Espagne est publiée en euskara, 85,5% des livres sont publiés en castillan, 10 % en catalan, 1,5 % en galicien et 0,8% en valencien.

Manuel de conversation

Pour permettre aux touristes de plus en plus nombreux d'échanger avec les habitants du Labourd, presque tous bascophones, Jean-Pierre Darthayet, ancien vicaire de Bayonne, publie en 1861, aux éditions André de Bayonne, un Manuel de la conversation et du style épistolaire fraçais-basque utile aux étrangers et aux Basques eux-mêmes. Il est entièrement consultable sur Gallica et c'est très émouvant. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/ bpt6k6565880d

Navarre, l'euskara progresse

Le Parlement de Navarre vient d'adopter une loi qui permet à 43 municipalités de quitter la zone hispanophone et de rejoindre la zone linguistique mixte, euskara et espagnol qui représente 53 % de la population navarraise. À noter qu'en Iparralde, le nombre de bascophones se stabilise, à environ 20% de la population totale.

Langues régionales

Le CNRS publie un atlas sonore des langues régionales de France. Une même fable d'Ésope est lue dans la langue de votre choix. 124 langues peuvent ainsi être écoutées. Une belle façon de découvrir la richesse linguistique de la France, n'en déplaise à certains… https://atlas.limsi.fr/

55 clefs pour comprendre le mouvement basque

Q

entend-on par Abertzale ? Peio Etcheverry et Peio Etcheverry-Ainchart, les auteurs, livrent un petit guide, aussi pédagogique qu'utile, pour tous ceux qui souhaitent connaître les valeurs et comprendre le mouvement basque. Sous la forme de questions-réponses, ils abordent les sujets qui questionnent le mouvement. « Ce petit livre est né précisément parce que le mouvement abertzale, malgré son demi-siècle, est encore mal connu voire inconnu de beaucoup de monde en Pays basque même (…) Offrir un moyen simple et accessible à tous de le comprendre nous semblait essentiel.», explique Peio Etcheverry-Ainchiart,

qui précise que la langue est au cœur du mouvement : « Nous affirmons clairement la place centrale de l’euskara dans notre projet. D’abord parce qu’elle fonde l’identité de ce pays, ensuite parce ce que c’est le principal et le plus original apport que nous faisons au patrimoine culturel de l’humanité ; en cela elle est précieuse. Mais à l’image de notre conception générale de l’identité, notre vision du rapport à la langue est ouverte et intégratrice. » Une lecture indispensable. Pourquoi nous sommes Abertzale : 55 clefs pour comprendre le mouvement basque, Peio Etcheverry et Peio Etcheverry-Ainchart. Arteaz, 10 €.


mémoire

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t e x t e Txomin Laxalt

Marcel

Quéheille, le diable rouge deabrü gorria

Les idoles de ses 20 ans ? Fausto Coppi bien sûr, avec lequel il courra en 1959 lors du critérium de Castillon la Bataille. Marcel terminera second sans pour autant apercevoir son héros de la journée. Une troisième place au Tour de Dordogne, une première place à la Ronde des espoirs de Mauléon en 1951, le décident à passer indépendant en 1956. Marcel Quéheille accomplira quatre grandes boucles. La première en 1957, il la terminera 30e au classement général. Cette année-là, il décrochera une 24e place au Critérium du Dauphiné. Il côtoie surtout ses idoles, les fait pleurer de rire en leur expliquant qu’en basque le vélo se dit hankapekomekanika, la machine que l’on a entre les jambes, devenue leur gagne-pain.

