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Actualités artistiques
from #3 Mai 2019
« je vois rouge » - Bojina Panayotova
« Ordures rouges ! » Bojina Panayotova a du mal à poser sa voix sur les slogans des manifestants anticommunisme de Sofia, capitale de la Bulgarie, pays communiste de 1954 à 1990. Pourtant elle n’est pas au parti communiste. Ses parents et ses grands-parents y ont adhéré jadis, comme la plupart des familles Bulgare de l’époque. Rien de très particuliers ici. Mais de cette histoire singulière et en même temps si commune à ce pays, elle va réaliser un documentaire « Je vois rouge ». Elle y aborde le sujet délicat des secrets de famille et du devoir de mémoire sur cette période sombre de la Bulgarie. Ayant quitté son pays pour la France à l’âge de huit ans et ayant étudié à la Fémis, elle va filmer, pendant six mois, ses grands-parents et ses parents, au moment où le pays autorise la réouverture des dossiers de la police secrète. Sa famille a-t-elle tenu un rôle dans les renseignements ? Ses parents et ses grands-parents ayant eu des métiers en lien avec l’étranger dans un pays à l’époque très fermé sur l’extérieur. Elle va les pousser à demander l’ouverture de leur dossier. Filmant toutes les étapes de son enquête avec son téléphone, elle nous emmène dans sa ville natale, auprès de ses proches en filmant toutes leurs conversations. Qu’elle soit en voiture, par skype, dans un café. Elle nous plonge au sein de son monde en nous faisant part de ses doutes, de ses peurs face à cette enquête qui risque de créer des tensions dans sa famille. Parfois filmant des scènes dignes de fiction, elle nous partage son histoire personnelle avec courage et subtilité. A voir.
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Pauline Colon
une rencontre avec Toutankhamon
Ce mois-ci, l’équipe de DH a décidé de vous emmener sur les traces du plus célèbre pharaon de l’Egypte ancienne. Cinquantedeux ans après la première exposition sur Toutânkhamon qui avait réuni plus d’un million de visiteurs, la grande Halle de la Villette à Paris nous offre la possibilité de venir s’immerger dans ce monde mystérieux du 23 mars au 15 septembre 2019. L’exposition, qui s’effectue en petit groupe, commence à l’intérieur d’une salle sombre où nous est contée l’histoire de Toutânkhamon et d’Howard Carter dont les destins sont étroitement liés. En effet, Toutânkhamon est né vers 1345 av J-C, fils d’Akhénaton, il arrive au pouvoir alors qu’il n’est âgé que de 9 ans et décède subitement à 19 ans. Tous ses successeurs se mettent en quête d’effacer sa trace et sa tombe reste introuvable jusqu’en 1922. Année durant laquelle Howard Carter découvre son tombeau dans la Vallée des Rois et permet de faire connaître son nom dans le monde entier. A la fin du récit, ce sont de lourdes portes qui s’ouvrent et nous permettent d’admirer une centaine d’œuvres réparties en cinq salles que nous franchissons pour découvrir le périple du pharaon. A la mort de Toutânkhamon, les prêtres emplissent son tombeau de tous types d’objets qui pourraient lui servir dans le monde de l’au-delà. Ce sont donc de grandes malles de bois, d’or et d’ivoire que nous pouvons observer, de somptueux vases en calcite, des bijoux ornés de pierres précieuses. Des miniatures de bateaux que le Pharaon utilisait pour voguer sur le Nil sont mis à notre disposition. On remarque également que de nombreux garde-nourriture de toutes formes sont présents dans le tombeau. Cependant, pour accéder au nouveau monde, Toutânkhamon doit avant tout passer les portes du monde des morts, 12 portes pour les 12 heures de la nuit, chacune est pourvue d’un garde qui prend une forme effroyable de serpent, de crocodile. Il nous est alors possible de naviguer entre de magnifiques arcs composites, des boucliers et quelques armes qui devaient uniquement servir pour les cérémonies. De nombreuses statuettes, notamment celle à tête de chacal sont exposées, ainsi que l’une des plus célèbres : l’une des deux statues à taille humaine qui gardait le tombeau, visible pour la première fois dans son entièreté et hors du grand musée d’Egypte. De même, nous trouvons de part et d’autre de nombreux objets de grandes valeurs. L’exposition, qui se munie de nombreuses créations uniques, nous mène dans l’Egypte antique et dans le monde de ce roi qui nous transporte, pour quelques instants, hors du temps.
