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de architectura

les Tours Nuages : Emile Aillaud

« L’Utopie Sociale des Tours Nuages : Emile Aillaud et la Poétique de l’Angle-Courbe »

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Discrète par leurs finesses, remarquables par leurs hauteurs, elles ont suivi de leurs « yeux de verre » l’impressionnante métamorphose du quartier d’affaire de La Défense. Les gratte-ciel de la Cité Pablo Picasso, plus communément appelés Tours Nuages, sont le chef d’œuvre poétique tardif de l’architecte français Emile Aillaud (1902- 1988). Située sur une parcelle irrégulière à la topographie escarpée du sud de la commune de Nanterre (Haut de Seine), les Tours Nuages regroupent un ensemble de 1606 logements collectifs réunis en 18 tours au volume elliptique de hauteur variée allant du R+8 au R+19. Déjà tributaire de nombre d’Habitats Collectifs labellisés « Patrimoine du XXème » comme l’« Abreuvoir » à Bobigny (1956- 1960), « Les Courtillières » à Pantin (1958) ou encore « La Grande Borne » à Grigny (1967-1972), les « Tours Aillaud », construites entre 1974 et 1981, captivent par leurs formes effilées et organiques le regard du passant contemplatif. Une œuvre architecturale empreinte de Post-Modernisme qui s’est hissée à contre-courant de la Charte d’Athènes et de son « rival » chef de file Le Corbusier en réinterprétant le concept de tour d’habitation pour donner vie à une composition où les voiles béton des façades agrémentées d’une parure polychromique en mosaïque de l’artiste Fabio Rieti entrent en dialogue intime avec le ciel. De son plan prenant la forme de nuages aux ouvertures rétrofuturistes variées rappelant les feuilles du parc André Malraux qui les jouxtent, les Tours Nuages sont aussi le fruit d’une réflexion sur l’espace urbain et les Grands Ensembles. Une volonté, d’une part, d’augmenter ostensiblement l’espace extérieur paysager par la densification verticale et d’autre part, d’intégrer un parcours ou le cheminement urbain serpentozoïde, ponctué d’œuvres sculpturales conçues par Laurence Aillaud, qui permet la création de véritables « espaces évènements ». Animé par l’inébranlable idéal humaniste de donner confort et échelle domestique au logement social de masse tout en œuvrant à « conjuguer l’intérieur et l’extérieur », l’architecte Emile Aillaud a, contre les dogmes établis de l’époque, tenté de s’émanciper de l’orthogonalité, et de la monotonie de la période en prônant « l’art de la courbe » comme dispositif clé de la réalisation de son utopie. Une utopie protégée qui risque pourtant d’être considérablement défigurée dans les règles de l’art par le projet de réhabilitation porté par Cogedim et l’agence lauréate RVA. Si « le vent se lève » parmi habitants et architectes pour tenter de stopper avec véhémence le massacre, les « Yeux des Tours », impassibles et majestueux, garderont, eux, silencieusement, dans le reflet de leur future prosaïque prison d’Inox, la mémoire et la mélancolie d’un passé coloré et radieux.

Vincent Richard du Perron

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