8 minute read

2014‑ LA PRÉSIDENCE DE Dre DIANE FRANCŒUR

Dre Diane Francœur, obstétricienne gynécologue, occupe le poste de vice‑présidente de la FMSQ lorsque Gaétan Barrette quitte ses fonctions le 3 mars 2014 pour faire le saut en politique.

Militante de longue date, Dre Diane Francœur a, depuis 1997, occupé diverses fonctions au sein du conseil d’administration de son association. Elle en a assumé la présidence de 2006 à 2008, avant d’être élue au conseil d’administration de la FMSQ en 2009.

Advertisement

Celle qui occupait un poste à temps complet au Centre hospitalier universitaire Sainte Justine voit son univers professionnel et personnel totalement chamboulé le 21 mars 2014, alors que l’Assemblée des délégués de la FMSQ lui confie officiellement la présidence pour une année, soit la fin du mandat de Gaétan Barrette. Les nombreuses responsabi lités qui se rattachent à ce poste nécessitant de s’y consacrer à temps plein, Dre Diane Francœur doit alors prendre les dispositions pour diminuer sa pratique active, mais elle décide de continuer à être « près du terrain » en faisant des gardes ponctuelles.

Les élections générales du 7 avril marquent le retour au pouvoir du Parti libéral du Québec. L’ex président de la FMSQ, Gaétan Barrette, est élu député dans le gouvernement de Philippe Couillard, ex ministre de la Santé avec qui la Fédération a eu son lot de conflits. Gaétan Barrette est nommé, à son tour, ministre de la Santé et des Services sociaux. Un contexte sans précédent !

Le 8 mai, malgré un engagement contraire pris en campagne électorale, le nouveau gouvernement Couillard prévient les médecins qu’ils seront, eux aussi, appelés à contribuer à l’effort budgétaire. Le gouvernement veut étaler à nouveau les sommes à verser aux médecins en vertu de l’entente de 2006 et exige la conclusion d’une entente avant le dépôt du budget, prévu le 4 juin. À défaut, il brandit d’emblée le spectre d’une loi spéciale.

Le nouveau ministre de la Santé devient rapi dement l’adversaire des médecins, tant omni praticiens que spécialistes. « Comment peut on s’éloigner aussi radicalement d’une entente qu’on a soi même négociée, défendue et signée ? » s’in terroge Dre Francœur. La balle a changé de camp et, dans un éditorial de septembre 2014, la prési dente ne manque pas de fustiger celui qui était le grand défenseur de son institution : « Comment réagir à celui qui nous a si ardemment défendu et permis de nous rapprocher de la parité canadienne en 2016, alors qu’il s’agit du même qui vient nous l’enlever ? » Une situation unique où les deux signa taires d’une entente, Barrette et Couillard, dans des camps opposés se trouvent désormais dans le même camp à renier leurs paroles et leurs signatures. Bref, les futures négociations, dans ce contexte inédit, s’annoncent difficiles.

Les médecins ne porteront pas sur leurs épaules le poids du retour à l’équilibre budgétaire préconisé par le gouvernement libéral. Le bras de fer avec le gouvernement durera cinq mois et propulsera la présidente Francœur dans le feu de l’action, au cœur de l’actualité, au cœur des décisions.

Une première rencontre a lieu le 14 mai. La prési dente Francœur apprend alors que le gouverne ment veut étaler les sommes restantes jusqu’en 2028 2029. Pour elle, comme pour les instances de la FMSQ, étaler sur 15 ans ce qui a déjà été étalé est inacceptable. La FMSQ donne un premier coup de semonce en publiant un encart dans tous les quotidiens du Québec. « Pelleter sur 15 ans ? Non merci. » La FMSQ est prête à faire un effort supplé mentaire et propose de limiter l’étalement à l’inté rieur du mandat de quatre ans de ce gouvernement.

