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CUISINER ÉCORESPONSABLE : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

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GAGNANT ?

GAGNANT ?

Faire plaisir à ses clients tout en faisant du bien à la planète, c’est possible avec la cuisine écoresponsable ! Une démarche par laquelle tout restaurateur peut agir pour réduire son impact sur l’environnement.

oin de la vision austère

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Lqu’on peut s’en faire, la cuisine écoresponsable n’ôte rien à la satisfaction des clients, ni à la convivialité des repas, ni au plaisir de cuisiner du chef, ni… au chiff re d’affaires. Bien au contraire! Pour Vincent Dantonel, cofondateur de Framheim, une startup de l’économie sociale et solidaire qui conseille les restaurateurs et délivre le label Restaurant engagé antigaspi, «avec la cuisine écoresponsable, le restaurateur continue de remplir son rôle et de faire plaisir à sa clientèle, mais en cherchant à limiter son impact sur l’environnement et le climat».

Le process et le produit

Par cuisine écoresponsable on entend à la fois le process et le produit, de l’amont –l’origine des ingrédients alimentaires– à l’aval – les déchets. « On part généralement de la poubelle, pour remonter toute la chaîne», explique Vincent Dantonel. Mais il ne faut pas avoir peur: « Il est tout à fait possible d’entrer dans une démarche écoresponsable par un bout et de s’engager petit à petit. L’important, c’est la prise de conscience. C’est parfois une question de génération. Les jeunes chefs sont plus sensibles aux enjeux environnementaux,mais la démarche intéresse tout le monde. La preuve, les 300 restaurants que nous avons déjà labellisés sont de tous types ! » L’enjeu est de taille. Selon les chiff res du Grenelle de l’environnement, la restauration commerciale produit environ 400 000 tonnes de déchets par an, soit une moyenne de 9 tonnes par établissement. Et les contraintes réglementaires se multiplient : obligation de mettre en place des solutions pour lutter contre le gaspillage à partir de 10 tonnes de biodéchets par an (étendue à tous les restaurants en 2025), large interdiction des objets en plastique à partir de 2020 et 2021…

L’avis de Denis Clolus, franchisé du Promocash de Dax

« Nos clients sont sensibilisés à l’écoresponsabilité, dans tous les types de restauration. Ils sont de plus en plus nombreux à rechercher des emballages biodégradables et à vouloir éliminer le plastique. Mais, pour certains, le surcoût reste un frein, notamment pour les produits bios, car ils ne peuvent pas toujours répercuter celui-ci sur leurs prix de vente. »

Écoresponsable sans le savoir ?

Mais lorsqu’on est devant ses fourneaux, cuisiner écoresponsable est-il aussi facile que l’affirment ses promoteurs? Ghislain Gresse a repris, il y a deux ans, le Café Bichette situé en plein cœur du vieil Annecy, un quartier qui fourmille de touristes… et de restaurants. Il ne revendique pas une cuisine écoresponsable à proprement parler et n’a sollicité aucun label. Pourtant, il en applique certains principes: «J’ai choisi de proposer une cuisine de saison, avec des produits bios autant que possible,

une cuisine à la fois fraîche, ludique et diététique. Le restaurant compte 60 places et réalise environ 130 couverts par jour.» La carte est très éclectique pour répondre aux attentes variées des touristes: «Nous proposons des poke bowls, qui satisfont les végétariens, de la viande, du poisson, des burgers, des tartines, des plats chauds, comme la tartiflette maison –un classique savoyard– et les pâtes bios de Bichette. Les poke bowls bios sont un peu notre carte de visite et, la première année, nous ne servions pas de viande. Mais je me suis vite rendu compte qu’on ne pouvait pas faire que du poke à Annecy. Cela ne convient pas à tout le monde. D’où la diversification de la carte.» Celle-ci est variée, mais les références sont courtes: trois viandes, deux poissons, trois tartines, cinqburgers… Un bon moyen d’éviter la dispersion et le gaspillage, tout en offrant du choix aux clients. «C’est vrai, confirme Vincent, raccourcir sa carte limite le gaspillage et donc les déchets. On sait mieux ce qui marche et ce qui marche moins. Et nous conseillons de faire des menus à la semaine ou au mois, pour ajuster en permanence.»

Priorité au local

Autre choix de Ghislain: privilégier le bio, la provenance locale et les circuits courts. «La plupart de nos fruits et légumes sont bios. C’est le cas aussi de l’épicerie, où le bio n’est pas beaucoup plus cher. En revanche, c’est plus difficile sur la viande, où les écarts de coût ne permettent pas de tenir les prix.» La provenance locale est également privilégiée, de même que le cycle des saisons. La mozzarella est fabriquée avec du lait de vache de Haute-Savoie, la viande vient d’un abattoir savoyard, un fournil local produit un pain bio cuit au feu de bois, et ainsi de suite… Quelques produits viennent toutefois de plus loin, comme le thon, le saumon ou l’avocat, indispensables aux poke bowls. «J’ai bien envisagé de remplacer le saumon par de la truite, mais ça n’a pas vraiment pris», regrette Ghislain.

Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas!

«Les ingrédients d’une assiette écoresponsable sont effectivement les circuits courts, le recours à des produits locaux et de saison, l’utilisation de produits bios, ainsi qu’un mode de cuisson économe en énergie», approuve Vincent Dantonel. Reste la question des déchets. Pour Vincent, la réponse passe avant tout par la réduction de leur volume. Comme le proclame le site de Framheim, «le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas». Pour cela, il existe des solutions, comme l’ajustement des portions à la consommation réelle des clients, le choix d’une carte plus courte et le respect par les équipes d’un certain nombre de bonnes pratiques. Et la démarche en la matière commence toujours par une analyse détaillée… des poubelles: contenu, origine des déchets, volumes, coûts, etc.

Ghislain Gresse,

propriétaire du Café Bichette

DES DOGGY BAGS POUR TOUS MES CLIENTS

«Les portions de mes poke bowls sont généreuses, et il arrive que les clients ne parviennent pas à les terminer. Aussi, j’ai décidé de leur proposer systématiquement des doggy bags, sans attendre qu’ils le demandent. C’est un geste naturel pour les jeunes, mais c’est moins évident pour les convives plus âgés. Le fait de le proposer leur évite une demande qui n’est pas dans leurs habitudes. Au restaurant, nous n’avons pas entrepris de démarche spécifique de réduction des déchets à la source, mais nous avons la chance de bénéficier du dispositif de recyclage mis en place par le Grand Annecy. Les résidus organiques sont triés et stockés dans des seaux adaptés, et collectés trois fois par semaine pour être transformés en engrais ou en énergie.»

Vincent Dantonel,

cofondateur de Framheim

DES ÉCONOMIES À LA CLÉ

«La cuisine écoresponsable est un moyen d’être en phase avec les attentes d’un nombre toujours plus important de clients. Au départ, il y a un investissement, notamment en termes de temps et de changements d’habitudes. Mais il y a des économies possibles à la clé, en particulier au regard de la réduction des déchets ou des consommations d’énergie. Or une économie, même de 20 centimes par couvert, ça peut faire beaucoup à la fin de l’année… »

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