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Charles Martel – Le rempart contre l’invasion arabe
charles martel
le rempart contre l’inVasion arabe (viie-viiie siècles)





- un message de la plus haute importance pour le maire du palais !
Agenouillé sur les dalles de pierre, la tête courbée, les bras tendus, un envoyé présente un rouleau de parchemin à Charles, le puissant intendant du roi des Francs. Charles saisit la missive. Il reconnaît le sceau de cire qui a servi à cacheter la lettre : c’est celui d’Eudes, le duc d’Aquitaine. Les deux hommes sont loin d’être amis, chacun convoitant le territoire de l’autre. Charles fait sauter le cachet, pressé de découvrir ce que lui veut son rival… C’est un appel à l’aide !
Eudes est en grand danger et supplie Charles de venir lui prêter main-forte.
Il faut que la menace soit sérieuse pour que le duc d’Aquitaine se tourne vers Charles. Et en effet, la situation est plus que préoccupante : les Arabes, qui ont conquis l’Espagne vingt ans auparavant, poursuivent inexorablement leur expansion. Ils ont soumis la région de Narbonne et ont remonté la vallée du Rhône, saccageant Lyon au passage.
À présent, dirigés par leur redoutable émir, Abd al-Rahman, gouverneur d’Andalousie, les Arabes viennent de lancer des offensives en Aquitaine. Leurs succès ont été fulgurants : ils ont écrasé l’armée d’Eudes non loin de Bordeaux avant de remonter jusqu’à Poitiers où, après avoir pillé la basilique Saint-Hilaire, ils ont mis la ville à feu et à sang. Ils se dirigent maintenant vers Tours avec l’intention évidente de mettre à sac le riche sanctuaire de SaintMartin.
Charles n’hésite pas un instant : il doit porter secours au duc d’Aquitaine !
Charles n’est pas roi. Cela ne lui servirait d’ailleurs à rien car depuis un siècle, les rois francs, même s’ils sont encore sur le trône, n’ont plus aucun pouvoir. Charles est maire du palais. Par cette fonction, il est le véritable dirigeant du royaume et il n’a besoin de l’autorisation de personne pour partir en campagne contre les Arabes.
Aussi vite que possible, il lève une armée de fantassins et se met en route en direction de Tours. Le temps presse. Il faut arriver avant les soldats d’Abd al-Rahman !
Par une froide journée d’octobre, l’armée de Charles traverse la Loire puis avance sur l’ancienne voie romaine reliant Tours et Poitiers.
L’ennemi est tout près désormais. Charles ordonne à ses troupes de s’arrêter. L’émir fait de même de son côté. Les guerriers installent leur campement. Pendant une semaine, les deux armées s’observent. La tension est palpable. À part quelques escarmouches, rien ne se passe.
Le 25 octobre 732 enfin, Abd alRahman passe à l’attaque : il lance sa formidable cavalerie sur l’armée des Francs. Le choc est rude. Les guerriers arabes sont redoutables ; ils maîtrisent parfaitement leurs montures qu’ils dirigent à la seule force des jambes, ce qui leur permet d’avoir les mains libres pour combattre. Mais l’armée des Francs tient bon ! Déployée en une seule ligne, elle apparaît à l’ennemi comme un mur infranchissable. Serrés les uns contre les autres, leurs lances de fer pointées vers l’avant, les soldats de Charles ne cèdent pas d’un pouce. Remarquablement disciplinés, ils résistent aux vagues successives de la cavalerie arabe.
Sentant l’ennemi faiblir, Charles ordonne à ses hommes de se lancer dans






