Kactus - La colo des cafoutus

Page 1

Sophie Laroche ˚ Adeline Pham

Direction : Guillaume Pô

Direction éditoriale : Sarah Malherbe

Édition : Claire Renaud

Conception graphique : Bleuenn Auffret

Mise en pages : Cromatik Ltd

Direction de fabrication : Thierry Dubus

Fabrication : Morgane Lajeunesse

© 2023, Fleurus éditions, Paris

57, rue Gaston Tessier, CS 50061, 75166 Paris cedex 19

Site : www.fleuruseditions.com

ISBN : 978-2-2151-8218-4

Code MDS : FS82184

Tous droits réservés pour tous pays.

Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.

À Cossouce et Juanito

Des vrais cafoutus, mais certainement pas des cas foutus !

Et puis il y a ceux

Qui ne prennent pas la pose (…)

Les réfractaires, les entêtés,

Peut-être perdants mais lumineux, Récalcitrants de la tête aux pieds,

Les indociles heureux !

Bénabar, Les indociles heureux

Merci à Bénabar qui a accompagné une fois encore ces joyeuses heures d’écriture.

Sophie Laroche ˚ Adeline Pham

Le camp Zéro Défaut !

Un concept simple et attirant !

Contre un (très) gros virement direct depuis votre téléphone (les cartes bleues, c’est complètement dépassé !), confiez votre enfant à une bande d’experts qui corrigeront son principal défaut grâce à une pédagogie innovante, ludique, douce et efficace.

Pour lui, un séjour inoubliable qui le changera jamais !

Pour vous, quelques jours de tranquillité et une paix retrouvée…

Quelques séances théoriques, beaucoup de pratique au travers de mises en situation originales et votre diablotin se transforme en chérubin !

À la fin du stage, vous récupérerez un enfant zéro défaut !

Et voici nos héros :

Arielle

8 ans

Signes particuliers : voleuse. Quand elle a envie de quelque chose, elle se sert.

Coach référent : Milan Tivol.

Kilian

10 ans

Signes particuliers : menteur.

Coach référent : Milan Tivol.

Sandro

13 ans

Signes particuliers : très colérique, langage inadapté.

Coach référent : ZenZen.

Léo

11 ans

Signes particuliers : désobéissant, insolent, farceur.

Coach référent : Gérard Mentor.

Nour

13 ans

Signes particuliers : égoïste, égocentrique, ne pense qu’à elle et à son confort.

Coach référent : Gérard Mentor.

Zélie

13 ans

Signes particuliers : négligée, ne prend pas soin d’elle ou de ses affaires.

Ne range jamais rien.

Coach référent : Cristina Tientoidroit.

Jour

Chapitre 1

1,

où l’on se met en chemin !

Kilian a chuchoté et le contrôleur n’est pas certain d’avoir bien entendu.

– Tu peux répéter ? lui demande-t-il, en tendant bien l’oreille cette fois.

– Je connais pas ce monsieur et cette dame, ils m’ont kidnappé.

Il a bien entendu.

Que fait-on dans ce cas-là !?! Rester calme.

Basile, comme l’annonce son badge, sent la

11

panique lui serrer les entrailles. Et si ces personnes étaient dangereuses ?

– Elles sont armées, lui murmure Kilian.

C’est quand même pas de chance ! Le contrôleur de train a préféré ce métier à celui de steward pour éviter les situations périlleuses. Il aurait pu voler

jusqu’aux paradisiaques îles de Bora Bora, il relie Paris à Troipelés-les-Deutondus en train, même pas à grande vitesse, tout ça parce qu’il avait peur de mourir dans un accident d’avion. Et le voilà au cœur d’un enlèvement d’enfant avec armes.

Enfin, c’est surtout sa mère qui redoutait le crash. Car lui est un aventurier… Basile songe à la série policière qu’il a regardée toute la nuit encore. Il pose la main sur son scanner de contrôle des billets. C’est pas une arme mais ça peut faire

comme. Il adresse un sourire rassurant à Kilian et

12
La colo des Cafoutus

d’un pas affirmé se plante devant l’asperge en casquette et basket qui l’accompagne. Il est prêt à en découdre. Il lève la tête et accroche son regard :

– Libérez cet enfant ou je tire !

