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La colo des Cafoutus

Gustave semble tenir la distance. Et deux autres animateurs les attendent à l’arrivée. Et surtout, ce sont encore des gamins, c’est normal qu’ils s’amusent ! Un mensonge, c’est pas très grave…

Gustave la tire de ses réflexions :

– Il en manque un.

Awa ne comprend pas : Gustave tient un café dans chaque main, et ils sont deux à en boire.

– Il manque un gosse ! Je viens de les recompter en revenant, réflexe professionnel, précise-t-il en gonflant le poitrail, et il en manque un.

Sa voix en sourdine tranche avec le contenu qu’elle délivre.

– Tu crois qu’on l’a laissé sur le quai ? s’inquiète Awa.

– Non, ils sont tous montés. Et le train ne s’est pas arrêté. Pas encore en tout cas… Il est donc à bord.

Mesdames, messieurs, votre train arrive en gare de Montargis dans deux minutes. Attention à la marche en descendant du train ! Le ton est différent, mais c’est bien la voix du contrôleur-cow-boy du départ…

– Qu’est-ce qu’on fait ? panique Awa.

– On ne panique pas, lui répond Gustave. Soulignons son sens de l’à-propos, sans nous attarder non plus : la situation est grave, cette fois pour de vrai.

– Qui n’est pas là ?

Awa a parlé tout bas mais une voix de fille lui répond derrière le dossier du fauteuil :

– C’est la meuf qui a refusé de dire au revoir à sa mère, qui porte des baskets qui valent au moins trois cents balles et qui s’est levée au bout de deux minutes, balance Enora. Je lui ai dit qu’elle allait quand même pas aller pisser dès le départ, elle m’a répondu… un truc que je ne peux pas répéter, je suis trop polie pour ça.

Les deux monos se retournent en même temps, leurs épaules se frôlent, ça déconcentre Gustave mais pas longtemps. Il a tout de suite identifié la jeune fille manquante : c’est Nour.

Pas une seconde à perdre !

– On part chacun dans un sens, on va forcément la voir ! propose Gustave.

Awa valide le plan. Quand le train s’immobilise, elle sent l’angoisse monter. Tant pis, elle change de stratégie. Elle saute sur le quai : si Nour descend, elle la verra. Sauf que…

1. De nombreux passagers ont eu la même idée (même s’ils ne descendent pas pour les mêmes motifs, on est d’accord).

2. Awa ne sait pas à quoi ressemble la fugitive !

Le directeur lui avait envoyé un trombinoscope et quelques notes sur chacun, il avait insisté : elle devait s’en « imprégner » avant le départ. Mais elle a préféré s’imprégner d’une dernière soirée avec ses amis. Elle aurait tout le temps du train pour lire le document et le retenir…

Coup de sifflet du contrôleur qui la sort de ses pensées :

– Mademoiselle, le train va repartir !

In extremis, Awa remonte à bord, une boule au ventre : la fine silhouette qui vient de passer à travers la fenêtre de la porte ne serait pas…

– Je l’ai retrouvée !

OUF (Ouf ouf ouf même !). Awa est tellement soulagée qu’elle tarde à demander où était la fugitive.

– Elle s’était installée en première classe, soupire Gustave.

– Comment ça… en première ?

– Ben oui, en première, lui répond Nour d’une voix blasée.

Cette grande ado maquillée poursuit :

– Et encore, j’ai pas eu de place isolée, il a fallu que je supporte l’haleine de mon voisin…

Awa n’en revient pas… Nour enchaîne :