Extrait Autonomiser un petit habitat

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Autonomiser un petit habitat

Des systèmes

low-tech pour une autonomie durable

Les 7 systèmes

La

Sommaire

Introduction

Les low-tech ou basses technologies sont un ensemble de techniques simples, pratiques, économiques et accessibles. Elles intègrent souvent le recyclage de machines récemment obsolètes et privilégient la simplicité, l’adaptation aux besoins réels, la réparabilité et la durabilité.

Il ne s’agit pas simplement de remplacer une technologie par une autre en conservant les mêmes habitudes, mais plutôt d’adopter une approche plus résiliente, locale et respectueuse des ressources. Cela implique de repenser nos besoins essentiels, de favoriser des solutions sobres et réparables, et d’encourager des dynamiques collectives basées sur le partage, la mutualisation et la réutilisation. L’enjeu dépasse donc la seule dimension technologique : il s’inscrit dans une transformation plus large de nos modes de vie, tournée vers la sobriété et l’autonomie.

Partout dans le monde, des alternatives lowtech émergent en s’inspirant de savoir-faire ancestraux ayant fait leurs preuves en matière d’efficacité, de durabilité et de simplicité. Des techniques traditionnelles de conservation des aliments, comme la fermentation, le séchage ou la lactofermentation, redeviennent des alternatives pertinentes aux réfrigérateurs énergivores. De même, l’architecture bioclimatique, qui privilégie les matériaux locaux et s’adapte aux spécificités climatiques, s’appuie sur des principes connus bien avant l’ère du béton et de la climatisation.

Ce retour aux « techniques de grand-mère » ne signifie pas un rejet du progrès, mais plutôt

une réappropriation de connaissances souvent oubliées enrichie par les avancées contemporaines afin de répondre aux défis actuels. L’enjeu est de conjuguer héritage du passé et innovations modernes pour concevoir des solutions adaptées et durables.

Ce livre constitue le troisième volume de la collection « Résiliences » dédié aux low-tech. Le premier volume, Objets low-tech du quotidien (2021), proposait des solutions simples à mettre en œuvre, y compris en milieu urbain.

Le deuxième, Objets low-tech et énergies directes (2023), explorait des solutions permettant d’exploiter directement l’énergie solaire, éolienne et hydraulique pour un usage domestique. Ce troisième tome propose au lecteur de concevoir et d’installer des systèmes low-tech afin de rendre son habitat plus autonome.

QUI SOMMES-NOUS ?

Nous sommes un couple d’artisans et designers, et à travers l’association Chemins de Faire, nous œuvrons pour sensibiliser aux low -technologies et transmettre les gestes de fabrication. Nous sommes convaincus que réapprendre à fabriquer et à comprendre les objets qui nous entourent est une étape essentielle vers une vie plus autonome.

Les low-technologies, en particulier en Occident, sont souvent perçues comme rudimentaires et peinent encore à séduire un large public. Pourtant, elles constituent des solutions précieuses pour accompagner la transition vers

un mode de vie plus durable. Pour favoriser leur adoption au quotidien, le rôle du designer est essentiel : il s’agit de les rendre à la fois fonctionnelles, esthétiques et désirables.

Du design à la low-tech

Nos parcours respectifs nous ont amenés à interroger notre rapport à la production et à la consommation. Alizée, formée au design d’intérieur à l’École Boulle et au design textile à Londres, possède une expertise approfondie des matériaux et de leurs usages. Yoann, designer de produit formé à Olivier de Serres (ENSAAMA) et artisan du cuir, a contribué à l’ouverture de plusieurs ateliers partagés. En 2015, il a participé à l’expérience POC21, un projet de design open source, où il conçoit en équipe un ensemble de modules de cuisine sobres et entièrement low-tech. Cette exploration d’un design open source et utile a profondément influencé sa démarche créative.

