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LA PRÉSIDENCE DE Dr PIERRE GAUTHIER
Assurant l’intérim après le départ de Dr Marier, Dr Pierre Gauthier, pédiatre, est élu le 12 mai 1994. Ce dernier connaît bien les rouages de la Fédération, y ayant occupé diverses fonctions depuis 1983.
Les délégués sont persuadés qu’il sera l’homme des réconciliations et que, puisqu’il œuvre en région – Sept‑Îles –, tout comme la moitié de son conseil d’administration, il saura répondre aux doléances des spécialistes des régions.
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Dr Gauthier, qui a conservé une pratique à temps partiel, veut d’abord résoudre les problèmes internes. Il règle le litige qui oppose l’Association des allergologues à la FMSQ en leur accordant le rattrapage de rémunération promis en 1991. Puis, il actualise la structure de fonctionnement interne pour améliorer l’unité entre les associa tions tout en raffermissant les positions officielles de la FMSQ auprès des pouvoirs publics. Enfin, les activités de communication entreprises par l’ancien président sont revues : il faut maintenant passer en mode offensif.
La R Forme Rochon
Le gel des dépenses instauré par le gouvernement ainsi que la diminution des transferts fédéraux en santé augurent un contexte difficile de négo ciation. Le ministre de la Santé de l’époque, Jean Rochon, annonce une réforme majeure, incluant une réduction significative des établissements du réseau public et la suppression d’un grand nombre de lits de soins de courte durée dans les centres hospitaliers, en ayant recours au virage ambula toire et à la chirurgie d’un jour.
Mais c’est la manière avec laquelle on procède aux changements qui irrite la FMSQ. Les médecins ont l’impression que la réforme proposée est basée sur des objectifs de compressions budgétaires plutôt que sur des objectifs d’efficacité puisqu’elle arrive au moment où l’on demande à la profession médicale de faire sa part, donc d’accepter d’éven tuelles diminutions de revenus.
Contrairement à son habitude, la FMSQ annonce que l’approche des négociations se fera avec les associa tions sur une base individuelle. Ainsi, la FMSQ veut provoquer plus de dialogue tout en ayant l’appui des associations. Les dossiers délicats sont nombreux : fermetures et fusions hospitalières, transferts de spécialistes vers d’autres établissements, création des méga‑hôpitaux, craintes de résidents, pour ne nommer que ceux‑ci.
Il faut aussi se préparer aux négociations entourant le renouvellement de l’Accord‑cadre : le dernier avait été signé le 22 décembre 1986 avec une échéance fixée au 30 septembre 1988 ! Les négo ciations débutent en avril 1995, et, à la suite d’une résolution de l’Assemblée des délégués, un projet d’entente intervient le 8 juin : le tout sans moyens de pression. Pourtant, cette entente entraîne une réduction de la rémunération des médecins : le gouvernement est parvenu à négocier une masse monétaire fermée pour les médecins spécialistes de l’ordre de 1,28 milliard de dollars par année jusqu’en 1998, une baisse de l’enveloppe globale de 125 millions de dollars. La Fédération indique avoir fait des concessions puisque les principes fondamen taux de la profession médicale n’étaient pas attaqués de front. En fait, la FMSQ, craignant la politique de croissance zéro, a préféré négocier les modalités d’un plan de carrière qui comprend une rémuné ration progressive pour les nouveaux diplômés, un plafonnement global des gains professionnels et un plan de retraite accompagné de mesures incitatives ou une diminution volontaire d’activités.
Tenant compte des écarts de rémunération impor tants entre les spécialités, la Fédération fait appel à un sentiment d’équité et de solidarité de toutes les associations. Mais les radiologistes et les chirur giens cardiovasculaires et thoraciques résistent et déposent une demande d’injonction pour contrer certaines clauses de cet accord. Les radiologistes protestent contre le programme d’équité salariale de la FMSQ et dénoncent le plafonnement de leurs revenus : ils décident de fermer leurs cliniques durant les deux dernières semaines de décembre. De plus, du côté des neurochirurgiens, on accuse la FMSQ de vouloir saboter un plan de regroupement global des services et de rémunération forfaitaire élaboré depuis deux ans. En revanche, certaines initiatives de la FMSQ sont plus populaires, par exemple l’obtention du remboursement des augmentations d’assurance responsabilité profes sionnelle décrétées par l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), autrefois assumées par les médecins spécialistes.
En juin 1996, le ministère exige la réouverture de l’Entente‑cadre pour ajouter des compressions supplémentaires de 6 %, l’équivalent de 11 200 $ par spécialiste. Des demandes similaires sont présentées à la FMOQ et à la FMRQ. Pourquoi cibler uniquement la profession médicale alors que les autres travailleurs de l’État sont parvenus à obtenir un sursis du gouvernement ? Les fédéra tions médicales organisent une assemblée conjointe où l’on décide de tenir une journée d’étude le 18 décembre. La FMSQ entend bien défendre ses intérêts. Réunis en assemblée spéciale, les délégués de la FMSQ donnent le mandat de négocier une contre‑proposition en réponse à la demande du gouvernement. La FMSQ propose alors un mode de rémunération mixte, la mise sur pied de plans de pratique en milieu universitaire et la prise en charge des laboratoires, ainsi que d’autres mesures permettant des économies sans toucher aux tarifs des médecins spécialistes. Le 18 décembre, plus de 7 000 médecins et étudiants en médecine se rendent à Montréal et à Québec. Un message clair est lancé au gouvernement, qui n’a d’autre choix que de négocier.