OK, il n’a pas ajouté « Ou je tire ». Il l’a juste dit dans sa tête. Comme quand les gens l’insultent dans le train parce qu’ils n’ont pas de billet (ou pas le bon billet, ou le bon billet mais c’est sa machine qui bugge, bref, quand ça va mal.) Peu importe, la réaction du kidnappeur ne se fait pas attendre : il affiche une moue stupéfaite. Puis il se tourne vers Kilian et lui demande :

– Qu’est-ce que t’as raconté ?

– Rien du tout ! Je t’assure, Gustave, je sais pas de quoi il parle, affirme Kilian qui ne semble plus si enlevé que ça.

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 13

La colo des Cafoutus

Une jolie black vient aux nouvelles. Elle est trop mignonne pour enlever des enfants, Basile le réalise trop tard : il s’est ridiculisé. C’est une animatrice de colonie, comme l’autre, sûrement.

D’ailleurs, elle se présente : elle s’appelle Awa.

– Kilian a juste fait une blague, sourit-elle.

En temps normal, il en faudrait bien plus pour amadouer le contrôleur. Mais cette Awa est si charmante…

– Eh bien elle est nulle sa farce ! rétorque quand même Basile d’une voix autoritaire.

Gustave aimerait tordre le coup de Kilian.

Seulement…

1. Il n’a pas le temps.

2. Il n’a pas le droit.

Lors de l’entretien d’embauche, le directeur l’a

prévenu : cette colonie n’est pas comme les autres.

14

Elle innove et s’adresse à des enfants spéciaux. Ça a plu à Gustave, il aime les défis, il est prêt à en relever plusieurs dans les semaines à venir (il a mis tout en haut de sa liste embrasser la jolie Awa).

Mais il ne pensait pas commencer si vite. Enfin les sacs sont entassés dans les espaces prévus à cet effet, les enfants installés à leur place, le train démarre et Gustave va pouvoir souffler un peu (et accessoirement discuter avec Awa…). Avant, il part leur chercher deux cafés : ils l’ont bien mérité…

Awa regarde le paysage défiler en faisant craquer ses doigts. Ça la calme. Elle n’aurait pas dû mentir sur son CV et assurer qu’elle avait déjà participé à deux colonies, le job est plus compliqué qu’elle ne l’avait imaginé… Heureusement,

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 15

La colo des Cafoutus

Gustave semble tenir la distance. Et deux autres animateurs les attendent à l’arrivée. Et surtout, ce sont encore des gamins, c’est normal qu’ils s’amusent ! Un mensonge, c’est pas très grave…

Gustave la tire de ses réflexions :

– Il en manque un.

Awa ne comprend pas : Gustave tient un café dans chaque main, et ils sont deux à en boire.

– Il manque un gosse ! Je viens de les recompter en revenant, réflexe professionnel, précise-t-il en gonflant le poitrail, et il en manque un.

Sa voix en sourdine tranche avec le contenu qu’elle délivre.

– Tu crois qu’on l’a laissé sur le quai ? s’inquiète Awa.

16

– Non, ils sont tous montés. Et le train ne s’est pas arrêté. Pas encore en tout cas… Il est donc à bord.

Mesdames, messieurs, votre train arrive en gare de Montargis dans deux minutes. Attention à la marche en descendant du train ! Le ton est différent, mais c’est bien la voix du contrôleur-cow-boy du départ…

– Qu’est-ce qu’on fait ? panique Awa.

– On ne panique pas, lui répond Gustave. Soulignons son sens de l’à-propos, sans nous attarder non plus : la situation est grave, cette fois pour de vrai.

– Qui n’est pas là ?

Awa a parlé tout bas mais une voix de fille lui répond derrière le dossier du fauteuil :

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 17

– C’est la meuf qui a refusé de dire au revoir à sa mère, qui porte des baskets qui valent au moins trois cents balles et qui s’est levée au bout de deux minutes, balance Enora. Je lui ai dit qu’elle allait quand même pas aller pisser dès le départ, elle m’a répondu… un truc que je ne peux pas répéter, je suis trop polie pour ça.

Les deux monos se retournent en même temps, leurs épaules se frôlent, ça déconcentre Gustave mais pas longtemps. Il a tout de suite identifié la jeune fille manquante : c’est Nour.

Pas une seconde à perdre !

– On part chacun dans un sens, on va forcément la voir ! propose Gustave.

