HG-Hebdo 26/2021

HGH No 26

PROCHAINE ­PARUTION LE 20 OCTOBRE

Le journa l professionnel de Hotel & Gastro Union depuis 1886 CXXXVIe année

Lausanne, le 7 octobre 2021

Édition romande

Bocuse d’Or

Le Salon suisse des Goûts et Terroirs prépare sa 21e édition à Bulle

Manuel Hofer sacré Meilleur commis

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Paeg 5

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Po r t r a i t

Lucien Mosimann Membre d’honneur de la ssc, le Fribourgeois Lucien Mosimann est connu par tous ses pairs. Mais il a un talent unique pour toujours surprendre ses interlocuteurs.

Hôtellerie

Ivan Rivier prend congé du LP

Sacre vaudois à la Finale romande et ­tessinoise des jeunes confiseurs

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Dominik Altorfer a fait preuve de beaucoup de flair et de créativité lors du concours de cuisine qui s’est déroulé dans les locaux de l’Ecole professionnelle de Baden (AG).

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ROY M AT T ER

DOMINIK ALTORFER REMPORTE LA SCC

e président du jury Werner Schuhmacher aura fait une nouvelle fois durer le suspense jusqu’au bout lors de la cérémonie de remise des prix de la Swiss Culinary Cup (SCC) 2021. Les cinq finalistes ont connu des hauts et des bas tout au long de l’épreuve, mais, lors du sprint final, Dominik Altorfer a pu prendre l’avantage. Le chef de 25 ans qui tra-

vaille au Landgasthof Leuen, à Uitikon-Waldegg (ZH), a décroché le titre devant Nathalie Stupf-Hänni. Agée de 36 ans, la cheffe du Senevita à Berthoud (BE) avait les larmes aux yeux, car une coupure survenue dans le feu de l’action semblait lui avoir ôté toute chance de monter sur le podium. La troisième place est revenue à David Richards, 33 ans, chef du restaurant

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Koi Gartenteich à Häusernmoos (BE), qui finit au même rang qu’en 2017.

Quant à la quatrième, elle a été partagée par Patrick Adam (34 ans), chef adjoint du Clienia Schlössli, à Oetwil am See (ZH), et Christian Bosco (22 ans), sous-chef à l’Osteria Enoteca Cuntitt, à Castel San Pietro (TI).

Cette année, les finalistes avaient 2h45 pour préparer et envoyer l’as-

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siette d’amuse-bouche, le plat principal et le dessert sur le thème annuel de la Société suisse des cuisiniers (ssc) – Roots – à l’Ecole professionnelle de Baden. Pour la première fois dans l’histoire de SCC, les candidats se sont présentés devant le jury de dégustation pour raconter la manière dont ils ont conçu leur plat principal. Lors de la cérémonie de remise des prix qui a

suivi dans la Trafohalle à Baden (AG), l’animateur Sven Epiney a tenu en haleine les 150 invités. En plus d’honorer les finalistes, l’ancien secrétaire général de la ssc, Norbert Schmidiger, est revenu sur les 48 ans d’histoire du concours. Et Werner Schuhmacher en a profité pour faire ses adieux au jury.

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28.09.2021

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R E V U E D E PR E S S E

RTS Info

Baisse des ventes à cause du certificat Les restaurants ont tiré un premier bilan de l’extension du certificat Covid deux semaines après son introduction. La baisse des dépenses dans le secteur a atteint 13 % en Suisse, selon une étude dirigée par l’Université de Saint-Gall.

Lors des deux premières semaines de septembre, 229 millions de francs ont été payés par carte dans les bars et restaurants de Suisse, contre 199 millions durant les deux semaines ayant suivi l’introduction du pass sanitaire, ce qui représente une baisse de 13%.

CO N COU R S

Gagner un couteau Tim Mälzer Nakiri Quelle récompense la délégation helvétique s’estelle vu remettre lors de la finale du Bocuse d’Or à Lyon?

A) Meilleur menu take-away B) Meilleur commis C) Meilleur plat de viande

Le Nouvelliste Quelque 300 exposants sont attendus du 28 octobre au 1 novembre 2021 à Espace Gruyère. er

Le prix d’une valeur de 279 francs est offert par www.monde-du-couteau.ch / www.sknife.com Merci de nous faire parvenir votre réponse d’ici au 20.10.2021 à l’adresse suivante: Rédaction Hotellerie Gastronomie Zeitung, Case postale 3027, 6002 Lucerne, ou par e-mail: wettbewerb-hgz@hotellerie-gastronomie.ch

A N N O N C E

Le Salon suisse des Goûts et Terroirs renoue avec les artisans et le public Après l’annulation de l’édition 2020, la manifestation proposera dès le 28 octobre et pour cinq jours un riche programme à Bulle (FR).

C’est au début de l’été que Marie-Noëlle Pasquier a pu communiquer la bonne nouvelle à ses partenaires. «Les préparatifs en vue de la 21e édition ont pu être lancés à la suite des nouvelles directives du Conseil fédéral. Tous les visiteurs et exposants devront être munis d’un certificat Covid, et, une fois à l’intérieur, ils pourront déambuler librement sans masque», lance la directrice du Salon suisse des Goûts et Terroirs.