la mêlée. S’ensuit un combat sanglant. Pendant deux jours, des deux côtés, les soldats combattent avec courage. Mais le deuxième jour, Abd al-Rahman est tué. La situation tourne à l’avantage des Francs ! Alors que la nuit tombe, démoralisés, les Arabes se retranchent dans leur camp.
Au matin, Charles s’apprête à frapper de nouveau, mais une surprise de taille l’attend. Le camp arabe est vide ! L’ennemi s’est enfui à la faveur de la nuit. Les Francs viennent de remporter une grande victoire.
À la suite de la bataille de Poitiers, la renommée de Charles devient immense. Bras armé au service de la chrétienté, il a mis un terme à la progression arabe en Occident. Il lui faudra encore se battre contre les musulmans à plusieurs reprises afin de reprendre le sud du royaume, mais plus jamais l’ennemi ne s’aventurera aussi loin.
Quand il contemple la liste de ses domaines, Charles Martel peut être fier : il a considérablement agrandi le territoire que lui a laissé son père, le précédent maire du palais, Pépin de Herstal. La tâche n’a pas été facile. Quand son père est mort en 714, sa belle-mère a essayé de se débarrasser de lui en le faisant emprisonner. Mais Charles s’est évadé. En trois ans, avec une armée de fidèles, il a reconquis le royaume d’Austrasie, au nord-est, soumis la Neustrie, au nordouest, et la Burgondie, au sud-est. Autrement dit, il s’est rendu maître des trois quarts de la Gaule !
Et maintenant, avec la victoire de Poitiers, Charles a la possibilité de poser la dernière pièce du puzzle du royaume franc : l’Aquitaine. En effet, Eudes, qui
l’a appelé au secours, lui est maintenant redevable. À contrecœur, le duc s’incline et reconnaît l’autorité de Charles Martel.
Que faire de cet immense royaume ? Comment l’organiser, le défendre ? Il ne faut pas compter sur le roi, Thierry IV. Âgé d’à peine dix-neuf ans, le jeune homme est incapable de régner et s’en remet entièrement aux décisions de son maire du palais.
Charles repense à la bataille qu’il vient de livrer contre Abd al-Rahman : il a été très impressionné par la puissance de la cavalerie ennemie. Une idée germe dans sa tête. Le royaume a besoin d’une cavalerie rapide et mobile. Son armée, pour le moment, n’est composée que de soldats à pied, réunis à la hâte en temps de guerre. Ils sont lents et difficiles à rassembler. Cela doit changer.
Charles Martel lance une réforme militaire de grande envergure. Il réquisitionne des terres qui appartiennent à l’Église et les donne à certains de ses guerriers. En échange, ceux-ci doivent élever un cheval de guerre, s’entraîner au combat et, surtout, répondre à son appel en cas de besoin. La chevalerie est en train de naître, et avec elle, le système féodal qui fonde le Moyen Âge !
Charles Martel meurt en 741. Bien qu’il n’ait jamais eu le titre de roi, il a réussi à reconstituer l’unité perdue du royaume. Il s’éteint sans savoir le destin glorieux qui attend sa famille. En effet, dix ans après sa mort, son fils Pépin le Bref fondera la dynastie des Carolingiens, dont il sera le premier roi.
NAISSANCE : vers 688, en Belgique MORT : 741, à Quierzy
ENFANTS : quatre, dont Pépin le Bref, futur roi des Francs. Charles Martel est le grand-père de Charlemagne. SURNOM : le « presque-roi », car il n’est pas sur le trône, mais il a le pouvoir.


Charles Martel


Pourquoi... Charles « Martel » ?
« Martel » est le surnom dont le maire du palais se voit a ubler après la bataille de Poitiers. Il y a asséné tant de coups avec son arme de prédilection, le marteau, qu’on se met à l’appeler « Charles le Martel », martellus voulant dire « marteau » en latin.
La conquête arabo-musulmane

En 622, en Arabie, Mahomet fonde une nouvelle religion : l’islam. Dès 630, les adeptes de l’islam, les musulmans, étendent leur influence et partent à la conquête de nouveaux territoires. Leur progression est fulgurante. La Palestine, la Syrie et l’Égypte tombent sous leur joug. En 698, c’est au tour de l’Afrique du Nord. Les guerriers traversent la mer Méditerranée et conquièrent l’Espagne, qu’ils rebaptisent Andalousie. Puis ils s’attaquent à la Gaule. Deux défaites viennent mettre fin à ce grand mouvement de conquête : l’échec du siège de Constantinople en 717 et la bataille de Poitiers, gagnée par Charles Martel en 732.

Emblème de l’islam
Où a eu lieu la bataille de Poitiers ?
La bataille de Poitiers n’a pas eu lieu à Poitiers ! On ignore où elle s’est véritablement déroulée. Pour certains historiens, elle aurait eu lieu près du village de VouneuilsurVienne, entre Tours et Poitiers. Pour d’autres, près de Châtellerault. Pour d’autres encore, à proximité de l’abbaye de SaintMartin de Tours. Trentehuit endroits différents assurent que l’affrontement s’est déroulé sur leur site !
Le royaume des Francs à l’époque de Charles Martel


Des Mérovingiens aux Carolingiens
À l’époque de Charles Martel, les rois mérovingiens sont sur le trône. Première dynastie à avoir régné sur le royaume franc, les Mérovingiens comptent plusieurs noms illustres, comme Clovis ou Dagobert. Mais à partir de 639, aucun roi n’arrive à s’imposer. C’est l’époque des rois fainéants, appelés ainsi car ils ne gouvernent pas. Ils délèguent leur pouvoir à leurs intendants, les maires du palais, qui deviennent les véritables dirigeants du royaume et se transmettent la charge de père en fils. Cette situation se maintient jusqu’en 751, année où Pépin le Bref, fils de Charles Martel, chasse du trône le dernier roi mérovingien et se fait élire roi à sa place. C’est la fin des Mérovingiens et le début des Carolingiens.