Awa valide le plan. Quand le train s’immobilise, elle sent l’angoisse monter. Tant pis, elle

1, où l’on
chemin ! 19
Jour
se met en

change de stratégie. Elle saute sur le quai : si Nour descend, elle la verra. Sauf que…

1. De nombreux passagers ont eu la même idée (même s’ils ne descendent pas pour les mêmes motifs, on est d’accord).

2. Awa ne sait pas à quoi ressemble la fugitive !

Le directeur lui avait envoyé un trombinoscope et quelques notes sur chacun, il avait insisté : elle devait s’en « imprégner » avant le départ. Mais elle a préféré s’imprégner d’une dernière soirée avec ses amis. Elle aurait tout le temps du train pour lire le document et le retenir…

Coup de sifflet du contrôleur qui la sort de ses pensées :

– Mademoiselle, le train va repartir !

20
La colo des Cafoutus

In extremis, Awa remonte à bord, une boule au ventre : la fine silhouette qui vient de passer à travers la fenêtre de la porte ne serait pas…

– Je l’ai retrouvée !

OUF (Ouf ouf ouf même !). Awa est tellement soulagée qu’elle tarde à demander où était la fugitive.

– Elle s’était installée en première classe, soupire Gustave.

– Comment ça… en première ?

– Ben oui, en première, lui répond Nour d’une voix blasée.

Cette grande ado maquillée poursuit :

– Et encore, j’ai pas eu de place isolée, il a fallu que je supporte l’haleine de mon voisin…

Awa n’en revient pas… Nour enchaîne :

1, où l’on
! 21
Jour
se met en chemin

La colo des Cafoutus

– Déjà que j’ai l’habitude de prendre l’avion, mais il faudrait que je me farcisse le train en seconde classe ? Vous rêvez. C’est.Tellement.Pas moi.

– Va t’asseoir.

De la fumée sort encore des narines de Gustave.

Awa, elle, est dépitée : ils n’ont pas encore atteint leur destination et deux enfants se sont déjà joués d’eux (leur ont déjà pourri la vie, quoi !).

Les deux animateurs passent les deux heures qui suivent à descendre et remonter le wagon. Leur stratégie fonctionne : aucun incident supplémentaire à signaler. Enfin le train entre en gare de Troipelés-lès-Deutondus !

Si on peut appeler « gare » un quai perdu en pleine campagne et un simple abri en bois posé sur lequel une vieille pancarte confirme le nom du patelin qui lui va si bien !

– Tout le monde dehors ! hurle Gustave.

Son ton ne colle pas tout à fait avec le concept de la colonie, mais ça a le mérite d’être efficace. Les enfants descendent les uns derrière les autres.

Gustave, resté dans le train, les compte. Awa, postée juste en bas des marches, les recompte. Ne vous moquez pas : les deux animateurs ont perçu

la puissance des jeunes qu’ils encadrent ! Puis

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 23

La colo des Cafoutus

Gustave jette un œil sur le wagon vide, vérifie aussi le coin des bagages, attrape un sac oublié en maugréant, réalise que c’est le sien, et enfin quitte le wagon. Juste à ce moment-là, le contrôleur lui souffle : – Bonne chance, mec.

La porte se referme sur un sourire compatissant sous le képi : Basile est bien heureux d’être resté à bord. ***

Heureusement, les renforts sont là ! Sur le quai, Lili-Rose, la seconde animatrice, finit de dire bonjour à chaque enfant (comme stipulé dans le règlement qu’ils ont signé, se souviennent Gustave et Awa… sauf qu’ils ont eu d’autres chats à fouetter !). Lili-Rose se plante ensuite devant ses collègues :

24

– Tout s’est bien passé ? demande-t-elle, le regard perçant.

– Oui ! assure Gustave, très assuré. Awa en est impressionnée.

– Tu vois, je t’avais dit que tu stressais pour rien ! commente une voix masculine.

Gustave et Awa se retournent et découvrent

Cossouce, le quatrième animateur, tranquillement adossé contre l’abri en bois.

– Salut, moi c’est Cossouce ! annonce-t-il.

À leurs mines étonnées, il précise :

– C’est un surnom.

Mais il ne précise pas pour autant son prénom.

– Gustave ! annonce Gustave-sans-surnom.

– Moi c’est Awa ! le suit… Awa.

– Moi c’est Lili-Rose ! annonce Lili-Rose qui ne s’était toujours pas présentée, avant d’en-

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 25

chaîner : Ne traînons pas, le centre est à une bonne vingtaine de minutes à pied de la gare.

À quelques pas de là, les enfants chargent leur bagages dans la seule camionnette qui les attend, portes arrière grandes ouvertes.

– On devrait peut-être les faire pique-niquer ici avant, suggère Cossouce.

– Je t’ai déjà dit que c’était une mauvaise idée, le reprend Lili-Rose.

Gustave et Awa se concertent du regard : quelle cheffe !

Les enfants se mêlent au débat.

– Quand est-ce qu’on mange, j’ai faim ?

– Pis il est où, le bus ?

Tandis que Lili-Rose se retourne, ses sourcils se relâchent, un immense sourire envahit son visage.

La métamorphose est impressionnante…

26
La colo des Cafoutus

– Hé les copains ! On va joyeusement marcher jusqu’au camp en chantonnant, ça va vous dégourdir les jambes après ce loooong voyage en train. Et puis on pique-niquera dans le centre. Elle marque un temps d’arrêt : Comme ça, on pourra trier nos déchets de repas et utiliser les toilettes sèches. Puis elle affiche une moue de gamine boudeuse : Ici, rien n’est prévu pour le recyclage.

À l’évocation des toilettes sèches, Nour se laisse tomber sur l’épaule de son voisin. Arielle, une petite fille avance d’un pas :

– Si je ne mange pas tout de suite, je vais mourir de faim ! Là, ici…

– Et moi, je creuserai pas sa tombe, la flemme, fait trop chaud, ajoute Max, un ado juste à côté.

Je vous l’avais dit, annonce sans gloire le visage

silencieux de Cossouce, et Gustave retient la

où l’on
! 27
Jour 1,
se met en chemin

leçon : ce type s’y connait plus que son allure dégingandée ne le laisse croire.

– On va manger là, tranche Gustave.

Cossouce accepte avec gourmandise de partager les pique-niques que Gustave et Awa s’étaient préparés. Lili-Rose, elle, préfère attendre sa salade

algues-quinoa restée au centre. Les enfants se sont installés dans le pré juste à côté de la gare, les sacs s’ouvrent, les chips se partagent, l’ambiance est champêtre et bon enfant…

NAN MAIS LA MEUF ELLE DÉLIRE OU

QUOI ? RENDS-MOI MA BARRE AVANT

QUE JE T’EXPLOSE LA TRONCHE.

O.K., l’ambiance festive est devenue explosive ! C’est Sandro qui vient de hurler. Lili-Rose et

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 29

La colo des Cafoutus

Cossouce en restent bouche bée, Gustave et Awa sont déjà debout.

– Qu’est-ce qui se passe ? demande Awa, d’une voix douce.

Stratégie étonnante : Gustave, lui, aurait « gueulé » plus fort que le gueulard. Mais stratégie présentée en page deux du fonctionnement de la colo qu’ils ont dû lire, signer et accepter de mettre en place, cette fois Awa s’en est souvenue.

– CETTE CONNE A PIQUÉ MON CHOCOLAT ! explique Sandro.

Visiblement, la méthode ne fonctionne pas.

Gustave pose sa main sur l’épaule d’Awa :

– Laisse-moi gérer.

Quart de tour vers le porte-voix en Converse.

– Sandro, Arielle aurait dû te demander avant de se servir, mais tu ne vas pas non plus…

– Faire tout un fromage pour un dessert ? plaisante Léo, un autre jeune.

Gustave l’ignore :

– Alors tu te calmes. O.K.

O.K. sans point d’interrogation.

– DANS TES RÊVES ! réplique pourtant Sandro.

Gustave abandonne la lutte. Il a perdu une bataille, mais pas encore la guerre. Alors il se tourne vers la gourmande Arielle et la sermonne :

– Dis-lui que tu es désolée…

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 31

La colo des Cafoutus

– Mais je chuis pas désolée, mâchouille Arielle en même temps que le chocolat qu’elle a engouffré d’un coup dans sa bouche.

Son aplomb détourne l’attention des quatre animateurs qui en oublient la colère de Sandro.

– Quand même, c’était pas à toi, intervient LiliRose, d’une voix qu’elle espère compréhensive.

– M’en fiche, j’en avais envie, commente Arielle.

Lili-Rose s’impatiente :

– Et on ne parle pas la bouche pleine !

– Vaut mieux parler la bouche pleine que la tête vide, lâche Léo qui a suivi toute la scène avec délectation.

Gustave vient à la rescousse de Lili-Rose :

– Faudra qu’on parle de ce qui vient de se passer avec vos coachs.

32

– Oui, bien sûr ! lui répond Sandro. Dans tes rêves.

Gustave et Awa sont très fiers (et soulagés) : le groupe est arrivé au camp sans le moindre incident. Lili-Rose, elle, a passé le chemin à expliquer

1, où l’on
!
Jour
se met en chemin
***

La colo des Cafoutus

à Max que non, il ne va pas mourir de fatigue parce qu’il marche vingt-cinq minutes d’affilée. Et que s’il redressait un peu les épaules, ne traînait pas les pieds et chantait au lieu de geindre, cette balade serait agréable ! (Pour lui et pour les autres).

Flairant la bonne planque, Cossouce a ramené la camionnette au camp : c’est connu, les bagages sont plus sages que les gamins.

Le groupe vient de déposer les sacs devant une très belle bâtisse ancienne, un corps de ferme parfaitement rénové et entretenu.

– Où est la piscine ? Y’a même pas de piscine !

Nour fait le tour du site sans attendre qu’on l’y invite. Dans la pâture derrière la ferme, quelques roulottes sont disséminées.  Ça pue moins qu’une vache, songe la jeune fille, mais il en faut plus pour lui rendre sa bonne humeur : pas la moindre

34

piscine, pas même un jacuzzi, visiblement pas de restaurant. Elle va vraiment gaspiller de précieux jours de vacances dans cet endroit minable ?

– Bonjour Nour ! Enchanté !

Devant elle se tient un homme tout en rondeur : son ventre, ses joues, son crâne, son sourire !

– Je me présente, je suis monsieur Kanral, le directeur de ce camp. Bienvenue parmi nous !

Nous allons rejoindre les autres, si tu le veux bien.

Non, Nour ne « le veut pas bien », mais bizarrement, elle ne s’oppose pas à la guimauve qui se tient devant elle. L’homme pose sa main sur son épaule, et ne la lâche que pour monter sur une petite scène située dans la cour aménagée de la ferme.

Il est entouré par quatre autres adultes aux allures très différentes. Tout de suite, Nour est séduite par l’élégante femme qui se tient à sa

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 35

droite. Il n’y a peut-être pas que des péquenauds finalement ! À côté d’elle, un homme vêtu d’un pantalon et d’un haut large en lin, les bras ouverts, les paumes de main tournées vers le ciel, affiche un sourire béat.

Le directeur du centre se présente maintenant comme « la quintessence de l’esprit positif qui va tous nous animer ». C’est quoi ce délire ? songe Nour et elle n’est pas la seule !

– Il ne vous reste plus qu’à vous installer, conclut-il. Awa, Lili-Rose, Gustave et Cassoce vont vous indiquer dans quelle roulotte vous logez.

– C’est pas Cassoce, mais Cossouce, corrige l’animateur.

Nour, qui n’écoutait plus le discours du directeur, est rappelée au moment présent avec violence : genre, elle va dormir dans une roulotte ?

36
La colo des Cafoutus

– Venez, annonce Lili-Rose, nous allons vous appeler par groupe de six, pour chaque roulotte.

Et en plus à six ?

– J’exige immédiatement mon rapatriement sanitaire ! hurle la jeune fille.

Dommage pour elle, tous les adultes semblent soudainement parfaitement sourds. Seule sa voisine, une fille de son âge, tellement débraillée que Nour se demande si c’est un look qu’elle se donne volontairement, lui lâche dans un soupir :

– Ça ne te consolera pas, mais AUCUN de nous n’a envie d’être là…

En effet, non, ça ne la console pas. Les autres n’ont jamais été le problème de Nour, ce n’est pas maintenant que ça va changer. Si ses parents l’ont cru, c’est bien dommage pour eux et leur argent.

Il faut peu de temps aux animateurs pour former

1, où l’on
chemin ! 37
Jour
se met en

La colo des Cafoutus

des groupes de six. Ils les répartissent dans les quatre roulottes.

– La cinquième sera la nôtre, annonce LiliRose.

Sacs plus ou moins volumineux à l’épaule, ils ne sont que cinq à monter dans la roulotte baptisée « Clafoutis du bonheur » (beurk).

Sandro sent l’énervement qui le gagne : il est avec Arielle, la saleté de gamine qui lui a piqué son chocolat. Elle n’a que huit ans et déjà une impressionnante force de nuisance ! Heureusement, il est aussi avec la jolie fille, Nour. Elle ne se prend pas pour n’importe qui, mais lui non plus n’est pas

n’importe qui ! Il parait que la colo, c’est le super plan pour un premier baiser… Enfin pour ça, faudrait juste qu’il attire son attention, parce que là, elle fixe l’autre gars, Léo.

38

En effet, Nour a compris que Léo a la vanne facile. Tant mieux s’ils sont dans le même groupe, il va falloir de l’humour pour survivre à ce camp pourri. Léo, lui, tape sur l’épaule du troisième garçon, Kilian.

– Moi c’est Léo, annonce-t-il. Super ta blague sur le quai de la gare ! Faire croire au contrôleur que ces guignols t’avaient kidnappé !

– Mais c’était pas une blague, réplique Kilian.

Nul doute que Léo aurait cherché à en savoir plus si un cri strident de Nour n’avait pas déchiré l’air (et les tympans de ses camarades).

– Y’a même pas de prise électrique ! Comment je vais recharger mon téléphone ?

Ce qui suscite immédiatement l’étonnement de ses camarades. Arielle fait le tour des lieux.

Jour 1, où l’on se met en chemin ! 39

– Y’a même pas d’ampoule, je dors pas dans le noir, moi ! panique-t-elle.

Mais l’angoisse de la benjamine est le cadet des soucis.

– Comment ça se fait que t’as un portable, c’est interdit ! s’énerve Sandro, pas parce que Nour a enfreint le règlement, non… parce qu’elle a enfreint le règlement sans se faire prendre, elle. Lui avait caché son téléphone dans sa trousse de toilette et a prétendu être parti sans, mais cette fouine de Gustave l’a trouvé.

Nour hausse les épaules et finit par lâcher :

– J’en ai pris deux, c’était ça le bon plan.

Elle pose son sac sur le lit inoccupé puis lance un regard circulaire :

– Il est clair que ce lit est aussi pour moi, il me faut au moins cela pour ranger mes affaires.

40
La colo des Cafoutus

Pas un ne la contredit. Kilian, Léo et Sandro car ils sont subjugués par tant de force de caractère (et de beauté…). Arielle car elle est trop occupée à lui piquer un tube de rouge à lèvres pailleté.

41

La colo des Cafoutus

Chère Mamie,

Je suis arrivé à l’endroit que papa et maman appellent ma colonie de vacances mais qui ne ressemble pas du tout à ça. Je ne peux pas te dire que je suis bien installé, parce que je ne suis pas installé du tout. Il n’y a rien, nous sommes dans la nature, sûrement entourés de bêtes sauvages et dangereuses. Je n’ai jamais prétendu que je voulais participer à Koh Lanta, je ne sais pas pourquoi les parents m’ont inscrit là.

Je crois sérieusement qu’ils ont voulu m’éloigner d’eux parce qu’un jour, j’ai dit que tu étais la meilleure personne sur cette Terre, et maman a haussé les épaules, et papa lui a dit : « C’est vrai que ma mère est gentille », et maman a ricané et papa a soupiré :

« C’est pas parce que tu ne l’aimes pas que notre fils ne peut pas l’aimer ». Et maman a dit : « N’empêche que ta mère est une enquiquineuse » (elle a utilisé un

42

mot pire mais je ne veux pas te l’écrire). Et ils se sont disputés à cause de toi et moi puis papa a dit que t’étais souvent pénible, c’est vrai.

Je suis certain que ce soir, ils dînent au restaurant en amoureux.

Ils se sont débarrassés de moi comme ils veulent se débarrasser de toi : parfois ils disent que tu serais bien dans une maison de retraite.

Voilà mamie, je me retrouve en vacances pourries parce que maman ne t’aime pas. Ne trouves-tu pas cela injuste ? Si oui, viens me chercher en douce, on prendra la fuite à deux et je m’occuperai de toi comme il faut…

Victor qui trouve que tu es la meilleure !

PS : j’espère que je n’ai pas écrit de travers, on n’a

même pas de lumière.

1, où l’on
!
Jour
se met en chemin

Cet été, dans la colo des cafoutus, il y a : Kilian le menteur, Nour l'égoïste, Sandro le colérique, Arielle la voleuse, Léo l'insolent, Zélie qui ne se lave pas.

Ça va vraiment être sympa...

Des romans qui chatouillent et qui picotent !
www.fleuruseditions.com MDS : FS82184 12,95 € TTC France
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.