Mais avant de faire leur annonce, les organisateurs avaient pris soin de consulter les exposants. «Dans un premier temps, nous leur avons demandé s’ils étaient prêts à participer à un rendez-vous durant lequel un certain nombre de restrictions seraient imposées (port du masque, pas de dégustation, limite de la jauge); leur réponse a été négative. Puis, sur la base des nouvelles règles prônant l’utilisation du certificat, nous nous sommes de nouveau tournés vers eux;

ils nous ont tous assuré de leur soutien», se réjouit Marie-Noëlle Pasquier. Par conséquent, le nombre d’exposants – environ 300 au total – sera similaire à celui de 2019.

Des signes encourageants

Scanner pour informations et inscription: Salon suisse des Goûts et Terroirs

Le couteau Nakiri Tim Mälzer de la gamme Kai Shun Premier est particulièrement adapté à la découpe des légumes et permet un travail professionnel. Sa lame émoussée peut être utilisée comme une spatule, de sorte que les aliments coupés peuvent être aisément transférés dans le wok. Ce couteau damassé présente également une surface martelée de manière artisanale, appelée tsuchime au Japon, et un manche fin en bois de pakka.

Quid de la fréquentation? C’est la grande inconnue, mais la baisse de 10 % seulement des entrées lors d’une manifestation organisée le week-end dernier à Espace Gruyère est un signe encourageant. «Au niveau de l’offre, nous renonçons cette année à l’Arène Gourmande et à l’Amuse-Bouche, pour des questions à la fois financières et logistiques, mais d’autres événements auront lieu. A commencer par le Swiss Bakery Trophy, dont l’édition 2020 a été décalée d’une année, et le Concours de qualité des meilleurs produits à base de viande, avec à la clé de nombreuses animations valorisant le travail de la relève. C’est une édition à ne pas rater!»

PAT R I CK CL AU D E T En collaboration avec le Salon suisse des Goûts et Terroirs, Hotel & Gastro Union organise le 31 octobre un événement exclusivement réservé à ses membres.

Informations et inscription via le code ci-contre.

Bilan positif pour la 20e édition du Sirha Lyon malgré le coronavirus

Davantage d’informations: www.sirha.com/fr

A elle seule, la venue du président de la République française Emmanuel Macron à Eurexpo semble justifier l’épithète «historique» présente dans le titre du communiqué de presse final de la 20e édition du Salon Sirha. En 40 ans d’existence, c’est la première fois en effet que la manifestation lyonnaise recevait la visite du chef de l’Etat et il suffisait de voir l’agitation et la foule nombreuse dans le sillage direct du président pour comprendre l’importance de cette visite de courtoisie. Une manière pour lui en tout cas de soutenir une branche qui

La Foire du Valais a passé son test Covid Le premier week-end de la Foire du Valais version Covid devait permettre de répondre à deux questions. Le public allait-il répondre présent? Oui, clairement. L’autre inconnue concernait les exposants – feront-ils assez d’affaires pour avoir envie de revenir? Là aussi, le pouvoir d’attraction de l’évémement semble intact, eu égard aux avis récoltés sur place par le quotidien.

NZZ am Sonntag

La pression monte sur les passagers Alors que le personnel naviguant de Swiss risque le licenciement s’il ne se fait pas vacciner, la pression monte désormais de plus en plus sur les passagers, rapporte la NZZ am Sonntag. Selon le syndicat du personnel de cabine, de plus en plus de pays exigent une preuve de vaccination pour pouvoir entrer sur leur territoire. La compagnie aérienne australienne Qantas a été l’une des premières à dire qu’elle ne transporterait que des passagers vaccinés.

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La fréquentation et le nombre d’exposants ont certes diminué par rapport à 2019, mais les organisateurs saluent la résilience du Salon.

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DR

a particulièrement souffert en raison des confinements successifs. «Ce sont des métiers de sens, des métiers d’avenir, qui apportent une réponse au besoin de sens de la jeune génération. Ils sont au cœur de toutes les considérations. La France de 2030 est une France de l’alimentation et de goût français», a commenté Emmanuel Macron.

Retour à une forme de normalité En termes de fréquentation, Sirha Lyon a accueilli 149 100 professionnels et 2116 exposants. Des chiffres en baisse de respectivement 34 % et 44 % par rapport à 2019, mais qui ne doivent pas faire oublier la forme de miracle qu’a représenté cette édition repoussée à deux reprises, mais qui aura au final permis de renouer avec une forme de normalité.

(P CL)

La Suisse a peu progressé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elles ont baissé de 2 % depuis 1990, principalement grâce aux ménages, qui ont réduit de 17 % leurs émissions de CO2. Durant la même période, l’économie a observé une hausse de 10 %; depuis 2010, elles ont toutefois diminué de 8,5 %, indique l’Office fédéral de la statistique

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Une Vaudoise gagne la Finale romande et tessinoise des jeunes confiseurs

La compétition, dont huit des neuf finalistes étaient des apprenties, a été remportée par la Montreusienne Juliane Anchise.

UNSPL ASH

L’emploi est au beau fixe Davantage d’informations: www.jeunes-confiseurs.ch

Le marché de l’emploi en Suisse s’est nettement redressé au troisième trimestre, au point de renouer avec ses niveaux d’avant la pandémie de coronavirus. Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration s’est rétabli, mais se trouve confronté à une large pénurie de main d’œuvre. «Le nombre d’offres d’emploi retrouve actuellement pour la première fois son niveau d’avant la crise du coronavirus», ont indiqué les auteurs de l’étude compilée dans le cadre de l’Adecco Group Swiss Job Market Index du Moniteur du marché de l’emploi de l’université de Zurich. Au troisième trimestre, ce baromètre du marché de l’emploi helvétique a enregistré une progression de 9 % comparé au partiel précédent. Et il a bondi de 28 % par rapport à la même période en 2020. ( AT S)

Président de la Finale romande et tessinoise des jeunes confiseurs pour la 23e fois en autant d’éditions, Jean-Louis Boverat a accueilli le 25 septembre dernier quelque 150 personnes à l’Ecole professionnelle de Montreux, où les finalistes se sont mesurés sous le regard d’un jury consti- C’est le thème «Swiss Made» que les finalistes – parmi lesquels la gagnante tué à parts égales d’hommes et de Juliane Anchise – ont dû décliner lors d’une épreuve de cinq heures.

DR femmes. «Après l’édition 2020 qui s’était déroulée à huis clos, c’était un bonheur de retrouver nos amis, davantage le travail des jeunes Tessin, Valais, Vaud), dont ils collègues et partenaires. Tous professionnels engagés dans le avaient été les apprentis les plus brillants. Particularité de cette au bénéfice d’un pass sanitaire, concours», explique le président. les invités étaient certes moins Les finalistes, justement: ils 23e édition: il y avait huit femmes nombreux que durant les édi- étaient au nombre de neuf et re- et un seul homme. «Cela mérite tions avant-Covid, mais leur pré- présentaient sept cantons (Fri- d’être souligné pour deux raisons sence a permis de valoriser encore bourg, Genève, Jura, Neuchâtel, au moins: d’une part, la tendance

Si le Salon bâlois a annulé son édition 2021, il n’en demeure pas moins actif en prévision de l’an prochain.

Davantage d’informations: www.gastrosuisse.ch/fr

Gastrosuisse regrette la décision du Conseil fédéral de rendre payants les tests coronavirus dès le 11 octobre. De nombreuses personnes se voient ainsi refuser l’accès aux restaurants, estime l’organisation, pour qui cela aggrave la situation de l’hôtellerie-restauration. «De nombreux établissements enregistrent déjà maintenant moins de clients et un chiffre d’affaires bien plus faible en raison de l’obligation de certificat», explique Gastrosuisse.

(H G H)

Calme et créativité

Igeho développe une plateforme numérique

Les tests payants inquiètent

On se rappelle qu’au début de l’été les organisateurs de Igeho avait annoncé l’annulation de l’édition de novembre. En cause: la trop grande incertitude planant sur le secteur de l’hôtellerie-restauration et la difficulté pour les opérateurs de mobiliser les ressources financières nécessaires à la participation à une foire professionnelle de cette envergure. Mais Judith Krepper, Brand Director,

s’est inversée par rapport à il y a quelques années; d’autre part, l’effectif dans les classes est plutôt paritaire, ce qui veut dire que les femmes sont particulièrement brillantes, eu égard au mode de sélection des participants», relève Jean-Louis Boverat.

n’entend pas rester les bras croisés jusqu’en 2023, date à laquelle le rendez-vous bâlois compte bien retrouver in situ ses partenaires.

«Nous travaillons en effet simultanément sur une plateforme numérique. Notre but est de compléter de manière significative les lieux de rencontre physiques grâce au contenu numérique et de promouvoir les échanges au sein de la communauté. Concrètement, cela signifie qu’Igeho évoluera d’un évènement purement physique à une plateforme d’échange spécialisée, où les exposants, les associations et leurs membres pourront communiquer et interagir 365 jours par an», annonce Judith Krepper.

Pour ce qui est du concours à proprement parler, dont le thème était le «Swiss Made», le niveau des créations était élevé, avec à la clé de très belles pièces. «Nous avons pu admirer la créativité des participants, qui ont de surcroît respecté le temps qui leur était imparti, tout en travaillant dans une atmosphère étonnamment calme si l’on pense à l’enjeu que représentait la compétition.» Au final, c’est la Montreusienne Juliane Anchise, dont la formation initiale a eu lieu à l’association Boulangerie et Confiserie Formation Vaud, qui a décroché le titre de Meilleure apprentie pâtissière-confiseuse de Suisse romande et du Tessin 2021.

Grâce à de nombreux partenaires, aussi bien privés qu’associatifs, la gagnante et les autres finalistes sont tous repartis avec des lots attrayants.

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Concrètement, cette plateforme numérique aura pour but de faciliter l’accès à des groupes cibles, diffuser des contenus, présenter des produits, partager des connaissances et mettre en réseau les professionnels de la branche, explique en substance la directrice.

L’importance du contact personnel Quant à savoir si la branche aura la capacité de rebondir après la crise sanitaire, Judith Krepper se montre raisonnablement confiante. «La pandémie a en- Judith Krepper est Brand Director du traîné d’importants bouleverse- Salon Igeho.

DR ments et accentué les difficultés déjà présentes, comme le manque de personnel qualifié. Par ailleurs, la pression en matière d’in- tirons bientôt du creux de la vague novation a conduit à l’émergence et que le secteur se redressera. Et et à la mise en œuvre de nou- une chose est sûre: la pandémie veaux concepts, notamment au ni- nous aura appris l’importance du veau de la vente à emporter. Nous contact personnel et des interacsommes persuadés que nous sor- tions sociales.»