Deux semaines plus tard, le ministre propose que le ré étalement se fasse sur un horizon de 10 ans, une proposition toujours aussi inacceptable pour la FMSQ. Le 4 juin, la FMSQ découvre dans les documents budgétaires que l’enveloppe de rémuné ration a été unilatéralement amputée. La présidente réplique par voie de communiqué et tient un point de presse le lendemain. Les négociations s’enlisent, le ton monte. Une guerre de mots par médias inter posés s’ensuit ; Dre Francœur répond du tac au tac par le biais de lettres ouvertes. Le président du Conseil du trésor évoque alors l’adoption d’une loi spéciale à l’automne.

La pause estivale survient, mais sera de courte durée puisque les hostilités reprennent le 3 septembre. La FMSQ met en ondes une campagne publicitaire intitulée « Nous, nous sommes de bonne foi ». Le ton est donné. Le 10 septembre, des négociations ont lieu ; le gouvernement exige maintenant un ré étalement sur neuf ans. Deux jours plus tard, un ultimatum est lancé aux deux fédérations ; le gouvernement menace d’adopter une loi spéciale.

Une entente de principe intervient : le versement des sommes résiduelles sera étalé sur une période de sept ans. Puisque les sommes retenues par ce nouvel étalement iront entièrement au déficit, la Fédération décide de faire un effort supplémen taire en espérant que les concessions financières faites par les médecins spécialistes serviront aux soins à la population. Aussi, elle remet au gouver nement la dernière année de l’entente, soit une somme de 350 millions de dollars. Il s’agit là « d’un engagement pour le futur ». L’entente de principe est entérinée le 25 septembre par l’Assem blée des délégués, convoquée spécialement pour l’occasion. La présidente Francœur est chaudement applaudie par une salle de délégués qui apprécient sa détermination à les défendre.

Le même jour, le ministre de la Santé dépose le projet de loi no 10 portant sur la réorganisation du réseau.

Le 17 septembre, le journal Le Devoir titre : Le conflit s’envenime. Barrette accuse la FMSQ d’avoir proféré des menaces lors d’une rencontre, d’être dogmatique, de tenter de s’enrichir sur le dos des finances publiques, d’avoir déposé des propositions sans chiffres. Le jour même, la FMSQ réplique en conférence de presse. La présidente, entourée d’une vingtaine de présidents des associations affiliées, offre une démonstration éloquente de solidarité. La FMSQ exige que le premier ministre ramène son ministre de la Santé à l’ordre. Le 24 septembre, un changement de ton radical s’opère du côté gouvernemental.

Ce controversé projet de loi vient à nouveau solli citer la Fédération. Par voie de communiqué, la FMSQ déplore plusieurs aspects de cette « réforme Barrette », notamment l’excessive concen tration des pouvoirs décisionnels entre les mains du ministre de la Santé. Dre Francœur critique également le fait que le ministre poursuive dans la voie de l’imposition plutôt que de la collabora tion. Le 17 octobre, la FMSQ apprend qu’elle est convoquée le 20 octobre, premier jour des auditions publiques et des consultations particulières de la Commission de la santé et des services sociaux sur le projet de loi. La présidente Francœur donne le ton, qualifiant le projet de loi « d’irrecevable ». La FMSQ dénonce l’empressement du gouvernement à vouloir présenter, adopter et mettre en application à la vitesse grand V une réforme aussi importante pour le réseau sans avoir préalablement consulté les principaux acteurs, dont la FMSQ. Devant la précipitation avec laquelle le ministre souhaite faire adopter son projet de loi et les nombreuses incer titudes que celui ci recèle, la Fédération demande qu’il soit « clarifié, modifié et bonifié ».

