

RÉSISTANTES, FACILES À CULTIVER, ET ADAPTÉES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE


Xavier Mathias
RÉSISTANTES, FACILES À CULTIVER, ET ADAPTÉES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Xavier Mathias
100 ESPÈCES ET VARIÉTÉS SAVOUREUSES POUR DIVERSIFIER VOS CULTURES
Un potager à l’heure du changement 9
La fiche plante, mode d’emploi 17
Ail éléphant 22
Ail rocambole 23
Amarante à feuilles 24
Arroche pourpre 25
Bardane cultivée 26
Betteraves 27
Bettes à cardes rouges 28
Bettes-épinards 29
Bourrache officinale 30
Bourrache orientale 31
Brède mafane 32
Canna comestible 33
Capucine tubéreuse 34
Cardons 35
Carottes 36
Cerfeuil musqué 37
Cerfeuil tubéreux 38
Chayotte 39
Chénopode bon-Henri 40
Chénopode géant 41
Chervis 42
Chou à grosses côtes 43
Chou vivace Daubenton 44
Chou de Bruxelles ‘Rubine’ 45
Choux kale 46
Ciboule de Chine 47
Citronnelle de Madagascar 48
Claytone de Cuba 49
Concombre arménien 50
Concombre des Antilles 51
Concombre du Sikkim 52
Courge de Siam 53
Courge éponge 54
Courge ‘Jack Be Little’ 55
Cresson de jardin 56
Crosne du Japon 57
Curcuma 58
Cyclanthère explosif 59
Épinard d’Asie 60
Ficoïde glaciale 61
Gingembre mioga 62
Glycine tubéreuse 63
Grande capucine 64
Grande passerage 65
Griffe du diable 66
Haricot à rames
‘Phénomène’ 67
Haricot kilomètre à rames 68
Haricots d’Espagne 69
Hémérocalles 70
Huacatay 71
Igname de Chine 72
Laitue radichetta 73
Larmes de Job 74
Liane de Madère 75
Maceron 76
Mauve de Mauritanie 77
Melon vert d’Espagne
‘Piel de Sapo’ 78
Mélothria 79
Mertensia ou plante huître 80
Morelle de Balbis 81
Navets 82
Oca du Pérou 83
Œillet estragon 84
Oignon patate 85
Oseille épinard 86
Panais 87
Pastèque ‘Moon and Stars’ 88
Patates douces 89
Per-cel ou parcel 90
Pérille de Corée 91
Le « mystère » Physalis 92
Cerise de terre 93
Coqueret du Pérou 94
Plante fromage 95
Poire de terre 96
Poire-melon 97
Poireau perpétuel 98
Pois de cœur 99
Poivre d’eau 100
Poivre des moines 101
Pommes de terre 102
Pourpier cultivé 103
Radis ‘Red Meat’ et ‘Green Meat’ 105
Radis blancs Daïkon 104
Radis serpent 106
Raifort 107
Roquette vivace 108
Salsifis 109
Sauge ananas 110
Sauge cassis 111
Scorsonères 112
Shiso 113
Slaouis 114
Souchet comestible 115
Tétragone cornue 116
Tomate bleue ‘Osu Blue’ 117
Tomates en arbre 118
Tournesol géant 119
Triquètre 120
Tulbaghia violacea 121
Verveine citronnelle 122
« — Tout change, ma bonne dame. — Mais pas nos potagers, pour l’essentiel », pourrions-nous ajouter.
Imaginez mon plaisir, pour moi qui ai toujours cultivé en bio, que soit votée la loi Labbé qui nous débarrasse de l’affreuse chimie de synthèse et l’interdise, au moins pour les particuliers et les collectivités1. Ce fut un énorme pas. Néanmoins, probablement faut-il aller plus loin. « S’appuyer sur la diversité » est un des 10 principes de la permaculture. Or, cette recommandation — qui a pourtant toutes les apparences d’une évidence — est moins suivie que ce que nous imaginons. En fait, en se montrant un peu sévère, on peut être surpris que, finalement, bien des potagers ne diffèrent guère des étals de supermarché, on y retrouve souvent les mêmes espèces et des variétés similaires. Et pourtant, de combien de trésors méconnus recèle le vaste monde des plantes alimentaires ? Il est tellement tentant d’en présenter quelques-unes, cette évocation nous rappelant combien le règne végétal nous pousse à toujours plus de modestie : nous le méconnaissons tant ! On pourra d’ailleurs insister sur l’importance des espèces en plus de celle des variétés. On peut cultiver 100 variétés différentes de tomates, mais si l’été est frais et humide, le résultat sera décevant. Multiplier les espèces, ajouter des physalis aux tomates par exemple, c’est dire le rang taxonomique au-dessus des variétés, c’est aussi un gage de réussite supplémentaire : espèces et variétés, l’une ne va pas sans l’autre. Le changement climatique, la raréfaction des insectes, particulièrement pollinisateurs, le rejet massif de l’emploi de la chimie de synthèse sont autant de bonnes raisons de se pencher sur cette diversité à portée de main ou de semoir. Quelle chance finalement, puisque cette curiosité nous permet, qui plus est, de nous régaler. C’est donc à une promenade gourmande que nous convient toutes les espèces et les variétés encore trop peu communes dans nos jardins. Comment ne pas insister sur ce bouleversement climatique et cette météo capricieuse qui l’accompagne ? Comment faire face autrement qu’en changeant nos habitudes, nos cultures, notre façon de voir ? Il y a plus difficile, reconnaissons-le, quand de ce changement découle un véritable régal dans notre cuisine du quotidien.