(P CL)

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IVAN RIVIER «MÊME LES PALACES SONT ANCRÉS DANS L’ÉCONOMIE»

Nous étions le seul cinq étoiles à rester ouvert à Lausanne, et ce grâce au soutien de la Fondation propriétaire. Le premier confinement était très particulier: nous avons réduit les équipes à 15 personnes, qui ont été très polyvalentes. Nous avons toujours eu au minimum une dizaine de chambres occupées et parfois jusqu’à 20. C’était important de garder l’hôtel ouvert, car malgré tout la vie continue. Il fallait gérer la crise, même ouverts: c’était compliqué de ne pas perdre plus d’argent que si l’hôtel était fermé.

Nous avons eu un minimum de licenciements heureusement, en jouant sur les départs naturels et les CDD. Pendant le deuxième confinement, on a ouvert la brasserie et on a été pleins tous les week-ends, les clients avaient très envie de se retrouver au resto. On a aussi lancé les tables déconnexions, avec des repas servis dans des lieux insolites: à la piscine, dans une suite ou la vigne du Palace, avec un succès fou.

Après Beau-Rivage à Genève, Ivan Rivier a dirigé le Lausane Palace pendant cinq ans.

Interview et regard sur l’hôtellerie de luxe.

Ivan Rivier, vous avez quitté votre poste de directeur général du Lausanne Palace le 30 septembre dernier. A 62 ans, c’est presque une préretraite: pourquoi cette décision?

I VA N R I V I ER : Elle n’est pas liée au Covid, qui a donné l’agenda, mais pas le timing. J’avais annoncé mon départ en décembre dernier et je devais finir en mai ou juin. Le processus de sélection a pris un peu plus de temps. C’est finalement Isabelle von Burg, qui vient des Bergues, à Genève, qui va me remplacer; j’en suis très heureux.

HGH:

Quels sont vos projets?

J’aime l’opéra, mais je n’ai plus envie de filer à toute vitesse pour un week-end à Paris ou Milan puis de rentrer fatigué. Nous vivons une époque où tout se fait dans la précipitation et j’ai au contraire besoin de flâner, prendre le temps de visiter une expo. Découvrir des endroits avant qu’ils soient trop courus: là, je rêve notamment d’aller voir l’extraordinaire site archéologique d’Alulah, au nord de l’Arabie saoudite.

Vous avez un parcours d’une fidélité impressionnante…

C’est vrai, mais ça n’a jamais été un plan de carrière. Moi qui pen-

«C’était important de garder l’hôtel ouvert, car la vie continue» De ses cinq ans au Lausanne Palace, Ivan Rivier retient l’incendie d’il y a deux ans et les innombrables rencontres et événements, dont l’inauguration de la Bibliotheca avec François Busnel, de La Grande Librairie.

sais voyager et travailler pour des groupes internationaux, je me suis retrouvé en Suisse, dans des hôtels en mains familiales. Après l’Ecole hôtelière et une ouverture à Rolle, je suis revenu à l’EHL, côté opérationnel, avant d’être nommé directeur des opérations et d’y rester onze ans. Puis il y a eu le Beau-Rivage, à Genève, où je suis resté quinze ans, et enfin le Lausanne Palace depuis 2016.

Diriger un hôtel comme le Lausanne Palace, qu’est-ce que cela signifie au quotidien? Y a-t-il une journée type ?

Chaque jour est différent. C’est un métier dur mais fabuleux, qui nous amène à côtoyer tous les milieux, tous les métiers, du plongeur à celui qui a fait l’EHL, le côté humain est passionnant, enrichis-

sant. En temps normal, nous sommes 250 personnes, que j’essaie de connaître individuellement, pour quatre restaurants, trois bars et 140 chambres. Avec les clients aussi, vous rencontrez une multitude de nationalités, passez du bureau et de la gestion au relationnel.

Qu’est-ce qui est le plus intéressant pour un directeur?

Créer une atmosphère: on peut avoir un hôtel magnifique et luxueux mais sans âme. Moi ce qui m’intéresse, c’est le supplément d’âme donné par les équipes. C’est ce qui m’a toujours passionné dans les métiers de l’hôtellerie.

Travailler avec les équipes, leurs sensibilités et faire régner cette harmonie qui fait que les visiteurs s’y sentent bien.

A N N O N C E

«Ma branche.

Mon équipe.»

DR

En quoi le Lausanne Palace se distingue-t-il des autres établissements?

C’est un hôtel très urbain et inclusif. C’est l’hôtel des Lausannois et c’est pour eux que j’ai développé le Palace Unlimited, programme d’animations culturelles qui a commencé avec le Prix littéraire de Lausanne, voici quatre ans, et continué avec la musique, puis la danse et la peinture. L’hôtel est devenu une plateforme culturelle vivante, inscrite dans la ville, ouverte à de multiples disciplines, du concert classique à la nuit des polars, du street art au défilé de mode, en passant par une bibliothèque ouverte au public et des partenariats avec musées et théâtres.

Comment avez-vous traversé cette crise?

Comment voyez-vous l’évolution de la branche?

Le grand défi tient à la pénurie de personnel. Beaucoup de gens ont changé de branche, décidé d’arrêter ou espèrent des conditions différentes. Sinon, on verra comment évolue le reste de l’économie: les hôtels ne sont pas sur une autre planète, même les palaces sont ancrés dans l’économie.

Davantage d’informations: www.sandoz-hotels.ch/accueil

C’est aussi une période de grands changements pour le groupe?

En début d’année, il y a eu l’arrivée d’Andrea Zambelli, nouveau CEO de la Fondation des hôtels Sandoz, issu de la direction de Nestlé, puis, en août, celle de Jean-Marc Brandenberger, venu du groupe de restauration collective Eldora, qui est le nouveau directeur du marketing et de la communication.

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Imaginez-vous de nouvelles fermetures ou de nouveaux rachats par des groupes?

Lausanne compte trois palaces, c’est moins que Genève, mais nous dépendons beaucoup de la clientèle d’affaires, dont les habitudes ont changé récemment. L’hôtellerie n’est pas déconnectée du reste de la vie économique. Tout est lié.

Les groupes ou les chaînes sont peut-être mieux armés pour aborder cette période délicate. Pourquoi serait-il plus dommage qu’un hôtel passe à un groupe plutôt que d’être difficilement géré par une famille?

P RO P OS R ECU EI LLI S PA R V ÉRO N I Q U E ZB I N D EN

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La délégation helvétique lors de la cérémonie de remise des prix du Bocuse d’Or le 27 septembre à Lyon.

Le titre de Meilleur commis est revenu à Manuel Hofer, tandis qu’Ale Mordasini s’est classé au huitième rang d’une compétition dominée par la France.

Mille quatre cents personnes sont massées dans l’arène du Bocuse d’Or, à Lyon. La cérémonie de remise des prix a démarré depuis peu quand Vincent Ferniot annonce la remise du prix du Meilleur commis. Dans la salle, quelqu’un crie: «Manuel!» C’est son frère jumeau qui a poussé la voix, debout comme tout le monde, le regard rivé sur la scène.

Quelques instants plus tard, à la manière d’un écho, le nom du jeune cuisinier de 19 ans sort de l’enveloppe remise par un huissier.

Pour celui qui accompagne Ale Mordasini depuis la finale européenne, c’est la consécration. Au micro, il lâche quelques timides mots – «it’s nice» – et repart avec l’oie Rougié, trophée un brin encombrant mais symbole de mille promesses.

Une édition «historique» Quelques minutes plus tard, toujours dans les gradins, une autre voix, plus fluette, se fait entendre.

«Ale!», crie la fillette du candidat coaché par Rasmus Springbrunn.

Croit-elle au pouvoir magique du verbe? Peut-être, mais ça ne fonc-

I M AG E S SI R H A

tionne pas. Ale Mordasini termine avait accordée au début de l’été (cf. au huitième rang d’une compéti- HGH n°15/2021), Ale Mordasini tion dominée par une France vic- avait clairement affiché ses ambitorieuse pour la première fois de- tions. «Nous pouvons battre les puis 2013, et à l’issue de laquelle Scandinaves même s’ils sont de les pays scandinaves trustent de nouveau archifavoris», avait-il asnouveau le top cinq. suré. Son huitième rang, identique A voir l’accueil exubérant ré- à celui qu’il avait atteint à Tallinn, servé à Davy Tissot – une Marseil- est donc en deçà de son objectif, laise a cappella et une autre en- mais il peut être fier. tonnée à tue-tête sur une bande sonore explosant le niveau des dé- Mission accomplie pour les Suisses cibels –, on saisit toute l’importance de cette victoire tricolore en Au terme de sa journée de période de pandémie. «C’est une concours, il affichait une mine seédition historique», a relevé Marie- reine. Visage détendu, complicité Odile Fondeur, directrice du Sirha. évidente avec les membres de son équipe et paroles empreintes d’humilité: Ale Mordasini a l’étoffe d’un grand, il porte un regard lucide sur sa performance et il peut se targuer d’avoir livré à Lyon une solide performance. Par ailleurs, il est intimement lié à cette forme d’exploit que représente le titre de Meilleur commis – le premier au niveau mondial, Cécile Panchaud l’ayant décroché en 2010 lors de la A LE M O R DA SI N I , FI N A LI S T E SU I S S E finale européenne –, lui qui a très vite porté son choix sur Manuel «On est là, sous-entendu: on est en Hofer. On se rappelle en effet qu’il vie», a quant à lui lâché Vincent l’avait approché alors qu’il n’avait Ferniot, citant la formule la plus que 17 ans et qu’il terminait sa souvent entendue pendant les formation initiale au Stadtspital deux jours de compétition. Au Triemli à Zurich; Manuel Hofer, sacre de l’équipe française s’ajoute troisième à l’édition 2019 de Gusto, donc le bonheur des retrouvailles était venu faire une journée d’esavec le public – la finale euro- sai à l’hôtel-restaurant Krone, à péenne s’était jouée à huis clos –, Regensberg (ZH), et Ale Mordaavant-goût d’un retour à la nor- sini l’avait engagé sur-le-champ. male perceptible dans les allées D’ici quelques jours, l’Acadédu Salon, où les visiteurs, tous au mie suisse du Bocuse d’Or recevra bénéficie d’un pass sanitaire, le détail des points attribués à l’équipe. Ce sera l’heure d’analyétaient rares à porter le masque.

Quid de la performance helvé- ser plus finement ce qui a marché tique? Dans l’interview qu’il nous et moins bien marché. Des gradins

«La déception est grande mais nous nous relèverons»

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La Suisse se distingue au Bocuse d’Or et de la tribune de presse, il est dif- pilotée par un Rasmus Kofoed ficile de porter un jugement autre charismatique, véritable chef d’orqu’esthétique sur les créations chestre devant le box de Ronni d’Ale Mordasini. Le spectateur en Vexøe Mortensen – reste l’ennemi a donc été réduit à écouter les à battre lors de toute campagne du commentaires en direct de Régis Bocuse d’Or. Ensuite, le constat Marcon, président du comité d’or- qu’au-delà du coaching dont nous ganisation international. On re- avions souligné l’importance il y a tiendra ses paroles pour le moins deux ans, l’impression 3D de surprenantes en découvrant le pa- moules en silicone fait plus que jaleron de bœuf braisé du Suisse, mais partie des armes secrètes des dont il a d’abord cru qu’il était candidats, grâce auxquelles ils servi cru, puis, après dégustation, créent des éléments toujours plus trouvé qu’il ressemblait à une sophistiqués. «charcuterie italienne». Pour Enfin, l’impression persisFranck Giovannini, président de tante que l’univers des grands l’Académie suisse du Bocuse d’Or, concours, du moins du Bocuse l’impression de Régis Marcon d’Or, reste une affaire d’hommes. s’explique sans doute par la tech- Aucune femme ne figurait en effet nique privilégiée par Ale Morda- cette année parmi les finalistes, et, sini. «La viande était dense, pres- hormis la présence de la Mexisée dans un moule», explique le caine Beatriz Gonzalez au jury patron du Restaurant de l’Hôtel d’honneur, tous les jurés envoyés de Ville de Crissier. par les délégations étaient de sexe masculin. A l’heure où la gastroAbsence flagrante de cheffes nomie cherche à se réinventer, la bonne nouvelle serait donc non Reste qu’à ses yeux, la perfor- seulement de voir persister des mance du candidat suisse a été concours de cette envergure en impeccable de bout en bout. Dans présence d’un public en chair et en son box, il a pu réaliser son pro- os, mais aussi d’assister à l’émergramme comme lors des nom- gence d’une nouvelle génération breux entraînements, gérant avec de cheffes valorisées au même le calme qu’on lui connaît les titre que leurs homologues masquelques couacs techniques mi- culins.

PAT R I CK CL AU D E T neurs inhérents à toute compétition, et livrant un menu take-away au charme minéral et un plateau Bocuse d’Or 2021: de viande tout en délicatesse avec les 10 premiers (sur 21) la présence de nombreux éléments finement ciselés. «Ale Mordasini a rempli sa mission, il peut être fier 1er France (2428 points) de la façon dont il a représenté la 2e Danemark (2329) Suisse», renchérit Lucien Mosi3 e Norvège (2234) mann, coordinateur de l’Acadé4 e Islande (2231) 5 e Suède (2202) mie suisse du Bocuse d’Or. 6 e Finlande (2079) Que restera-t-il de cette édition 2021 dont la finale a été re7e Estonie (2045) poussée à deux reprises? La certi8 e Suisse (2040) tude d’abord que la Scandinavie – 9 e Japon (2017) 10 e Italie (1918) à commencer par l’équipe danoise

L’assiette de bœuf braisé a joué la carte d’un ascétisme assez radical.

Manuel Hofer et Ale Mordasini avec la commise du jour de l’Institut Bocuse.

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Focus

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Lausanne, le 7 octobre 2021

LE POUVOIR DES HISTOIRES Jusqu’à présent, les participants à la Swiss Culinary Cup se concentraient uniquement sur le travail en cuisine et l’harmonie des saveurs. Désormais, le jury de dégustation attend qu’ils soient aussi capables de raconter l’histoire de leur plat principal.

Sauter du lit à cinq heures du matin pour donner un coup de main dans la ferme familiale: c’est ainsi que Dominik Altorfer a pu constater dès son plus jeune âge qu’on s’occupe particulièrement bien du bétail à Urnäsch (AR). Voilà pourquoi le chef de 25 ans a mis l’accent sur ses racines terriennes quand il a raconté au jury la manière dont il avait cuisiné la viande de sa ferme et les légumes de son jardin. Il faut

dire que la finale de la Swiss Culinary Cup jouait pour la première fois la carte du storytelling, valorisé cette année au même titre que le travail en cuisine et l’harmonie des saveurs dans l’assiette. Les cinq candidats ont tous maîtrisé l’épreuve du récit avec brio et évoqué en deux minutes les souvenirs et les valeurs associés à leur plat principal. Bien qu’aucun point n’ait été attribué à l’exercice, le

jury a ainsi pu mieux comprendre la façon dont les finalistes avaient conçu leur création.

De son côté, la cheffe Nathalie Hänni-Stupf, qui s’est classée au deuxième rang, a parlé de sa maison dans le Haut-Valais et du plaisir que lui procure le spec­ tacle des combats de reines. A travers son plat principal, elle a aussi voulu dévoiler le Valais qu’elle aime et ainsi toucher le cœur des

membres du jury. David Richards, troisième, a pour sa part parlé de sa République dominicaine natale et de cette tradition culinaire qui consiste à accompagner le poulet de carottes et pommes de terre.

Patrick Amann, quatrième de la finale de cette année avec Christian Bosco, a quant à lui fait référence à une ferme située à Hergiswil (NW), dont l’esprit a guidé sa main au moment de concevoir la recette

de son plat principal. Enfin, Christian Bosco, qui est né en Italie, a combiné l’omble avec le missultin, une spécialité de poisson que l’on trouve dans la région lombarde de l’Insubrie. Grâce aux récits qu’ils ont livrés le jour de la finale, les participants ont prouvé qu’ils savaient non seulement cuisiner, mais aussi se servir du pouvoir des histoires pour sublimer leurs créations.

(R U P/P CL)

LES CRÉATIONS DES FINALISTES DOMINIK ALTORFER (vainqueur) Chef de cuisine au Landgasthof Leuen à Uitikon-Waldegg (ZH)

Davantage d’informations: www.swissculinarycup.ch

Ronde de l’écu avec ris de veau Millet croustillant sur purée de chou-fleur et purée de pommes, truffe du Säntis

Variation de veau d’Urnäsch façon «nose to tail» Filet de veau aux herbes de prairie d’Urnäsch, joue de veau braisée, légumes racines et chou-fleur rôti

Betterave, aneth, mascarpone Chantilly au mascarpone fumé et betteraves marinées, crumble de betterave et granité d’aneth avec huile d’aneth

NATHALIE HÄNNI-STUPF (2e rang)

DAVID RICHARDS (3 e rang)

PATRICK ADAM (4 e rang ex æquo)

CHRISTIAN BOSCO (4 e rang ex æquo)

Cheffe de cuisine, Senevita, Habitat protégé, Berthoud (BE)

Chef de cuisine, Restaurant Koi Gartenteich, Häusernmoos (BE)

Chef de cuisine adjoint, Clienia Schlössli, Oetwil am See (ZH)

Sous-chef, Osteria Enoteca Cuntitt, Castel San Pietro (TI)

Planchette valaisanne Tartare de boeuf d’Hérens, boule de fromage frite, compote d’abricots et Safran de Mund

L’œuf dans son nid Œuf de caille cuit au four, oignon farci de couscous, purée d’oignons, babeurre

Au commencement était l’œuf Coquille d’œuf remplie de tartare de bœuf, d’os à moelle, de sarrasin frit et de mousse d’œuf

Root It Up Tendre beignet d’omble sur croustillant de polenta, chutney d’oignon rouge et framboise

Tradition Valais Filet d’Hérens, choléra avec pâte croustillante, pommes, lard, boule de pommes de terre

Poulet et trio de carottes Roulade de poulet enrobé de noix et glacé aux carottes, mariné et en crème

En visite chez mes grands-parents Filet de porc aux herbes du jardin, foie de veau grillé et «ofetori» de Nidwald

Back to the Roots Omble et alose feinte séchés, joue d’omble, pâte feuilletée aux pommes de terre rôties

Le céleri et la chicorée Panna cotta au céleri et au miel, gel de chicorée, glaçage au safran

Betteraves au bord du lac Gâteau au fromage au chocolat blanc, betteraves surgelées, caviar de betteraves

Terre et arbuste Mousse aux framboises avec crumble, compote de pommes et sorbet framboise-betterave

Show Me Your Roots Glace de topinambour, spirale crémeuse de racine de réglisse et gelée de bergamote

Lausanne, le 7 octobre 2021

HG H No 26

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H ote l & G as tro U nion

Les mille et une vies de Lucien Mosimann

«On joue tous le jeu car on ne peut rien lui refuser» FR A N CK GI OVA N N I N I , P R É SI D EN T D E L’AC A D ÉM I E SU I S S E D U B O CU S E D’ O R

A Saint-Aubin (FR) où il vit depuis plusieurs dizaines d’années, Lucien Mosimann passe beaucoup de temps avec son épouse, DR ses deux enfants, leurs conjoints et ses quatre petits-enfants au bord de l’étang très japonisant logé dans son jardin.

Membre d’honneur de la Société suisse des cuisiniers, le Fribourgeois Lucien Mosimann est connu par tous ses pairs. Mais il a un talent unique pour toujours surprendre ses interlocuteurs, ce qui en fait un sujet passionnant.

jets à peine sortis de leur carton évoque leur rencontre. «Il m’écricomprennent assez vite le traite- vait de longues lettres. Encore aument intense qui leur sera réservé. jourd’hui, il m’arrive de trouver Il commence par raconter le lan- des petits mots sur la table», ditcement du Cuisinier d’Or en 1990, elle. Une âme de troubadour, donc, son interruption en 2000 pour mais pas de ceux qui se prennent «éviter la lassitude», la création trop au sérieux. «Sa demande en dans la foulée de Chef’s Tables mariage, il l’a faite en s’agenouilbien avant leur avènement mon- lant sur un trottoir à Ascona!» dial et la rencontre décisive avec Philippe Rochat. «J’étais à Lyon Un besoin d’indépendance en 2001 quand Dario Ranza était finaliste. D’emblée, le concept m’a Cette nature iconoclaste, elle bluffé. Juste après, Philippe s’est transparaît aussi dans les anecplaint dans la presse qu’aucun sponsor n’avait soutenu le candidat helvétique. Du coup, je lui ai proposé un partenariat avec Kadi», lance le cuisinier de 69 ans.

