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Le mochi un petit gâteau mystérieux
Le succès du mochi en Europe s’explique d’une part par l’attrait qu’exerce le Japon et, d’autre part, par l’aspect Le mochi entre douceur et mystère santé, le mariage du riz et du haricot étant l’alliance de protéines parfaite.
TEXTE
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Véronique Zbinden
PHOTOS
Nicolas Lobbestaël*
Le petit gâteau de riz gluant inspire les pâtisseries et les créateurs d’entreprises. Il est aussi à l’origine d’ateliers, de livres et d’un véritable engouement dans nos contrées.
B
lotties dans leur panier de bambou, quelques petites boules poudrées, pâles et douces comme la joue d’une geisha, un porte-bonheur ancestral et la promesse d’un cœur mystérieux au léger goût de châtaigne.
Un peu fière, j’avoue, d’avoir apprivoisé l’exotisme et l’étrangeté de ces wagashi au cours d’un atelier chez Akiko

L’histoire du mochi, associée à la nouvelle année, est sans doute aussi ancienne que la riziculture, millénaire. Une certaine Madame Otayo a contribué à le moderniser au 18e siècle.
Ames, dans sa grande cuisine de la région lausannoise. Passionnée de cuisine et de pâtisserie, Akiko Ames enseigne notamment l’art de confectionner ces mochi: «Je n’aurais jamais imaginé que les wagashi, les pâtisseries traditionnelles, deviendraient aussi populaires ici», s’étonne la Tokyoïte installée en Suisse depuis une vingtaine d’années.
Omniprésent au Japon
«On commence par mélanger le shiratamako, la farine de riz gluant, avec de l’eau et du sucre pour former la pâte, qui sera cuite à la vapeur. La farce traditionnelle à base de haricots rouges azuki se prépare à l’avance: on les rince à plusieurs reprises, avant de les cuire longuement, de sucrer puis d’assécher l’appareil jusqu’à la bonne texture.»
Les lecteurs des «Délices de Tokyo» de Durian Sukegawa retrouveront ici un peu de la poésie de la vieille dame qui «écoutait la voix des haricots» pour réussir son exceptionnel anko (ou an). Enfin, la pâte de riz est pétrie en forme de petits disques pour accueillir la farce.
Au Japon, on le nomme daifuku et il est partout, des pâtisseries de quartier aux grands magasins et aux épiceries. Pour un palais occidental, la première bouchée de cette petite chose souple, un peu élastique, d’abord fade avant de révéler son cœur plus rugueux d’azuki est quelque peu déconcertante. Et puis on y revient. On s’attarde sur ce mélange troublant de textures, peu sucré, inconnu au répertoire européen.
«Une texture inouïe»
L’histoire de cette bouchée, associée à la nouvelle année, est sans doute aussi ancienne que la riziculture, millénaire. «Daifuku signifie grand bonheur ou chance et peut s’offrir en guise de porte-bonheur pour l’An neuf», souligne Akiko Ames. A l’origine, deux personnes battent et retournent alternativement du riz glutineux cuit à la vapeur dans un mortier pour former la pâte. Les premières recettes sont salées et on doit à une certaine Madame Otayo d’avoir modernisé le daifuku, au 18e siècle – voué à devenir aussi populaire au Japon que nos croissants.
«Ce n’est pas le plus complexe, ni le plus raffiné des gâteaux, mais une →

Le mochi pomme d’amour, tel que présenté dans l’ouvrage que vient de publier Mathilda Motte, historienne de l’art qui a longuement séjourné à Toyko et créé la Maison du Mochi, à Paris.
Bon à savoir
Cordon bleu (elle a remporté le championnat romand des cuisiniers amateurs), Akiko Ames propose des ateliers de cuisine et pâtisserie japonaise dans la région de Lausanne (thematchagreen.com). On s’initie avec elle à la confection de ramen, gyozas et autres sushis, mais aussi des fameux daifuku. Le secret d’un bon mochi tient d’abord à sa crème de haricots, rouges (anko) ou blancs (shiroan), que l’on peut parfumer de mille manières selon la saison. Outre les classiques (matcha, yuzu, sésame noir) Akiko Ames propose… l’ovomaltine! A déguster au salon de thé lausannois Marutcha et lors des ateliers. douceur populaire, réconfortante, un vrai doudou», note Mathilda Motte, qui lui a consacré deux livres et créé la Maison du Mochi, à Paris. Cette historienne de l’art, qui a séjourné longuement à Tokyo et appris le japonais, a vécu un véritable choc esthétique en y découvrant l’esthétique et la cuisine nippones. Un jour, dans un magasin du quartier chic de Roppongi, elle rencontre son premier daifuku: «La texture était inouïe, totalement inédite, puis le goût de l’anko, proche de la crème de marron, en plus rustique, avec des notes terreuses, puissant et sobre à la fois: un parfait résumé du goût japonais, quelque chose qui s’apprivoise lentement avant de se révéler.»