Dès la fin de nos études, nous ressentons le besoin de rompre avec les schémas traditionnels de production et de conception. Nos expériences en agences, en bureaux d’études et en studios de design nous amènent progressivement à interroger le rôle du designer dans une société en mutation. Sensibles aux enjeux écologiques et sociaux, nous militons pour une approche plus douce des technologies et pour la transmission des savoir-faire essentiels, notamment auprès des plus jeunes, afin de favoriser leur autonomie.

Nos projets prennent forme en collaboration avec des structures telles que le Low-tech Lab et la communauté des fab labs, nous immergeant dans l’univers des low-technologies. Nous sommes convaincus qu’aujourd’hui le rôle du designer est là : rendre désirable ces solutions alternatives, afin de les intégrer pleinement dans un mode de vie plus résilient et durable. À cette période de notre vie, nous étions encore citadins, vivant dans un appartement du xviii e arrondissement de Paris. Pourtant, nous ressentions de plus en plus un décalage entre notre mode de vie et les valeurs que nous

Chemins de faire : un studio de design nomade parcourant les routes de France.

défendions au quotidien. Ce constat nous a poussés à opérer un changement radical : nous avons transformé un ancien camion de pompier autrichien en une petite maison sur roues et sommes partis explorer des initiatives alternatives.

Pendant quatre ans, nous avons sillonné les routes à la rencontre d’artisans, d’inventeurs et de projets innovants, nourrissant ainsi notre réflexion sur les technologies alternatives. Cette vie nomade nous a offert l’opportunité d’expérimenter au quotidien des low-tech adaptées à l’habitat mobile, en mettant à l’épreuve leur efficacité, leurs limites et leur impact sur notre autonomie.

L’association Chemins de Faire

En 2019, nous créons l’association Chemins de Faire et transformons l’ancienne motopompe de notre camion en un véritable atelier mobile. Nous y installons un ensemble d’outils manuels, des matériaux et de la quincaillerie, créant ainsi un espace de fabrication autonome et accessible.

Grâce à cet atelier itinérant, nous avons la liberté d’aller directement à la rencontre de publics variés, y compris ceux qui n’auraient pas forcément accès à ce type d’initiatives. Nous animons des ateliers pratiques pour apprendre à utiliser les outils de travail du bois et du métal, avec l’objectif de repenser notre rapport à la consommation à travers la fabrication et la réparation. L’intégration de systèmes low-tech dans nos formations permet de croiser apprentissage manuel et sensibilisation à un mode de vie plus résilient et durable.

Le dispositif itinérant, camion et remorque atelier.

La machine Singer convertie en combiné multi-outils.

L’intérieur de l’atelier itinérant.

Dans notre atelier mobile, une machine Singer convertie en combiné multi-outils occupe une place centrale. Cette machine nous permet de travailler de manière autonome, partout où nous allons, en limitant notre consommation électrique et en valorisant une forme d’énergie souvent négligée : celle du corps. Cette conversion est détaillée dans le livre Objets low-tech et énergies directes de la collection « Résiliences ».

Depuis 2015, notre terrain de recherche s’est concentré sur l’utilisation de l’énergie corporelle pour faire fonctionner des machines. Nous avons eu l’opportunité de développer des systèmes pour divers usages : la cuisine, l’atelier, les espaces verts, et même la production d’électricité. Cette recherche est mise à l’épreuve régulièrement dans le cadre d’ateliers de prototypage. L’association est souvent sollicitée pour encadrer ces ateliers, qui ont donné lieu à des réalisations concrètes tels qu’un robot de cuisine à pédale pour une collectivité, un broyeur à déchets verts pour un tiers-lieu rural, des outils pour une ferme urbaine, ou encore des machines utopistes créées avec des étudiants en école de design.