A force de le côtoyer depuis quinze ans, d’abord à distance puis de fa- Une âme de troubadour çon plus familière, on lui propose ça spontanément: «Lucien, ça te Face au maître, Lucien Mosimann dirait que je fasse ton portrait?» tremble un peu. Il faut dire que La réponse n’est pas non, mais pas l’accueil est sévère au moment de oui non plus, du moins pas tout de présenter le concept de la sélecsuite, à cause de sa vie trépidante. tion suisse du Bocuse d’Or. «Je On en vient à oublier cette initia- vous préviens, j’aime pas trop tive spontanée, vite engloutie par lire», dit Rochat. «Ça tombe bien, la vie ordinaire, jusqu’à ce qu’elle j’aime pas trop écrire», répond-il. ne ressurgisse avec force. Ça se L’anecdote est révélatrice de passe à Lyon, en marge de la finale la complicité que Lucien Mosidu Bocuse d’Or 2021, et le projet mann a nouée avec les grands tant de fois repoussé prend forme. chefs, mais pas seulement. Elle en La rencontre est matinale, au dit long aussi sur sa capacité lendemain de la prestation d’Ale d’adaptation, trouvant le mot Mordasini. Quand on le retrouve à juste – quitte à prendre quelques la réception de l’hôtel, Lucien Mo- libertés – pour convaincre son insimann est déjà au téléphone. Plus terlocuteur. Car, contrairement à tard, on apprendra qu’il achète ses ce qu’il a affirmé, il adore écrire. appareils au kilo ou presque, car il Ça, on l’apprend au petit déjeuner les consomme comme d’autres les qui suit l’entretien. Anne-Marie, blocs-notes, et que les pauvres ob- sa femme depuis un demi-siècle,

Le tâtonnement devant la porte, ce n’est bien sûr pas l’effet de l’alcool, mais celui d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Le sujet n’est pas tabou pour Lucien Mosimann, lui qui a un jour déclaré à un journaliste venu l’interroger que son problème de vue lui avait ouvert les yeux. Autrefois coureur de fond et grand randonneur, il n’a pas renoncé à ses balades à travers Saint-Aubin (FR), où sa voix le précède toujours, vu sa propension à téléphoner en marchant. Et quand il a des rendez-vous à Genève, Zurich ou Lugano, il prend le train, seul. D’ailleurs, il connaît tous les horaires par cœur, de l’heure de départ à celle d’arrivée, en passant par les numéros de quai. Il y a trois ans, il s’est même mis en tête d’aller au Vietnam.

Anne-Marie était d’abord réticente. «Puis, à mesure que je l’ai vu planifier son voyage, j’ai compris qu’il avait besoin de se prou-

ver qu’il était encore capable de se débrouiller seul dans un pays qu’il ne connaissait pas.» Voilà Lucien Mosimann sur les marchés de Hô Chi Minh-Ville avec un guide francophone, humant les produits locaux et s’imprégnant de l’atmosphère vibrante de la capitale.

Le sens du commerce

Davantage d’informations: www.hotelgastrounion.ch/ssc www.bocusedorsuisse.ch

dotes qui ne tardent pas à affluer.

On est maintenant à Eurexpo, toujours à Lyon. Franck Giovannini, venu rencontrer ses pairs, raconte quelques-unes de leurs aventures communes. Il y a d’abord le cordon bleu du dimanche soir, quand il allait s’entraîner chez Kadi, à Langenthal, en vue de ses deux participations au concours. Puis il y a cette after en Norvège, où s’était tenue une finale européenne, à l’issue de laquelle les deux compères – trompés par le soleil de minuit – avaient failli rater leur avion. «Enfin, comment oublier ces retours à l’hôtel où je l’ai souvent vu s’acharner, à genoux, contre la poignée d’une chambre qui n’était pas la sienne», relate le chef en présence de celui qu’il appelle souvent «papa», et avec qui il parle pratiquement tous les jours.

Tandis qu’on bavarde à la buvette accessible des gradins du Bocuse d’Or, coup de fil de Lucien. Il s’est perdu dans les allées du Salon, dit-il. Sa femme est sur le point d’aller le chercher quand une cloche de vache se mit à tinter au milieu de la foule remplie de Scandinaves tirés à quatre épingles. C’est Lucien himself qui agite le grelot géant et qui crie un «bonjour» tonitruant à la cantonade. Quand on le lance sur l’histoire de la buvette du camping de Salavaux qu’il a tenue à 20 ans, et au sujet de laquelle sa femme vient de dire que ça n’avait pas été pour elle, il devient intarissable. Les cafés, croissants et verres de blanc qu’il vendait à un franc, l’excuse toute trouvée vis-à-vis des restaurateurs qui gueulaient («les étudiants que j’emploie ne savent pas compter») et plus tard les spaghettis à gogo proposés à une thune: il a le sens du commerce et sait se mettre tout le monde dans la poche.

Franck Giovannini en sait quelque chose. «Il m’avait demandé de venir accueillir les convives d’une soirée à Saint-Aubin; je me suis retrouvé à préparer un tartare de saumon pour 500 personnes dans un abri anti-atomique!» Tout le monde joue pourtant le jeu parce qu’«on ne peut rien refuser à Lucien», ce que confirme Anna Pernet, qui travaille avec lui depuis 2009 au sein de l’Académie suisse du Bocuse d’Or. «Il m’avait dit de venir la veille du Cuisinier d’Or pour me familiariser lentement et j’ai fini par bosser pendant toute la durée du concours. Sa bienveillance et son humeur toujours égale font qu’on est tous prêts à le suivre dans toutes ses aventures.»

Dans le car qui le ramène en Suisse, il parle déjà de la suite avec acuité. On se prend à songer qu’on a à peine effleuré son sujet. «Lucien, ça te dirait que je refasse ton portrait?»

PAT R I CK CL AU D E T

Seule personne avec Anna Pernet à ne pas arborer le vêtement de cuisine au milieu de tous ces chefs prestigieux, dont Joël Robuchon (assis au centre), Lucien Mosimann pose ici en marge de la sélection suisse du Bocuse d’Or en 2018 à Genève.

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