La FMSQ démontre que l’écart de rémunération des médecins spécialistes par rapport à leurs confrères des autres provinces s’accroît. Le gouvernement, s’il veut réduire l’enveloppe accordée aux spécialistes, doit revoir sa vision du système de santé. Malgré les négociations, le gouvernement opte pour la ligne dure et dépose un projet de loi spéciale sur la dimi nution des coûts de la main‑d’œuvre dans le secteur public (projet de loi no 104). Il demande aux parties de trouver une entente convenable, à défaut de quoi des réductions de l’ordre de 6 % s’appliqueront à l’ensemble de la rémunération des spécialistes. La FMSQ lâche donc du lest sur la question des effectifs médicaux et s’emploie à éviter le pire. Un accord intervient en mai 1997 : statuquo sur le plan de la rémunération en contrepartie d’une réduction de certains coûts, notamment par la mise en place d’un programme d’allocation de fin de carrière. L’entente prévoit également l’instauration d’un mode de rémunération mixte.
À la fin de 1997, une certaine accalmie se profile : l’amélioration des conditions économiques adoucit les relations entre le gouvernement et la Fédération, qui obtient le remboursement des hausses des primes de l’assurance responsabilité, une hausse de tarifs en radiologie pour le dépistage du cancer du sein dans le cadre du Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS) ainsi qu’une ouverture en ce qui a trait à la planification des effectifs.
Le désinvestissement a un prix ! Constatant la détérioration du système de santé, les spécialistes réclament un réinvestissement majeur afin de freiner la pénurie de médecins et la dégradation du parc technologique. Le gouvernement a provoqué de nombreux départs à la retraite dans le réseau de la santé ; ainsi le nombre de médecins spécialistes passe de 6 188 en 1994 à 6 026 en 1997. Ceci a des effets immédiats sur l’offre de soins. Parallèlement, les admissions en médecine chutent de 481 à 406 étudiants, une baisse de 15 % qui aura moult répercussions dans l’avenir. Des présidents d’asso ciations jugent qu’une telle situation met en danger la qualité de la médecine spécialisée au Québec ; le niveau de la recherche médicale aussi risque sérieusement d’en subir les contrecoups.
Les spécialistes ne sont plus seuls à dénoncer la situation. Le débat se transporte sur la place publique. Plusieurs pensent que l’ajout de cliniques privées pourrait résoudre en partie les problèmes des coûts du système de santé. La cause Chaoulli vient alimenter le débat.
FMSQ
Dès 1997, la FMSQ, lasse des sempiternelles concessions financières, décide de foncer en faisant de la parité avec les médecins spécialistes ontariens l’un de ses enjeux majeurs. Une rencontre entre la FMSQ, l’Ontario Medical Association et le ministère ontarien de la Santé permet de constater que l’écart de la rémunération des médecins s’est largement creusé entre 1981 et 1987, puis lors des coupes budgétaires du milieu des années 1990. Des concessions difficilement acceptées par la plupart des associations médicales affiliées à la FMSQ qui demandent maintenant qu’elles débouchent sur un rattrapage.

Dr Gauthier (réélu pour une troisième fois en 1999) et son conseil d’administration décident d’axer leurs actions sur plusieurs fronts, à savoir : l’amé lioration de l’accessibilité à des soins de qualité, la revalorisation du rôle des médecins enseignants et la définition de nouvelles responsabilités les concernant au sein des centres hospitaliers univer sitaires, la promotion de la rémunération mixte ainsi que la définition d’une politique de congés parentaux, compte tenu de la féminisation de la profession, sans laisser de côté le dossier du rattra page de rémunération. La Fédération poursuit évidemment son rôle d’interlocuteur privilégié auprès des autorités gouvernementales.
Tous, à la Fédération, sont déterminés à réduire, ne serait‑ce que progressivement, les écarts de rémunération avec les autres provinces. Se basant sur des études réalisées entre 1992 et 1994, la Fédération estime que le rattrapage oscille entre 39 et 45 %. On demande alors des « redressements » pour un total de 260 millions de dollars, en plus de l’ajout d’une clause remorque, qui bonifierait les conditions des spécialistes chaque fois qu’un autre groupe de travailleurs de l’État renégocierait à la hausse son entente. La partie s’annonce difficile en raison de réticences du gouvernement, pour des raisons politiques, à répondre aux demandes des spécialistes. Les médecins ont la nette impres sion d’être les victimes d’une situation politique et économique : pourquoi devraient‑ils être désavan tagés par rapport aux autres groupes de travailleurs de l’État ? Selon les présidents d’associations, la morosité et la démobilisation s’installent chez les spécialistes.
En 2000, la FMSQ participe à la commission Clair dont le mandat consiste à tenir un débat public sur les enjeux auxquels fait face le système de santé et de services sociaux afin de proposer des avenues de solution pour l’avenir. Le mémoire fédératif présente les préoccupations des spécialistes : financement inadéquat du système de santé, accès déficient aux plateaux techniques, équipements désuets, nécessité d’un ticket modérateur, renfor cement des soins de première ligne, révision du panier de services, modification de l’organisation du travail, planification des effectifs médicaux, etc. Le mémoire est bien reçu par les commissaires : il propose des solutions réalistes. L’amélioration des conditions économiques rend plus confortable la situation financière de l’État québécois, ce qui laisse espérer de futurs gains de rémunération pour les médecins. La Fédération, qui bénéficie de la reprise économique, conclut une nouvelle entente avec le MSSS et s’en tire plutôt bien, même si le rattrapage ne se fait pas au niveau souhaité.
En 2001, après trois mandats et, en vertu de nouveaux règlements, le président doit laisser la place à l’un de ses collègues.