Pour plus de détails ou pour soutenir les actions de l’association, vous pouvez consulter notre site web www.cheminsdefaire.fr

Aujourd’hui, notre atelier mobile circule principalement dans la région Occitanie. Nous avons choisi de nous établir en Ariège, dans un fond de vallée, au pied des montagnes espagnoles. Nous aménageons un espace où nous installons un atelier fixe pour pouvoir continuer nos expérimentations autour des low-technologies dans un cadre plus sédentaire. Cela nous permet de mener des tests sur le long terme et de concevoir des systèmes plus grands et plus complexes. Certaines des low-technologies que nous avions testées sur le camion, comme celles utilisant l’énergie solaire directe, ne nous ont pas pleinement satisfaits. En miniaturisant ces systèmes pour les rendre facilement transportables, nous avons constaté un rendement insuffisant. La mobilité représente une contrainte importante dans ce contexte, ce qui nous pousse à tester ces solutions dans un cadre plus stable et adapté.

Notre recherche sur les machines musculaires, lancée pendant notre itinérance avec la remorque, se poursuit désormais dans un cadre fixe, avec un dimensionnement adapté aux nouveaux besoins. L’objectif de cette installation est d’explorer comment mettre en place une série de systèmes capables de rendre un bâtiment existant de plus en plus autonome. Nous cherchons à tester des solutions pratiques et durables pour réduire la dépendance énergétique et améliorer l’autosuffisance du bâtiment, en intégrant l’énergie du corps comme source d’alimentation pour diverses fonctions. Notre vie de nomade n’est cependant pas complètement derrière nous. Nous avons toujours l’envie de prendre la route plusieurs mois par an, afin de nourrir nos réflexions à travers de nouvelles rencontres, découvertes et ateliers en itinérance. Ce voyage continue d’être une source d’inspiration et d’apprentissage, nous permettant d’enrichir notre pratique et de partager nos idées avec des personnes et des projets engagés.

CONTEXTE D’EXPÉRIMENTATION

En 2021, nous décidons d’entamer une sédentarisation partielle. Nous cherchons un lieu qui nous permettrait de conserver les luxes offerts par la vie itinérante. Nous voulions être entourés de nature, nous offrir une vue à contempler durant la journée, profiter d’un ciel sans pollution lumineuse la nuit et vivre dans un environnement sans nuisances sonores.

Nous avons décidé d’orienter nos recherches vers des granges d’estive, dont l’emplacement et les conditions d’accès répondaient à de nombreux critères importants pour nous. Le 15 février 2021, nous avons eu un coup de cœur pour un lieu en moyenne montagne, offrant une vue à couper le souffle. Cet endroit est devenu le cadre idéal pour démarrer notre expérimentation de petit habitat autonome, un espace où nous pourrions allier nature, autonomie et exploration des low-technologies.

Il s’agit d’une grange de 60 m 2 au sol, avec un abri de vacher accolé, le tout situé sur un terrain de 6 000 m 2, orienté plein sud, face à la chaîne des Pyrénées. Le terrain est envahi par des ronces, favorisant l’émergence d’une forêt naissante. Le bâtiment est ouvert entièrement sur la façade est, les propriétaires précédents avaient déjà décaissé le fumier et retiré l’ancien solivage, révélant ainsi un grand volume intérieur. De nombreux matériaux de construction ont déjà été apportés. Bien que nous aurions probablement fait des choix différents, la difficulté d’approvisionnement étant ce qu’elle est, nous considérons cela comme une véritable aubaine. Le toit est en tôle, sans isolation pour le moment, ce qui laisse la charpente à nu et permet d’envisager l’implantation de nos systèmes low-tech dès la phase d’aménagement.

Nous avons passé la première année à débroussailler le terrain, planter des arbres et inventorier tout ce qui pouvait nous être utile dans la grange, dans l’objectif de démarrer un chantier d’autonomisation low-tech du bâtiment.

Ce terrain de recherche est idéalement situé à 30 minutes de notre atelier de village, ce qui nous permet d’expérimenter facilement les systèmes que nous développons pour favoriser l’autonomie énergétique d’un habitat. Cette proximité nous offre la possibilité de tester, ajuster et affiner nos solutions sur le terrain, tout en restant connectés à notre base de travail pour une mise en pratique continue.