Dans un communiqué de presse publié le 20 octobre 2014, la Fédération exprime vivement son désaccord sur les avenues proposées par ce projet pour réduire la bureaucratie dans le réseau de la santé : « Au cours des dernières années, la Fédération des médecins spécialistes du Québec a milité en faveur de la réduction de la bureaucratie dans le réseau de la santé, notamment par l’aboli tion des agences de santé et de services sociaux, un palier décisionnel que nous jugions superflu. D’aucuns pourraient croire que ce projet de loi est de nature à réjouir la Fédération. Or, ce n’est pas le cas. En faisant disparaître les 95 centres de santé et de services sociaux (CSSS), ce projet de loi remet en question l’organisation locale des soins de santé et concentre une gamme de pouvoirs discrétion naires excessifs et sans précédent entre les mains d’une seule personne, le ministre de la Santé et des Services sociaux. » ouvert entre le ministre de la Santé et son ancienne Fédération. La présence de la présidente Francœur est très attendue. Lors des échanges, le ton monte et donne lieu à une partie de bras de fer entre le ministre et Dre Francœur, déterminée à démontrer l’inutilité de ce projet de loi, exigeant du ministre qu’il garantisse aux médecins spécialistes l’accès aux ressources appropriées à la dispensation des soins. Elle réitère le fait que le projet de loi no 20 est « inacceptable » et met de côté la négociation et le partenariat avec les médecins spécialistes en adoptant une approche coercitive par l’impo sition d’obligations unilatérales, de quotas et de pénalités. Elle signale également que le ministre souhaite imposer, unilatéralement et à sa seule discrétion, des modifications aux ententes valable ment conclues entre l’État et les médecins et que de tels pouvoirs sont excessifs, dangereux et doivent être retirés.

Alors que la Fédération avait entrepris des travaux avec le ministère de la Santé pour améliorer l’acces sibilité aux soins spécialisés, le ministre de la Santé dépose, le 28 novembre, un autre projet de loi, le PL 20. Celui ci vise à imposer des sanctions aux médecins qui n’atteignent pas certaines cibles d’accessibilité aux soins.

Dès le début janvier 2015, en réponse au projet de loi no 20, la FMSQ conçoit et met en ondes de nouvelles capsules publicitaires « À vouloir tout réécrire », illustrant les problèmes récurrents du système de santé qui limitent le travail des médecins spécialistes.

Le projet de loi no 10 est, quant à lui, adopté sous bâillon le 6 février 2015. Dans un geste sans précédent, et répondant à l’invitation de Dre Francœur, le président de la FMOQ et celui de la FMRQ se joignent à elle dans le cadre d’une conférence de presse conjointe. Les trois représentants dénoncent à tour de rôle l’attitude du gouvernement qui procède, tête baissée, en dépit de toutes les objections et mises en garde formulées par l’ensemble des acteurs du réseau de la santé. Tous s’entendent pour dire qu’ils assistent, impuissants, à un autre brassage de structures imposé pour des raisons essentiellement budgétaires et qu’une réforme d’une telle ampleur ne peut se faire en muselant tout le monde et en bâclant le travail.

Après des mois de négociations, entamées en avril 2015, l’Assemblée des délégués de la FMSQ entérine, le 12 novembre, l’entente de principe survenue avec le ministère et portant sur les quatre mesures d’accessibilité ciblées dans le projet de loi no 20, adopté par l’Assemblée nationale deux jours plus tôt. Une fois de plus, Dre Francœur obtient un vote fort ; les délégués sont derrière elle.

Si la négociation a occupé beaucoup de place dans son agenda depuis son arrivée en poste, Dre Francoeur s’assure de ne délaisser aucun dossier. Et ce ne sont pas les dossiers qui manquent ! En outre, la présidente accorde une grande importance au développement professionnel continu et à l’avancement des connaissances. Les instances donneront leur aval à un imposant projet de développement d’une plateforme d’apprentissage en ligne. Une entrée dans le 21e siècle !

Parallèlement, la Commission de la santé et des services sociaux entreprend sa ronde d’auditions publiques et les consultations particulières sur le projet de loi no 20. Le 17 mars, jour d’audition de la FMSQ, marque le début d’un autre conflit

À l’aube de son cinquantième anniversaire, le 20 mars 2015, l’Assemblée des délégués a élu sans opposition et pour la première fois de son histoire une femme à la tête de la FMSQ pour un mandat formel de deux ans. Dre Diane Francœur, qui signe « Fièrement vôtre », amorce l’avenir avec détermination.

Le mandat de la présidente se poursuit. L’Histoire de la Fédération en rendra compte.

This article is from: