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de vercingétorİx à arnaud beltrame
Vercingétorix – La résistance contre Jules César . . . . . . . . . . . . . . 6
Clovis – Le premier roi chrétien des Francs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Charles Martel – Le rempart contre l’invasion arabe 18
Charlemagne – Le fondateur de l’Empire chrétien d’Occident 24
Godefroy de Bouillon – Premier souverain de Jérusalem 30
Saint Louis – Le Roi Très Chrétien 36
Jeanne d’Arc – Une jeune fille au secours de la France . . . . . . . . . 42
Chevalier Bayard – Sans peur et sans reproche . . . . . . . . . . . . . 48
François Ier – Le père des arts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Henri IV – La France réconciliée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Louis XIV – Le Roi-Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Madame Élisabeth – Le sacrifice d’une princesse . . . . . . . . . . . 72
Le marquis de La Fayette – Héros des deux mondes 78 Charette – L’imprenable 84
Robert Surcouf – Le tigre des mers 90
Napoléon Ier – Le génie militaire 96 Charles de Gaulle – Le libérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Honoré d’Estienne d’Orves – Héros de la Résistance . . . . . 108
Hélie de Saint Marc – Un homme d’honneur . . . . . . . . . . . . 114
Arnaud Beltrame – Le don de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
- g obannitio, tu n’es qu’un lâche !, tonne, frémissant de colère, un jeune homme à l’allure imposante.
Sur la place principale de Gergovie, en Auvergne, il gèle à pierre fendre. Cela n’a pas découragé les habitants, qui se pressent pour assister à la scène. D’un côté, celui qui vient de parler,
entouré de guerriers. De l’autre, son oncle, Gobannitio, un des dirigeants de la cité. En désaccord avec son neveu, il l’a fait chasser de la ville quelques jours plus tôt. Il n’imaginait pas qu’il reviendrait aussi vite, et encore moins à la tête d’une armée !
Le jeune homme poursuit :
Depuis trop longtemps, nous cour bons la tête devant les Romains. Depuis trop longtemps, nous subissons leur loi. L’heure est venue de gagner notre indé pendance.
Puis il se tourne vers la foule. Peuple arverne, suivez-moi ! Si nous nous unissons, nous avons les moyens de vaincre César !
Sa harangue est saluée par un tonnerre d’applaudissements. Des cris se font entendre, d’abord isolés, puis repris par l’ensemble de la population : Vive Vercingétorix ! Vive notre roi !
En cette froide journée d’hiver de l’an 52 avant Jésus-Christ, les Arvernes viennent de choisir leur chef.
Vercingétorix n’est pas un inconnu. Fils d’aristocrate, ce jeune homme d’à peine vingt ans a fait beaucoup parler de lui en se démenant pour convaincre son peuple, les Arvernes, l’une des très nombreuses tribus installées en Gaule, d’entrer en résistance contre César, le puissant général romain.
Depuis cinq ans, la situation est critique. Rome contrôle déjà une grande partie du sud de la Gaule, et César a investi le nord du territoire en prétendant le défendre contre les Helvètes et les Germains. Son désir de conquête est immense.
Mais le mécontentement gronde ! Écrasées d’impôts, les différentes tribus gauloises nourrissent un fort ressentiment
envers l’envahisseur romain, qui s’est montré d’une terrible cruauté lors des derniers affrontements.
C’est pourquoi, lorsque Vercingétorix lance son appel à la révolte, beaucoup sont prêts à le suivre, parmi les Arvernes, mais aussi parmi d’autres tribus. Peu à peu, ce sont tous les peuples du centre et de l’ouest de la Gaule qui se fédèrent contre le général romain.
Quand la nouvelle du soulèvement lui parvient, César est cantonné pour l’hiver dans le nord de l’Italie. Le proconsul fronce les sourcils ; la situa tion l’inquiète. Il ne sous-estime pas Vercingétorix, aussi jeune soit-il. Et pour cause ! Il le connaît ! Il y a de cela quelques années, le jeune Arverne, pour honorer un traité passé avec Rome, a été envoyé pour servir dans l’armée romaine. Il y a appris l’art de la guerre. César se souvient d’un jeune homme intelligent, intrépide et très éloquent.
Les craintes du général sont justifiées. Vercingétorix, en fin stratège, n’attaque pas de front les légions romaines restées en Gaule. Il sait qu’il n’a aucune chance face à ces troupes bien entraînées et parfaitement organisées. Il a une meil leure idée : la technique de la terre brûlée, qui consiste à détruire systéma tiquement les réserves de nourriture, les récoltes et les moyens de communication afin d’empêcher le ravitaillement des troupes romaines.
Dans le même temps, Vercingétorix multiplie les embuscades, tout en continuant à bâtir des alliances avec les tribus gauloises.
Au début de l’an 52, la propre province de César, la Narbonnaise, est désormais menacée ! Le proconsul se précipite au secours de ses légions, n’hésitant pas à traverser, en plein hiver, les montagnes des Cévennes.
S’engage alors une guerre d’usure : Vercingétorix harcèle les légionnaires romains par des frappes incessantes. Sa stratégie porte ses fruits : les légions romaines sont épuisées par les raids gaulois. Le jeune chef arverne est en
train de faire trembler César, l’un des plus grands stratèges de son temps !
En juin, la situation empire pour le général romain. Alors qu’il fait le siège de Gergovie, où Vercingétorix s’est mis à l’abri, il apprend que les Éduens, ses puissants alliés, l’ont trahi et sont passés dans le camp gaulois. Craignant d’être assailli par la cavalerie éduenne, il ordonne de lever le camp. C’est une grande victoire pour Vercingétorix ! Il a fait fuir César lui-même !
À Bibracte, capitale des Éduens, ce ne sont plus seulement les Arvernes qui reconnaissent Vercingétorix comme leur chef suprême, mais pratiquement
toutes les tribus. Pour la première fois de son histoire, le territoire de la Gaule est unifié !
Après l’échec de Gergovie, César se replie vers le sud. Vercingétorix ne veut pas laisser passer cette chance d’anéantir à jamais les Romains. Il attaque. Mais il essuie plusieurs revers et est obligé de se réfugier avec ses 80 000 guerriers dans la ville fortifiée d’Alésia, en Bourgogne. Rapidement, les Romains les encerclent.
Vercingétorix a un plan : faire appel à sa gigantesque armée de réserve, composée de tous les guerriers des tribus gauloises alliées. Coincés devant Alésia, les Romains seront pris en tenaille, attaqués d’un côté par l’armée de réserve, de l’autre par Vercingétorix.
Ce plan est habile, mais César ne s’y laisse pas prendre. Le proconsul fait bâtir une double ligne de fortifications tout autour d’Alésia. Il installe ses légions entre ces lignes, les protégeant ainsi
d’une attaque extérieure. Puis il fait construire des pièges des deux côtés des enceintes : aiguillons métalliques enfoncés dans le sol, pieux dissimulés sous des branchages et fossés remplis d’eau.
Deux mois plus tard, lorsque l’armée de secours arrive enfin, elle ne parvient pas à franchir les remparts romains. Dans l’enceinte d’Alésia, Vercingétorix et ses hommes meurent de faim. Le chef arverne a perdu.
Vercingétorix prend alors une courageuse décision : pour que ses hommes soient épargnés, il se livre à César. La tête haute mais le cœur brisé, il s’incline devant son vainqueur. Ses rêves d’indépendance gisent dans la poussière avec ses armes, aux pieds de l’ennemi. Six ans plus tard, après l’avoir exhibé à Rome comme un trophée, César le fera mettre à mort.
La Gaule est désormais romaine. Elle le restera pendant quatre cents ans.
NAISSANCE : vers -72, en Auvergne MORT : -46, à Rome
SIGNE DISTINCTIF : Il est souvent représenté avec les cheveux longs et une moustache (on pense aujourd’hui qu’ayant passé du temps auprès de César, il était sans doute rasé et portait les cheveux courts, comme les Romains).
PHRASE CÉLÈBRE : « Prends-les ! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, et tu m’as vaincu », a dit Vercingétorix en remettant ses armes à César, devant Alésia.
Les Gaulois excellaient dans de nombreux domaines. Forgerons d’exception, ils travaillent le fer, l’or et l’acier. Remarquables artisans, la qualité de leurs produits est réputée partout en Europe, notamment celle de leurs tissus, de leurs tonneaux, ainsi que celle de leur charcuterie. Mais le secteur qu’ils révolutionnent véritablement, c’est l’agriculture : ils mettent au point la charrue, maîtrisent l’emploi des engrais et inventent même la moissonneuse !
Jules César a vécu au temps de la République romaine, au Ier siècle avant JésusChrist. Homme politique ambitieux, il se sert de la conquête de la Gaule, de 58 à 51, pour renforcer son pouvoir à Rome. Excellent stratège, il remporte de très nombreuses victoires, en Gaule, en Égypte, en Espagne, en Turquie et en Afrique du Nord. En plus de son rôle de général, il occupe des fonctions politiques de plus en plus importantes : proconsul (c’estàdire gouverneur), consul et même dictateur (cela signifie qu’on lui confie les pleins pouvoirs). Il meurt de vingttrois coups de poignards portés par des conspirateurs, parmi lesquels son fils Brutus.
Une charrue gauloise
« Vercingétorix », en gaulois, veut dire « le chef suprême des guerriers » (ver : « suprême », cingéto : « guerrier », et rix : « le roi », « le chef »). Ce n’est donc pas un véritable nom, mais plutôt un titre. En réalité, on ignore le
véritable prénom de Vercingétorix. C’est pour lui rendre hommage que René Goscinny a uble tous ses personnages de noms en -ix. Astérix, Obélix, Panoramix, etc. Leurs aventures se situent à l’époque de Vercingétorix.
le premier roi chre tien des francs (ve -vie siècles)
partout, du sang et de la poussière. Partout, des cris de fureur et de douleur. Au cœur de la mêlée, Clovis, le roi des Francs, s’est arrêté un instant. Il observe la masse confuse de ses hommes. Malgré leur vaillance, ceux-ci cèdent peu à peu face aux terribles Alamans. Épuisée par des heures de combat, son armée ne cesse de reculer.
Une immense fatigue s’abat sur Clovis. Faut-il sonner la retraite ? Dans un sursaut, le roi se ressaisit. Cela ne saurait être ! Tout à coup, les longues heures durant lesquelles son épouse bienaimée, Clotilde, lui a parlé de JésusChrist lui reviennent en mémoire. Soudainement inspiré, il laisse échapper une prière et crie vers le ciel :
Ô, Dieu de Clotilde ! Si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien !
Quelques minutes s’écoulent, incer taines, puis Clovis remarque un mouvement dans les troupes ennemies : pris de panique, les guerriers alamans semblent se replier. Serait-ce possible ? Clovis tend l’oreille, et au milieu du fracas des armes, il entend une rumeur qui enfle. Alors il comprend : le roi des Alamans vient d’être tué ! Privés de chef, les ennemis fuient. Clovis a du mal à y croire : lui qui désespérait un instant auparavant, le voici désormais vainqueur !
De retour auprès de son épouse, Clovis lui raconte son incroyable his toire de la bataille de Tolbiac. Clotilde rayonne. Avec douceur, elle lui prend les mains et lui dit :
Il ne faudra pas oublier ton serment, Clovis. Tu dois te convertir !
Le jeune homme sait que Clotilde a raison. Il songe au passé. Quel incroyable destin que le sien ! À quinze ans seulement, il est devenu le roi de sa tribu, les Francs, installée dans le nord-est de la Gaule. À vingt ans, en remportant la bataille de Soissons, il s’est emparé du territoire de son voisin romain, Syagrius, devenant ainsi maître de toute la moitié nord de la Gaule. Et aujourd’hui, à trente ans, avec la victoire de Tolbiac, il a mis fin à la menace des Alamans, redoutable tribu installée sur les bords du Rhin. Quel sens donner à
tout cela ? La conquête ? Et s’il y avait autre chose ? Quelque chose en lien avec cette religion chrétienne à laquelle Clovis a promis de se convertir ?
Le 24 décembre 498, le jeune roi est prêt à recevoir le baptême. Il a étudié en secret le catéchisme avec Remi, évêque de Reims. Des quatre coins de la Gaule, ce dernier a fait venir des évêques pour la cérémonie. Partout dans Reims, des drapeaux et des orne ments ont été accrochés pour montrer l’importance de l’événement.
Quand Clovis pénètre dans le baptistère, une émotion soudaine l’étreint. La salle, illuminée par des milliers de bougies, parfumée de myrrhe et d’en cens, semble habitée par une présence puissante et sereine. L’évêque Remi s’avance vers le roi et l’exhorte :
Courbe la tête, fier Sicambre ! Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré.
Clovis se dépouille de ses parures, des amulettes de protection magique vénérées par les païens mais auxquelles il ne croit plus. Puis, il ôte ses riches vêtements. Devant lui, l’eau de la piscine baptismale scintille à la lueur des bougies. Il descend quelques marches et entre dans le bassin. Un silence recueilli l’enveloppe. Il ferme les yeux et joint les mains. L’évêque Remi prend une coupe remplie d’eau bénite et en verse le contenu sur la tête du roi.
– Je te baptise, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Une fois sorti du bassin, Clovis revêt une tunique d’un blanc immaculé. L’évêque lui demande de s’agenouiller, et avec le saint chrême, un baume sacré, il oint le front puis le cœur du roi.
En cette nuit de Noël, Clovis est devenu chrétien !
La Gaule est alors divisée entre trois grandes puissances : les Francs, les
Wisigoths et les Burgondes. Par son mariage avec Clotilde, Clovis est allié aux Burgondes, qui règnent sur le centre-est. En revanche, il jalouse les Wisigoths, dont l’immense territoire s’étend du sud de la Loire jusqu’aux Pyrénées.
Or, maintenant qu’il est chrétien, Clovis possède une excellente raison d’attaquer les Wisigoths ! Ceux-ci en effet, se sont séparés de l’Église de Rome car ils ne croient pas en la Trinité. En
tant que roi défenseur de l’Église, Clovis se doit de chasser ces dissidents.
Par son baptême, Clovis a obtenu le ralliement des populations chrétiennes présentes en Gaule, y compris au cœur du territoire Wisigoth. Fort de ce nouveau pouvoir, il déclare la guerre à Alaric II, roi des Wisigoths. Les affrontements sont terribles. Ils se concluent un jour de printemps de l’an 507. Ce matin-là, dans la plaine de Vouillé, près de Poitiers, Clovis affronte Alaric II en combat singulier et remporte la victoire. Abattus par la mort de leur roi, les Wisigoths fuient en Hispanie, au-delà des Pyrénées.
Ainsi, en quelques années seulement, Clovis a réussi à étendre la domination des Francs sur les trois quarts de la
Gaule. À ce nouveau royaume, il faut une capitale. Clovis choisit Paris. La cité n’est pas encore très développée à l’époque, mais elle a l’avantage de se situer au milieu du royaume franc. De plus, Paris a été sauvé par sainte Geneviève lors des invasions barbares. Quoi de mieux qu’une ville protégée par Dieu pour établir la capitale ?
Le 27 novembre 511, à quarante-cinq ans, Clovis meurt. Deux mois auparavant, lors du concile d’Orléans, il a confirmé ce qu’il avait amorcé avec son baptême : l’alliance entre le roi des Francs et l’Église. Avec Clovis, premier roi chrétien, commence l’extraordinaire histoire de la monarchie française et de son alliance avec l’Église.
NAISSANCE : vers 465 MORT : 27 novembre 511, à Paris
ÉPOUSE : Clotilde.
ENFANTS : cinq, dont Clotaire Ier, futur roi des Francs.
SIGNE DISTINCTIF : Il portait les cheveux très longs car à l’époque c’était un signe de pouvoir.
PHRASE CÉLÈBRE : « Ô, Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien ! », promet Clovis lors de la bataille de Tolbiac en 496.
Après la victoire de Soissons, les Francs se sont réunis afin de partager le butin par tirage au sort. Clovis, reconnaissant un très beau vase volé dans une église, le réclame. Il souhaite le rendre à Remi, l’évêque de Reims. Mais un des guerriers n’est pas d’accord et, furieux que Clovis ne respecte pas le tirage au sort, il brise le vase d’un coup de hache. Un an plus tard, lors d’une revue militaire, Clovis reconnaît le guerrier. Prétextant que celui-ci a mal entretenu ses armes, Clovis les jette à terre. Alors que le guerrier se baisse pour les ramasser, Clovis lui fend le crâne d’un coup de hache en disant : « Souviens-toi du vase de Soissons ! »
À partir de Louis le Pieux, en 816, tous les rois de France, ou presque, sont sacrés à Reims, en souvenir de Clovis, qui y a reçu le baptême. Pendant le sacre, l’évêque oint d’une huile sacrée le corps du roi pour signifier que le souverain a été choisi par Dieu et est son représentant sur terre. Trentetrois rois ont été sacrés à Reims. Le dernier est Charles X, en 1825.
Les Francs sont une tribu d’origine germanique qui s’est formée pour lutter contre des tribus barbares dès les premiers siècles. Sous la pression des redoutables Huns, ils migrent au nord du Rhin. Après plusieurs tentatives infructueuses d’invasion de la Gaule romaine, les Francs finissent par s’allier
aux Romains. Par la suite, quand l’Empire romain s’effondre, les Francs, grâce à Clovis, deviennent maîtres de la plus grande partie de la Gaule. Depuis ce temps, la Gaule est désignée comme le royaume des Francs, qui se dit Francia en latin, et qui donnera « France » plus tard.
- un message de la plus haute importance pour le maire du palais ! Agenouillé sur les dalles de pierre, la tête courbée, les bras tendus, un envoyé présente un rouleau de parchemin à Charles, le puissant intendant du roi des Francs. Charles saisit la missive. Il
reconnaît le sceau de cire qui a servi à cacheter la lettre : c’est celui d’Eudes, le duc d’Aquitaine. Les deux hommes sont loin d’être amis, chacun convoitant le territoire de l’autre. Charles fait sauter le cachet, pressé de découvrir ce que lui veut son rival… C’est un appel à l’aide !
Eudes est en grand danger et supplie Charles de venir lui prêter main-forte.
Il faut que la menace soit sérieuse pour que le duc d’Aquitaine se tourne vers Charles. Et en effet, la situation est plus que préoccupante : les Arabes, qui ont conquis l’Espagne vingt ans auparavant, poursuivent inexorablement leur expansion. Ils ont soumis la région de Narbonne et ont remonté la vallée du Rhône, saccageant Lyon au passage.
À présent, dirigés par leur redoutable émir, Abd al-Rahman, gouverneur d’Andalousie, les Arabes viennent de lancer des offensives en Aquitaine. Leurs succès ont été fulgurants : ils ont écrasé l’armée d’Eudes non loin de Bordeaux avant de remonter jusqu’à Poitiers où, après avoir pillé la basilique Saint-Hilaire, ils ont mis la ville à feu et à sang. Ils se dirigent maintenant vers Tours avec l’intention évidente de mettre à sac le riche sanctuaire de SaintMartin.
Charles n’hésite pas un instant : il doit porter secours au duc d’Aquitaine ! Charles n’est pas roi. Cela ne lui servirait d’ailleurs à rien car depuis un siècle, les rois francs, même s’ils sont encore sur le trône, n’ont plus aucun pouvoir. Charles est maire du palais. Par cette fonction, il est le véritable dirigeant du royaume et il n’a besoin de l’autorisation de personne pour partir en campagne contre les Arabes.
Aussi vite que possible, il lève une armée de fantassins et se met en route en direction de Tours. Le temps presse. Il faut arriver avant les soldats d’Abd al-Rahman !
Par une froide journée d’octobre, l’armée de Charles traverse la Loire puis avance sur l’ancienne voie romaine reliant Tours et Poitiers. L’ennemi est tout près désormais. Charles ordonne à ses troupes de s’arrê ter. L’émir fait de même de son côté. Les guerriers installent leur campement. Pendant une semaine, les deux armées s’observent. La tension est palpable. À part quelques escarmouches, rien ne se passe.
Le 25 octobre 732 enfin, Abd alRahman passe à l’attaque : il lance sa formidable cavalerie sur l’armée des Francs. Le choc est rude. Les guerriers arabes sont redoutables ; ils maîtrisent parfaitement leurs montures qu’ils dirigent à la seule force des jambes, ce qui leur permet d’avoir les mains libres pour combattre. Mais l’armée des Francs tient bon ! Déployée en une seule ligne, elle apparaît à l’ennemi comme un mur infranchissable. Serrés les uns contre les autres, leurs lances de fer pointées vers l’avant, les soldats de Charles ne cèdent pas d’un pouce. Remarquablement disciplinés, ils résistent aux vagues succes sives de la cavalerie arabe.
Sentant l’ennemi faiblir, Charles ordonne à ses hommes de se lancer dans
la mêlée. S’ensuit un combat sanglant. Pendant deux jours, des deux côtés, les soldats combattent avec courage. Mais le deuxième jour, Abd al-Rahman est tué. La situation tourne à l’avantage des Francs ! Alors que la nuit tombe, démoralisés, les Arabes se retranchent dans leur camp.
Au matin, Charles s’apprête à frapper de nouveau, mais une surprise de taille l’attend. Le camp arabe est vide ! L’ennemi s’est enfui à la faveur de la nuit. Les Francs viennent de remporter une grande victoire.
À la suite de la bataille de Poitiers, la renommée de Charles devient immense. Bras armé au service de la chrétienté, il a mis un terme à la progression arabe en Occident. Il lui faudra encore se battre contre les musulmans à plusieurs reprises afin de reprendre le sud du
royaume, mais plus jamais l’ennemi ne s’aventurera aussi loin.
Quand il contemple la liste de ses domaines, Charles Martel peut être fier : il a considérablement agrandi le territoire que lui a laissé son père, le précédent maire du palais, Pépin de Herstal. La tâche n’a pas été facile. Quand son père est mort en 714, sa belle-mère a essayé de se débarrasser de lui en le faisant emprisonner. Mais Charles s’est évadé. En trois ans, avec une armée de fidèles, il a reconquis le royaume d’Austrasie, au nord-est, soumis la Neustrie, au nordouest, et la Burgondie, au sud-est. Autrement dit, il s’est rendu maître des trois quarts de la Gaule !
Et maintenant, avec la victoire de Poitiers, Charles a la possibilité de poser la dernière pièce du puzzle du royaume franc : l’Aquitaine. En effet, Eudes, qui
l’a appelé au secours, lui est maintenant redevable. À contrecœur, le duc s’incline et reconnaît l’autorité de Charles Martel.
Que faire de cet immense royaume ? Comment l’organiser, le défendre ? Il ne faut pas compter sur le roi, Thierry IV. Âgé d’à peine dix-neuf ans, le jeune homme est incapable de régner et s’en remet entièrement aux décisions de son maire du palais.
Charles repense à la bataille qu’il vient de livrer contre Abd al-Rahman : il a été très impressionné par la puissance de la cavalerie ennemie. Une idée germe dans sa tête. Le royaume a besoin d’une cavalerie rapide et mobile. Son armée, pour le moment, n’est composée que de soldats à pied, réunis à la hâte en temps de guerre. Ils sont lents et difficiles à rassembler. Cela doit changer.
Charles Martel lance une réforme militaire de grande envergure. Il réquisitionne des terres qui appartiennent à l’Église et les donne à certains de ses guerriers. En échange, ceux-ci doivent élever un cheval de guerre, s’entraîner au combat et, surtout, répondre à son appel en cas de besoin. La chevalerie est en train de naître, et avec elle, le système féodal qui fonde le Moyen Âge !
Charles Martel meurt en 741. Bien qu’il n’ait jamais eu le titre de roi, il a réussi à reconstituer l’unité perdue du royaume. Il s’éteint sans savoir le destin glorieux qui attend sa famille. En effet, dix ans après sa mort, son fils Pépin le Bref fondera la dynastie des Carolingiens, dont il sera le premier roi.
NAISSANCE : vers 688, en Belgique MORT : 741, à Quierzy
ENFANTS : quatre, dont Pépin le Bref, futur roi des Francs. Charles Martel est le grand-père de Charlemagne. SURNOM : le « presque-roi », car il n’est pas sur le trône, mais il a le pouvoir.
En 622, en Arabie, Mahomet fonde une nouvelle religion : l’islam. Dès 630, les adeptes de l’islam, les musulmans, étendent leur influence et partent à la conquête de nouveaux territoires. Leur progression est fulgurante. La Palestine, la Syrie et l’Égypte tombent sous leur joug. En 698, c’est au tour de l’Afrique du Nord. Les guerriers traversent la mer Méditerranée et conquièrent l’Espagne, qu’ils rebaptisent Andalousie. Puis ils s’attaquent à la Gaule. Deux défaites viennent mettre fin à ce grand mouvement de conquête : l’échec du siège de Constantinople en 717 et la bataille de Poitiers, gagnée par Charles Martel en 732.
« Martel » est le surnom dont le maire du palais se voit a ubler après la bataille de Poitiers. Il y a asséné tant de coups avec son arme de
La bataille de Poitiers n’a pas eu lieu à Poitiers ! On ignore où elle s’est véritablement déroulée. Pour certains historiens, elle aurait eu lieu près du village de VouneuilsurVienne, entre Tours et Poitiers. Pour d’autres, près de Châtellerault. Pour d’autres encore, à proximité de l’abbaye de SaintMartin de Tours. Trentehuit endroits différents assurent que l’affrontement s’est déroulé sur leur site !
prédilection, le marteau, qu’on se met à l’appeler « Charles le Martel », martellus voulant dire « marteau » en latin.
À l’époque de Charles Martel, les rois mérovingiens sont sur le trône. Première dynastie à avoir régné sur le royaume franc, les Mérovingiens comptent plusieurs noms illustres, comme Clovis ou Dagobert. Mais à partir de 639, aucun roi n’arrive à s’imposer. C’est l’époque des rois fainéants, appelés ainsi car ils ne gouvernent pas. Ils délèguent leur pouvoir à
leurs intendants, les maires du palais, qui deviennent les véritables dirigeants du royaume et se transmettent la charge de père en fils. Cette situation se maintient jusqu’en 751, année où Pépin le Bref, fils de Charles Martel, chasse du trône le dernier roi mérovingien et se fait élire roi à sa place. C’est la fin des Mérovingiens et le début des Carolingiens.
7 octobre 1800
Cette journée restera à jamais gravée dans ma mémoire.
Cela faisait trois jours que nous naviguions sur les eaux du golfe du Bengale, avec rien d’autre devant nous que l’océan, à perte de vue. Retiré dans ma cabine, je tuais le temps en
examinant une carte détaillant l’embouchure du Gange lorsque la voix de la vigie me fit lever la tête : « Navire ! Navire ! »
Aussitôt, je me précipitai sur le pont pour en savoir plus. Je braquai ma longue-vue à bâbord : le vaisseau repéré était encore loin mais tout semblait indiquer un bateau de grande taille. Je donnai l’ordre de mettre le cap sur lui.
Excité par la perspective d’une belle prise, tout l’équipage se précipita sur le pont. Peu à peu, la distance entre la Confiance, notre bateau, et le navire ennemi se réduisit, et nous pûmes alors prendre la mesure de l’adversaire. Nous avions affaire à un énorme bateau de la Compagnie britannique des Indes orientales : au moins mille deux cents tonneaux et trente-huit canons, soit presque le triple de la Confiance !
Dans ces circonstances, beaucoup auraient renoncé. Mais pas moi ! Je pris la parole pour encourager l’équipage. Je leur jurai que bientôt, ce navire serait à nous.
Nous n’étions plus qu’à une demi-lieue quand l’ennemi tira un coup de canon, nous sommant de signaler notre nationalité. Nous hissâmes le pavillon français, confirmant aux Anglais que nous cherchions la bataille.
« Branle-bas de combat général ! » clamai-je d’une voix puissante. Aussitôt, tous mes hommes se précipitèrent sur leur sabre, leur pistolet, leur poignard ou leur hache et prirent leur poste. La tension était extrême.
Près de moi, un jeune enseigne, le nez collé à sa lunette et l’air furieux, me signala que les Anglais se moquaient de nous. Je braquai à mon tour ma longue-vue sur le navire ennemi et constatai que l’enseigne avait raison : certain de sa victoire, le capitaine anglais avait invité ses passagères à venir assister au spectacle de notre défaite. Abritées sous leurs ombrelles, celles-ci nous adressaient des saluts moqueurs, comme pour nous souhaiter un bon voyage au fond de la mer. Cela me fit sourire. Nos ennemis nous sous-estimaient ? Grand bien leur fasse ! Notre succès n’en serait que plus facile.
Sachant que nous ne pourrions l’emporter à coups de canon, j’ordonnai une manœuvre auda cieuse : nous ferions semblant de vouloir canonner leur vaisseau puis nous virerions de bord. Voulant nous imiter, l’Anglais carguerait sa grand-voile.
C’est alors que nous l’emporterions : bien plus manœuvrable que lui, nous le prendrions de vitesse et pourrions l’aborder.
Tout se déroula selon mes plans. L’opération était cependant risquée : l’ennemi nous envoya plusieurs bordées de canon. Mais lorsqu’il se rendit compte de l’erreur qu’il avait commise en repliant sa grand-voile, il était trop tard. Alors que nous bondissions vers lui à toute vitesse, un rayon de soleil fit scintiller les lettres d’or qui s’étalaient sur sa poupe, nous révélant son nom : le Kent.
La suite fut extrêmement rapide : nous accos tâmes l’Anglais et nous agrippâmes à lui avec nos grappins. La surprise que nous pûmes lire sur les visages de l’équipage du Kent était presque comique : l’espace d’un instant, l’en nemi resta les bras ballants, peinant à comprendre ce qui était arrivé. Puis il se ressai sit et courut aux armes.
« À l’abordage ! », hurlai-je à mes hommes. Aussitôt, chacun s’élança sur le Kent. Bien que largement supérieurs en nombre, les Anglais, désorganisés, furent vite débordés. Après quelque temps d’un combat sanglant, leur capitaine, Rivington, succomba. La bataille cessa alors. Nous avions vaincu ! D’une voix puissante, j’ordonnai à mon équipage de ne plus faire aucune victime puis je m’exclamai : « Le Kent est à nous mes amis ! Vive la France ! »
Le souffle court, Anaëlle lève la tête de son livre. C’est bien la dixième fois que la jeune fille lit le récit de la prise du Kent par Robert Surcouf. Née à SaintMalo, comme le célèbre corsaire, elle a été bercée depuis toute petite par ses aventures. Elle songe à celui que l’on surnommait « le tigre des mers » et dont elle connaît la vie par cœur. Enfant, Surcouf était difficile. Il ne pensait qu’à une chose : prendre la mer ! Un soir, il a fugué du collège où il était pensionnaire et a marché 40 kilomètres dans la neige pour retourner chez lui, à Saint-Malo. Comprenant qu’ils ne parviendraient pas à lui faire
entendre raison, ses parents ont accepté qu’il commence sa formation de marin. Pendant quatre ans, Surcouf a navigué sous les ordres de différents officiers, apprenant vite et endurant les pires conditions sans se plaindre. À dix-sept ans, il a été promu lieutenant de la marine royale. À vingt ans, envoyé comme second sur l’océan Indien afin de lever un blocus britannique sur l’île Maurice, il a remporté une victoire éclatante. Épris de liberté, Surcouf a alors pris une grande décision : il a quitté la marine pour devenir corsaire. De cette manière, il était libre de ses mouvements tout en combattant pour la France.
Engourdie d’être restée trop longtemps assise, Anaëlle se lève et se dirige vers la fenêtre de sa chambre, qui donne sur les remparts de Saint-Malo sur lesquels se dresse la statue de Robert Surcouf. Le doigt pointé vers les côtes anglaises, la sculpture de bronze semble défier la mer. Anaëlle se dit que c’est à cela que le Breton devait ressembler le 29 janvier 1796, lorsqu’à bord du Cartier armé de quatre misérables canons, il a réussi à capturer le Triton, un imposant navire marchand britannique. Avec cette prise incroyable, Surcouf est entré dans la légende ; une légende qui s’est amplifiée au fur et à mesure des exploits accomplis : quarante-quatre bateaux saisis sans jamais avoir été blessé ni fait
prisonnier, et un butin s’élevant à plus de 500 millions de livres ! Sa tête était pourtant mise à prix par les Britanniques. Peine perdue : insaisissable, Surcouf a écumé les mers pendant seize ans avant de se retirer à Saint-Malo où, immensément riche, il a coulé des jours paisibles comme armateur. Fait chevalier de la Légion d’honneur par Napoléon, il est mort entouré des siens. Sur la tombe de celui que l’on considère comme le roi des corsaires, on peut lire les mots suivants :
« Un célèbre marin a fini sa carrière.
Il est dans le tombeau pour jamais endormi.
Les matelots sont privés de leur père, Les malheureux ont perdu leur ami. »
NAISSANCE : 12 décembre 1773, à Saint-Malo
MORT : 8 juillet 1827, à Saint-Malo
ÉPOUSE : Marie-Catherine Blaize de Maisonneuve, avec laquelle il a eu sept enfants.
SURNOM : « Le tigre des mers » et « le roi des corsaires ».
PHRASE CÉLÈBRE : À un o cier anglais qui lui aurait déclaré avec mépris : « Vous, les Français, vous vous battez pour l’argent, nous, les Anglais, nous nous battons pour l’honneur », Surcouf aurait répondu : « Vous avez raison, capitaine, chacun se bat pour ce qu’il n’a pas ! »
Le journal de bord de la Confiance a été conservé. Jour après jour, Surcouf y notait en détail les conditions de navigation ainsi que les différentes prises effectuées. Ce n’est pas ce journal que lit Anaëlle dans les pages précédentes mais un récit qui s’inspire des mémoires de Louis Garneray, un marin présent lors de la prise du Kent.
Contrairement aux pirates qui attaquent et pillent les bateaux pour leur propre compte et sans respecter les lois de la guerre, les corsaires sont des navigateurs autorisés par leur pays à attaquer en temps de guerre tout navire ennemi, et plus particulièrement les navires marchands. Ce type de combat s’appelle la guerre de course. Les corsaires doivent respecter les lois de la guerre et ne peuvent s’en prendre aux prisonniers ni s’emparer de leurs effets personnels. Seuls la cargaison et le navire leur reviennent, et encore, pas totalement : un pourcentage étant versé au roi. La guerre de course a été intense au XVIIIe siècle. C’était un moyen économique pour la France de combattre contre la flotte britannique sans engager la marine nationale. Les guerres de course ont été interdites en 1856.
Le journal de bord de Surcourf
Les cargaisons saisies par les corsaires sur l’océan Indien étaient variées et pouvaient s’avérer de grand prix. Si le navire venait d’Europe, il était souvent chargé d’armes, de vin ou de produits manufacturés comme des tissus. S’il venait d’Asie, le bateau pouvait transporter de la soie, des épices, du thé, de la porcelaine, de l’ivoire ou des pierres précieuses.
À l’époque de Surcouf, l’océan Indien est un terrain de chasse prisé par de nombreux corsaires car on y trouve les principales routes maritimes empruntées par les navires effectuant du commerce entre les Indes orientales et l’Europe.
La réplique du Renard
En 1991, une réplique exacte du Renard, le dernier navire armé sur lequel navigua Surcouf, a été construite. Aujourd’hui encore, depuis le port de SaintMalo, il est possible d’embarquer pour une croisière sur ce bateau légendaire.
le ge nie militaire (xviiie-xixe siècles)
l e moment est venu pour Napoléon Bonaparte… En ce 2 décembre 1804, il va être sacré empereur des Français. Sur le parvis de Notre-Dame de Paris, malgré le froid glacial, une foule nombreuse se presse pour assister à l’événement. Bonaparte s’avance sous le portique dressé devant la cathédrale. L’air grave, il s’apprête à pénétrer dans l’église quand il aperçoit son frère. Une émotion soudaine l’envahit et il se
penche vers lui pour lui murmurer : « Oh, Joseph ! Si notre père nous voyait ! »
Que de chemin parcouru pour Bonaparte ! Né en Corse dans une famille de la petite noblesse, deuxième enfant d’une fratrie de huit, il s’est hissé au sommet du pouvoir, porté par un courage et une détermination inébranlables. Il se rappelle chaque étape franchie. L’école militaire de Brienne,
où il est entré à l’âge de dix ans sans savoir parler français et où il a dû faire face aux moqueries de ses camarades. Sa rapide ascension dans l’armée : lieutenant à seize ans, général de brigade à vingt-quatre ans, et enfin, général en chef de l’armée de l’Intérieur à vingtsix ans.
Et ce n’était que le début ! Alors qu’il s’engage sous la nef de la cathédrale, Bonaparte convoque le souvenir de la campagne d’Italie. À la tête d’une armée en guenilles, il avait reçu l’ordre d’attaquer les territoires italiens occupés par les Autrichiens. Loin de baisser les bras, le jeune général a su ranimer le courage de ses troupes. Ensemble, ils ont mené une guerre éblouissante. Douze batailles, douze victoires, dont les noms resteront dans l’histoire : Montenotte, Lodi, Arcole, Rivoli ! Bonaparte démontrait aux puissances ennemies la force de la France révolutionnaire.
Dans Notre-Dame, Bonaparte remonte lentement vers le chœur. Sous les voûtes de pierre résonne le Te Deum entonné par des centaines de choristes. Une foule bigarrée se presse dans la cathédrale : des membres du gouverne ment, des diplomates, des maréchaux, mais aussi de simples maires. La France entière semble avoir été conviée au triomphe de Bonaparte.
Cette foule lui en rappelle une autre, celle qui l’a acclamé lors de son retour de la campagne d’Égypte en 1799.
Las de la faiblesse du gouvernement, le peuple français voulait un homme fort à la tête du pays, un homme qui soit capable de mettre fin aux désordres tout en restant fidèle aux changements apportés par la Révolution. Bonaparte pouvait être cet homme, il en était persuadé. C’est pourquoi, le 9 novembre 1799, il s’est emparé du pouvoir par un coup d’État.
Il est fier de ce qu’il a réalisé durant cette période en tant que Premier consul. Il a réconcilié la nation en signant le Concordat, un traité autorisant à nouveau la pratique du catholicisme comme religion de la majorité des Français, tout en garantissant la liberté de culte aux protestants et aux juifs. Il a mis fin à la guerre en signant des traités de paix avec l’Autriche puis avec l’Angleterre. Il a relancé l’économie en créant la Banque de France et une nouvelle monnaie, le franc germinal. Surtout, il a offert à son pays le Code civil : un ensemble de lois réglant la vie quotidienne des Français et leur permet tant de vivre en bonne entente. En mars 1804, pour s’assurer que toutes ces réalisations perdurent, le Sénat lui a proposé de devenir empereur.
Bonaparte arrive dans le chœur de la cathédrale. Devant l’autel l’attend le pape Pie VII, venu spécialement de Rome pour l’occasion. Bonaparte gravit les marches et se penche pour recevoir l’onction sainte. Puis il se redresse et
saisit la couronne de lauriers d’or qu’on lui présente. Se retournant vers l’assemblée, il la pose lui-même sur son front. Il est désormais Napoléon Ier. Puis il prend une autre couronne qu’il dépose sur la tête de son épouse, Joséphine, agenouillée devant lui. En cet instant solennel, les époux se regardent. Joséphine a les larmes aux yeux. Napoléon est pâle jusqu’aux lèvres. Ils sont empereur et impératrice des Français.
Le 2 décembre 1805, un an jour pour jour après le sacre, Napoléon Ier s’apprête à livrer sa plus belle bataille et sans doute l’une des plus fameuses de l’histoire. Depuis l’été, la guerre a repris entre la France et l’Autriche, qui s’est alliée avec la Russie. Pour faire face à ces puissants ennemis, l’empereur a décidé d’attaquer en premier. À la tête
de la Grande Armée, il a marché à vive allure vers l’Autriche. La bataille décisive doit avoir lieu près d’Austerlitz, une petite ville de Moravie.
Il est quatre heures du matin. Napoléon a à peine dormi. Depuis plusieurs jours, il étudie le terrain qu’il connaît désormais parfaitement. Grâce à une ruse, il a laissé croire aux ennemis que l’armée française serait facile à vaincre. Pour cela, il a abandonné une position stratégique, le plateau de Pratzen, et a concentré l’essentiel de son armée au nord. Au sud, il a placé quelques colonnes clairsemées en guise d’appât. La bataille peut commencer.
La nuit est noire, le froid glacial, et un brouillard épais recouvre la campagne. Confiants, les Autrichiens et les Russes déclenchent les hostilités. Ils chargent l’armée française au sud et tombent
dans le piège que Napoléon leur a tendu ! Dissimulés par le brouillard, les Français attaquent en remontant sur le plateau de Pratzen. Trop surpris pour réagir efficacement, les Austro-Russes fuient. Lorsque le brouillard se dissipe et qu’un soleil éclatant se lève sur la campagne, le tsar Alexandre Ier n’en croit pas ses yeux : le plateau est désormais aux mains des Français ! Dans les heures qui suivent, les armées ennemies tentent de reprendre le dessus, mais en vain : leurs troupes sont balayées au nord comme au sud par les bataillons français. En début d’aprèsmidi, la bataille se termine : l’empereur d’Autriche et le tsar se replient tandis que de nombreux soldats russes se rendent ou tentent de fuir. C’est la victoire pour Napoléon, une victoire éclatante que la France doit au génie militaire de son empereur !
Après Austerlitz, rien ne semble plus pouvoir arrêter Napoléon. En 1806, il écrase la Prusse à Iéna. En 1807, c’est au tour de la Russie de s’incliner après les batailles d’Eylau et de Friedland. En 1808, l’empire français est au sommet de sa gloire : il compte cent trente départements, parmi lesquels la Hollande, la Belgique et une partie de
l’Italie, sans compter les pays qui lui sont soumis, comme l’Espagne, l’Allemagne et la Suisse. Jusqu’où ira Napoléon ?
Mais l’épopée de l’empereur touche à sa fin. Imprudemment, Napoléon se lance à l’assaut de la Russie en 1812. Cette campagne est un désastre : malgré la prise de Moscou, la Grande Armée doit battre en retraite en plein hiver. Près de deux cent mille soldats y laissent la vie. Voyant l’empire français chanceler, les États européens forment une nouvelle coalition pour le faire tomber. En avril 1814, Napoléon est contraint d’abdiquer. Sa tentative pour reprendre le pouvoir en 1815 se solde par un échec, avec la terrible défaite de Waterloo contre les Anglais et les Prussiens.
L’incroyable destin de Napoléon Ier s’achève sur Sainte-Hélène, une île perdue au milieu de l’Atlantique où, prisonnier des Anglais, il rend son dernier soupir le 5 mai 1821. Sur les ruines de son empire, en France et ailleurs, ses admirateurs se mettent à bâtir sa légende ; celle de l’enfant corse devenu empereur, qui rêvait de conquérir l’Europe pour la gloire de la France.
NAISSANCE : 15 août 1769, à Ajaccio
MORT : 5 mai 1821, sur l’île de Sainte-Hélène
ÉPOUSES : Joséphine de Beauharnais puis Marie-Louise d’Autriche.
ENFANT : le prince Napoléon (surnommé « l’aiglon » ou « le roi de Rome ») qui meurt à vingt-et-un ans.
EMBLÈME : l’aigle, symbole de Rome dans l’Antiquité et qui incarne la gloire militaire.
PHRASE CÉLÈBRE : « Je n’ai pas succédé à Louis XVI mais à Charlemagne. »
On désigne sous ce nom l’ensemble des troupes de Napoléon : l’artillerie (soldats chargés des canons), la cavalerie, la garde impériale (corps d’élite responsable de la sécurité de l’empereur) et l’infanterie (soldats à pied). Chaque unité de la Grande Armée est dirigée par des chefs chevronnés, les maréchaux d’Empire (Murat, Berthier, Lannes, Ney, Masséna, Soult). La Grande Armée porte bien son nom puisqu’elle a rassemblé jusqu’à sept cent mille hommes ! Napoléon est très apprécié de ses soldats. Il sait leur parler, et plusieurs de ses discours sont restés célèbres, comme celui qu’il a prononcé après la victoire d’Austerlitz : « Soldats ! Je suis content de vous. […] il vous suffira de dire “J’étais à la bataille d’Austerlitz“, pour que l’on réponde, “Voilà un brave“. »
Joséphine est la première épouse de Napoléon. Née à la Martinique, elle est la fille d’un riche producteur de cannes à sucre. À seize ans, elle se marie avec Alexandre de Beauharnais avec lequel elle a deux enfants, Eugène et Hortense. Durant la Terreur, Alexandre est guillotiné. Joséphine échappe de peu au même sort. Après la Terreur, elle devient l’une des femmes les plus élégantes de Paris. C’est à cette période qu’elle rencontre Napoléon, qui tombe éperdument amoureux d’elle et l’épouse. Avec habileté, elle aide son mari à gravir les marches du pouvoir et se hisse ellemême au sommet. La fin de sa vie est malheureuse : ne pouvant donner d’enfant à Napoléon, celuici divorce. Joséphine se retire dans sa demeure, le château de Malmaison, où elle meurt cinq ans plus tard d’une pneumonie.
Napoléon abdique une première fois en 1814. Retiré sur l’île d’Elbe, entre la Corse et l’Italie, il observe Louis XVIII rétablir la monarchie. Hors de question de le laisser faire ! Dans le plus grand secret, il quitte l’île d’Elbe et débarque en France le 1er mars 1815. Accueilli en héros par
On doit à Napoléon le Code civil, appelé aussi Code Napoléon. Ce recueil de lois établit les règles de vie des citoyens français : le mariage, la famille, l’héritage, la laïcité… Même si ce Code civil a été modifié de nombreuses fois depuis sa création, en particulier pour rendre aux femmes des droits égaux à ceux des hommes, il est toujours au fondement de notre droit civil. On doit aussi à Napoléon la fondation du musée du Louvre ainsi que l’invention de la Légion d’honneur, qui récompense les femmes et les hommes ayant réalisé de grandes choses pour la France. Il a également ordonné la création des maisons d’éducation de la Légion d’honneur, destinées à recueillir et éduquer les filles des légionnaires morts au combat. Elles existent toujours aujourd’hui et sont réservées aux descendantes des personnalités décorées de la Légion d’honneur.
l’armée, il marche sur Paris et chasse Louis XVIII. Les pays d’Europe sont unis contre lui, alors il les attaque : c’est un désastre. Vaincu à Waterloo, Napoléon doit abdiquer une seconde fois, cent jours seulement après son retour au pouvoir.
Portrait de Joséphine