La Maison du Mochi expédie ses mochis dans toute la France et en propose une dizaine de variantes dans ses deux enseignes parisiennes, ouvertes en 2020 et 2021, est portée par la vogue récente du Japon. «Les ventes ont décollé, portées par une vraie appétence, un goût pour le Japon et ses produits ». Ce succès s’explique aussi, selon Mathilda Motte, par l’aspect santé: «Le mariage du riz et du haricot est l’alliance de protéines parfaite; peu sucré, dépourvu de gluten et extrêmement nutritif, le mochi est au fond la gourmandise idéale, déculpabilisante et régressive à la fois.»
Diversité des goûts et des formes
De son côté, Akiko Ames collabore avec le salon de thé lausannois Marutcha, pour qui elle confectionne des mochis farcis d’ingrédients traditionnels: anko, sésame noir ou thé vert matcha. Sur place, on accompagne également son sencha ou son hojicha d’autres parfums.
Cet engouement récent pour le mochi s’est aussi traduit par une diversité accrue des goûts et des formes. A deux pas de la gare Cornavin, à Genève, Sachiko Yagi confectionne chaque jour ses mochis frais, à base d’ingrédients naturels et bios pour l’essentiel, en quantités limitées: anko, yuzu, matcha, figue séchée, fraise ou châtaigne, selon la saison. «Dans l’idéal, il faut les manger le jour même, précise la jeune pâtissière, qui a ouvert avec son mari cuisinier Maison Ichi fin 2018, une minuscule enseigne de spécialités nippones à l’emporter. Autre adresse de charme, Osio, pâtisserie japonaise créée par un couple italo-coréen décline dorayaki et mochi notamment du côté de Prilly.
Au Japon, le mochi a essaimé en famille nombreuse. «Voici une vingtaine d’années, on a commencé à les farcir de fraises fraîches (ichigo), puis d’autres fruits, note Akiko Ames. A la floraison des sakuras, on les enveloppe d’une feuille de cerisier et on les teinte de rose pâle. On trouve aussi les dango, mini-bouchées présentées en brochettes. Le kagami mochi est associé aux festivités du Nouvel An. Dans les familles, on en fait de plus grande taille semblables à deux galettes superposées, sur lesquelles on dépose une mandarine japonaise. Il est exposé sur l’autel pendant la période du Nouvel An, puis brisé en plusieurs parts et dégusté par les
membres de la famille: le kagami n’est pas sucré et peut aussi s’ajouter au sukiyaki.»
Une sensualité incroyable
Les versions glacées du mochi, venues elles aussi du Japon, sans doute plus faciles à apprivoiser pour la plupart des Européens, connaissent un grand succès. On les nomme tsukino mochi, qui signifie regarder la neige.
A l’origine architecte d’intérieur, la Lausannoise Aimée Argi a elle aussi fondu pour la version glacée du mochi, créant en décembre 2019 sa petite entreprise: «Je voulais monter un projet avec mes enfants autour d’un produit artisanal et notre passion commune pour ces goûts: l’originalité des mochis, qu’on commence à découvrir ici nous a incités à nous lancer.» Aimée se forme auprès d’un chef japonais avant de s’associer à un glacier pour créer sa gamme de parfums – six sorbets et cinq glaces – emprisonnés dans une fine pâte de riz. Inspiration japonaise, ingrédients locaux: The Mochi House distribue ses petites boîtes de délices glacées essentiellement auprès de restaurants et traiteurs asiatiques.
La grande distribution s’est de même engouffrée dans le trend du mini gâteau glacé, décliné dans des couleurs flashy et des qualités très diverses. Mais au fait, à quoi reconnaît-on un mochi réussi? «Il est semblable à la peau, très pâle et fin: c’est le compliment qu’on fera pour un daifuku parfaitement réussi», souligne Akiko Ames. «Sa texture est d’une sensualité incroyable, troublante, ajoute Mathilda Motte. Elle évoque, idéalement, le lobe de l’oreille…» •
* Les photos de Nicolas Lobbestaël sont extraites de «Mochis» de Mathilda Motte, paru aux Editions Big In Japan.
CONTACT
Salon de thé Marutcha Rue de la Grotte 4 1003 Lausanne Tél. 021 521 37 65 marutcha.ch
EN LIBRAIRIE
Fondatrice de la Maison du Mochi, Mathilda Motte livre dans cet élégant ouvrage 30 recettes de mochis, entre traditions japonaise et française, tout en distillant des informations sur la culture japonaise sous l’angle par exemple de l’infusion du thé ou du furoshiki, cette technique de pliage et de nouage de tissus utilisée pour l’emballage de cadeaux.
Mathilda Motte, «Mochi. Tous les secrets de fabrication de cette pâtisserie venue d’ailleurs», Paris, Editions Hachette Pratique (Big in Japan), 2021, ISBN 978-2-0194-5665-8
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