LOW-TECH ET AUTONOMISATION

ÉNERGÉTIQUE

Dans le futur, nous pourrions être amenés à vivre dans des environnements plus hostiles ou déconnectés des réseaux existants. Il est donc intéressant d’explorer les low-tech permettant de produire son énergie, de collecter et de traiter l’eau de pluie pour des besoins fondamentaux tels que boire, se chauffer, cuisiner et se laver. Ces solutions offrent une précieuse

autonomie, nous préparant aux défis climatiques et sociaux à venir. Elles nous donnent les moyens de vivre de manière résiliente et indépendante, en réduisant notre dépendance aux infrastructures traditionnelles et en renforçant notre capacité d’adaptation.

L’envie d’autonomie est en vogue, mais il est important d’être réaliste lorsqu’on parle de ce terme. Nous préférons parler d’« autonomisation » par rapport à un système plutôt que d’autonomie pure. En effet, être autonome impliquerait d’être capable de produire soimême l’ensemble des ressources nécessaires à la vie et au développement : produire sa nourriture, ses outils, les matériaux de construction, etc., sans jamais acheter ou récupérer d’éléments produits par d’autres. Dans la réalité actuelle, être totalement autonome semble aujourd’hui impossible.

Pour donner un exemple, installer des panneaux solaires pour produire de l’électricité ne permet pas d’être totalement autonome, car nous restons dépendants des panneaux euxmêmes pour générer cette électricité. De plus, nous ne sommes pas en mesure de fabriquer un panneau solaire sans recourir à des matériaux qui, eux-mêmes, proviennent de l’industrie. Cependant, installer des panneaux solaires permet de s’autonomiser vis-à-vis des fournisseurs d’électricité et d’accéder à certains conforts offerts par l’énergie électrique, même dans un lieu isolé. Cela inclut des fonctions essentielles comme l’éclairage, la possibilité de charger de petits appareils ou de faire fonctionner une pompe. Ainsi, bien que l’autonomie totale ne soit pas atteinte, ces solutions contribuent à une plus grande indépendance.

Dans un lieu isolé, fabriquer et installer des systèmes low-tech permet d’adapter la technologie à ses besoins et favorise leur entretien. L’utilisation de ces technologies simples et durables est particulièrement bénéfique dans ce contexte, car elle réduit la dépendance aux systèmes complexes et coûteux, tout en offrant une solution plus résiliente et facile à maintenir sur le long terme.

Isolation de la toiture avec les matériaux présents sur place.

Percée dans la face nord pour réaliser une ouverture.

Et si la réponse aux crises énergétiques se trouvait dans la simplicité ? À l’heure où les ressources s’épuisent et les factures explosent, la low-tech propose des solutions concrètes, durables et accessibles pour tendre vers une autonomie et une sobriété énergétique. Dans cet ouvrage, les auteurs partagent leur expérience et livrent 7 systèmes low-tech à fabriquer soi-même : panneau solaire thermique, chauffeeau, poêle bouilleur, citerne à eau de pluie, bain norvégien, chauffe-bain, chauffe-air solaire… des installations essentielles pour se laver, se chauffer ou capter l’eau de pluie sans pétrole ni dépendance énergétique, chaque projet est expliqué pas à pas et pensé pour être durable et réparable. Illustré, pratique, engagé, ce livre est bien plus qu’un manuel : c’est une invitation à repenser nos modes de vie pour bâtir des habitats résilients, humains et écologiques.

Alizée Perrin et Yoann Vandendriessche sont artisans designers et fondateurs de l’association Chemins de Faire. Sensibles aux enjeux écologiques et sociaux, ils militent pour une approche plus douce des technologies et pour la transmission des savoir-faire essentiels. Après avoir sillonné les routes à bord de leur camion atelier et expérimenté au quotidien des low-tech adaptées à l’habitat mobile, ils se sont installés en Ariège et ont aménagé un atelier tout en poursuivant des interventions itinérantes dans la région Occitanie. Ils sont les auteurs d’Objets low-tech du quotidien – Fabriquer blender à pédale, frigo du désert, germoir… (2021) et Objets low-tech et énergies directes (2023). cheminsdefaire.fr

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