Gagner à Bayonne : son obsession

Il y eut ce Tour 1959, il y aura celui de 1960, une place de 50e au classement général, le Tour 1961, un sacré cru celui-là, bien que couru sous Duela jada 58 urte, Marcel Quéheille-k, Zalgizarra, les couleurs de Kas, 21e au général mais 3e de l’étape Luchon-Pau avec Bordele – Baiona Frantziako Touraren etapa irabazten le passage du Tourmalet en tête et en prime au sommet, le spectateur Louison Bobet qui lui touche la main. Outre une 7e place à la 21e étape zuen. Hona hemen egun horretako epopeia. Tours – Paris, Marcel obtint le prix de la combativité, deabrü gorria, toujours. La moyenne était descendue à 32 km/h, Marcel se sentant particulièrement à l’aise, se décide à remonter le peloton pour tenter une échappée, non sans s’être concerté avec l’Orthézien Cazala, détenteur du maillot uand à 10 h 30 à Bordeaux, ce jaune. Marcel comble alors vendredi 3 juillet 1959, Marseul, les 2’ 45” qui le séparent cel Quéheille, dossard 189, des hommes de tête. C’est aux 21e au classement général, portes du Pays basque, alors enfourche son vélo pour qu’il franchit le pont ferraillant prendre le départ de cette même étape, d’Urt, qu’il attaque et prend la la neuvième du Tour de France, « cette tête, au niveau de la côte plus caravane qui décoiffe les filles, soulève les précisément ; la côte, sa spésoutanes, pétrifie les gendarmes » écrivait cialité surtout en fin d’étape. Antoine Blondin, il n’a en tête que cette Quand il se retourne, à misacrée chaleur que lui et ses compagnons pente, il a pris 50 m ! Parvenu supporteront sur les endosses, au long au village, il se retourne une des 207 kilomètres devant les mener à seconde et dernière fois, il a Bayonne. À 87 ans, c’est vrai, il cultive pris 100 m ! « J’avais mis tout à toujours la légende du deabrü gorria, le droite, j’étais seul en tête, 25 km diable rouge, un sobriquet attribué par tout seul, je n’avais jamais Jean Bruno, journaliste à L’Éclair des Pyrégagné à Bayonne, c’était mon nées. Né à Zalgize (Sauguis), le 16 mars obsession. ». 1930, Marcel Quéheille, pas plus qu’il Le pont du Génie annonce Ce 3 juillet, la chaleur assomme le peloton, l'étape, longue, est une fausse ne voulut s’éloigner de sa chère Soule ni l’ultime pattarot, la montée plate. Marcel Quéheille triomphe à Bayonne et s'offre un tour d'honneur. même de son village, sauf pour des raisons vers l’Aviron Bayonnais. Marcel impérieuses de critériums, rondes, Tour n’a pas molli alors qu’il pénètre et autre Vuelta, jamais ne fit la moindre infidélité à son club d’origine, dans le chaudron plein jusqu’au haut des tribunes. Il y a cinq heures, la section cyclisme du S.A.M (Stade Athlétique Mauléonnais). La coudix neuf minutes et dix sept secondes que Marcel Quéheille a quitté leur rouge du vénérable club, le béret écarlate dont aujourd’hui il ne se Bordeaux. Pas de podium à l’époque mais un tour d’honneur dans sépare pas, on aurait presque envie de le ranger parmi les Satans ou les l’anneau magique : « C’est en l’accomplissant que j’ai su véritablement Turcs de la pastorale souletine qu’il affectionne et à laquelle d’ailleurs que j’avais gagné, une émotion qu’André Darrigade avait ressenti 22 fois il participa en 2001 quand elle fut donnée à Zalgize. mais jamais à Bayonne » confie-t-il toujours bouleversé. Sur la sépia des vieux Miroir du sprint et le bistre des photos racornies, La machine que l'on a entre les jambes restent inscrits à jamais le sourire des heures de fortune ou le masque « C’est inexplicable, le vélo quand tu l’aimes… Si tu veux une définition, des jours sans gloire, et dédié à la Soule et au plus rouge de ses clubs, un c’est un sport où on prend du plaisir en souffrant », affirme-t-il. Et de certain 3 juillet 1959 à Bayonne. Lire : 100 ans du Tour de France en Pays basque, 1906-2006. Éditions Iru Errege rappeler qu’à 15 ans, avec un C.A.P de charpentier en poche, il se rend déjà au travail à vélo. Pas de plan d’entraînement spécifique, de la route et encore de la route. Sa première victoire ? En solitaire, sur un vélo à guidon plat, quand en 1949 il franchit le col de Larrau sans mettre pied à terre… De l’étape Bordeaux-Bayonne, Antoine Blondin soutenait que « pour une étape de plat, elle était plutôt du genre fausse maigre », plats et replats Mots-clés/Hitz gakoak : ourlant la rectiligne trouée de la forêt landaise. Ce 3 juillet 1959, André Cyclisme : txirindularitza Darrigade a dans l’idée de remporter l’étape et emmené par lui, le peloÉchappée : ihesaldi ton roule à une bonne moyenne, 44 km/h la première heure, 42 km/h la Sprint : esprint deuxième. Aucune échappée à signaler, seulement une obstinée chaleur Tour de France : Frantziako Toura caniculaire sous un ciel bleu de safre.

Q


TABLE

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Céderic Pasquini

ekohegoa,

de goût et d’environnement EKOHEGOA, GUSTUZ ETA INGURUMENAZ

E

kohegoa pourrait sonner comme l’enseigne d’un restaurant. et non ! il s’agirait plutôt d’un principe, d’une méthodologie, voire d’une éthique culinaire. Une gageure que Jean-Pierre Diger (Anglet, 1961) s’attache à relever et de lumineuse façon. Prophète en son pays, il a l’écoute des bonnes tables de euskal herri, et de plus loin encore. Comment définir le métier de JeanPierre Diger ? Consultant ? Une désignation par trop réductrice. Nous dirions plutôt inspirateur ès arts culinaires pour professionnel appliqué à légitimement affiner son exercice, à l’optimiser tout en œuvrant à l’environnement. Une mission complexe mais enthousiasmante qu’il mène par le biais de ekohegoa, son cabinet friand. « Je défends une cuisine noble et racée quand aujourd’hui on s’attache trop à la mise en scène, le contenant vient après. »

Cuisine gaie et colorée

Jean-Pierre Diger sait de quoi il parle qui a rougi avec talent les fourneaux de tables locales dont les gourmands se souviennent encore : Le Bistro des Halles, Le Vivier du même nom, Le café des bains de minuit de Biarritz. son approche gastronomique ressemble au bonhomme : tout de générosité et d’exigence. Jean-Pierre possède ses repères : une famille de cuisiniers, une tante bodegera à Tolède où il passait ses vacances et un attachement sans faille à l’approche de la cuisine en Pays basque dont il défend la cause familiale : « L’ADN de la famille ça existe toujours ici ; la cuisine du Pays basque ressemble à ses habitants : colorée et gaie. Longtemps tout s’est traité en cuisine, devant le feu. Ensuite il y a eu à tort, cette hiérarchisation de la maison : la cuisine et la salle à manger. Désormais la cuisine n’est plus un lieu que l’on cache, mais où on se retrouve volontiers. » Fort d’un diplôme de conseiller environnemental – spécialisé dans le développement durable et l’économie d’énergie appliquée dans l’hôtellerie et la restauration – décroché en 2009 à l’Estia (École supérieure des Technologies supé-

ezezagutua, JeanPierre Diger-en ofizioak sukaldaritzako profesionalei haien lana optimizatzeko bidea ematen die. ekohegoa edo manera ekologikoa gastronomia hurbiltzeko.

rieures Avancées, à Bidart), Jean-Pierre va faire convoler en justes noces ses nouvelles connaissances et le métier de restaurateur. Convaincu que l’enjeu environnemental est devenu essentiel, il se propose de réorganiser la façon de travailler, de planifier pour, en consommant le moins possible, être prêt pour le coup de feu de midi. Cela va du réglage du fourneau jusqu’au moment idoine pour allumer la hotte, en passant bien évidemment par l’art de travailler le produit, d’en accommoder les restes, de le retransformer. Ainsi, lors des formations qu’il propose, il est à même, de relever le défi d’un plat du jour à deux euros de prix de revient ! Les arts appliqués ne sont pas oubliés par cet esthète, lequel en collaboration avec l’ESDL (École supérieure de Design des Landes à Mont-de-Marsan) s’applique à associer l’objet aux mets élus. Cuisinier volant au service du particulier, il répond aux desiderata les plus insolites. Ainsi, pour concocter des plats oubliés du XiXeᵉsiècle, il se plonge avec délices dans les grimoires culinaires des escoffier ou Brillat-savarin. il sait aussi étonnamment façonner les arpents de la cuisine bonsaï incarnée désormais par la culture pintxo. Pour maintenir tous les sens en alerte, Jean-Pierre Diger a adopté un rythme de vie de sportif . Une existence en harmonie avec la nature pour mieux se livrer à cette forme aboutie d’humanisme qu’est la gastronomie. « Elle est fatalement partage ; je m’abandonne avec félicité au vin, ce n’est pas mon métier mais il s’accorde merveilleusement avec. » L’assiette au kilomètre, un projet qu’il a à cœur de défendre toujours dans ce souci de réduction de l’empreinte écologique. « Il s’agit simplement de promouvoir l’assiette locale, en remettant le légume à table, en utilisant le circuit court pour tous les produits, une manière aussi d’honorer les producteurs locaux. » Le secret de Jean-Pierre ? Partir du goût pour aller vers la recette. il n’est que de le suivre dans son laboratoire.

Mots-clés/ Hitz gakoak : Cuisine : sukaldaritza Développement durable : garapen iraunkor Légume : barazki goût : gustu


LIEu

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, t e x t e Txomin Laxalt / photographie Cédric Pasquini