Agathe Ballèvre
à la découverte de la performance
« Art indéfinissable », « origines floues » comment décrire cet art traversant des multitudes de disciplines artistiques ( danse, théâtre, arts visuels, plastiques…) sans jamais pouvoir se catégoriser dans un genre, un registre en particulier. L’origine même de la performance est imprécise. Il serait possible qu’elle trouve sa source dans la pratique de rituels ancestraux. Cependant la performance artistique tel que connu aujourd’hui apparaît à la fin des années 50, et découle des mouvements avant gardiste du début du XXème siècle ( futurisme, dadaïsme…). La performance est une pratique, un acte réalisé dans un cadre spatio-temporel précis défini par un ou des artistes utilisant des moyens d’expression, des supports, des techniques diverses et variées. Quelques exemples permettront de mieux entrevoir l’univers de la performance. Esther Ferrer en est l’une des pionnières. Dans Le chemin se fait en marchant, elle trace avec du scotch un chemin à travers la ville. Cette action établit un rapport permanent entre le corps, l’espace et la pensée. Dans Rite, pièce conçue par Florence Paeke, trois danseuses réinterprètent le Sacre du printemps de Stravinsky. Elles plongent leurs corps nus dans un sol rempli d’argile humide et s’y débattent jusqu’à devenir objet. La relation entre le mouvement et la matière tient une place importante dans cette performance.
notre expérience au CND
Durant le troisième semestre, nous avons participé au cours d’art plastique proposé par Réjane Lhote autour de la thématique du mouvement et de la trace laissée par un geste conscient, au Centre National de la Danse à Pantin. Guidés par la danseuse-chorégraphe Céline Dauvergne, nous avons redécouvert le mouvement, la matière et l’espace sous un angle plus sensible. Tout au long du semestre, chaque groupe a construit une performance à partir d’un endroit du CND. Deux des groupes ont travaillé le passage d’une dimension à l’autre : l’un a matérialisé ce passage par des bandes de scotch traversant plusieurs cadres d’un espace; l’autre a utilisé le corps, les reliefs des murs et les graphismes du sol comme transition entre les dimensions. Un troisième groupe a souligné le caractère oppressant du foyer des danseurs en frappant les murs de béton avec des chiffons mouillés et en créant un rythme sonore faisant écho à la répétition des piliers. Cette expérience a été très enrichissante. A travers la performance, nous avons pu mieux comprendre la relation entre les notions de corps, espaces, et temps : notions que l’on retrouve aussi en architecture.
Lucia Inza
rouge
la foule attirée vers le «rouge» au Grand Palais
Depuis le 20 mars, c’est la révolution au Grand Palais avec son exposition: “Rouge: Art et utopie au pays des Soviets”. Comme dans toute épopée révolutionnaire, des obstacles vous feront face, comprenez-ici que cette exposition attire les foules, il vaudra mieux donc s’armer de patience ou réserver en ligne. Mais accrochez-vous, camarades ! Cette expo en vaut la chandelle.
Articulée par une trame à la fois chronologique et thématique, l’exposition débute sur l’étendue des conséquences de la révolution d’octobre de 1917 sur l’art. De la littérature, jusqu’au théâtre en passant par les objets du quotidien, à partir de 1917, c’est toute une société, ses codes et l’existence des personnes qui se retrouvent bouleversés. En terme d’art et d’architecture, on en aura pour son argent: Esquisses de scénographies théâtrales, de projets architecturaux, sans compter les nombreuses affiches de propagandes d’abord au pochage puis par photomontages (pas à l’ordi, hein, à la main) et enfin les peintures qui illustrent les différents virages que prennent les mouvances artistiques. On y retrouve des artistes comme Rodtchenko, Malevitch, Klutsis etc. Plusieurs parties de l’expo sont dédiées à l’architecture Étant considéré comme l’art qui touche au plus près les moeurs, chacun essayera de faire passer son idée (le Corbusier lui même). Notamment auprès des maisons communautaires, l’ancêtre du logement social, qui promeut l’entraide communautaire et doit accueillir plusieurs centaines de personnes. Dans ces organismes, la restauration, par exemple, se fait en communauté, chacun apporte son aide pour faire vivre le gigantesque foyer. La représentation de l’architecture en URSS est le miroir de la politique qui s’y déroule pendant les différentes phases du parti.
L’exposition se termine sur une touche âpre, celle de la main-mise totale de Staline sur tous les arts, quels qu’ils soient. L’aspect pratique des constructions jusqu’alors envisagées est effacé par le désir d’impérialisme et d’étalage de la grandeur supposée de l’URSS. Moscou est représentée en ville monumentale, tout doit être plus grand, plus fort. Les nouveaux projets sont d’ordre colossal, ils fusent pour moderniser la ville au plus vite. L’électricité, le métro, le grand canal, tout est bon pour montrer la nouvelle force du pays quoique celui ci ne soit un tantinet trop ambitieux. La peinture quand à elle s’astreint à la mystification des hommes et surtout des dirigeants marquant alors la perte de toutes les initiatives et innovations artistiques entamées dans les années 20.