Cultiver la diversité n’est pas seulement l’occasion de faire le malin, de chercher à se distinguer à tout prix. Devant la multiplicité d’espèces potagères que j’aime présenter, on m’a souvent demandé si j’étais collectionneur. Surtout pas ! C’est tout le contraire, en fait. Ce qui fait la valeur d’une collection, c’est de posséder ce que l’autre n’a pas. Ce qui fait la valeur d’un potager où espèces et variétés sont nombreuses, c’est qu’à leur tour, d’autres les aient. N’allons pas imaginer que ce soit uniquement par altruisme, c’est aussi par humilité et intérêt. En fait, je suis bien conscient d’être à la merci de nombreux aléas, qu’ils soient personnels ou météorologiques, et que d’une année sur l’autre, je ne suis pas certain de parvenir à les maintenir toutes. Est-ce un problème si je sais chez qui, autour de moi, je peux retrouver la belle qui m’aura échappé ?
C’est pour cette raison qu’il est important d’apprendre, au-delà de les cultiver et de les cuisiner, à les multiplier — pour soi et pour les autres. C’est ainsi que se crée un petit réseau informel de jardiniers passionnés avec qui les échanges sont rapidement incessants.
On dit que si « on naît jardinier, on meurt apprenti », rien n’est plus vrai avec cette diversité potagère. Qu’importe avoir telle ou telle espèce peu commune si je ne sais pas la cultiver ? Là encore, l’humilité est le premier gage de réussite. Il faut apprendre et apprendre encore. C’est une bonne surprise, l’apprentissage n’est-il pas l’apanage de la jeunesse ? Nous sommes en formation continue dans nos potagers et, la diversité étant presque infinie, nous savons en commençant que jamais nous ne finirons d’apprendre. Ce constat ne concerne que la partie émergée de l’iceberg, la partie immergée, encore plus vaste, est sous nos pieds, c’est la terre de nos potagers. Ainsi, si nous n’en finissons pas d’apprendre avec les plantes potagères, que dire de la vie de nos sols ? C’est à un double mystère auquel nous nous confrontons volontairement et dans la joie de la découverte. Jacques, ce paysan qui m’a tant et tant appris, avait coutume de dire quand je voulais essayer une nouvelle espèce ou une nouvelle méthode : « Tout ce que tu risques, c’est que ça marche ! » Rien n’est plus vrai. Il est exact que parfois ça ne donne pas les résultats escomptés, mais à partir du moment où je n’ai pas employé cette chimie de synthèse, qui flétrirait ma terre et y serait rémanente pour des années et des années, je n’aurais perdu qu’un bien modeste investissement, le temps passé étant l’essentiel.« On n’invente rien au potager, on redécouvre. » Effectivement, il suffit de feuilleter quelques ouvrages pour s’apercevoir que ce que nous venons de découvrir a souvent déjà fait l’objet d’études, de notes, voire d’écrits. Ainsi, c’est aussi en s’appuyant sur le travail déjà accompli et en y ajoutant nos propres observations, parfois un peu à contre-courant de ce qui a été écrit, que progressivement, on se familiarise avec ces espèces souvent injustement méconnues.
Abeille sur bourrache blanche.
N’allons pas croire qu’il s’agisse d’une sinécure de les cultiver, bien au contraire. Prenons l’exemple de la poire de terre Cochet (cf. p. 96).
Cette fabuleuse astéracée fut introduite en Europe au xixe siècle pour venir en renfort d’une solanacée en prise avec un redoutable pathogène.
C’est en effet suite aux terribles dégâts causés par le mildiou sur les pommes de terre que fut retenue l’idée de retourner dans les Andes chercher de nouveaux tubercules nourriciers. L’illustre Weddell, à l’origine de cette introduction, ne pouvait pas se douter, puisque ce coléoptère n’était pas encore arrivé sur le vieux continent, qu’en plus d’être insensibles au mildiou, les poires de terre n’intéresseraient pas les doryphores. Voilà ce qu’on peut retenir de la poire de terre : ni mildiou, ni doryphore, ni quoi que ce soit, du reste. Résumons la situation, du côté des maladies et des ravageurs : RAS ! Rien à signaler donc, elles ne craignent aucun pathogène. Autrement dit, ne redoutant rien, les planter égale les récolter. Bien sûr, leur rendement sera variable en fonction du soin apporté au sol et de la météo, néanmoins, le succès est garanti. Comment ne pas la cultiver alors ? Est-ce à dire qu’ayant le plaisir d’avoir dans notre potager une telle championne, nous allons cesser de cultiver des pommes de terre ? Certainement pas. « Avec et pas sans » : cultiver les unes ne se fait pas au détriment des autres, mais de façon complémentaire, comme une chance supplémentaire d’avoir un potager généreux.
Était-il possible d’imaginer, au début de l’aventure potagère, que les plantes alimentaires recelaient tant de merveilles ? On peut s’attarder sur toutes ces couleurs que la terre semble dérober à nos yeux et que seule la bêche fait remonter à la surface. Comment se douter que les carottes ou les betteraves puissent à ce point être multicolores ?
Comment imaginer que les bien chétives et étonnantes racines fasciculées du chervis soient à ce point un régal de finesse ? Une des plus extraordinaires surprises tient sans doute à une céréale très consommée en Asie du Sud-Est, Coix lacryma-jobi, les larmes de Job. Les graines de cette céréale sont traversées par la tige. Quand ces dernières sont mûres, elles sont percées à l’axe comme on aurait pu le faire avec un foret. Il ne nous reste plus qu’à les traverser avec un fil rigide pour en faire colliers et bracelets, en s’émerveillant de la singularité de chaque graine, comme si elles avaient été patiemment peintes à la main.
Pouvais-je imaginer que j’en ferais mon métier ? Retournons quelques années en arrière, à une époque où les agriculteurs bio passaient pour de doux rêveurs, quand ils n’étaient pas tout simplement conspués ou moqués. Non seulement il s’agissait de culture bio mais en plus de légumes et, qui plus est, d’une gamme de légumes encore méconnus, qu’il s’agisse de jeunes pousses, de tubercules étranges ou de racines colorées. Le principe était simple, c’est celui que j’applique désormais à plus petite échelle dans mon potager : pour profiter pleinement de la diversité, il faut aussi avoir les essentiels. Ainsi, haricots verts, laitues ou petits radis trouvent-ils toujours bonne place dans mon jardin. Commercialiser ces légumes une fois récoltés générait néanmoins une frustration pour les clients qui les acquéraient. Nombre d’entre eux avaient un jardin, donc l’envie de les cultiver à leur tour. C’est pour répondre à cette demande qu’au printemps nous commercialisions bon nombre des espèces cultivées en plants avec une précision — à chaque fois qu’était vendu un de ces plants extraordinaires, au sens propre, la consigne était simple : nous vous les vendons une fois et c’est la dernière. Ces espèces sont reproductibles à l’identique, contrairement aux hybrides F1 qui dominent le marché. À vous de jouer maintenant et d’accomplir le cycle complet, du semis ou la plantation jusqu’à la reproduction. Quel plaisir de savoir par avance qu’on ne vendra qu’une seule fois une espèce ou une variété, à nous d’en trouver chaque fois des nouvelles pour les années suivantes. Est-il besoin de préciser que les petites nouvelles ne manquaient pas ?
Il est magique de ne pas savoir à l’avance qui nous allons ravir. En premier lieu, nous pensons à nous, c’est bien naturel, car finalement… qui ne serait pas tenté par la saveur délicatement aillée d’une ciboule plutôt extraordinaire aux feuilles plates, la ciboule de Chine ?
Cultivons-la pour la cuisine pour commencer, et surtout, laissons-nous prendre par la main par cette alliacée. En été, c’est une surabondance de ravissantes fleurs blanches en clochettes qui nous conforte dans notre choix : elle est incroyablement belle, autant ornementale qu’alimentaire. Ses fleurs admirables sont, de plus, délicieuses et, au moment d’en récolter quelques-unes, comment ne pas marquer l’arrêt ? C’est une vraie sarabande d’insectes pollinisateurs qui s’ébattent sur les fleurs, comme si tous nos compagnons du jardin s’y étaient donné rendez-vous. C’est alors en prenant bien garde de ne pas les déranger que nous en cueillons un peu, surtout pas plus que nécessaire, partageons ! On pourrait multiplier et multiplier encore les exemples. On pense tout naturellement aux pollinisateurs, mais songeons aussi à ces souches de plantes vivaces qui sont autant de refuges à la mortesaison pour les insectes hivernants. Bien sûr, certains de ces invités sont un brin sans-gêne et oublient de partager, notamment les rongeurs et leur insatiable appétit. Néanmoins, dans un potager où la diversité règne en maître, il y en a toujours suffisamment pour tout le monde.
Il n’y a pas si longtemps, nos malheureux légumes se voyaient attribuer un rôle de second plan, tout juste bons à accompagner viandes et poissons. Or, sous l’impulsion conjointe de grands chefs cuisiniers et de maraîchers bio soucieux de diversifier leur production, les légumes ont eu l’heur de retrouver les feux des projecteurs. Est apprécié qu’ils soient de saison, locaux, cultivés naturellement et surtout… bons.
J’ai eu le plaisir de longtemps travailler avec ces grands chefs. Or, s’ils étaient intéressés par cette nouveauté, il est un point sur lequel ils ne transigeaient jamais : le goût. La saveur est en fait la base de la sélection qui suit, l’objectif n’est pas d’être original à tout prix, mais bien d’apporter un vrai plus en cuisine. C’est ainsi que, propulsée sur le devant de la scène par ces créateurs cuisiniers, la diversité maraîchère s’est répandue.
Nous n’étions par exemple que quelques rares maraîchers dans les années quatre-vingt-dix à cultiver ces courges ou ces tomates bigarrées que l’on retrouve maintenant largement distribuées, un peu dénaturées par une sélection variétale orientée vers la production de masse, il est vrai.
On peut déplorer une perte de qualité, mais surtout se réjouir de ce changement de statut des légumes. On semble s’apercevoir de leur valeur, de leur incroyable polymorphie, bien que le chemin qui mène à une meilleure connaissance de leur diversité soit à peine emprunté.
N’ayant aucune contrainte économique de résultat dans nos potagers, à la différence des professionnels, il est finalement aisé de s’aventurer un peu au pays de ces espèces et variétés encore méconnues.
Nous ne sommes astreints ni au rendement ni à la commercialisation : faisons-nous plaisir !
On peut conclure sur une aussi paradoxale qu’excellente nouvelle : il manque tellement d’espèces et de variétés dans les pages qui suivent !
Cet ouvrage n’en recense en effet qu’une centaine qui nous permettent de diversifier nos jardins comme notre cuisine, mais à nous de nous montrer curieux et de continuer notre quête. Cultivons, au sens propre du terme, la différence, continuons d’expérimenter et, bien sûr, de réussir. Toutes ces tentatives, quel que soit leur résultat, ne seront jamais vaines. Pour commencer, nous accueillerons, hébergerons ou nourrirons du nectar de leurs fleurs nos indispensables compagnons au jardin, mais nous favoriserons aussi les échanges avec d’autres jardiniers.
Dans les potagers ou lors de fêtes des plantes, les rencontres sont toujours au rendez-vous pour qui s’intéresse à cette diversité et est autant en quête de graines ou de plants que d’informations à leur sujet. Quel plaisir finalement que de se sentir toujours apprenti, démuni ou empli d’un savoir fraîchement acquis face à toutes ces plantes si simples d’apparence. Rien ne vaut d’être parfaitement conscients que nous n’en finirons jamais de découvrir. Ainsi, chaque année, tentons, expérimentons et souvenons-nous : « Tout ce que tu risques, c’est que ça marche ».
Le spectaculaire ail rocambole avec ses caïeux aériens, le cerfeuil musqué au goût délicat d’anis, la poire de terre résistante au mildiou, le chou vivace Daubenton, les betteraves aux multiples couleurs et saveurs… Découvrez 100 espèces et variétés de légumes pleines de promesses pour cultiver la différence dans votre potager. Xavier Mathias, ancien maraîcher bio, met en avant des variétés savoureuses, résistantes aux aléas climatiques et aux maladies, idéales pour préserver la biodiversité et gagner en autonomie alimentaire. Fort de ses 30 ans d’expérience, il partage son enthousiasme pour ces plantes faciles à cultiver. Osez la diversité potagère… car le seul risque, c’est que ça fonctionne !