LATSAGAKO GAZTELUA, GURATZADAKO OROITZAPEN

O

n ne distingue le château de Latsaga qu’au tout dernier moment, alors que l’on s’apprête à entrer dans le village de izura (Ostabat, Basse Navarre). Édifié au début du Xiiieᵉ siècle, l’ouvrage détonne et se pose comme une énigme à tous ceux que l’architecture médiévale intéresse. Un château fort planté au bout d’un champ, sous les hauteurs de Maigureta qui plus est ! À l’encontre des règles de l’architecture militaire médiévale énonçant que toute place forte se doit d’être érigée sur une éminence. À mi-chemin entre château et maison forte, ses imposantes ruines suintent le mystère, il en émane un fort parfum d’aventure que l’histoire vient confirmer. La disposition stratégique interpelle pour ses erreurs d’appréciation mais qu’importe, sa situation sur un chemin multiséculaire émoustille l’imagination et réveille l’écho de la crépitation des armures, le heurt des izuran, Latsagako gaztelua enigma bat flamberges. Le château de Latsaga est lié à la bezala pausatua da. Xiii. mendean eraikia, grande geste de ComNafarroak erregeak zeuzkaneko denboraren postelle mais aussi aux premiers errements de azken lekukoetako bat da. l’Occident chrétien au Moyen-Orient, plus connus sous le nom de croisades. Le fait de se trouver sur l’itinéraire historique de Compostelle contribue à entretenir avec réalisme une atmosphère. Ostabat, une étape majeure, était en capacité au Moyen-Âge de recevoir 5 000 pèlerins/jour et possédait pour cela deux hôtels, deux hôpitaux dont on peut encore voir les traces, et une vingtaine d’auberges. La famille de Latsaga ou Laxague, participera de près à la politique de Navarre. elle est citée à partir de 1270 au travers de Pees de Latsaga engagé dans la catastrophique huitièmeᵉCroisade aux côtés de Teobaldo ii de Navarre lequel, lors du siège de Tunis, y laissera la vie avec le capétien Louis iX, roi de France, dit saint-Louis. De 1376 à 1381, un Pierres de Latsaga, chambellan du royaume, est impliqué dans une Mots-clés/Hitz gakoak : sombre expédition en Albanie pour être marié Château : gaztelu avec la fille de Louis, infant de Navarre. Ce Rempart : harresi dernier, ayant convolé en 3e noce avec Jeanne Armure : armadura de sicile, a des vues sur le royaume d’Albanie. expédition : espedizio Fort de 20 000 livres accordés par le royaume

Le CHÂTeAU De

LATsAgA, sOUVeNiR De CROisADe

de Navarre, Pierres de Latsaga aux côtés de Joanicot de Urtubie, lèvera la Compagnie navarraise composée de 800 reîtres navarrais et gascons payés mensuellement 30 florins aragonais d’or, le reste sur le dos de l’Albanais. Le corps expéditionnaire s’y illustrera de sinistre façon jusqu’à parvenir à zanjon (Thessalie) qui deviendra Castellum Navarrorum (le château des Navarrais), aujourd’hui le célèbre Navarone des canons. Pierres de Latsaga sera le seul survivant navarrais de l’expédition. C’est tout cela qu’évoquent l’enceinte presque aveugle du château, sa tour d’entrée initialement hersée, le corps de logis rustaud, son chemin de ronde, ses meurtrières, ses fentes de tir. il faut imaginer le donjon de bois qui, dans la tradition des dorre etxeak (maisons tours), se dressait au mitan de l’ensemble, pareil à Jauregizar de Arraioz (Baztan). Les baies à coussièges, les délicates fenêtres géminées, tempèrent la rudesse de l’ensemble et évoquent de paisibles veillées quand les bertsu de quelque troubadour célébraient les amours du seigneur. Dans une étude détaillée consacrée au château, (La maison forte de Latsaga, Persée 2006, volume iV ), Benoît Duvivier rappelle que « cette enceinte possède toutes les caractéristiques défensives d’un ouvrage fortifié… Il est peu probable que l’édifice ait pu résister à l’assaut d’une troupe quelque peu constituée. Les caractéristiques défensives ont eu un rôle plus dissuasif qu’efficace. » L’auteur note des faiblesses en matière défensive, en particulier l’inutile meurtrière de la tour sud, incapable d’assurer la couverture du flanc intéressé. Quant à ceux qu’intéressent la domologie ou psychologie des lieux de vie, ils apprécieront le souci des commodités de l’endroit, attesté par le nombre inhabituel de latrines. généralement aménagées à la manière de petites échauguettes aux angles des tours, elles permettaient aux incontournables exonérations humaines de suivre le même chemin que, lors des sièges, la poix et l’huile bouillante. Benoît Duvivier y voit une ruse pour faire croire à une garnison importante. Au carrefour des trois voies historiques de Compostelle, sans doute sa présence rassurait les pèlerins souvent confrontés aux détrousseurs. « Au rôle défensif, peut-être limité à une protection contre une petite bande armée, s’ajoute un rôle de marqueur social permettant de se différencier de la petite noblesse avoisinante ». Le drapeau navarrais flotte à la tour d’entrée du château de Latsaga, l’un des derniers témoins d’un temps où le Pays basque avait des rois.


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